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Les toxines urémiques et leur impact sur la pharmacocinétique des médicaments

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Academic year: 2021

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THESE pour le

DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Soutenue publiquement le 3 Juin 2019

Par Sabrine BATTI

Président du jury:

Dr Isabelle Six, Maître de conférences, Pharmacien

Directeur du jury:

Dr Sophie Liabeuf, Maître de conférences, Praticien Hospitalier

Membres du jury:

Dr Sandra Bodeau, Maître de conférences, Praticien Hospitalier

Dr Pauline Caillard, Néphrologue

Thèse N°

UNIVERSITE DE PICARDIE JULES VERNE

UFR DE PHARMACIE

Les toxines urémiques et leur impact sur la

pharmacocinétique des médicaments

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2

Remerciements

Je remercie en premier lieu ma directrice de thèse, Madame Liabeuf, maître de conférences et praticien hospitalier, qui m’a encadrée tout au long de cette thèse, l’a grandement optimisée et a toujours été disponible pour répondre à mes questions.

J’exprime ma gratitude envers Mme Six, maître de conférences et docteur en Pharmacie, pour avoir accepté d’être présidente du jury.

Je remercie également Mme Bodeau, maître de conférences et praticien hospitalier, ainsi que Mme Caillard, néphrologue, qui m’ont fait l’honneur d’être membres du jury.

J’adresse aussi tous mes remerciements à mes enseignants et au personnel de l’université. Je tiens également à remercier l’équipe qui m’a accueillie en stage au service Cardiologie-Rythmologie (A) du CHU d’Amiens.

Je remercie ma famille et mes amis pour leurs encouragements.

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3 Table des matières

PARTIE I : GENERALITES SUR LA MALADIE RENALE CHRONIQUE ... 13

I. Définitions et stades de la maladie rénale chronique ... 13

II. Epidémiologie de la maladie rénale chronique ... 14

III. Complications de la maladie rénale chronique ... 15

IV. Difficultés de prise en charge liées à la maladie rénale chronique... 16

PARTIE II : LES TOXINES UREMIQUES ... 17

I. Introduction ... 17

II. Petites molécules hydrosolubles ... 20

1. Phosphate inorganique ... 20

III. Moyennes molécules ... 21

1. Bêta-2-microglobuline ... 21

2. Parathormone ... 22

IV. Molécules liées aux protéines ... 26

1. Indoxylsulfate ... 26

a. Généralités ... 26

b. Implication de l'indoxylsulfate dans la progression de la MRC ... 27

c. L'IS et son implication dans les complications cardiovasculaires ... 29

PARTIE III: IMPACT DES TOXINES UREMIQUES SUR LA PHARMACOCINETIQUE DES MEDICAMENTS ... 30

I. Introduction ... 30

II. Impact des toxines urémiques sur l'absorption des médicaments ... 33

1. Effet du traitement simultané des cellules Caco-2 par du sérum urémique sur l'absorption de la pravastatine ... 33

2. Effet du traitement des cellules Caco-2 par du sérum urémique et des toxines urémiques sur les niveaux d'expression ARNm des transporteurs intestinaux ... 34

3. Effet du traitement des cellules HepB3 par du sérum urémique et des toxines urémiques sur les niveaux d'expression ARNm des transporteurs hépatiques ... 36

III. Impact des toxines urémiques sur la distribution des médicaments ... 37

1. Etude in vitro sur une lignée cellulaire d'hépatocarcinomes HepG2 ... 37

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b. L'indoxylsulfate augmente l'expression protéique et l'activité de P-gp ... 38

c. L'albumine humaine n'altère pas les effets de l'indoxylsulfate au niveau du foie pendant de longues ou courtes incubations ... 38

2. Etude préclinique sur des modèles de souris atteintes de MRC ... 39

3. Etude clinique de cohorte chez des patients atteints de MRC prenant un traitement par cyclosporine ... 39

IV. Impact des toxines urémiques sur le métabolisme des médicaments ... 40

1. Impact de la progression de la MRC sur les cytochromes ... 40

a. Diminution de l'expression ARNm des CYP3A2 et CYP2C11 ... 41

b. Diminution de l'expression protéique des CYP3A2 et CYP2C11 ... 42

c. Diminution de l'activité des CYP3A2 et CYP2C11... 42

2. Impact de la parathormone sur les CYP450 dans le foie ... 44

3. Impact de l'urémie sur la clairance non rénale des médicaments ... 48

a. Effet de l'IRC sur la pharmacocinétique de fexofénadine et midazolam chez l'Homme ... 49

b. Expression de OATP, P-gp et CYP3A dans les hépatocytes et les entérocytes de rats incubés avec du sérum urémique ... 50

4. Impact des toxines urémiques sur les UGTs et l'activité mitochondriale ... 51

a. Expression et activité des UGTs dans les ciPTEC ... 51

b. Les toxines urémiques diminuent l'activité des UGTs ... 52

c. Métabolisme du p-cresol et impact sur la glucuronidation ... 54

d. Les toxines urémiques inhibent le métabolisme mitochondrial ... 55

5. Impact des toxines urémiques sur les N-acétyltransférases (enzymes catalysant l'acétylation des médicaments) ... 56

a. Effets de l'IRC sur les NATs 1 et 2 ... 57

b. N-acétylation in vitro de l'acide para-aminobenzoïque (PABA) ... 57

c. Effets du sérum urémique sur les niveaux d'expression ARNm et protéique des NATs ... 58

d. Rôle de la PTH dans la régulation négative des gènes codant pour les NATs ... 59

V. Impact des toxines urémiques sur l'élimination des médicaments ... 60

1. Criblage in vitro des solutés urémiques ... 60

a. Identification des inhibiteurs d'OCT2 ... 60

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5

2. Revues d'études cliniques: effet de la MRC sur la sécrétion active de médicaments substrats

d'OCT2 ... 63

PARTIE IV: ADAPTATIONS POSOLOGIQUES DES ANTICOAGULANTS ORAUX DIRECTS CHEZ LES INSUFFISANTS RENAUX ... 65

I. Introduction ... 65

II. Impact de l'insuffisance rénale sur la pharmacocinétique des AOD ... 67

III. Objectifs de l'étude ... 69

IV. Matériels et méthodes ... 69

1. Echantillon ... 69

2. Critères d'inclusion ... 69

3. Choix de la formule de l'évaluation de la fonction rénale ... 70

4. Recueil de données ... 71

5. Recommandations d'adaptations posologiques des AOD chez les patients insuffisants rénaux ... 73

6. Analyse de données ... 73

V. Résultats ... 74

1. Description de l'échantillon ... 74

2. Identification des patients nécessitant des adaptations posologiques et vérification ... 76

3. Mesures prises ... 78

VI. Discussion ... 82

VII. Conclusion ... 84

CONCLUSION GENERALE ... 86

(6)

6 Table des illustrations

Tableau 1: Classification des stades de maladie rénale en fonction du DFGe ... 13

Tableau 2: Petites molécules hydrosolubles ... 18

Tableau 3: Moyennes molécules ... 19

Tableau 4: Molécules liées aux protéines... 19

Tableau 5: Effet du traitement des cellules Caco-2 par du sérum urémique et des toxines urémiques sur les niveaux d’expression ARNm des transporteurs intestinaux... 35

Tableau 6: Valeurs des substrats de CYP450 obtenus dans les microsomes des foies de rats des trois groupes contrôle, insuffisants rénaux modérés et insuffisants rénaux sévères ... 43

Tableau 7: Caractéristiques physiologiques des rats ... 45

Tableau 8: Principales caractéristiques pharmacocinétiques des AOD ... 67

Tableau 9: Recommandations du Vidal des posologies des AOD à adapter au DFGe selon leur indication ... 73

Tableau 10: Nombre de patients sous AOD dans le service. ... 75

Tableau 11: Changements effectués chez les patients sous AOD dans le service ... 75

Tableau 12: Comparaison des posologies des AOD des patients insuffisants rénaux aux recommandations du Vidal ... 77

Tableau 13: Mesures prises par le prescripteur face à l’absence d’adpatation posologique de l’AOD ... 78

Figure 1: Causes de décès des patients atteints de maladie rénale chronique ... 15

Figure 2: Comparaison des causes de décès entre population générale et patients hémodialysés ... 16

Figure 3: Structure moléculaire du phosphate inorganique ... 20

Figure 4: Structure moléculaire de la bêta-2-microglobuline ... 21

Figure 5: Structure moléculaire de la parathormone ... 22

Figure 6: Mécanismes physiopathologiques de l’hyperparathyroïdie secondaire à la MRC ... 25

Figure 7: Concentrations sériques de PCS et d'IS aux différents stades de la MRC ... 26

Figure 8: Structure moléculaire de l’indoxylsulfate ... 27

Figure 9: Néphrotoxicité induite par l’indoxylsulfate ... 28

Figure 10: Mécanismes de la clairance non rénale des médicaments ... 32

Figure 11: Effets de l’incubation simultanée de cellules Caco-2 par 10% de sérum urémique et 50µM de pravastatine ... 34

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Figure 12: Comparaison des niveaux d’expressions ARNm d’OATP2B1 et de MRP2 au niveau de cellules Caco-2 incubées avec du sérum urémique ou du sérum normal ... 35 Figure 13: Effet du traitement des cellules HepB3 par du sérum urémique sur les niveaux d’expression ARNm des transporteurs hépatiques ... 36 Figure 14: Effets de l’indoxylsulfate sur les niveaux ARNm du gène ABCB1 dans les cellules HepG2 ... 38 Figure 15: Expressions ARNm des CYP3A2 et CYP2C11 hépatiques dans les trois groupes de rats contrôle (noir), insuffisants rénaux modérés (rouge) et insuffisants rénaux sévères (bleu) ... 41 Figure 16: Expressions protéiques des CYP3A2 et CYP2C11 hépatiques dans les trois groupes de rats contrôle (rond noir), insuffisants rénaux modérés (carré rouge) et insuffisants rénaux sévères (triangle bleu)... 42 Figure 17: Corrélations entre les Vmax de midazolam et les créatinémies des rats des trois groupes contrôle (rond noir), insuffisants rénaux modérés (carré rouge) et insuffisants rénaux sévères (triangle bleu) ... 44 Figure 18: Effet in vitro de la parathormone (PTH) sur l’expression protéique (en blanc) et ARNm (en noir) des CYP450 dans les cultures d’hépatocytes de rats ... 46 Figure 19: Expressions protéiques des isoformes CYP1A1, 2C11 et 2E1 dans des hépatocytes incubés avec 10-9 M de PTH (en noir) ou non incubés (en blanc) ... 47 Figure 20: Effet in vitro des inhibiteurs de NF-κB sur l’inhibition de l’expression protéique (en blanc) et l’activité (en noir) des CYP3A2 induite par la PTH ... 48 Figure 21: Concentration plasmatique de fexofénadine au cours du temps après administration orale de 120mg chez des patients insuffisants rénaux (ESRD) et des volontaires sains (groupe contrôle CTL) ... 49 Figure 22: Modifications des expressions protéiques des P-gp, Oatp et CYP3A2 au niveau des hépatocytes (A) et des entérocytes (B) de rats incubés avec du sérum urémique ... 50 Figure 23: Impact de toxines urémiques sur la formation de 7-OHC glucuronide au niveau de cellules ciPTEC non exposées (en gris) ou exposées pendant 48h à 1mM (en blanc) et à 2mM (en noir) de toxines urémiques ... 53 Figure 24 : Impact des toxines urémiques sur l’expression protéique des UGT1A et UGT2B au niveau de cellules ciPTEC non exposées (en gris) ou exposées pendant 48h à 1mM (en blanc) et à 2mM (en noir) de toxines urémiques ... 54

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Figure 25: Glucuronidation de 7-hydroxycoumarine au niveau de cellules exposées pendant 48h au milieu des ciPTEC (en gris), à 1mM (en blanc) ou à 2mM (en noir) de p-cresol ou de ses métabolites ... 55 Figure 26: Détermination de l’expression ARNm (B) et protéique (A) des NAT1 et NAT2 chez les rats insuffisants rénaux (en noir) comparativement au groupe contrôle (en blanc) ... 57 Figure 27: Impact du sérum urémique sur l’expression protéique (A) et ARNm (B) des NATs chez les rats insuffisants rénaux (en noir) par rapport au groupe contrôle (en blanc) ... 58 Figure 28: Effet in vivo de la PTH sur l’expression protéique (en blanc) et ARNm (en noir) des Nat1 ... 59 Figure 29: Résultats du criblage in vitro des 72 solutés urémiques ... 61 Figure 30: Effets des inhibiteurs urémiques d’OCT2 sur l’absorption de la metformine ... 62 Figure 31: Ratio Clsec / GFR normalisé de six médicaments substrats d’OCT2 éliminés par

voie rénale chez des patients avec une MRC de stades 2, 3 ou 4 ... 64 Figure 32: DFGe des 32 patients insuffisants rénaux sous AOD ... 79 Figure 33: Adaptations posologiques des AOD chez 24 patients insuffisants rénaux à leur entrée d’hospitalisation ... 80 Figure 34: Adaptations posologiques des AOD chez 30 patients insuffisants rénaux au cours de l’hospitalisation ... 81 Figure 35: Adaptations posologiques des AOD chez 26 patients insuffisants rénaux à la sortie d'hospitalisation ... 82

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9 Liste des abréviations

AIT: accident ischémique transitoire AhR: récepteur aryl hydrocarbone

ANSM: Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de Santé AOD: anticoagulants oraux directs

ARN: acide ribonucléique

ARNm: acide ribonucléique messager ASC: aire sous la courbe

AST-120: adsorbant oral

ATPase: adénosine triphosphatase AVC: accident vasculaire cérébral AVK: anti-vitamines K

β2-m: bêta 2-microglobuline BHE: barrière hémato-encéphalique

Caco-2: cellules d'adénocarcinome du côlon humain 2

CaSR: calcium-sensing receptor: récepteur sensible au calcium CCP ou PPSB: concentré de complexe prothrombinique

ciPTEC: proximal tubular epithelial cell line: cellules épithéliales humaines des tubules proximaux

CKD: Chronic Kidney Disease: maladie rénale chronique

CKD-EPI: Chronic Kidney Disease - Epidemiology Collaboration

CL/F: apparent total clearance after oral administration: clairance totale après administration orale

Clsec: clairance sécrétoire

Cmax: concentration maximale

CMLVs: cellules musculaires lisses vasculaires

CMPF: acide 3-carboxy-4-méthyl-5-propyl-2-furanpropanoïque CRF: chronic renal failure: dégradation rénale chronique

CTX: C-terminal telopeptide CYP: Cytochrome

DFG: débit de filtration glomérulaire

DFGe: débit de filtration glomérulaire estimé EP: embolie pulmonaire

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ERK1/2: extracellular signal-regulated kinases ½ ERO: espèces réactives de l’oxygène

ETEV: évènements thromboemboliques veineux ET-1: endothéline-1

EUtox: European Uremic Toxin Work Group FA: fibrillation auriculaire ou atriale

FANV: fibrillation atriale non valvulaire FAV: fibrillation atriale valvulaire

FGF-23: fibroblast growth factor 23: facteur de croissance fibroblastique 23

FGFR1: fibroblast growth factor receptor 1: récepteur 1 du facteur de croissance fibroblastique

GFR: glomerular filtration rate: débit de filtration glomérulaire GSSG: glutathione disulfide

HA: hippuric acid: acide hippurique HAS: Haute Autorité de Santé

HBPM: héparines de bas poids moléculaire H202:peroxyde d’hydrogène

HepG2: hepatoma cells: hépatomes Hep3B: hépatocytes 3B

HLA: human leukocyte antigen: antigène des leucocytes humains HOCl: acide hypochloreux

HPO42- : phosphate inorganique hr: heure

IC: insuffisance cardiaque

ICAM: intercellular adhesion molecule: molécule d’adhésion intercellulaire

ICAR : International Committee for Animal Recording: Comité international d’enregistrement animal

IC50 : inhibitory concentration: concentration inhibitrice 50

IDMS: isotope dilution mass spectrometry IL-6: interleukine-6

IMC: indice de masse corporelle

INR: International Normalized Ratio: ratio international normalisé Inserm: Institut national de la santé et de la recherche médicale IRC: insuffisance rénale chronique

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IRCT: insuffisance rénale chronique terminale IRTT: insuffisance rénale terminale traitée IS: indoxylsulfate

I3A: indole-3-acetic acid: acide indole-3-acétique

[I]u: concentration plasmatique d’une toxine urémique libre KA: kynurenic acid: acide kynurénique

M: milieu

MAPK: mitogen activated protein kinase MATE: multidrug and toxin extrusion

MCP: monocyte chemotactic proteins: protéines chimiotactiques des monocytes

MDRD: Modification of diet in renal disease: modification du régime dans la maladie rénale Mix: uremic toxin mix: mélange de toxines urémiques

mmol /L ou mM: millimoles par Litre µg/mL: microgrammes par millitres MRC: maladie rénale chronique

MRP: multi-drug resistance associated-protein

MTT: 3-[4,5-dimethylthiazol2-yl]-2,5-diphenyl tetrazolium bromide NACO: nouveaux anticoagulants oraux

NAD+: nicotinamide adenine dinucleotide

NADH: nicotinamide adenine dinucleotide hydrogénase

NADPH: nicotinamide adenine dinucleotide phosphate hydrogénase NAT: N-acétyltransférases

NF-κB: nuclear factor-kappa B NFS: numération formule sanguine NO: monoxyde d’azote

NO-: oxyde nitrique

Nox: nicotinamide adénine dinucléotide phosphate-oxydase O2-: anions superoxydes

OAT: organic anion transporter: transporteur d’anion organique

OATP: organic anion transporter polypeptide: polypeptide transporteur d’anion organique OCT: organic cation transporter: transporteur de cation organique

OH: hydroxy-

OH-: radicaux hydroxyles ONOO-: peroxinitrite

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Ox: oxalate

OXPHOS: oxidative phosphorylation system: système de phosphorylation oxydative PA: pression artérielle

PABA: para-aminobenzoic acid: acide para-aminobenzoïque PAI: plasminogen activator inhibitor

PC: p-cresol

PCS: p-cresyl sulfate

PCG: p-cresylsulfate glucuronide P-gp: P-glycoprotéine

PHA: phenylacetic acid: acide phénylacétique PHG: phenyl glucuronide

PHS: phenyl sulfate

PINP: Procollagen type I N-terminal propeptide Pmh: par million d'habitants

PRV: pravastatine PTH: parathormone

PTX: parathyroidectomy: parathyroïdectomie Pu: putrescine

QA: quinolinic acid: acide quinolinique R123: Rhodamine 123

SHU: syndrome hémolytique et urémique siARN: small interfering ARN

TCDD: 2, 3, 7, 8-tetrachlorodibenzo-p-dioxine

TGF- β: transforming growth factor-bêta: facteur de croissance transformant bêta TIMP: tissue inhibitor of metalloproteinase: inhibiteur tissulaire de métalloprotéinase Tmax: temps maximal

TNF-α: tumor necrosis factor alpha: facteur de nécrose tumoral alpha TVP: thrombose veineuse profonde

UGT: UDP-glycosyltransférases VG: ventricule gauche

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13 PARTIE I : GENERALITES SUR LA MALADIE RENALE CHRONIQUE

I. Définitions et stades de la maladie rénale chronique

La maladie rénale chronique (MRC), ou insuffisance rénale chronique (IRC), est une réduction de la capacité fonctionnelle des reins qui ne filtrent plus correctement le sang de l'organisme (1). Ainsi, l’IRC est définie comme un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) inférieur à 60 mL/min/1,73m². La diminution de la filtration glomérulaire entraîne l’accumulation des molécules circulant au niveau sanguin, telles que les toxines urémiques. Le stade de maladie rénale chronique est défini à partir du DFGe et de la présence de marqueurs d’atteinte rénale (Tableau 1). Le suivi des patients à la fois par un médecin généraliste et un néphrologue est recommandé à partir du stade 3 (2).

Tableau 1 : Classification des stades de maladie rénale en fonction du DFGe (2)

Stade DFGe (mL/min/173m2) Définition

1 ≥ 90 Maladie rénale chronique* avec DFG normal ou augmenté

2 Entre 60 et 89 Maladie rénale chronique* avec DFG légèrement diminué

3 Stade 3A : entre 45 et 59

Insuffisance rénale chronique modérée Stade 3B : entre 30 et 44

4 Entre 15 et 29 Insuffisance rénale chronique sévère

5 < 15 Insuffisance rénale chronique terminale

* avec marqueurs d’atteinte rénale: albuminurie, hématurie, leucocyturie, ou anomalies morphologiques ou histologiques, ou marqueurs de dysfonction tubulaire, persistant plus de trois mois (deux ou trois examens consécutifs).

(14)

14 II. Epidémiologie de la maladie rénale chronique

La prévalence de la MRC est de 3300 cas par million d'habitants (pmh) (3). En effet, la Haute Autorité de Santé (HAS) (4) a évalué la prévalence de MRC en France à 10% de la population adulte avec 3 millions de personnes atteintes.

L’hypertension artérielle et le diabète sont des facteurs de risque importants de la MRC et de sa progression puisqu’ils sont responsables d’un cas sur deux des stades terminaux.

L’Agence de Biomédecine édite un rapport REIN annuel (5) sur l’épidémiologie de l’insuffisance rénale terminale traitée (IRTT). L’incidence de l’IRTT en France est de 165 pmh par an dont 158 pmh dialysés et 7 pmh transplantés (5). Par exemple, au cours de l’année 2016, on a compté 11 029 nouveaux patients avec une IRTT. En 2016, 3 615 greffes rénales ont été effectuées en France, dont 16 % à partir d’un donneur vivant; 439 (12 %) étaient des greffes préemptives chez des non dialysés, 16 % étaient des retransplantations. Au cours de la même année, la moitié des cas incidents était âgée de plus de 70,7 ans, avec souvent des comorbidités associées dont la fréquence augmentait avec l’âge. Ces comorbidités comprennent notamment des complications cardiovasculaires (60 % des cas incidents) et le diabète (46 %).

La prévalence de l’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT) est de 1262 pmh/an avec un total de 84 683 patients au stade terminal de la maladie. La prévalence standardisée sur l'âge et le sexe est de 44 pmh pour la dialyse péritonéale, de 654 pmh pour l’hémodialyse et de 563 pmh pour la greffe. La technique de dialyse la plus largement utilisée est l’hémodialyse (93,7%). Il existait de nettes disparités régionales dans le recours aux différentes modalités d’hémodialyse.

Le taux de mortalité annuel est de 10,4%. Les patients dialysés ont un taux de mortalité nettement supérieur à celui des patients ayant subi une transplantation rénale. Entre 60 et 69 ans, 125 patients dialysés sur 1 000 sont décédés au cours de l’année 2016, contre 26 sur 1000 patients transplantés du même âge.

(15)

15 III. Complications de la maladie rénale chronique

La MRC peut avoir plusieurs complications: une anémie par carence en érythropoïétine, une immunodéficience, des complications digestives (lésions des muqueuses gastroduodénales), des hépatites virales, des polynévrites exceptionnelles, une malnutrition surtout protidique (fréquente chez les patients dialysés), une insulinorésistance périphérique, des perturbations électrolytiques et des anomalies endocriniennes (6). On rencontre aussi des complications du métabolisme minéral et osseux ainsi que des complications cardiovasculaires.

Les causes de décès des patients atteints de MRC sont majoritairement cardiovasculaires dans les pays développés (Figure 1). Par rapport à la population générale, les décès d’origine coronarienne sont moins importants chez les patients hémodialysés (Figure 2).

(16)

16 Figure 2 : Comparaison des causes de décès entre population générale et patients

hémodialysés (8,9)

Pour expliquer l’augmentation du risque cardiovasculaire dans la MRC, les facteurs de risques traditionnels comme le sexe, l’âge (plus de 65 ans), le tabac, l’hypercholestérolémie, le diabète, l’hypertension artérielle et l’hypertrophie ventriculaire gauche sont associés à des facteurs dits non traditionnels comme les toxines urémiques (10).

Un chapitre spécifique dans ce manuscrit sera consacré à ces molécules qui s’accumulent avec la progression de la MRC.

IV. Difficultés de prise en charge liés à la maladie rénale chronique

La prise en charge des patients atteints de MRC peut s’avérer compliquée en raison de la nécessité de combiner plusieurs exigences à la fois préventives, thérapeutiques et pharmacologiques. Il faut à la fois traiter la MRC (avec un traitement de suppléance indispensable au stade terminal), prévenir ses complications, traiter les complications existantes (notamment l’hyperparathyroïdie secondaire), traiter les maladies associées et adapter les doses des médicaments, en raison de la modification de leurs pharmacocinétiques par la dégradation de la fonction rénale et l’accumulation des toxines urémiques (2).

Cette thèse présentera un chapitre sur les toxines urémiques, un chapitre détaillant l’impact de l’accumulation des toxines urémiques sur la pharmacocinétique des médicaments et un autre présentera un exemple d’adaptation des posologies des médicaments chez des patients avec une MRC.

(17)

17 PARTIE II : LES TOXINES UREMIQUES

I. Introduction

Parmi les désordres retrouvés dans la MRC, il faut souligner l’accumulation de bon nombre de molécules, métabolites toxiques, appelés toxines urémiques. Selon le consortium EUtox (European Uremic Toxin Work Group), les pré-requis à l’identification d’une toxine urémique sont (11-12) :

- La toxine doit être identifiée et caractérisée chimiquement;

- Une analyse quantitative est possible dans les fluides biologiques;

- La concentration de cette toxine est élevée dans ces fluides chez des animaux ou sujets urémiques;

- Il existe une relation entre la concentration de la toxine dans les fluides biologiques et l’ampleur de la manifestation du syndrome urémique;

- Une diminution de la concentration de la toxine dans les fluides biologiques entraîne une amélioration des manifestations du syndrome urémique;

- L’administration de la toxine à des concentrations similaires à celles observées dans le syndrome urémique entraîne des manifestations urémiques chez des sujets sains (animaux ou êtres humains).

Cette définition a permis l’identification de 146 toxines urémiques que l’on peut différencier en fonction de leur taille et de leur capacité à se lier aux protéines plasmatiques (13).

Les toxines urémiques sont classées selon la facilité avec laquelle elles sont épurées lors des dialyses (14). On en retient généralement 3 catégories: les petites molécules hydrosolubles de poids moléculaire inférieur à 500 dalton, les molécules liées aux protéines et les molécules de poids moléculaire moyen (compris entre 500 et 60 000 dalton) (15).

Les petites molécules hydrosolubles (tableau 2) comprennent entre autre l’urée, la créatinine, l’acide urique, la guanidine et l’oxalate. Les moyennes molécules (tableau 3) sont constituées de la parathormone (PTH), la β2-microglobuline (β2m), le facteur 23 de croissance du fibroblaste (FGF-23), l’interleukine-6 (IL-6) et le facteur de nécrose tumorale (TNF-α). Les molécules liées aux protéines (tableau 4) sont notamment l’indoxylsulfate (IS), le p-cresylsulfate (PCS), l’acide indole-3 acétique, l’acide

(18)

3-carboxy-4-méthyl-5-propyl-2-18

furanpropanoïque (CPMF), l’homocystéine et la kynurénine (14). Un exemple de chacune des classes sera pris dans la suite de ce document.

(19)

19 Tableau 3 : Moyennes molécules (16)

(20)

20 II. Petites molécules hydrosolubles

1. Phosphate inorganique

Le phosphate inorganique HPO42-, de structure moléculaire connue (figure 3), provient du

phosphore apporté par l’alimentation. Il est absorbé par les intestins, puis stocké au niveau des os et des tissus mous au sein desquels il contribue à la phosphorylation et à l’information hormonale. Les globules rouges renferment une forte teneur en phosphate tandis que la concentration de phosphate plasmatique circulant est normalement faible (17).

Figure 3 : Structure moléculaire du phosphate inorganique (18)

Les valeurs usuelles de phosphatémie chez l’adulte sont comprises entre 0,80 et 1,40 mmol/L soit entre 25 et 45 mg/L (19).

La phosphatémie doit être dosée à jeun le matin pour que les résultats obtenus puissent être interprétables. Effectivement, la phosphatémie est soumise aux variations postprandiales et nycthémérales. Le sang prélevé doit être centrifugé sans délai et le dosage doit se faire dans les deux heures qui suivent le prélèvement (17).

La totalité de phosphate inorganique absorbé par l’intestin est éliminé par les reins dans les urines. Le phosphate inorganique peut être toutefois réabsorbé par les tubules rénaux et cette réabsorption est régulée par la parathormone (17).

(21)

21

Le phosphate peut entraîner une action vasoconstrictrice concentration-dépendante et une baisse de relaxation vasculaire en réponse à l’acétylcholine. Le phosphate inorganique semble être l’un des principaux facteurs de régulation des calcifications vasculaires (de l’intima et de la média) et donc un facteur de risque majeur dans la morbidité cardiovasculaire ainsi que dans des complications comme la formation de la plaque d’athérome, l’infarctus du myocarde, les atteintes coronaires et les épisodes d’ischémie dans les maladies vasculaires périphériques (20).

III. Moyennes molécules

1. Bêta-2-microglobuline

La β2-microglobuline (β2m) est un polypeptide de structure connue (figure 4) et de poids moléculaire de 11 800 daltons. Cette toxine urémique est produite par les lymphocytes T et B qui sont des cellules nucléées. Elle est présente dans l’organisme sous deux formes : une forme libre et une forme liée à la membrane des cellules nucléées où elle fait partie intégrante de la chaîne légère des molécules HLA de classe I. Il s’agit donc d’une molécule impliquée dans les défenses immunitaires de l’organisme. Ses valeurs usuelles sont comprises entre 1,1 et 2,4 mg/L dans le sang. Elle circule dans de nombreux liquides biologiques, est filtrée par les glomérules rénaux puis réabsorbée par les tubules (21).

(22)

22

La β2-m n’est pas épurée par l’hémodialyse (23).

Cette toxine urémique est impliquée dans l’amyloïdose systémique qui correspond à des dépôts protéiques importants sous forme de fibrilles dont le composant principal est la bêta-2-microglobuline. Ces dépôts de β2-m vont entraîner des syndromes du canal carpien, des ténosynovites des doigts et des tendons de l’épaule chez les patients dialysés au long cours (12). Il a été montré que des concentrations élevées de β2-m étaient associées à une augmentation de la mortalité et des évènements cardiovasculaires dans une cohorte de patients à différents stades de la maladie (24).

2. Parathormone

La parathormone (PTH) est une toxine urémique de poids moléculaire moyen (9500 daltons) et de structure connue (figure 5). Il s’agit également d’une hormone peptidique sécrétée principalement par les glandes parathyroïdes mais également par le thymus, l’hypothalamus et les ovaires. Elle est constituée de 84 acides aminés. La PTH existe sous deux formes: la PTH 1-84 et la PTH 7-84. La PTH 7-84 est obtenue par clivage de la PTH 1-84 par des cathepsines au niveau des glandes parathyroïdiennes (25).

(23)

23

La PTH régule avec la vitamine D le métabolisme phosphocalcique. La PTH a une action hypercalcémiante et hypophosphorémiante, tout en stimulant le remodelage osseux (27).

La synthèse de PTH permet en principe de rétablir une calcémie, une phosphatémie et une calcitriolémie normale. Mais au fur et à mesure que l’insuffisance rénale va progresser, la régulation de synthèse de PTH va s’avérer de moins en moins efficace. Cela s’explique par la baisse du nombre de récepteurs sensibles au calcium et au calcitriol mais aussi par l’hyperplasie des cellules parathyroïdiennes ce qui aboutit à une synthèse excessive et inappropriée de PTH. Ceci va être à l’origine de nombreuses complications notamment osseuses et cardiovasculaires. C’est pour cette raison que des traitements ont été développés afin de limiter cette hyperparathyroïdie.

Comme le montre la figure 6 (28), différents facteurs sont responsables de l’hyperparathyroïdie secondaire à la MRC.

Le plus précoce de ces facteurs est la rétention de phosphate qui est due à la réduction de la masse des néphrons.

Au cours de la MRC, on observe également une augmentation précoce de la concentration sérique de FGF-23 (fibroblast growth factor 23) corrélée positivement à la diminution de la filtration glomérulaire. La sécrétion accrue de FGF-23 par l’os entraîne une augmentation de l’excrétion urinaire du phosphate par les néphrons restants, ce qui est explique que la phosphatémie soit normale au début de la MRC. FGF-23 exercerait aussi une action inhibitrice sur la synthèse de PTH par les glandes parathyroïdes (rétrocontrôle négatif). De plus, FGF-23 est en partie responsable de la diminution de la concentration sérique du calcitriol par l’inhibition de la 1-alpha-hydroxylase (qui le synthétise) et la stimulation de la 25-hydroxy-vitamine D-24-hydroxylase (qui l’inactive).

Cependant, la diminution de la synthèse rénale de calcitriol est principalement due à la réduction de la masse néphronique. Les principales conséquences délétères de la réduction de la calcitriolémie sont la diminution de l’absorption intestinale de calcium ainsi que des effets génomiques freinateurs du calcitriol sur la synthèse de PTH par les glandes parathyroïdes.

(24)

24

A mesure que la rétention de phosphate progresse, la phosphatémie augmente. Les concentrations intracellulaires de phosphate sont alors plus élevées dans les cellules parathyroïdiennes et les cellules rénales. Dans les cellules parathyroïdiennes, le phosphate entraîne une augmentation de la durée de vie des ARNm de la PTH, une diminution de l’expression du récepteur sensible au calcium (CaSR) et une augmentation de la prolifération des cellules, ce qui entretient l’hyperparathyroïdie secondaire. Au niveau des cellules rénales, le phosphate diminue l’efficacité de la 1-alpha-hydroxylase, ce qui creuse la carence en calcitriol.

Au cours de la MRC, s’installe une hypocalcémie en raison de la diminution de la réabsorption tubulaire rénale et de l’absorption intestinale de calcium. L’hypocalcémie stimule directement la synthèse des ARNm de la PTH ainsi que sa sécrétion par inactivation des récepteurs sensibles au calcium (CaSR) des cellules parathyroïdiennes.

Lorsque l’insuffisance rénale est avancée, on observe une perte des récepteurs impliqués dans la régulation du métabolisme phospho-calcique. En effet, les expressions des récepteurs du calcium (CaSR), de la vitamine D (VDR), du FGF-23 (FGFR1) et de son co-récepteur Klotho diminuent progressivement au niveau des glandes parathyroïdes, ce qui modifie la prolifération de leurs cellules au cours de la MRC. Au fur et mesure que les expressions de ces récepteurs décroissent, des lésions parathyroïdiennes évoluent: on a d’abord une hyperplasie diffuse, puis une hyperplasie nodulaire et enfin des adénomes autonomisés.

(25)

25 Figure 6: Mécanismes physiopathologiques de l’hyperparathyroïdie secondaire à la

MRC (28)

CaSR: calcium-sensing receptor: récepteur sensible au calcium

FGF23: fibroblast growth factor 23: facteur de croissance fibroblastique 23 FGFR1: fibroblast growth factor receptor 1: récepteur de type 1 du FGF-23 PTH: parathormon: parathormone

Les lignes discontinues reflètent, au cours de l’insuffisance rénale chronique la perte de rétrocontrôle négatif du FGF23 sur la sécrétion de PTH du fait de la perte des récepteurs FGFR1 par la glande parathyroïde et la diminution de la freination de la PTH par la vitamine D du fait de la diminution de la synthèse de calcitriol par le rein et de la perte du récepteur de la vitamine D par la glande parathyroïde.

(26)

26 IV. Molécules liées aux protéines

Les toxines urémiques liées aux protéines forment des liaisons non covalentes aux protéines (16). La figure 7 montre l’augmentation des concentrations plasmatiques en microgrammes par millitres (µg/mL) de deux toxines urémiques liées aux protéines (le p-cresylsulfate (PCS) et l’indoxylsulfate (IS)) au cours de la progression de la MRC.

CKD : Chronic Kidney Disease

Figure 7: Concentrations sériques de PCS et d'IS aux différents stades de MRC (29)

1. Indoxylsulfate

a. Généralités

L’indoxylsulfate (IS) est une molécule de structure connue (figure 8) fortement liée aux protéines plasmatiques. En effet, dans le sérum, 90% de l’IS est lié à l’albumine. La protéine diététique dérivée du tryptophane est métabolisée en indole par la tryptophanase des bactéries intestinales telles qu’Escherichia coli.

(27)

27

L’indole ainsi synthétisé dans les intestins est ensuite transporté dans le sang pour être relargué dans le foie où il est métabolisé en indoxylsulfate. L’excrétion de l’indoxylsulfate se fait dans les urines. Puis, l’excrétion urinaire d’IS se fait surtout par la sécrétion tubulaire et seulement secondairement par la filtration glomérulaire (30). Son élimination par dialyse est considérée comme l’une des plus difficiles bien que l’indoxylsulfate soit une petite molécule. C’est sa liaison aux protéines qui rend cette élimination par dialyse très difficile.

Figure _8: Structure moléculaire de l’indoxylsulfate (31)

b. Indoxylsulfate et néphrotoxicité

Comme représenté sur la figure 9, l’indoxylsulfate est capté au niveau des cellules tubulaires rénales grâce aux transporteurs OAT3 (organic anion transporter 3) et OAT1 (organic anion transporter 1) (30). Cette capture cellulaire d’IS entraîne la production de radicaux libres tels que les superoxydes en activant la Nox4 (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate-oxydase 4). Ces radicaux libres activent le facteur NF-κB (nuclear factor-kappa B) qui stimule l’expression de PAI-1 (plasminogen activator inhibitor 1).

(28)

28

Ainsi, l’IS est responsable d’une altération des systèmes antioxydatifs rénaux, provoquant des lésions des cellules tubulaires. Ces dernières produisent le facteur TGF- β1 (transforming growth factor-bêta 1), des myofibroblastes et des chimiokines avec notamment l’ICAM-1 (intercellular adhesion molecule-1), le MCP-1 (monocyte chemotactic proteins 1), l’ostéopontine et l’ET-1 (endothéline-1). Les molécules produites par les cellules tubulaires lésées interagissent entre elles ainsi qu’avec le collagène et le TIMP-1 (tissue inhibitor of metalloproteinase) pour entraîner une fibrose interstitielle. Le collagène et le TIMP-1 sont stimulés par TGF- β1.

Au niveau clinique, une étude (32) réalisée sur 25 patients urémiques non dialysés chez qui on a administré de l’AST-120, un adsorbant oral de l’indole, à une dose de 6g par jour pendant 6 mois a montré une baisse considérable du taux d’IS et une tendance à la réduction de la pente de progression de l’insuffisance rénale.

(29)

29 c. L’IS et son implication dans les complications cardiovasculaires de l’IRC

L’IS induit un stress oxydatif: production excessive d’espèces réactives de l’oxygène (ERO), incluant les radicaux libres comme anions superoxydes (O2-), radicaux hydroxyles (OH-),

l’oxyde nitrique (NO-) et les radicaux non libres comme le peroxyde d’hydrogène (H

202) le

peroxinitrite (ONOO-) et l’acide hypochloreux (HOCl). Les ERO interviennent largement dans l’athérosclérose. L’activation de la NADPH oxydase et la respiration mitochondriale sont connues pour être responsables de la synthèse d’ERO. Ce sont les mécanismes par lequel l’IS induit une dysfonction endothéliale. De plus, L’IS diminue la production de monoxyde d’azote (NO) qui est une substance vasodilatatrice (33).

L’IS inhibe la réparation des cellules endothéliales et stimule la prolifération des cellules musculaires lisses vasculaires (CMLVs), ce qui accélère la progression de l’athérosclérose. La prolifération des CMLVs dépend de la concentration d’IS: le mécanisme mis en jeu pourrait être l’activation de p44/42 MAPK (mitogen activated protein kinase) aussi appelée ERK1/2 (extracellular signal-regulated kinases ½) (34).

Dans une cohorte de patients à différents stades de la MRC (35), Barreto et al. ont démontré une association entre les concentrations élevées d’IS et les calcifications vasculaires. De plus, l’IS semble être associé à un risque accru de mortalité dans cette étude. L’étude de Yoshitani et al. en 2002, portant sur 204 patients, a montré qu’une concentration élevée d’IS était corrélée à la survenue d’une dysfonction diastolique du ventricule gauche, pouvant être à l’origine d’une hypertrophie ventriculaire gauche (36).

(30)

30 PARTIE III : IMPACT DES TOXINES UREMIQUES SUR LA PHARMACO-CINETIQUE DES MEDICAMENTS

I. Introduction

Les toxines urémiques, accumulées lors d’une insuffisance rénale chronique (IRC), peuvent affecter toutes les étapes de la pharmacocinétique des médicaments. L’article «Pharmacocinétique des médicaments en insuffisance rénale» de Naud et al. (37) en 2015 résume ces modifications.

Effectivement, elles peuvent augmenter la fraction absorbée et la biodisponibilité de certains médicaments en diminuant l’activité des transporteurs d’efflux P-glycoprotéines (P-gp).

Les toxines urémiques peuvent également perturber le métabolisme des médicaments en réduisant l’expression et l’activité des cytochromes.

La distribution des médicaments dépend de leur liaison aux protéines plasmatiques. Or, l’urémie causée par l’IRC entraîne une carbamylation des protéines, ce qui réduit l’affinité de l’albumine pour les médicaments acides. D’autres toxines urémiques se lient à l’albumine sur les mêmes sites de liaison que des médicaments, il peut être envisagé une compétition entre toxines urémiques et médicament. De plus, certains médicaments doivent effectuer un passage à travers la barrière hémato-encéphalique (BHE). Mais la compétition entre des toxines urémiques et le médicament au niveau de l’import cérébral est susceptible de réduire la perméabilité du médicament à la BHE. Quant à l’import hépatique des médicaments effectué par les transporteurs d’influx OATP (organic anion transporter polypeptides), il peut être altéré par les toxines urémiques qui inhibent l’expression fonctionnelle de ces transporteurs. Au niveau des hépatocytes, les biotransformations des médicaments par les enzymes de phase I (cytochromes) et les enzymes de phase II: les UGTs (UDP-glycosyltransférases) et les NATs (N-acétyltransférases) peuvent être impactées par les toxines urémiques, qui inhibent leurs expressions et leurs activités.

Enfin, les toxines urémiques peuvent avoir des effets sur l’excrétion biliaire des médicaments en inhibant encore une fois l’activité des transporteurs d’efflux P-gp (P-glycoprotéines) et MRP (multi-drug resistance associated-protein) (37).

(31)

31

La figure 10 présente la circulation entéro-hépatique des médicaments, au cours de laquelle les OATP, les P-gp et les CYP3A agissent de manière synchronisée. Après administration orale, le médicament passe au niveau de la lumière intestinale. Au contact des entérocytes, il peut soit diffuser passivement, soit être transporté de manière active à travers la membrane apicale, grâce aux OATP1A2, à l’intérieur de l’entérocyte. C’est là que le médicament peut être métabolisé par des CYP3A. Puis, le médicament et/ou son métabolite peut retourner dans la lumière intestinale à travers la membrane apicale par le biais des P-gp afin d’être excrété dans les selles ou de subir à nouveau une métabolisation. Mais le médicament est plus souvent transféré des entérocytes vers la circulation portale à travers la membrane basolatérale. Une fois dans la circulation portale, le médicament et/ou son métabolite peut soit diffuser, soit être absorbé activement par l’hépatocyte via OATP1B1/1B3 à travers la membrane basolatérale (sinusoïdale). A l’intérieur de l’hépatocyte, le médicament est métabolisé à nouveau par des CYP3A.

Ensuite, on a une diffusion, ou bien un efflux du médicament par l’intermédiaire des P-gp à travers la membrane apicale (canaliculaire) vers l’intérieur de la bile, en vue de son excrétion. Dans la suite de ce chapitre, une sélection de travaux scientifiques sera résumée, portant sur l’impact des toxines urémiques sur différentes étapes de la pharmacocinétique des médicaments.

(32)

32 Figure 10: Mécanismes de la clairance non rénale des médicaments (38)

(33)

33 II. Impact des toxines urémiques sur l’absorption des médicaments

Il a été montré que la clairance non rénale de la pravastatine (PRV) diminue considérablement lors d’une IRC terminale, ce qui pourrait accroître le risque de survenue d’effets indésirables comme la rhabdomyolyse. L’OATP2B1 (organic anion transporter polypetide 2B1) est impliqué dans l’influx intestinal de la pravastatine tandis que l’OATP1B1 joue un rôle dans son influx hépatique. Quant à MRP2 (multidrug resistant protein 2), il contribue à la sécrétion intestinale et biliaire de la pravastatine. L’objectif de l’étude de Tsijumoto et al. (39) en 2012 était d’évaluer l’influence des toxines urémiques sur les mécanismes de transport de la pravastatine, afin de mieux comprendre la diminution de sa clairance non rénale induite par l’IRC. Ils ont utilisé des modèles d’entérocytes (Caco-2: cellules d'adénocarcinome du côlon humain 2) et des modèles d’hépatocytes (Hep3B). L’utilisation des Caco-2 et des HepB3 s’explique par le fait que l’absorption intestinale et hépatique de la pravastatine soit effectuée par des transporteurs OATP exprimés à la surface des entérocytes et des hépatocytes (40). Les toxines urémiques sélectionnées sont l’acide 3-carboxy-4-méthyl-5-propyl-2-furanpropanoïque (CMPF), l’acide hippurique, l’acide indol-3-acétique, le 3-indoxyl sulfate et le p-cresol.

1. Effet du traitement simultané des cellules Caco-2 par du sérum urémique sur l’absorption de la pravastatine

Le traitement simultané des cellules Caco-2 (modèles d’entérocytes) par 10% de sérum urémique se répercute par une augmentation de 10% de l’absorption de pravastatine (PRV) et par la réduction significative de sa constante d’élimination k2 (Figure 11).

(34)

34

*P < 0.05 et **P < 0.01

Figure 11: Effets de l’incubation simultanée de cellules Caco-2 par 10% de sérum urémique et 50µM de pravastatine (39)

K1: clairance d’influx

k2: constante d’élimination

PRV: pravastatine

Xt:absorption par équilibre instantané

2. Effet du traitement des cellules Caco-2 par du sérum urémique et des toxines urémiques sur les niveaux d’expression ARNm des transporteurs intestinaux

Le traitement des cellules Caco-2 par du sérum urémique n’a pas d’effet significatif sur l’expression ARNm (acide ribonucléique messager) d’OATP2B1. En revanche, l’expression ARNm de MRP2 est significativement diminuée par le sérum urémique (Figure 12).

(35)

35

*P < 0.05 and **P < 0.01

Figure 12 : Comparaison des niveaux d’expressions ARNm d’OATP2B1 et de MRP2 au niveau de cellules Caco-2 incubées avec du sérum urémique ou du sérum normal (39)

Le mélange de quatre toxines urémiques (le CMPF, l’acide hippurique, l’acide indol-3-acétique et le 3-indoxyl sulfate) réduit significativement l’expression ARNm d’OATP2B1 et de MRP2. Mais chacune de ces toxines urémiques, prise une à une, n’a que des effets légers

(Tableau 5).

Tableau 5: Effet du traitement des cellules Caco-2 par du sérum urémique et des toxines urémiques sur les niveaux d’expression ARNm des transporteurs intestinaux

(36)

36

Le traitement par du sérum urémique des cellules HepB3 (modèles d’hépatocytes) n’a pas eu d’impact significatif sur l’absorption initiale de la pravastatine.

3. Effet du traitement des cellules HepB3 par du sérum urémique et des toxines urémiques sur les niveaux d’expression ARNm des transporteurs hépatiques

La figure 13 montre qu’après un traitement par du sérum urémique sur des cellules hépatiques, l’expression ARNm d’OATP1B1 et d’OATP2B1diminue significativement, alors qu’au contraire, l’expression ARNm de MRP2 augmente.

*P < 0.05 and **P < 0.01

Figure 13 : Effet du traitement des cellules HepB3 par du sérum urémique sur les niveaux d’expression ARNm des transporteurs hépatiques (39)

En conclusion, l’étude de Tsijumoto et al. a permis d’expliquer une partie des mécanismes par lesquels la clairance non rénale de la pravastatine diminue lors de l’IRC terminale.

(37)

37 III. Impact des toxines urémiques sur la distribution des médicaments

La distribution tissulaire des médicaments est contrôlée par deux processus essentiels: leur biotransformation et leur transport à travers les membranes plasmiques. Comment un environnement urémique peut-il modifier ces processus ? L’étude de Machado et al. en mars 2018 (41) visait à déterminer si l’indoxylsulfate (IS) pouvait modifier l’expression de transporteurs hépatiques des médicaments et si le récepteur aryl hydrocarbone (AhR) était impliqué dans cet impact de l’IS. L’indoxylsulfate est un ligand endogène d’AhR. Ce récepteur AhR est un facteur de transcription ubiquitaire bien connu pour son activité de détoxification de l’organisme. Plusieurs études ont été menées. Premièrement, une étude in vitro a été réalisée sur une lignée cellulaire d’hépatocarcinomes HepG2 (hepatoma cells). Deuxièmement, une étude préclinique a été effectuée sur deux groupes de souris rendues urémiques avec un groupe sous régime d’adénine et un groupe 5/6 néphrectomie. Troisièmement, une étude clinique de cohorte a été menée sur des patients atteints de MRC.

1. Etude in vitro sur une lignée cellulaire d’hépatocarcinomes HepG2

a. L’indoxylsulfate stimule l’expression du gène ABCB1 dans les cellules HepG2.

Les cellules HepG2 ont été incubées avec de l’indoxylsulfate pendant 16 heures. Ils ont recherché si l’indoxylsulfate altérait des gènes codant pour les transporteurs hépatiques des médicaments.

Seule l’expression du gène ABCB1 (codant pour les transporteurs P-gp) a été augmentée par l’IS. Cette toxine urémique n’a pas modifié l’expression des autres gènes. Les médicaments dont la pharmacocinétique risque d’être impactée sont notamment l’amiodarone, la carbamazépine, le céliprolol, la chloroquine, la colchicine, la ciclosporine, la digoxine, l’érythromycine, l’étoposide, la fexofénadine, l’imatinib, l’ivermectine, la lévofloxacine, la lidocaïne, le losartan, le lopéramide, la méthadone, le méthotrexate, la morphine, le paclitaxel, le ritonavir, le tacrolimus, la vinblastine et la vincristine.

La figure 14 A montre que l’IS augmente les niveaux ARNm d’ABCB1 de manière dose-dépendante.

(38)

38

*p < 0.05; **p < 0.01; ***p < 0.001.

Figure 14: Effets de l’indoxylsulfate sur les niveaux ARNm du gène ABCB1 dans les cellules HepG2 (41)

b. L’indoxylsulfate augmente l’expression protéique et l’activité de P-gp.

De même, suite à 16 heures d’incubation de cellules HepG2 avec l’IS, l’impact de cette toxine urémique sur l’expression protéique des P-gp a été évalué d’abord par une analyse de cytométrie de flux puis par une analyse par Western blot. L’analyse par cytométrie de flux a révélé une augmentation des concentrations de P-gp de 22, 52 et 51 % par respectivement 0.2, 0.4 et 1 mM d’IS. Quant à l’analyse par Western blot, elle a permis d’observer que 0.2 et 0.4 mM d’IS multipliait respectivement par 1.7 et 2.5 la concentration de P-gp.

c. L’albumine humaine n’altère pas les effets de l’indoxylsulfate au niveau du foie pendant de longues ou courtes incubations.

Dans le sang, l’indoxylsulfate se lie à l’albumine.

Ils ont additionné 40 g/L d’albumine humaine aux milieux de culture (qui n’en contenaient à la base que 2,5 g/L): on obtient un milieu avec une concentration d’albumine (de 42,5 g/L) similaire à celle de l’organisme humain (valeurs normales de l’albuminémie comprises entre 38 et 48 g/L (19)). L’effet à court terme de l’albumine sur l’IS a été évalué par des incubations de cellules HepG2 avec l’IS et l’albumine pendant 16 heures. Puis, pour imiter les

(39)

39

conditions in vivo (exposition sur long terme à différentes concentrations d’IS), les cellules HepG2 ont été incubées avec 0.08, 0.03 et 0.01 mM d’IS, avec ou sans albumine, pendant 96 heures.

Les résultats obtenus avec l’albumine humaine sont similaires. On en déduit que l’albumine n’affecte pas l’impact de l’indoxylsulfate sur l’expression et l’activité des P-gp à court ou long terme.

2. Etude préclinique sur des modèles de souris atteintes de MRC

L’hypothèse du travail préclinique est que l’environnement urémique pouvait modifier l’expression des gènes Abcb1a et Abcb1b. Pour vérifier cette hypothèse, les souris rendues urémiques ont été classées en deux groupes : un groupe de souris sous régime d’adénine et un groupe de souris avec une néphrectomie 5/6. Chacun de ces deux groupes est comparé à son groupe témoin. Dans le foie des 2 modèles d’urémie, il a été trouvé une augmentation de l’expression des niveaux ARNm d’Abcb1a. En revanche, l’expression de l’allèle Abcb1b a augmenté uniquement chez les souris 5/6 néphrectomisées. Ces résultats suggèrent que l’IRC elle-même est davantage responsable de l’augmentation de l’expression de la P-gp que la méthode utilisée pour induire l’urémie (régime adénine ou néphrectomie 5/6).

3. Etude clinique de cohorte chez des patients atteints de MRC prenant un traitement par cyclosporine

L’étude portait sur 109 patients ayant un stade 3 à 5 (modéré à sévère) de la MRC avec un DFGe inférieur à 60 mL/min. Tous les patients étaient sous traitement immunosuppresseur par cyclosporine, afin d’éviter le risque de rejet d’une transplantation (rénale ou cardiaque). Ces patients présentaient des concentrations élevées des toxines urémiques indoliques telles que l’indoxylsulfate et l’acide indol-3-acétique. Il existe une importante variété interindividuelle de la pharmacocinétique de la cyclosporine, ce qui nécessite un monitoring thérapeutique. Ce monitoring vise à atteindre la concentration plasmatique de cyclosporine efficace, en déterminant une dose correcte du médicament adaptée à chaque patient. L’analyse des différents paramètres influençant le dosage de cyclosporine a permis d’observer une corrélation significative entre ce dosage et les concentrations sanguines d’IS. Or ce lien n’a pas été démontré en ce qui concerne l’acide indol-3-acétique. La dose efficace de

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cyclosporine est d’autant plus élevée que les concentrations plasmatiques d’IS sont importantes. On en déduit que plus l’indoxylsulfate s’accumulait dans le sang d’un patient, plus l’élimination de cyclosporine était importante. Donc ces résultats renforcent l’idée qu’en augmentant l’activité des P-gp, l’IS favorise l’excrétion hépatique du médicament.

En conclusion, l’étude de Machado et al. (41) a prouvé l’impact de l’indoxylsulfate sur la distribution des médicaments au niveau du foie. En effet, cette toxine urémique augmente l’expression génique et protéique ainsi que l’activité des P-gp par le biais du mécanisme du récepteur aryl hydrocarbon. Sachant qu’au niveau hépatique, les transporteurs d’efflux P-gp permettent l’excrétion hépatique des médicaments, leur induction par l’indoxylsulfate se répercute par une augmentation de l’excrétion biliaire et donc une accélération de la pharmacocinétique de nombreux médicaments. Par exemple, l’accumulation de l’indoxylsulfate diminue l’efficacité de la cyclosporine à posologie usuelle. Une augmentation du dosage devient alors nécessaire.

IV. Impact des toxines urémiques sur le métabolisme des médicaments

La clairance non rénale des médicaments passe principalement par le métabolisme hépatique effectué par les cytochromes. Ce sont les enzymes de phase I qui catalysent les biotransformations des médicaments. La superfamille des cytochromes P450 (CYP450) se constitue d’hémoprotéines impliquées dans le métabolisme oxydatif de la majorité des médicaments. Il existe différents isoformes définies par la structure de la protéine fixée à l’hème. Les principales formes identifiées chez l’Homme sont CYP 1A2, 2D6, 2C9, 2C19, 2E1 et 3A4 (42). Avec la MRC, la dégradation de la fonction rénale peut être associée à une diminution du métabolisme hépatique et intestinal, qui est due en grande partie à la réduction de l’activité enzymatique. Or, différentes études suggèrent que la MRC est associée à une réduction de l’expression et de l’activité des CYP450 au niveau du foie et des intestins. On pense que cela est dû à la présence de toxines urémiques jouant le rôle d’inhibiteurs de l’expression et de l’activité des CYP450.

1. Impact de la progression de la MRC sur les cytochromes

L’objectif de l’étude de Velenosi et al. en 2012 était de déterminer les modifications de l’expression et de l’activité des CYP3A et CYP2C à différents stades d’IRC et pas seulement

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au stade terminal. Ils ont utilisés 3 modèles distincts de 17 rats mâles: un groupe de 6 rats avec une fonction rénale normale (le groupe contrôle), un groupe de 7 rats insuffisants rénaux modérés et un groupe de 4 rats insuffisants rénaux sévères. Les IRC modérés avaient une créatinémie de 1,65 fois la normale et les IRC chroniques une créatinémie de 4,78 fois la normale. 42 jours après chirurgie (néphrectomie partielle), ils ont pu déterminer l’expression ARNm et protéique des CYP3A et CYP2C hépatiques. Quant à l’activité de ces cytochromes, ils l’ont déterminée dans les microsomes du foie par l’évaluation des enzymes de la pharmacocinétique du midazolam (CYP3A), de la testostérone (CYP3A et CYP2C) et du tolbutamide (CYP2C).

a. Diminution de l’expression ARNm des CYP3A2 et CYP2C11

Les résultats de l’expérience obtenus sont une réduction de 88% de l’expression ARNm de CYP3A2 hépatique chez les IRC modérés et de 99,6% chez les IRC sévères. A également été observée une réduction de l’expression ARNm des CYP2C11 de 77% chez les IRC modérés et de 95% chez les IRC sévères. Ils ont observé une diminution exponentielle significative de l’expression ARNm des CYP3A2 et CYP2C11 en fonction de l’augmentation de la créatinémie (figure 15).

**p < 0.01

Figure 15: Expressions ARNm des CYP3A2 et CYP2C11 hépatiques dans les trois groupes de rats contrôle (noir) , insuffisants rénaux modérés (rouge) et insuffisants

(42)

42 b. Diminution de l’expression protéique des CYP3A2 et CYP2C11

L’expression protéique des CYP3A2 a été diminuée de 75% chez les insuffisants rénaux modérés et de 91% chez les insuffisants rénaux sévères. Quant à l’expression protéique des CYP2C11, elle a été réduite de 41% et de 68% chez les insuffisants rénaux modérés et sévères respectivement.

Et une corrélation exponentielle inverse significative a également été observée entre l’expression protéique de ces cytochromes et les concentrations de créatinine sérique (figure

16).

*p < 0.05, **p < 0.01, *** p < 0.001

Figure 16: Expressions protéiques des CYP3A2 et CYP2C11 hépatiques dans les trois groupes de rats contrôle (rond noir), insuffisants rénaux modérés (carré rouge) et

insuffisants rénaux sévères (triangle bleu) (43)

c. Diminution de l’activité des CYP3A2 et CYP2C11

L’évaluation de l’activité du CYP3A a été effectuée à l’aide de 1hydroxymidazolam (1’ -OH midazolam), 4’ --OH midazolam et 6β-OH-testostérone car la production de ces trois métabolites est catalysée par des mécanismes dépendants de ce cytochrome, au niveau des microsomes hépatiques. La vitesse maximale (Vmax) de 1’OH midazolam était diminuée de

(43)

43

62% en IRC modérée et de 72% en IRC sévère. La production de 4’OH midazolam a été réduite de 63% en IRC modérée et de 75% en IRC sévère. La Vmax de 6βOH-testostérone était diminuée de 66% en IRC modérée et de 68% en IRC sévère. A également été observée une corrélation inverse significative entre le taux de créatinine sérique et les valeurs de Vmax pour la formation de 1’ -OH midazolam, 4’ -OH midazolam et 6β-OH-testostérone.

Ces résultats ont permis de démontrer une nette diminution de l’activité de CYP3A hépatique dès le stade modéré d’insuffisance rénale (tableau 6 et figure 17).

L’activité du CYP2C11 a été déterminée grâce à la production de deux métabolites catalysés par ce cytochrome: 16α OH testostérone et OH-tolbutamide. La Vmax de 16αOH testostérone était diminuée de 67% en IRC modérée et de 82% en IRC sévère, avec toujours une corrélation inverse significative entre le taux de créatinine sérique et les valeurs de Vmax de ce métabolite.

Cependant, le métabolisme d’OH-tolbutamide était inchangé. Contrairement à la testostérone, le métabolisme du tolbutamide n’est pas spécifiquement effectué par CYP2C11 (tableau 6 et

figure 17).

Tableau 6: Valeurs des substrats de CYP450 obtenus dans les microsomes des foies de rats des trois groupes contrôle, insuffisants rénaux modérés et insuffisants rénaux

(44)

44 Figure 17: Corrélations entre les Vmax de midazolam et les créatinémies des rats des

trois groupes contrôle (rond noir), insuffisants rénaux modérés (carré rouge) et insuffisants rénaux sévères (triangle bleu) (43)

En conclusion, l’étude de Velenosi et al. en 2012 a montré que l’IRC a un impact sur la clairance non rénale des médicaments qui passe principalement par le métabolisme hépatique. (43). Il semble intéressant d’identifier quelle molécule qui s’accumule dans la MRC peut être responsable de cette modulation d’activité des CYP450.

2. Impact de la parathormone sur les CYP450 dans le foie

L’étude de Michaud et al. a émis l’hypothèse que la PTH pourrait modifier l’activité des CYP chez les patients avec une MRC pour plusieurs raisons: l’hyperparathyroïdie secondaire est fréquente lors d’une IRC; la PTH est connue pour diminuer l’expression ARNm de beaucoup de protéines; et une forte corrélation avait déjà été observée entre les niveaux de PTH et la diminution des CYP450 induite par le sérum de patients (44).

Les expériences ont été réalisées sur des rats classés dans 4 groupes. Le groupe Control comporte 22 rats normaux. Le groupe CRF comporte 20 rats atteints d’IRC. Le groupe Control-PTX (parathyroidectomy) comporte 11 rats parathyroïdectomisés de fonction rénale

(45)

45

normale. Et le groupe CRF (chronic renal failure) - PTX comporte 12 rats parathyroïdectomisés atteints d’IRC. Logiquement, comparés aux rats de fonction rénale normale, les rats atteints d’IRC ont une clairance de la créatinine diminuée de 80% et un taux de PTH multiplié par 10 (Tableau 7).

Tableau 7: Caractéristiques physiologiques des rats (44)

L’IRC induit une diminution de 72% de l’expression protéique des CYP3A dans le foie. La parathyroïdectomie, en prévenant l’hyperparathyroïdie secondaire, empêche cette inhibition de l’expression des CYP3A. Ainsi, on observe une réduction significative de l’expression ARNm des CYP3A2 dans le foie des rats insuffisants rénaux tandis que chez les rats insuffisants rénaux parathyroïdectomisés, l’expression ARNm et protéique des CYP3A2 augmente d’environ 300% !

Un sérum urémique a induit une réduction de l’expression ARNm de 43% et de l’expression protéique de 34% des CYP3A. Le sérum urémique épuisé en PTH a perdu sa capacité d’inhibition de l’expression et de l’activité des CYP3A, sachant que l’épuisement en PTH a permis une diminution de 85 à 99% de sa concentration. L’addition de 10-9

M de PTH au sérum urémique épuisé a rétabli une réduction de l’expression ARNm et protéique des CYP3A similaire à celle observée avec le sérum urémique non épuisé.

Le sérum urémique provenant des rats insuffisants rénaux parathyroïdectomisés (CRF-PTX) n’a pas eu d’impact sur l’expression ARNm ou protéique des CYP3A. Mais l’addition de 10-9

M de PTH à ce sérum CRF-PTX a rétabli une diminution de l’expression ARNm et protéique des CYP3A similaire à celle observée avec le sérum urémique provenant des rats CRF.

(46)

46

Des hépatocytes normaux ont été incubés pendant 24 heures avec de la parathormone synthétique. Les concentrations de PTH étaient variées : comprises entre 10-12 et 10-7 M. On observe que l’expression ARNm et protéique des CYP3A2 diminue d’autant plus que la concentration en PTH est élevée : on a une courbe concentration-dépendante avec un plateau à 10-9 M (Figure 18).

Figure 18: Effet in vitro de la parathormone (PTH) sur l’expression protéique (en blanc), ARNm (en noir) des CYP450 dans les cultures d’hépatocytes de rats (44)

*P < 0.01 lorsque l’expression protéique est comparée avec celle des hépatocytes incubés sans PTH

†P < 0.01 lorsque l’expression ARNm est comparée avec celle des hépatocytes incubés sans PTH

(47)

47

L’incubation d’hépatocytes avec 10-9 M de PTH a entraîné une réduction d’environ 40% de

l’activité des CYP3A. La PTH, à une concentration de 10-9 M, inhibe l’expression protéique

des CYP1A1 et des CYP2C11 mais n’a pas d’impact significatif sur celle des CYP2E1

(Figure 19).

*P < 0.001

Figure 19: Expressions protéiques des isoformes CYP1A1, 2C11 et 2E1 dans des hépatocytes incubés avec 10-9 M de PTH (en noir) ou non incubés (en blanc) (44)

PDTC et Andrographolide sont des inhibiteurs de NF-κB : ils ont été additionnés au milieu de culture des hépatocytes. On observe que ces deux inhibiteurs empêchent la réduction de l’activité des CYP3A ainsi que de leurs expressions ARNm et protéique, induite par 10-9

M de PTH (figure 20).

Figure

Tableau 1 : Classification des stades de maladie rénale en fonction du DFGe (2)
Figure 1 : Causes de décès des patients atteints de maladie rénale chronique (7)
Tableau 2 : Petites molécules hydrosolubles (16)
Tableau 4 : Molécules liées aux protéines (16)
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Références

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