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Transports collectifs : les charmes vénéneux de la gratuité

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Academic year: 2021

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Transports collectifs : les charmes vénéneux de la

gratuité

Yves Crozet

To cite this version:

Yves Crozet. Transports collectifs : les charmes vénéneux de la gratuité. TI&M, Transports,

Infras-tructures & Mobilité, EMH, 2017, pp.13. �halshs-01793447�

(2)

Q

uels sont les thèmes qui intéressent le plus les médias dans le champ des transports ? Au palmarès des thèmes les plus prisés par les journalistes qui m’ont contacté depuis six mois se trouve la gare Montparnasse et ses pannes à répétition. Mais juste derrière vient la gratuité dans les transports collectifs, un serpent de mer qui sortit la tête de l’eau durant l’été avec les décisions des agglomérations de Niort puis de Dunkerque. Leurs périmètres de transport urbain rassemblent respectivement 100 000 et 200 000 habitants.

La gratuité dans les TC existe déjà dans plus de 20 villes françai-ses, souvent de petite taille mais pas seulement. Compiègne (depuis 1975), Châteauroux-Vitré (2001), Castres (2008), Muret (2009) ont toutes plus de 50 000 habitants. Aubagne (2009) a été la première ville de plus de 100 000 habitants à franchir le pas. La surenchère va bon train. A quand une telle décision dans les aires urbaines millionnaires et au bout du compte à Paris ? La question n’est pas saugrenue. La gratuité était clairement un horizon pour les élus écologistes de la région Ile-de-France qui ont convaincu l’exécutif précédent de dézoner le passe Navigo. Il y a 20 ans, c’était aussi la conclusion, inattendue, d’un rapport que la RATP avait demandé à Riccardo Petrella. Ce dernier pei-gnait un tableau flatteur du transport public dans la capitale et invitait à y ajouter la touche finale : la gratuité !

Les arguments en faveur de la gratuité ne manquent pas. Comme l’accès à l’eau, principal cheval de bataille du penseur italien, l’accès à la mobilité urbaine n’est-il pas un droit univer-sel ? Plutôt que de raisonner en termes de clients, les transports en commun ne devraient-ils pas se soucier des capacités offer-tes aux citoyens, notamment les plus démunis ? Sur ces bases, les élus de Niort et de Dunkerque affirment œuvrer à la transi-tion écologique (les transports en commun polluent peu) et soli-daire (priorité aux plus démunis). Du point de vue économique, la gratuité ne coûte pas grand-chose puisqu’elle permet de sup-primer une billettique qui rapporte peu, et des systèmes de contrôle coûteux. Environnemental, social, économique… une solution durable ?

Ce n’est pas ce que pense Elisabeth Borne, présidente de la RATP avant de devenir ministre des Transports. Pourquoi la ministre, mais aussi des entités comme la FNAUT, le GART et l’UTP, tous promoteurs des transports collectifs, ne cautionnent-ils pas ces choix ? Feraient-ils fausse route ? Nous pensons au contraire qu’ils ont de bons arguments. Le plus évident est que la gratuité, notamment dans les grandes villes, est une perte de ressources qui menace à terme la modernisation du réseau. Mais le réquisi-toire peut être plus sévère.

Alors que le président de la République et le gouvernement ont mis les finances des collectivités territoriales sous surveillance, c’est comme si Niort et Dunkerque levaient la main en revendi-quant un statut de collectivité rentière. Ce qu’elles sont. Grâce à d’opulentes bases fiscales (les compagnies d’assurances à Niort, le port et les aciéries à Dunkerque), les deux communautés de communes bénéficient par habitant de ressources confortables. Bercy sait ainsi où il sera possible de rogner la DGF !

La gratuité est en réalité un constat d’échec des transports publics. Dans ces deux villes, la voiture est archi-dominante. La part de marché des TC est très faible, tout comme le R/D, le ratio de la couverture des dépenses par les recettes. Alors, comme un commerçant qui offre ses salades à la fin du marché plutôt que de les jeter, les élus se donnent le beau rôle. Mais cela n’aura aucun impact sur les émissions de polluants et autres nuisances du trafic automobile qui ne faibliront pas. L’expérience l’a mon-tré, ni le faible prix ni la gratuité n’attirent les automobilistes vers les TC si des contraintes ne sont pas mises en place sur la VP (tarification du stationnement ou de la circulation, restric-tions de voirie, priorité au covoiturage…). La gratuité est une solution de facilité qui empêche d’affronter les questions clés de la mobilité urbaine : quelles sont les meilleurs moyens de réduire les nuisances liées à l’automobilité ? comment mettre en place une tarification sociale plus ciblée et plus intelligente que la disparition de la tarification ? comment améliorer le R/D et maintenir les investissements nécessaires ?

Beaucoup de syndicats des transports ont apporté des réponses à ces questions mais ils ne font pas le buzz dans les médias car ils n’entretiennent pas le mythe selon lequel, pour les transports en commun, comme pour l’eau, la gratuité serait la solution uni-verselle. Un mythe qui ne manquera pas de resurgir lors des pro-chaines élections municipales car la démagogie reste une tenta-tion forte.

Yves Crozet est professeur émérite à l’université de Lyon (LAET).

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Transport collectif :

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