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Relégué aux oubliettes ou toujours vivant? : la place du Québec dans la stratégie de marketing électoral du Parti conservateur du Canada de 2006 à 2011

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Relégué aux oubliettes ou toujours vivant?

La place du Québec dans la stratégie de marketing électoral du

Parti conservateur du Canada de 2006 à 2011

Mémoire

Samuel Pineault-Desrosiers

Maitrise en communication publique

Maitre ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Peu de recherches en marketing politique se sont intéressées à la sélection des territoires (provinces, États, régions) ciblés par les partis politiques en période électorale. En analysant les déplacements de Stephen Harper et les plateformes électorales du Parti conservateur du Canada (PCC) lors des trois dernières élections fédérales, nous vérifions si les provinces ciblées sont celles qui détiennent le plus de circonscriptions de type champs de bataille.

Malgré certaines nuances, le PCC cible davantage les provinces qui comptent le plus de champs de bataille. Toutefois, les champs de bataille perdus aux élections précédentes prédisent plus précisément quelles provinces seront ciblées dans les efforts de communication électorale. Lorsque le PCC contrôle plus de la moitié des circonscriptions d’une province, il semble confier la campagne aux exécutifs provinciaux. Enfin, le Québec semble détenir une place particulière dans la stratégie conservatrice, indépendamment du faible nombre de circonscriptions où le parti est compétitif.

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Abstract

A limited body of work in political marketing research has focused so far on the selection of territories (provinces, states, regions) targeted by political parties during election periods. By analyzing Stephen Harper’s appearances and the election platforms of the Conservative Party of Canada, we wanted to know if the targeted provinces were those that held the largest amount of battleground ridings.

Our analysis reveals that, indeed, the CPC targets provinces that contain the most battlefields. However, this finding should be nuanced. For instance, lost battlegrounds are the most important ridings in the development of a strategy and more effectively predict targeted provinces. Also, when the CPC controls more than half of the constituencies in a province, the national executive appears to entrust its regional campaign to the provincial executive. Finally, Québec seems to hold a special place in the conservative strategy, regardless of its limited share of battleground ridings.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des figures ... ix

Liste des tableaux ... xi

Liste des abréviations et des sigles ... xiii

Remerciements ... xv

Introduction ... 1

Chapitre 1 – Cadre historique, théorique et conceptuel ... 5

1.1 De la contestation à l’institution : la droite au Canada, de 1987 à 2003 ... 5

1.2 De la précarité à la majorité, 2004 à 2011 ... 7

1.3 Le marketing politique, la segmentation et le ciblage ... 12

1.4 Les particularités canadiennes et le régionalisme au Canada ... 15

1.5 Les typologies des partis politiques ... 17

Chapitre 2 – Question de recherche ... 21

Chapitre 3 – Méthodologie de recherche ... 25

Chapitre 4 – Les circonscriptions électorales canadiennes ... 33

4.1 Compte-rendu des résultats électoraux des conservateurs par province ... 33

4.1.1 Les provinces de l’Ouest et les territoires ... 33

4.1.2 Les provinces du centre ... 35

4.1.3 Les provinces de l’Est ... 36

4.2 Les champs de bataille conservateurs ... 38

4.2.1 Les champs de bataille en 2004 ... 39

4.2.2 Les champs de bataille en 2006 ... 41

4.2.3 Les champs de bataille en 2008 ... 42

4.3 Conclusion ... 44

Chapitre 5 – Les déplacements de Stephen Harper ... 45

5.1 Le type de circonscriptions visitées par le PCC ... 45

5.2 Zones prioritaires d’interventions... 46

5.3 Zones secondaires d’interventions ... 49

5.4 Conclusion ... 51

Chapitre 6 – Les plateformes électorales conservatrices ... 53

6.1 La structure des plateformes ... 53

6.2 Les types d’énoncés ... 55

6.3 Les enjeux et les sujets couverts... 56

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6.4.1 Zones prioritaires d’interventions ... 58

6.4.2 Zones secondaires d’interventions ... 61

6.5 Les fonctions des citations ... 63

6.6 Conclusion ... 65

Chapitre 7 – Quels types de stratégies pour quelles provinces? ... 67

7.1 Élection de 2006 ... 69

7.2 Élection de 2008 ... 69

7.3 Élection de 2011 ... 70

7.4 Retour sur l’hypothèse ... 70

Conclusion ... 73

8.1 Un problème de communication qui persiste ... 74

8.2 Les limites ... 76

Bibliographie ... 81

Annexe A : Guide du codeur – Analyse de contenu des plateformes électorales ... 89

Annexe B : Données du chapitre 4 ... 93

Type de circonscriptions selon la province et l’élection ... 93

Annexe C : Données du chapitre 5 ... 97

Type de circonscriptions visitées* par Stephen Harper, 2006-2011 ... 97

Provinces visitées par Stephen Harper, 2006-2011 ... 97

Annexe D : Données du chapitre 6 ... 99

Type d’énoncés selon l’année ... 99

Type de références aux provinces selon la plateforme et l’élection ... 100

Fonction des références directes aux provinces selon l’élection ... 102

Annexe E : Données du chapitre 7 ... 105

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Liste des figures

Figure 1 : Pourcentage des circonscriptions du Parti conservateur du Canada dans les provinces de

l’Ouest et dans les territoires ... 34

Figure 2 : Pourcentage des circonscriptions du Parti conservateur du Canada dans les provinces du centre ... 35

Figure 3 : Pourcentage des circonscriptions du Parti conservateur du Canada dans les provinces de l’Est ... 37

Figure 4 : Type de circonscriptions selon les élections ... 38

Figure 5 : Type de circonscriptions visitées par Stephen Harper ... 46

Figure 6 : Déplacements de Stephen Harper dans les zones prioritaires d’interventions, 2006 et 2008 ... 48

Figure 7 : Déplacements de Stephen Harper dans les zones prioritaires d’interventions, 2011 ... 48

Figure 8 : Déplacements de Stephen Harper dans les zones secondaires d’interventions, 2006 et 2008 ... 50

Figure 9 : Déplacements de Stephen Harper dans les zones secondaires d’interventions, 2011 ... 51

Figure 10 : Plateformes de 2006 (gauche) et 2008 (droite) ... 54

Figure 11 : Plateforme de 2011 ... 55

Figure 12 : Les types d'énoncés selon les élections ... 56

Figure 13 : Références aux provinces des zones prioritaires d’interventions dans les plateformes, 2006 et 2008 ... 60

Figure 14 : Références aux provinces des zones prioritaires d’interventions dans les plateformes, 2011 ... 60

Figure 15 : Références aux provinces des zones secondaires d’interventions dans les plateformes, 2006 et 2008 ... 62

Figure 16 : Références aux provinces des zones secondaires d’interventions dans les plateformes, 2011 ... 62

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Nombre et pourcentage de circonscriptions détenues par les conservateurs selon la

province, après les élections de 2011 ... 12

Tableau 2 : Enjeux, sujets et sous-sujets des plateformes électorales ... 31

Tableau 3 : Nombre et pourcentage de champs de bataille conservateurs en 2004 ... 40

Tableau 4 : Nombre et pourcentage de champs de bataille conservateurs en 2006 ... 42

Tableau 5 : Nombre et pourcentage de champs de bataille conservateurs en 2008 ... 43

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Liste des abréviations et des sigles

AC : Alliance réformiste conservatrice du Canada BQ : Bloc québécois

CMP : Comparative Manifesto Project MOP : Market-oriented party

NPD : Nouveau parti démocratique

PPC : Parti progressiste-conservateur du Canada PCC : Parti conservateur du Canada

PLC : Parti libéral du Canada POP : Product-oriented party PVC : Parti vert du Canada SOP : Sales-oriented party

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Remerciements

Il est difficile d’envisager la somme de travail à investir dans un mémoire avant de débuter, tout comme il est impossible d’embarquer dans cette aventure sans un directeur passionné. Le soutien et l’intérêt qu’a portés Thierry Giasson à ce projet sont aussi importants que ses connaissances et les conseils qu’il m’a offerts tout au long de mon cheminement. Son enthousiasme et sa disponibilité ont été une source de fierté et de motivation pour moi.

Je dois aussi remercier quelques professeures associées au Groupe de recherche en communication politique, plus particulièrement Guylaine, Pénélope, Colette et Mireille, qui ont su faire avancer ma pensée beaucoup plus qu’elles ne le croient.

Le GRCP c’est aussi une équipe d’étudiants passionnés qui comprennent mieux que quiconque les embuches qu’un étudiant-chercheur peut rencontrer. Un merci spécial à Catherine, Mikaël, Audrey et Martin qui furent d’excellents guides.

Merci à mes parents et à mes amis qui étaient là quand j’avais besoin de décompresser, qui me posaient des questions et qui acceptaient mes réponses, même les plus confuses. Particulièrement Sarah, Catherine B. et François. Ma sœur, je tiens à te dire que tu es un modèle.

Pour son appui, son intérêt, son amour, ses suggestions, sa motivation, sa compréhension sa fierté et son dévouement, je ne peux souligner assez l’importance cruciale de ma chérie, Marie-Pier, sans qui ce travail n’aurait jamais eu la forme qu’il a – et c’est pour cela que je te garde le dernier paragraphe.

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Introduction

Depuis l’élection du 2 mai 2011, le Québec ne semble plus détenir la balance du pouvoir à Ottawa. Par le passé, un parti fédéral n’obtenant pas un appui significatif du Québec pouvait difficilement espérer remporter un mandat majoritaire (Hébert, 2007 : 203; Wells, 2013 : 48). Le Québec semble aussi avoir perdu plus que ça. Pour certains conservateurs et journalistes, Stephen Harper aurait complètement tourné le dos à la province, ne lui accordant plus d’importance dans sa stratégie de conquête électorale. Peter White, président de l’association conservatrice de Brome-Missisquoi, publie, moins d’un an après les élections de 2011, une lettre ouverte dans laquelle il dénonce l’absence du Québec lors des sorties publiques du premier ministre : « since the election of May 2, 2011, many Quebec observers have concluded that Mr. Harper has consciously decided to ignore Quebec, now that he has convincingly demonstrated that he can win a majority without it » (2012 : 1).

Le sentiment du Québec d’être mis de côté revient périodiquement depuis le scrutin de 2008. Les conservateurs avaient, pour la deuxième élection de suite, remporté seulement dix circonscriptions, malgré une stratégie orientée une fois de plus vers le Québec (Ellis et Woolstencroft, 2009). À l’aulne des résultats de 2008, certains observateurs politiques (Kheiriddin, La Presse, 2008; Jury, Le Droit, 2008; Cloutier, La Tribune, 2008) ont affirmé que le Québec avait résolument tourné le dos au Parti conservateur du Canada et que, peut-être, ce dernier ne lui accorderait plus la même importance que naguère.

Effectivement, plusieurs journalistes, au tournant de 2008 et au début de 2009, ont affirmé que, de plus en plus, une stratégie ontarienne se dessinait et qu’elle se développait au détriment du Québec (Olivier, Le Nouvelliste, 2008; Marissal, La Presse, 2009; Néron, Le Quotidien, 2009). Le Québec n’apparaissant plus comme la pierre angulaire d’une victoire majoritaire, il est probable que les stratèges politiques conservateurs aient décidé de s’intéresser à un autre segment de l’électorat canadien pour construire et consolider leur majorité parlementaire.

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Il y aurait donc eu un changement de stratégie important entre les élections de 2008 et celles de 2011. Constatant que le Québec n’a pas assuré le mandat majoritaire, que les résultats plafonnaient (toujours dix circonscriptions sur soixante-quinze) et que la stratégie québécoise n’avait qu’une portée limitée, Stephen Harper aurait tenté de gagner un mandat majoritaire sans l’appui du Québec et ainsi faire mentir les croyances historiques. De plus, certaines personnes à l’intérieur du parti — provenant principalement de l’ancienne Alliance canadienne — commençaient à s’impatienter et souhaitaient que les conservateurs changent de moyens (Wells, 2006 : 141; Ellis et Woolstencroft, 2009; Hébert, 2007 : 55). Ce changement de stratégie s’est avéré payant, car entre les élections de 2006 et de 2011, le Parti conservateur passa de 40 à 73 sièges en Ontario (sur un maximum de 106). L’Ontario, et plus précisément l’agglomération métropolitaine de Toronto, serait devenu la cible des stratégies conservatrices au détriment du Québec.

L’un des postulats du marketing politique affirme qu’une formation politique ne parle pas à tous les électeurs. Elle s’adresse plutôt à des segments électoraux spécifiques et ciblés, et tente de les convaincre en faisant abstraction d’autres segments jugés moins pertinents dans le cadre de leur stratégie (Flanagan, 2010; Giasson et al., 2012; Huang et Shaw, 2009). Cependant, est-ce qu’un parti tente de rejoindre des segments dans toutes les provinces du pays? Ainsi, est-ce qu'un parti politique établit son offre électorale pour essayer d'avoir une représentation nationale, ou ciblera-t-il plutôt certaines provinces pour remporter la victoire? Notre intérêt sur ces stratégies régionales porte sur la manière dont Stephen Harper a considéré le Québec avant et pendant les élections de 2006 (Ellis et Woolstencroft, 2006; Flanagan, 2006; Flanagan, 2009; Hébert, 2007; Paré et Berger, 2008; Wells, 2013) et comment, à l’approche des élections de 2011, le Québec serait devenu un territoire électoral moins prioritaire pour le premier ministre conservateur et ses stratèges (Lessard, La

Presse, 2011; White, 2012).

Ce mémoire illustre l’évolution de l’offre et des stratégies provinciales d’un parti politique en période électorale en étudiant deux des plus importantes manifestations de communication politique — les plateformes électorales et les déplacements du chef — du Parti conservateur du Canada, de sa création aux élections de 2011. Il s’amorce par un retour historique sur certains aspects récents de l’évolution de la droite politique fédérale canadienne (sections 1.1 et 1.2) et explique la contribution

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caractéristiques propres au Canada qui favorisent l’essor et le développement du marketing politique comme un moyen viable pour construire une coalition d’électeurs sont ensuite énoncées (section 1.4). La présentation de la question spécifique et de l'hypothèse de recherche (section 2) précède celle de la méthode de collecte de données employée pour mener à bien ce projet (section 3). La dernière partie propose enfin une discussion sur les résultats obtenus et leur signification à la lumière des stratégies électorales (sections 4 à 7).

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Chapitre 1 – Cadre historique, théorique et conceptuel

1.1 De la contestation à l’institution : la droite au Canada, de 1987 à 2003

Le paysage politique canadien s’est considérablement transformé depuis l’élection de 1993 (Bélanger et Stephenson, 2010 : 111; Carty, Cross et Young, 2000; Clarke et al., 2005 : 247; Frizzell et al., 1994 : 1; Nadeau et Bélanger, 2012 : 145). Après la victoire historique de 1984 du Parti progressiste-conservateur (PPC) de Brian Mulroney, et une seconde en 1988 où il réussit à faire élire 63 députés au Québec, le parti, alors dirigé par Kim Campbell, ne remporte qu’une circonscription au Québec et une seule autre au Canada. Le Bloc québécois (BQ), fondé en 1991, gagne 54 des 75 circonscriptions au Québec. Le Parti libéral du Canada (PLC) de Jean Chrétien remporte les élections et prend le pouvoir pour les treize années suivantes, soit pendant trois mandats majoritaires et un minoritaire.

Ce qui propulsa les progressistes-conservateurs au pouvoir causa aussi leur perte : les accords ratés du lac Meech et de Charlottetown1. Ces deux ententes, nées du rapatriement constitutionnel de

1982, avaient laissé de côté le Québec. Brian Mulroney s’était alors donné comme mandat de l’ajouter aux signataires de la constitution canadienne. Toutefois, l’Ouest canadien trouvait que les concessions accordées au Québec étaient trop importantes2. C’est dans ce désaccord que le Parti

réformiste du Canada est né. Voyant le premier accord déraper, un comité propose des modifications qui irriteront certains Québécois du caucus progressiste-conservateur et ces derniers,

1 Aux accords constitutionnels impopulaires, il faut ajouter dans la liste des causes de la déroute

progressiste-conservatrice : la mise en place de la TPS; les négociations pour le libre échange en Amérique du Nord, l’arrivée d’une nouvelle chef – Kim Campbell -, mais l’absence d’une stratégie électorale claire; un mauvais débat contre un Jean Chrétien mieux préparé; une publicité perçue comme malveillante à l’égard du chef libéral; et l’usure de huit années de règne marquées par de nombreux scandales à l’intérieur du parti (O’Shaughnessy, 2002 : 216, Woolstencroft, 1994).

2 Ces cinq concessions étaient : la reconnaissance du Québec comme une société distincte; un droit de véto

aux provinces lors d’amendements constitutionnels ; une limite au pouvoir du fédéral de dépenser et la possibilité, pour une province, de se retirer d’un programme fédéral, avec compensation ; la consultation des provinces lors de la nomination des juges à la Cour suprême ; et une certaine délégation des pouvoirs en

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appuyés par certains députés libéraux, créeront le Bloc québécois en 1991 (Bélanger et Godbout, 2010; Carty, Cross et Young, 2000).

Entre les élections de 1993 et de 1997, deux moments marquent le début des tentatives de rapprochement des factions de la droite canadienne. En 1994, un comité conservateur est formé en Ontario afin d’améliorer la coopération des conservateurs fédéraux et provinciaux (Marland et Flanagan, 2013b : 6-7). Puis en 1996, des partisans de la droite organisent la conférence Winds of

Change, qui se déroule à Calgary afin d’aider au rapprochement des deux camps, mais qui,

finalement, sera boycottée par le PPC (Flanagan, 2009 : 16).

À la suite des élections de 1997, des observateurs politiques pensent que la division du vote favorise les libéraux (Ellis et Woolstencroft, 2004 : 67) et qu’une fusion des partis de droite serait de mise afin de les déloger du pouvoir. Le chef du Parti réformiste du Canada, Preston Manning, décide de modifier l’image de son parti afin de le faire passer d’une institution de l’Ouest canadien à un parti réellement national capable de déloger les libéraux. Toutefois, Joe Clark, de nouveau chef du PPC, refuse de s’associer à ce mouvement (Ellis et Woolstencroft, 2004 : 68). Dès lors, Manning procède à la modification de l’image de marque de son parti et crée l’Alliance canadienne en 2000. Les élections générales sont déclenchées quelques mois plus tard et les résultats des partis de la droite ne s’améliorent pas : l’Alliance canadienne, maintenant dirigée par Stockwell Day, réalise un gain de six sièges, mais les progressistes-conservateurs en perdent huit.

En 2001, des alliancistes dissidents décident de quitter le parti pour siéger comme indépendants en protestation au leadership de Stockwell Day. Ils se nomment le Caucus représentatif démocratique et se rapprochent du PPC. Day cèdera à la pression et organisera une course à la chefferie; Stephen Harper y sera élu chef et ne cachera pas ses intentions de fusionner les deux partis (Marland et Flanagan, 2013b : 8-9). En 2002, c’est au tour de Joe Clark de quitter son poste de chef et le Parti progressiste-conservateur organise lui aussi une course à la chefferie. Peter MacKay promet à David Orchard, un autre aspirant-chef, de ne pas vouloir fusionner en échange que le vote de ses délégués lui soit assuré. Il sera élu chef du PPC le 31 mai 2003 (Johnson, 2005 : 327).

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Nouvellement installé à son poste de chef de l’Alliance canadienne Stephen Harper vit son premier vrai test avec la tenue d’une élection partielle dans la circonscription ontarienne de Perth-Middlesex en 2003, à la suite de la démission de John Richardson, député libéral depuis 1993. Il souhaitait démontrer « what the Alliance could achieve in Ontario » (Flanagan, 2009 : 92). Toutefois, la défaite présenta plutôt la faiblesse marquée des appuis du parti dans cette province. Malgré des efforts importants – Harper s’y déplace cinq fois et d'autres figures notoires y vont aussi –, les alliancistes terminent au troisième rang, avec un moins bon résultat qu'à l'élection générale de 2000; passant de 23,3 % à 17,5 % des suffrages exprimés.

Cette défaite scelle alors le sort de l’Alliance canadienne et du Parti progressiste-conservateur : les négociations entre les deux chefs des formations conservatrices commencent sérieusement au printemps 2003. Il semblerait que MacKay ait signé l’accord avec Orchard seulement pour remporter la course à l’investiture et qu’il était intéressé par la fusion bien avant la chefferie. De plus, les termes de l’entente entre MacKay et Orchard étaient peu populaires au sein du PPC et cela permis à MacKay de modifier sa position sans trop de difficulté (Johnson, 2005 : 327).

Les négociations entre les deux partis se terminent le 16 octobre 2003 lorsqu’ils arrivent à un accord. Ce dernier sera accepté par plus de 90 % des membres des deux partis en décembre (Ellis et Woolstencroft, 2004; Flanagan, 2009 : 97). Le Parti progressiste-conservateur et l’Alliance canadienne deviennent officiellement le Parti conservateur du Canada (PCC) le 12 décembre 2003 et lors de la course à la chefferie tenue les 19 et 20 mars 2004, les membres élisent un premier chef, Stephen Harper.

1.2 De la précarité à la majorité, 2004 à 2011

Lors de la conférence Winds of Change de 1996, Stephen Harper prend la parole et présente ce qu’il considère être la stratégie à suivre pour porter un parti politique de droite au pouvoir. Il affirme que toutes les victoires conservatrices au Canada ont reposé sur l'union de trois sœurs : les conservateurs traditionnels (tories) présents en Ontario et en Atlantique; la droite populiste

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(grassroots populism) de l'Ontario rural et de l'Ouest; et les franco-nationalistes du Québec. Après avoir rallié les deux premières composantes – la droite populiste, lorsqu’il est devenu chef de l’AC, et les tories lors de la naissance du PCC –, la suite logique est de s’attarder au Québec. Toutefois, les élections générales sont déclenchées seulement deux mois plus tard, ce qui laissera très peu de temps de préparation au nouveau parti pour planifier la stratégie québécoise. Tom Flanagan, directeur de campagne pour le Parti conservateur du Canada entre 2004 et 2006, affirme que la présence des conservateurs lors de cette élection n'était que symbolique (2009 : 140) et que ni le matériel de campagne ni les publicités n’avaient été créés au Québec ou adaptés pour cette province, mais seulement traduits en français (2009 : 148). Harper ne s'avoue pas vaincu malgré l’absence de circonscriptions remportées au Québec, car « the magnitude of [their] loss in Quebec led to Harper's dogged efforts to improve in the province and ultimately to the breakthrough of 2006 » (Flanagan, 2009 : 193).

Les mois qui suivent l'élection de 2004 sont déterminants pour la stratégie de Stephen Harper dans la province francophone. Pour le ralliement de la troisième sœur, Harper décide de prendre en main personnellement la stratégie québécoise, malgré plusieurs avis affirmant qu’il s’agissait d’une cause inutile (Flanagan, 2009 : 197; Johnson, 2006 : 465). Dans un premier temps, il nomme Josée Verner membre du caucus conservateur et critique officielle pour l'Agence de développement économique du Canada, pour les régions du Québec et de la francophonie, bien qu'elle ait été défaite aux élections dans la circonscription de Louis-Saint-Laurent par le bloquiste Bernard Cleary (Flanagan, 2009 : 197; Wells, 2006 : 141). Cette situation inhabituelle, car Verner ne siège pas au Parlement, est une première tentative pour améliorer la visibilité des conservateurs au Québec. Il engage par la suite plusieurs employés de cette province afin de les affecter soit sur le terrain québécois, ou dans les officines de l'Opposition officielle à Ottawa.

Le coup le plus audacieux de Harper sera d'organiser, en mars 2005, le congrès des conservateurs à Montréal. Un pari risqué puisque les conservateurs les plus réfractaires à Harper se trouvent en Ontario, dans les Maritimes et au Québec. Lors de la course à la direction du parti, en 2004, c'est dans ces trois régions qu'il connut ses pires résultats (Flanagan, 2009 : 132). Comme un vote de confiance est prévu, certaines personnes dans l'entourage de Stephen Harper pensent qu’un appui

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pour le chef, puisque c'est à ce moment qu'il va adopter deux politiques majeures pour sa stratégie québécoise. Comme le Parti conservateur du Canada est issu du Parti réformiste, certains membres voient d'un mauvais œil le bilinguisme canadien. Il s'agit toutefois d'un enjeu politique essentiel dans une stratégie ciblant le Québec (Flanagan, 2009 : 204). Stephen Harper se doit de se positionner clairement sur cet enjeu pour prévenir les critiques à son endroit. Une autre proposition, cause de tiraillements entre Québec et Ottawa à l’époque, était la reconnaissance du déséquilibre fiscal. Il est donc important que le Parti conservateur reconnaisse ces enjeux afin de pouvoir être perçu plus positivement par les Québécois. Malgré un premier revers, la seconde proposition est reconduite à un atelier de travail ultérieur et là, elle est adoptée pour figurer dans la plateforme du parti (Ellis et Woolstencroft, 2006; Flanagan, 2009). Dès lors, les stratèges du Parti conservateur et Stephen Harper vont construire une stratégie qui sera propre au Québec et qui ne sera plus simplement adaptée pour lui (Flanagan, 2009; Johnson, 2006).

Afin de supplanter les libéraux, les conservateurs décident de remanier complètement leur stratégie électorale avant le déclenchement des prochaines élections. Premièrement, ils procèdent à un repositionnement de la marque conservatrice vers une image plus centriste et vers la défense de l’éthique politique. De plus, ils s’affairent à étudier l’électorat afin de créer une offre politique répondant aux priorités de segments spécifiques de l’électorat canadien (Dufresne, 2007; Ellis et Woolstencroft, 2006; Marland et Flanagan, 2013a; Paré et Berger, 2008, Wells, 2006). Ils décident aussi de mettre plus d’effort dans la recherche, avec la création du CIMS (Constituency Information

Management System), une base de données regroupant un large volume d’informations diverses sur

les électeurs canadiens dans chacune des circonscriptions, comme les intentions de vote, les opinions des citoyens sur les positions du parti et les contributions électorales des particuliers (Flanagan, 2014 : 117; Hobbs, 2008 : 27; Paré et Berger, 2008 : 47).

Une stratégie électorale efficace aura été centrale à leur victoire. Tout d’abord, la campagne conservatrice de 2006 est marquée par les « Cinq priorités » d’un gouvernement Harper. Ces cinq promesses3 forment un message cohérent, populaire et centriste qui permet de cadrer le Parti

3 Promulguer une loi fédérale sur la responsabilité (Accountability Act) ; diminuer la TPS ; réduire les temps

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conservateur du Canada non pas comme un parti d’idéologues de droite, mais plutôt comme un parti de centre droit qui respecte le caractère social-démocrate du Canada. Après s’être fait attaquer par les libéraux, lors de l’élection précédente, d’avoir un programme secret, les conservateurs ont tenu à rassurer les Canadiens en promettant de vouloir améliorer le système de santé public (Flanagan, 2014 : 152). De plus, une promesse concernant le Québec a fait les manchettes partout dans la province, soit celle de permettre au Québec de nommer un représentant au sein la délégation canadienne à l’UNESCO. Cette annonce, qui a eu lieu à Québec juste avant Noël, a permis aux conservateurs d’être dépeints plus positivement par les journalistes (Flanagan, 2009 : 245).

Dès lors que la nouvelle image de marque était efficace et solide, les conservateurs se sont attaqués à l’image de marque des libéraux (Marland et Flanagan, 2013a : 965). Aidés par un scandale de corruption depuis la dernière campagne électorale, les partis d’opposition attaquent sans relâche la crédibilité des libéraux et remettent en question la capacité de Paul Martin à gouverner le Canada. Au terme des élections, les libéraux subissent leur première défaite électorale en treize années, les électeurs se retrouvent avec un deuxième gouvernement minoritaire de suite – le plus faible de l’histoire canadienne avec seulement 40,3 % des sièges4 – et un premier gouvernement dirigé par le

nouveau Parti conservateur du Canada. Les conservateurs ont aussi pu apprécier la force de la déconvenue électorale des libéraux au Québec. En effet, après l’Alberta, c’est au Québec que les appuis en faveur du PLC ont le plus diminué (Hébert, 2007 : 13). En guise de rapprochement et de remerciement envers les Québécois, le premier ministre organise une réunion du caucus conservateur dans la capitale provinciale; une première depuis les années 1950 (Wells, 2013 : 72). En plus de cette activité, il nomme cinq des dix élus québécois dans le cabinet; il visite quatre fois Jean Charest avant d’aller rencontrer le premier ministre ontarien; et la première entrevue qu’il accorde sera à un média francophone (Johnson, 2006 : 465). Quelques mois plus tard, une autre marque de gratitude est posée. Les conservateurs votent une motion affirmant la reconnaissance de la nation québécoise à l’intérieur d’un Canada uni. Bien qu’elle soit exclusivement symbolique, cette motion aura des répercussions positives au Québec et servira de carte de visite aux conservateurs pour justifier leur caractère distinctif par rapport aux libéraux en ce qui a trait aux relations entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux.

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À l’instar de l’administration libérale précédente, le gouvernement conservateur minoritaire est renversé avant la fin de son mandat. Et comme ce fut le cas précédemment, l’initiative émane du Parti conservateur du Canada. En 2005, les élections sont déclenchées lorsque l’opposition vote une motion de défiance contre le gouvernement libéral de Paul Martin alors qu’en 2008, Stephen Harper demande directement au gouverneur général de dissoudre le Parlement alors que certains sondages prédisent la possibilité pour le PCC de former un gouvernement majoritaire (La Presse canadienne, 2008). Toutefois, c’était sans tenir compte de la grogne croissante au Québec concernant l’annonce de réductions des subventions dans le milieu des arts présentée un mois plus tôt. Ce mouvement prendra de l’ampleur au Québec et les conservateurs ne seront pas en mesure de renverser la vapeur. Cette controverse n’empêche pas le Québec d’être encore une fois la cible de l’agenda stratégique de Stephen Harper (Ellis et Woolstencroft, 2009 : 35). Toutefois, malgré la différence dans la stratégie de communication, les efforts au Québec, aux dires de Flanagan, sont copiés des élections de 2006 (2009 : 301-3). Et au terme de la campagne, le Québec envoie encore seulement dix députés conservateurs à Ottawa.

La stratégie québécoise des conservateurs sera toutefois différente pour l’élection de 2011. Les conservateurs nolisent un autocar qui s’affairera à parcourir exclusivement le Québec (La Presse

canadienne, 2011). Ça ne sera cependant pas suffisant pour contrer la vague néodémocrate qui

déferle sur le Québec 5. Dans le reste du Canada, la force des conservateurs est indéniable : le

nombre de personnes ayant voté pour le PCC a augmenté partout (malgré la perte d’un siège en Colombie-Britannique) et des 29 nouveaux sièges, 22 proviennent de l’Ontario.

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Tableau 1 : Nombre et pourcentage de circonscriptions détenues par les conservateurs selon la province, après les élections de 2011

CB AB SK MN ON QC NB NÉ IPE TNL Nombre de circonscriptions détenues par le PCC 21 27 13 11 73 5 8 5 1 1 Nombre total de circonscriptions 36 28 14 14 106 75 10 11 4 7 Pourcentage détenu par le PCC 58,3% 96,4% 92,9% 78,6% 68,9% 6,7% 80,0% 45,5% 25,0% 14,3% Source : Élections Canada, 2014, 41e élection générale, 2 mai 2011.

Le Tableau 1 montre clairement que les conservateurs sont en très bonne position dans quatre provinces en détenant la quasi-totalité des circonscriptions (Alberta, Saskatchewan, Manitoba et Nouveau-Brunswick) et qu’ils sont en bonne position dans trois autres avec environ la moitié des circonscriptions (Colombie-Britannique, Ontario et Nouvelle-Écosse).

1.3 Le marketing politique, la segmentation et le ciblage

La théorie du marketing politique permet de comprendre et d’expliquer l’élaboration des stratégies électorales des partis politiques. Ce champ d’études est relativement récent et se retrouve à l’intersection entre la communication, la science politique et les sciences de la gestion (Scammell, 1999 : 718). Cette multidisciplinarité et cette contemporanéité font qu’il n’y a pas de définition acceptée par tous. De manière générale et globale, le marketing politique est la mise en place du concept de marketing commercial à la pratique et à l’étude de la politique et du gouvernement (Giasson et al., 2012 : 4). Le marketing « is what happens when the product shapes itself around the consumers’ demands » (Delacourt et Marland, 2009 : 47). L’électeur devient l’acteur à partir duquel commence le processus de positionnement politique. Ce sont ses demandes et ses besoins, jumelés aux valeurs du parti, qui formeront la plateforme et l’offre politique. Le marketing politique met l’accent « on understanding the managerial processes and activities associated with the use of market intelligence to design and implement political product offerings » (Giasson et al., 2012 : 5). C’est plus qu’une méthode, c’est un état d’esprit et une volonté de construire une organisation par la

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création d’une offre à partir d’analyses de marché, pour offrir un produit ou un service qui anticipe les besoins des consommateurs ciblés, au lieu de simplement répondre et suivre ces besoins (Giasson et al., 2012 : 7; Mercer, 1996 : 12; O’Shaughnessy, 1990 : 2). Les méthodes et les outils s’adaptent au contexte sociopolitique du lieu où ils sont utilisés; dès lors, il ne s’agit pas d’une recette universellement applicable (Collins et Butler, 2002 : 5).

Bien que le marketing politique tire son origine du monde commercial, les caractéristiques propres à l’univers politique en font une pratique distincte du marketing de produits commerciaux. Les différences se regroupent principalement en trois catégories : le contexte (juridique, médiatique, etc.), la compétition, et le « produit ». Premièrement, le scrutin majoritaire uninominal à un tour, présent entre autres au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, implique que le parti qui remporte une pluralité de voix dans une circonscription gagne. Une situation semblable à un monopole survient lorsqu’une formation politique conquiert suffisamment de circonscriptions pour être élue avec un mandat majoritaire. Le jour du vote est le même pour tous et à l’exception des périodes de vote par anticipation, tous les électeurs doivent prendre leur décision simultanément; une différence fondamentale avec le monde commercial où le consommateur détermine le moment de la transaction (Lock et Harris, 1996 : 14). Ce jour est précédé d’une campagne électorale, ce qui signifie que la bataille pour l’ordre du jour entre les partis politiques se joue sur une courte période. Les turbulences sont donc beaucoup plus importantes dans le monde politique que dans le monde commercial (O’Shaughnessy, 2002 : 212).

Ensuite, la forte compétition entre les partis politiques en contexte électoral n’a pas de comparable dans le monde commercial. L’introduction d’un nouveau parti est plus difficile à mener que celle d’une nouvelle marque dans le marketing des produits. De plus, « in most marketing situations, the brand leaders tend to stay in front » (Lock et Harris, 1996 : 15), ce qui n’est pas nécessairement le cas en politique.

Finalement, le produit politique ne partage pas les mêmes caractéristiques que le produit commercial. Tout d’abord, il n’a pas de prix à proprement parler. Le remboursement est impossible et la société doit vivre avec le choix collectif qui a été posé (Lock et Harris, 1996 : 15). « A political issue

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individual’s sense of who and what he or she is at the deepest level » (O’Shaughnessy, 2002 : 210). On ne «vend» donc pas des politiciens comme de la lessive, tel que l’avance le cliché (Marland, 2003a). De plus, l’offre politique représente des valeurs et la transaction repose sur l’établissement d’un lien de confiance entre l’électorat et le politicien. Dès lors, puisque le niveau d’incertitude est élevé dans la prise de décision politique, la mise en marché des offres politiques s’apparente davantage à celle des organismes à but non lucratif ou des entreprises de services (assurances, services juridiques, institutions financières) (Lock et Harris, 1996; Scammell, 2002).

La segmentation et le ciblage

Le marketing politique implique qu’un parti politique, pour gagner une élection, s’adresse à certains segments de la population, et non à l’ensemble de la population. La segmentation de la population s’opère lors de la préparation de la campagne électorale, avant que l’offre politique ne soit construite. La segmentation est une stratégie qui permet de concentrer « thus optimize, the use of [the] resources within an overall market » (Mercer, 1996 : 134). Le marché peut être segmenté de diverses façons, mais les quatre plus utilisées sont : la segmentation géographique, démographique, socio-économique et psychologique. Concernant la dernière méthode, les conservateurs ont divisé les électeurs en trois catégories : leurs fidèles partisans (core voters), ceux qui pourraient être tentés par l’offre conservatrice (swing voters) et ceux qui ne seront jamais conservateurs. Chacun de ces groupes avaient un nom afin de bien faire comprendre les différences entre les différents segments (Flanagan, 2009 : 223-224).

Toutefois, dans le cadre de ce mémoire, nous étudierons le regroupement géographique. Thomas Flanagan (2010) affirme que les partis politiques divisent les circonscriptions en quatre groupes lors de la phase de prévision d’une campagne électorale. Il y a d’abord les sièges qui sont acquis pour le parti (les châteaux forts), les sièges qui sont impossibles à gagner (les châteaux forts adverses) et il y a les « champs de bataille » qui se divisent aussi en deux. Premièrement, il y a les circonscriptions où le parti a gagné les élections avec une légère avance et, deuxièmement, les circonscriptions où le parti a perdu par peu de points de pourcentage.

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Pour catégoriser ainsi les circonscriptions, Flanagan utilise la « règle du 10 pour cent ». « Canadian experience suggests that a strong local campaign backed up by a vigorous Direct Voter Contact (DVC) program can increase party’s vote share by as much as 10 percentage points over the results of the last election » (2010 : 158). Dans cette logique, les champs de bataille sont les circonscriptions qui se retrouvent dans cette marge de dix pour cent : dans la marge de défaite (si le parti a gagné avec une avance de moins de dix pour cent des votes) ou dans la marge de victoire (si le parti est arrivé second avec moins de dix pour cent d’écart avec le parti vainqueur) (2010 : 159). Certains autres facteurs peuvent entrer en jeu comme la notoriété d’un candidat (un candidat connu dans son milieu pourrait donner un élan de 10 % supplémentaire) et un siège est plus facile à défendre qu’à gagner pour un candidat. Pour Carty et Eagles, l’écart entre un « champ de bataille » et une circonscription perdue d’avance est plutôt de 5 % (2005 : 109), mais comme le contexte a changé entre les élections analysées par ces derniers (1993 et 1997) et celles décrites par Flanagan (2004 et 2006), la règle de dix pour cent sera privilégiée lors de l’analyse.

1.4 Les particularités canadiennes et le régionalisme au Canada

Certains facteurs sociopolitiques encourageraient des partis politiques à adopter une approche orientée-marché, car ce ne sont pas tous les partis de tous les régimes politiques qui peuvent utiliser le marketing politique et gagner les élections (Gidengil et al., 1999; Ormrod, 2006; O’Shaughnessy, 2002). Le Canada et ses électeurs ont certaines caractéristiques qui favorisent l’utilisation du marketing politique par les partis politiques.

Tout d’abord, environ 50 % des Canadiens décident pour qui ils vont voter pendant les élections; ces

campaign deciders sont rentables politiquement, car ils sont à la fois « reachable and persuadable »

(Gidengil, 2012 : 54). Cela signifie aussi que les liens partisans sont flexibles et que la loyauté envers un parti ne peut pas être tenue pour acquise par celui-ci (Paré et Berger, 2008 : 42; Johnston, 2012 : 154, Hobbs, 2008). Un parti peut donc tenter de rejoindre, et réussir à faire voter pour lui, des partisans d’une autre formation (Gidengil, 2012 : 54).

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Ensuite, l’électorat hétérogène du Canada « means that sophisticated market segmentation techniques are required in order to maximize a party’s vote share » (Gidengil, 2012 : 54), car des électeurs partageant les mêmes caractéristiques sociales vont voter différemment en fonction de la région où ils habitent (Gidengil, 2012 : 45-46; Kay et Perrella, 2012 : 128; Anderson et Stephenson, 2010 : 1; Johnston, 2012). La région et les valeurs associées à celle-ci sont une construction sociale et l’endroit où réside une personne fait partie intégrante de sa personnalité. Selon Mildred A. Schwartz, la culture est ce qui transforme une région (territoire physique) en régionalisme (construction sociale) et au Canada le régionalisme est fortement provincialisé (Hodge, dans Eagles, 2002 : 11). Ce qui fait que l’identité provinciale est nettement plus prononcée que l’identité nationale (Eagles, 2002 : 13). Dès lors, la province – et la religion – sont les plus importants déterminants du vote au Canada (Anderson et Stephenson, 2010; Gidengil et al., 1999; Kay et Perrella, 2012).

Il est aussi plus simple au Canada pour un parti politique de réaliser des changements idéologiques mineurs, car ici, « the level of class voting is [lower] » (Gidengil, 2012 : 53) et le positionnement gauche-droite y est moins important (Clarke et al. 2005 : 247; Gidengil, 2012 : 53; Cochrane, 2010; Kay et Perrella, 2012 : 121). De plus, nous avons un passé de brokerage politics qui peut expliquer une certaine acceptabilité des électeurs à la flexibilité des valeurs des partis politiques. La brokerage politics est :

A Canadian term for successful big tent parties that embody a pluralistic catch-all approach to appeal to the median voter and to broker regional tensions [...]. This involves adopting centrist policies and electoral coalitions to satisfy the short-term preferences of electors who are not located on the ideological fringes (Marland et al., 2012 : 257).

De plus, la distribution des voix s’est dispersée de manière assez marquée entre les trois principaux partis au fil des dernières élections. Les trois élections entre 2004 et 2008 ont mené à des gouvernements minoritaires et celles de 1997 et de 2011 ont donné les plus faibles gouvernements majoritaires de l’histoire du Canada avec respectivement 38,5 % et 39,6 % des votes pour le parti gagnant. Le marché électoral canadien est donc marqué par une compétition intense et grandissante entre les partis et la victoire peut se jouer par quelques pourcentages de voix. Les partis ont été incités à affiner leur méthode de collecte de données afin de rallier les segments d’électeurs flexibles et tenter ainsi de gagner des mandats majoritaires. Le vote est aussi très volatile et les électeurs

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peuvent être prompts à modifier leur choix électoral (Bélanger et Stephenson, 2010; Bodet, 2013; Johnston, 2012). Cela incite donc les partis à mettre davantage l’accent sur la recherche afin de prévoir les changements et y répondre plus rapidement et plus adéquatement.

1.5 Les typologies des partis politiques

Les chercheurs en marketing politique ont développé différentes catégorisations afin de classer les partis politiques selon des groupes bien précis. Le premier modèle choisi permet d’expliquer les stratégies de communication lors des campagnes électorales selon la position stratégique du parti et le second classe les partis selon leur utilisation des moyens de marketing politique.

Selon le positionnement stratégique

Élaboré à partir de concepts propres au marketing commercial et adapté au monde politique par Butler et Collins (1996), le modèle de positionnement stratégique présente le type de communication employée par un parti selon la place qu’il occupe dans le système politique au moment du déclenchement de l’élection. Il présente quatre grands archétypes : le meneur (leader), l’aspirant officiel (challenger), l’imitateur (follower) et le nicheur (nicher).

Le meneur est celui qui dispose des plus importants appuis dans le marché électoral et qui dicte le pas aux autres. En général, il est celui qui innove et qui sera le plus sujet aux attaques des autres partis. Il doit aussi jongler entre offrir des éléments de continuité et de changement en proposant des idées nouvelles.

L’aspirant officiel – il peut y en avoir plus d’un – est celui qui souhaite prendre la place du meneur. Son principal moyen est l’attaque : du meneur, des autres aspirants officiels ou des plus petits partis. « The challenger may recognize that the leader’s position reflects the popularity of that party’s product. If so, one strategy is to reduce policy differences and rely on rival claims of competency, reliability or honesty » (31). L’adoption de positions plus centristes et la mise en doute de l’honnêteté

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des libéraux à la suite du scandale des commandites reflètent bien la mise en place de cette stratégie par les conservateurs afin de détrôner le PLC dans son rôle de meneur.

L’imitateur essaie d’être l’alternative aux gros partis dans des marchés bien ciblés. Il tente de copier, d’imiter et d’adapter l’offre politique des autres partis. « The follower’s opportunities for success are increased when it remains successful just below the leader’s or competitors’ reaction threshold » (31).

Finalement, le nicheur est généralement la référence pour une frange étroite de l’électorat. La différence marquée entre l’imitateur et le nicheur est que le premier tente quand même de rejoindre le plus large auditoire possible en offrant une plateforme qui couvre l'ensemble des sujets et en ayant une campagne nationale, tandis que le second a des cibles régionales et se spécialise sur un enjeu. La mutation du Parti réformiste du Canada vers l’Alliance canadienne montre la volonté d’un parti nicheur à faire compétition aux autres grands partis dans toutes les provinces, et à devenir un parti imitateur.

Selon l’utilisation du marketing politique

La typologie de Butler et Collins présente le processus stratégique qu’un parti politique désirant améliorer ses résultats électoraux devrait poursuivre. La théorie qui suit s’attarde plutôt à l’élaboration d’une offre, d’un produit politique à l’aide des outils du marketing politique. Jennifer Lees-Marshment (2001) a créé son système catégoriel en étudiant les élections britanniques, mais plusieurs chercheurs ont par la suite appliqué son modèle à d’autres pays (Paré et Berger : 2008 ; Kotzaivazoglou : 2011; Lilleker et Marshment, 2005). Son système comprend trois archétypes : le parti orienté vers le produit (product-oriented party - POP), le parti orienté vers la vente (sales-oriented party - SOP) et le parti orienté vers le marché (market-(sales-oriented party - MOP).

Le premier est porteur d’un projet social ou de valeurs particulières (environnementale, nationale, économique, etc.) et va construire un programme pour ensuite aller le défendre lors des élections en tenant pour acquis que leur vision du monde est juste et que les électeurs les porteront au pouvoir

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par la force de ce programme (Lees-Marshment, 2001 : 28). Ces partis fortement idéologiques ne feraient donc pas usage du marketing politique dans l’élaboration de leur campagne et de leur offre politique.

Le deuxième est une version moins idéologique du premier. Ce type de parti utilise des études de marché pour développer une stratégie de promotion efficace et ciblée de son programme. L’accent est mis sur la mise en forme du contenu et non sur le contenu, c’est-à-dire qu’il ne changera pas sa plateforme pour répondre aux demandes du public, « but tries to make people want what it offers » (2001 : 29).

Le dernier défend aussi ses idées comme les deux autres, mais « uses market intelligence to identify voter demands, then designs its product to suit them. It does not attempt to change what people think, but to deliver what they need and want » (2001 : 30). La différence entre le SOP et le MOP réside dans l’ordre des étapes de création du produit politique. Le premier a créé un produit et en fait ensuite la promotion tandis que le second consulte initialement des segments électoralement attrayants de la population pour connaitre leurs besoins et élabore ensuite, et à la lumière de ces analyses de marché, un programme politique correspondant aux demandes de ce public et aux valeurs du parti.

Des chercheurs (Paré et Berger, 2008; Dufresne, 2007; Ellis et Woolstencroft, 2006) se sont penchés sur la période entre les élections de 2004 et de 2006 décrite précédemment et ont conclu que les moyens utilisés par le Parti conservateur du Canada s’apparentent grandement à un parti passant du statut de SOP à MOP.

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Chapitre 2 – Question de recherche

La littérature sur le marketing politique avance que les partis politiques ne tentent plus de rejoindre tous les électeurs ; la segmentation et le ciblage occupent désormais une place prépondérante dans la construction d'une stratégie électorale. Ce faisant, les partis tentent-ils de construire une coalition d'électeurs représentative de toutes les provinces d'un pays, comme à l’époque du brokerage, ou désirent-ils simplement réunir une coalition électorale minimale pour espérer obtenir un mandat majoritaire dans le régime politique canadien, indépendamment de la diversité géographique de ces appuis? Dès lors, la question de recherche spécifique abordée dans ce mémoire est :

Q : Depuis l’élection fédérale de 2006, quelles sont les provinces ciblées par le Parti conservateur du Canada dans sa stratégie et qu’il tente de rejoindre par sa communication électorale?

À l’aulne de récits journalistiques et des témoignages de certains politologues comme Tom Flanagan, il est possible d’envisager qu’à partir de 2008, en voyant ses résultats plafonner au Québec et augmenter en Ontario, le PCC ait préféré s’adresser aux Ontariens pour gagner la majorité des sièges au Parlement et qu’il aurait, par le fait même, diminué l’importance qu’il accordait au Québec. Ainsi, nous formulons l’hypothèse suivante :

H : Les efforts de communication électorale fournis par un parti politique pour gagner les élections vont cibler les provinces comptant le plus de « champs de bataille ».

Nous posons donc que l'importance accordée à une province variera selon les probabilités de victoire des circonscriptions qui la composent, nonobstant son poids démographique dans le pays. Afin de tester cette hypothèse, nous allons étudier les efforts de communication mis en place par le Parti conservateur du Canada pour faire campagne dans diverses provinces du pays et voir si l’importance des moyens déployés varie selon la province et selon les élections. Ce mémoire permettra d'apporter un éclairage supplémentaire et complémentaire à l'étude du marketing politique en général et à l'étude du cas canadien en particulier, car les recherches dans ce domaine portant

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sur ce pays sont encore rares (Marland, 2003b; Paré et Berger, 2006; Marland et al., 2012; Giasson et Marland, 2013). Il offrira une compréhension supplémentaire à l'étude du régionalisme au Canada et comment il est intégré aux stratégies électorales par les partis politiques.

Efforts de communication

Avant de commencer à décrire la méthodologie employée aux fins de l'étude de la stratégie régionale des conservateurs, une définition du concept d' « efforts de communication » s'impose. Dans le cadre de ce mémoire, ce concept sera défini comme les moyens employés par un parti pour mettre de l'avant son chef et ses idées dans le but de convaincre l'électorat à voter pour son parti. Deux des principaux moyens employés sont les visites du chef pendant la période électorale ainsi que la mise en valeur d’enjeux et de propositions d’engagements dans la plateforme électorale. Les publicités sont volontairement exclues, car bien qu’il serait possible de retracer l'ensemble des publicités à l’aide d’Internet, deux données importantes à l'analyse de la stratégie publicitaire seraient très difficiles à trouver à postériori : la fréquence de diffusion de la publicité et la zone géographique visée par cette dernière. De plus, le nombre de publicités varie selon le budget alloué; les partis préférant parfois investir l'argent ailleurs pour avoir un meilleur retour sur leur investissement ou par manque de temps (Flanagan, 2009 : 146). Finalement, les données fournies par les partis politiques à Élections Canada concernant leurs dépenses électorales ne sont pas très claires en ce qui a trait à l’allocation des dépenses publicitaires et les partis ne sont pas très loquaces, pour des raisons stratégiques, lorsqu’il est question de détailler les montants dépensés (Marland et Giasson, 2013). C'est pour ces raisons que le choix s'est porté sur les programmes électoraux, qui sont produits à chaque élection, et sur l'itinéraire des visites du chef, qui exprime les lieux prioritaires de campagne mis en valeur dans la stratégie électorale (Althaus et al., 2002).

Les déplacements du chef

Plusieurs auteurs s'accordent sur l'importance de la tournée d'un chef de parti et de l'impact positif que celle-ci peut avoir sur le vote des électeurs (Huang et Shaw, 2009; Chen et Reeves, 2011; Flanagan, 2010; Herr, 2002; Carty et Eagles, 2005). Les visites sont soigneusement préparées par le chef et l'équipe de campagne avant le déclenchement des élections. C’est une partie intégrante de la

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stratégie du parti (Althaus et al., 2002; Shaw, 2006). Les déplacements des chefs sont importants, étant donné que l'attention médiatique se concentre presque exclusivement sur eux (Bodet, 2013), car ils représentent plus que quiconque le parti et ses valeurs (Carty et Eagles, 2005). Les déplacements suscitent certains effets sur les électeurs et les chercheurs s'entendent pour dire qu'une visite peut faire augmenter le nombre de votes pour le parti concerné. Non pas qu'intrinsèquement les visites ont un effet sur les électeurs, mais elles ont un effet sur l'organisation locale qui sera plus mobilisée et active (Herr, 2002 : 905). Ainsi, le chef s'avère être la ressource la plus précieuse pour un parti (Althaus et al., 2002; Chen et Reeves, 2011; Carty et Eagles, 2005) et comme il s'agit d'une ressource limitée, elle doit être investie là où les bénéfices seront maximaux. L'étude des déplacements d'un chef de parti permet dès lors de connaitre la stratégie employée par ce dernier pour faire campagne et tenter de remporter une élection, car le chercheur est à même de relever les provinces priorisées par l’organisation et celles qui sont mises de côté. Soit que les gains sont presque impossibles à réaliser, soit que la défaite est presque impossible, car le parti s’y trouve très en avance. « Candidate appearances constitute the most tangible evidence that a campaign is serious about winning voters in a specific locale » (Huang et Shaw, 2009 : 277) et donc, « the parties do appear to treat the regions differently as they send their leaders on tour, and these differences seem to have a politically strategic logic to them » (Carty et Eagles : 2002 : 107), car « resource allocation is only weakly related to state population » (Huang et Shaw, 2009 : 275).

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Chapitre 3 – Méthodologie de recherche

La première étape de la recherche consiste à dresser un portrait des élections en catégorisant les circonscriptions selon la règle de 10 % de Flanagan. À l’aide des fichiers de résultats d’Élections Canada pour les élections de 2004 à 2008, chaque circonscription a été classée selon cinq catégories :

 Château fort du Parti conservateur du Canada;  Château fort des adversaires;

 Champ de bataille gagné par le Parti conservateur avec moins de 10 % d’avance;  Champ de bataille perdu par les conservateurs avec moins de 10 % d’écart;  Champs de bataille entre les adversaires du PCC.

En comptabilisant les données pour chacune des provinces, nous serons en mesure d’identifier celles devant être privilégiées (selon notre hypothèse, celles qui ont les plus hauts taux de « champs de bataille ») et lesquelles devraient retenir le moins l’attention du parti (celles qui ont le plus faible taux de « champs de bataille » conservateurs). Nous analyserons les élections de 2006 à 2011 à l’aide des résultats électoraux de 2004 à 2008 du PCC. Notre analyse ne couvre pas la stratégie de communication pour l’élection de 2004 puisque le PCC n'était pas encore formé aux élections de 2000. Il serait hasardeux de spéculer sur les méthodes employées par le Parti conservateur du Canada pour élaborer leur stratégie fondée sur les comtés alliancistes et progressistes-conservateurs qu’ils détenaient avant le déclenchement de l’élection. De plus, un redécoupage important de la carte électorale fédérale a été réalisé avant les élections de 20046. Pour ces raisons,

le mémoire n’examine que les stratégies électorales pour les scrutins de 2006, de 2008 et de 2011.

Ainsi, au terme de cette première étape, nous serons en mesure de relever la proportion de « châteaux forts » et de « champs de bataille » pour chacune des provinces lors des trois élections fédérales étudiées. Le recours aux résultats électoraux permettra d’atteindre deux objectifs. Premièrement, chacune des stratégies électorales provinciales conservatrices sera détaillée et il sera

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possible de voir leur modification selon l’élection. Ainsi, nous serons en mesure d’identifier le poids stratégique des provinces entre elles en terme de gains électoraux à réaliser. Certaines études similaires se sont intéressées au contexte américain (Huang et Shaw, 2009; Chen et Reeves, 2011) et ce mémoire sera l'une des premières analyses à documenter la situation canadienne (Bodet, 2013). Ensuite, comme cette recherche se base sur l'hypothèse que le Québec a changé de statut stratégique pour les conservateurs, il sera possible de vérifier si le PCC a privilégié un pragmatisme stratégique dicté par la règle du 10 %, ou si, au contraire, ils ont continué à courtiser le Québec qui n’était pas un terrain propice à leur parti en raison d’une faible proportion de champs de bataille et d’une grande proportion de châteaux forts d’autres partis.

Tournée du chef

Afin de relever l’évolution des efforts communicationnels engagés par le PCC envers les provinces, nous avons retracé les déplacements de Stephen Harper en 2006, 2008 et 2011 en étudiant le résumé quotidien de la campagne produit par les journalistes de la Presse canadienne, une agence de presse qui relaie des nouvelles concernant le Canada aux médias qui sont abonnés à ses services7. L'agence emploie des journalistes qui suivent les chefs de parti lors des élections. Les

textes de l’agence sont factuels et laissent moins de place aux commentaires et aux analyses. De plus, la Presse canadienne assure une couverture systématique de la campagne des chefs des principaux partis politiques fédéraux.

Pour chacun des articles, nous avons relevé toutes les mentions aux circonscriptions, aux villes, aux régions ou aux provinces visitées par le chef du Parti conservateur pendant les périodes électorales étudiées, en plus des annonces faites par Stephen Harper directement. Souvent, plusieurs villes étaient visitées dans la même journée et la journée type comprenait une annonce matinale et un ralliement partisan en soirée. Entre les deux, il était parfois question d’entrevues avec un média local, de visites d’entreprises ou de tenue d’autres pseudo-évènements de campagne. Il est toutefois

7 Elle dessert plus de 100 quotidiens et plus de 500 stations de radio et de télévision, dont les propriétés de

Gesca, Transcontinental, Bell Media, Torstar, CTV News, Rogers et CBC/Radio-Canada. Les quotidiens de Québecor ne sont plus clients de la Presse Canadienne depuis la création de l’Agence QMI en 2008 (La

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possible que la couverture de presse étudiée ne nous ait pas permis de répertorier tous les endroits visités dans le cadre des tournées de Stephen Harper, car le décompte des visites des chefs de parti peut être imprécis lorsque par exemple, le chef fait un discours partisan sans promesses ni éclat (Althaus et al., 2002 : 55).

Le corpus d’articles étudiés a été constitué avec la base de données Eureka. Afin de générer le corpus le plus exhaustif possible, nous avons interrogé l’outil de recherche en utilisant le mot-clé « Harper » et en ciblant les dates précises de chacune des campagnes électorales. Ces périodes s’échelonnent du jour de la dissolution du Parlement au jour du scrutin. Pour les élections de 2006, la période va du 29 novembre au 23 janvier; pour celles de 2008, du 7 septembre au 14 octobre; pour 2011, du 26 mars jusqu'au 2 mai. Au total, nous avons répertorié 1 518 articles, soit 520 en 2006, 568 en 2008 et 430 en 2011.

Une fois les données comptabilisées, l'importance accordée à chaque province selon le nombre de visites effectuées sera comparée. Ainsi, si Stephen Harper consacre à une province 15 % de ses visites, et que cette province compte pour 10 % de la population canadienne, il accorde plus d'importance à cette dernière. En comparant les données pour chacune des provinces lors de chacune des élections, il sera possible de constater, en partie, la stratégie provinciale des conservateurs.

Les plateformes électorales

La plateforme est le document que défend un parti lors d'une campagne électorale, « it is the authoritative statement of the party position » (Budge, 2011) et la source de référence pour situer un parti idéologiquement (Myslyk, 2012 : 2). Elle regroupe les propositions, les énoncés de principes, les projets et les promesses d'un parti dirigées vers certains groupes de la population. Elle tente de faire la démonstration que le parti est prêt à gouverner et que ses idées sont les plus adaptées au contexte du pays. Au Canada, les plateformes sont rendues publiques avant ou pendant les élections, mais cette pratique n'est pas la norme ailleurs dans le monde (Budge, 2011).

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Étudier les plateformes politiques comporte des avantages lorsqu'il est question de stratégie politique. Comme elles sont élaborées avant le déclenchement des élections, elles sont complètement imperméables aux interférences quotidiennes des partis adverses (Ormrod et Henneberg, 2009 : 191), ce qui en fait un objet stable à étudier et un énoncé solide des priorités stratégiques du parti. À contrario, les publicités, qui elles aussi sont souvent planifiées avant le déclenchement des élections, peuvent ne pas être diffusées pour diverses raisons (Flanagan, 2009 : 145) alors que d’autres messages peuvent être produits directement au cours de la campagne, en réaction aux évènements de la course et aux attaques des adversaires. Ainsi, les chercheurs n'auraient pas la certitude d'avoir accès au positionnement électoral idéal d'un parti lorsqu'ils étudient exclusivement les publicités diffusées.

Nous avons procédé à une analyse de contenu des programmes électoraux en français du Parti conservateur du Canada pour les élections de 2006, 2008 et 2011. Les plateformes ont été colligées par le biais des archives du Centre d'analyse des politiques publiques de l'Université Laval dont la collection comprend l’ensemble des plateformes, des discours du Trône et des discours sur le budget des partis politiques provinciaux et fédéraux du Canada. Les différences entre les programmes en français et en anglais sont minimes et n'auront pas d'impact sur la validité de nos données (Collette et Pétry, 2010).

La démarche d’analyse de contenu privilégiée s’inscrit à mi-chemin entre l’étude des promesses électorales – celle analysant le taux de promesses tenues par un parti une fois au pouvoir (Naurin, 2011; Naurin, 2014; Pétry, 2002; Pétry et al., 2006) – et l’étude du positionnement sur l’axe gauche-droite des partis politiques, pilotée par le Comparative Manifesto Project (CMP) (Volkens, 2002). Tous les énoncés ont été étudiés et classés selon leur type et leur sujet. Les sujets reprennent certaines catégories du CMP, mais tiennent compte des particularités du fédéralisme canadien et des compétences détenues par le fédéral. Le guide de codage comprend six types d’énoncés, neuf enjeux, trente-sept sujets et dix sous-sujets (Tableau 2).

Nous avons aussi repris la technique de codage du CMP. Selon cette méthode, chaque phrase est analysée et classée selon la nature de l'affirmation qui y est exprimée. Comme plusieurs idées peuvent être énoncées dans une même phrase, l’unité d’analyse est la « quasi-sentence » (Volkens,

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2002 : 3), c’est-à-dire un groupe de mots (généralement une phrase complète) traitant exclusivement d’un sujet. Dans la plateforme de 2006, il y en a 544; en 2008, il y en a 255; et en 2011, il y a 911 énoncés. Dans tous les cas, les introductions, les tables des matières, les titres et sous-titres, les notes et les budgets ont été exclus des analyses.

Les énoncés

Le premier type d’énoncé est la promesse. Il s’agit d’une phrase concernant une action à entreprendre ou un but à atteindre, comprenant un indicateur de variation (augmentation, diminution, pourcentage, valeur absolue). Les affirmations portant sur le maintien d’un projet et les phrases contenant un verbe d’action accordé au futur seront aussi incluses dans cette catégorie (Pomper, 1968; Naurin, 2014). La seconde catégorie porte sur les engagements faibles. Cette catégorie s’apparente aux promesses, mais les moyens pour y arriver ne sont pas présentés. « Prendre des mesures », « compléter » et « renforcer » sont des exemples de formulation laissant sous-entendre que la façon de faire n’est pas encore connue. Les promesses qui sont invérifiables (« gérer plus adéquatement », « manière plus responsable ») sont aussi considérées comme des « engagements faibles ». La troisième catégorie d’énoncé porte sur le bilan du parti. Cette catégorie regroupe les affirmations qui font état des projets réalisés ou en cours de réalisation. Il s’agit souvent de phrases conjuguées au passé. La quatrième catégorie d’énoncés regroupe les mises en contexte et les

énoncés de principe. Les phrases factuelles ou les truismes servant à introduire une promesse ou

un engagement sont considérés comme des mises en contexte. « Le Canada est un pays fier » et « le PIB a augmenté » sont des exemples de « mise en contexte ». La cinquième catégorie comprend les attaques des adversaires. Ce sont toutes les phrases qui mentionnent le nom d’un parti adverse ou de leur chef et qui ont une connotation négative. Finalement, la sixième catégorie porte sur les promotions de soi. Il s’agit de l’ensemble des phrases qui font mention des forces et des qualités du parti.

Dans un premier temps, l'analyse de contenu porte sur les thèmes exploités par le Parti conservateur pour solliciter des appuis de la part des électeurs. Les différentes plateformes seront comparées pour comprendre l'évolution de leur offre et les différents groupes ciblés par le parti. Ensuite, les régions, provinces, villes et circonscriptions nommées dans les programmes seront identifiées selon deux

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niveaux de codage. Le premier est un appel direct à une province, à un territoire ou à une ville canadienne. Dans ces cas-là, la province ou le territoire sont considérés comme ciblés. S’il est question d’une entreprise, d’une institution, d’un organisme ou d’un cours d’eau, les mentions seront considérées comme indirectes et codées en conséquence. Pour chacune des mentions identifiées, nous avons relevé le contexte d’expression de la mention : s’il s’agit d’un rappel à une réalisation, d’une promesse ou d’un engagement à l’endroit de la région citée, ou si le lieu mentionné est présenté en exemple afin d’introduire un énoncé dans le texte.

Figure

Tableau 1  : Nombre et pourcentage de circonscriptions détenues par les conservateurs selon  la province, après les élections de 2011
Tableau 2 : Enjeux, sujets et sous-sujets des plateformes électorales
Figure 1 : Pourcentage des circonscriptions du Parti conservateur du Canada dans les  provinces de l’Ouest et dans les territoires
Figure 2 : Pourcentage des circonscriptions du Parti conservateur du Canada dans les  provinces du centre     0,00% 10,00%20,00%30,00%40,00%50,00%60,00%70,00% 2004 2006 2008 ManitobaOntarioQuébec
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Références

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