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Réflexions au sujet de la ville vue par en dessous

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Academic year: 2021

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(1)

Colette Pétonnet

Directrice de recherche honoraire au CNRS Centre national de la recherche scientifique Laboratoire d’anthropologie urbaine (UPR34) 27 rue Paul Bert

94204 – IVRY-SUR-SEINE (France) Rétropublication en Archives ouvertes

http://elianedaphy.org/rubrique.php3?id_rubrique=18

Référence de publication

1970, « Réflexions au sujet de la ville vue par en dessous », L’Année sociologique, Troisième

série, Volume 21 : 151-185. [ISSN 0066-2399]

halshs-00201482 - http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00201482/fr/

oai:halshs.archives-ouvertes.fr:halshs-00201482_v1 Mise en ligne 31 décembre 2007

Mise en ligne de la numérisation de la maquette format propriétaire éditeur, avec les

autorisations de Bernard Valade, président du comité de l’Année sociologique, et des Presses

Universitaires de France. Remerciements à Annie Devinant, secrétariat de Rédaction de la

revue, pour sa collaboration.

L’Année Sociologique http://www.puf.com/Serial.aspx?serial_id=000230

Archives ouvertes de l’ethnologie

http://halshs.archives-ouvertes.fr/AO-ETHNO

(2)

B I B L I O T H ~ Q U E D E P H I L O S O P H I E C O N T E M P O R A I N E

SOCIOLOGIQUE

F O N D A T E U R

E M I L E

D U R K H E I M

Pr6sident d'honneur : G E 0 RG ES D A V Y Prbsldent du Cornit6 : JEAN CARBONNIER Secr6taire g6n6ral : ROGER B A S T I D E

TROIsIéM SERIE

-

VOLUME 21 11970

MEMOIRES ORIGINAUX

J. FREUND

-

Thborie du besoin.

R. BASTIDE

-

Mbmoire collective et socio- logie du bricolage.

ETUDES

J.

LEAUTE,

G. TUBACH et G. BASSOM- P I ~ R E

-

Gravit6 comparbe des principales infractions.

C. PETONNET

-

La ville vue par en dessous. ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES

NOTES CRITIQUES

E X T R A I T

(3)

REFLEXIONS AU SUJET DE LA VILLE

VUE PAR

EN DESSOUS

Les villes gonflent e t se boursouflent, gagnent d u terrain comme une m a r & e noire. Elles finiron1 p a r se rejoindre ; l'oppo- siLion ville-campagne se posera en Lcrmes diarn&Lraleirienfc cliff6- rcnis. Le paysage v a s'inverser. La ville change.

Le pliénornbn urbain est

A

l'ordre du jour ; le j o ~ ~ r n a l i s l c s'en empare, l'urbaniste croit, le dominer, l ' E l a 1 v e u l le planifier, le sociologue essaie de le cerner. Il invente des moLs (sociét post,-i~iduslriclle, soci&tà urbaine, conurbation, l'urbain) pour tenter d'absorber, {I l'int&rieur d ' u n concept,, la ville 6claLée

Les citadins inquiets ne maîtrisen plus l'cspacc. L,'angoisse naît de l'inconnu : o<l el, quand la ville siarrCLera-1,-elle de dhferler s u r les champs e l les bois ?

L'espace urbain il'auLrcfois &Lail clos, ou d u moins défini clos d e rivikres, de murailles, de portes, défin p a r une ceinture de boulevards, puis réellemeri ceinlurà de banlieues qui lui révtilaien sa surface propre. Dksorrnais les barrière o n t saulé libbranl hors front,i(:res cl'iuexorables avancbes b5ties qui sup- priment, l'espace sans le clore. Mais ce fait ne saurait expliquer ce qu'il est convenu d'appeler r&volut,ion urbaine puisque depuis toujours, moins qu'un destin &conornique ou historique n e l'cïîac la ville r o m p t régulikremen ses digues. La "range extra- muros de 1'6poquc préc&denL devient inlra-inuros a u sikcle suivant. A chaque &poque son rempart. Seulement cette crois- sance ne survenait, que lenl,emenL, tandis que, depuis ces dernihres décennies o n assiste

A

une accélbratio telle du r y t h m e de changement que les hommes q u i le vivent ne peuvent l'assimiler. De plus, il s'agi1 d ' u n r y t h m e dysharmoniquc. Le c a u r de l a vieille ville bvolue lcnLenienL. Des opération urbanistiques de grande envergure s o n t projet&es, rejefcées t a r d e n t h s'accomplir. D a n s le mbme Lumps les bords plus lilches d u tissu urbain proli- l'hrenL si vite q u e le promeneur ell'arà n e retrouve plus rien des sites laissé intacts trois mois plus M t . En dix ans, courte pbriode

(4)

historique, la banlieue dans sou ensemble s'csL considbrable~iienl, Lransformbe, mais il trouve le temps bien long oclui qui, depuis dix ans, a t t e n d en vain lloci,roi d ' u n logeincnt.

Le bouleversemeni de l'espace-temps est bien u n fait nouveau, mais non spbcifique h la ville. L'accroissesrienl, réceril inachevk, donne une impression d'infini, mais il est en conLinuil6 avec l'ancien. Ce ne s o n t donc pas les seules raisons qui ont, fail adopter ce m o l de ville 6clatbe, jailli sponlanbrnenl, e t recouvraiil une rkalitk complexe inconsciemment perçue

Oti donc s'opbre le changement ? Au niveau d u processus des mouvements de population, dans la composition de la population, dans la physionomie des nouvelles ktendues conslruitcs

.

" ?

Depuis plus d ' u n sikcle la ville industrielle obéi au m6mc mouvement, rkgulier comme une respiration. Elle gagne par ondes successives e t recouvre ses confins oh des populat,ions pauvres avaient aSflu6. Des bourgeois aisbs q u i t t e n t le c,enl,re ktouffant pour peupler ces quartiers neufs, c l leur vague repousse

A

la pbriphéri celle, indbsirable, des premiers occupanLs, cepen- d a n t que s'infiltre, dans la place dblaissbe, une no~ivelle couche pauvre. Les vieilles maisons non. entretenues se à Laudifier~t È

Mais q u e des t r a v a u x d'aiiibnagemenis c l des démolilion sur- viennent, e t les bourgeois reconqui&rent les quartiers d u centre. A Paris en 1842, 10 r a p p o r t de la commission des Halles ( 1 )

noLe que dans l'îl Sailil-Louis à si bien 11abiLbc autrefois à les

logements son1

A

plus bas prix (me parloul, ailleurs. Aussi la

à mauvaise populat,ion à chassé par les dkrnolitions de la Cite

e t des environs d e l'H6Lel de Ville vienl-elle y remplacer une population moins malheureuse qui quille ce quarlier. De la r n h e nlani&re u n nouvel alllux d e cel,te à mauvaise population Ã

renforce les cll'cctifs malheureux et, darlgercux q u i IianLenL les abords de la place MauberL Kllc conLribue, d ' a u t r e pari,, au dkveloppernenl de certaines communes suburbaines comme 13clleville.

En 1970, l'îl Sainl-Louis a retrouvà son presligc, les nouveaux antiquaires de la rue de Bibvres coinmenccnL seulement chasser la médin qui a v a i t blu domicile dans le quartier Maubert, e t l'espace des halles sera sans doute r(?sidentiel dans quelques annbes. Charenton, commune suburbaine proche, sera incessam- m e n t absorbbe comme autrefois 13cllcville c l n o n o b s t a n t les nouveaux rkglements adininisiralifs. Elle s'ktail, gonflbe des anciens dklogés elle sera i son Lour bvacué vers l'exlérieu e t , reconstruite, verra sa population se renouveler.

( 1 ) CiL6 par Louis C . H K V A I . I K R , dtins (classes laborieuses el classes d(lllp?- relises à P a r i s pendant lu premièr moilie (lu ,\IXe siècle l'Ion, 1958, p. 228.

(5)

1,A VILIJE V U E PAR

EN

D E S S O U S 153 La sit,uat,ion est donc la inCine qu'autrefois, le r y t h m e accélé cl'accroissemenL démographiqu btant,, toutes proportions gar- dées déj dénonc comme source de bien des m a u x au X I X ~ sikcle.

L'essor dkrnographique & t a i t alors donné en plus des nais- sances, q u e la (( vaccine à commençai

A

proLbgcr, par une imini-

graiion fort imporl,ante. Paris a v a i t déj ses K nbgres È qu'ils

fussent savoyards, arabes ou chinois.

à Toutes les provinces, bcrit L a Bedollibre

( l ) ,

nous envoient

des ouvriers en hAtiinen1,

...

Cependant o n remarque q u e les manmuvres sont, fournis par l'Allemagne dans une proportion. considérable c i parfois leur importation est tclleinenb r6cente q u e le moins ignorani doil, servir sur le chantier d'inLcrprbtc

:i ses carnaradcs. Ã

LA

encore, diffhrence de degr0 e t non de n a t u r e ; la prksence d'(!Li~angers, qui semble pr6occuper l'opinion publique ces ,ernps-ci, n'es1 pas une nouveauL(:.

La physionomie de la ville (:si,-elle bouleversé ? GcrLes les pleins augmcn.LenL, les mailles se resserreni,, les creux se raréfienl des tours surgissent, une architecture quadrangulaire impose des immeubles giganl,esques, sans l'açade ni dos, sur chaque espace de large dimension. Mais la ville conserve, et, m6mo consLruit, de peLiLs immeubles, des maisons individuelles e t des masures au ras d u sol. Son aspect n'esL change q u e de place en place e t non dans su LoLalité

Lorsque plusieurs modes d'habita.!, se c6toienL1 n ' y a-1,-il pas kvolution p l u t t ~ t que r<:volutiori ? O11 n e p e u t donc pas imputer a u x seuls grands ensembles cl, cité la responsabilità d u eliangemcnL que l'on chercl~e h &finir. Mais une ville n'csfc-clle pas toujours u n cnsemble ? Pourquoi appliquer ce m o l h ce qui n'csl, e n somme q u ' u n q u a r t i r r neuf ? Le vieux vocable définis saiL u n ensemble de gens, une aLinosphkre, une harmonie. Le choix (lu nouveau, la r à © s u r p c n ide l'ancicn (cith) indiquent peuL-6Lre une volontà de rei,cnir ce qui n'est plus. Les mots naissent, avec les si1,uaLiolis nouvelles e t ineureni avec les sii-.ua- Lions d6funLcs. G'esL donc a u langage, e t non au dénombrement des hommes et, des choses (qui ne mesure qu'une impuissance 5

connaîbr lliriLimité) que l'on demandera, dans u n premier temps, le Lémoigunp de fail,s sociaux nouveaux c l plus subLils. Les pierres ne sonL plus lisibles. C'esi dans sa chair que la ville a kclatk.

Il serail, passionnant de faire une (?lude exhausLive de l'évo lution d u langage il propos des liabitatioris, des siLes eL des lieux urbains. L'analyse est difficile car plusieurs phénom&ne s'iin-

(6)

briquent,, n o t a m m e n t : la conscience de l'évolut,io des faits sociaux e t ce que la mémoir collective conserve des faits sociaux q u ' u n m o i résume

Ainsi on n'entend plus le m o t demeure, qui, d e simple doini- cile ( X V I ~ siikle), à © t a i passe ii l'évocatio d ' u n e riche e t liarmo-

nieuse habitation. 11 contenait Louejours son sens plus ancien

X I I ~ sikcle) de la duré peu

A

peu v6cue comme définitive D'o<i

sa disparition. On ne demeure plus, ou rkside, ce qui 6quivaut

A

sbjourner moins longtemps ; le mot, ob<:it, A l'idé de dépar possible, contraire LI celle de ~lcmeurer-rcster. P a r analogie,

résidenc Lend

A

s ~ b s l ~ i t u c r demeure dans le sens d'habiLaLion pour gens aisés

La prise de conscience collective, pas tou,jours immédiate de l'évolutio des faits sociaux, peut se traduire p a r l'inverit,ion d ' u n nouveau vocable, l'abandon d ' u n m o t usuel, le choix d'un vieux m o t au service d ' u n nouvel usage ou l'évolutio d ' u n m o t qui se charge peu h peu d ' u n sens dif'férk

De m h e la memoire collec1,ive s'exerce de ilil'fi'ren1,es manière oà se discernent, mal le rhle des à pierres de la ciLà Ã

e t celui des hommes. TariL6L elle est fidhle

A

un nom de rue bien aprè que la plaque en désign un autre. TanLOt elle conserve un nom que nié1,ai plus aucun souvenir (rue (le la Cossoncrie). Elle p e u t oublier les images de la vie qui sJaLLaehaient un site (1;;s que celui-ci a disparu, ou garder des habitudes sans que l'on en sache la raison. Le conLcnu social d ' u n uiot peut rester dans la mémoir cl, resurgir comme signifiaul, d ' u n nou- veau mot pour peu q u e la nouvelle situation ressemble h l'ancioririe sans q u e l'aspect; des lieux soit semblable.

Le problèm d u déterininism urbain n'est pas bien éclairci Vaut-il seulement; pour les vieilles villes ? S u r des lieux nouvcl- leinenl, construits, of1 ne phsc nulle tradition, une rhput,ation n a à ® dé,jA exprimé p a r u n rnoL ou un nom. Deviendra-L-elle Lradi- Lion ? L,a porLe et la rue Saint-Derlis sont synonymes de prosLi- LuLion, laquelle est for0 ancienne. On l'at,Lribuait généraleme

i

l'actività nocturnc des halles. Le marc116 descrte, les à filles ))

sont restées L e phhnomèn repose sur la réputatio d u quart,ier, inchange, u n e fois disparues les circonstances qui l'avaient peut,-6Lre créÃ

Le langage kvolue donc en étroit association avec les méca nisrnes de mémoir e t d e conscience collectives, mais sans loi stricte, sans q u e ,

A

chaque cause, corresponde le rn2111e cft'el.

La Ville d u sikcle dernier, d o n t la signification ne pouvait échappe A quiconque, cliancclle dans son n o m propre qui n e l'englobe plus e t s'éloign de nous avec ses b e a u x quartiers, ses bas-fonds e l ses barrikres, ses masures e t ses repaires, ses café

(7)

LA V I T A M V U E PA1-t

EN

D E S S O U S 155

e t ses théstres mots démodà dh,j$~ d o n t le sens ira s'obscurcissant ou se r6veillant selon les circonstances.

T o u t proches encore, zones, faubourgs, taudis, pâlissent de moins e n moins usité depuis vingt ans. E t , dans l'instant, d e v a n t nous, t,oujours familiers, encore présents employks de l a vieille ville, sans q u ' o n s'en aperqoive, les rues e t les ruelles, les passages, les cours, les façade tombent en désuétud C'est

A peine si l'on parle encore de maisons

i

Paris, depuis qu'elles o n t ét vendues par appai~tenients.

Il n e s'agit pas ici de faire preuve de nost,algie ou de roman- lisme quani, a u x mois en voie de disparition, mais de saisir leur rbelle porté un m o m e n t donnà de l'évolutio urbaine. On n e s'allardera pas sur le r6le de la rue, dont, les sociologues o n t beaucoup parlé C L de la significalion d e son remplacenienL p a r allées clans certains grands ensembles, ni de l'intimità particulibre que créaien les passages eL les cours a u sein d ' u n quartier, mais on essaiera d'analyser cc q u e porte en lui l'effa- cement progressif de fa(;ade d o n t on n ' a pas encore pris Lotta- lement conscience. TJ'habiLaL traditionnel a v a i t u n d e v a n t e l u n derribre (1). Le derrikre n'&l,aiL pas toujours montrable, p a r contrc 011 soignaiL le d e v a n t c o m n c u n visage. Un cerLain

anLhropoir~orpllisrne assistait la description d'une maison ; la faqade ktait gaie, avenante, borgne ou lépreuse comme une femme. Elle laissait deviner ses habiLanLs. IIugo, Balzac, Zola ne se tronipaient pas dans leurs dkambulaLions de chercheurs d'histoire humaine. Les rues e t les faqades r'vélaien leur vie intime :i une époqu pourtanL de rénovatio C L de saturaLion, of1 les pauvres pimpaienl, d a n s les mansardes e t cloisonnaient les grrniers. Les maisons prksc~ntai(~nL ainsi de bas en liaut plusieurs couches d'bchantillons humains. A Paris de nos jours, l'es1 iinaLion d u simple regard se r(5vélerai plus grossibre, cepen- danL les balcons de bois a u x facades branlantes d u 11e arrondis- sement disent le niveau économiqu des local aires. La banlieue, par contre, offre désormai des visages irnpénktrables Les f a ~ a d c s , pour a u t a n t q u ' o n puisse encore utiliser ce terme pour un grand bloc a u x mille yeux, semblable recto verso, ou pour u n bidonville serrk derri&re une palissade, les f a ~ a d e s ne sont plus lisibles. L'homme les interprbte p a r r a p p o r t i d'anciennes habitudes visuelles, il ce qu'il croit et,re, e t , il n ' y a pas lieu de lui en t,enir rigueur, il lit faux. L'aspect des choses leurre celui q u i les contciriple. 11 ne p e u t plus se repére A des styles, il n'y a plus q u e des types : F3, 174, 175. Les habilants de Parly I I se

(1) E n vieux poit,evin : les dures, pour le derrièr de la maison qui contenait jardin e 1 dkpendances.

(8)

divisent entre ceux du t y p e l , e t ceux d u type I I , e t , en liaut de la hi&rarchie, ceux d u type 1 H . Mais rien ne diff6rencie de l'extérieu les balcons du type

In.

Hien plus, une plioLo de Parly I I , d o n t les promoteurs o u i voulu faire u n n6o-quartier riche, peul, êtr confondue avec n'importe quelle pholo d'im- meuble de banlieue récent e t , dans le paysage d ' u n grand

ensemble, il arrive q u e les sociét6 irnmobilikres se partagent, e t mêlen les t y p e s sans qu'on le remarque.

Quand o n demande h quelqu'un oà il habite, c'est pour pou- voir le situer dans l'espace. S a rue ou son arrondisscnicni y sulfi&ent grosso modo. Or il arrive que l'on resoive en rkponse :

K u n 173 clans u n I,o@co È L'individu donne son Lypc d'habilat.

11 n'est plus repérabl mais classable. D'ailleurs

A

quoi servirait-il qu'il rkcite : 2, allé Alsace, BALiment F, p o r k 2071, Citk des Jonquilles k X. L'adresse n'évocp rien. Le nom d e la commune de banlieue garde encore t,out, son sens mais d'ici t r e n t e a n s il n'aura peul,-ktre pas beaucoup plus d'iniporLance q u e celui des vieux lieux-dits qu'on tire de l'oubli pour nommer de nou- veaux ensembles. Les types n ' o n t pas de nom, sauf, a u x deux bouts de l'kclielle, le U.L.M. el, le à standing È Gomme on ne p e u t

pas, pour des raisons économiques 6lever le standing Lrks au-dessus des normes moyennes, el, que les normes minimales (1)

o n t 6tà relevkes, n o n seulement les types interrni;diaires ne s o n t pas assez diff6rencié pour m6riler u n iioin, mais encore cerl,ains

U.L.M. anciens s o n t moins confortables que des cites de transit réceritcs On se repkre donc difIicilcrneii1, dans la hiérarchi floue dos types. E n outre, les fauLaisics ou enjoliveincnts de fasades que peuvent se perlncLLre les arclulcctcb ne sonl, pas forc611icnt lié a n type. Les immeubles nciil's (le la rue de SaiiLeuil par

exemple prksentent exacLemenL les 1r16m~s balcons q u ' u n e vieille cil,à de transit de la banlieue s u d . On peut donc comparer u n groupe de pclits immeubles coquets sous les arbres, une grande fasade glabre, e t u n e peLiLe cith IuLur~stc san'i savoir qui ressort du 1l.L.M. ou d u standing, e t donc sans savoir qui 11abiLe o à ¹ F a i t nouveau : on ignore sa ville, on ne peut plus la lire, o n ne sait pas de quelle population elle se compose ; d a n s l'exe~riple ci-dessus, pris dans la rkalité le futur a p p a r l i e n t au transit, la muraille a u x cadres, c l la coqucLLcric a u x ouvriers. à Tiens !

c'csl, donc s a , d i t le promeneur étonnà une cità de transit, l'iinnieuble a l'air bien ! à Cons~queiice grave de cet éLa de

choses, l'opinion publique essaie de retrouver une lecture globale en se fiant $1 des souvenirs vieux d ' u n sikcle mais perpétuà p a r

(1) Strictciiicnl ~:ilculbcs par I ' E t a t i1:iris l e à Citlnur (11'5 normes mini-

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la vieille ville, e t i des idbes fausses. Dans l'incapacità oà elle ~ s t de s'encombrer de nuances, plle scinde l'habitat en deux :

il y a l'habitat normalisk oà {,out est donc normal, e t l'autre, le précaire donc l'anormal. L a notion de normalitJ6, d'abord attach6e i l'apparcnce (le l'habitai,, s'applique presque aussit6t a u x habitants. Le jugement c5t aussi IiiîLi e t faux que dangereux, car il induit, Lou1 le inonde e n erreur, y compris le sociologue de bonne foi q u i se précipit sur le bidonville avec, a u fond de lui, l'idé inconsciente d'y rencontrer e t d ' y étudie l'anorrnalité C'est aussi une solution de facilité le bidonville se détachan bien s u r le paysage alors qu'il faul, u n coup d ' d singulièreme~i avcrLi pour dkchiffrc~ les banlieues

A

des signes infimes que seul le professionnel ou 1'habiLuà d ' u n quartier sait déceler

Une ville contienl, toujours des sites plus ou moins à mal

Sam& È misbreux, voire criminels ; dans les vieilles villes, o n

p e u l les sil,ucr, donc les évite ; on a moms peur de ce q u ' o n connaît A l'lieuri; actuelle, o n n e connaî guèr ce d o n t t o u t le monde parle : les H.L.M. cl, les bidonvilles, e t les inots peu h peu se cliargenl, de contenus plus denses que lors de leur naissance, sans q u e jamais la preuve d u bien-Iond6 en soit faite.

1l.L.M. est devenu u n m o t inasculin. Personne, en prononsant ces trois lettres, n'a présent, A l'esprit la signification cxacle du siglc. Le II est Loriib6 dans l'expression populaire. Un a c h b l ~ m c , tell qu'on devrait. l'écrir dbsorrnais, signifie de nouveaux quar- Liers relativemenL pauvres, mais dbcents ( l ) , normaux. Iiidoriville a aussi perdu son scns prelriu'r q u i s'arlapLail pourtanl, exacl eiricnl,

A

la réalit : ville ou quarLicr de ville coristruil en fonds de bidons, en LAle. Le sens évolu de trois façon : d'une p a r t , physiqueii~eriL, en englobant Loutc édificatio prbcaire de bois ou de parpaing, y compris les vieilles cité d'urgence érigé par l'KLaL (c'esL-~~-diro t o u t liabital non normalisé) d ' a u t r e p a r t , moralement, en recevant le poids de jugements de valeur, enfin en servanl, de relais d'autres m o t s qui s'éteignent comme taudis ou faubourg. ],'opinion a la mcme rbpugnance q u ' a u X I X ~ siècl

il considbrer les bidonvilles, comme alors les faubourgs, faire partie iiil6granLe de la ville. Qu'évoqu le bidonville .i l'époqu du confort normalisà ? L a boue, le froid, le noir, la crasse, la proiniscuilk, les rats, la mis+re, en bref, l'horreur. Au X I X ~ si&cle

l'horreur c'élait masure ou bouge, le taudis. Les taudis e t les garnis existent toujours mais on les voit moins. Les garnis disparaissent : brusqueincnt, avec t o u t u n p a n de quartier

(14e arr.) ou subrepticement pour l'agrandissemenl, d ' u n e maison de commerce ( 2 e a r r . ) . Les taudis s'effondrent sous la

(10)

poussé des démolisseur ou renaissenl,

A

la vie bourgeoise, redoré p a r les promoteurs ( l e r , 3e, 4e PL 5e arr.). Mais la mén~oir collective reporte sur le bidonville l'image qu'elle gardait d'eux. Elle n'a pas oubliàs a peur de la misèr e t cles comportements que parfois celle-ci engendre, et elle la reporle, avec ses souve- nirs de zones e t de quartiers mal bclairés s u r ces nouvelles ceintures boueuses. De lh à taxer les bidonvilles fie criminalità il n'y a q u ' u n pas. L'évoluLio du sens d ' u n m o t enregistre-1,-elle cles niétairior~lioscs ou bien cléclenclic-L-ell des nï6 a n i o r ~ l i o s e s ?

Il fauL tenirA compte aujourd'hui d u fait nouveau cl& repré sente la diffusion d e masse. Les journaux, la t6lévision en s'emparant t r o p souvenl, du plii~noinfiue bidonville pour le dénonce comme une plaie paysagique (on les déLruiL ils renais- sent, cela devieut une plaie) ne Liennenl, mil compte des Gtres qui y vivent, e l qui sont corisLammcnL informé d e ce ([ut: leur présenc esl ressentie comme une plaie ; d':~uLre p a r t , les m a s s media influencent rapidement, l'opinion. l3lles eiripficlienl, la lente prise de conscience (lui évolue iialurelleineut, ;i son ryLlnuc

derri&re les faits.

Il est, inl;kressanL de connaîtr l'opinion, mais sans perdre de vue qu'elle coinporLe le dangcr d'induire les l'itiLs el, q u e , donc, ceux-ci risquent (le devenir ce que l'opirikm a t t e n d d'eux. Actuellemeiit,, bidonville signiiiu rnis(\re, avec Loul ce q u e ce terme comporte d'ambiguïl, ; o n pourrail, ess;~yer (le savoir si cut;Le significat,ion globalc provient d e la peur, ou de la liont,~, ou des deux, o u si la soi-disant lionLe se cache sous la peur, le rernt:de (ëtanl de (;onler Loul le monde daris des moules de 1)bLon

afin q u e nulle différenc ne soiL visible dans la ville moderne. Mais ce (lui nous importe davanLage c'est d e comprendre ce qu'il cn est, dans la r(?alil,&, de ces bidonvilles.

Or cela, jusLeirienL, peu le savent. N o n que des élude n'aient 15th entreprises, niais le rksultal ne mèn qu'A des constatalions part,ielles parce q u e les chercheurs p a r t e n t s u r u n e base fausse en considéran le bidonville comme u n phénomkn pari,. Des géographe cl, des arol~it~ecles ont, eu le inérit d e promouvoir ensemble une i:tude cornparhe de nombreux bidonvilles du inonde entier el, d'aboutir il u n colloque ( 1 ) . Ce faisant, ils o n t &clairà le phénomtm e n a p p o r t a n t une foule de renseigneinenLs sur les égouls l'approvisionneincnl, en eau, les rnaL6riaux de consbruc- tion, les modes de proprikté l'oricnLation, la surface, la forme, etc. des difl'hrenLs bidonvilles. Mais en essayant cl(: tirer des const,antes de ces données ils en sonl, resLé A une descriptJion paysagiquc, e t , en r e l i r a n t u n bidonville africain de son contexte urbain e t

(11)

L A V I L L E V U E PAU EN DESSOUS

national, pour le comparer, en t a n t que p h h o m à ¨ n e u n bidon- ville américain ils se s o n t amputé de la raison m h e de leur étude C'est pourquoi ils n e sont pas parvenus

A

savoir s'il s'agit d u mêm phénombn selon qu'il s'installe en pays industriel ou e n pays sous-développà S'arr6l;er {I l'aspect du bidonville-011,iet

est u n insuflisant degrà d'analyse. Il p e u t mkme induire en erreur le lecteur qui aurait tendance

A

imaginer les comportements n o n décrits Il ri'est pas question de crit,iquer les gkographes, ils onL faiL leur inbl,ier ; 011 p e u t seulement regretter qu'ils n'aient

pas (Uk rejoinLs par les etlinologues d o n t le devoir le plus urgcnt est dlt!Ludicr en profondeur, en. rktail, cL d u dedans, parce que c'est leur mktier, les hommes des bidonvilles d o n t o n ne parle jamais c l qui, seuls, détienneni les réponse q u ' o n demande a u x murs.

L'hibloire des hommes se r e l l ~ l x dans l'liisloire des cloaques, kcrit [Tugo ( 1 ) , qui a v a i t l'obsession des barritres, des bas-fonds e t des kyou1,s. Qui bcrira dksonnais llhisLoire des lionnnes dans ces nouveaux cloaques, depuis q u e les romanciers s'en s o n t dktourné ? N'esl,-elle pas aussi féconde aussi passionnante qu'autrefois ? L,e décalag dans l'6voluLion des cultures, occi- dentalcs ou aut,res, vers l'urbanisaLion, c i la puissante abrasion qu'elles subissent n'i~~l,éresser~I,-il personne ?

Le bidonville n'exisie pas. Celui qui le cherche n e rencontre

une les bidonvilles X c t Y de la ville

Z.

J a m a i s anonymes. ils participent

A

la dynamique de la cite a u mkme titre q u e n'importe quel quartier. à Un quartier n'exprime que l u i - m h e à (2).

Un bidonville aussi q u e lui-mkme ; u n bidonville 11'cbL q u ' u n quartier, ~xacLcmenL comme les taudis e t les aclik- l6nics, si l'on accepte q u e ccLLe Lrilogit' remplace 1'ani:ienne.

Si les e~thnoloyues veulent apporter leur contribution - il la connaissance du p h à © n o i n h urbain, ils doivent onireprendre l'étud des populations bidonvilloises d'une ville, en corrélatio avec, celles (les Lauclis c l des 1I.L.M. Avant de dresser des Lypo- logies CL i126rigcr des sysLkrrlcs, ils (Ievronl, avoir appris, aupros iles classes (lhl'avoriskes, I'hisLoire de ht ville conl,e~nporaine. Sans exclure 1'opporl)uniLb de recherches parall&les en divers pays, on peut se demander s'il n e serait, pas aussi judicieux, voire plus profitable, de mener des étude comparatives dans les nouveaux habitat,^ riches el, dans les cité des classes moyennes. Tl y a quinze a n s le grand bidonville de Casablanca éLai une véritabl ville avec s a mosqué principale au m i n a r e t de t6le

(12)

ondulée Il s'arrktail, a u bord de la rouLc en mi5nageant un espace semi-circulaire réserv :I la dcifcication publique. Ses rues s'entre-

croisaient on dédal compliqub, comme dans les vieilles médinas larges e t bordée de c o m r n e r p ~ t s , cipiciers, bouchers, ou étroite e t réservcie a u x artisans : niatelassiers qui bourraient d'alfa les couLils roses, ~ o u t ~ u r i e r s assis en bailleur d e v a n t leur machine, ferblant,iers habiles il la Lransformation des bidons d'huile en usLensiles neufs

...

Un ruisseau cenLral charriait les e a u x de pluies (lui, l'hiver, dcilayaient la glaise c l changeaient le sol en bourbier. Nous marchions le l o n g d e s murs, alourdis p a r les boites, nous t e n a n t a u x Loits pour n e pas glisser, tandis que les femmes revenaient, de la fonl,aine, pieds nus el, le seau sur la bkte.

A chaque tournanl, il fallaiL qubter la (lirecl,ion

A

suivre, aucune adresse n'btant, communicable puisque les rues ne por1,aien.L pas de nom. Enfin nous fraricliissions, courbcis, la porte basse qui découvrai la cour intéricurc

La maison se composait d'une, deux, ou txois baraques selon la richesse ou l'étendu de la cellule familiale. Elles perpci- tuaient l a distribution longue et étroit des pi<:ces a u t o u r du patio traditionnel. Dans l'appentis appuyà la palissade exL&- rieure, u n m o u t o n hfilail, les veilles d'Aïd L a fenune cllassait les poules e t &cartail, le rideau d'cit,offe. Dcicl~ausscis, nous prenions place sur les I ~ a n q u c U e s , tandis que la femme accroupie sur la n a t t e immaculé c o i ~ i m e n ~ a i l , la cérémon silencieuse d u Llié Avec le fond d ' u n verre, elle cassait u n morceau de pain de sucre dans le creux de sa main. D'une longue aspiration, elle goûtai le breuvage qu'elle scrvaii,, h a u t , pour le faire mousser, e t p a r trois fois. Puis elle nous invitait pari,agcr le tajine qui mijotait dehors e n l m les gamellcs rouillée oà poussaient le basilic c l la menl,lie. De l'cspace de rarigeinenl,, clos d'kLoft'c, que mbnageait le lit juchà liant sur paLLes, elle cxl,irpaiL le lave-mains e l le pain de m&nage qu'elle rompait en quabro. Puis nous mangions a u plat, commun, en silence, du b o u t dos trois d o i g t s e t le p o t d'eau circulait, e n rond.

1-e lit conjugal btait, dans chaque maison, il lui seul u n habi- tacle. Lourd, imposant,, tendu d'étofï ferme d ' u n rideau, il prenait presque t o u t e la largeur de la baraque. Il contenait a u pied t o u t le capital d u couple sous forme d'une pile d e couvertures rayée ou de Lapis (lu'o11 vendrait a u inarchà s'il venait des mauvais jours.

Le dkcor intkrieur révblail des prodiges (I'asLuce, des Lrou- vailles qui conciliaient fantaisie c i pauvreté P o u r camoufler les planches mal joinLes, clans u n bul, A la fois prat,ique e t esthé tique, les gens appliquaiont des journaux arabes collé selon u n certain ordre, des morceaux de papier d'einballage divers

(13)

L A V I L L E V U E PAR

EN

D E S S O U S

apposks en patchwork, des bonis de lino16uml coup6s & la r n h e dimension, accolé selon u n r y t h m e qui kvoquait parfois la gkométri des Lapis. L'étagè dkcoré qui porLait les verres $1 t h & ,

le nom d'Allah, u n e image populaire, le portrait d ' u n homme politique, complétaien la décoration

Tous les ha bila ni,^ Ã © t a i e n pauvres

A

des degr& divers, depuis le vendeur de pois chiches ou de menthe A 5 centimes la part,, jusqu'au propriétair d e plusieurs baraques qui a v a i t gardÃ

à u n bled à d'oh lui venaienl, des ressources alinieril,aires. Mais le

mendiant avcugle rev6LaiL sa djellaba blanche le vendredi e t offrail le thà avec 1161égancc sinon la munificence d ' u n seigneur. J a m a i s nous n'avons reneorii,rf, $1 celle époque la rniskre patliolo-

giquc, celle q u i brise les 6t,res, celle que Paris semble rkserver h ses autochtones comme nous e n avons eu la r6vblatio11, au retour, aprks des a n n h d ' a b s e n w .

Le bidonville portail, u n nom de quarLicr e t à © t a i consid{:rà connue Lei. l,'l~Lal,, par la suit,(), l'a airiélior (1) p a r le pavage cl, l'hlcctrificaLion des rues principales. Il couLenail, u n e infinitk J e sous-groupes, de l'raclions de tribus, de cellules familiales ktendues, au sein desquels l'organisation t,raditionnelle 6Lait sauvegardée L a vie sociale, l,oujours intense, culminait a u t e m p s (les l'6ies.

Le bidonville poss6dait ses maître d'hcolc coranique, ses spkcialistes de la circoncision, ses leaders politiques, ses mar- chands, SPS masseuses d e bain maure.

Chacun pouvait y trouver les mod&lcs vbhicul6s p a r la culture, rnodi~l(~s d o n t t6moignaiL la disLribution d e l'espace habite, chaque geste nécessair l'expression de cet te culture trouvait sa place. L'équilibr clliniquc n'6LaiL pas ébranle

N16Lail-ce pas eu niCirie équilibr ethnique qui rkgnail, Nanlerre dans le grand bidonville arabe aujourd'hui en grande partie detruit ? On p e u t en j ~ l y e r

A

la lumi6re d e certaines r6llexions faites sp~nl,anknicnl, p a r des Algkriens installt5s coiiforLal~le~~ienL d a n s dos H.L.M. d e la banlieue sud (donc hloign6s d e NanLcrre) 01 qui se glorifient de posséde à u n logc-

mcnL comme l,oui le inonde È Ces hommes prksenLent i o n s les

signes extkrieurs d'adaptalion ?i la vie urbaine el, parisienne,

d ' o à l'iriL[\r6L de leur Lérnoignag :

- Ã A Nanterre on t,rouve absolument Lout. aussi bien du

liennh que des robes ou des ~rioulons. Ã

- Ã On prkfkre acheter le inouLon de la f6Le ii Nanierre. 11

( 1 ) liiiloiivillr anniliorii r s l mu- ux1)wssioli couriullc en urlxti~isik~v ; on

(14)

- Ã Quand nia femme se sent malade, elle v a se reposer il

Nanterre. Elle y passe deux ou trois jours e l elle revient en pleine t o n n e . Ã

- (( On a fait circoncire les enfants il 1'ht)pital parce que

c'est plus propre, mais mon mari est, dbgu, ce n'est, pas bien fait, ce n ' e s t pas comme chez nous ; si on a v a i t su o n serait allà il NaiiLcrrc. Ã

Nanlerre c'étai l'univers des frère e t des cousins ; y aller, pour ceux qui vivent, e n ville moderne, équivalai il se retremper dans I'aLmosphèr du village,

A

se rassurer au contact de la cornmunaut(:, bref h retourner faire un peLiL séjou a u pays. C'étai l'antidole au dépaysemen A l'isolcment qui conduit, connue on le ~ n o n t r e r a , dans une a u t r e étude

a

l'asile.

Un bidonville c'est u n groupe, qu'il contienne une mulLipliciLÃ de sous-groupes ou qu'il rcpr6seiil,e

LI

lui seul u n microgroupe.

Un bord do Seine, dans un paysagc dbsolb, u n petit bidonville, d e t r u i t l'liivw dernier, s'était installb sur le promontoire d'une décharge 11 se composait, de deux roulottes, d ' u n vieux camion, e t d'6dicules 1ibLbrocliLcs pour lcscj~~els le rnol cabane paraît luxueu- sement inaddquat,. L i , vivaient, deux familles fransaises, un couple algbro-francais c l 19 ouvriers arabes (lont, les femmes soril, rest6es a u pays.

L a femme du couple mixtc servait de concierge i l'ensemble cl, distribuait le courrier. Certains Arabes, tolérb clans le voisi- nage, se cliargeaier~t de l a corvé d'eau c l raviLaillaien1 les Francais considbrbs comme indbsirables. Car la borne-fontaine & t a n t gclbe cet hivcr-lii, tons devaicnl se fournir chez l'habitant, le plus proche, lequel n'octroyait ce droit, qu'A quelques-uns. Les Arabes, Lous unis p a r quelque lien de parent 6, venaient d u m h e village. Ils LravaillaienL dans les usines alcntour et, rentraient vers 18 heures vaquer a u x soins d u rnénaqe Chaque cabane à © t a i occupbe p a r Lrois hoiiiiries. Lo chef de la communautà habiLai1, la meilleure maison, une antique roulot,l,e a u x roues de bois en bon à © t a qu'il a v a i t ache1 6 c h une famille espagnole. Il se présent lui-mkme comme le plus dbbrouillard et le plus ancien à © m i p el, insista pour nous faire visiter le domaine, visite qu'il coinmen- LaiL avec u n orgueil d e propribtaire.

Le pocle charbon ronflait ilans ces intkrieurs d'liois~ilici? seuls d o n t l'agencement, avait, i la lueur des bougies, q u e l c ~ ~ ~ e chose de puéril S u r les rkchauds ;'i gaz b ~ ~ l a n c , l a cafetiere se

Lenail proie ; u n homme prbparait, le dîne avec des gestes sobres, replaqait le sel sur l'étagcre L'espace resLreinL (5tait aménag en coin cuisine c l en coin chambre. Les lits se Louchaient ; les draps cl, les couvertures sLriclemenL bordbs étaien surmoiitbs d'kdredons rouges ou recouverts d'une de ces rayonnes A franges

(15)

qu'on a c h k t o aux. colporLcurs arabes. La rou1oLLc avait m&nu: u n coin LoileLLc sous u n grand miroir, c l u n kgouUoir sur lequel reposait, la vaisselle propre. Il a u r a i t 616 facile, s'il nous a v a i t 6t,6 donnh de rester quelques jours, de percevoir la distribution des r6les e t l'organisaLion d u p w ~ i p e . Lu chef, pour sa pari,, veillail aux r&glcinenLs dcs c~neslions administraiives de chacun, el, cherchait d u travail pour le dernier arrivk. Ã On est bien ici, dit-il,

011 csl, tranquille, on e s t chez soi. Naturellement on priifkreraii,

avoir un logi.;nicnl, e l faire venir nos feinmcs niais c'est impossible puisqu'on n ' a pas le droit, de faire une demande de logciiicul, tanl,

(lue la î'ennn n1csI8 pas la. Ils v o n t (161,ruirc nos cabanes cl, nous nieLLrc en foyer, mais on ne veuL pas y aller, c'est plus cher cl, ' e s t , pas bien. J R ni; v e u x pas perdre nia roiiloi,I,c, clic ml, A moi.

J ' a i ri:r)&r6 u n Ln'rain

A

X . Ã

Le lendemain la rouloLLo kl,aiL parLie. La semaine suivante, il n e resLaiL, sur le 1,rrrain 1111, q u ' u n l,as du cendres.

Un nouveau bidonville est peul,-CLre nk quelque part,. Les raLionalis:~l,ioris du type à c'esl, i r o p cher, c'est, pas bien à sonl,

l'expression de la volontk d u g r o u j ~ e qui cherche A sauvcgardcr sa cohksion.

t s des ;uiLrcs li;~bil al s type cil/' d'urgence, 6galemcul pauvres 1~1ai-i contrainls, donc apparLenanL A la cat6gorie a c l u - l h c .

L'opinion parisienne 1 end A considbrer,

a

l o r i , q u e les bidon- villes sont rbsrrvbs aux ~ i ~ i g r a n l s. L a pr6sence de Francais dans les bidonvilles pose l ' l i y p o t l i ~ ~ ~ c d'une diIl6rence de nienialil6 (encore paysanne clic/ les migrants, pliil6t pro16Larisbc clic/ Ics au1 oelitorle~ ?).

Chaque bidonville a son originalil 6 propre, dbl ennin6e par le poupe c l , I ~ n i ( ~ u e doinmai11 ; on ne saurail, confondre un hdonvillc espagnol avec un bidonville yougoslave. Gel habitai, csL fidkle, bien q u l a b & t a r d i , a u x ~riodklcs c u l l ~ i r c l s q u e ses occupants oui, d a n s l'espril,. Il abrite un ccrt,ain mode de vivre qui asjure p~111-6Ire 116quilibre d u groupe. Tous les bidonvilles prksenLeronI p r o l ~ a l ~ l e m e n l , a u cliciclieur une conslantt~ : u n e organisalion intcriie, ([ii'cllc soi1 ltîch ou s t r i c t q m i r6bcau de relations propres a u groupe, d u voisinage la parentk. On p e u l

(16)

sc poser la question d'un u clioix à possible en fonction de l'cxis-

tence d'un noyau initial. Parmi les Nord-Africains par exemple, quels sont ceux qui habitent dans les taudis parisiens e t ceux qui habitent dans les bidonvilles et pourquoi ?

La connaissance de la population conduira

A

affiner les diffe- renciations ethniques, afin de comprendre le sens des rel a t ' ions inlergroupales. Dans un groupe espagnol, recemment étudià des gens originaires de villages voisins forriieiit des sous-groupes allié mais distincts.

11 serait intéressan de chercher si l'espace parisien est occupà selon u n schém de l'espace ethnique (ces reclierclies sous- entendent une étud du milieu de départ)

L'histoire des habitants conduit à reconstitiier l'histoire du bidonville, de la naissance h la inorl,, son mouvement propre, son inserlion dans la dynamique de la ville. Des relations intcr- ethniques présiden sans doute à la naissance. A tel endroit des f r a n s a i s ont renseignà des migrants sur la possibilità ou l'iriipu- nit6 de la prise de possession du terrain. Ailleurs c'est contre le dos d'une grande maison espagnole que des cabanes portugaises s'abrilent du vcni. L,'histoire passé e t l'observation du prbsent, nous pcrinctLront peut-6tre de répondr A la question posé par les géographe : qu'est-ce que stagner ou évolue pour un bidon- ville ?, e t à laquelle ils réponden : u n bidonville qui évolu amélior peu à peu ses consLrucl,ions, sa voirie, d e .

On peut aussi chercher une répons à partir de l'huinain. Un bidonville qui kvolue serait,-il celui qui, for~rianl, Lreiriplin, renouvelle ses habitants

A

mesure que les plus anciens trouvent une autre installation ? le bidonville qui slagne abriterait alors une population privke de l'espoir d'un rnieux-6Lre ? Ce qui conduiL :k l'analyse des forces vives des individus e t des groupes,

en fonction iles idbologies, des croyances, des système de valeur.

Un bidonville parisien meurt toujours de niorl, violente, on plut6t ne s'agirait-il pas d'une d6sintégra ion ? Il faut chercher les restes de ce corps éparpille e t pr6ter attention aux tout, petits bidonvilles. Ils sont peut-CLre un rcsidu dé~it~alis ou une cellule vivante qui annonce une renaissance.

Lorsqu'un bidonville est résorb ( 1 ) , l'Etat considkre son devoir comme accompli c l l'opinion est, rassurée Les gens ont eu droit A un logement c i le bulldozer a fait place netLe, h a s a n t toute trace de misère Les choses sont rentrée dans l'ordre. Nul ne se pose la question de savoir si les ayants droit sont

(17)

LA

V I L L E VlJE P A R EN D E S S O U S

satisfaits, car il paraî inconcevable qu'il en soit aut,rernent. Or il s'avèr que les relogements ne s'organisent pas aussi harrno- nieusement qu'on a u r a i t pu le croire. Tous les intéressà n e manifestent pas la joie qu'on a t t e n d a i t , c t les élu municipaux qui avaient, gér leurs finances de manièr A loger tous leurs administré essuient des refus e t des résistance q u i h e u r t e n t leur bonne foi. Certains, parmi ceux qui approchent les bidon- villes, persoivent u n e faille dans le syst,brne, mais ils ii'osent, pas exprimer leurs dout,es de peur d'etre taxbs d'idée rbaction- naires. Ce problkine est gbnéralenien tenu cachà e t les solutions qu'on y apporte sont d'ordre répressif R e n d u public, il susciterait, peut-cire des analyses qui aideraient

A

le rbsoudre.

Nous essaierons d'ébauche ici cette analvse.

Raser u n bidonville, c'est détruir bien a u t r e chose q u e des cabanes. C'est briser des groupes, amoindrir une force vitale collective, écrase t o u t e une bocibtà basé s u r la solidaritb, sur la solidità des liens familiaux. L a sociét urbaine n ' a d'égard que pour les individus. A chacun elle impose u n IiabiLaL norma- lisé donc une a u t r e rnanikre d'liabitcr.

E n effet, le m o t h a b i t a t ent,ret,ient une confusion. Il indique la fois la forme e t la rnanikre ; il confond le contenant e t le contenu. Ce n'cst q u ' e n sbparant l ' h a b i t a t de 1'habiLer à (1)

qu'on parviendra il une compréhensio des faits sociaux. L'habitai, csL précair ou conforme a u x normes ; à 1'liabiLer Ã

est conforme ou n o n conforme a u x besoins fondamentaux, a u x désir profonds plus ou moins conscients des individus. C'cst pourquoi, si nous avions réalise une classification des habitats prkcaires, nous partirions d ' u n seul critkre : le sentiment que les occupants éprouven h l'égar de leur logement. Nous obtiun- cirons alors grosso modo deux groupes principaux : ceux qui s ' y trouvent m a l mais n e peuvent pas en sortir, c l ceux qui s'y trouvent assez bien pour vouloir y rester. Pour le5 uns c'est une impasse, pour les autres u n pasbage provisoire.

L'6voluLion de l'&Lw humain se poursuit LouLe sa vie,

A

des cadences diverses, e n liaison avec ses possibilité économiques avec sa personnalità c l lus influences qu'elle subit,, selon l'évo lulion de la sociét airibiaiitc e t celle de la socibtà d'origine. Le changement d ' h a b i t a t devrait, a u cours d'une évolutio harmo- nieuse, intervenir a u point de convergence des possibilité inaté riellcs el, des désir profonds concernanl, à l'liabil cr È Les cliange-

rnents bruLaux e t imposé entraînen selon qu'il est t r o p 161 ou trop Lard des déséquilibr e t des frustrations. L.'hcure idéale en ce q u i concerne les bidonvilles, pour surprendre à l'habiter Ã

(18)

166 L'ANNEE SOCIOLOGIQUE

dans ce uu'il a de conforme a u x désir de l'hoinine. h u n m o m e n t donnà de sa vie, est celle d u refus opposà k l1in&inence d'un relogement. E n effet une enqu6te systématiqu p a r questions, effectué à u n autre m o m e n t , donnerait des résultat faussé d u f a i t des pressions ambiantes e t de la notion d u droit a u logement n u i s'insinue dans les consciences.

A partir d'exemples concrets nous essaierons de comprendre ce q u e certaines manibres d'habiter nous enseignent, a u sujet d e ce qu'on pourrait appeler l'urbanilà :

- Banlieue est : Un couple françai e l 3 enfants occupent une maison de planches composé de deux pibces : Loutc la famille dori, dans la cliarribre e t v i t dans la cuisirie. Celle-ci est bien bquipé : meubles appropribs, cuisinibre au mazout, placards m u r a u x , télévisio réfrig6raleur évirr mais l'cau est d a n s la cour, une grande cour plant60 d ' u n arbre, fermé d ' u n portail el, gardé par deux chicris-loups. à Ils veulent t o u t raser ici È

dit, la femme. Ã niais ie n'irai nas en 1I.L.M. J ' a i t o u t le confort

chez moi, j'ai de la place, de l'air, je ne demande rien h personne. Ils ri'accepL(~ronL pas mes chiens dans u n immeuble. Moi je n e p e u x pas vivre sans eux. Lo premier type qui approelic pour m e taire dbguerpir, je lui lance mes chiens

A

la gorge D.

- Banlieue sud-esl : D e r r i h u n e vieille usine de briques rouges, le patron avail, fail, construire pour ses ouvriers, il y a quatre-vingts ans, de petites maisons d e b o i s d o n t quelques-unes s o n t encore occupées L'usine e s t d6saffectée le terrain v a 6tre récupér Un vieux couple polonais habille lh depuis 1938. Leur fille s'cst marike deux maisons plus loin avec un des membres de la cornmunaut6 italienne q u i a peu h peu abandonnb les lieux. Dans le jardin, entre le potager cl, les fleurs, la vbranda e s t ~ r C t , e pour l'6Lh avec soli fourneau h bois el, ses fauteuils de toile. L a maison est bien cnLrcLenue, repeinte h neut'. Dans l a cuisine p e n d a n t que mijotent, les 1enLillcs a u lard, l'homme lit le journal e t la femme acheve d e v a n t s a machine une commande de robes

pour une maison de gros de la rue d'Aboukir. Il y a vingt a n s ils o n t achetà h u n It,alien la maison voisine q u i leur s e r t de dépendance : chambre pour le petit-fils, buanderie e t a t d i e r équip de d e u x lourdes machines ?I coudre industrielles. La

inaison initiait; se compose, P U plus de la cuisine, de la chambre

conjugale c l de la salle A manger des jours de fêl,e L a femme utilise ses machines selon les commandes liée a u x saisons. Cet hiver-la elle coud des robes vaporeuses de printemps. C'est donc la machine légkr qu'elle a installé dans la cuisine. Il n ' y a pas d e feu dans les a u t r e s pibces. L ' à © t elle travaille dans l'atelier.

(19)

LA V I L L E V U E P A R E N DESSOUS 167

ne nourrai nas installer nies machines. Ils v o n t nous donner deux piices pour nous deux. On btait tellement bien ici avec le iardin ; et, la cabane A outils, e t l'kt,abli ? Mon mari n e pourra plus bricoler. Qu'est-ce qu'on va devenir ? deux pièce dans u n inxrneublc, c'est comme une prison. O n n'aura pas de quoi s'occuper. Moi je n e p e u x pas vivre sans travailler, sans coinptm le manque A gagner. O n n'a que la retrail e des vieux travailleurs. Les jciincs c'est pas pareil. Ma fille v e u t bien. y aller. D'abord elle aura u n logement, plus grand qu'ici e t puis elle travaille

A l'extérieur alors u n appartcincnl neuf, c'est plus facile entretenir. Ici c'est moi qui fais le lavage pour nous tous. La-bas cst-ce qu'ils nous meLt,ronL seulerilcnl, sur le m h e palier ? Ã

- Ismael csL Portugais. Il liabite deux pièce de parpaing IiALivemenL consiruiles cl, sornriiaireiiient meubl6es, appuybe? contre les maisons d u groupe espagnol d o n t sa femme fait partie. Tl csL jeune, beau, vigoureux c l cntrcpreiianl,.

Ancien berger, il raconte ses peurs dans la montagne el, s a joie l o r s q u ' i ~ quinxe a n s il a pu acheter ses première chaussures. Depuis, il estime qu'il a fait son chemin. Orphelin, il n e compLe que sur lui-m&me. Il travaille de longues lieurcs p a r jour, il est propriktaire des deux cabanes qui jouxtent la sienne. Ses loca- Lairos naienl, chacun 150 F de lover mensuel. Mais il ne s'arrbtera pas lA e t , bien insér d a n s le temps, conquicrL pas il pas son avenir. Ancien boulanger devenu iiiaqon en France, il traverse 1' Kspagne, 11(it,6, en subodorant les possibilitks et, les promesses de l'urbani- salion. Il a jet6 son dkvolu sur Valladolid. à C'est, une ville qui

bouge c l qui v a devenir trè moderne. Elle sera prCLe e n rn&e temps q u e moi. J ' i r a i m ' y installer comme 11oulariger-p5I,issicr.

Tu sais pourquoi ? parce qu'il n ' y a pas de p$tissier en Kspagrie, e t que les bonnes femmes commencenL h se lasser de faire les g5Leaux

A

la maison. Quand il y aura u n boulanger-p5tissier dans la ville, Loutes les bourgeoises se pr6cipiLeront. Crois-moi j'arrivcrai juste i temps. Mais pas encore LouL de suiLe. I l f a u t que je sois prCt il construire la plus belle boutique d e la ville avec salon cl, t o u t , e t appartement au-dessus riaLurellement.

La maison ici ? J e m ' e n fous. Je n ' a i pas besoin de maison en France. Quand je in'installerai, j'aurai u n plus bel appart,enient, que lh oà ils veulent, nous reloger. On a u n lit eL de quoi faire

:A

manger. C'est, le principal. C'est ;\ moi. Pourquoi j'irai m'amuser

A payer u n loyer ? C'est pas Lr&s beau d'accord. Aucune impor- tance. La femme est prè de ses parents, moi q u a n d je renLrc, je dors ou je vais voir les copains. J e ne v e u x pas d ' u n apparLe- rncril, plus chic. J e n ' e n ai pas besoin. S'ils me chassent je me di>brouillerai pour m'installer ailleurs. Ã

(20)

- AnLonio, 20 ans, nous guel,Le, u n soir, prè de la voiture. Il a beaucoup hksith venir finalement nous demander d'iriter- venir auprhs de ses parent;^, pour les persuader d'accepter le logement de transit que propose la municipalité Le petit bidon- ville oà ils vivent va 6Lre rasb. Antonio sugne 1 000 F p a r mois, il posskde une grosse moto. Il est venu d u Portugal avec ses parents il y a q u a t r e ans. Il veub rosier en France longLeinps, pcut-6tre toujours. Il v e u t à vivre en bgtiment à comme t o u t

le inonde, il fait pression sur ses parents, a r g u a n t qu'il rest,era en France aprbs leur départ qu'il se mariera e t aura au moins un apparLetncnt, A offrir h sa fiancke. L a cabane n'est, pas présen , a b l e . Mais les parents sccoucnt dkfiniLivcmenL la LCt,e ; personne ne leur fera changer d'avis : ils s o n l Lrks bien ici, ils n ' o n t rien demandk. ils ne paient pas de loyer. L'eau est juste en face. Ils chauffent a u bois u n e vieille cuisinièr achcd6c d'occasion ; le bois ne c o à ® ~ t rien,

A

Paris personne n'en veut,. Ant,onio v a en chercher sur sa inoLo dans les chantiers, dans les démolitions le pkre le scie dans l'appentis. Ils ne sont venus en France q u e pour quelques annbes, le temps de rkunir de (moi se ri!inst,aller a u Portugal. à Si on accepte le logement, en plus d u loyer, il

faudra payer le p z , le cliauffagc, la lumière EL puis il faudra acheter des meubles. Non, le bCLinrent, ce n'est pas pour nous, on n'ira pas. On cherchera ailleurs. ))

Ils s'kclaircnt a u pktrole. S u r u n tabouret, dans une petite cuvette, trempe u n morceau dc morue

A

peine grand comme

L i main.

- Banlieue sud : Une cità (l'urgence a u x parois minces (carreaux de pl5ire) construite en éventail a u ras du sol, il y a plus de quinze ans, p a r l'ollice d'11.L.M. croupit dans ses i ~ ~ i i i i o n - l i c e s : pneus, chaussures, boîte rouillée e t carcasses de voitures. l e h a u t s ensembles neufs s'6li;vent sur le Lerritoiro communal. La cil6 défavorisb est consid6rbe alentour comme u n cloaque e t l'opinion gronde coutre ces voisins sales. P6riodiquement des demandes de rclogeirient parviennent a u x pouvoirs publics.

La iiiunicipaliLÃ e t l'oflice s'accordent pour destiner une ou plusieurs c o n s t r ~ ~ e t i o n s neuves a u x habitants de la cil6 qui sera r a s h .

L a cith reckle deux sortes d'habitants. Les uns, relogks une premièr fois en II.L.M., en o n t 6th expulsés faute de payer le loyer ; ils o n t le sentiment d'avoir btk à dégradb È e t se plaignent

frkquemrnent. Les autres s o n t venus dircctemcnt des h0tels e u b l ( 5 s e t taudis divers.

Profitant de ce q u e la rumeur de la destruction prochaine se propageait le long des all6es c t dans les espkces de cours q u e forment les angles de l'kvc~iLail, le chercheur a essayk de savoir

(21)

LA V I L L E V U E

PAR

E N D E S S O U S

ce q u e les locataires pensaient de leur logement actuel ( 1 ) e t ce qu'ils espbraient d u futur. Il s'abtcndaiL recevoir des rkcri- minations, a u moins de la p a r t de ceux qui avaient connu a u p a r a v a n t u n confort supbrieur. Or il n'en est rien.

Il a glissb les m h e s questions & vingt-cinq familles (sur cent) prises a u hasard, soiL dix-neuf frangaises, q u a t r e arabes e t une espagnole. Quatorze venaient des H.L.M., onze des hfitels meubl6s e t autres logis insalubres. Les questions 6taient les suivantes :

1) Qu'est-ce q u i vous d6plaî le plus dans v o t r e logement ?

2) Qu'est-ce q u i vous plaîl IP plus ?

3) Dans quel genre de logenient voudriez-vous habiLer ?

4) Quel csL v o t r e 4tage pr6fkrà ?

5) Voudriez-vous habiter au quinzièm otage d ' u n e tour ?

Les critiques convergent vers la cil6 e t non vers le logemeril. C'est la voirie laiss6e l'abandon, c l le groupe humain q u e forme l a cit6 q u i leur d6plaisciit : Les gens dps 11.L.M. nous regardent connue des b$Lcs curieuses, ils disent qu'on e s t des chiffonniers. Si o n continue, on v a devenir u n bidonville. Ã Mais nous louchons

lA u n a u t r e problèm que nous aborderons plus loin.

Cinq familles seulenieiit, d o n t deux arabes (sur quatre) et, une espagnole allirinenL leur volont6 de q u i t t e r cette cil,b. Lcs autres trouvent donirnagc de la d6Lruirc. Ã 11 n'y avait q u ' i ~

l'arranger u n peu. Ã Ã On aurait pu vendre les logcmcrits a u x

gens, alors Loute la cit,6 aurait btà retapé e t propre. Ã

L,es rkponses a u x questions sont iouLcs semblables c l donnent avec constance la rbsonance de à l'liabiler à dans ce lieu.

Ce qui leur d6plaî ? à Rien -- o n se plaî bien ici - c'est

u n peu humide

-

u n peu t r o p petit parfois

( 2 ) .

Quelques-uns se plaignciit des rats. Deux t r o u v e n t la baignoire moche. Ã

A la question 2, tous r<:pondenL d'abord : Ã l'espace, la cour,

le jardin, on a de la place - on est tranquille -- on peut manger

dehors l'ét - on peut étcndr le linge --- j'ai clos fleurs -- il y

a des arbres o n p e u t avoir des bGtes - on n ' a pas besoin de surveiller les enfants - on a l'illusion de vivre en pavillon È

Ensuite ils font remarquer qu'ils a i m c n t vivre de plain-pied avec le jardin, puis ils pcnscnt l'inl,kricur : Ã on a u n confort

(1) T.rs l o g ~ i n r n i s s'ouvrent sur 11110 pikcc de sbjour inunit' d ' u n h i e r "11 recoin. Ils se composent en oulrc d'une clouclic-W.-C. (s:ins cli:nifTe-eaii) iit d ' u n e ou deux chambres. Tous les locataires oui, annexà derribre la maison

un boni, de 1crr:tin qu'ils utilisent coinine jardin, cour o u dkbarras. Loyer rruinsiicl 50 F.

( 2 ) CerL:lines familles tzop nombreuses disposent de deux logri•icn

(22)

170 L'ALVNgJ3 S O C I O L O G I Q U E

suffisant - on a l'eau e t les w.-c. C'est; trks habitable - j'ai t o u t moclifi& - j'ai isolà le coin cuisine - j'ai a b a t t u la cloi-

son - j'ai perc& une grande baie criLre les deux logciiicrits. J ' a i insLall6 le butane - j'ai t o u t tapissé etc. È Quelques-uns

pensent au loyer : à le loyer nous arrange bien È

(( Moi je suis fille iii&re, di1 Mme A., 65 ans. A l'&poque s a ne

se faisait pas. Ma s a u r a &lev& la gosse en Haute-Sable. Moi '<;Lais plac(5e cliez les autres. J e suis rcsthe q u a r a n t e a n s dans les halles. A la

fm

on ne pouvait, plus avoir de cliambre a u Lriniestre. C'htait Lou1 vendu. J ' a v a i s Lrouvh une pcLiLe loge d e concierge avec une chambre a u premier. Mais elle s'esL kcroulke. Alors le maire ni'a relogke ici. Qu'csL-ce que vous voulez, q u e je dciiiaride

de mieux ? J ' a i nia chambre, m a salle :I manger sur le d e v a n t e t

les w.-c. h l'inL&rieur. J e suis comme une reine. 1)

Mme G., 60 ans, a eu 10 enfanLs et, a err& toute sa vie d'h6Lel meublà eu taudis. Enfui elle a eu une H.L.M. : à Quand je me suis

v u e lh-dedans, je n'en revenais pas. C'&tait u n chcteau -- salle

de bains ($1, t o u t - mais on ne

peut,

pas payer des loyers comme

sa, vous pensez, 30 000 F. Ã Alors elle a &chou(: dans la cil& c l

elle est d b ~ u e . Cependarit : Ã ici c'est moche, il y a des rats. Mais

le loyer est bien, et, puis j'ai des copines, 01, aussi u n copain d e 45 a n s qui m e nourri), un peu. Au fond on n'csL pas si mal, i'aiiiierais a u t a n t rester È

M. 15. est vendeur s u r les marcIi6s. Il a passe s o n enfance

à A jouer sous les arbres d u boulevard Arago È mais il ne veut

pas liabitcr $1 Paris, on y manque d'air. Il a choisi d'1iabiLer dans

la cit& en 6changeant son a p p a r t e m e n t 1I.L.M. contre d e u x loge- incnLs qu'il a enti6remenL i,rans£orrn& en b o u t d'allbe. Son jardin fleuri de roses e s t amhriagà d ' u n bassin pour les enfants. I l refuse de vivre en H.L.M. ott il a l'impression d ' k t o ~ ~ i l e r , d ' à ® h l r en prison. A la question ' 3 , il rbpond q u e : à Puisque le

pavillon n e peut Ctre q u ' u n reve, il aimcrail bien une a u t r e cith d'urg(wce, en d u r , avec u n petit bout, de terrain. Il n ' y a plus que les cit,ks d'urgence pour entretenir l'illusion de la libertb. Ã

Les autres rbpondent assez vaguement A la question 3. Ils ne

savent pas. Leur budget ne leur permcLIa~iL pas de clioi5ir, ils n e revent pas. Ils disout à u n peu plus grand È ou à ce q u ' o n me

donnera È quelques-uns : à si o n pouvait avoir u n vieux b o u t de

pavillon à ˆ d'autres : à d u iiiorricnt q u ' o n a l'eau e t les w.-c. È

Presque tous : à un bout de jardin È u n seul exhibe son souliail

secret, : à avoir une vkranda pour l'6tc È L a p l u p a r t cxprmicnt

seulement ce d o n t ils n e veulerit, pas : Ã vivre e n i m m e u b l ( ~ ,

vivre groupés avoir (les voisins sur la teLe È Dans les H.L.M., à on est en cage - on ne peut, pas surveiller les enfants - moi

(23)

L A V I L L E V U E P A R

EN

DESSOUS 171

Le choix de l'étag est révélateu L'idé d u quinzièm étag est repoussé

A

l'unanimità (24 125). Le seul qui voudrait essayer à parce qu'on a une belle v u e à est u n A r a b e du Sud

algérien Tous s'écrient : à c'est insensà -- quelle horreur -- j'y

mourrai - o n aurait, le vertige - c'est t r o p dangereux pour les enfants - les ascenseurs tombent en panne ou en grkve - il y

a des accidents È L'idbe du danger est exprimé p a r la majorité

Un homme ajoute : à qa rend neurasthéniqu È

Quel &lage ils préfkrenl ? le rez-de-chaussé $1 20 voix contre

5 qui ne cl&passent pas le quaLri&me. Ã On esL de la campagne,

on n'a pas k t & habituÃ

A

vivre en étage On & t a i t mal en H.L.M.

a u deuxi6me. Ã

Habiter, c'est d'abord, pour u n individu, s'approprier u n espace el, l'utiliser, selon lui, des fins qui lui sont propres, selon l1imporl,ance qu'il donne

A

chaque a c t e de la vie quotidienne.

Le choix de privilbgier Lcl acie e l de lui rescrver u n espace, est, lie a u x habii,udes ethniques, a u x techniques du corps, h la philo- sophie, la p o h e , l ' a r t de vivre do l'individu. L'espace habité

c'es), l'image de soi-m6me.

Si I'Siomine n e p e u t pas inventer son espace habitable, il essaie d'en choisir u n qui lui convienne ou de remodeler i~ son usage celui q u i lui est alloue.

Ainsi a u x familles harkis des camps de C6ic-d'Or o n a fourni une grande cuisine familiale C L deux chambres, ?l l'image sans

doute de à l'habiter à paysan. Seulement, les Arabes, tradition-

nelleinent, ne font pas la cuisine dans la picce of1 l'on apporte la Lahie i manger. Ils se eontcnlcnt

,

pour ce taire, (le n'iinporte quel rbduit. Aussi les Scmrnes de liaskis onL-cllm Lout nal,urcl- lerncnl, nlilisà la douche pour bplucher les légume c l plurrier les p o u l e h Celle habitude de s6narer l'endsoil, d u cuire e t d u manger qui a 606, dans les faits, sév<:remen jugbe p a r les villa- geois, est, justcmcnt celle qui penriet a u x Arabes, couLraireineiil, il (I'auLrus populations paysaniics, de s'adapLer a u x cuisines étroite de l'liabital, nrl)ain.

Dans les exemples pr&ciL&s qui ne [ont appel ni a u x mCrnes populations (riiigrrants (:L F r a n ~ a i s ) ni a u x m&mes h a b i t a t s (spon- Lané ou non), l'11:~biLude vis-&-vis de l'cspace préscilt bien. des poinLs coiriiriims dans sa prbhension, sa disiribulion, son utili- salion. Elle éclair des comporteinent,~ g&n&ralciiicnt incompris cl, donne au refus d u relogement une explication dont, la portt5e dépass les raisons économique toujours faciles h invoquer.

L a notion de loyer cntse dillicilemcnl dans la conscience des sociétà doni, l'industrialisation es1 rbcente. C'est, uiic nol,ion urbaine. Si I'Amkricain moyen paie u n loyer cher e t si le F r a n p i s moyen commence

A

accepter de consacrer A son logement une

(24)

172 L"ANN&E S O C I O L O G I Q U E

p a r t importante de son salaire, il n'en est p a s de mêm des couclies pauvres ou des rnigranls rn6diterranéens

Pour certains d'entre eux, mieux v a u t ktre propriétair d'une cabane que locataire d'un appartement,. Dans u n bidonville espagnol oh nous avions deniand6 la permission de photographier les maisons, les propriktaires o n t acc,epl,6 avec plaisir, tandis que les locataires rcfusaienl, : à Non, ce n'esl pas la peine, la maison

n'est pas $1 nous. ))

Les ophrations de relogeme~il, renconfcrent, beaucoup moins de rhsistances auprhs de ceux qui, n ' a y a n l pas eu la possibiliL6 d'aoquéri une baraque, sont soumis a u x exigences d ' u n proprié taire. Mais les services publics do logement kprouvcnt des clifYi- cultks recouvrer le montanl, des loyers parce q u e la notion de proprietà devient floue q u a n d , d6tach6e de la personnalit6 d ' u n homme, elle est associé vagueinenl, h l'ELa1;.

Les gens qui nous inL6ressenL o n t clicrcl16 A se fixer a u sol pour acquéri une certitude do demeurer, e t contrebalancer l'inqui6Lude (l'une exist,ence prbcaire. Cet,Le appropriaLion leur if'ïr e n oul.re la liber1,h d'uliliser oL de modifier l'cspace selon leur fantaisie, luxe que la socibt6 urbaine actuelle ne conchde q u ' a u x riches. H11 cela les liabiLariLs de la ciL6 ne diff6renL guhre

des aul,rcs. La niodiciLk d u loyer cl, le peu d'inLér6 que la Direc- Lion dus 1 1 . L . M . porte il cd IiabiLaI, voue :I la dcstrucl,io~i leur

perme1,LenL (l'agir librement. Ils rernodhlenl les cloisons et

annexent u n jardin. il y a donc pour Lous une cerLaine appro- prialion de l'espace a u sens d u t,errne plus psychologique que l e p l .

Gel, espace est a u ras du sol ; il s'agrandit d u sol lui-m6me, skparb du seuil d ' u n seul pas. L e mot plain-pied, oublie du voca- bulairc urbain, revicril clans les inLerviews.

La rn;tre d'AnLonio fait Lous les jours les pas qui la sbparenl, d'en facc oi'i csi, l'cau ; le LrajcL lui apparticiit. Quand Ismacl

s e rend clicx les voisins, il est ohcz lui dans chaque ruelle. Tous les auLrcs o n t une cour. Leur à 11abiLer à inLQre le dehors q u e

l'urbain moderne exclut,. U n e parlie d e leur vie se passe en all6es cl, venucs enl,rc le dehors e t le dedans. Ils en parlent Loris spon- Lanbinenl,

(;t

d'abord. Cet espace-lh csL vilal. Limit6 e t infini, il satisfait, (les besoins profonds. 11 periuel, de planter des fleurs, d'blever des chiens, des oies, des lapins, de dresser une tente, de rbpiircr des inoleurs, de g$clier du cimenl, dlbl,endro du linge, l e jel.er d e l'eau sale A la volée de brfiler des ordures, de manger s o ~ s le ciftl d ' ~ l . 6 , de s'asseoir p a r terre. Il peul, abriter u n a u t r e abri : celai des v6los, d u garde-irianpr, d u bois, d u mazout,, des jouets txop grands, de l ' a u t o , d e l'ktabli e t des ouLils, c l de ces choses indéfinissable q u ' o n n'ose pas jeLer ou qu'on a r6cup6-

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