REPERES
Rédactriceenchef:CatherineTAUVERON
Secrétaire derédaction:Gilbert DUCANCEL
Directeurdepublication :Philippe MEIRIEU, directeurdel'INRP
COMITÉ
DE
RÉDACTION
JacquesCOLOMB, DépartementDidactiquesdesdisciplines, INRP
Michel DABENE,UniversitéStendhal,Grenoble IsabelleDELCAMBRE,IUFMdeLille
Gilbert DUCANCEL,IUFMdePicardie,Centred'Amiens ClaudineGARCIA-DEBANC,IUFMdeToulouse
Marie-MadeleinedeGAULMYN, Université Louis Lumière,Lyon II FrancisGROSSMANN,UniversitéStendhal,Grenoble
DanièleMANESSE,UniversitéParisV FrancisMARCOIN,Universitéd'Artois
MaryvonneMASSELOT,UniversitédeFranche-Comté
AlainNICAISE, Inspection départementaledel'E.N.d'Amiens1
SylviePLANE,IUFMdePoitiers
Yves REUTER,UniversitéCharles deGaulle,Lille HélèneROMIAN (rédactriceenchefde1971 à1993)
CatherineTAUVERON, INRP, Didactiquedesdisciplines,Équipes Français École
JacquesTREIGNIER,Inspectiondépartementaledel'E.N.deBarentin
Gilbert TURCO,IUFMde Rennes
COMITÉ
DE
LECTURE
SuzanneALLAIRE, UniversitédeRennes
Alain BOUCHEZ, Inspectiongénérale de laFormationdesMaitres Jean-PaulBRONCKART,UniversitédeGenève
MichelBROSSARD,UniversitédeBordeauxII Jean-Louis CHISS, ENSdeFontenay-Saint-Cloud
JacquesDAVID,IUFMdeVersailles,CentredeCergy-Pontoise
RégineDELAMOTTE-LEGRAND,UniversitédeHauteNormandie FrancetteDELAGE, Inspectiondépartementaledel'E.N.deRezé
SimoneDELESALLE,UniversitéParisVIII ClaudineFABRE,IUFMdeGrenoble
JacquesFIJALKOW,UniversitédeToulouse-LeMirail
MichelFRANCARD,Faculté dePhilosophieetLettres,Louvain-la-Neuve FrédéricFRANCOIS,UniversitéParisV
GuislaineHAAS, UniversitédeDijon Jean-Pierre JAFFRÉ,CNRS
DominiqueLAFONTAINE,UniversitédeLiège RosineLARTIGUE,IUFMdeCréteil, CentredeMelun BernadetteMOUVET,UniversitédeLiège
ElizabethNONNON, UniversitédeLille
Marie-Claude PENLOUP,UniversitédeHaute-Normandie MichelinePROUILHAC,IUFMdeLimoges
BernardSCHNEUWLY,UniversitédeGenève FrançoiseSUBLET,UniversitédeToulouseLeMirail JacquesWEISS,IRDP deNeuchâtel
REPERES
Rédactriceenchef:CatherineTAUVERON
Secrétaire derédaction:Gilbert DUCANCEL
Directeurdepublication :Philippe MEIRIEU, directeurdel'INRP
COMITÉ
DE
RÉDACTION
JacquesCOLOMB, DépartementDidactiquesdesdisciplines, INRP
Michel DABENE,UniversitéStendhal,Grenoble IsabelleDELCAMBRE,IUFMdeLille
Gilbert DUCANCEL,IUFMdePicardie,Centred'Amiens ClaudineGARCIA-DEBANC,IUFMdeToulouse
Marie-MadeleinedeGAULMYN, Université Louis Lumière,Lyon II FrancisGROSSMANN,UniversitéStendhal,Grenoble
DanièleMANESSE,UniversitéParisV FrancisMARCOIN,Universitéd'Artois
MaryvonneMASSELOT,UniversitédeFranche-Comté
AlainNICAISE, Inspection départementaledel'E.N.d'Amiens1
SylviePLANE,IUFMdePoitiers
Yves REUTER,UniversitéCharles deGaulle,Lille HélèneROMIAN (rédactriceenchefde1971 à1993)
CatherineTAUVERON, INRP, Didactiquedesdisciplines,Équipes Français École
JacquesTREIGNIER,Inspectiondépartementaledel'E.N.deBarentin
Gilbert TURCO,IUFMde Rennes
COMITÉ
DE
LECTURE
SuzanneALLAIRE, UniversitédeRennes
Alain BOUCHEZ, Inspectiongénérale de laFormationdesMaitres Jean-PaulBRONCKART,UniversitédeGenève
MichelBROSSARD,UniversitédeBordeauxII Jean-Louis CHISS, ENSdeFontenay-Saint-Cloud
JacquesDAVID,IUFMdeVersailles,CentredeCergy-Pontoise
RégineDELAMOTTE-LEGRAND,UniversitédeHauteNormandie FrancetteDELAGE, Inspectiondépartementaledel'E.N.deRezé
SimoneDELESALLE,UniversitéParisVIII ClaudineFABRE,IUFMdeGrenoble
JacquesFIJALKOW,UniversitédeToulouse-LeMirail
MichelFRANCARD,Faculté dePhilosophieetLettres,Louvain-la-Neuve FrédéricFRANCOIS,UniversitéParisV
GuislaineHAAS, UniversitédeDijon Jean-Pierre JAFFRÉ,CNRS
DominiqueLAFONTAINE,UniversitédeLiège RosineLARTIGUE,IUFMdeCréteil, CentredeMelun BernadetteMOUVET,UniversitédeLiège
ElizabethNONNON, UniversitédeLille
Marie-Claude PENLOUP,UniversitédeHaute-Normandie MichelinePROUILHAC,IUFMdeLimoges
BernardSCHNEUWLY,UniversitédeGenève FrançoiseSUBLET,UniversitédeToulouseLeMirail JacquesWEISS,IRDP deNeuchâtel
COMPRENDRE
ET
INTERPRÉTER
LES
TEXTES
À
L'ÉCOLE
La
lecture
à
la
jonction
du
cognitif et
du
culturel
Sommaire
Présentation
Francis GROSSMANNetCatherineTAUVERON 3
Problématiquesdelalecture littéraireàl'école primaire
Comprendreet interpréterlelittéraireàl'école:dutexte réticentautexte proliférant
CatherineTAUVERON,INRP«Littéraire» 9
Quand nouscroyonsqu'ils comprennent... Quand nous croyonsqu'ilsn'ont pas
compris-AlineKARNAUCH, IUFMd'Orléans-ToursetINRP«Littéraire»> , 39 Desdispositifs didactiques et pédagogiques pour construirelalecturelittéraire
à l'écols
DanièleMARCOIN, IUFMd'ArrasetINRP«Littéraire», Fabienne CALAME-GIPPET,
IUFM deGravelineset INRP«Littéraire» 61
Interpréter,comprendre,apprécierlalittératuredansetparlaconfrontation destextes:trois lecturesen réseauàl'école
Catherine TAUVERON, INRP«Littéraire»,Pierre SÈVE,IUFMdeClermont-Ferrand
et INRP«Littéraire» 103
Écrit et négociationdusens
Littératie,compréhensionetinterprétationdestextes
Francis GROSSMANN, IVEL (LIDILEM),UniversitéStendhal,Grenoble3 139 Lireet répondreàdesquestionsaucycle 3
Marie-CécileGUERNIER, IUFM deLyon,IVEL(LIDILEM),Université Stendhal,
Grenoble3 167
Interactions verbalesetconstructiondesens.Lecturesd'untexte narratif pardesélèvesdeCM1
Maurice MAS, IUFM de Grenoble etIVEL(LIDILEM),UniversitéStendhal,Grenoble3 183
Compréhension detextes
et
métacognitionApprendreàcomprendrel'écrit. Psycholinguistique et métacognition: l'exemple,duCM2
Martine RÉMOND,INRP,encollaborationavec François QUET, IUFM deGrenoble... 203
Actualité delarechercheendidactique dufrançais 225
Notes de I&ctur6
HélèneROMIAN, Francis GROSSMANN,CatherineTAUVERON,
Jean-Paul GUICHARD 227
Summaries
NickCROWTHER andGilbertDUCANCEL 251
Numérocoordonné parFrancisGROSSMANNetCatherineTAUVERON
COMPRENDRE
ET
INTERPRÉTER
LES
TEXTES
À
L'ÉCOLE
La
lecture
à
la
jonction
du
cognitif et
du
culturel
Sommaire
Présentation
Francis GROSSMANNetCatherineTAUVERON 3
Problématiquesdelalecture littéraireàl'école primaire
Comprendreet interpréterlelittéraireàl'école:dutexte réticentautexte proliférant
CatherineTAUVERON,INRP«Littéraire» 9
Quand nouscroyonsqu'ils comprennent... Quand nous croyonsqu'ilsn'ont pas
compris-AlineKARNAUCH, IUFMd'Orléans-ToursetINRP«Littéraire»> , 39 Desdispositifs didactiques et pédagogiques pour construirelalecturelittéraire
à l'écols
DanièleMARCOIN, IUFMd'ArrasetINRP«Littéraire», Fabienne CALAME-GIPPET,
IUFM deGravelineset INRP«Littéraire» 61
Interpréter,comprendre,apprécierlalittératuredansetparlaconfrontation destextes:trois lecturesen réseauàl'école
Catherine TAUVERON, INRP«Littéraire»,Pierre SÈVE,IUFMdeClermont-Ferrand
et INRP«Littéraire» 103
Écrit et négociationdusens
Littératie,compréhensionetinterprétationdestextes
Francis GROSSMANN, IVEL (LIDILEM),UniversitéStendhal,Grenoble3 139 Lireet répondreàdesquestionsaucycle 3
Marie-CécileGUERNIER, IUFM deLyon,IVEL(LIDILEM),Université Stendhal,
Grenoble3 167
Interactions verbalesetconstructiondesens.Lecturesd'untexte narratif pardesélèvesdeCM1
Maurice MAS, IUFM de Grenoble etIVEL(LIDILEM),UniversitéStendhal,Grenoble3 183
Compréhension detextes
et
métacognitionApprendreàcomprendrel'écrit. Psycholinguistique et métacognition: l'exemple,duCM2
Martine RÉMOND,INRP,encollaborationavec François QUET, IUFM deGrenoble... 203
Actualité delarechercheendidactique dufrançais 225
Notes de I&ctur6
HélèneROMIAN, Francis GROSSMANN,CatherineTAUVERON,
Jean-Paul GUICHARD 227
Summaries
NickCROWTHER andGilbertDUCANCEL 251
AVERTISSEMENT
Utilisation de l'orthographe rectifiée
Après plusieurs dizainesd'autresrevuesfrancophones,REPÈRESapplique dorénavant les « Rectifications de l'orthographe » proposées en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française, enregistrées et recommandées par l'Académie française dans sa dernière édition. Les nouvelles graphies sont d'ores et déjà, pourplus de la moitié d'entre elles, prises en compte dans les dictionnaires courants. Parmi cellesquiapparaissentleplusfréquemment dans lesarticles de notrerevue:maitre,accroître,connaître,entrainer, événement, ...
AVERTISSEMENT
Utilisation de l'orthographe rectifiée
Après plusieurs dizainesd'autresrevuesfrancophones,REPÈRESapplique dorénavant les « Rectifications de l'orthographe » proposées en 1990 par le Conseil supérieur de la langue française, enregistrées et recommandées par l'Académie française dans sa dernière édition. Les nouvelles graphies sont d'ores et déjà, pourplus de la moitié d'entre elles, prises en compte dans les dictionnaires courants. Parmi cellesquiapparaissentleplusfréquemment dans lesarticles de notrerevue:maitre,accroître,connaître,entrainer, événement, ...
Francis GROSSMANNetCatherine TAUVERON
II serait impossible, tant ils sont nombreux, d'énumérer ici les travaux, récents ou anciens, qui se sont efforcés de préciser les relations qu'entretien¬ nentcompréhension et interprétation destextes : le problème est traitéessen¬
tiellement dans les champs philosophiques et littéraires, mais l'on en trouve aussi des échosen psycho-linguistique eten didactique(1). Quel intérêty a-t-il alors, pour une revue comme Repères, de s'immiscerdans un débat déjà fort nourri? A certainségards, la question peut, en effet, de prime abord, paraitre de peu d'intérêt pour le pédagogue ou pour le didacticien. Qu'il s'agisse de comprendre ou d'interpréter, le plus important n'est-il pas, tout bonnement, d'aiderl'enfantà construirelesensde cequ'il lit,sachantqu'on peut fairetenir, danscette expression commode, à peu prèstoutceque recouvrent lestermes decompréhension etd'interprétation?Et nepeut-onfairel'économiededébats qui,pourlepraticien, peuvent semblercasuistiques?
La raison - l'urgence - d'une réflexion véritablement didactique sur ce thème nousestcependant apparue,auvu d'un double constat, paradoxal. D'un côté, une nouvelle doxa, issue de travaux de la psychologie cognitive(de cer¬ tains travaux de la psychologie cognitive, convient-il de préciser) a répandu l'idéeque lacompréhension enlecturerésultaittoutsimplement de l'automatisa¬ tion du décodage. Apprenons leur à lire, c'est-à-dire à identifier les mots, nous dit-on, et lereste suivra. D'unautre côté, on aassistéen France, ces vingt der¬ nières années, au développement sans précédent de l'équipement en BCD, et des pratiques scolairesautour des albums etdelalittérature enfantine. On peut dire quelaFrance a rattrapé,surceplan,unegrande partie duretardqu'elle avait accumulé parrapportauxpays anglo-saxonset nordiques. Or
-
etcertaines des contributions dece numéro le montrentclairement-
lestextes donnésà lireaux enfants, que ce soit dans le cadrede lectures partagées ou autonomes, sont souvent complexes (« résistants », pour reprendre unterme explicité dans l'une des contributions de ce numéro). S'étonnerde cet état de fait, et penser qu'il serait plussage des'enteniràdes lecturessimples, élémentaires-
àl'image de l'école du même nom-
serait, de notre point de vue, commettre une erreur d'analyse,etcepourdeuxraisonsprincipales.D'abord, qu'onleveuilleounon,lespratiquesautourdelalittératureenfantine ontuneexistencesociale, en dehorsdel'école: dèsle plusjeuneâge, certains
enfantsbénéficient des lectures parentales d'albums, lectures qui sontautant d'occasion offertespourdiscuterdesmondes représentésparlafiction(ouparles documentaires).Cette acculturationprécocen'est passimplementuneinitiation au
«mondedel'écrit».Elleestaussi une ouvertureauxmises en scène et auxfeintes qu'autoriselediscours, et de manièreplusgénérale(ouplusspécifique?),cequel'on nommela« littérature».Quel'écoleélémentairese repliefrileusement, au nom de principes républicainsmalcompris(2),etd'une pédagogierétrograde, suruncorpus detextes«simples»,exclusivement«fonctionnels»,etl'on verras'accroitrelefossé culturel entreceuxquibénéficientde cetaccompagnementfamilial (parceque leurs parentsdisposentdu temps,del'intérêt,etdel'argentnécessaire(3))etceuxqui en
Francis GROSSMANNetCatherine TAUVERON
II serait impossible, tant ils sont nombreux, d'énumérer ici les travaux, récents ou anciens, qui se sont efforcés de préciser les relations qu'entretien¬ nentcompréhension et interprétation destextes : le problème est traitéessen¬
tiellement dans les champs philosophiques et littéraires, mais l'on en trouve aussi des échosen psycho-linguistique eten didactique(1). Quel intérêty a-t-il alors, pour une revue comme Repères, de s'immiscerdans un débat déjà fort nourri? A certainségards, la question peut, en effet, de prime abord, paraitre de peu d'intérêt pour le pédagogue ou pour le didacticien. Qu'il s'agisse de comprendre ou d'interpréter, le plus important n'est-il pas, tout bonnement, d'aiderl'enfantà construirelesensde cequ'il lit,sachantqu'on peut fairetenir, danscette expression commode, à peu prèstoutceque recouvrent lestermes decompréhension etd'interprétation?Et nepeut-onfairel'économiededébats qui,pourlepraticien, peuvent semblercasuistiques?
La raison - l'urgence - d'une réflexion véritablement didactique sur ce thème nousestcependant apparue,auvu d'un double constat, paradoxal. D'un côté, une nouvelle doxa, issue de travaux de la psychologie cognitive(de cer¬ tains travaux de la psychologie cognitive, convient-il de préciser) a répandu l'idéeque lacompréhension enlecturerésultaittoutsimplement de l'automatisa¬ tion du décodage. Apprenons leur à lire, c'est-à-dire à identifier les mots, nous dit-on, et lereste suivra. D'unautre côté, on aassistéen France, ces vingt der¬ nières années, au développement sans précédent de l'équipement en BCD, et des pratiques scolairesautour des albums etdelalittérature enfantine. On peut dire quelaFrance a rattrapé,surceplan,unegrande partie duretardqu'elle avait accumulé parrapportauxpays anglo-saxonset nordiques. Or
-
etcertaines des contributions dece numéro le montrentclairement-
lestextes donnésà lireaux enfants, que ce soit dans le cadrede lectures partagées ou autonomes, sont souvent complexes (« résistants », pour reprendre unterme explicité dans l'une des contributions de ce numéro). S'étonnerde cet état de fait, et penser qu'il serait plussage des'enteniràdes lecturessimples, élémentaires-
àl'image de l'école du même nom-
serait, de notre point de vue, commettre une erreur d'analyse,etcepourdeuxraisonsprincipales.D'abord, qu'onleveuilleounon,lespratiquesautourdelalittératureenfantine ontuneexistencesociale, en dehorsdel'école: dèsle plusjeuneâge, certains
enfantsbénéficient des lectures parentales d'albums, lectures qui sontautant d'occasion offertespourdiscuterdesmondes représentésparlafiction(ouparles documentaires).Cette acculturationprécocen'est passimplementuneinitiation au
«mondedel'écrit».Elleestaussi une ouvertureauxmises en scène et auxfeintes qu'autoriselediscours, et de manièreplusgénérale(ouplusspécifique?),cequel'on nommela« littérature».Quel'écoleélémentairese repliefrileusement, au nom de principes républicainsmalcompris(2),etd'une pédagogierétrograde, suruncorpus detextes«simples»,exclusivement«fonctionnels»,etl'on verras'accroitrelefossé culturel entreceuxquibénéficientde cetaccompagnementfamilial (parceque leurs parentsdisposentdu temps,del'intérêt,etdel'argentnécessaire(3))etceuxqui en
REPÈRESN°19/1999 F.GROSSMANN etC.TAUVERON seront privés. Dans lamesureoù la capacitéd'interprétationrepose aussisurlerepé¬
ragede références,demotifsnarratifs récurrents, defigures mythiques, iln'estpas possiblede fairel'impasse surlescontenusculturelsdestextes: les propositions didactiques concrètes faites dansce numérosurlesmises enréseau visentjustement à sesaisirdecet aspect important,tout enévitantdeleprésentercommeunpré¬
requis:c'est progressivement etavectous que seconstruitcette compétencecultu¬
relle,etl'ons'opposeraicifermementàtoute idéologiede laconnivence.
Deuxième raison:plusqu'àd'autresniveaux, uneconception réductricede la
lecture risque ici d'êtredommageable. L'école primaire constitue, en effet, le momentoù semettentenplacedes«gestesdelecture»fondamentaux,àpartir
desquelslesenfantspeuvent progressivement apprendrele«métierdelecteur».
Certes,l'apprentissagetechniquedelalecturecomporteunepartnonnégligeable d'entrainement systématique, et requiert uneprogressiongraduée.Maisily aurait
ungravecontresensàméconnaitre,enraisondecette nécessaireprogression des premiersapprentissage del'écrit,lefaitqu'apprendreà lire,c'estaussiapprendreà jouer différentsrôles, liésaux enjeuxmêmesdelalecture.Énuméronsen quelques-uns:lerôleduquestionneur quicherche,au-delàdesmots,ce qu'en définitiveon
veutluidire;lerôledunaïfqui acceptedecroire(pour untemps)àcequel'onne
peut croire;lerôledugourmandqui«dévore»ce qu'illitcommeceluidugourmet qui prend letemps delajouissance;lerôledudétective quireconstituelepuzzle, ourelie entreeuxdes indices pourenfaire une pièceàconviction, ou encore suspend sonjugementletempsd'ensavoirplus;lerôledel'arpenteuroudugéo¬ mètre quieffectue des relevés méthodiques et précis; lerôle duvagabond qui
seperd dansles méandresdutexte; lerôle ducritiqued'humeurquifustigeou s'enflamme;lerôledel'érudit(maisoui!)quirapprochedes
uvres
enapparence éloignées; lerôledel'historien qui replacecequ'illitdans soncontexte... Autant decostumesqu'un lecteur-expérimentéplutôt qu'expert-sait revêtir(et, limites delamétaphore, revêtparfoisen mêmetemps...).Autant demanièresdeseplacer dansl'acte delecture, qui n'ont riend'évidentes, etque lejeune lecteurdoit apprendre,làaussiprogressivement.Lamétaphoredujeu,peutainsielle-mêmese lirededifférentesfaçons:«jeu»appelle«règles»maispeutaussidésignerl'enga¬gementdansunepratique (commelorsquel'on joue d'uninstrument). L'ambiguïté desapproches(de Pennacà Poslaniec)quiont fait du« plaisir delire »lacléde
l'entréeenlecturesesituelà:leplaisirnepeut certes venirqu'en jouant,mais le jeu
requiertaussiconnaissance et apprentissage.IInousfautdonc concevoirlalecture
comme praxis, c'est-à-dire embrassertoutàlafois ce qui estappartientaux théoriesimplicitesouconstruitesparlelecteur etauxpratiquesquidonnentsens à sonactivité.
En cesens, leprésent numéroseplace dansundébat interneà la revue. II
propose,après Repères18(1998),àpartird'uneautreinterprétation de lanotion de « culture écrite », d'une autre conception de la réception des textes, sa proprevisiondesobstacles « à laconquêtede l'écrit» etdeslieux nécessaires
d'interventiondidactique. Ce faisant,ilapporteaussiune réponseàRepères13,
« Lalectureetl'écriture littéraires»,qui,sous laplumed'Yves Reuter,lançaiten
1996,«dans legrandvide desrecherchesspécifiquement consacréesàla litté¬ rature àl'école primaire», unappelàmobilisation danslemêmetempsqu'iltra¬ çait des pistes de travail spéculatives. Occupé pour près de la moitiépar des
REPÈRESN°19/1999 F.GROSSMANN etC.TAUVERON
seront privés. Dans lamesureoù la capacitéd'interprétationrepose aussisurlerepé¬
ragede références,demotifsnarratifs récurrents, defigures mythiques, iln'estpas possiblede fairel'impasse surlescontenusculturelsdestextes: les propositions didactiques concrètes faites dansce numérosurlesmises enréseau visentjustement à sesaisirdecet aspect important,tout enévitantdeleprésentercommeunpré¬
requis:c'est progressivement etavectous que seconstruitcette compétencecultu¬
relle,etl'ons'opposeraicifermementàtoute idéologiede laconnivence.
Deuxième raison:plusqu'àd'autresniveaux, uneconception réductricede la
lecture risque ici d'êtredommageable. L'école primaire constitue, en effet, le momentoù semettentenplacedes«gestesdelecture»fondamentaux,àpartir
desquelslesenfantspeuvent progressivement apprendrele«métierdelecteur».
Certes,l'apprentissagetechniquedelalecturecomporteunepartnonnégligeable d'entrainement systématique, et requiert uneprogressiongraduée.Maisily aurait
ungravecontresensàméconnaitre,enraisondecette nécessaireprogression des premiersapprentissage del'écrit,lefaitqu'apprendreà lire,c'estaussiapprendreà jouer différentsrôles, liésaux enjeuxmêmesdelalecture.Énuméronsen quelques-uns:lerôleduquestionneur quicherche,au-delàdesmots,ce qu'en définitiveon
veutluidire;lerôledunaïfqui acceptedecroire(pour untemps)àcequel'onne
peut croire;lerôledugourmandqui«dévore»ce qu'illitcommeceluidugourmet qui prend letemps delajouissance;lerôledudétective quireconstituelepuzzle, ourelie entreeuxdes indices pourenfaire une pièceàconviction, ou encore suspend sonjugementletempsd'ensavoirplus;lerôledel'arpenteuroudugéo¬ mètre quieffectue des relevés méthodiques et précis; lerôle duvagabond qui
seperd dansles méandresdutexte; lerôle ducritiqued'humeurquifustigeou s'enflamme;lerôledel'érudit(maisoui!)quirapprochedes
uvres
enapparence éloignées; lerôledel'historien qui replacecequ'illitdans soncontexte... Autant decostumesqu'un lecteur-expérimentéplutôt qu'expert-sait revêtir(et, limites delamétaphore, revêtparfoisen mêmetemps...).Autant demanièresdeseplacer dansl'acte delecture, qui n'ont riend'évidentes, etque lejeune lecteurdoit apprendre,làaussiprogressivement.Lamétaphoredujeu,peutainsielle-mêmese lirededifférentesfaçons:«jeu»appelle«règles»maispeutaussidésignerl'enga¬gementdansunepratique (commelorsquel'on joue d'uninstrument). L'ambiguïté desapproches(de Pennacà Poslaniec)quiont fait du« plaisir delire »lacléde
l'entréeenlecturesesituelà:leplaisirnepeut certes venirqu'en jouant,mais le jeu
requiertaussiconnaissance et apprentissage.IInousfautdonc concevoirlalecture
comme praxis, c'est-à-dire embrassertoutàlafois ce qui estappartientaux théoriesimplicitesouconstruitesparlelecteur etauxpratiquesquidonnentsens à sonactivité.
En cesens, leprésent numéroseplace dansundébat interneà la revue. II
propose,après Repères18(1998),àpartird'uneautreinterprétation de lanotion de « culture écrite », d'une autre conception de la réception des textes, sa proprevisiondesobstacles « à laconquêtede l'écrit» etdeslieux nécessaires
d'interventiondidactique. Ce faisant,ilapporteaussiune réponseàRepères13,
« Lalectureetl'écriture littéraires»,qui,sous laplumed'Yves Reuter,lançaiten
1996,«dans legrandvide desrecherchesspécifiquement consacréesàla litté¬ rature àl'école primaire», unappelàmobilisation danslemêmetempsqu'iltra¬ çait des pistes de travail spéculatives. Occupé pour près de la moitiépar des
contributions issues d'une rechercheINRPen coursdont l'objet principal estla
« didactisation de la lecture littéraire des récits à l'école », le numéro atteste d'une certaine façon quelemessageaétéentenduet letravail entrepris.
Acedialogueexterne au numéro, en répondunautre, interne.Contrairement auxusagesdelarevuequijuxtaposebiensouventlesarticles et laisse aulecteurle soind'établirsespropresconnexions,nousavons en effetchoisi de faireentreren conversationdeuxéquipes de recherchescentréessurlemême objet, lacompréhen¬ siondes textes, quis'appuient suruncadreconceptuelenpartiecommunmaisn'ont pasexactement lamêmefocalisation : l'équipe LIDILEM
/
IVELde l'Université StendhaldeGrenoble etl'équipeINRP«Didactisationdelalecture littérairedesrécits àl'école»(désormais« Littéraire»)déjàévoquée.Autour de cet échange central, nous souhaitionsqu'interviennentdesdébatteursextérieurs àtitre decontrepoint(et contrepoids). Lesdébatteurspressentis, àl'exceptiondeMartineRémond,n'ontpu, pour des raisons diverses, répondreà notredemande, ce que nousregrettons. Lenuméro seprésentedonccommeunéchangeàtroisvoix, auxtempsdeparole légèrementdéséquilibrés, dontnousavonstenu àpréserver, par-delàlespoints communssoulignésçà etlà,laspécificité.Pourcetteraison,nousavonsrenoncéà un regroupement transversalpossiblefondésur unethématiqueou uneproblématique. Lepremiergroupedequatrearticles,émanationde larecherche«Littéraire»,està lireet àprendrecomme untout, dans l'ordre imposé quiseveutsignifiant. L'article de CatherineTAUVERONtente declarifierlesrapports qu'entretiennent compréhension etinterprétationet, àpartirdece cadreconceptuel, expose les principesdidactiquessurlesquelss'appuielarecherche, dont l'objectifprincipal est d'argumenter et opérationnaliserlanécessitéd'initierprécocementlesélèves aux différentesformesdepratiquessocialesdelalecturelittéraire. Lestroisarticles suivants, quis'y réfèrent explicitement, ensontledéveloppement etl'illustration: Aline KARNAUCH, s'appuyant surl'undesprincipesdidactiques préalablement posé(«Savoir lire la lecturedesélèves»),montrecomment certainsconceptsinsuf¬ fisamment travaillésdansleurévidence,commeleconcept d'auteur,peuventfaire écranàlacompréhensionet àlajouissancedel'écriturefictive telle qu'elleestmise enscènedanscertaines!uvres pourlajeunesseetcomment, inversement, les élèvespeuvententrersansmédiationmajeuredansladimensionsymboliquedes textes,réputéedifficilement accessible.DanièleMARCOINet Fabienne CALAME-GIPPETdéveloppentlaquestionde lamédiation entreletexte et l'élève, pluspréci¬ sément présententunetypologie des dispositifs heuristiques de présentation et de questionnement destextestels qu'ils favorisentlaparole, l'échange de parolesur lestexteset laconstructiond'un(de)sens.CatherineTAUVERONet Pierre SEVE, enfin,montrent,sur trois exemplesde natureet de portée différentes,letripleinté¬ rêtde lalectureenréseaux:commentellepermet l'éducationd'uncomportement de lecture spécifiquequi supposelamise en relation,commentellepermetde construirelaculturequi, en retour,alimentera lamiseenrelation,comment elleper¬ met, entantquedispositif multipliantlesvoiesd'accèsautexte,d'ypénétreravec plusdefinesse etd'ydécouvrir des territoires autrement impénétrables.
Lesecondgroupedetroisarticles,issusdel'IVEL
/
LIDILEM,s'ouvre sur une contribution de cadragedeFrancisGROSSMANN, àmettreenregarddecelle de CatherineTAUVERON. L'auteuryfaitlarecension destravaux (anglo-saxons) conduits autourduconcept de«Littératie»qu'il relit à lalumièredela probléma-contributions issues d'une rechercheINRPen coursdont l'objet principal estla« didactisation de la lecture littéraire des récits à l'école », le numéro atteste d'une certaine façon quelemessageaétéentenduet letravail entrepris.
Acedialogueexterne au numéro, en répondunautre, interne.Contrairement auxusagesdelarevuequijuxtaposebiensouventlesarticles et laisse aulecteurle soind'établirsespropresconnexions,nousavons en effetchoisi de faireentreren conversationdeuxéquipes de recherchescentréessurlemême objet, lacompréhen¬ siondes textes, quis'appuient suruncadreconceptuelenpartiecommunmaisn'ont pasexactement lamêmefocalisation : l'équipe LIDILEM
/
IVELde l'Université StendhaldeGrenoble etl'équipeINRP«Didactisationdelalecture littérairedesrécits àl'école»(désormais« Littéraire»)déjàévoquée.Autour de cet échange central, nous souhaitionsqu'interviennentdesdébatteursextérieurs àtitre decontrepoint(et contrepoids). Lesdébatteurspressentis, àl'exceptiondeMartineRémond,n'ontpu, pour des raisons diverses, répondreà notredemande, ce que nousregrettons. Lenuméro seprésentedonccommeunéchangeàtroisvoix, auxtempsdeparole légèrementdéséquilibrés, dontnousavonstenu àpréserver, par-delàlespoints communssoulignésçà etlà,laspécificité.Pourcetteraison,nousavonsrenoncéà un regroupement transversalpossiblefondésur unethématiqueou uneproblématique. Lepremiergroupedequatrearticles,émanationde larecherche«Littéraire»,està lireet àprendrecomme untout, dans l'ordre imposé quiseveutsignifiant. L'article de CatherineTAUVERONtente declarifierlesrapports qu'entretiennent compréhension etinterprétationet, àpartirdece cadreconceptuel, expose les principesdidactiquessurlesquelss'appuielarecherche, dont l'objectifprincipal est d'argumenter et opérationnaliserlanécessitéd'initierprécocementlesélèves aux différentesformesdepratiquessocialesdelalecturelittéraire. Lestroisarticles suivants, quis'y réfèrent explicitement, ensontledéveloppement etl'illustration: Aline KARNAUCH, s'appuyant surl'undesprincipesdidactiques préalablement posé(«Savoir lire la lecturedesélèves»),montrecomment certainsconceptsinsuf¬ fisamment travaillésdansleurévidence,commeleconcept d'auteur,peuventfaire écranàlacompréhensionet àlajouissancedel'écriturefictive telle qu'elleestmise enscènedanscertaines!uvres pourlajeunesseetcomment, inversement, les élèvespeuvententrersansmédiationmajeuredansladimensionsymboliquedes textes,réputéedifficilement accessible.DanièleMARCOINet Fabienne CALAME-GIPPETdéveloppentlaquestionde lamédiation entreletexte et l'élève, pluspréci¬ sément présententunetypologie des dispositifs heuristiques de présentation et de questionnement destextestels qu'ils favorisentlaparole, l'échange de parolesur lestexteset laconstructiond'un(de)sens.CatherineTAUVERONet Pierre SEVE, enfin,montrent,sur trois exemplesde natureet de portée différentes,letripleinté¬ rêtde lalectureenréseaux:commentellepermet l'éducationd'uncomportement de lecture spécifiquequi supposelamise en relation,commentellepermetde construirelaculturequi, en retour,alimentera lamiseenrelation,comment elleper¬ met, entantquedispositif multipliantlesvoiesd'accèsautexte,d'ypénétreravec plusdefinesse etd'ydécouvrir des territoires autrement impénétrables.
Lesecondgroupedetroisarticles,issusdel'IVEL
/
LIDILEM,s'ouvre sur une contribution de cadragedeFrancisGROSSMANN, àmettreenregarddecelle de CatherineTAUVERON. L'auteuryfaitlarecension destravaux (anglo-saxons) conduits autourduconcept de«Littératie»qu'il relit à lalumièredelaprobléma-REPÈRESN°19/1999 F.GROSSMANNet C. TAUVERON tique du numéro:ceconcept poseenparticulierlaquestiondu rôlequejouel'écrit
dansleprocessusde compréhension
/
interprétation destextes, si l'onse place dansuneperspective developpementale maisaussisocialeet culturelle.Enrelation aveclaquestion desdispositifs d'interrogationdestextes traitée danslepremier grouped'articles, Marie-CécileGUERNIERprésentelesrésultatsd'une recherche portantsur les représentations quesefont les élèves desactivités de lecture menéesenclasse,singulièrementdurapport entre lecture et questionnaire delec¬ture:sonétudeluipermetde distinguer troistypesderapportsquimontrent quela finalité affichée du questionnaire delecture,favoriserlacompréhension, n'estpas uniformément perçue partousles élèves. MauriceMAS, enfin,étudiecommentle sensimplicited'un texte narratifseconstruit/déconstruit dans l'interaction verbale etcomment, dansleséchanges, peuvent se liredesitinéraires de laconstruction du sens et des profils de lecteur. En marge de l'échange principal, Martine REMOND,de sonpoint de vue de psychologuedesapprentissagesinscrit dansla mouvance destravauxanglo-saxons sur lacompréhension, rendcomptedes effetsd'un enseignement explicitede lacompréhensionetdesesstratégiesàpartir detextessupports choisis précisément pour leur aspect problématique.
Decet ensemble peuventêtredégagéesquelques lignesdeforces,quin'ont pasdeprétentionàl'originalité,maisvisent àfonderunecohérenceetàtracerles perspectivesdidactiques.D'abord,lefaitquepourjouer,//faut connaître lesrègles. Quel'onseplace danslecadre dela«lecturelittéraire»,oudansceluid'unesémio¬ logiedesdiscours,untexten'estpasinterprétablesansquenesoientexplicitées lesrègles-langagières,sociales,culturelles,littéraires...- quirendentpossiblessa réceptionetfont qu'il devient possiblede luitrouverun sens.(4)Ce rôled'explicita¬ tion,c'estbienàl'écolede leremplir(quid'autre s'en chargerait?).
Deuxième idée : pourjouer, le lecteur doit d'abord être rassurésurson compte. La notion d'interprétation, davantage que celle de compréhension, impliquel'idée d'un engagementdu sujet;maiscomments'engagersil'on sait que ce quel'on vadiretrouvera peu d'écho, sera dévaloriséou écartéau profitde la seulelecture quicompte, celledeceluiquisaitcommentilfautlire,commentilfaut comprendre?IInes'agit pasici de prônersimplementlacapacitéd'écouteou la bienveillance:c'estbienl'acceptationdel'autredans sonidentité,individuellemais aussisociale,quiestencause:celarequiertuneattention fine auxpositionscultu¬ rellesqu'occupentlesacteurs, enseignantscommeélèves.(5)
Sitouteslesinterprétationsnesevalentpas,toutesdoivent pouvoirse dire, et sediscuter.D'oùunetroisième idée:cellequeladiscussion,le dialoguefontpartie àpartentièredel'activité de lecture,sidumoins l'ontientàladimensioninterpréta¬ tive.Prendre ausérieuxcette idéesimpleremetencausedes pratiquesbien instal¬ lées,comme celles des fameuses«questionsde compréhension»,ouaumoinsla manièredontellessont souvent conçuesetproposées auxélèves.
Enfin,dernière piste,plusdélicate,pluscontroversée:lesujet,eninterprétant,
enrésolvant des«problèmes delecture»,accroîtsescapacitésreflexives;ilprend
conscience, endiscutant avec d'autres et avec lui-même, dela manièredont le
textetravaille(commeondit du boisqu'il travaille),c'est-à-dire delamanièredontil
se modifie sousl'effet despoints devueetdes interprètes.IIapprendaussi à
repé-REPÈRESN°19/1999 F.GROSSMANNet C. TAUVERON
tique du numéro:ceconcept poseenparticulierlaquestiondu rôlequejouel'écrit
dansleprocessusde compréhension
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interprétation destextes, si l'onse place dansuneperspective developpementale maisaussisocialeet culturelle.Enrelation aveclaquestion desdispositifs d'interrogationdestextes traitée danslepremier grouped'articles, Marie-CécileGUERNIERprésentelesrésultatsd'une recherche portantsur les représentations quesefont les élèves desactivités de lecture menéesenclasse,singulièrementdurapport entre lecture et questionnaire delec¬ture:sonétudeluipermetde distinguer troistypesderapportsquimontrent quela finalité affichée du questionnaire delecture,favoriserlacompréhension, n'estpas uniformément perçue partousles élèves. MauriceMAS, enfin,étudiecommentle sensimplicited'un texte narratifseconstruit/déconstruit dans l'interaction verbale etcomment, dansleséchanges, peuvent se liredesitinéraires de laconstruction du sens et des profils de lecteur. En marge de l'échange principal, Martine REMOND,de sonpoint de vue de psychologuedesapprentissagesinscrit dansla mouvance destravauxanglo-saxons sur lacompréhension, rendcomptedes effetsd'un enseignement explicitede lacompréhensionetdesesstratégiesàpartir detextessupports choisis précisément pour leur aspect problématique.
Decet ensemble peuventêtredégagéesquelques lignesdeforces,quin'ont pasdeprétentionàl'originalité,maisvisent àfonderunecohérenceetàtracerles perspectivesdidactiques.D'abord,lefaitquepourjouer,//faut connaître lesrègles. Quel'onseplace danslecadre dela«lecturelittéraire»,oudansceluid'unesémio¬ logiedesdiscours,untexten'estpasinterprétablesansquenesoientexplicitées lesrègles-langagières,sociales,culturelles,littéraires...- quirendentpossiblessa réceptionetfont qu'il devient possiblede luitrouverun sens.(4)Ce rôled'explicita¬ tion,c'estbienàl'écolede leremplir(quid'autre s'en chargerait?).
Deuxième idée : pourjouer, le lecteur doit d'abord être rassurésurson compte. La notion d'interprétation, davantage que celle de compréhension, impliquel'idée d'un engagementdu sujet;maiscomments'engagersil'on sait que ce quel'on vadiretrouvera peu d'écho, sera dévaloriséou écartéau profitde la seulelecture quicompte, celledeceluiquisaitcommentilfautlire,commentilfaut comprendre?IInes'agit pasici de prônersimplementlacapacitéd'écouteou la bienveillance:c'estbienl'acceptationdel'autredans sonidentité,individuellemais aussisociale,quiestencause:celarequiertuneattention fine auxpositionscultu¬ rellesqu'occupentlesacteurs, enseignantscommeélèves.(5)
Sitouteslesinterprétationsnesevalentpas,toutesdoivent pouvoirse dire, et sediscuter.D'oùunetroisième idée:cellequeladiscussion,le dialoguefontpartie àpartentièredel'activité de lecture,sidumoins l'ontientàladimensioninterpréta¬ tive.Prendre ausérieuxcette idéesimpleremetencausedes pratiquesbien instal¬ lées,comme celles des fameuses«questionsde compréhension»,ouaumoinsla manièredontellessont souvent conçuesetproposées auxélèves.
Enfin,dernière piste,plusdélicate,pluscontroversée:lesujet,eninterprétant,
enrésolvant des«problèmes delecture»,accroîtsescapacitésreflexives;ilprend
conscience, endiscutant avec d'autres et avec lui-même, dela manièredont le
textetravaille(commeondit du boisqu'il travaille),c'est-à-dire delamanièredontil
repé-rerleslieux destabilitédusens, ceuxqu'il est difficile de contester, saufàfaire preuve demauvaisefoi:cela leconduit,selon lemot deF.Rastier,ducôté deslec¬
tures plausibles.
Lapossibilitéderetrouvaillesentre lesapproches culturelleset lesapproches cognitives(6)delatextualité setrouvesansdoute danslacapacitéàpermettrela convergencedeces différents anglesdevue;ellereposeplusfondamentalement surlaprise encomptedusujet,etlerefuscorollaired'une vision du lecteurcomme simple«machineà lire»inscrit etpréditparletextemême. Letexte,on l'a dit,ne peut prévoir quelamanière dontilvaéchapperàson lecteur; lelecteurdeson côté,résistesouventàcequel'auteur(ouceux qui détiennentlanormeinterpréta¬ tive)voudraientle voir« lire »(danslesensinterprétatif du terme). Réfléchiràla manièredont s'articulent, s'enchainentou seconfortent mutuellementlesproces¬ susde compréhensionetd'interprétation,c'estdoncaussiapprendreàrelativiser cesdichotomiesquidivisentlesujet (cognitionou compétence culturelle,intellec¬ tionoudésir...)mais aussisegmententleschamps de connaissance (langueou littérature)ouencorelesthéories de l'acquisition et de l'apprentissage (processus psychologiquesou pratiquessociales).
NOTES
(1) Endehors de latradition herméneutique, illustrée Francepar Paul Ricur, ou sémio¬
tique(U.Eco)signalonsparmibiend'autreslescontributions figurantdansReichler
(1989);danslechampde la théorielittéraire, l'ouvragefondateur etdiscuté par
M.Picard (1986);dans uneperspective plussociologique,ledéjà ancien maistoujours
passionnantUrelalecturedeJ. LeenhardtetP.Jôzsa(1982);dans un genretrèsdiffé¬
rent,etmêmes'ilseveutavanttoutméthodologique, letexteintitulé«Comprendre»de
P.BourdieufigurantdanslaMisère duMondeoffre une réflexiontrèsstimulante,per¬
mettantde saisir l'intérêtetles limites delaverbalisationpourl'interprétation;dansle
champpsycholinguistique,l'ouvragedeCoirier,Gaonac'h,Passerault (1996)fournit une
synthèsecommode;ensémantique,F.Rastier,qui renouvellel'approchestructuraleà
travers sasémantiqueinterprétativeestuneréférenceincontournable;dans ledomaine
plusspécifiquementdidactique,etsil'on selimiteaux revues, ontrouveradeséléments
de réflexion utiles parexempledanslesn°1 et9de Spirale,len°76dePratiques, le
n°10deUdil, len°13de Repères,ainsique lerécentn°30de Recherches, quicontient
enparticulier un articlepolémiqueintéressantde B. Daunay intitulé«Lalecture littéraire,
lesrisquesd'une mystification»etquifaitl'objet d'unenotede lecture danscenuméro.
(2) FrancisMarcoin(1992)abien montré,dansAl'écolede la littérature, quel'écolerépubli¬
caine atoujourssu,parlepassé,s'appuyersur des textesquin'étaientpasseulement
utilitairesmaisavaientpourvocationde«configurerlesens».
(3) Cettedernièreprécisionpeutsembler triviale, elleest cependantinévitable:unalbum
pour enfant, auformatàl'italienne,coûte unecentainedefrancsenviron; prixsans
doutejustifié, mais quinécessite un investissement lourdpourde nombreuses familles.
(4) En amèneplan:lerefusd'uneconceptionquifait dulangage unvéhiculetransparent.
(5) Onseréféreraiciauxdifférents travaux deJ.-M.Privât et d'Y.Reuter(Voirparexemple:
PRIVAT,J.-M.&REUTER,Y.(1990).Lectureset médiationsculturelles.Actesdu col¬
loque,Villeurbanne, mars,diffuséparlesPressesUniversitairesdeLyon).
(6) Bruner(1991)dans...caria culturedonneforme à l'esprit,delarévolutioncognitiveàla
psychologie culturelle retrace l'origine dudivorceetappelle à ces retrouvailles.
rerleslieux destabilitédusens, ceuxqu'il est difficile de contester, saufàfaire preuve demauvaisefoi:cela leconduit,selon lemot deF.Rastier,ducôté deslec¬
tures plausibles.
Lapossibilitéderetrouvaillesentre lesapproches culturelleset lesapproches cognitives(6)delatextualité setrouvesansdoute danslacapacitéàpermettrela convergencedeces différents anglesdevue;ellereposeplusfondamentalement surlaprise encomptedusujet,etlerefuscorollaired'une vision du lecteurcomme simple«machineà lire»inscrit etpréditparletextemême. Letexte,on l'a dit,ne peut prévoir quelamanière dontilvaéchapperàson lecteur; lelecteurdeson côté,résistesouventàcequel'auteur(ouceux qui détiennentlanormeinterpréta¬ tive)voudraientle voir« lire »(danslesensinterprétatif du terme). Réfléchiràla manièredont s'articulent, s'enchainentou seconfortent mutuellementlesproces¬ susde compréhensionetd'interprétation,c'estdoncaussiapprendreàrelativiser cesdichotomiesquidivisentlesujet (cognitionou compétence culturelle,intellec¬ tionoudésir...)mais aussisegmententleschamps de connaissance (langueou littérature)ouencorelesthéories de l'acquisition et de l'apprentissage (processus psychologiquesou pratiquessociales).
NOTES
(1) Endehors de latradition herméneutique, illustrée Francepar Paul Ricur, ou sémio¬
tique(U.Eco)signalonsparmibiend'autreslescontributions figurantdansReichler
(1989);danslechampde la théorielittéraire, l'ouvragefondateur etdiscuté par
M.Picard (1986);dans uneperspective plussociologique,ledéjà ancien maistoujours
passionnantUrelalecturedeJ. LeenhardtetP.Jôzsa(1982);dans un genretrèsdiffé¬
rent,etmêmes'ilseveutavanttoutméthodologique, letexteintitulé«Comprendre»de
P.BourdieufigurantdanslaMisère duMondeoffre une réflexiontrèsstimulante,per¬
mettantde saisir l'intérêtetles limites delaverbalisationpourl'interprétation;dansle
champpsycholinguistique,l'ouvragedeCoirier,Gaonac'h,Passerault (1996)fournit une
synthèsecommode;ensémantique,F.Rastier,qui renouvellel'approchestructuraleà
travers sasémantiqueinterprétativeestuneréférenceincontournable;dans ledomaine
plusspécifiquementdidactique,etsil'on selimiteaux revues, ontrouveradeséléments
de réflexion utiles parexempledanslesn°1 et9de Spirale,len°76dePratiques, le
n°10deUdil, len°13de Repères,ainsique lerécentn°30de Recherches, quicontient
enparticulier un articlepolémiqueintéressantde B. Daunay intitulé«Lalecture littéraire,
lesrisquesd'une mystification»etquifaitl'objet d'unenotede lecture danscenuméro.
(2) FrancisMarcoin(1992)abien montré,dansAl'écolede la littérature, quel'écolerépubli¬
caine atoujourssu,parlepassé,s'appuyersur des textesquin'étaientpasseulement
utilitairesmaisavaientpourvocationde«configurerlesens».
(3) Cettedernièreprécisionpeutsembler triviale, elleest cependantinévitable:unalbum
pour enfant, auformatàl'italienne,coûte unecentainedefrancsenviron; prixsans
doutejustifié, mais quinécessite un investissement lourdpourde nombreuses familles.
(4) En amèneplan:lerefusd'uneconceptionquifait dulangage unvéhiculetransparent.
(5) Onseréféreraiciauxdifférents travaux deJ.-M.Privât et d'Y.Reuter(Voirparexemple:
PRIVAT,J.-M.&REUTER,Y.(1990).Lectureset médiationsculturelles.Actesdu col¬
loque,Villeurbanne, mars,diffuséparlesPressesUniversitairesdeLyon).
(6) Bruner(1991)dans...caria culturedonneforme à l'esprit,delarévolutioncognitiveàla
REPÈRESN°19/1999 F.GROSSMANN et C. TAUVERON
BIBLIOGRAPHIE
BOURDIEU P. (1993):« Comprendre».In P.Bourdieu(Ed.),LaMisèreduMonde (pp.903-939),Paris,Seuil.
BRUNER J.(1991):...cariaculturedonneformeàl'esprit,delarévolutioncognitive
à lapsychologie culturelle,Paris,ESHEL(Éditionoriginaleaméricaine, 1990). COIRIERP.,GAONAC'HD.etPASSERAULTJ.-M.(1996):Psycholinguistiquetex¬
tuelle:uneapproche cognitivedelacompréhensionet delaproduction des textes, Paris, A.Colin.
DAUNAY (1999) : « La lecture littéraire, les risques d'une mystification »,
Recherches,30, Lille, ARDPF.
LEENHARDT etJOZSAP.(1982),Urelalecture,essaidesociologie delalecture, Paris,Sycomore.
MARCOINF. (1992):Al'écoledelalittérature, Paris, Leséditionsouvrières.
PICARD M.(1986):Lalittérature commejeu,Paris,Minuit.
PRIVATJ.-M. etREUTERY.(Eds)(1990):Lectureset médiationsculturelles.Actes
ducolloque,Villeurbanne, mars, diffuséparlesPressesUniversitairesdeLyon. RASTIERF.(1987):Sémantiqueinterprétative. Paris, PressesUniversitairesde France.
REICHLERC.(Ed.)(1989):L'interprétationdestextes, Paris,ÉditionsdeMinuit. Repères,13,(1996),(Y.ReuteretC.Tauveron,coord.),«Lalectureetl'écriturelitté¬ rairesàl'école»,Paris,INRP.
Repères, 18, (1999), (M. Brigaudiotet R.Goigoux, coord.), «Ala conquête de l'écrit»,Paris,INRP.
REPÈRESN°19/1999 F.GROSSMANN et C. TAUVERON
BIBLIOGRAPHIE
BOURDIEU P. (1993):« Comprendre».In P.Bourdieu(Ed.),LaMisèreduMonde (pp.903-939),Paris,Seuil.
BRUNER J.(1991):...cariaculturedonneformeàl'esprit,delarévolutioncognitive
à lapsychologie culturelle,Paris,ESHEL(Éditionoriginaleaméricaine, 1990). COIRIERP.,GAONAC'HD.etPASSERAULTJ.-M.(1996):Psycholinguistiquetex¬
tuelle:uneapproche cognitivedelacompréhensionet delaproduction des textes, Paris, A.Colin.
DAUNAY (1999) : « La lecture littéraire, les risques d'une mystification »,
Recherches,30, Lille, ARDPF.
LEENHARDT etJOZSAP.(1982),Urelalecture,essaidesociologie delalecture, Paris,Sycomore.
MARCOINF. (1992):Al'écoledelalittérature, Paris, Leséditionsouvrières.
PICARD M.(1986):Lalittérature commejeu,Paris,Minuit.
PRIVATJ.-M. etREUTERY.(Eds)(1990):Lectureset médiationsculturelles.Actes
ducolloque,Villeurbanne, mars, diffuséparlesPressesUniversitairesdeLyon. RASTIERF.(1987):Sémantiqueinterprétative. Paris, PressesUniversitairesde France.
REICHLERC.(Ed.)(1989):L'interprétationdestextes, Paris,ÉditionsdeMinuit. Repères,13,(1996),(Y.ReuteretC.Tauveron,coord.),«Lalectureetl'écriturelitté¬ rairesàl'école»,Paris,INRP.
Repères, 18, (1999), (M. Brigaudiotet R.Goigoux, coord.), «Ala conquête de l'écrit»,Paris,INRP.
LE
LITTÉRAIRE
À
L'ÉCOLE
:DU
TEXTE
RÉTICENT
AU
TEXTE PROLIFÉRANT
CatherineTAUVERON
INRP, Recherche«Littéraire»
Résumé:LarechercheINRP«Didactisationdela lectureetdel'écriturelittéraires durécitàl'école, cycles2et3»,sedonnepourobjectifdedétermineretd'éprouver lesconditionsfavorisant
l'initiation
précoce desélèvesàlalecturelittéraire, initia¬ tion jugée possibleetnécessaire dèsl'entréedansl'apprentissagedel'écrit.Larecherche poseque les élèves nepeuvent être initiésàla lecture
littéraire,
commeactivitéderésolutionde problèmes, que surdestextes résistants.Elledis¬
tingueparmi les textesrésistants, les textesréticentsquiposent desproblèmesde compréhensiondélibéréset lestextesproliférantsquiposent desproblèmesd'inter¬ prétation. Unetelle distinctionapourambitiond'aiderlesmaitresàrepérer,dansla productiondesrécitsdestinés àla jeunesse,ceuxquiseprêtentàunelecture litté¬ raire,àcatégoriser lesproblèmesqu'ilsposentpourensuitedévelopperlesconnais¬ sances culturelles etles savoir-fairespécifiques, imaginerdes dispositifsdidac¬ tiquesefficacespermettant auxélèvesd'identifieràleur tourcesproblèmeset de les résoudredansl'éventuellepluralitédesréponsespossibles.
Ce qui suit est à lire comme le cadre théorique et didactique que s'est donnélarecherche«Didactisationdelalectureet del'écriture littéraires durécit àl'école(cycles 2 et3)»(INRP,équipesFrançais1erdegré),tel du moinsqu'il se présente à mi-parcours (2) et surla seule question de lalecture littéraire. Des exemplesdemiseen.uvre concrètes dansles classesseront analyséspar des membresdel'équipe dans les troisarticlesqui suivent.
1.
LA
LITTÉRATUREMANGÉE
PAR LESMYTHESL'écoleélémentaireentretient aujourd'huides rapportsparadoxaux avec la littérature, faits de fascination et de révérence (elle lui reconnait des vertus qu'elle n'accorde pasauxtextesnonlittéraires) ettoutàlafois de mépris pour sasingularité(ellen'encourageguèreà lalireautrementqu'un écrit ordinaire) et dès lors qu'elle pose que sa lecture n'implique aucune « compétence parti¬ culière», elle ne prévoit pourelle « aucun apprentissagetechnique particulier »
(3)). En d'autres termes, la littérature ne cesse de figurer en bonne place à
l'écolemais, pour reprendreF. Marcoin (1992),« dansl'ignorance de son propre
statut»,commesimplesupport,parmid'autres, desactivités langagières.
LE
LITTÉRAIRE
À
L'ÉCOLE
:DU
TEXTE
RÉTICENT
AU
TEXTE PROLIFÉRANT
CatherineTAUVERON
INRP, Recherche«Littéraire»
Résumé:LarechercheINRP«Didactisationdela lectureetdel'écriturelittéraires durécitàl'école, cycles2et3»,sedonnepourobjectifdedétermineretd'éprouver lesconditionsfavorisant
l'initiation
précoce desélèvesàlalecturelittéraire, initia¬ tion jugée possibleetnécessaire dèsl'entréedansl'apprentissagedel'écrit.Larecherche poseque les élèves nepeuvent être initiésàla lecture
littéraire,
commeactivitéderésolutionde problèmes, que surdestextes résistants.Elledis¬
tingueparmi les textesrésistants, les textesréticentsquiposent desproblèmesde compréhensiondélibéréset lestextesproliférantsquiposent desproblèmesd'inter¬ prétation. Unetelle distinctionapourambitiond'aiderlesmaitresàrepérer,dansla productiondesrécitsdestinés àla jeunesse,ceuxquiseprêtentàunelecture litté¬ raire,àcatégoriser lesproblèmesqu'ilsposentpourensuitedévelopperlesconnais¬ sances culturelles etles savoir-fairespécifiques, imaginerdes dispositifsdidac¬ tiquesefficacespermettant auxélèvesd'identifieràleur tourcesproblèmeset de les résoudredansl'éventuellepluralitédesréponsespossibles.
Ce qui suit est à lire comme le cadre théorique et didactique que s'est donnélarecherche«Didactisationdelalectureet del'écriture littéraires durécit àl'école(cycles 2 et3)»(INRP,équipesFrançais1erdegré),tel du moinsqu'il se présente à mi-parcours (2) et surla seule question de lalecture littéraire. Des exemplesdemiseen.uvre concrètes dansles classesseront analyséspar des membresdel'équipe dans les troisarticlesqui suivent.
1.
LA
LITTÉRATUREMANGÉE
PAR LESMYTHESL'écoleélémentaireentretient aujourd'huides rapportsparadoxaux avec la littérature, faits de fascination et de révérence (elle lui reconnait des vertus qu'elle n'accorde pasauxtextesnonlittéraires) ettoutàlafois de mépris pour sasingularité(ellen'encourageguèreà lalireautrementqu'un écrit ordinaire) et dès lors qu'elle pose que sa lecture n'implique aucune « compétence parti¬ culière», elle ne prévoit pourelle « aucun apprentissagetechnique particulier »
(3)). En d'autres termes, la littérature ne cesse de figurer en bonne place à
l'écolemais, pour reprendreF. Marcoin (1992),« dansl'ignorance de son propre
REPÈRESN°19/1999 C. TAUVERON
Le paradoxe repose sur ce qu'àlasuitede Picard (1986),j'appellerai des
« mythes »,générateurs d'erreurs tactiquesquinesont pas sansconséquences.
1.1.
Le
mythe de
«l'efficacité intrinsèque
des
Àuvres
»Parceque l'ontable surlamagienaturelledulivreoudumaitreprésentantle
livre,c'estbiensansapprentissage spécifiqueque l'oncompte établirune«conni¬ vence culturelleetaffective»entreletexteetl'élève, enignorantque la connais¬ sance du« répertoire»ausensqu'Iser(1979)donneàceterme(«Lerépertoireest lapartieconstitutivedutextequiprécisément renvoie àce quiluiestextérieur»), «constitueuneconditionélémentairepourune connivence possibleentre letexte
etlelecteur.»C'estaussisanssavoirs ousavoir-fairespécifiquesquel'on compte,
commeyinvite leslogan, «faire naitrele plaisirde lire ». Comment, en effet, répondredidactiquementàce quifonctionnecommeuneinjonctionparadoxale?
Dèslorsqu'onentendleplaisir commeunesorte de jouissanceintime,subjective etpour partiemystérieuse, néedans l'immédiateté et lachaleurdu contact, comment pensersonapprentissage?Defait, onnelepensepas et leslogan est uneinviteà ne rienentreprendrequipuissefaire obstacleàlarencontreuniquede l'enfant et dulivre. IIsuffit,semble-t-il,deproposer deslivres enabondanceetde
les (faire) lire.Nous posons, pour notre part, quela connivenceculturellese construit et qu'il existe une formedeplaisir,intellectif et esthétique, qui est, commelegoûtaveclequelilapartieliée,lefruit d'une éducation. C'estàcette
construction et
àcette éducationquenoustravaillons.1.2.
Le
mythe de
«lalecture naïve
»ou
«de
latransparence
du texte
»S'appuyant surlesacquisdesrecherches en lecture,pourl'essentiel menées dansledomaine delapsychologiecognitive,lesrecommandations officiellesdon¬ nentàl'école,et ce,dèslecycle2, lamissionuniqued'apprendreàcomprendre, tous lestextes indifféremment, endeux stadesdistincts : d'abord atteindrela
«compréhensionlittérale»aucycle2 etviserensuite progressivementaucycle3la
«compréhension fine»,entendue commecapacitéàfairedesinferencessimples. Unetelleopposition,qu'onadumalàjustifierthéoriquement(s'ilexiste une«lettre dutexte», lacompréhensionlittérale estunechimère), unetelle progression(par quel miracle peut-on passer d'une lecture non inférentielle à une lecture inférentielle?)ont des effets pratiques désastreux. Dominique Lafontaine (1998) montrequ'au sortirdel'écoleprimaire, lesélèvesayantsuivi un cursus normalsont incapables de faire des inferencessurdestextessimples, parcequ'en neleur posant que tardivementetrarementdesquestions inférentielles, on neleur a pas apprisque lire c'estnécessairement faire des inferences. G. Chauveau (1997) constatequ'àl'entréeen6eles élèves mauvais lecteurs,au-delàde réelles diffi¬ cultés techniques, nesereprésententpas les «profitssymboliques»qu'ilspour¬ raienttirer deleurcontact avecles livresquiracontent des histoires.Etpourtant,au lieude travailleràmettreenvaleurcesprofits symboliques,c'estbiensûr la tech¬ niqued'identificationdesmotsqu'on s'acharne pour tenter desauver les élèves les plusperdus.C'estdumoinsce querévèlel'enquêtedeR.Goigoux(1999)dansles
SEGPA(4)etdontilrendcomptedans laprécédente livraisondelarevue:«Ces
REPÈRESN°19/1999 C. TAUVERON
Le paradoxe repose sur ce qu'àlasuitede Picard (1986),j'appellerai des
« mythes »,générateurs d'erreurs tactiquesquinesont pas sansconséquences.
1.1.
Le
mythe de
«l'efficacité intrinsèque
des
Àuvres
»Parceque l'ontable surlamagienaturelledulivreoudumaitreprésentantle
livre,c'estbiensansapprentissage spécifiqueque l'oncompte établirune«conni¬ vence culturelleetaffective»entreletexteetl'élève, enignorantque la connais¬ sance du« répertoire»ausensqu'Iser(1979)donneàceterme(«Lerépertoireest lapartieconstitutivedutextequiprécisément renvoie àce quiluiestextérieur»), «constitueuneconditionélémentairepourune connivence possibleentre letexte
etlelecteur.»C'estaussisanssavoirs ousavoir-fairespécifiquesquel'on compte,
commeyinvite leslogan, «faire naitrele plaisirde lire ». Comment, en effet, répondredidactiquementàce quifonctionnecommeuneinjonctionparadoxale?
Dèslorsqu'onentendleplaisir commeunesorte de jouissanceintime,subjective etpour partiemystérieuse, néedans l'immédiateté et lachaleurdu contact, comment pensersonapprentissage?Defait, onnelepensepas et leslogan est uneinviteà ne rienentreprendrequipuissefaire obstacleàlarencontreuniquede l'enfant et dulivre. IIsuffit,semble-t-il,deproposer deslivres enabondanceetde
les (faire) lire.Nous posons, pour notre part, quela connivenceculturellese construit et qu'il existe une formedeplaisir,intellectif et esthétique, qui est, commelegoûtaveclequelilapartieliée,lefruit d'une éducation. C'estàcette
construction et
àcette éducationquenoustravaillons.1.2.
Le
mythe de
«lalecture naïve
»ou
«de
latransparence
du texte
»S'appuyant surlesacquisdesrecherches en lecture,pourl'essentiel menées dansledomaine delapsychologiecognitive,lesrecommandations officiellesdon¬ nentàl'école,et ce,dèslecycle2, lamissionuniqued'apprendreàcomprendre, tous lestextes indifféremment, endeux stadesdistincts : d'abord atteindrela
«compréhensionlittérale»aucycle2 etviserensuite progressivementaucycle3la
«compréhension fine»,entendue commecapacitéàfairedesinferencessimples. Unetelleopposition,qu'onadumalàjustifierthéoriquement(s'ilexiste une«lettre dutexte», lacompréhensionlittérale estunechimère), unetelle progression(par quel miracle peut-on passer d'une lecture non inférentielle à une lecture inférentielle?)ont des effets pratiques désastreux. Dominique Lafontaine (1998) montrequ'au sortirdel'écoleprimaire, lesélèvesayantsuivi un cursus normalsont incapables de faire des inferencessurdestextessimples, parcequ'en neleur posant que tardivementetrarementdesquestions inférentielles, on neleur a pas apprisque lire c'estnécessairement faire des inferences. G. Chauveau (1997) constatequ'àl'entréeen6eles élèves mauvais lecteurs,au-delàde réelles diffi¬ cultés techniques, nesereprésententpas les «profitssymboliques»qu'ilspour¬ raienttirer deleurcontact avecles livresquiracontent des histoires.Etpourtant,au lieude travailleràmettreenvaleurcesprofits symboliques,c'estbiensûr la tech¬ niqued'identificationdesmotsqu'on s'acharne pour tenter desauver les élèves les plusperdus.C'estdumoinsce querévèlel'enquêtedeR.Goigoux(1999)dansles
lecteurscroientenparticulierqu'il leursuffitdedécodertous lesmotsd'untexte pourlecomprendre[...]Bonnombred'entreeuxs'efforcent de mémoriserlaforme littéraledesénoncésetprocèdentàl'inversedeslecteurs habiles quicentrenttoute leurattentionsurlecontenu etnon surlaforme littérale (quifaittoujoursl'objet d'unoubli rapide).[...] Ilsconsidèrentlalecturecommeunesuited'identifications demotsdébouchant naturellementetsansintentionparticulièrede leur partsur unecompréhension univoque du sens dutexte.
[]
C'esten cycle2qu'ils ont apprisàidentifiertouslesmots d'untexteavantdechercheràcomprendrelesens dece texte. Etplusilsontété en difficulté,plus lesmaitresont accentuélesclivages entredéchiffrageet compréhension,entrecompréhension littérale et compréhen¬ sion inférentielle.».Apprendreàlireentre leslignesdèsl'entréedansl'apprentissage delalecture està nosyeuxunenjeu essentielpourtouslestypesdetextes puisque tousles types detextes supposent une lectureinférentielle. Cen'estpourtant pas parce quecetteconditionseraitsatisfaitequ'onauraitpour autant réglé laquestion des texteslittéraires. Lestextes littéraires(nous nous limiteronscependant auxrécits littéraires), plusquelesautres, demandent lacoopérationcognitive activedu lec¬
teur,tout simplementparceque: «Lemondequeproduitletexte littéraire narratif est unmondeincomplet, mêmesicertaines
uvres
proposent des mondes plus complets qued'autres. II serait plusjuste de parler defragments demondes,constituésde partiesde personnagesetdedialogues, oùdespans entiers dela réalitéfont défaut. Et, point essentiel, cesdéfaillancesdu monde de
l'tuvre
ne tiennentpas à undéfautd'informationque letravailderecherche, commeenhis¬toire, peut espérercomblerun jour,maisun défaut destructure, àsavoir que ce mondenesouffrepasd'une complétudeperdue,fauted'avoir jamaisétécomplet. Dece fait, letexte n'estpaslisiblesi lelecteur neluidonne passaforme ultime,par exempleenimaginantconsciemmentouinconsciemment,unemultitudededétails qui neluisont pas fournis. Pour toutescesraisons,iln'existe pas detexte littéraire indépendamment delasubjectivitédeceluiqui le lit.[...] C'estlelecteurquivient achever
l'uvre
et refermerlemondequ'elle ouvre, et il lefaitchaque foisde manièredifférente.» (P.Bayard, 1998, 127-128)Ensuite etsurtout,ils sont les seulsàlégitimer letraitementde chacunede leurs informationscommeun indicepotentiel. Ence sens, les concernant, on ne saurait faire reposerlacompréhensionfinesurlaseulecapacité àfairedesinfe¬
rences, entenduescomme«opérations logiquespar lesquellesonadmetunepro¬
positionenvertudesaliaison[quasi automatique,«hypercodée»,diraitEco]avec d'autrespropositionsdéjà tenuespourvraies » (Le Robert), relativement àses connaissancespragmatiqueset encyclopédiques.Ondoitaussiy inclurelacapa¬ citéàtrouverdes connexions entreéléments àpartird'une«sériederègles
équi-probables queproposelaconnaissancecourantedumonde»,cequi peutconduire
àdes«actualisations sémantiquementconflictuelles»(abduction«hypocodée»).
Autrementdit,plusieursrègles en«si...alors»peuventêtresimultanémentmobili¬ sées,entrelesquelleslelecteur devrachoisir ou nepourra,voudra paschoisir. Etde cette indécidabilité,iltiregénéralementunplaisir(lemotrevientmaisadéjàchangé de figure),pourpeuqu'ilaitapprisqu'il étaitpossibleetlégitime d'hésiter.Enfin et surtout,lestexteslittérairesinvitent,àpartird'un premierrapprochement de mots, defaits,dontonsubodorequ'ilestprometteursansavoir deloipourlejustifier, à lecteurscroientenparticulierqu'il leursuffitdedécodertous lesmotsd'untexte pourlecomprendre[...]Bonnombred'entreeuxs'efforcent de mémoriserlaforme littéraledesénoncésetprocèdentàl'inversedeslecteurs habiles quicentrenttoute leurattentionsurlecontenu etnon surlaforme littérale (quifaittoujoursl'objet d'unoubli rapide).[...] Ilsconsidèrentlalecturecommeunesuited'identifications demotsdébouchant naturellementetsansintentionparticulièrede leur partsur unecompréhension univoque du sens dutexte.
[]
C'esten cycle2qu'ils ont apprisàidentifiertouslesmots d'untexteavantdechercheràcomprendrelesens dece texte. Etplusilsontété en difficulté,plus lesmaitresont accentuélesclivages entredéchiffrageet compréhension,entrecompréhension littérale et compréhen¬ sion inférentielle.».Apprendreàlireentre leslignesdèsl'entréedansl'apprentissage delalecture està nosyeuxunenjeu essentielpourtouslestypesdetextes puisque tousles types detextes supposent une lectureinférentielle. Cen'estpourtant pas parce quecetteconditionseraitsatisfaitequ'onauraitpour autant réglé laquestion des texteslittéraires. Lestextes littéraires(nous nous limiteronscependant auxrécits littéraires), plusquelesautres, demandent lacoopérationcognitive activedu lec¬
teur,tout simplementparceque: «Lemondequeproduitletexte littéraire narratif est unmondeincomplet, mêmesicertaines
uvres
proposent des mondes plus complets qued'autres. II serait plusjuste de parler defragments demondes,constituésde partiesde personnagesetdedialogues, oùdespans entiers dela réalitéfont défaut. Et, point essentiel, cesdéfaillancesdu monde de
l'tuvre
ne tiennentpas à undéfautd'informationque letravailderecherche, commeenhis¬toire, peut espérercomblerun jour,maisun défaut destructure, àsavoir que ce mondenesouffrepasd'une complétudeperdue,fauted'avoir jamaisétécomplet. Dece fait, letexte n'estpaslisiblesi lelecteur neluidonne passaforme ultime,par exempleenimaginantconsciemmentouinconsciemment,unemultitudededétails qui neluisont pas fournis. Pour toutescesraisons,iln'existe pas detexte littéraire indépendamment delasubjectivitédeceluiqui le lit.[...] C'estlelecteurquivient achever
l'uvre
et refermerlemondequ'elle ouvre, et il lefaitchaque foisde manièredifférente.» (P.Bayard, 1998, 127-128)Ensuite etsurtout,ils sont les seulsàlégitimer letraitementde chacunede leurs informationscommeun indicepotentiel. Ence sens, les concernant, on ne saurait faire reposerlacompréhensionfinesurlaseulecapacité àfairedesinfe¬
rences, entenduescomme«opérations logiquespar lesquellesonadmetunepro¬
positionenvertudesaliaison[quasi automatique,«hypercodée»,diraitEco]avec d'autrespropositionsdéjà tenuespourvraies » (Le Robert), relativement àses connaissancespragmatiqueset encyclopédiques.Ondoitaussiy inclurelacapa¬ citéàtrouverdes connexions entreéléments àpartird'une«sériederègles
équi-probables queproposelaconnaissancecourantedumonde»,cequi peutconduire
àdes«actualisations sémantiquementconflictuelles»(abduction«hypocodée»).
Autrementdit,plusieursrègles en«si...alors»peuventêtresimultanémentmobili¬ sées,entrelesquelleslelecteur devrachoisir ou nepourra,voudra paschoisir. Etde cette indécidabilité,iltiregénéralementunplaisir(lemotrevientmaisadéjàchangé de figure),pourpeuqu'ilaitapprisqu'il étaitpossibleetlégitime d'hésiter.Enfin et surtout,lestexteslittérairesinvitent,àpartird'un premierrapprochement de mots, defaits,dontonsubodorequ'ilestprometteursansavoir deloipourlejustifier, à
REPÈRESN°19/1999 C.TAUVERON
inventerune loiquiseraensuitetestéeàtitre d'hypothèse sur l'ensemble du texte et provoquera d'autres rapprochements (abduction«créatrice»)(Eco,1992).Ence
sens, ilsinvitentàuneprise derisques.
1.3.
Le
mythe de
lagraduation de
la
difficulté
ou du danger des profondeurs
Cequisuit est directementliéàcequiprécède. L'accèsaux différentes strates dutexte est conçu comme l'apprentissage delaplongéesous-marine, parpaliers successifs qui ménagent l'organisme.Lesétapesquijalonnentladescente versles grandsfonds sont clairementindiquées :les novicesenlecture progresseronten surface(compréhensionlittérale), les élèvesde cycle3serontinvités àexplorerles couches superficielles (compréhension fine). Il revient au collège et au lycée d'accompagnerlesélèvesdanslescouches profondes: pour marquerlarupture,
on parlealorsd'interprétation.Comme le noteY. Reuter (1996), «plus l'âgedes
élèvesestélevé,plusleréseau scolaireest noble, plusonserapprochedumode d'appropriation esthétique [des textes littéraires]. Etàl'inverse, moins leréseau scolaireest«noble»,moins l'âgedesélèvesestélevé,moinslaviséed'apprentis¬ sageestd'ordrelittéraireet plusons'approched'un mode de lecture courant,tout sepassantcommesila«lecturelettréeesthétique»,sortedeluxe, nepouvaitêtre abordéequ'aprèslamiseenplacedelalecturecourante».(5)
Làs'arrêtelacomparaisonavecl'apprentissagedelaplongéesous-marine parcequ'àainsiprocéder parétapes,ondemandeenréalitéauxélèves,ausortirde l'école,unsautqualitatif quelaplupartnepeuventfranchir,parcequ'onaconstruit chezeux,àl'origine,desrapportsfigésàlachoseécrite,des représentationsinopé¬ rantesetréductricesdel'actelexiquequisesontenkystées.Ces représentationsse retrouventintactesausortir dulycée,chezlesfaibleslecteurs, endépitd'unensei¬
gnementinstitutionnalisé del'interprétation, commeleconstatentRosieret Pollet (1996):pour ces faibleslecteurs,«lalectureinterprétativedutextelittéraire [relève] del'avis personneldonc de l'arbitraire»;«dansleur pratique,[ils]s'entiennentàune approche purementconsommatriceetaffectiveassociée à une simpleactivitéde compréhension mécanique évacuant l'ambiguïtéet lapolysémieetneleur permet¬ tant pasd'atteindreleniveausymboliquedutexte,deuxfacteursquiparticipentà la constitutiond'un habitus de dominé».L'unedes hypothèsesdelarechercheest
qu'il est nécessairedetraiterleproblèmeàsasource,c'est-à-direnécessaire, dèsl'entréeenlecture,d'initierles élèvesauxspécificités delalecturelittéraire pour,cefaisant,onl'espère,leurfairegoûter ce plaisir particulierquiconsisteà
être
lepartenaire actif d'un
jeuavecuntexte
quiadu jeu(des béancesà combler,des piècesquiglissentl'unesurl'autre et peuvent s'imbriquerenune multitude de configurationsàlamanièred'un
mécano),jeudontilconvientà tout moment d'inventerles règles.On remarqueraaussiavecA.Petijean (1997)qu'«enfermerlesélèvesdanslescadresde lalecture«ordinaire»dominéepar les
modalitésémotionnelleet identificatricedetype éthico-pratiquequi,sansêtrenégli¬
geablesdanslaconsommationdes fictions, nefacilitepasl'apprentissagedeladis¬
tancecritique».Pardistancecritique,onpeut entendreaussibienlacapacitéàéva¬
luer lapertinence,l'originalité desmoyenslittérairesmis enduvreparl'auteurque la finessed'unestratégiede ruse. «Nombre
d'‚uvres
littéraires (les romans policiers, par exemple)présentent unestratégienarrativeastucieusequigénère un LecteurREPÈRESN°19/1999 C.TAUVERON
inventerune loiquiseraensuitetestéeàtitre d'hypothèse sur l'ensemble du texte et provoquera d'autres rapprochements (abduction«créatrice»)(Eco,1992).Ence
sens, ilsinvitentàuneprise derisques.
1.3.
Le
mythe de
lagraduation de
la
difficulté
ou du danger des profondeurs
Cequisuit est directementliéàcequiprécède. L'accèsaux différentes strates dutexte est conçu comme l'apprentissage delaplongéesous-marine, parpaliers successifs qui ménagent l'organisme.Lesétapesquijalonnentladescente versles grandsfonds sont clairementindiquées :les novicesenlecture progresseronten surface(compréhensionlittérale), les élèvesde cycle3serontinvités àexplorerles couches superficielles (compréhension fine). Il revient au collège et au lycée d'accompagnerlesélèvesdanslescouches profondes: pour marquerlarupture,
on parlealorsd'interprétation.Comme le noteY. Reuter (1996), «plus l'âgedes
élèvesestélevé,plusleréseau scolaireest noble, plusonserapprochedumode d'appropriation esthétique [des textes littéraires]. Etàl'inverse, moins leréseau scolaireest«noble»,moins l'âgedesélèvesestélevé,moinslaviséed'apprentis¬ sageestd'ordrelittéraireet plusons'approched'un mode de lecture courant,tout sepassantcommesila«lecturelettréeesthétique»,sortedeluxe, nepouvaitêtre abordéequ'aprèslamiseenplacedelalecturecourante».(5)
Làs'arrêtelacomparaisonavecl'apprentissagedelaplongéesous-marine parcequ'àainsiprocéder parétapes,ondemandeenréalitéauxélèves,ausortirde l'école,unsautqualitatif quelaplupartnepeuventfranchir,parcequ'onaconstruit chezeux,àl'origine,desrapportsfigésàlachoseécrite,des représentationsinopé¬ rantesetréductricesdel'actelexiquequisesontenkystées.Ces représentationsse retrouventintactesausortir dulycée,chezlesfaibleslecteurs, endépitd'unensei¬
gnementinstitutionnalisé del'interprétation, commeleconstatentRosieret Pollet (1996):pour ces faibleslecteurs,«lalectureinterprétativedutextelittéraire [relève] del'avis personneldonc de l'arbitraire»;«dansleur pratique,[ils]s'entiennentàune approche purementconsommatriceetaffectiveassociée à une simpleactivitéde compréhension mécanique évacuant l'ambiguïtéet lapolysémieetneleur permet¬ tant pasd'atteindreleniveausymboliquedutexte,deuxfacteursquiparticipentà la constitutiond'un habitus de dominé».L'unedes hypothèsesdelarechercheest
qu'il est nécessairedetraiterleproblèmeàsasource,c'est-à-direnécessaire, dèsl'entréeenlecture,d'initierles élèvesauxspécificités delalecturelittéraire pour,cefaisant,onl'espère,leurfairegoûter ce plaisir particulierquiconsisteà
être
lepartenaire actif d'un
jeuavecuntexte
quiadu jeu(des béancesà combler,des piècesquiglissentl'unesurl'autre et peuvent s'imbriquerenune multitude de configurationsàlamanièred'un
mécano),jeudontilconvientà tout moment d'inventerles règles.On remarqueraaussiavecA.Petijean (1997)qu'«enfermerlesélèvesdanslescadresde lalecture«ordinaire»dominéepar les
modalitésémotionnelleet identificatricedetype éthico-pratiquequi,sansêtrenégli¬
geablesdanslaconsommationdes fictions, nefacilitepasl'apprentissagedeladis¬
tancecritique».Pardistancecritique,onpeut entendreaussibienlacapacitéàéva¬
luer lapertinence,l'originalité desmoyenslittérairesmis enduvreparl'auteurque la finessed'unestratégiede ruse. «Nombre