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La métaphysique laique de Mallarmé.

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Academic year: 2021

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ABSTRACT

L'abjet de notre th~se est d'établir le processus de la pensée mallarméenne à travers son oeuvre, et son aboutissement à une notion personnelle de l'Absolu.

Dans le premier chapitre nous avons étudié sa propension esthétique pour le rite et le cérémonial visant la sacralisation du mot et du vers et la déchéance du sacré, d'où une métaphysique la!que à étudier par la suite.

Au second chapitre, ce fut le probl~me de sa créativité en fonction d'une analogie qui l'avait rapproché d'une théosophie orientale, la sienne étant décapitée de Dieu.

Notre dernier chapitre traita du système mallarrnéen et de la mécanique de ses structures,

s'illustrant le mieux dans ses poèmes hermétiques: la Prose pour Des Esseintes et dans "Un coup de dés".

Notre conclusion est que l'absolu rnallarméen ne pouvait se réaliser que dans une

concomitance d'un éphémère s'abolissant: sa métaphysique la!que ne pouvait être qu'esthétique •

(2)

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-Mal 1 a r m ê

A thesis submitted to the Facu1ty of Graduate Studies

and Research

Mc Gill University

in partial fu1fi1ments of the requirements for the degree

of Master of Arts

Department of French Language and 1iterature

August 1972

(3)

LAM E T A P H Y S l QUE LAI QUE

D E

r,~ A L L ARr,: E

PAR

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tience me permirent de mener jusqu'au bout cette difficile étude sur Mallarmé.

(5)

AVANT-PROPOS

Il existe une sphère de l'esprit, une sorte d'ionosphère, où gravitent des intelligences su-périeures qui transcendent la perspective historique ordinaire, évolutive, linéaire et horizontale. Il s'agit d'un monde "transhistorique" qui ne peut être ni mesuré en unités de temps chronologiques, ni réglé par le mouvement des pendules et des astres.

Dans ce monde qui relève du "répertoire de l'universelle Analogie" baudelairienne, les êtres et les événements se situent eux-mêmes en fonction de leur propre qualité et de leur propre temps.

Ainsi: qu'un poète comme Mallarmé ren-contre un théosophe musulman comme Hallaj ou Ibn-Arabî en-deça et au-delà des siècles et des continents ... que les Pyramides d'Egypte ressemblent aux Pyramides des Aztèques - que le distique d'un Maari, malthusien a-vant la lettre:

"Voici la faute à mon père imputée (de l'avoir engendré),

Que moi je n'ai commise envers personne

(le poète arabe est mort sans avoir procréé)" ••• aille rejoindre le reproche d'Igitur à ses ancêtres:

" ••• je ne veux pas connaître le Néant, avant d'avoir rendu aux miens ce pourquoi ils m'ont engendré -L'acte

(6)

absurde qui atteste l'inanité de leur folie"

-Nous ne disons pas qu'il y a une complète identité en-tre tel cas et tel auen-tre. Non, il n'y a pas d'iden-tité de termes, mais plutôt une analogie qui s'éta-blit entre des rapports.

Nous devrions dès lors songer à une homologie de structure, et ce qu'il faudrait retenir ici, c'est une loi se dégageant de leur isomorphisme. Cette loi se conçoit en fonction d'un temps psychique, spirituel et esthétique discontinu mais de la plus pu-re qualité, en dehors de la réalité historique qui in-fère que les événements sont irréversibles.

Dans cet univers irrationnel et plu-ridimensionnel de l'Analogie, il y a une concomitance où le présent devient l'avenir et l'avenir le passé. Ce monde subtil est celui de l'Art. Il est analogue à une mélodie musicale dont les notes jouées succes-sivement demeurent suspendues à notre ou!e pour cons-tituer une impression musicale présente.

"Des paroles inconnues chan-tèrent-elles sur vos lèvres, lambeaux maudits d'une phrase absurde? ••

disait 1-':allarmé dans "Le Démon de l'Analogie" pour re-prendre plus tard:

••• Mais où s'installe l'irrécusable intervention du surnaturel, et le commencement de l'angoisse sous la-quelle agonise mon esprit naguère . seigneur ••• "

(7)

Ayant étudié, en 1965, à l'Université McGill, sous la direction du professeur H. Landolt, le soufisme musulman au "Institute of Islamic Stu-dies" dirigé par l'éminent Dr. Charles Adams, je me souviens que nous étions une dizaine d'étudiants: chrétiens, musulmans, jUifs et athées. Nous nous pen-chions sur l'exégèse de textes ésotériques écrits en arabe. Nous étudiions une oeuvre d'Ibn-Arabi: "La Sagesse des Prophètes", d'une facture autrement plus hermétique et plus énigmatique que celle de Mallarmé. Or, ce qui m'a frappé durant nos sessions de table ronde, c'était que nous étions tous assemblés à étu-dier avec la plus grande objectivité mais le plus

sub-jecti vement d" monde une oeuvre distante de nous de plusieurs siècles quant à nos propres ressources tem-porelles et culturelles. Nous nous trouvions en face d'un courant spirituel que n'avait jamais eu son

pendant en Occident; toutefois nous n'avions à af-fronter ni le superficiel positivisme ni le sévère dogmatisme de l'Occident qui avaient tué la gnose.

6

Henri Corbin avait à juste titre écrit dans son introduction à son ouvrage: "Imagination créatrice dans le soufisme d'IbnArabi"

-"On doit mettre en garde contre toutes les comparaisons hâtives, qui ont été faites avec le mona-chisme chrétien; le phénomène dif-fère profondément. On peut penser

(8)

à un tiers-ordre, et l'on peut penser à une Loge. Ce n'est pourtant ni l'un ni l'autre."

Parce que Mallarmé avait manipulé le même langage obscur et sacré que nos théosophes mu-sulmans, on fit de lui le mystique intégral, le poè-te chrétien par excellence; d'autres critiques enco-re plus injustes fienco-rent de lui le cabotin de la mys-tique, une sorte de cabbaliste déchu jonglant avec le Littré et la magie noire. Les uns et les autres sont des témoins à récuser car la meilleure explication de Mallarmé demeure Mallarmé lui-même.

Pourquoi vouloir ignorer que la crise spirituelle de Tournon est révolue et que le poète avait rejeté à deux reprises, Dieu. Il avait écrit à Cazalis:

- Une première fois dans une lettre de la fin d'avril 1866:

"Oui, je le sais, nous ne sommes que de vaines for-mes de la matière, mais bien sublimes pour avoir inventé Dieu et notre âme. Si subli-mes, man ami! Que je veux me donner ce spectacle de la ma-tière, ayant conscience d'être et, cependant, s'élançant for--cénément dans le Rêve qu'elle sait n'être pas, chantant

l'A-me et toutes les divines im-pressions pareilles qui se sont amassées en nous depuis les premiers âges et proclamant,

devant le Rien qui est la vérité, ces glorieux mensonges!"

(9)

8

Et, dans une seconde lettre en date du 14 mai, 1$67, d'un ton encore plus définitif et doulou-reux:

"J'en suis, après une syn-thèse suprême, à cette lente acquisition de la force -incapable tu le vois de me distraire. ~~is combien plus je l'étais, il y a plusieurs mois, d'abord dans ma lutte terrible avec ce vieux et mé-chant plumage, terrassé, heu-reusement, Dieu."

Quant aux autres détracteurs de Mallar-mé, nous pensons notamment à Charles Chassé qui pré-tend avoir percé le secret ~~llarméen en cherchant l'é-tymologie de chaque mot subtil écrit par Mallarmé, dans le Littré sinon dans le lexique des Occultistes.

A la défense de Mallarmé (comme si le

~~itre en avait besoin d'une), nous soulignons que ~~llarmé n'a encore que plus de mérite à consulter le Littré; au moins a-t-il cherché

à

rétablir le sens premier de chaque vocable qu'il avance. Quel serait le véritable homme de lettres à lui jeter la premiè-re pierpremiè-re pour cela?

Il faudra admettre cependant que cer-taines explications de M. Charles Chassé semblent ê-tre fort intéressantes quoique émanant d'une inter-prétation si l'on veut originale mais au demeurant aussi valable que d'autres, tout en gardant le même

(10)

caractère subjectif. Ce qu'il faut déplorer, c'est qu'il y ait eu parfois un coup de pouce trop zélé de l'exégète "bien intentionné" t

Par exemple, dans son analyse de la Prose pour des Esseintes, on peut lire à la page 182 de son ouvrage: "Les Clefs de Mallarmé" qu'Anastase et Pulchérie sont "deux empereurs de Byzance, ••• qui se sont succédé sur le Trône à peu d'années de distance". Chassé n'a pensé qu'à l'insignifiant Anastase comme empereur. Par contre, il a méconnu le syncelle Anas-tase qui a remplacé le patriarche Germain déposé par le basileus Léon III, le 17 janvier 730, nous fait com-prendre L. Bréhier dans son livre: "Vie et Mort de Byzance"; à l'avènement d'Anastase au Trône patriar-cal, celui-ci établit la doctrine iconoclaste par un acte canonique.

Revenons à Pulchérie car il ne s'agit pas d'un empereur mais d'une impératrice associée au Trône de son frère Théodose II. A cause de la lutte qu'elle a menée contre les hérésies de Nestorius et d'Eutychès, elle fut glorifiée par l'Eglise, comme "La Gardienne de la Foi". Il y avait là un lien doctrinal très important à établir dans une perspective théolo-gique entre Anastase, patriarche de Constantinople, et Pulchérie.

(11)

~~e E. Noulet reproche à son tour, à la page 38 de ses "Suites", le fait que M. Chassé n'ayant rien trou-vé à "Nubile" dans le Littré, se soit rabattu de son propre chef au terme suivant de "Nubileux" pour expli-quer l'adjectif "nubile" employé par le poète au troi-sième vers du deuxième quatrain de sonnet: "Tombeau" dédié à Verlaine:

"Nubiles plis l'astre ma.ri des lendemains"

En somme, ce sont surtout ce dédain et cette sécheresse appliqués à l'oeuvre géniale de Mal-larmé qui nous rebutent. Ce ne sont pas les mots pris un à un qui font un poème mais c'est dans leur agence-ment que réside la beauté du vers mallarméen.

Et, à aucun endroit de son livre, Chas-sé n'a eu une expression de bienveillance ou d'admira-tion à l'égard de l'art véritable de Mallarmé. Il nous fait penser au botaniste qui dissèque une fleur et qui ne saurait la reconstituer en lui rendant sa beauté et son parfum. Faudrait-il lui rappeler ce que disait G. Séailles que:

"L'Homme de Génie, c'est

l'individu le plus individuel, c'est l'homme qui donne aux sen-timents de tous une forme qui n'est qu'à lui, qui les éprouve avec la plus vive intensité, ou qui par contraste les rejette avec le plus de violence."

L'une des meilleures clés de Mallarmé

(12)

est un passage que nous lisons dans "Magie":

se noire!

"Evoquer, dans une ombre exprès, l'objet tu, par des mots allu-sifs, jamais directs, se rédui-sant à du silence égal, compor-te compor-tentative proche de créer: Vraisemblable dans la limite de l'idée uniquement mise en jeu par l'enchanteur de lettres jusqu'à ce que, certes, scin-tille, quelque illusion égale au regard."

1\1iroir et miroitement mais nulle mes-~1ais de là à en faire un cabbaliste alors que lui-même dans un fragment d'article intitulé: "La Littérature - Doctrine,

1$93",

il se moque des occul-tistes, gentiment, bien sûr; car l'artiste n'a point de malice. Par une sorte d'exorcisme, il veut les é-carter à jamais de la littérature:

"BanalitésJ.et c'est vous, le masse et la majorité, ô confrères, autrement que de pauvres Kabbalistes tantôt bafoués par une anecdote in-digne: et je me félicite du coup de vent si ctest de votre côté qU'il décharge en dernier lieu mon haussement d'épaules ••• " Nallarmé explique ci-dessus dans "The National Obser-ver" qu'il leur est complètement indifférent alors que les Rose-Croix accusent Péladan et de Guaita d'avoir assassiné l'abbé Boulan par envoûtement. Il leur re-proche les opérations banales qui mènent au "malenten-du" et que par leur "vénération, maladroite", ils

(13)

effacent "jusqu'au sens initial sacré" de la littéra-ture. "Si! Avec ses vingt-quatre signes, cette lit-térature exactement dénommée les Lettres, ainsi que par de multiples fusions en la figure de phrases puis le vers, systAme agencé comme spirituel zodiaque, im-plique sa doctrine propre, abstraite, ésotérique com-me quelque théologie: ••• que de ne pouvoir s'expri-mer sinon avec des moyens, typiques et suprêmes,dont le nombre n'est, pas plus que le leur, à elles, illi-mité." Car la littérature n'a que faire des lettres

cabalistiques: elle se joue avec des figures de sty-le et des tropes, avec un agencement de vers pareil au zodiaque spirituel, c'est-à-dire d'une maniAre spi-rituelle bien vivante et non stéréotypée car Zôdiakos ou Zoôn, e~ rrec, s'apparentent aux êtres vivants. Elle se joue avec un nombre restreint de signes. Elle possAde donc sa propre doctrine, ésotérique, abstrai-te: intrinsAquement, elle n'est en somme qu'une "Théo-logie de lettres."

C'était donc là premier souci du poète et peut-être le point de départ de notre recherche de pauvre tâcheron. D'une part, cette phrase mallarmé-enne d'une envolée qui frise souvent le spirituel; et de l'autre, ce sombre refus de la Divinité. Comment peut-on les concilier? Telles étaient les premisses

(14)

de notre dilemne jusqu'au jour où les lignes suivan-tes nous tombèrent sous les yeux: "Il y a un monde métaphysique qui ne comporte cependant aucun-merveil-leux ni chrétien ni pa!en. Il y a un espace. Il est vide. Il y a un temps. Il est vide. Et de cette double vision, de cette double notion du néant, de cette métaphysique la!que d'une désespérance tranquil-le et presque souriante, tranquil-le poète a tiré son orgueil et la dignité de son oeuvre." Cette réponse à notre problème se trouvait écrite dans l'Introduction des Suites: Mallarmé, Rimbaud, Valéry de Mme E. Noulet

(à la page 12).

A la suggestion de mon directeur de thèse, le professeur Henri Jones, je pris la plume pour solliciter auprès de Mme Noulet, la permission d'utiliser son expression: "La métaphysique la!quett de Mallarmé, comme titre à ma thèse.

Quelques jours plus tard, j'eus le plai-sir de recevoir une lettre du vénérable écrivain qui m'honorait de sa permission, de son encouragement et de ses conseils pertinents.

(15)

INTRODUCTION

LE MYSTERE VOULU.

Le chemin qui mène le lecteur et même le critique avisé vers la compréhension et l'embras-sement de l'oeuvre Mallarméenne est semé d'embûches.

A cause du mystère voulu, du style sy-billin et concis, du mot chambré et précieux, de la disparition de "verbe comme inutile, descriptif, ora-toire", de la "prédomina.nce des touches ou des taches colorées, par l'absence, autant que possible, des mots qui matérialisent les rapports en objets au lieu de les confier à la pensée active du lecteur" (1), l'écrit mallarméen ressemble aux taches d'encre des tests psychologiques.

Le message de Mallarmé suscite ainsi diverses interprétations toutes subjectives et nourries à notre insu de notre propre idéalisme mais aucune ne

correspond à la "vérité" de l'auteur. Chacun croit y voir ce qU'il veut Noir. Il y a autant de conjectures

(16)

que de critiques. "Il doit y avoir toujours énigme en poés ie" (2) disai t lJf..allarmé.

Se voulant d'un abord difficile, il supprima ainsi l'inévitable malentendu. Sa vérité se cache derrière une oeuvre à mille facettes qu'il mettra vingt ans à écrire. Penseur subjectif avant tout, il sera le poète du secret qui "dresse des mi-roirs à alouettes". D~s son essor, la pensée rnallar-méenne se refuse à l'objectivation de sa "vérité". Le 16 juillet 1866, Mallarmé écrivait à l'âge de 24 ans, à Thédore Aubanel:

(2)

"Tout homme a un secret en lui, beaucoup meurent sans l'avoir trouvé, et ne le trouveront pas parce que morts, il n'existera plus, ni eux.

Je suis mort, et ressuscité avec la clef de pierreries de ma der-nière cassette spirituelle. A moi maintenant de l'ouvrir en l'absence de toute impression empruntée, et son mystère s'éma-nera en un fort beau ciel. Il me faut vingt ans pour lesquels

je vais me cloîtrer en moi, re-nonçant à toute autre publicité que la lecture de mes amis." (3) Or, "ce n'est pas la vérité - disait Guy Michaud, Message poétisue du srwbolisme, p.159. cf. note 1, J. Hure€, Enquete sur évolution lit-téraire, p. 61.

Corr. l, p.222: Correspondance de S.Mallarmé: 1862-1872, Tome I, recueillie, classée et annotée par Henri Mondor avec la collaboration de J.P. Richard, Paris, Gallimard, 1959.

(17)

Kierkegaard - qui est la vérité, mais c'est la voie qui est la vérité, c'est-à-dire que la vérité n'est que dans le devenir, dans le processus de l~appropria­

tion, et qu'ainsi il n'y a pas de résultat."

(4)

Quelques mois plus tard, Mallarmé pré-cisait sa pensée en s'adressant à Henri Cazalis:

"J'avoue du reste, mais à toi seul, que j'ai encore besoin, tant ont été grandes les ava-nies de mon triomphe, de me regarder dans cette glace pour penser et que si elle n'était pas devant la table où je t'écris cette lettre, je redeviendrais le néant. C'est t'apprendre que je suis maintenant impersonnel et non plus Stéphane que tu as connu, mais une aptitude qu'a l'uni-vers spirituel à se voir et à se développer, à travers ce que fut moi".

(5)

A l'instar de Kierkegaard, il pratique le paradoxe de communiquer par l'incommunicable. Mou-nier nous passe cette remarque qui pourrait s'appliquer dans ce cas tout aussi bien à ~~llarmé qu'à Kierkegaard:

Emmanuel Mounier, Introduction aux Existentialistes, p. 159: affirmation paru dans Post-Scriptum de

Kierkegaard, p. 50, Gallimard.

Corr.I, p.242, cf. note 2, Henri Mondor nous

rap-16

porte la remarque faite à ce sujet par Maurice Blan-chot: "Et l~llarmé est surtout le seul qui ait éveillé cette profonde assemblée nocturne, non pas par une ivresse ou une fascination verbales, mais par un ar-rangement méthodique des mots par une intelligence

toute particulière de mouvements et des rythmes, par un acte intellectuel pur, capable de tout créer en n'ex-primant rien".

(18)

"Aussi son instrument propre d'expression n'est-il pas le discours, mais le paradoxe. Le discours éta-le, publie, objective." (6) "Le paradoxe est l'étin-celle qui jaillit au frottement de l'éternel et du langage. Effet de ce choc indicible, il est quand même instrument d'un verbe, l'instrument qui provo-que l'incertitude objective dans une atmosphère de passion subjective."

(7).

nier poursuit:

Aussi, est-ce à bon escient que

j\~ou-"Ce n'est pas que la vérité éternelle soit en elle-même paradoxe: mais elle l'est

tou-jours dans son rapport à un existant ••• Il n'y a pas d'ex-plication de paradoxe et que tel paradoxe est paradoxe. C'est ainsi que le Christia-nisme, étant la vérité su-prême, ne veut pas être com-pris; le maximum de compré-hension qU'il requiert, c'est de comprendre qu'il ne veut pas être compris." (à)

A propos des Poésies parisiennes de des Essarts, G. Michaud nous rapporte que Mallarmé avait rédigé dans la revue, le Papillon, en là62, cette phra-se révélatrice: "Un idéal gui n'existe point par son

(6) Emmanuel Mounier, Ibidem, p. 161.

(7)

Ibidem, Post-Scriptum, p. 135. (à) Ibidem,

(19)

propre rêve et soit le lyrisme de la réalité, telle est l'intention des Poésies parisiennes. Reprenant cette formule et la renversant comme l'a fait remarquer fort ingénieusement M. Georges Poulet, nous aurons eu une ligne le secret de Mallarmé: Un idéal qui existe par son propre rêve et qui ne soit pas le lyrisme de la réalité." (9)

Comment prétendre à l'objectivation ab-solue ou à la glose illuminante quand le pessimiste Mallarmé se révèle le Schopenhauer de la poésie ou le Mahomet de la religion esthétique?

Il nous force à lever la tête vers le ciel, non vers le ciel de l'Azur, de la clarté, de la foi révélée, mais vers celui des corps célestes, des constellatj,ons distillant sur le velours des ténèbres, leur langage, abscons et ésotérique. Le ciel du jour aveugle et éblouit, car seul l'homme écrit "noir sur blanc". " •• • Ou n'écrit pas l,umineusement, sur champ obscur, l'alphabet des astres, seul, ainsi s'indique, ébauché ou interrompu ••• " (Quant au livre).

(10)

(9 )

(10)

G. Michaud, Mallarmé, p.

13.

O.C., p. 370: Toutes nos citations de r·1allarmé (sauf indication contraire) sont tirées de: Sté-phane Mallarmé, Oeuvres comHlètes, texte établi et annoté par Henri Mondor et • J~an-Aubry, biblio-thèque de la Pléiade, Paris, Gallimard,

1965.

(20)

Prédestiné, le poète s'avoue vaincu; qu'on se rappelle ce quatrain:

"De l'éternel azur, la sereine ironie Accable, belle indolemment comme la fleur Le poète ininpuissant qui maudit son génie

A travers un désert stérile de douleurs".(L'Azur) (11) D'une part, Michaud nous décrit un jeu-ne :Mallarmé "préoccupé des origijeu-nes du langage et de la valeur symbolique des langues sacrées, étude qui le conduira bientôt à concevoir et à mettre au point des procédés poétiques nouveaux." (12)

D'autre part, ce regard pointé vers le ciel:

"Le ciel est mort.-Vers toi, j'accours! donne, ô matière, L'oubli de l'Idéal et du Péché ••• "

Cette fuite éperdue qui s'entend:

"En vain! L'azur et je l'entends qui chante

Dans les cloches." ••• (Un point d'orgue:)"Mon âme ••• "

Le drame éclate et c'est l'obsession:

"OQ fuir dans la révolte inutile et perverse? Je suis hanté. L'Azur! L'Azur! L'Azur! L'Azur!" WAzur)

Crise de folie géniale, truc de métier de poète transmis

(11)

c.C.,

p.

37.

(21)

20

par Poe (13), érudition ou souci esthétique. Qu'im-porte! Le poète n'a que vingt-deux ans.

Mallarmé a été diversement compris. La page mallarméenne est "gestaltiste", il appartient au lecteur, au critique et à l'exégète de raccorder et de refermer le triangle tronqué. Comme le disait

à ce propos, Rémy de Gourmont: "Il n'est plus au pou-voir de personne de restreindre à une seule signifi-cation de tels vers magiques. C'est le sort des poè-tes oraculaires qU'on y entend ce qu'on a besoin d'y entendre ••• " (14)

Hypothèse pour hypothèse: s'agit-il d'un métaphysicien qui s'exprime en poète ou d'un poète qui s'exprime en métaphysicien? Tel est le mo-deste travail que nous nous proposons d'entreprendre.

(13 )

(14)

Voir lettre adressée à H. Cazalis, en janvier 1864, Corr. I,pp.l03-4-5, note 1 au bas de la page 104. P.aIIarmé donne ici un de ses rares commentaires sur l'un de ses poèmes: "L'Azur". Il y révèle qU'il a suivi une technique propre à Poe en suivant un procédé déductif plutôt que l'inspiration poétique. Il s'agit ici de l'étude de Poe, intitulée "Philosophie de la composition" reprise et traduite par Baudelaire sous le titre de "Genèse d'un poème"(Revue française,1853)

r.w.llarmé sut plus tard que la composition du "Cor-beau" par Poe selon cette philosophie n'était qu'une mystification. Tout en reconnaissant que les

prin-cipes élaborées par Poe restaient valables pour toute oeuvre d'art, il avoua s'être trompé. O.C. p. 230-231.

H. r.1ondor, Autres précisions sur Mallarmé et inédits, p. 246.

(22)

A. L'office mallarméen.

En parlant de poésie, Rimbaud disait que son rôle était "d'exprimer l'inexprimable»; or, pour Mallarmé, nous dirons que son art consiste à exprimer l'immatériel, voire l'inexistant.

A partir des mots qui ne sont pas les reflets des idées par association, mais les véhicules des idées, donc contigents, il veut appréhender l'es-sence de l'être.

Les mots, c'est le bien de tout le mon-de: "Notre communion ou part d'un à tous et de tous à un, ainsi, soustraite au mets barbare que désigne le sacrement." (15).

Le poète doit officier avec les mots comme le prê~re qui consacre l'hostie en "Présence ré-elle" en se servant d'un vulgaire pain et d'un banal vin de messe. Il s'efface derrière le cérémonial de la messe, cessant d'être théophage, mais comme: "L'a_ mateur que l'on est .•• ne saurait plus assister, corr~e

(23)

passant, à la tragédie, comprît-elle un retour, allégorique, vers lui; et, tout de près, exige un fait

-du moins la cré-dulité à ce fait au nom de résultats. (16) De par la fonction démiurgique du poète, le mot a été recréé et sanctifié: "en raison de toute gloire, ••••• frappée à l'authencité des mots et lumiè-re, triomphale de Patrie ou d'Honneur, de Paix." (17)

Par sa propre intériorité, le poète a permis à "l'homme de voir divinement" car le langage "noématisé" par le moule du poème prend une fonction originelle et sacrée qui constitue la réalité poéti-que.

Cette réalité se situe au niveau d'un plan flottant entre la connaissance du sensible et du rêve, c'est le monde de l'idée "substantiatrice" qui nous mène au symbole que Thibaudet appelle: "la voie royale de l'homme à l'homme."

Toutefois, l'office mallarméen ne se chante que pour une élite; le poète exige de son fi-dèle un acte de foi esthétique et spirituel. Il in-combe au lecteur de communier et d'accepter le mystè-re poétique, à l'instar du fidèle catholique qui mystè- re-çoi t le sacrement de l'Eucharistie, l' aya.nt accepté

(16) Ibidem. (17) Ibidem.

(24)

comme réalité concrète après la transsubtiation des Espèces. Le lecteur se doit de participer activement à l'entendement du message poétique car comme dit R. Bayer: "Le symbole suggère sans jamais signifier to-talement". (18)

Cette dialectique entre poète et lecteur implique un acte d'engagement réfléchi, de part et

d'autre, et évoque l'idée essentielle soutenue par l'existence de l'être de l'image. La parole devient notion pure et instrument de pouvoir. "Elle nous in-time de devenir, bien plus qu'elle ne nous excite à comprendre" disait Valéry. (19)

R. Bayer nous rapporte que Binet et l'Ecole de Wurzburg ont démontré que la pensée concep-tuelle dépasse l'image et que l'idée en elle-même for-me une réalité psychologique - relevant de l'abstrac-tion, dirons-nous. (20)

"Je dis: une fleur! et, hors de l'ou-bli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quel-que chose d'autre quel-que les calices sus, musicalement

se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets."

(18) R. Bayer, Traité d'esthétique, p. 204.

(19) Cité par M. Raymond: De Baudelaire au surréa--l isme, p • 32.

(25)

explique r~allarmé. ( 21) Le symbole annonce ainsi une autre valeur que l'évidence rationnelle. Il appert que c'est le "chiffre" du mystère qui ne peut être ap-préhendé autrement que par cet instrument lui-même que constitue le symbole. Ce mystère demeure toujours ap-préhensible de même qu'une partition musicale n'est jamais déchiffrée une fois pour toute mais appelle à une récurrence de l'interprétation.

L'office mallarméen,

à

l'encontre de la messe catholique, relève de la métaphysique de la négativité de l'être: l'être mallarméen n'est dési-gnable ni par l'être, ni par le non-être. Il faudrait l'interpréter à la manière du non-être plotinien:

"Far non-être j'entends non pas le non-être absolu, mais seulement ce qui est "autre que l'être"." (22)

(21) Crise de Vers, O.C., p.

368.

(22) Ennéades l,

8, 3,

trad. E. Bréhier, Belles--Lettres, Paris, 1924, l, 115.

(26)

B. La déchéance méta~hYSi~Ue du sacré ou l'influence de Sc open auer.

Pour M.allarmé, le monde est tel que l'a conçu Schopenhauer, c'est-à-dire tout ce qui a été créé est vide, nul et "aboli". On voit ici l' in-fluence de la pensée hindoue sur Schopenhauer et par-tant sur ~1allarmé.

Lors d'une étude de la doctrine de Mâyâ comparée à celle du mystique allemand, Eckart, le professeur R. Otto souligne le fait suivant: "pour Plotin, la créature tient son "non-être" de la ma-tière. t,lais, pour Eckhart •••• En tant que la créatu-re est essenciée par Dieu, elle est vrai êtcréatu-re, elle est une, elle est éternelle et une avec l'essence de Dieu. Mais en tant qu'elle "est d'elle-même" et ce qu'elle "est d'elle-même", c'est vide et néant." (23)

Que ce soit pour rr.allarmé ou pour Plo-tin et en termes de physique, leur non-être ou néant a pour quantum zéro, c'est-à-dire le vide absolu de la matière. Leur néant ne relève d'aucune ontologie opposant l'Etre Absolu, Dieu, au non-être absolu, en l'occurence, ce vide de l'être de l'âme appelé à être "existencié" et comblé par Dieu.

(23) R. Otto, Mystique d'Orient et Mystique d'Occident, p. 104.

(27)

Quant à Mallarmé, c'est l'énonciation de la la!cisation qui commence avec l'élimination de la gnose: "L'éternel, ce qui le parut, ne rajeunit, enfonce aux cavernes et se tasse: ni rien dorénavant, neuf, ne naîtra que de source.

Oublions. _ f t (24)

Ainsi, le poète vise le phénomène de la "désécration" essentielle, une déchéance métaphy-sique du sacré. Et, cette "désécration" n'est compen-sée que par la créativité de la matière évolutive et

consciente: véritable source de la praxis noétique mallarméenne,

à

laquelle est arrivé Stéphane au terme du plus profond désespoir. Une lettre de Mallarmé à

Cazalis nous décrit cette douloureuse échelle de Jacob à rebours; "Malheureusement, en creusant le vers à ce point, j'ai rencontré deux abîmes, qui me désespèrent. L'un est le Néant, auquel je suis arrivé sans connaî-tre le Boudhisme et je suis encore trop désolé pour pouvoir croire même à ma poésie et me remettre au tra-vail, que cette pensée écrasante m'a fait abandonner •

••••••••••••••••••••••• je veux me donner ce spectacle de la matière, ayant conscience d'être et, cependant, s'élançant forcenément dans le Rêve qu'elle sait n'être pas, chantant l'Ame et toutes les divines impressions

(24) Catholicisme, O.C., p. 394.

(28)

pareilles qui se sont amassées en nous depuis les premiers âges et proclament, devant le "Rien qui est la vérité, ces glorieux mensonges!" (25).

Par ailleurs, faudrait-il rappeler que Mallarmé a suivi étrangement la même évolution d'esprit que celle du philosophe allemand Louis-Andréas Feuer-bach qui passa du panthéisme mystique à l'athéisme. Car, à l'opposé de Hegel, Feuerbach affirme que les idées ne sont que les produits de l'homme et que la conscience humaine elle-même n'est que le produit du cerveau: "c'est le phosphore qui pense en nous" - re-late Raymond Balmès. (26)

Dans un de ses ouvrages, M. Henri Jones nous explique la notion de "l'homme collectif" et nous rapporte les propos de Félicien Challaye à ce sujet: "L'artiste subit profondément l'influence ••• du milieu physique et surtout de la société. Il partage, d'or-dinaire, les idées morales et scientifiques, les croyan-ces sociales et religieuses des hcmmes parmi lesquels il vit. Dans ses oeuvres qui s'adressent nécessaire-ment à un public plus ou moins étendu, il est amené à exprimer plus ou moins les sentiments de ses contempo~

rains, sous peine d'être incompris." (27)

(25) Corr., I, ppa207-8, Lettre adressée à H. Cazalis, en avril 1866 et citée dans notre avant-propos, p.7 (26)

(27)

R.

Balmès, Leçons de philosophie, Tome

l,

p. 627. Henri Jones,De l'esthéti

6

ue classigue, p. 142,

(29)

Quoique Mallarmé n'ait pas cherché à atteindre le grand public, au contraire, puisque son message ne s'adressait qu'à une minorité de ses con-temporains, constituant une élite, il va sans dire qu'il ne pouvait échapper au pessimisme général qui était de mise vers 1884 - 1885. C'est précisément une décade plus tard de février à novembre 1895, et trois ans avant sa mort que Mallarmé publiait sous le titre général de "Variations sur un sujet" des chroniques mensuelles destinées à la Revue Blanche. Et, c'est l'une de ces chroniques, la troisième qui était in-titulée "Catholicisme" que nous étudions dans ce cha-pitre pour indiquer, à travers son oeuvre, la conti-nuité de ses tourments métaphysiques, et cela vingt-neuf ans après la crise de Tournon. Il s'agit donc d'une oeuvre de maturité où se reflète fortement l'in-fluence de Schopenhauer.

N'oublions pas que la pensée de Scho-penhauer, de H~rtman, la poésie de Verlaine et la mu-sique de Wagner préparaient un nouveau mal du siècle, en opposition directe avec la doctrine d'Auguste Comte.

En tant que partie intégrante de "l'homme collectif", Mallarmé ne pouvait avoir méconnu cet état d'esprit collectif où prédominaient les raisons de ne plus croire et que la vie ne débouchait que sur le né-ant. On se croirait à la veille de la chute de Byzance.

(30)

C'est contre cet esprit que s'insurge Julien Benda, à tort ou à raison, dans son ouvrage: "La France l:>yzan-tinerr où il déplore, avec un certain chauvinisme, la

disparition de la clarté cartésienne et du classicis-me, qualités essentiellement françaises.

Rémy de Gourmont écrivait dans la pré-face du "Livre des Masques", en 1896: "Une vérité nou-velle, il y en a une partout, qui est entrée récemment dans la littérature et dans l'art, c'est une vérité toute métaphysique et toute d'a priori (en apparence); toute jeune puisqu'elle n'a qu'un siècle, et vraiment neuve puisqu'elle n'avait pas encore servi dans l'or-dre esthétique. Cette vérité évangélique et merveil-leuse, libératrice et rénovatrice, c'est le principe de l'idéalité du monde. Par rapport à l'homme, su-jet pensant, le monde, tout ce qui est extérieur au moi, n'existe que selon l'idée qU'il s'en fait. Nous ne connaissons que des phénomènes, nous raisonnons que sur des apparences; toute vérité en soi nous é-chappe; l'essence est inattaquable. C'est ce que Schopenhauer a vulgarisé sous cette formule si simple et si claire: "Le monde est ma représentation: Je ne

vois pas ce qui est; ce qui est, c'est ce que je vois."(28)

(28) Guy Michaud, Message poétique du S~bolisme,

p.

723. Cf. Livre des Masques, pp. 11-12, ercure de France.

(31)

30

Or, ces idées sous-tendent toute l'oeu-vre mallarméenne et nous sommes étonnés de voir que peu d'exégètes aient relevé l'influence de Schopenhauer sur ~~llarmé. Même Jean-Pierre Richard a complètement i-gnoré cet aspect dans son étude pourtant exhaustive de "L'Uni vers imaginaire de rJIallarmé". Charles Chassé et Suzanne Bernard ont relevé la chose. L'un l'a cité

comme preuve infamante contre notre poète, l'autre en l'associant à l'influence de Ivagner, sur rtlB.llarmé. Le premier se prévaut d'un vers tiré des Fleurs du Mal, sans nommer Baudelaire, pour avancer que Schopenhaue~

avait influencé toute l'époque symboliste transformant ainsi :Mallarmé en un doctrinaire malthusien qui exalte: "la chair inutile" d'Hérodiade: "car, de même que rJJal-larmé est arrivé à tenir l'impuissance comme une sorte

de privilège chez l'homme supérieur, il considère la stérilité chez la femme idéale comme le digne pendant de l'impuissance masculine ••• " (29)

"Avec ses vêtements ondoyants et nacrés

Même quand elle marche on croirait qu'elle danse

Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants Resplendit à jamais, comme un astre inutilet La froide majesté de la femme stérile".

(3D'

(29) Charles Chassé, les Clefs de Mallarmé, p.

66.

(30) Baudelaire, Les Fleurs du ~~l, présenté par J.P. Sar-tre: sonnet sans titre, numéroté

XXVII,

p. 40. Chassé n'en cite que le dernier vers.

(32)

Chassé voulait sans doute comparer ce dernier vers à ceux de la scène d'Hérodiade:

---

"Observent la froideur stérile du métal,

__________ J'aime l'horreur d'être

vierge---

Pour, le soir,retirée en ma couche, reptile

Inviolé sentir en la chair inutile

---" (31)

Quant à Suzanne Bernard, c'est en trai-tant de ~vagner qu'apparaît souvent le nom de Schopen-hauer; c'est donc dire que les idées de celui-ci at-teignaient Mallarmé par le biais du compositeur de la Walkyrie, surtout depuis la fondation de la Revue Wa-gnérienne, en 1885.

Dès les premières lignes de son chapi-tre premier, elle affirme que "Wagner propose à Mal-larmé une méditation qui rejoint la méditation ma1lar-méenne sur la portée métaphysique de l'art •••••••••••••

.

.

..

.

.

. .

.

"

...

"

... .

On sait que, tout imprégné, à l'époque où il écrivait son "Beethoven" (1870), des idées de Schopenhauer sur l'essence de la musique, \vagner les reprend à son comp-te dans cetcomp-te étude et en fait le fondement de son

i-déa1isme musical." (32)

(31) Hérodiade, O.C., pp. 45-47.

(33)

Nous aurons une occasion ultérieure de revenir à cette très intéressante étude de ~~e Bernard. En attendant, disons que Schopenhauer appartenait à la génération des idéalistes post-kantiens de la pre-~ière moitié du XIXième siècle: Fichte, Schelling et Hef.el.

Il accorde à l'art une fonction méta-physique lui attribuant une situation primordiale dans la vie humaine; sa philosophie s'assied sur un pessi-misme qui s'oppose à l'optipessi-misme de Leibniz. La pen-sée "Schopenhaurienne" en symbiose sur la penpen-sée hin-noue considère que l'existence est un mal universel,

ré~i par le vouloir-vivre: principe de l'égo!sme col-lectif qui débouche sur la guerre, l'écrasement de l'homme par J'homme et sur la mort salvatrice.

A ce malheur universel, une solution unique et radicale S'offre, c'est le retour au néant, au suicide cosmique c'est-à-dire à l'annihilation de l'être à venir par le malthusianisme, à son abolition en quelque sorte.

Cette philosophie s'illustre clairement dans les lignes suivantes:

"Imaginez un instant que l'acte de la génération ne soit ni un besoin ni une volupté, mais une affaire de réflexion pure et de raison: l'espèce humaine pour-rait-elle bien encore subsister?

(34)

Chacun n'aurait-il pas eu assez pitié de la génération à venir, pour lui épargner le poids de l'existence, ou du moins n'aurait-il pas hésité à le lui imposer de sang-froid?U (33)

Poursuivant plus loin, il préconise le salut de l'homme:

____ soit par une substitution du vouloir-vivre, par la sympathie universelle, par la charité qui mènerait l'homme à comprendre uL'identité essentielle de tous les êtres, à supprimer tout principe illusoire d'in-divuation, à reconnaître soi dans tous les êtres et tous les êtres en soi •••••• alors se produit l'eutha-nasie de la volonté (sa béatitude dans la mort), cet état de parfaite indifférence où sujet pensant et

ob-jet pensé disparaissent, où il n'y a plus ni volonté, ni représentation, ni mondeo C'est là ce que les Hin-douS ont exprimé par des mots vides de sens, comme résorption en Brahma, nirvanâ ••••••• Mais pour ceux chez qui la volonté s'est niée, notre monde, ce mon-de réel avec ses soleils et sa voie lactée, qu'est-il?

(33 )

Rien. TI (34)

Schopenhauer, Parerga et Paralipomena, Trad.J. Bourdeau. Cf. Pensées et rra ments de Scho en-hauer, pp. 54-- : passage re ev ans e 1vre de F.J. Thonard, A.A.- Extraits des Grands Phi-losophes, p. 638.

Schopenhauer, Le Monde comme volonté et re~résen­ tation.C.F. Fouillée, Extraits des Grandshilo-sophes, pp. 457-8. Ibidem, p.

639.

(35)

34

____ soit par une issue esthétique, l'art, qui est es-sentiellement gratuit et non-fonctionnel car il ne sus-cite aucune convoitise et ne répond à aucune nécessité commandée par l.es hesoins de la nature et constitue une lihérat.ion métaphvsique de la conscience.

Cette doctrine qu'on pressent dans tou-te l'oeuvre mallarméenne n'a jamais été écritou-te "noir sur blanc", c'est que notre poète cache son mystère par

abstention: "Je néelige tout aplanissement chuchoté par la doctrine et ne tiens aux solutions que proclame l'état li turg:ique" - souligne-t-il dans "De r.-:ême". (5)

Aussi termine-t-il son "Catholicisme" sur la sympathie qu'on devrait lui porter sur ce qui l'angoisse, à savoir: " ••• j'ai voulu, d'ici, quand ce n'est prêt, accouder le songe à l'autel contre le tombeau retrouvé - pieux ses pieds à de la cendre." Car au hout de l'office, le rituel débouchera mas-qué d'encens sur la même ligne de force que celle de Schopenhauer, sur Rien: "Le nuage autour exprès: que prt§ciser . . . . Plus, serait entonner le rituel et trahir, avec ruti-lance, le lever de soleil d'une chape d'officiant, en place que le desservant enguirlande d'encens, pour le masquer: une nudité du lieu."

(36)

(35)

Q.C., p.

395.

(36)

C. ~1étaphysique la!que et non mysticisme:

M. Nédoncelle nous rapporte une inté-ressante remarque faite par Serge Lifar: "L'art de la danse est peut-être le plus directement communicatif, le plus extatique, le plus expressif et le plus émou-vant de tous. Mais il est aussi le plus limité dans ses moyens dtexpression, le plus primitif, le plus "bête" de tous les arts."

(J7)

Nous servant d'une antonymie, de la même veine, nous dirons que la poésie, notamment celle de rfl.allarmé, est le plus "ange" de tous les arts.

Toute-fois, nous ne voulons pas aller au point de dire, com-me le fait pieusecom-ment Charles Mauron, que la pensée mallarméenne débouche sur la mystique et que: " ••• Sté-phane li;allarmé fut un mystique, et peut-être le seul grand mystique athée, ou se disant tel, que nous ayions jusqu'ici connu en Occident."

(38)

Car qui dit "mystique" dit "irrationnel" et comme l'explique ~~e E. Noulet, métaphysique et mys-ticisme peuvent être condition l'un de l'autre, mais sur des plans différents et peuvent exister séparément.

(38)

Serge Lifar, Ile con;rès d'Esthétigue et de Sciences de l'art, Paris,

193 ,

vol.

III,

p.

478 -

cite par

M.

Nédoncelle, Introduction à l'esthétigue, p.

77.

(37)

36

Mallarmé ne sentit jamais cet état de vision mystique, car "celui-ci suppose un anéantissement de moi, nn ou-bli de soi, un ravissement de l'être au profit d'une entité extérieure ou supérieure; or, chez Mallarmé, perte de personnalité ne signifie pas perte de moi, confusion possible parce qu'on a coutume d'assimuler les notions de personnalité et d'identité. Elle si-gnifie au contraire, dépouillement et mise à nu d'un moi pur, haussé jusqu'à l'universel; présence de soi continue, agrandie et impérative qui chasse toute au-tre présence."

(39)

Par contre, nous nous rangeons à l'avis de M. 1f~uron et nous acceptons ce: " ••• il effleure une vérité que l'on retrouve au centre même de toutes les métaphysiques traditionnelles, en Occident c:ornme en Orient."

(40)

Mais, demeurant une métaphysique

an-thropocenbrique, même esthétique, et non théocentri-que se voulant aussi la!théocentri-que théocentri-que: "Une prétention, qui se targue de la!cité sans que ce mot invite au sens, liée au refus d'inspirations supérieures, soit, tirons-les de notre faJ.d.s, imite, à présent, dans l'habitude, a qu'intellectuellement la discipline de la science

E. Noulet, L'oeuvre poétique de Stéphane Mallarmé, pp. IlB-120.

(38)

omettant, au risque de choir ou de les prouver, dogme et philosophie." (41) - aussi rigoureuse dans sa lo-gique d'anéantissement que cette prière mussaf des Juifs pour le Nouvel An: "(La créature) formée de pous-sière et retournant en pouspous-sière, elle est semblable au tesson brisé et à l'herbe sèche semblable à la fleur qui se fane, à l'ombre qui passe, nuage qui disparaît, au souffle qui s'évanouit, la poussière qui vole, au son-ge qui s'éteint." (42)

Le destin de r~llarmé fut lié à la plus ingrate des ascèses car à l'encontre du mystique qui se retrouve voluptueusement dans son Dieu et de l'artiste qui se réalise dans son oeuvre "existenciéeu , c'est qu'à chacune de ses tentatives de s'approcher de Dieu, Dieu se vidait de Dieu et à chaque fois qu'il croyait saisir l'objet de sa concupiscence esthétique, cet objet se dé-robait et s'abolissait - du moins, le croyait-il. En somme, cette métaphysique la!que, c'est la métaphysique de l'impuissance et de l'échec.

(41) Catholicisme, O.C., p. 392.

(39)

CHAPITRE SECOND

A. I~vention ou découverte:

Dans notre avant-propos, nous avions mentionné que Mallarmé s'exprimait comme un théosophe musulman. Sa phrase arachnéenne, allusive, hermétique et surtout première et unique dans la poésie française, dépasse de loin tout l'art parnassien. Or, cela nous intrigue au plus haut point. Serait-ce là où réside le vrai secret de ~allarmé: cette phrase serait-elle l'é-crin amplectif de l'arcane mallarméenne?

y aurait-il derrière, la parturition de l'oeuvre poétique, un envers de décor qui cache aux yeux du lecteur le véritable cheminement de l'artiste? Quelle est la source de l'ineffable, de l'inédit mallar-méen? Mallarmé aurait-il, en puisant dans une prcQigi-euse mémoire - et là, il faudrait encore supposer une certaine érudition que semblent vouloir lui nier quelques-uns de ses critiques -, grâce à une puissance mnémonique ou même par un phénomène de paramnésie, réussi à décou-vrir à son propre insu la source essentielle d'un bon nombre de ses poèmes?

(40)

Léon Cellier laisse entendre qu'il y a une corrélation entre les souvenirs, le savoir du poête et son rêve: le faune ne disait-il pas: "0 nymphes, re-gouflons des souvenirs divers." Ainsi, Cellier exhume à notre intention une notice "qui précêde le petit choix de poèmes mythologiques modernes, joint en appendice aux "Dieux Antiques", et qui ne figure pas à l'édition de la Pléiade: "Les symboles mythiques, déclare Mallarmé, ont été, par la science, délivrés de la personnalité fabuleu-se où les enferma l'Antiquité. Rien ne reste plus, aux yeux de qui vient de regarder ce livre, que l'apparence des dieux à jamais incarnée dans le marbre ••••••••••••• Les dieux et les héros deviennent tous, pour la science, les acteurs de ce grand et pur spectacle, dans la gran-deur et la pureté 'duquel ils s'évanouissent bientôt à nos yeux, lequel est: LA TRAGEDIE DE LA NATURE.

Voilà, conclut Mallarmé, où en est le savoir de notre temps: mais à côté de l'étude il y a l'imagination. De très ~rands poètes ont su (c'est leur devoir tant que l'hu-manité n'a pas créé des mythes nouveaux) vivifier à force d'inspiration et comme rajeunir par une vision moderne les types de la Fable •••••••••••••••••••• "

(43)

Ou, alors, serait-ce une pure invention de la puissance même de l'esprit que Goethe appelle "le

(43) Léon Cellier, Mallarmé et la morte gui parle, pp. 117-8 et passim.

(41)

démonique" à ne pas confondre avec le démoniaque, nous fai t remarquer .Jean Berthelemy, mais "peut-être en sou-venir du démon de Socrate." (44)

40

Ou, plutôt, serait-ce par analogie avec le style même des mystiques chrétiens, espagnols

notaIJ!-~ent. Cela ne saurait l'être car la plupart des mysti-ques espagnols concevaient leur union avec Dieu dans une perspective platonicienne, qui n'est plus celle de 1vTal-larmé. D'après Raymond Bayer, la "disciplina amatoria" de Platon a imprégné toute la mystique de la Renaissance espagnole; or, nous dit Bayer: "Le platonisme ne fut ce-pendant en Espagne que le fruit d'une érudition sans suc et la nourriture d'esprits médiocres. Remarquons en effet que les plus grands, les plus authentiques mystiques es-pafnols se situent hors du platonisme, sainte Thérèse d'Avila {15l5-l582} et saint Jean de la Croix (1542 --1591)." (45) De ce côté, il faut rejeter tout pastichage possible de Mallarmé, car sainte Thérèse, qui jouissait d'un véritable génie littéraire, avait une expression d'une limpidité et d'une perfection admirables et pour saint Jean, l'image constituait l'idée et toute image qui illustrait l'amour profane valait pour l'amour divin, alors que pour Mallarmé, l'idée est avant tout abstraite.

(44) Jean Berthelemy, Traité d'esthétique, p. 448. (45) R. Bayer, Histoire de l'esthétique, pp. 104-5.

(42)

Il Y aurait cependant un rapprochement intêressant à re-lever, c'est que le mysticisJTle de saint Jean êtait "plein du rnvsticisme oriental et du symbolisme juda!que".

(46)

Y.a.dame Noulet avait dû êprouver la même curiosité que la nôtre en relevant une certaine analogie entre la poésie nu poàte espagnol Gongora du XIViàme sià-cle et celle ne Mallarmé tout en soulignant qu'aucun lien ne pouvait exister entre les deux poàtes et que Nallarmê ipnorait prohahlewent l'oeuvre de Gongora et que leurs sources d'inspiration ainsi que leurs thèmes étaient

dif-férents:

"Mais ce qui est identique chez les deux auteurs, c'est la source idéale de l'exêcution poétique, l'état psychologique de l'artiste au moment où l'inspiration étant mûre, la réalisation commence. Et ce qui est identique encore

chez l'un comme chez l'autre, c'est la nature de l'effort qui anime cette réalisation, effort conscient du but, expression de la religion littéraire dont fait profession le poète."

(47)

Il nous serait donc légitime, à notre tour, d'établir un parallàle entre la forme et même le fond ne certaine écrits soufis et ceux de notre poète. Nul ne peut contester le fait que r/iallarmê ait connu,

(l, h) Ibidelr1.

(Lt7) L. Milner, Gongora et Mallarmé (L'Esprit nouveau, 1921), cité par

E.

Noulet, Oeuvre poétique de Stê-phane Mallarmé, p. 314.

(43)

fréquenté et entretenu des relations littéraires avec Des orientalistes et même des arabisants. Loin de nous

42

l'idée de faire de '~llarmé un pasticheur de quelques théosophes arabes ou persans, mais qu'il ait découvert certains de leurs thèmes, cela pourrait être fort possi-ble. Ajoutons que depuis le Moyen-Age et jusqu'à nos

jours, il a toujours existé, dans les deux sens, un cou-rant littéraire et d'échanges philosophiques entre l'O-rient et l'Occident. Par conséquent, Mallarmé ne serait ni le premier, ni le dernier homme de lettres occidental à avoir emprunté à l'Orient quelques-uns de ses thèmes. A co~mencer par les poètes du Moyen-Age qui avaient fait apparaltre tOlIte une littérature allégorique centrée au-tour du Roman de la Rose, alors qu'à la suite des croi-sades, le Ponant venait d'entrer en contact avec le Le-vant et qu'on vit ainsi ressusciter, dans la poésie d'oc et dans celle d'o!l, cet antique symbole de la rose: "emblème" essentiellement oriental.

Pour nous permettre une autre digres-sion, disons qu'Asin Palacios avait suscité lors de la parution d'une de ses oeuvres, une très forte controver-se en affirmant qu'il existait une relation historique entre les soufis et les Fedeli d'Arnore, compagnons de Dante. (~8)

(~8) Asin Palacios, La

Comedia, Madrid-,~~~--~~--~~--~~~--~~--~~~

(44)

Plus près de J.1allarmé, ajoutons qu'ou-tre les Romantiques qui avaient une prélidection toute particulière pour l'Orient, qu'ils découvraient avec l'é-tablissement des empires coloniaux de la France et de l'An-gleterre, nous pouvons surtout mentionner Poe lui-même.

Mallar~é n'était pas sans avoir subi en profondeur l'in-fluence de Poe qui,

A

deux reprises, du moins à notre

connaissance, avait emprunté à l'Islam deux sujets à poème:

la première fois en composant le poème coranique: "Israfel", traduit par Mallarmé.

(49)

la deuxième fois: Al-Aaraf, traduit partiellement par Eugène Lefèbvre.

(50)

Il est plus que probable que c'est l'oeuvre du soufi Abdol-Karim Gili: "AI-A'raf, la Terre des Veilleurs" qui poussa Poe à la placer entre Ciel et Enfer:

"Apart from Heaven's Eternity

And yet ho'N far from Hell ! " Edgar Poe, AI-Aaraf

(51)

C'est à la source de l'Orient historique

(49) ~, p. 245, Voir l'épigraphe écrite à ce sujet et que suggéra au poète américain ce passage du Coran: "Et l'Ange Israfel dont les fibres du coeur sont un luth et qui a la voix la plus suave et toutes les créatures de Dieu".

(50)

O.C., p.

1513.

(51)

Voir Henri Corbin: Terre céleste et corps de résurrection, p. 237,

"Où

est le oien-dit Gili, quel est l'organe, de cette conviction intime dans laquelle Dieu Très-Haut se révèle à toi? Ce lien,cet organe, c'est précisément l'Imagination ••••• "

(45)

que s'inspirèrent ~~llarmé et Flaubert, l'un pour son poème d'Hérodiade, l'autre pour son roman de Salammbô. MallarfY1é vit en Hérodiade l'incarnation de "l'union par laquelle la beauté pure arrive à la conscience de soi." (52) En outre, il la voulut tout aussi orienta-le que orienta-le fut·Salammhô, dont orienta-le nom fut orthographié,. conformément à la philologie sémitique; à ce sujet Flaubert écrivit à M. Froehner, le 21 janvier 1863: " .•. que les deux "m" de Salammbô sont mis exprès pour faire prononcer Salam et non Salan, ••• "

(53)

L'éminent Albert Thibaudet s'est plu

ne

faire rie ~,~allarmé, un auteur dont la culture li vres-que serait hien plus réduite vres-que ne l'aurait prétendu le poète, faisant de lui un poète impuissant qui ne produisait que sur commande et quand l'occasion se présentait.

Ainsi:

44

"La chair est triste, hélasI et j'ai lu tous les livres." ne serait ~u'une facétie monstrueuse où se complaisait

l'écrivain pour induire en erreur son lecteur car "il lui plaisait que sa poésie donnât l'idée d'une oeuvre érudite, et qu'une bibliothèque d'Alexandrie ou de

(52) E. Noulet, Suites, p. 911 voir note l, à propos des

"Noces d'Hérodiade, Mvstere", présenté par Gardner Davies.

(53)

Flaubert, Oeuvres complètes, texte établi et annoté

par A. Thibaudet et

R.

Dumesnil, Bibliothèque de la Pléiade, Papis, 19A6, Tome l, p. 1007.

(46)

Byzance, placée à son horizon, la commandât comme une montagne significative."

(5k)

Faisant écho à Thibaudet, Guy Delfel reprend: "Je suis convaincu que Mallarmé n'avait pas lu une ligne de Hégel en dépit de Villiers qui lui en conseillait la lecture et qU'il n'avait de Platon que quelques souvenirs scolaires".

(55)

Et, l'on avait ajouté un peu na!vement que c'est de son "propre fonds" que furent ébauchées des attitudes natives qui donnent lieu à l'idéalisme platonicien. En somme, une vraie rénération spontanée!

Laissons Mallarmé démentir lui-même ce mythe de l'impuissance dont on l'inflige:

"Devant le papier, l'artiste se fait. Il (Taine) ne croit pas par exemple qu'un écrivain puisse entièrement changer sa manière, ce qui est faux, je l'ai observé sur moi. Enfant, au collège, je faisais des narrations de vingt pages, et j'étais renommé pour ne pas savoir m'arrêter ••••••••••••• Qu'y a-t-il de plus différent que l'écolier d'alors, vrai et primesautier, avec le littérateur d'à présent, qui a horreur d'une chose dite sans être arrangée?"

(56)

Il semble qu'on ait confondu appartenance

(54) A.Thibaudet, op.cit., p. 25.

(55)

Guy Delfel, L'esthétique de Mallarmé, p.

70.

(47)

à une école littéraire et affinité spirituelle ou phi-losophique. L'une implique une idéologie et un art qui ressortent des mêmes procédés techniques tandis que l'autre se fonde sur une filiation qui lie un pen-seur à l'autre par un fil d'Ariane, invisible et ténu mais qui n'en constitue pas moins un lien intuitif et universel.

A l'enquête que Jules Huret avait me-née auprès ne Hallarmé, il nous rapporte ceci: "J'abo-mine les écoles, dit-il, et tout ce qui est professo-ral appliqué à la littérature qu'elle,au contraire, est tout à fait individuelle." (57) Là, il ne s'agit que de son art, c'est ainsi que fleurissent le bouquet rare de l'inédit et le chef-d'oeuvre mallarméen; n'ou-blions pas que ~~allarmé avait introduit en France, la notion ~'auteur difficile. Son art est discontinu et fuyant, il force son lecteur à l'effort intellectuel et à l'approche intuitif: "Tu ne me lirais pas si tu ne m'avais déjà compris!" écrivait, à ce propos Valé-ry. (58) Et, c'est précisément cette discontinuité qui constitue une structure en queues-d'aronde dans la-quelle vient s'imbriquer l'attention du lecteur.

(57) O.C., p. 8A9.

( 58) J. Ro~rère, r·::allarmé, p. 17 l cf. la lettre sur T";allarmé adressée

â

J. Royere par Valéry.

(48)

Amant génial des r.~uses, fils de l 'his-toire et aïeul de demain, escalaàant le ciel pour s'a-bîmer dans l'enfer, vivant au vent des mathématiques, des sciences modernes, de l'archéologie et de cette science du langage' dont il fut en quelque sorte le fondateur en France et qui s'appelle aujourd'hui la

lin~uistique: comment peut-on lui nier le titre d'é-rudit?

L'art est inné cert~s; mais où a-t-il puisé cet acquis qui vient s'ajouter au don de son génie, et qu'il occulte subrepticement dans son oeuvre, att.eip:nant ainsi le summum du subterfuge, de l'art, devant. lequel miroite une "Transposition" qui va jus-qu'à "omettre l'auteur"?

(59)

"J'ai lu tous les livres" dit-il, ce n'est pas une boutade, c'est un drame, c'est le drame du poète angoissé parti à la recherche de l'Absolu et

qui reçoit pour toute réponse: " ••••• Je ne sais pas".(60) Ni l'espace, ni les livres n'ont

ré-pondu à son anf,oisse; alors hanté par le problème de l'existence et "mordant au citron d'or de l'idéal amer" il se penche sur tout "grimoire" ou "livre de fer vêtu".

( 59 ) 0 • C., P • 3 06 •

(49)

Nous le voyons philologue; (61) nous le voyons s'in-t'ressant à la Physique et même tenter des rapproche-ments entre le langage et les mathématiques en vue d'une thèse de doctorat.

(62)

Nous le voyons fr'quen-tant Lefèbvre devenu égyptologue et professeur à l'E-cole supérieure des Lettres d'Alger.

(63)

Gardner

48

Davies nous fait remarquer qu'une correspondance in-time de dix ans fut entretenue entre le poète et l'é-gyptolor;ue et, à propos du "Tombeau de Charles Baude-laire", cette image que la religion de l'Ancienne Egyp-te prêEgyp-te à Mallarmé:

"Le temple enseveli divulgue par la bouche S'pulcrale d'égout bavant boue et rubis Abominablement quelque idole Anubis

Tout le museau flamb' comme un aboi farouche." Il nous rappelle également que Mallarm' "avait juste-~ent ajout' à l'ouvrage de Cox (les Dieux antiques),

entre autres, un chapitre sur les deit's 'gyptiennes." (64) Or, Anubis, qui est le dieu de la mort de l'Egypte

pharaonique "est representé comme le d'crit Nallarm' -avec la tête d'un chien ou d'un chacal; ••••••• " (65)

(61)

Voir Supra no.

12.

(~2) Corr.

l,

p.

326,

cf. lettre adress'e à

H.

Cazalis ëi1'ërate du

29

mai

1870

et cf. O.C., p.

851:

"Enfin

du moi - et du langage math'matique.tt

(63)

Corr.I, p.

112,

note

2.

Cf. lettre du

23

mars 1864 à ~azalis.

( t./4 ) Gardner Davies, Les Tombeaux de Mallarm', p. 165.

(50)

Certains voudraient faire de l'érudi-tion un obstacle à l'éclosion de l'art; nous admettons que l'érudition n'engendre pas l'artiste et que le gé-nie artistique n'empêche pas le savoir à la condition que l'on n'invertisse pas l'un pour l'autre. Car, Mallarmé,avant tout autre, repousse le scientisme lit-téraire et abhorre les tentatives réductrices: "Le mal-heur, dans l'espèce, que la science s'en mêle; ou qu'on l' Y mêle." (66)

Au niveau de l'oeuvre: "Le poète puise en son Individualité, secrète et antérieure, plus que dans les circonstances mêmes exaltant celles-ci, ad-mirables, issues du loin ou simplement du dehors.1r

(67)

Voyons-le, donc, cheminant vers la nouvelle prosodie: (ho1) ~.,

(h7)

O.C., (/)8)

o.

C. , p. p. 'O.

"Si, au cas français, invention privée ne surpasse le legs

prosodique, le déplaisir éclate-rait ••••••••••••• La tentative, tout à l'heure, eut lieu et, à part des recherches érudites en tel sens encore, accentuation, etc ••••••• annoncées, je connais qu'un jeu, séduisant, se mène avec les fragments de l'ancien vers reconnaissable,

à

l'éluder ou le découvrir

z

plutôt du tout au tout, étrangere."

(68)

h5l. 87f). 3 f)4.

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