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L'acte authentique notarie electronique

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Texte intégral

(1)

ThlJ-y-Nam-Trân TRÂN

Institute of Comparative Law McGill University, Montreal

Quebec, Canada

August 2001

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial fulfillment of the requirements of the degree of Master of Laws (LL.M.)

(2)

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Àmes parents bien-aimés

J'aimerais remercier dans un premier temps mon superviseur, le Professeur Nicholas Kasirer, pour m'avoir permis de passer un si bel été au Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec, un été stimulant, un été studieux, un été inoubliable. J'ai apprécié ses commentaires constructifs et ses conseils judicieux.

Par ailleurs, j'aimerais remercier la Chambre des Notaires du Québec pour leur accueil et plus spécialement pour l'aide matérielle et intellectuelle fournie avec tant de gentillesse par Maître Alain Roy et maître Serge Allard.

Enfin, et des moindre, toute ma reconnaissance va à tous les acteurs de l'invisible qui m'ont soutenu tout au long de l'année et de la rédaction de ce mémoire. Mes pensées vont particulièrement à Madame Ginette Despars pour osn soutien indéfectible et sa relecture vigilante, à mes amies Mesdemoiselles Clémentine Sallée et Marylena Mendoza pour leur compréhension et leur aide salvatrices.

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par Thuy-Nam-Trân TRAN

L'adoption des récentes lois admettant les écrits électroniques et la signature électronique offre aux notaires français et québécois l'occasion de réfléchir à leur rôle dans la société moderne.

Pour certains, ces réformes pourraient sonner le glas de la profession. En effet, l'invasion de l'informatique dans la vie quotidienne et dans la sphère juridique va entraîner la 'dématérialisation' des contrats, voire la disparition du notaire, remplacé par un succédané virtuel.

Cependant, pour la majorité, elles ne pourront qu'être bénéfiques à la profession, une fois mis en place un formalisme électronique adéquat. D'une part, le notaire reste la pierre angulaire dans le domaine traditionnel de l'authentification car sa présence réelle, matérialisée par sa signature, garantit la perfection et l'efficacité de l'acte notarié, sur support papier ou électronique. D'autre part, ce nouvel environnement lui permet de déployer ses qualités d'expert et de conseil, lesquelles confirment son rôle moteur dans la régulation de l'ordre sociaL

The enactment of recent legislation allowing electronic writings and electronic signatures for juridical acts provided to French and Quebec notaries the opportunity to rethink upon their role in modem society.

Sorne see the reforms as sounding the death-knell of the profession. Indeed, the invasion of computers in daily life and legal affairs has resulted in the 'dematerialization' of contracts, and even in the disappearance ofnotary, replaced by a virtual.substitute.

However, many think the reforms shall be beneficial to the profession once the parameters of electronic formalism are settled. First, the notary remains the comerstone for the authenticity of juridical acts in that his or her actual presence, materialized by his or her signature, guarantees the perfection and effectiveness of notarial acts, whether drafted· on paper or electronic medium. Secondly, his or her role as expert and as counsel will expand in this new environment and contribute to the consolidation of his or her central role in the regulation of society.

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SOMMAIRE

Introduction

Chapitre l Instrumenter l'acte notarié 1 Présence réelle du notaire

A - Conseil impartial des parties 1 - Devoir de conseil

a) Principe d'efficacité b) Au service des parties 2 - Devoir d'impartialité

a) Éviter les conflits d'intérêt b) Une spécificité québécoise B - Officier public authentificateur

1 - L'acte authentique, preuve par excellence

a) Crédibilité accordée au témoignage de l'officier public b) Privilèges accordés aux actes authentiques notariés 2 - Témoin privilégié

a) Lecture de l'acte aux parties

b) Assistance àla signature de l'acte par les parties

il L' «authenticité électronique»

A - Conception nouvelle de l'écrit juridique 1 - Forme et preuve

a) Notion d'écrit

b) Formes probatoires et formes solennelles 2 - Régime juridique

a) Recevabilité b) Force probante.

B - Conception rénovée de l'authenticité 1 - Les assouplissements actuels

a) Le témoignage indirect b) La pluralité de témoins 2 - Le formalisme électronique

a) La procuration ou la pollicitation électronique b) Le«e-notariat »

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. Chapitre II Signer l'acte notarié l La signature des parties

A - Exigence de la signature 1 - Exigence probatoire

a) Du témoignage b)Àl'écrit signé

2 - Exigence de la signature manuscrite? a) Signe d'identification et de validation b) Principe et exceptions

B - Admission de la signature électronique 1 - Exercice de définition a) Définitions juridiques b) Définitions techniques 2 - Problématiques a) Identification et validation b) Création et vérification II La signature du notaire

A - Caractéristiques de la signature du notaire 1 - De la signature manuscrite

a) Du sceau à la signature

b) Modernité du sceau et de la signature 2 - À la signature électronique

a) La certification de la signature électronique du notaire b) La nécessité de la re-signature des écrits électroniques B - Finalités du notaire

1- Le notaire et l'authentification a) Fonction authentifiante

b)Mystique de la signature notariée 2 - Le notaire et la certification

a) Le notaire et le tiers de confiance certificateur b) Le notaire et le«cyber notary»

Conclusion Bibliographie

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INTRODUCTION

Les supports de l'écriture sont innombrables. Toute matière est propre à recevoir l'écriture. Depuis le bambou, la feuille d'or vietnamienne, la tablette de cire, jusqu'à la chemise de Latude prisonnieràla Bastille, jusqu'à la jadéite et même le papier charbon, sans oublier la porcelaine et, aujourd'hui, le film micrographique1.

De nos Jours, grâce aux progrès techniques, nous pouvons ajouter à cette longue listele support électronique qui, par le biais d'impulsions électriques, permet la communication à distance et quasi-immédiate de toute information, sur la grande «toile» qu'est l'internet.

Est-ce seulement une nouvelle évolution technologique que la SCIence juridique va intégrer sans plus de manière? L'importante littérature à ce sujet montre que ce nouveau médium immatériel, contrairement aux supports traditionnels de l'écriture tels que la pierre, l'argile, le papyrus ou le papier, entraîne la dissociation du support et de l'information véhiculée. Or cela demande une approche renouvelée, sur le plan culturel et juridique, des concepts d'écrit, de signature et de preuve littérale.

Le droit commercial a, en premier, pris la mesure des impacts de la vulgarisation de l'informatique, qui a généré de nouveaux comportements et de nouveaux besoins dans les échanges économiques de la société contemporaine. La fin du XXe siècle a vu se développer le concept de commerce électronique appliqué à grande échelle, par opposition aux échanges de données informatisées2 qui n'existaient qu'entre des pàrtenaires d'affaires aux moyens de rés.eaux privés et donc nécessairement limités. Or, ce phénomène appelle une normalisation internationale3• Les différents travaux entrepris jusqu'à maintenant tournent autour de deux thèmes principaux: la reconnaissance juridique de l'acte dressé sur support électronique et corrélativement celle de la signature électronique, car en fait l'admission de la valeur

1Bernard Galimard Flavigny, « Lesmatières et les formes d'écriture» (1999) 23 Les Petites Affiches,

à la p. 24. - À propos de l'exposition L'aventure des écritures à la Bibliothèque nationale de France, Catalogue de B.N.F., diffusion Le Seuil, 1999, cité dans P. Catala, «Ecriture électronique et actes juridiques»,dans Mélanges Michel Cabrillac, Paris. DallozlLitec, 1999, à la p. 91.

2 A. de la Presle, «Vers la reconnaissance juridique des transactions faites par EDI », Congrès

informatique et droit AQDIJ, Montréal, Septembre 1992.

3 R. Sorieul, «Aperçu de quelques initiatives internationales pour un droit uniforme du commerce

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probatoire d'un tel document est soumis à la condition de sa signature, puisque l'écrit tel qu'il est appréhendé par le droit doit être nécessairement signé. Ainsi, les législations françaises et québécoises, qui s'inspirent des principes dégagés par les travaux internationaux en matière de signature et d'écrit électroniques, reconnaissent la valeur probatoire des actes sous seing privé et des actes authentiques électroniques, sous certaines conditions. Cette démarche va plus loin que les principes minimalistes prônés par la C.N.D.D.C.r.4 ou encore les spécifications contenues dans la Directive européenne sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques5; ces textes ne traitent que de l'exigence d'écrit« pur »6, se référant implicitement aux actes dits sous seing privé, c'est-à-dire les écritures privées qui sont le principe en droit commercial· international.

Le droit de la preuve est, ici, directement concerné par l'adoption de ces nouvelles définitions dans les systèmes juridiques civilistes, qui consacrent la prééminence de l'écrit et la primauté à l'acte authentique. Ces réformes semblent moins bouleverser les systèmes soumisàla culture de common law, qui ne reconnaît pas à l'écrit une telle préséance et par conséquent limite le domaine de l'authenticité? En somme, en common law, l'acte authentique est une catégorie d'exception tandis qu'en droit civil, il est l'écrit par excellence8.

Àla lecture de ces obserVations préliminaires, nous devinons que s'intéresserà l'acte authentique notarié électronique en droit québécois et en droit français, c'est

4 La loi-type sur le commerce électronique adoptée en 1996 par la Commission des Nations unies sur le

droit commercial international propose des normes «minimales» et· neutres .du point de vue technologique, fondées sur le principe de«l'équivalence fonctionnelle» entre les écrits traditionnels et les écrits électroniques, entre la signature manuscrite et la signature électronique: voir également, en ligne: Unicitral Homepage <http://www.unicitral.org/french/texts/electcom/ml-ec.htm> (date d'açcès : 12 juillet 2001) ; et également1.D. Gregory,«La Loi type des Nations unies sur le commerce électronique: Quelques questions essentielles », Rencontre internationale de juristes d'expression française, Montpellier, 1 juillet 2000, à la p. 5.

<http://www.ovea.net/rijef/Templates/RIJEF%20COM%htm> (date d'accès: 15 juin 2001).

5Directive Européenne n° 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, JOCE dU'19 janvier 2000, L 13, p. 12. [ci-après Directive européenne sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques]

6Gregory, supra note 4àla p. 10.

7 De façon anecdotique, un auteur a débuté le chapitre consacré aux écrits avec le sous-titre

non-équivoque« General Theory .' No Assumption ofAuthenticity », selon J. W. Strong (dir.), McCormick On Evidence, 4e éd., St. Paul, West Publishing, 1992,àla p. 402, n° 218, cité dans Y.-M. Morissette,

«Le notaire et sa vérité », dans N. Kasirer, dir., Le fau..r: en droit privé, Montréal, Thémis, 2000, àla page 54.

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essayer de concilier des notions à la fois simples et complexes, divergentes et convergentes, théoriques et pratiques, juridiques et techniques.

En premier lieu, la comparaison du droit français et du droit québécois crée une problématique originale. En effet, le droit français, faisant partie de la famille civiliste, consacre la valeur probante des actes authentiques dont l'acte notarié est la catégorie la plus importante en droit de la preuve9• Ledroit guébécois, quant à lui, est

qualifié par un auteur de juridiction mixtelO, c'est-à-dire qu'il s'est construit sur des fondements empruntés à la fois àla tradition civiliste etàla culture de commonlaw. La présence de ces éléments dualistes est évidentel l et se répartit de la manière suivante: en général, la common law investit le droit public et le droit civil se réserve le droit privé. Mais, il faut se garder pour autant de conclure que le droit privé est purement civiliste et le droit public totalement imprégné de common law : le droit québécois de la preuve en est àla fois un exemple parfait et atypique, ainsi que le relève un auteur québécois:

This is perhaps the area where the "mixity" of sources and concepts is the most successful in developing an original system drawn and inspired from both sources12.

Le droit québécois de la preuve peut être, par conséquent, vu comme un cas d'espèce: fruit d'une alchimie subtile entre le droit civil et la common law, il impose àla fois la preuve par écrit des actes juridiques en reconnaissant une place particulière à l'acte notarié!3 et admet la règle de la meilleure preuve et la prohibition duouï~dire importées de la common law14.

9J. Ghestin, Traité de droit civil, Introduction générale, 3eéd., par J. Ghestin et G. Goubeaux, 1990illa p. 582; n° 614:« les actes authentiques les plus importants au point de. vue de la preuve sont incontestablement les actes notariés », cité dans J.-M. Olivier, «L'authenticité en droit positif français» dans Modernité de l'aUthenticité, Deuxièmes Rencontres Notariat-Université, 26 octobre 1992, (28 Juin 1993) 77 Les Petites Affiches, n° 4.

10V. V. Palmer,Mixedjurisdictions worldwide, Thethird legal Jamily, Cambridge (UK), Cambridge University Press, 2001.

Il Non seulement les institutions dénotent ces influences divergentes,. mais aussi le langage du droit est

affecté par cette cohabitation des systèmes juridiques: voir notammentN. Kasirer, «Dire ou définir le droit?»,(1994) 28 RJ.T. 141 et N. Kasirer,« Le realestate existe+il en droit civil?»,(1998-1999) 29 R.G.D. 465.

12HonorableJ.-LBaudouin, «Quebec (Report 2)»,dans Palmer,supra note 10illa p. 355.

13 J.E.c. Brierley et RA Macdonald,Quebec civil law, Toronto, Emond-Montgomery, 1993, illa p. 691 :«The most formaI type of writing evidence is the notarial instrument».

14 F. Champigny, «L'inscription informatisée en droit de la preuve québécois? », dans Développements récents en preuve et en procédure civile (1996), Cowansville{Qc),Yvon Blais, 1996,

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En second lieu, nous ne pouvons évoquer les notions de preuve et d'authenticité sans nous pencher tout naturellement sur l'institution du notariat car «[l)'histoire du notariat se confond avec cene de la preuve, À la preuve orale s'est substituée la preuve écrite»15. Sa genèse et son évolution sont intimement liées à

celles de l'écriture, de la signature et de la preuve, de la forme16. Or, une telle

institution s'épanouit dans une culture civiliste, fondée sur la suprématie de l'acte authentique; la tradition de common law n'en a qu'une imparfaite approche avec le public notary17.

Or, la particularité du notariat et la spécificité de son instrument se manifestent àplusieurs niveaux. Le notaire latina,traditionnellement, une double casquette, en ce qu'il est à la fois un juriste professionnel et un officier public. Toutefois, il se distingue d'autres professions juridiques, car il est le seul habilité à conférer l'authenticité aux actes juridiques, ainsi que des autres officiers publics en ce sens qu'il doit instrumenter dans le respect de principes stricts tels que le devoir de conseil et le devoir d'impartialité. Généralement, il est opposé à l'avocat et rapproché du . 18

Juge .

Dans le premier cas, s'il partage avec ce dernier l'activité de conseil, il s'en démarque car il est tenu, traditionnellement, à la plus stricte impartialité dans l'exercice de ces fonctions19 tandis que l'avocat«va s'employer, dans le contentieux et dans la négociationàl'exacerbation militante des droits subjectifs de son client»20.

Dans le second cas, il a souvent été décrit par la doctrine européenne comme étant le «magistrat de la juridiction volontaire»21 car l'acte notarié, doté de la force

15J. Yaigre et J.-F. Pillebout,Droit professionnel notarial, 4e éd., Paris, Litec, 1996 à la p. 19, n° 3l. 16Olivier,supra note 9 nO 8, s'appuyant sur la lettre de l'article 1317 C. civ. remarque que «[l]a notion

d'authenticité [... ] appartient en effet essentiellement au droit de la forme ».

17 Voir notamment, A. Moreau, Le Notaire dans la société française d'hier à demain, Paris,

Economica, 1999, à la p. 18 et s. [ci-après <de Notaire»] Voir également J. Lambert, «Notaries in Quebec », (1997-1998), aux pp. 2, 10 et n, en ligne Chambre des Notaires Du Québec <http://www.cdnq.org/cnq/mettez/pagel.html>(date d'accès: 4 mai 2001).

18Cette association de la fonction notariale à la magistrature remonterait à un capitulaire de 805 dans

lequel Charlemagne aurait ordonné aux gouverneurs et comtes, évêques et abbés d'avoir chacun leur notaire, lequel portait le titre de «juge écrivain des contrats» (judices carthularii).En 1706, le Troisième Édit de Louis XIV créait les notaires royaux, confirmant le statut de notaire comme celui d'un «magistrat de la juridiction volontaire, c'est-à-dire le juge du consensuel» : voir A. Moreau,ibid, àlap.57.

19P.-A. Crépeau etÉ. Charpentier,«Définition du notariat. Rapport de recherche»,(1996) 98 R. du N.517àlap.523.

20Morissette,supra note 7, à la p. 74.

21 A. Lapeyre, «L'authenticité», J.C.P. 1970.1.2365, au n° 14. Voir aussi J.-L. Magnan, Le notariat et le monde moderne, Paris, L.G.DJ., 1979 à la p. 142 : on qualifie l'acte notarié d'acte de juridiction

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exécutoire, a la force d'un jugement émanant d'un tribunal de dernier ressort22. En

droit québécois, l'acte notarié n'ayant pas de force exécutoire, la doctrine a parfois avancé une autre justification à la qualification de «magistrat de la juridiction consensuelle »23 :le formalisme notarial remplissant à la foi~les fonctions de preuve,

d'avertissement et« d'orientation juridique)}24évite aux parties etàla société les frais

d'une contestation judiciaire. Le premier brandit la menace de la sanction étatique tandis que le second favorise la prevention25• Néanmoins, une différence très

importante existe entre le notaire exerçant la magistrature de· préventiOn et le juge, magistrat du contentieux. Le premier a pour mission de rédiger un acte reproduisant exactement les volontés des parties et qui va produire tous les effets juridiques et economiquesattendus; ce faisant, il «ne substitue pas d'autorité, son jugementàla volonté du citoyen)}26. Le juge, lui, a non. seulement un pouvoir d'appréciation souverain mais il impose sa décision·aux parties27•

Ces différences rejaillissent sur l'acte notarié, qui doit être distingué des autres actes authentiques dans le processus d'informatisation, et faire l'objet d'un traitement distinct en droit français et en droit québécois, car il n'y présente pas les mêmes caractéristiques.

volontaire «parce que c'est spontanément que les parties se présentent à lui », cité dans 1. Beaulne, «Problématiques spécifiques afférentes à la force exécutoire de l'acte notarié» l3es Entretiens Jacques Cartier, Colloque: Sources et instruments de justice en droit privé, Montréal, 4-5 octobre 2000, publication à venir, Thémis, au n° 6S.

22C. Rémon, «La force exécutoire de l'acte notarié et son exécution directe »,(1978) Revue du notariat belge 302, à la p. 30S, cité dans Beaulne,supra note 21.

23 R. A. Macdonald, «Images du notariat et imagination du notaire»;(1994) 1 c.P. du N. l, à la p. 9. Voir également en l'affaireAyotte c. Boucher (18S3), 9 R.C.S. 460, M. le juge Fournier écrivait à la p. 476: «[. .. ] le notaire, [...] cette sorte de magistrature si utile à la société en général ».

24 Selon le juriste américainL. Fuller, les formalités accompagnant le processus contractuel ont une

fonction probatoire, une fonction de solennité et une fonction de canalisation du contrat(channeling function) c'est-à-dire une qualification juridique adéquate de

r

opération envisagée par les parties dans une catégorie appropriée du droit. L. L. Fuller, «Consideration and Form», (1941) 41 Columbia Law Review, à la p. 799-824, cité dans 1.-G. Belley, «Réflexion critique sur la culture notariale du contrat », (1996) c.P. du N. 105 à la p. lOS.

25 Le droit préventif est la base de l'argumentation adoptée par Me J.-P. Dutrisac pour justifier la

revendication de la force exécutoire pour l'acte authentique: Allocution du président de la Chambre des notaires du Québec dans le cadre .des Déjeuners de l'Association des civilistes, Hull, le21 février 1996, cité dans Belley,ibid. à la p. 108 sous la note 19. Cet auteur souligne, par ailleurs, le paradoxe créé par le fait que l'enthousiasme en faveur du droit préventif soit plus développé chez les notaires qui ne participent pas directement au fonctionnement des tribunaux qu'elle ne t'est probablement chez les avocats et les juges:ibid.

21> J. Delorme et D. Brac de la Perrière, «Authenticité et libertélDeuxième commission», dans26ième

congrès du Mouvement Jeune Notariat!« Le Statut de la Liberté»,Québec, 1995, 69-117 à la p.79, cité dans Beaulne,supra note 21.

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D'une part, cet acte dit de juridiction volontaire28 comme tous les actes authentiques, doit être reçu par un officier public compétent avec les solennités requises. Or, à l'ère électronique, si la dématérialisation du support de l'information permet qu'on puisse conclure des contrats en ligne, c'es.t-à-dire sans la réunion physique des parties, l'instrumentation des actes authentiques nécessite la présence réelle de cet officier public. Dans le cadre de l'acte notarié électronique, cette exigence supérieure, qui. conditionne le caractère authentique, a été remise en cause pour des raisons pratiques et techniques. Ainsi l'acte notarié, qui a tiré profit des inventions majeures révolutionnant l'écrit telles l'imprimerie, la photocopie, la dactylographie et le traitement de texte et la numérisation, voit ses fondements ébranlés par les réformes contemporaines. Ces dernières, sous le couvert du droit de la preuve, touchent à l'essence même de l'authenticité et donc de l'institution notariale. Cet enjeu semble moins crucial pour d'autres types d'actes authentiques, tels que certains actes administratifs ou judiciaires car il n'est pas, de nos jours, envisageable que les fiancés n'apparaissent pas en personne devant le maire pour se marier ou encore que des juges se prononcent hors la présence des parties, sauf dans la procédure pénale de la contumace.

D'autre part, l'intensité et l'orientation de la réflexion varient selon le notariat français et le notariat québécois. Puisant aux mêmes sources, le premier· jouit néanmoins d'une reconnaissance séculaire résultant des garanties intrinsèques à l'officier public et des effets énergiques qui s'attachent aux actes notariés, tels que la force probante, la force exécutoire, la date certaine et la garantie de conservation. Par ailleurs, son témoignage est privilégié, car il est obtenu dans le respect de principes rigoureux, tels que la présence réelle d'un notaire unique lors de l'échange des consentements. Le second, quoique descendant direct du premier, a vécu une histoire mouvementée29, en lutte constante pour sa survie, dans un environnement anglo-saxon

clairement favorable au barreau. Le notaire québécois, quoique le premier et seul juriste admis à exercer en Nouvelle-France, a vu sa situation se dégrader à partir de la domination anglaise, sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs: d'une part, un

28 Voir cette typologie dans Juris-classeurnotarial Formules, «Acte notarié», fasc. AS, par D.

Montoux, cité dans I. de Lamberterie, dir., au nom du Groupe d'intérêt public Droit et Justice, «Réflexion sur l'établissement et la conservation des actes authentiques», juin 2001, La documentation française [à paraître en 2001].

29 A. Vachon, Histoire du notariat canadien, Québec, P.U.L.,1962; le. Mackay, «Les jalons de

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désaveu complet de cette profession qui repose sur l'acte authentique non valorisé dans la tradition de common law; d'autre part, les difficultés d'organisation interne de la profession en butte à la révolution industrielle et culturelle qui a induit une compétition néfaste et enfin, la reconnaissance imparfaite octroyéeàl'acte notarié qui souffre d'un grave handicap, l'absence de force exécutoire. Bien que ce rappel de contexte soit succinct,ilpermet de deviner que les préoccupations et objectifs de ces 'cousins' sont loin d'être communs.

À en croire par le volume de littérature à ce sujet, les praticiens30 et les théoriciens31 du droit s'inquiètent plus, en France, de la dilution de la notion fondamentale d'authenticité induite par la possibilité légale d'instrumenter des actes électroniques. Plus précisément, les craintes se cristallisent autour de l'amalgame malheureux et dangereux selon lequel la dématérialisation32 signifierait la prééminence des contrats conclusàdistance et, à terme, la disparition du notaire. La littérature québécoise, moins importante sur ce sujet, montre que les préoccupations du notariat québécois avant-gardiste, pragmatique et influencé par l'environnement nord-américain sont orientées vers le redéploiement de la pratique notariale, par le biais de la maîtrise des nouvelles technologies, dans un esprit de concession. Toutefois, n'existe-t-il pas un certain paradoxe à proclamer que l'intervention notariale est indispensable dans nombre de domaines mais la présence réelle du notaire ne le serait pas ? En effet, la profession notariale semble prête à embrasser l'ère du «cyber-notaire», laquelle postule, somme toute, la substitution de l'homme par la machine.

En fait, le questionnement sous-jacent semble le même pour les deux professions, à savoir quel est le rôle du notaire dans le )(XIe siècle? Est-ce un expert

a page 3;l~E. Roy,«Du notariat et des notaires au Canada avant 1663», dans leCanadafrançais,vol. III, 1890.

30 Voir par exemple l-P. Decorps,«La signature électronique ne modifie aucun critère de l'authenticité» (11 avril 2000) Les Petites Affiches 3.

31L.Grynbaum,«Loi du 13 mars 2000 : la consécration de l'écrit et de la preuve électroniques au prix

de la chute de l'acte authentique », C.e.E. avril 2000, p. 12.

321.Dauriac, La signature, thèse de doctorat en droit dactylographiée, Université Paris II, 1997 [non

publiee] à la p. 62 sous la note 2: «Il ne s;aurait y avoir de dématérialisation de l'information stricto sensu, puisque l'information en elle-même n'ajamais été matérielle. Cette notion de dématérialisation, appliquée au support, ne traduit pas exactement le phénomène qu'elle entend désigner. Parler de dématérialisation du support d'information laisserait à penser que tout support disparaît. En réalité, aucune disparition du support n'est avérée. Le fait nouveau est seulement la: dissociabilité de l'information et du support qui la véhiculent. La transmission de l'information suppose toujours un médium (ondes, électricité) et un support, seulement ces deux éléments ne sont plus désormais indissociables».

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juridique, un technicien du droit, un certificateur d'identité, un officier authentificateur, un architecte du droit etc ... ?

En troisième lieu, parce que seul l'écrit signé a u:ç.e valeur probatoire, les réformes récentes ont dû définir à la fois l'écrit électronique et la signature électronique. Dans la mouvance des États américains où est apparu en premier le concept de commerce électronique, le Québec a fait preuve d'innovation en adoptant dès 1994, dans le nouveau Code civil, une définition large de la signature33 ainsi qu'une section traitant des «inscriptions informatisées})34, sans leur reconnaître,

toutefois, pleine valeur juridique. Le législateur a donc réformé celle-ci afin d'admettre pleinement l'équivalence des documents électroniques en droit de la preuve35 et validé explicitement la notion de signature électronique36• Par ailleurs, la

France a révisé d'un bloc la première section du chapitre consacré à la preuve des obligations du Code civil, en définissant, pour la première fois, les notions de preuve littérale et surtout de signature37.

Selon certains auteurs, les éléments substantiels de l'authenticité sont, d'une part la présence de l'officier public sus-énoncée et, d'autre part, la signature de l'acte par l'officier public38. Cette fonction authentifiante est maintenant inscrite dans le

nouvel article 1316-4 C. civ. issu de la Loi du 13 mars 2000. Cette reconnaissance législative suit la consécration doctrinale de l'idée selon laquelle la signature du notaire est l'élément le plus important dans le cadre d'un acte notarié39,de même que

l'est celle des parties dans le cadre d'un acte sous seing privé. Or, si la

33Art. 2827 C.c.Q. 34Art. 2837 à 2839 C.c.Q.

35P.L.161, Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, 1re session, 36elég., Québec, 2001 (sanction royale le 18 juillet 2001, L.Q. 2001, c. 32) substitue le nouvel article 2837 dans le Code civil du Québec aux articles 2837 à2839. En révisant la loi organique relative au notariat québécois, le législateur a ouvert le champ d'application de la réforme à l'acte notarié. Loi sur le notariat, L. Q. 2000, c. 44. (adoptée par l'Assemblée nationale du Québec le 23 novembre 2000 et sanctionnée le 5 décembre 2000) [ci-apresLoi sur le Notariat].

36 P. L. C-6, Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques, session, législature, Canada, 2000 (sanction royale le 13avril 2000, L.C. 2000, c. 5) [ci-aprèsLoi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques] : voir notamment les articles 31(l)et 48 (2) dans le chapitre II,1.B. 1.a.

37 Loi nO 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de

l'information et relative à la signature électronique,J.O. 14 mars 2000, 3968.Décret nO 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique, J.O. 31 mars 2001, p. 5070.

38De Lamberterie,supra note 28àla p. 9.

39 P. Leclerc, «Rapport de synthèse», dans IOeme rencontre notariat-université/ "Vers l'authenticité électronique", Chambre interdépartementale des notaires de Paris, 11 décembre 2000 publié dans (2 avril 2001) 65 Les Petites Affichesà la p. 37.

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dématérialisation postule la disparition de la présence notariale, quel sera le fondement de la valeur authentifiante de cette signature ?

De cette introduction se dégagent des interrogations intéressantes qui ne pourront être toutes explorées dans le cadre de la présente étude. Nous nous focaliserons sur les impacts des nouvelles législations sur l'établissement et la signature de l'acte notarié, sans pouvoir traiter de façon exhaustive les notions d'écrit et d' «équivalence fonctionnelle », les différentes signatures électroniques ou les problèmes d'archivage et de conservation des actes électroniques.

Dans un premier chapitre, nous étudierons les raisons qui militent pour le maintien de la présence réelle du notaire pour instrumenter l'acte notarié, le formalisme électronique dont les garanties seraient équivalentes restantàinventer. Et un second chapitre sera consacré àla signature de l'acte notarié, de la perspective des parties et de celle du notaire.

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CHAPITRE l INSTRUMENTER L'ACTE NOTARIÉ

Traditionnellement, l'authenticité s'analyse en la réception d'un acte juridique par un officier public compétent, avec les solennités requises. Or 'recevoir', c'est être présent lors de l'échange des consentements, car le législateur a consacré la compétence et l'intégrité du notaire en dotant l'acte notarié de «privilèges exceptionnels}}4û tels que la force probante jusqu'à inscription de faux, la force exécutoire, la date certaine et la pérennité.

Selon la doctrine clas$ique, la présence du notaire (1) est consubstantielle à l'authenticité. En effet, avant d'être témoin privilégié, il faut être témoin. Or l'émergence des nouvelles technologies bouleverse non seulement les concepts probatoires mais menace les fondements même de l'authenticité, à en croire certains auteurs41. La nécessité d'une réflexion en vue de trouver un formalisme électronique

est indiscutable: l'authenticité électronique (II) n'est plus une chimère, mais pas encore une réalité.

l ~PRÉSENCE RÉELLE DU NOTAIRE

La présence du notaire est nécessaire tout au long du processus d'établissement de l'acte notarié, tant au niveau dunegotium qu'à celui de l'instrumentum, car il est le conseil éclairé et impartial de toutes les parties à l'acte (A). Mais, dans le cadre de sa mission d'authentification (B), sa présence est indispensable lors de la réception de l'acte, carilest garant de la sincérité et de la réalité du consentement des parties ainsi que de la perfection et de l'efficacité juridique de l'acte.

A - CONSEIL IMPARTIAL DES PARTIES

40Lapeyre,supra note 21 au n° 17. 41Grynbaum,slipra note 31.

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Outre la mission d'authentification, le notaire est tenu d'un devoir de conseil très étendu (1) qui explique l'importance que l'on accorde aux actes notariés, car on assume, du fait de l'intervention du notaire, qu'ils reflètent non seulement les volontés réelles des parties mais surtout leur consentement 'éclairé' ..Le notaire se différencie ainsi des autres officiers publics. Par ailleurs, l'exercice de ce devoir de conseil se fait dans le respect de règles qui maintiennent le notaire dans une position impartiale (2), ce qui distingue le notariat d'autres professions juridiques.

1 - Devoir de conseil

Le devoir de conseil existe dès lors que l'on tient pour acquis que le notaire doit non seulement rédiger des actes juridiquement efficaces (1), qui vont produire tous les effets attendus de l'authenticité, mais aussi établir des actes conformes aux besoins des parties (2).

a) Principe d'efficacité

Le devoir de conseil, le principe d'efficacité et la fonction d'authentification sont autant de notions voisines qui se complètent dans une finalité commune de sécurité juridique:

Parce que l'authenticité et plus encore la force exécutoire présupposent l'efficacité de ces intentions déclarées par les parties, le notaire se trouve nécessairement appelé à donner des conseils, ceux qui sont exigés par la sécurité juridique, par la nécessité des actes authentiques.42

Le rôle de conseil a été reconnu très tôt par la doctrine et la jurisprudence. Ainsi, malgré le silence de la Loi du 25 Ventôse An

xt

3, le conseil du gouvernement Réal dans son célèbre «Exposé des motifs» déclarait déjà les notaires «conseils désintéressés des parties aussi bien que rédacteurs impartiaux de leur volonté »44. Et le Règlement national du notariat a complété en 1979 la définition: «il est l'arbitre impartial des contrats qu'il reçoit et le conseil des personnes, des entreprises et des

42J-L. Aubert,La Responsabilité civile des Notaires, Paris, Defrénois, Répertoire du Notariat, 1998 pp. 31 et 32.

43 Soit le 16 mars 1803,Loi du 25 Ventôse AnXlcontenant organisation du notariat. 44Exposé des motifs cité dans Vaigre et Pillebout,supra note 15àla p. 8.

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collectivités; il assure la moralité et la sécurité de la vie contractuelle»45. La

jurisprudence française a fait respecter, très tôt, ce devoir de consei146:

Les notaires n'ont pas seulement pour mission de donner l'authenticité aux actes qu'ils rédigent, dans son esprit et dans ses motifs mêmes, la loi qui les institue a entendu leur conférer un rôle plus digné et plus élevé, elle les considère comme des conseils désintéressés des parties47.

La jurisprudence française est allée plus loin en élargissant l'application de ce devoir de conseil à l'ensemble de l'activité notariale, à tel point que ce devoir existe désormais en tant qu'obligation statutaire, indépendamment de la mission d'authentification48.

Au Québec, une évolution analogue s'est produite. La doctrine49 a d'abord reconnu l'existence d'une obligation morale, puis les tribunaux ont consacré l'existence d'une obligation légale. Ainsi dans l'affaireAyotte c. Boucher50, la Cour

suprême a jugé en 1883 que le notaire avait l'obligation légale de conseiller ses clients et que si sa conduite était autre, il ne respectait ni la loi ni son devoir professionnel. Depuis 1968, le législateur québécois a reconnu officiellement ce devoir en l'énonçant ainsi dans la nouvelle Loi sur le notariat : «Le notaire est un officier public et collabore à l'administration de la justice. Il est également un conseiller juridique»51.

Et le Code de déontologie dispose que « le notaire doit agir comme conseiller désintéressé, franc et honnête de ses clients ou des parties

>P.

De nos jours, ce devoir de conseil est si fondamental que les diverses définitions du mot « notaire» l'incluent, par exemple:

Notaire: Juriste faisant partie d'une institution, le notariat, qui regroupe ses membres au sein d'un ordre professionnel. Les fonctions du notaire consistent, notamment à donner des conseils juridiques,[... ] et, en tant qu'officier public, à rédiger et recevoir des actes authentiques à caractère

45Ibid.

46Voir par ex. Rouen, 21 janvier 1841, S. 1841.2.253. 47Casso 3 août 1958, S. 1959.1.350.

48Aubert,supra note 42àla p. 32.

49 Pour une définition du devoir de conseil et une étude de ses fondements juridiques, voir P.-Y. Marquis,La Responsabilité Civile du Notaire, Cowansville, Yvon Blais, 1999 à la page 112 et s.

50 Ayottec.Boucher, (1883)9R.C.S. 460. 51 Article 10 alinéa 1 de laLoi sur le notariat.

52 Article 3.0\.05 Code de déontologie des notaires, R.R.Q., 1981, c. N-2, r.3 [ci-après Code de

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privé, à en assurer le date, à en conserver ceux qu'il reçoit en minute, àen donner communication et en délivrer des copies ou extraits authentiques53.

Notaire: Officier public et officier ministériel chargé de conférer l'authenticité aux actes instrumentaires et de conseiller les particuliers [...]54.

Le devoir de conseil a une étendue et une intensité variable selon qu'il est appréhendé en droit français, qui semble plus strict, ou en droit québécois, plus flexible.

Tous s'accordent que le 'noyau dur' du devoir de conseil met àla charge du notaire l'obligation d'éclairer les parties sur les effets et la portée des actes qu'il dresse, sur la «faisabilité »juridique mais aussi sur l'opportunité économique de l'opération, dans la mesure du possible, c'est-à-dire dans le respect du secret professionnel. Les clients doivent être informés des exigences légales, des limites et autres inconvénients de l'opération envisagée, et plus généralement des risques de toute nature tenant à l'incertitude du droit positif. En présence de deux courants juridiques opposés, il doit toujours orienter ses conseils en fonction de la solution dominante au moment de la réception55,et en cas de divergence entre la doctrine et la

jurisprudence, il doit opter pour la thèse jurisprudentielle56. Pour cela, le notaire doit

avoir une compétence normale et raisonnable dans les différents secteurs du droit et « [... ]doit, dans la mesure de ses possibilités, voir à assurer la miseàjour continuelle de ses connaissances. Il doit se tenir sans cesse au courant de l'évolution du droit dans les différents domaines de son activité, [... ]»57. Il doit, par ailleurs, se livrerà

des investigations quand cela est nécessaire.

Certains auteurs français58 pensent que les tribunaux se sont prononcés en faveur du caractère absolu du devoir de conseil, en ce sens que ce dernier reste en tout cas attaché à la fonction de notaire alors même que le client aurait des compétences

53Crépeau et Charpentier,supra note 19 a la p. 518.

54Termes juridiques, 10eéd., 1995, s.v. «notaire».

55A. Roy, «Déontologie et procédure notariale»,R.DIN.S. - Pratique notariale, Doctrine - Document 3, 1997 au n° 26.

56Marquis,supra note 49 au nO 136.

57 Code de déontologie des notaires article 4.04.01. A rapprocher de l'article 2 alinéa 2 Règlement

national du notariat approuvé par arrêté du 24 décembre 1979, modifié par arrêté du 24 décembre 1993 [ci-après Règlement national du notariat]: « il a le devoir d'entretenir et de renouveler ses connaissances et de se tenir informé de l'évolution du droit, de l'économie et de la société [...]».

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dans le domaine considéré59ou qu'il bénéficierait des conseils d'une tierce personne60• Bien que cela peut paraître très strict, une solution contraire introduirait plus de confusion, néfaste à la sécurité juridique prônée par l'intervention notariale. D'une part, le notaire est dispensé d'évaluer au cas par cas le degré de connaissances de ses clients; d'autre part, le client qui prend la peine de se ménager plusieurs conseils doit pouvoir bénéficier de conseils cumulatifs et non alternatifs.

Cependant le notaire, bien que tenu sur le plan de l'obligation à la dette, pourrait, dans le cas du client assisté, démontrer la faute du conseiller personnel du client pour être, au plan de la contribution, déchargé partiellement ou totalement. De même, dans le cas du client compétent, il pourrait bénéficier d'une exonération de responsabilité à la mesure des fautes qui peuvent être reprochées au client. Plus généralement, le notaire sera exonéré lorsqu'il aurait été empêché d'accomplir son devoir de conseil, soit qu'il a été maintenu àl'écart de l'opération par les parties61, soit que le client n'a pas fourni au notaire les infonnations nécessaires à l'accomplissement de son devoir de conseil; dans ce cas « les clients ne peuvent demander au notaire garantie de leurs propres omissions et négligences})62.

C'est ici un autre aspect important du devoir de conseil: bien qu'étant très étendu et strictement sanctionné, il n'est pas unilatéral en ce sens qu'il implique un échange constant entre le juriste et son client, lequel doit exposer ses besoins et les infonnations en sa possession de manière aussi précise que possible. De là, le notaire est tenu de les conseiller des meilleurs moyens possibles de parvenir aux résultats recherchés, le devoir de conseil étant le«véritable moteur du principe d'efficacité }}63.

Le choix final appartient aux parties, qui doivent recevoir toutes les infonnations utiles et inconnues d'elles64afin de prendre leur décision en connaissance de cause65.

58Aubert,supra note42 à la p. 94.

59Casso civ. 1re,30 janvier 1996, Rép. Defrénois 1996, art. 36272, n° 21 (obs. Aubert).

60Voir Casso civ. l'", 13 novembre 1997, pourvoi K 95-20123, arrêt n° 1709 P, qui énonce que« le devoir de conseil qui incombe au notaire n'a pas un caractère relatif» et que « la présence d'un conseiller personnel au côté d'un client ne saurait dispenser le notaire de cette obligation». Cette solution a été réaffirmée dans le cas particulier où le tiers conseiller était un autre notaire ( Casso civ.

1re,26 novembre 1996, Bull civ.I.n° 418).

61Voir par ex. Casso civ. 1r

e,

10 décembre 1996,Dr. et Patr. fevrier 1997 3. A rapprocher de Casso civ. 1re,28 novembre 1995, Bull. civ. J, n° 437 : le notaire a été tenu à l'écart des négociations ayant abouti

à une cession d'action; on ne peut lui reprocher de ne pas avoir conseillé au cédant de dem.ander un cautionnement que le cessionnaire était d'ailleurs incapable de fournir.

62Trib. Gr. lnst. Versailles, 29 mars 1966. 63Aubert,supra note 42 à la p. 136.

64«Il [le notaire] n'est pas tenu d'informer son client de données de fait qui sont déjà connues». Casso

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En revanche, la doctrine et la jurisprudence québécoises affirment le caractère relatif du devoir de conseil, qui est une obligation «unanimement reconnue comme limitée et variable»66, les juges devant interpréter avec souplesse cette obligation, au

cas par cas. L'obligation consisteà:

[ ... ] éclairer les parties, suivant leurs besoins respectifs et les circonstances particulières de chaque cas, sur la nature et les conséquences juridiques, parfois même économiques, de leurs actes et de leurs conventions ainsi que sur les formalités requises pour aSSUreràceux-ci leur validité et leur efficacité67•

Le devoir de conseil étant relatif, les auteurs québécois s'accordent pour reconnaître, dans le cas où le client est assisté par un conseil, que le notaire instrumentant pourrait être libéré partiellement ou totalement de son devoir de conseil68. Les décisions jurisprudentielles sont moins clairement favorables à

l'exonération de responsabilité et ont tendance à reconnaître que la présence d'un autre conseiller n'a pas nécessairement une influence notable sur l'intensité et le contenu de l'obligation notariale et que le rôle réel et effectif joué par ce dernier doit être pris en compte de même que ses qualifications. L'obligation du notaire varie d'intensité en fonction de l'expérience et des connaissances connues ou présumées du client ou des parties69.

En revanche, tous s'accordent en général sur le fait que le devoir de conseil est une obligation de diligence70, car les informations fournies au client restent des

conseils71. Ce dernier, ayant fait son choix en connaissant les risques, ne saurait

ensuite demander au notaire de l'indemniser des conséquences de la réalisation de ses

connaissance de l'existence d'un bail commercial qu'un notaire avait omis dans le cahier d'adjudication.

65 Bourque c. Hétu, [1992] R.J.Q. 960 (C.A.); Julien c. Banque nationale du Canada, [1991] R,R.A.

265 ou [1991] R.D.I. 342 (C.A.).

66Marquis,supra note 49 à la p. 119, na 195.

67 P_Y. Marquis,La responsabilité civile du notaire offiCier public, t,l, Ottawa, Êdition de l'Université d'Ottawa. 1977àlaD. 32.

63Ibid. à la p. 165; ~oiraussi R. ComtOls,Le notaire dans la province de Québec, Montréal, Wilson& Lafleur, 1961, à lap. 39 affirmant: ,,3icn qu'il soit choisi par l'une des parties, le notaire est le représentant normal des deux contractants [... ]. Naturellement, si chaque partie au contrat est représentée soit par son notaire soit par son avocat, le notaire chargé de l'exécution de l'acte n'exerce plus ce double mandat, étant qu'il représente alors uniquement les intérêts de son client, l'autre partie étant elle-même assistée de son aviseur légal».Contra Casso civ. 1re,26 novembre 1996, Bull. civ.1au

n0418,supra note 60.

69Roy, supra note 55 au na 27.

70 Marquis, supra note 49 à la p. 120 au na 198; J.-L. Baudouin, La Responsabilité civile, 4 éd., Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1994 à la p. 390. Voir égalementRoberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374àla p. 398.

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risques72. Enfin, le notaire est tenu de son devoir de conseil à l'occasion de tous les

actes authentiques qu'il instrumente mais aussi des actes sous seing privé73, alors

même qu'il se serait bornéà l'examen de la rectitude de l'acte sous seing non établi 1 ·74

par Ul .

Deux éléments viennent perturber cette unanimité: d'une part la frontière entre obligation de moyen et obligation de résultat est parfois floue75. D'autre part,

l'obligation de moyen, à géométrie variable, risque d'être démesurément interprétée en défaveur du professionnel qu'est le notaire. L'évolution sociale et technique augmente les attentes des particuliers et des juges quantàla prestation de ce dernier, quant à son 'infaillibilité,76. Or, il est dangereux et néfaste de confondre technique et pratique notariale: le notaire n'est pas un technicien du droit mais un praticien, un juriste professionnel, dont la présence réelle est nécessaire àtous les niveaux sans qu'il puisse jamais être remplacé par aucune machine, aussi perfectionnée soit-elle!

Ce débat sur la responsabilité a le mérite de nous amenerà nous questionner sur la finalité du devoir de conseil: existe-t-il uniquement pour assurer la sécurité juridique ou a-t-il une existence autonome ? Dans le premier cas, les notaires ne seraient que «les messagers de la loi étatique» tandis que dans le second, ils seraient à part entière des «conseillers attentifs aux besoins de régulation contractuelle de leurs clients »77.

Autrefois simple copiste, aujourd'hui sa fonction implique un aspect dynamique, voire même une dimension créatrice.

b) Au s.ervïce des parties

72Voir Casso Civ. 1re,8 mars 1970, Bull. civ. 1, nO 121.

73R. Comtois,«L'authenticité de l'acte notarié », [1976] c.P. du N. à la p. 6.

74 Casso Civ. 1re 16 février 1994, Bull. civ. I, n° 69. Toutefois, le notaire est déchargé de son devoir de conseil s'il n'a prêté son concours qu'à titre purement bénévole, sans dresser aucun acte authentique: CasSo civ. 1re,7 juillet 1964, D. 1964.711.

75 Certains auteurs décèlent dans l'obligation de préparer un acte en la forme authentique une intensité de résultat vu l'absence relative d'aléa: voirP .-A. Crépeau,L'intensité de l'obligation juridique ou des obligations de diligence, de résultat et de garantie, Centre de Recherche en Droit Privé et Comparé du Québec, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1989, à la p. 33 au n° 56, cité dans N. Kasirer, «Le parfait notaire» (1999) 101 R. du N. 2.

761. de Poulpiquet,La responsabilité civile et disciplinaire des notaires, Paris, L.G.DJ., 1974, au n° 1 : l'auteur prend ses distances par rapport à l'attitude de certaines personnes qui attendent du professionnel 'un service infaillible', cité dans N. Kasirer,supra note 75.

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Ainsi qu'il a été évoqué dans le paragraphe précédent, le devoir de conseil suppose un dialogue constant entre le conseiller et son client.

Certains auteurs québécois encouragent le notaire àdévelopper cet aspect au-delà de la satisfaction des exigences de forme, à cultiver leur spécificité, en sommeà être conseiller avant d'être officier public, car «le trait distinctif de la fonction de notaire n'est pas la réception d'actes authentiques; la réception de tels actes traduit plutôt le principal rôle du notaire, savoir sa fonction de conseiller »78. Ce point de vue est novateur et départ certainement de la pensée classique française qui avait, certes, consacré le devoir de conseil comme obligation statutaire, lui reconnaissant une importance égale mais non supérieure au devoir d'authentification.

Dans cette optique, le notaire devrait aller au-delà de la loi pour favoriser la conciliation, être plus qu'un spécialiste du droit au service de l'État pour se poser en «spécialiste' de l'interface des ordres normatifs ou en courtier du pluralisme juridique »79et cela, pour mieux appréhender la situation particulière de chaque client,

lequel a sa propre « dynamique d'internormativité »80 en ce sens que les solutions à ses problèmes ne se trouvent plus automatiquement dans des sources externes telles que la loi ou la doctrine officielle mais dans son vécu, son environnement. Ce faisant, le notaire dépasse le stade de l'expert technique du droit pour devenir un praticien « réflexif» qui aborde les situations qui lui sont soumises comme si chacune était unique en son genre et, par conséquent, trouve des solutions sur mesure. En fin de compte, il«converse»à la fois avec la situation8l, en ce qu'il redéfinit le problème au fur à mesure qu'il s'approprie la situation, et le client82, qui participera activementà cette quête qui le concerne, au lieu d'attendre, comme auparavant, que des solutions toutes prêtes sortent de la 'machine' une fois que l'onya introduit la question.

Un auteur a brillamment démontré les avantages d'une telle attitude dans la régulation des rapports conjugaux. Traditionnellement, les époux se voient proposer des contrats de mariage stéréotypés quine règlent que des points précis, tels que les

78 Macdonald, supra note 23.

79Belley,«La pratique professionnelle comme prudence politique »,dans C. Nélisse et Ricardo Zuniga, dir.,L'intervention: les savoirs en action, Sherbrooke, Editions G.G.C., 1997,àla p. 58, cité dans A. Roy.,«La régulation contractuelle du mariage. Approche socio-juridique pour une réforme », thèse de doctorat en droit, Université de Laval, [non-publiée], [ci-après«Thèse »] à la p. 478.

80Ibid.

81 D. A. Schon,Le praticien réflexif: à la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel, traduit par J. Heynemand et D. Gagnon, Montréal, Éditions Logiques, 1994, à la p. 319, cité dans Roy,

«Thèse»,supra note 79àla p. 496.

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rapports pécuniaires par exemple. Un notaire qui a une approche pluraliste va dépasser le registre légal pour prendre en compte la situation particulière des partenaires, leurs valeurs et leur vécu propres, afin de leur « créer» un 'habit' sur mesure.

Au-delà de l'instrumentation à proprement parler, le notaire devra aider les conjoints à identifier les attentes mutuelles qu'ils entretiennent l'un par rapport à l'autre, de manière à pouvoir ensuite les traduire sous forme d'engagements réciproques.

[... ] Contrairement au contrat de mariage classique, ce ne sont pas des questions purement légales qui sont envisagées, mais l'ensemble des aspects normatifs de la relation. Or, on ne peut guère comparer le contexte qui sous-tend l'établissement d'un régime matrimonial à celui que suppose l'élaboration d'une véritable charte de vie commune83.

Ce faisant, un subtil glissement s'opère de la fonction de serviteur de la loià celle de «créateur du Droit »84, à rapprocher de celle d'architecte de l'ordre social qu'un auteur québécois semble attribuer au notaire :

Le fait de dire que le notaire en tant qu'architecte de l'ordre social privé, peut, en même temps, être la personne qui effectivement constitue les institutions et les processus de cet ordre social présuppose qu'il a une imagination bien au-delà de la simple faculté de localiser et de remplir un contrat en forme type. Cela signifie que le notaire est un expert dans la constructions d'institutions, dans l'adaptation d'outils juridiques qui permettent aux citoyens de réaliser leurs buts8.

En somme, si telle est la destinée du notaire (et nous le souhaitons vivement), il nous semble qu'elle appelle, sans nul doute, au maintien de sa présence physique dans l'exercice de ses fonctions. En effet, l'épanouissement de son rôle de conseiller dit réflexif s'appuie sur un lien de confiance personnalisé, qui s'accommoderait mal de rapports déshumanisés par le truchement d'appareillages, aussi sophistiqués soient-ils.

Par ailleurs, quelque soit l'intensité et l'étendue du devoir de conseil, il est appréhendé comme un « devoirpermanent ». C'est une des raisons essentielles qui justifie l'intervention réelle du notaire « [... ]depuis l'instant où il est requis de prêter

83 Roy, « Thèse» aux pp. 493-494.

84 A.-J. Arnaud, «Droit et société: du constat à la construction d'un champ commun », (1992) 20-21 Droit et Société 17, à la p. 36, cité dans Roy,«Thèse »,ibid,à la p. 480.

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son ministère jusqu'au moment où il établit l'acte approprié [.. .] »86. Certes, certains pourraient arguer qu'en pratique, l'activité de conseil se déploierait plus dans la phase préparatoire, au niveau du negotium. En réalité, ses conseils sont précieux et justifient sa présence jusqu'à la dernière étape, c'est-à-dire lors de la signature, car il est garant de la sincérité du consentement des parties qui doivent pouvoir jusqu'à la dernière minute demander toutes précisions sur les engagements projetés, voire les faire modifier pour répondre àleurs besoins. Enfin, ce devoir est doté de la plus large généralité8?, car le notaire doit prodiguer ses conseils à toutes les parties sans

distinction, en vertu de son devoir d'impartialité, qui est une garantie supplémentaire de l'intervention notariale.

2 - Devoir d'impartialité

a) Éviter les conflits d'intérêt

Le devoir de conseil et le devoir d'impartialité sont intimement liés et «ne peuvent être dissociés [... ]»88. C'est pourquoi notamment, le notaire doit en principe

son conseil à toutes les. parties, qu'elles soient des clients habituels ou occasionnels89.

C'est la dimension positive de son devoir d'impartialité, l'aspect passif résultant des différentes règles qui lui interdisent de recevoir des actes qui sont susceptibles de l'impliquer personnellement ou par personne interposée.

D'un côté, le droit français, particulièrement strict, interdit la réception. des actes dans lesquels :

[... ] parents ou alliés, en ligne directe, àtous les degrés, et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement, sont~arties, ou qui

contiennent quelque disposition en leur faveur [nos italiques]9 .

86Aubert, supra note 42 à la p. 135.

87Ibid.

88J. Martineau,«L'impartialité du rédacteur d'acte», (1982-83) 85 R. du N. 184àla p.l96.

89Ilen est tenu de lamême façon lorsque l'acte est reçu en présence d'un notaire en second, ce dernier ayant les mêmes devoirs et responsabilités en ce qui concerne le contrôle de l'acte que le notaire instrumentant (voirRèglement national du notariat; voir également Yaigre et Pillebout, supra note 15, au nOl02).

90 Art. 2Décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, relatif aux actes établis par les notaires, modifié par Décret n° 93-78 du 13 janvier 1993art. 40, J.O. 21 janvier et Décret n" 93-82 du 15 janvier 1993 art. 2, J.O. 22 janvier (sous art. 1317 C. civ.).

(26)

Dans un premier temps, le notaire ne doit pas dresser un acte renfermant des dispositions en sa faveur ou présentant pour lui-même un intérêt personnel ou tout acte entraînant une modification ou une amélioration de sa propre sitUation juridique vis-à-vis de l'une des parties91.

n

ne peut recevoir d'acte ·d'une société dont il est

membre. Ces interdictions se trouvent renforcées par les dispositions de l'article 13 du Décret du 19 décembre 1945 modifié par le Décret du 20juillet 1964: «

n

est interdit aux notaires [... ] de s'intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère»92.

Dans un second temps, cette prohibition s'étend. aux parents et alliés de chaque notaire associé, ainsi qu'à chacun des associés vis-à-vis des autres, lorsqu'il y a exercice en commun de la profession, soit dans le cadre d'une société de notaires, soit dans celui d'une société titulaire d'un office93• Et ce, alors même que l'intérêt du

parent ou allié n'apparaîtrait que de façon indirecte, comme c'est le cas lorsque la partie à l'acte est en réalité une personne morale où le parent a des intérêts, à condition que ces intérêts soient d'une particulière importance. Mais la prohibition joue à plein lorsque le parent intervient à l'acte en tant que représentant de la société94,

quelque soit l'importance de ses intérêts. Cette interdiction concerne seulement la réception de l'acte et non la négociation voire l'établissement d'un modèle de l'acte.

D'un autre côté, le législateur québécois95 affirme l'exigence de ce devoir d'impartialité qui suppose l'absence d'intérêt direct ou indirectdu notaire dans les actes qu'il reçoit. Aux termes de l'article 41 de la Loi sur le notariat, le notaire québécois ne peut recevoir l'acte dans lequel lui ou son conjoint marië6 est ou représente l'une des parties, directement ou indirectement par personne interposée97.

Une interprétation extensive de cet article interdit au notaire de recevoir un acte dans lequel lui ou son conjoint a un intérêt quelconque, actuel ou futur, pourvu qu'il soit certain, personnel, concomitantàl'acte et éventuellement réalisable98. De même, il ne

91 Art. 5 du Règlement national du Notariat: «Le notaire doit à sa clientèle sa conscience ses égards,

l'équité, la probité et l'information la plus complète. L'intérêt du client prime toujours le sien. Il doit choisir les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat légal désiré ».

92Yaigre et Pillebout,supra note 15àla p. 71. 93Aubert,supra note 42 à la p. 80.

94Casso civ. 1re,2 février 1954, Bull. civ. I, n° 37, 0.1995.196 (note Hannoun).

95Article Il de laLoi sur le notariat et article 3.01.05 du Code de déontologie.

96 J. Martineau, «Notes sur des problèmes de droit notarial» (1985-86) 88 R. du N. 194.

97 Kleinlaut c. Lamarre, [1988] R.DJ. 206 (C.A.)

(27)

pourrait pas recevoir l'acte dans lequel la compagnie dont il est actionnaire majoritaire est partie, sauf lorsqu'il détient la majorité des actions non pas en sa qualité personnelle mais en tant que fiduciaire pour d'autres personnes, car alors il n'aurait pas d'intérêt personnel dans la compagnie99. Sous réserv€ de l'article 723 C.c.Q.

relatif au testament notarié, le droit québécois, contrairement au droit français, a explicitement autorisé l'authentification d'un testament d'un parent ou allié du notaire.

b) Une spécificité québécoise

L'adoption de la nouvelle Loi du notariat a amorcé une nouvelle évolution qui éloigne un peu plus la situation du notaire québécois de son homologue français. En effet, l'article Il distingue explicitement la fonction d'authentification effectuée en tant qu'officier public et la fonction de conseiller, avec pour conséquence que le devoir d'impartialité cesse lorsque le notaire agit en sa seule qualité de conseiller juridique. Un auteur québécois a pu dire qu' «à l'avenir, lorsqu'une ou plusieurs personnes consulteront leur notaire en cette seule qualité, rien ne pourra plus le distinguer de l'avocat [... ] »100.

Une telle approche départ de la position française. En effet, en droit français, l'affirmation du caractère autonome du devoir de conseil a pour conséquence de le faire jouerà plein et de même que le devoir d'impartialité dont il est indissociable: «Dès lors que le notaire intervienne

à

quelque titre que ce soit, il se trouve tenu d'un devoir de conseil»101.

De plus, une telle redéfinition de la mission notariale est en complète contradiction avec la définition traditionnelle exposée ci-dessus et la vision classique de la Chambre des notaires du Québec qui considérait que « [l]e devoir d'impartialité constitue avec l'authenticité deux distinctions fondamentales entre la profession de

99 Deschênes c. Dufresne, [1995] D.D.a.p. 122 (C.D.) où le comité de discipline décrit le devoir

d'impartialité comme la pierre angulaire de la profession et ajoute: «Les fonctions de conseiller et de représenter toutes les parties, qui distinguent la profession de notaire, rend essentielle la tradition qui veut que les notaires se comportent dans les situations de conflit d'intérêts avec impartialité et sans reproche».

100A.Roy, « La nouvelleLoi sur le notariat: un virage décisif vers l'avenir », [2001] C. P. du N. à la p.

63 [ci-apresLa nouvelle loi sur le notariat].

101R. Savatier,Traité de/a responsabilité civile en droitfrançais,1.2, 2eéd., Paris,L.G.D.J.,1957,àla p.420 au n° 814. Voir aussi Aubert supra note 42 a la p. 32.

(28)

notaire et celle d'avocat»\02. Certains affinnent même que le devoir d'impartialité est

si important qu'il justifie, àlui seul, l'existence d'une profession distincte: «[o]utre cette approche impartiale qui est particulière aux notaires, même s'il n'y avait qu'elle, ilfaudrait instituer le notariat [., ,] »103.

Toutefois, on pourrait justifier semblable approche àla lumière des opinions novatrices exposées relativement au devoir de conseil. Le notaire ne doit plus se concevoir seulement comme un officier public soucieux de faire respecter la loi mais avant tout comme un conseiller attentif aux besoins de régulation contractuelle de ses clients,

Si cette dimension active de la fonction notariale justifie la présence physique du notaire tout au long du processus lorsque ce dernier remplit sa mission légale d'authenticité, sa présence est indispensable lors de la réception de l'acte authentique, non seulement parce qu'elle garantit la véracité de certaines constatations et la sincérité des consentements, mais aussi parce que psychologiquement, «la seule présence du notaire, perçu comme un authentificateur de documents importants qu'on associe généralement au domaine de la contrainte, contribuera à renforcer le sentiment d'engagement [... ] »\04,

B - OFFICIER PUBLIC AUTHENTIFICATEUR

La mission première du notaire est d'instrumenter les actes auxquels les parties doivent ou veulent faire conférer l'authenticité. En effet, certains privilèges sont attachés aux actes authentiques pour en faire la preuve par excellence (1), du fait de l'intervention du notaire, ce témoin privilégié (2),

1- L'acte authentique, preuve par excellence

102Chambre des notaires du Québec,Action 80 - Rapport de la Commission d'etude et d'action sur l'avenir du notariat, Montréal, Chambre des notaires du Québec, C.E.A.A.N., 1980, à la p. 166, cité dans Crépeau et Charpentier,supranote 19.

103G. Demers, discours dactylographié, 28 avril 1990, [non publié], cite dans Crépeau et Charpentier, supranote 19àla p. 525.

(29)

La mission principale du notaire est de conférer l'authenticité aux actes qu'il reçoit. C'est pour cela que l'État lui délègue, en sa qualité d'officier public (a), une partie de la puissance publique et attache aux actes notariés les privilèges (b) d'une force probante jusqu'à inscription de faux ainsi que la force' exécutoire (du moins en droit français).

a) Crédibilité accordée au témoignage de l'officier public

Le droit français et le droit québécois ont sensiblement la même définition du notaire :

Article 1 de l'Ordonnance du 2 ilovembre 1945

Les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir les actes et contrats auxquels les parties doivent et veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique et pour en faire assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions.

Article 10 alinéa 2 de la Loi sur le notariat

En sa qualité d'officier public, le notaire a pour mission de recevoir les actes auxquels les parties doivent et veulent faire donner le caractère d'authenticité qui s'attache aux actes de l'autorité publique, d'en assurer la date et, s'il s'agit d'actes reçus en minute, d'en conserver le dépôt dans un greffe et d'en donner communication en délivrant des copies ou extraits de ces actes.

Monopole

En premIer. l'leu, un auteur1 0 5 ·a Justement re eve quel ' 1"artlc e1 1er de

l'ordonnance de 1945 ne dit pas que les notaires sont des officiers publics mais les officiers publics; «l'utilisation de l'article défini est le signe tangible du monopole106 reconnu par la loi aux notaires pour conférer force au:thentique aux conventions

104Roy, supra note 79àla p. 470.

105 P.-É. Normand,« La loi, le contrat et l'acte authentique»,lC.P. N 1990.1. 359 au n° 1.

106 Le monopole n'est pas absolu. Aux termes de l'art. L.76 du Code du Domaine de l'État, «les préfets reçoivent les actes intéressant le domaine privé immobilier de l'État, confèrent à ces actes l'authenticité et en assurent la conservation». Quant à l'art. 98.III (L. n.82-213, 2 mars 1982), il dispose que«[I]es maires, les présidents des conseils généraux et les présidents des conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattaché à une collectivité locale ou regroupant ces collectivités et les présidents des syndicats mixtes sont habilités à recevoir et à authentifier, en vue de leur publication au bureau des hypothèques. les actesconcemant des droits réels immobiliers ainsi que les baux, passés en la forme administrative par ces collectivités et établissements publics ».

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