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VERS 220 L'édition de la Mishnah

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02945639

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02945639

Submitted on 22 Sep 2020

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To cite this version:

Ron Naiweld. VERS 220 L’édition de la Mishnah. Histoire des Juifs. Un voyage en 80 date de l’Antiquité à nos jours (éd. Pierre Savy), 2020, 2020. �hal-02945639�

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VERS 220

L'édition de la Mishnah

Le texte fondateur du judaïsme rabbinique est publié en Galilée dans une période où l'Empire romain s'ouvre aux Juifs. La Mishnah est un produit de son temps, et c'est précisément ce qui en fait une exception historique.

UN NOUVEAU ROI S'ÉLEVA SURROME…

Le tournant duIIIe siècle de notre ère marque le début d'une

nou-velle phase dans la relation entre les Juifs et l'Empire romain. La défaite et l'humiliation sont toujours vivaces dans la mémoire du peuple mais la réalité reste difficile à nier. Comme les autres habitants de la province romaine de Syrie-Palestine, de plus en plus de Juifs intègrent les villes qui retrouvent leur vitalité d'avant les révoltes de 66-73 et 132-135. L'économie locale, toujours fondée sur l'exploi-tation de la terre, est connectée à un réseau commercial étendu au monde méditerranéen et au-delà.

Les rangs de la classe dominante s'élargissent. Les empereurs de la nouvelle dynastie des Sévères dictent une politique plus tolérante à l'égard des Juifs. Ces derniers doivent toujours payer la taxe collectée par le fiscus Iudaicus, imposée en 70 par Vespasien, mais ils peuvent désormais siéger aux conseils municipaux et au moins en principe occuper des fonctions dans d'autres organes de pouvoir municipaux et impériaux. Après la promulgation, en 212, de l'édit de Caracalla, attribuant la citoyenneté romaine à tous les habitants de l'empire, les Juifs peuvent également avoir recours aux tribunaux impériaux et demander l'application de procédures coercitives contre leurs

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adversaires. Économiquement et politiquement, la voie vers l'intégra-tion des Juifs dans l'Empire romain est ouverte.

Sur cette voie, marche un homme, nommé Yehudah. D'après la tradition rabbinique, sa famille remonte à Hillel, le célèbre sage pha-risien du début duIersiècle avant notre ère.

…ET UN NASSI S'ÉLEVA SURISRAËL

Pendant les deux siècles précédents, les ancêtres de Yehudah ont réussi à concentrer autour d'eux l'activité d'un groupe diversifié, composé de spécialistes de la loi juive et de leurs disciples, dépositaires d'un vaste savoir couvrant les Écritures saintes du peuple juif ainsi qu'un très grand nombre de traditions, d'enseignements, de juge-ments, d'anecdotes et d'exégèses. Au début duIIIesiècle de notre ère,

les rabbins constituent un réseau d'intellectuels et de juristes, et sont parfois appelés à trancher dans des litiges économiques et matrimo-niaux ou à exprimer leur opinion dans des controverses cultuelles, textuelles ou doctrinales. Ils sont surtout galiléens et judéens, mais des affiliés au mouvement agissent déjà dans d'autres régions où les Juifs sont dispersés, notamment à Rome et en Babylonie.

On ne sait pas à quel point l'autorité des aïeux de Yehudah fut reconnue par les Juifs de leur temps. Même parmi les rabbins, elle était parfois remise en cause. Cependant, malgré les contestations et les difficultés, la famille réussit à garder son statut symbolique pen-dant les 150 ans qui suivirent la destruction de Jérusalem, en 70 de notre ère. Ce statut restait symbolique car, avant la période des Sévères, il n'était pas reconnu par le pouvoir impérial, à moins qu'il n'ait été perçu comme une menace.

La situation change avec Yehudah, qui arrive à convaincre l'empe-reur de reconnaître son influence. Ainsi, ce maître rabbinique (les rabbins l'appellent « Rabbi », c'est‑à-dire « mon maître ») devient eth-narque (« chef du peuple ») aux yeux des autorités romaines. Pour les Juifs, il devient le nassi. Il s'agit d'un mot biblique, mais, au début du

IIIesiècle, le titre a encore une résonance spécifique– il a été attribué

au dirigeant de la dernière guerre judéo-romaine, Bar Kokhba.

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Selon le témoignage d'Origène, Père de l'Église qui vécut à Césarée, au IIIe siècle de notre ère, l'empire accorda même à l'ethnarque des

Juifs (il ne parle pas de Yehudah en particulier) le pouvoir d'exécuter la peine capitale. C'est peut-être une exagération de seconde main, une des anecdotes plus ou moins fiables qui ont gravité autour de Rabbi Yehudah (appelé parfois le saint, ha-qadosh) pendant les siècles suivants. Il s'agit notamment des nombreux récits dispersés dans la littérature rabbinique classique sur les échanges entre le sage juif et l'empereur romain en matière de théologie, d'éthique, de poli-tique et d'économie.

C'est donc un des plus grands collaborateurs de l'Empire romain qui est responsable de l'une des plus grandes exceptions dans l'histoire de ce dernier : de toutes les cultures juridiques locales qui fleurissaient dans le monde dominé par Rome en ce début duIIIesiècle, seule celle

des Juifs, codifiée par les rabbins dans la Mishnah, a survécu à l'uni-versalisation du droit romain et continue d'exister, jusqu'à nos jours, comme une force vitale, source des décisions et des discussions affec-tant la vie de millions d'êtres humains.

ÀL'ORIGINE DE L'EXCEPTION

La date exacte est un sujet de débat, mais autour de 220 Yehudah le nassi conclut un projet d'une grande envergure qui consistait en la collecte, l'organisation et parfois la reformulation de milliers d'ensei-gnements et de préceptes en matière de culte et de droit pénal, civil et matrimonial juifs. La Mishnah voit le jour. Ses 60 traités (aujourd'hui, elle en compte 63, à la suite des divisions ultérieures de deux traités particulièrement longs), organisés en six ordres, constituent une sorte de code juridique qui inclut aussi à l'occasion des considérations éthiques, théologiques, politiques, herméneutiques, etc. Son effet sur l'histoire juive peut être comparé à celui des Évangiles sur l'histoire chrétienne. La richesse et la complexité de la Mishnah la font servir de base discursive à l'activité intellectuelle rabbinique pour les siècles à venir. Base discursive qui n'est pas nécessairement dogmatique – les décideurs ultérieurs ne s'abstiendront pas de contredire

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l'enseignement de la Mishnah ou de démontrer pourquoi et comment elle n'est plus pertinente sur tel ou tel point.

On peut supposer que, même à l'intérieur des cercles rabbiniques, l'autorité de la Mishnah n'a été établie que progressivement. Rabbi Yehudah et son équipe d'éditeurs ne sont pas de simples compila-teurs – les textes qu'ils produisent, les traités de la Mishnah, sont chacun une sélection soigneusement éditée des enseignements anciens et contemporains et leur ligne éditoriale transmet une vision idéolo-gique du peuple qui ne devait pas être partagée par tous les rabbins, ni a fortiori par tous les Juifs.

En effet, le discours de la Mishnah est formulé du point de vue des propriétaires– des maisons, des magasins, des ateliers et des champs. Cela ne veut pas dire que les plus démunis n'y sont pas présents, mais l'existence des classes sociales n'est pas présentée comme un pro-blème qu'il faut résoudre. De même, les éditeurs de la Mishnah, qui sont des hommes, font preuve d'un souci de maintenir l'ordre patriar-cal, ce qui est facilement repérable dans les nombreux traités qu'ils consacrent aux femmes.

La dimension conservatrice de la Mishnah s'exprime aussi par son silence à l'égard d'un phénomène que les rabbins connaissaient bien – l'avènement du christianisme. Plusieurs traditions rabbiniques, extérieures à la Mishnah, parlent des échanges entre d'importants rabbins du IIe siècle de notre ère et des disciples de Jésus. La mixité

sociale, religieuse et ethnique des villes palestiniennes du début du

IIIesiècle rend très probables les rencontres entre chrétiens et éditeurs

de la Mishnah, mais ce sujet est passé sous silence dans celle-ci. Les éditeurs de la Mishnah ont également décidé d'exclure toute référence un tant soit peu critique à l'Empire romain, comme celles que l'on trouve dans d'autres recueils rabbiniques du IIIe siècle.

Comme la Mishnah a été éditée dans une langue que les administra-teurs romains ne maîtrisaient pas, cette décision semble refléter l'approche pro-impériale des éditeurs plutôt qu'une mesure de pru-dence politique.

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DIFFUSION ET ADAPTATION

Au cours du IIIe siècle, d'autres recueils rabbiniques centrés sur

l'interprétation des Écritures et sur la codification de la Loi juive ont été édités, mais, contrairement à la Mishnah, leur diffusion n'a pas été égale dans tous les centres rabbiniques et certains sont tombés dans l'oubli au cours des siècles. Le patronage d'un homme proche du pouvoir comme Rabbi Yehudah fut probablement un vecteur impor-tant de la diffusion de la Mishnah. La qualité littéraire de celle-ci a pu jouer aussi. La question de savoir si le texte a été mis par écrit dès le

IIIesiècle ou bien transmis oralement est par ailleurs un sujet de débat

depuis le Moyen Âge. Quoi qu'il en soit, pour diffuser un texte pareil, il fallait probablement des moyens financiers importants, comme ceux dont disposait le maître galiléen.

C'est autour de ce texte que s'organisent les études rabbiniques en Palestine et en Babylonie, qui verront la naissance des deux Talmuds. Si la Mishnah est élaborée dans le contexte romain du IIIe siècle, le

monde dans lequel elle est étudiée, lui, évolue – l'Empire sassanide puis abbasside en Babylonie, l'Empire byzantin en Palestine, les royaumes chrétiens en Europe, et ainsi de suite. L'histoire des Juifs au Moyen Âge est aussi l'histoire de l'adaptation de la Mishnah à ces nouvelles réalités.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

GOLDBERGAbraham, « A Study Book of Halakha », dans Shmuel SAFRAI(dir.), The

Literature of the Sages, 1, Oral Tora, Halakha, Mishna, Tosefta, Talmud, External Tractates, Assen, Van Gorcum, 1987, p. 211-251.

OPPENHEIMERAharon, Rabbi Judah ha-Nasi. Statesman, Reformer, and Redactor of

the Mishnah, Tübingen, Mohr Siebeck, 2017.

STRACKHermann L. et STEMBERGERGünter, Introduction au Talmud et au Midrash,

Paris, Cerf, 1986. Voir aussi

70 de notre ère ; 130 de notre ère ; 212 ; 499

Références

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