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La littérature sur le marketing politique avance que les partis politiques ne tentent plus de rejoindre tous les électeurs ; la segmentation et le ciblage occupent désormais une place prépondérante dans la construction d'une stratégie électorale. Ce faisant, les partis tentent-ils de construire une coalition d'électeurs représentative de toutes les provinces d'un pays, comme à l’époque du brokerage, ou désirent-ils simplement réunir une coalition électorale minimale pour espérer obtenir un mandat majoritaire dans le régime politique canadien, indépendamment de la diversité géographique de ces appuis? Dès lors, la question de recherche spécifique abordée dans ce mémoire est :

Q : Depuis l’élection fédérale de 2006, quelles sont les provinces ciblées par le Parti conservateur du Canada dans sa stratégie et qu’il tente de rejoindre par sa communication électorale?

À l’aulne de récits journalistiques et des témoignages de certains politologues comme Tom Flanagan, il est possible d’envisager qu’à partir de 2008, en voyant ses résultats plafonner au Québec et augmenter en Ontario, le PCC ait préféré s’adresser aux Ontariens pour gagner la majorité des sièges au Parlement et qu’il aurait, par le fait même, diminué l’importance qu’il accordait au Québec. Ainsi, nous formulons l’hypothèse suivante :

H : Les efforts de communication électorale fournis par un parti politique pour gagner les élections vont cibler les provinces comptant le plus de « champs de bataille ».

Nous posons donc que l'importance accordée à une province variera selon les probabilités de victoire des circonscriptions qui la composent, nonobstant son poids démographique dans le pays. Afin de tester cette hypothèse, nous allons étudier les efforts de communication mis en place par le Parti conservateur du Canada pour faire campagne dans diverses provinces du pays et voir si l’importance des moyens déployés varie selon la province et selon les élections. Ce mémoire permettra d'apporter un éclairage supplémentaire et complémentaire à l'étude du marketing politique en général et à l'étude du cas canadien en particulier, car les recherches dans ce domaine portant

sur ce pays sont encore rares (Marland, 2003b; Paré et Berger, 2006; Marland et al., 2012; Giasson et Marland, 2013). Il offrira une compréhension supplémentaire à l'étude du régionalisme au Canada et comment il est intégré aux stratégies électorales par les partis politiques.

Efforts de communication

Avant de commencer à décrire la méthodologie employée aux fins de l'étude de la stratégie régionale des conservateurs, une définition du concept d' « efforts de communication » s'impose. Dans le cadre de ce mémoire, ce concept sera défini comme les moyens employés par un parti pour mettre de l'avant son chef et ses idées dans le but de convaincre l'électorat à voter pour son parti. Deux des principaux moyens employés sont les visites du chef pendant la période électorale ainsi que la mise en valeur d’enjeux et de propositions d’engagements dans la plateforme électorale. Les publicités sont volontairement exclues, car bien qu’il serait possible de retracer l'ensemble des publicités à l’aide d’Internet, deux données importantes à l'analyse de la stratégie publicitaire seraient très difficiles à trouver à postériori : la fréquence de diffusion de la publicité et la zone géographique visée par cette dernière. De plus, le nombre de publicités varie selon le budget alloué; les partis préférant parfois investir l'argent ailleurs pour avoir un meilleur retour sur leur investissement ou par manque de temps (Flanagan, 2009 : 146). Finalement, les données fournies par les partis politiques à Élections Canada concernant leurs dépenses électorales ne sont pas très claires en ce qui a trait à l’allocation des dépenses publicitaires et les partis ne sont pas très loquaces, pour des raisons stratégiques, lorsqu’il est question de détailler les montants dépensés (Marland et Giasson, 2013). C'est pour ces raisons que le choix s'est porté sur les programmes électoraux, qui sont produits à chaque élection, et sur l'itinéraire des visites du chef, qui exprime les lieux prioritaires de campagne mis en valeur dans la stratégie électorale (Althaus et al., 2002).

Les déplacements du chef

Plusieurs auteurs s'accordent sur l'importance de la tournée d'un chef de parti et de l'impact positif que celle-ci peut avoir sur le vote des électeurs (Huang et Shaw, 2009; Chen et Reeves, 2011; Flanagan, 2010; Herr, 2002; Carty et Eagles, 2005). Les visites sont soigneusement préparées par le chef et l'équipe de campagne avant le déclenchement des élections. C’est une partie intégrante de la

stratégie du parti (Althaus et al., 2002; Shaw, 2006). Les déplacements des chefs sont importants, étant donné que l'attention médiatique se concentre presque exclusivement sur eux (Bodet, 2013), car ils représentent plus que quiconque le parti et ses valeurs (Carty et Eagles, 2005). Les déplacements suscitent certains effets sur les électeurs et les chercheurs s'entendent pour dire qu'une visite peut faire augmenter le nombre de votes pour le parti concerné. Non pas qu'intrinsèquement les visites ont un effet sur les électeurs, mais elles ont un effet sur l'organisation locale qui sera plus mobilisée et active (Herr, 2002 : 905). Ainsi, le chef s'avère être la ressource la plus précieuse pour un parti (Althaus et al., 2002; Chen et Reeves, 2011; Carty et Eagles, 2005) et comme il s'agit d'une ressource limitée, elle doit être investie là où les bénéfices seront maximaux. L'étude des déplacements d'un chef de parti permet dès lors de connaitre la stratégie employée par ce dernier pour faire campagne et tenter de remporter une élection, car le chercheur est à même de relever les provinces priorisées par l’organisation et celles qui sont mises de côté. Soit que les gains sont presque impossibles à réaliser, soit que la défaite est presque impossible, car le parti s’y trouve très en avance. « Candidate appearances constitute the most tangible evidence that a campaign is serious about winning voters in a specific locale » (Huang et Shaw, 2009 : 277) et donc, « the parties do appear to treat the regions differently as they send their leaders on tour, and these differences seem to have a politically strategic logic to them » (Carty et Eagles : 2002 : 107), car « resource allocation is only weakly related to state population » (Huang et Shaw, 2009 : 275).

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