• Aucun résultat trouvé

L'étalement urbain et la mobilité quotidienne d'adolescentes et adolescents de territoires rurbains de la communauté métropolitaine de Québec

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'étalement urbain et la mobilité quotidienne d'adolescentes et adolescents de territoires rurbains de la communauté métropolitaine de Québec"

Copied!
154
0
0

Texte intégral

(1)

NABILA BACHIRI

L'ETALEMENT URBAIN ET LA MOBILITE

QUOTIDIENNE D'ADOLESCENTES ET

ADOLESCENTS DE TERRITOIRES RURBAINS DE LA

COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE QUÉBEC

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en science de l'architecture

pour l'obtention du grade de Maître es sciences (M.Sc.)

ECOLE D'ARCHITECTURE

FACULTÉ D'AMÉNAGEMENT, D'ARCHITECTURE ET DES ARTS VISUELS UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2006

(2)

«Ce n 'estpas dans la connaissance qu 'est le bonheur,

mais dans l'acquisition de la connaissance»

(3)

Résumé

Peu de recherches se sont penchées sur la mobilité quotidienne des adolescent-e-s en lien avec l'environnement physique qui les entoure. Au-delà de ce constat, aucune étude québécoise traitant de ce sujet n'a encore été recensée. La présente recherche explore les liens entre l'étalement urbain et le type de mobilité quotidienne de 30 adolescent-e-s de 12 à 18 ans habitant six secteurs rurbains de la communauté métropolitaine de Québec. Le but est de comprendre l'influence des formes urbaines étalées sur le type de mobilité de ces adolescents.

Les résultats indiquent que, hormis le parcours vers l'école qui est généralement assuré par le service d'autobus scolaire, pratiquement tous les déplacements dépendent d'un accompagnement automobile par un adulte. L'éloignement du lieu de résidence des équipements et services est le principal frein à la mobilité indépendante des adolescent-e-s qui de ce fait dépendent fortement de l'accompagnement automobile par un adulte dans leurs déplacements quotidiens. Il n'est donc pas surprenant que l'accès à une automobile soit très valorisé chez ces jeunes qui estiment que conduire ou avoir sa propre automobile est synonyme d'autonomie et de liberté. L'autobus de ville est un moyen de transport qui permettrait à ces adolescent-e-s d'investiguer un territoire plus étendu de manière autonome. Cependant, la majorité n'y a pas recours. En effet, l'inexistence de ce service ou sa fréquence limitée, en plus d'une certaine crainte assez diffuse, sont les principales raisons qui font que ces adolescent-e-s n'y ont pas recours. Les formes urbaines étalées apparaissent étroitement liées au type de mobilité quotidienne des adolescent-e-s rurbains québécois.

(4)

Avant-Propos

Je tiens tout d'abord à dédier ce travail à la mémoire de :

- M. Ali Berhoun, qui m'avait fortement encouragé à poursuivre mes études. Mon ami Fayçal Radjeb.

Je tiens à remercier mesdames Carole Després, ma directrice de recherche et Andrée Fortin, pour leur enthousiasme, leurs encouragements, leur encadrement et la confiance qu'elles m'ont accordés.

Je remercie également les membres du Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues (GIRBa) pour leur chaleureux accueil et leur esprit de famille.

Je dédie enfin ce travail :

À ma famille et à mes amis qui me soutiennent dans tout ce que j'entreprends.

À mon amie et sœur Amina sans qui je n'aurais jamais eu le courage de poursuivre mes études aussi loin de chez moi.

À Claude Lepage, pour son amitié et sa compréhension.

(5)

Table des matières

Chapitre 1 : Étalement urbain et mobilité des adolescents

1.1. Introduction 1 1.2. Étalement urbain 3 1.3. Mobilité spatiale 6 1.4. Adolescence 7 1.5. Obj ectif de la recherche 9

Chapitre 2 : La mobilité quotidienne des adolescent-e-s : état de la question

2.1. Dimensions personnelles 11 2.2. Dimensions spatiales et fonctionnelles 12 2.3. Pratiques et représentations de la mobilité 18 2.4. Conclusion 20

Chapitre 3 : Stratégie d'investigation

3.1. Méthodologie 22 3.2. Technique d'enquête 22 3.2.1. L'entretien 23 3.2.2. Pré-tests 23 3.2.3. Grille d'entrevue 23 3.3. Enquête de terrain 25 3.3.1. Territoires d'investigation 27 3.3.2. Déontologie 28 3.3.3. Confidentialité et anonymat 29 3.3.4. Analyse et traitement des données qualitatives 29 3.3.5. Interprétation des données 30

(6)

Chapitre 4 : Mobilité quotidienne des adolescent-e-s rurbains québécois

4.1. Mobilité des adolescent-e-s sur leur parcours vers l'école 31 4.1.1. Type de mobilité et localisation résidentielle (rive Nord/

rive Sud) 32 4.1.2. Type de mobilité selon le sexe 34 4.1.3. Type de mobilité selon l'âge 35 4.1.4. Type de mobilité selon la fréquentation d'une école

publique ou privée 36 4.1.5. Type de mobilité et rapport à l'autobus de ville 38

4.1.5.1. Type de mobilité et desserte du secteur

en autobus de ville 38 4.1.5.2. Type de mobilité des adolescent-e-s et utilisation

de l'autobus de ville par leurs parents 41 4.1.6. Type de mobilité et nombre d'automobiles par ménage 43 4.1.7. Type de mobilité et durée du trajet entre l'école et la maison 44 4.2. Pratiques et représentations

4.2.1. Évaluation du trajet vers l'école 46 4.2.1.1. Trajet vers l'école en automobile 47 4.2.1.2. Trajet vers l'école en autobus scolaire 51 4.2.2. Rapport aux différents moyens de transport 56 4.2.2.1. L'autobus de ville 56 4.2.2.2. L'automobile 60 4.2.2.3. Le vélo 66 4.2.2.4. La marche 67 4.2.3. Perceptions et représentations territoriales 69 4.2.3.1. Le centre-ville 69 4.2.3.2. Le milieu résidentiel 72 4.2.3.3. Perception du danger et de l'insécurité par

(7)

4.2.3.4. Restrictions parentales face à la mobilité indépendante des adolescent-e-s 75 4.3. Mobilité virtuelle 76

Conclusion 80

Bibliographie 87

Annexes 103

Annexe 1 : Grille d'entrevue 104 Annexe 2 : Photos à classifïer par les adolescent-e-s 131 Annexe 3 : Extraits du rapport de recherche du GIRBa (2004)

Morphologie du cadre bâti de la couronne periurbaine

de la communauté métropolitaine de Québec 135 Annexe 4 : Feuillet explicatif 138 Annexe 5 : Formulaire de consentement 139 Annexe 6 : Liste des codes 140 Annexe 7 : Exemple d'un modèle d'arborescence 144 Annexe 8 : Tableau récapitulatif des activités les plus courantes des

(8)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Localisation et caractéristiques des adolescent-e-s 26 Tableau 2 : Répartition des adolescent-e-s selon la localisation résidentielle (rive Nord

/rive Sud) et leur mobilité dépendante, indépendante ou alternée 32

Tableau 3 : Répartition des adolescent-e-s selon leur sexe et leur mobilité dépendante,

indépendante ou alternée 34

Tableau 4 : Répartition des adolescent-e-s selon l'âge et leur mobilité dépendante,

indépendante ou alternée 35

Tableau 5 : Répartition des adolescent-e-s selon le type d'école publique/privée

et leur mobilité dépendante, indépendante ou alternée 36

Tableau 6 : Répartition des adolescent-e-s selon leur mobilité dépendante,

indépendante ou alternée et la desserte de leur secteur de résidence

en autobus de ville 39

Tableau 7 : Répartition des adolescent-e-s selon leur mobilité dépendante,

indépendante ou alternée et nombre d'automobile par ménage 43

Tableau 8 : Répartition des adolescent-e-s selon leurs temporalités sur le parcours

vers l'école en lien avec leur utilisation de l'autobus scolaire 44

Tableau 9 : Répartition des adolescent-e-s selon leurs temporalités sur le parcours

vers l'école en lien avec leur utilisation de l'automobile 45

Tableau 10 : Répartition des adolescent-e-s selon leurs temporalités sur

le parcours vers l'école en lien avec leur utilisation de la marche,

du vélo et de l'autobus de ville 45

Tableau 11 : Comparaison des durées de trajet de la résidence vers l'école selon

le moyen de transport utilisé par sept des 30 adolescent-e-s 46

Tableau 12 : Classement des principales activités effectuées par les adolescent-e-s

(9)

Liste des figures

Figure 1 : Décomposition de la mobilité quotidienne des adolescent-e-s 11 Figure 2 : Facteurs influençant la mobilité quotidienne des adolescent-e-s 20 Figure 3 : Localisation des noyaux rurbains de la communauté métropolitaine

de Québec et des terrains d'enquête 27

Figure 4 : Exemple du type de secteurs investigués en territoires rurbains 28 Figure 5 : Principaux lieux fréquentés par les adolescent-e-s et moyen de

transport utilisé 38

(10)

Chapitre 1 : Étalement urbain et mobilité des adolescent-e-s

1.1. Introduction

Québec, comme d'autres agglomérations québécoises, nord-américaines et européennes, connaît un phénomène d'étalement urbain important. La forte croissance des banlieues québécoises n'est pas un fait récent. Cette expansion urbaine remonte au début du siècle et particulièrement à l'après-guerre. Avec la prospérité économique qui suivit, le mode de vie des classes moyennes a complètement changé en incarnant le rêve américain de l'époque : « une famille nucléaire, des enfants à élever loin de l'environnement pollué et malsain du centre-ville, d'où l'engouement pour la maison unifamiliale et la voiture particulière, plus présente que jamais » (Mouafo, 1994 : 417). Mais si l'expansion d'avant 1970 s'est accomplie, en règle générale, en positions urbaines, celle qui a suivi a, quant à elle, entamé des positions rurales (Ritchot, Mercier et Mascolo, 1994).

Cette « rurbanisation »' de l'agglomération québécoise, qui se poursuit de nos jours, est particulièrement significative. Selon Hulbert (1994), la densité résidentielle de l'agglomération québécoise était déjà en 1994, quatre fois plus faible qu'à Montréal et « rapporté à la population, le réseau autoroutier y est trois fois plus important que celui de Toronto »

(Hulbert, 1994 : 284).

Salvator (2001) affirme que cette forme d'urbanisation étalée est tout le contraire du désordre, que l'ensemble de ces espaces segmentés forme un système et que les personnes, par leur mobilité, y constituent un trait d'union. Cette idée est partagée par Bonnet (2000) selon lequel la mobilité spatiale interviendrait pour réarticuler ce qui tend à se disjoindre.

Dû à cette morphologie spatiale étendue, il est difficile de se déplacer autrement qu'en automobile (Weil, 2002). Habiter le périurbain c'est «s'inscrire dans un modèle d'urbanité fondée sur la mobilité » (Rougé, 2005 : 47). Urry (2000) ajoute que « celui ou celle qui ne conduit pas, ne possède pas une voiture, ne participe pas pleinement aux sociétés

(11)

occidentales » (p. 192). Cette mobilité spatiale ou cette capacité à accéder à une destination donnée est rattachée, entre autres, à l'âge (Pinson, 1999). Ce point de vue est partagé par De Singly (2002) dont l'étude porte sur la circulation d'adolescent-e-s urbains français âgés de 12 à 14 ans. Selon lui, ces adolescent-e-s sont « trop âgés pour être dépendants de leurs parents, trop jeunes pour avoir à leur disposition des moyens de transport individuels à moteur » (De Singly, 2002 : 17).

Être mobile est devenu un impératif et celui qui ne l'est pas est désormais exclu par la société (Paquot, 2002). Tel est le verdict qui s'appliquerait alors à une majorité d'adolescent-e-s habitant les territoires rurbains de l'agglomération québécoise incapable de se déplacer sur ce territoire de manière autonome. Cet état de fait mène-t-il à une exclusion de ces adolescent-e-s en quête de mobilité automobile ou encore transforme-t-il simplement leurs parents en véritables « taxieurs »2?

Le but de cette recherche est d'explorer les liens entre l'étalement urbain dans la région de Québec et la mobilité quotidienne d'adolescent-e-s rurbains. Cette étude s'inscrit dans la continuité des travaux du Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues (GIRBa) de l'École d'Architecture de l'Université Laval qui portent sur les phénomènes de dispersion et d'étalement urbains et de l'exclusion par l'automobilité (Fortin et Després, CRSH 2004-2007, Pinson et al, CNRS 2003-2005)3.

La première partie de ce document présente des éléments de définition afin de cerner la question de recherche. Suivra en deuxième partie un survol des écrits relatifs à la mobilité quotidienne des adolescent-e-s, qui permettra de dégager les facteurs influençant cette mobilité et d'identifier les plus pertinents à considérer en milieux rurbains québécois. La troisième partie présente la démarche méthodologique. Le dernier chapitre expose les résultats et leur interprétation.

2 Terme utilisé par De Singly (2002) dans son article : La « liberté de circulation » : un droit aussi de la jeunesse.

Recherches et prévisions. Nc 67, p 21-36.

3 « Morphologie de l'étalement urbain et exclusion par l'automobilité », programme interdisciplinaire « développement

urbain durable », projet CNRS du laboratoire CIRTA de l'institut régional de l'université Aix Marseille III, en collaboration avec le laboratoire Image et Ville de l'université Louis Pasteur de Strasbourg et le GIRBa (Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues) de l'Université Laval.

(12)

1.2. Etalement urbain

L'étalement urbain a fait couler beaucoup d'encre. Il continue de faire l'objet de multiples interrogations et de susciter l'intérêt d'une multitude d'auteurs qui lui ont ainsi attribué plusieurs qualificatifs : ville 'éparpillée' (Bauer et Roux, 1976), 'non-ville'1 (Ascher, 1993),

ville qui se défait, vole en éclat (Choay, 1992), ville en bribes parsemées sur la campagne (Baker, 1992). Kaufmann (2000) ajoute que c'est une ville qui avale des pays entiers, c'est la figure de la ville à la campagne, le 'suburV américain (Kaufmann, 2000). Beaucire (2000) traite cette ville étalée, éparse et fragmentée, de gaspilleuse et de peu efficace, dévorant les ressources des générations futures. La ville devient illisible puisqu'elle conquiert ses alentours en installant ses centres dans ses périphéries (Paquot, 1999).

Le service de planification de la Ville de Québec formulait, lui aussi, en 1992, plusieurs essais de définitions de l'étalement urbain (cité par Ritchot, Mercier et Mascolo, 1994 : 263-264) :

«Une extension du territoire urbanisé fait sans coordination entre le développement des fonctions urbaines et la réalisation de tous les équipements et infrastructures requis pour leur desserte » ou encore « une extension du territoire urbain qui produit, à l'échelle métropolitaine, une forme urbaine diffuse ayant l'apparence de taches d'huile contenant un tissu urbain généralement de faible densité et qui sont séparées par des espaces en friches ». L'étalement urbain serait aussi une «intervention consistant à implanter une structure urbaine (logement, industrie, centre commercial, hôpital, etc.) en dehors de l'aire centrale » et une «intervention consistant à implanter une structure urbaine à une distance éloignée d'un centre d'équipements pouvant desservir cette structure». C'est enfin «une action qui soutient, à l'échelle métropolitaine, l 'éparpillement du tissu urbain [qui] suscite une demande de nouveaux services et qui entraîne une sous-utilisation de services ou d'infrastructures existantes».

Cette multitude d'appellations et de tentatives de définitions exprime toute la complexité du phénomène et du rapport de force qui s'installe entre le centre et sa périphérie. Le centre, à

(13)

partir de ses territoires périphériques, qu'il annexe, produit un étalement qui concurrence ses propres zones anciennes. Ce rapport de force serait-il alors, comme le soutient Hulbert (1994), « ingérable! » ?

Même si cet étalement urbain est observé d'un œil critique, cela n'empêche que ce modèle d'urbanisation connaît un incontestable succès auprès de citadins à la « conquête de l'espace » (Fouchier, 2000). Selon Ascher (2003) «grâce aux moyens de transport individuels et à l'usage des technologies de communication sans fil, y compris pour Internet, la dispersion urbaine s'accroît, les urbains cherchant toujours plus loin plus d'espace à des prix plus abordables» (p. 7). Cette forme d'appropriation du territoire ne serait que la manifestation spatiale d'un principe plus général des sociétés contemporaines (Lévy, 2000; Salvator, 2001).

Que ce soit en Europe, en Amérique ou ici au Québec, il semblerait que ces territoires éloignés exercent le même attrait sur les citadins. Ce désir des urbains d'habiter une couronne périurbaine a même été qualifié par Kaufmann (2000) « d'urbaphobie ».

Les citadins européens qui désirent vivre loin de la ville centre sont, selon Fouchier (2000), à la conquête de confort, de moindre stress, de meilleure santé, d'accès à la nature. Alors que pour les Américains, c'est plus la maison unifamiliale avec jardin qui représente l'élément essentiel du cadre de vie idéal. C'est pour eux le « .. .symbole primordial du refuge des valeurs

morales, des vertus rurales, de la simplicité, . . . » (Maumi, 1999 : 191). Quant au Québec, la

forte expansion des banlieues était à l'origine souhaitable, car elle était reliée à la croissance démographique. De plus, l'ensemble des politiques publiques encourageait et facilitait l'accession à la propriété des classes moyennes (prêts de la société canadienne d'hypothèques et de logement (S.C.H.L), construction d'autoroutes, etc.) (Ritchot, Mercier et Mascolo, 1994).

Les années 70 ont marqué au Québec une stagnation de cette croissance démographique, mais pas de l'expansion urbaine puisque le mode de vie des baby-boomers a été adopté par les générations suivantes. Vu au départ comme un phénomène normal, l'étalement urbain pose

(14)

problème car il s'est finalement révélé comme « ...une opération consistant à produire de l'urbain en position rurale » (Ritchot, Mercier et Mascolo, 1994 : 282).

D'autre part, il est devenu évident que cette expansion se fait désormais au détriment de la ville centre qui commence déjà à perdre non seulement son poids relatif, mais aussi sa population (Ritchot, Mercier et Mascolo, 1994). Hulbert (1994) affirme que «l'étalement urbain apparaît ainsi comme la conséquence d'une rivalité de la périphérie à l'égard du centre et d'où la périphérie sortirait gagnante » (p. 292). L'effet dit du 'trou de beigne' est alors redouté puisque les foyers urbains se vident au profit du 'substrat rural'.

Les moyens de transport ont eux aussi joué un rôle décisif dans la périurbanisation nord-américaine. Le développement des quartiers résidentiels s'est effectué, selon Mouafo (1994), au rythme de l'évolution du chemin de fer, des tramways, des trolleys puis de l'automobile. À partir des années 1920, cette automobile prend désormais le relais en jouant un rôle premier dans la structuration de l'espace. Les fortes tendances à la motorisation demeurent à ce titre au cœur de la question de l'étalement urbain (Tellier et Bussière, 2000). Le passage de 'métriques marchables' à des 'métriques automobiles' à cause de l'allongement des trajets, ajouté à l'absence d'infrastructures (notamment les trottoirs et la desserte de ces secteurs en transport en commun), excluent toute possibilité d'utiliser les modes de déplacement autres que l'automobile (Kaufmann et al, 2001; Weil, 2002). Le slogan de l'époque actuelle pourrait donc être 'Une personne-une voiture' (Dupuy, 2000). Amar et Laousse (2004) ajoutent qu'« une idéologie de la mobilité motorisée s'est diffusée, qui fait de l'automobile le vecteur principal de l'insertion sociale... » (p. 315).

Selon Lafont (2004), « le nomadisme est devenu une valeur culturelle et urbaine positive. La non-mobilité est cause croissante d'exclusion » (p. 341). L'absence d'accès à l'automobile, comme c'est le cas pour les adolescent-e-s qui ne sont pas encore en âge de conduire et/ou de se mouvoir de manière autonome, mènerait donc à une 'exclusion' (Lafont, 2004), à une 'captivité' (Ascher, 1998) ou aune 'immobilité' (Begag, 1991; Le Breton, 2002).

(15)

1.3. Mobilité spatiale

En trente ans, les distances parcourues par jour se sont multipliées en Amérique du Nord par un facteur de 1,9; alors que la moyenne mondiale s'établit à quatorze kilomètres par habitant par jour, elle y atteint 45 kilomètres.

La mobilité est, selon Juguet et Chevrier (2004), « le reflet de l'appropriation par les citoyens de la ville » (p. 71) et l'augmentation de cette mobilité serait due, selon Ascher (1998), à la croissance spatiale des villes et des zones urbaines et aux transformations des formes urbaines elles-mêmes. Il est désormais difficile de distinguer ce qui relève de la production de la mobilité par l'urbanisation de ce qui relève de l'urbanisation par la mobilité (Orfeuil, 2000). Depuis des décennies, de nombreux auteurs s'interrogent sur qui, de la ville et de la mobilité, devait s'adapter à l'autre (Weil, 2002) alors que « nous sommes dans un système interactif où le plus permanent - le construire - et le plus éphémère - la mobilité - se modèlent en permanence l'un de l'autre, suivant un processus évolutif à la fois global (tout interagir sur

tout) et continu (inscrit dans la durée) » (Weil, 2002 : 24).

Selon Boullier (1999), « la mobilité devient une valeur en elle-même » (p. 51). Cette mobilité spatiale serait la clef pour comprendre et expliquer le fonctionnement et les changements dans la société et serait un instrument d'adaptation et de participation à la vie sociale et culturelle (Bassand et al, 1995). Elle est aussi, selon Ascher (2003) « un élément de plus en plus important dans l'élaboration et l'expression des personnalités singulières de chaque individu » (p. 5). Dans le même sens, Kaufmann et al (2004) affirment qu'il est de moins en moins possible de « s'insérer socialement sans avoir accès aux potentiels de vitesse offerts par les moyens de transports motorisés » (p. 19). Ascher (1997) parle également d'injustice sociale car « les potentialités de vitesse et de multifonctionnalité et les moyens individuels et collectifs d'adaptation au changement et à l'imprévisibilité sont inégalement répartis » (p. 120).

La mobilité quotidienne fait référence aux «déplacements de la vie quotidienne» (Kaufmann, 2003 : 4). Elle est définie comme « la structure de l'ensemble des déplacements d'un individu,

(16)

incluant leurs modes et leurs motifs » (Ramadier et Després, 2004 : 522), alors que Kaplan (2004) la qualifie plutôt de « désordre dynamique de la vie » (p. 380). Cette mobilité est un élément central de la qualité de vie (Kaufmann, 2000; Kaufmann et Jemelin, 2004), elle est « au cœur de nos existences » (Kaufmann, 2004 : 64) et « ...la demande de mobilité croît et la valeur attachée à cette mobilité pour elle-même fait partie de « l'éthos » occidental contemporain» (Boullier, 1999: 67). Ascher (2003) évoque le «droit à la mobilité» qui «commande d'une certaine manière les autres droits; il devient une sorte de «droit générique» qui prend une importance sociétale accrue» (p. 11). La société est devenue le 'club des mobiles ' (Paquot, 2002) et la mobilité représente souvent, selon Marzloff (2004), la « variable la plus discriminante... » (p. 54). Faire partie de ce 'club' n'est pas chose aisée pour les adolescent-e-s rurbains confrontés à des territoires où l'automobile est au cœur de la vie quotidienne.

1.4. Adolescence

Qu'est au juste l'adolescence? L'adolescence est, plus que jamais, une notion incertaine puisqu'on ne sait plus très bien quand elle commence et on sait de moins en moins quand elle finit (Fize4, 1994). L'adolescence est un phénomène complexe et une notion ambiguë puisque

chaque discipline en donne une définition et « chacun de nous [en] a une représentation mentale et met quelque chose sous le mot » (Fize, 1998 : 19). En sociologie, l'adolescence ou la jeunesse est caractérisée comme étant une « ...classe d'âge qui débute avec la sortie de l'enfance (...) et s'achève, à une frontière qui varie selon les milieux sociaux, ... » (Aknoun et Ansart, 1999: 11).

Mais où s'arrête l'enfance? Et où commence l'adolescence? Les interrogations se multiplient et le malaise est assuré puisque l'enfance se prolonge de plus en plus tard et l'adolescence commence de plus en plus tôt (Fize, 1994). Bruno5 (2000) apporte quelques éclaircissements à

ce sujet. Il affirme que d'un point de vue comportemental, l'adolescence se différencie de l'enfance par des pratiques de sociabilité : « Les adolescents acquièrent manifestement dans la

4 Sociologue au CNRS, spécialiste des questions de l'adolescence, de la jeunesse et de la famille. Auteur des

ouvrages : « le peuple adolescent» en 1994, éditions: Julliard et «Adolescence en crise? Vers le droit à la

reconnaissance sociale » en 1998, éditions : Hachette Éducation.

5 Maître de conférences à l'IUT de Dijon. Ses travaux portent principalement sur le développement, la diversification et

(17)

fréquentation et le choix de leurs amis une autonomie par rapport au milieu familial que n 'ont pas les enfants. Cette autonomie relative de la sociabilité est sans doute ce qui différencie l'adolescence » (p. 24). Quant à Frize (1998), il parle d'un nouvel état d'esprit qui s'installe où des revendications se font jour et d'un besoin d'autonomie qui s'affirme. Des psychologues tels que Palmonari et Speltini (1994) affirment que de 11-12 ans à 15 ans, les adolescent-e-s affichent un besoin de mouvement, d'autonomie et d'espace qui s'exprime par le désir de sortir avec des amis, de les rencontrer dans des espaces extérieurs non contrôlés par les parents. Selon Frize (1994), les psychologues considèrent que l'adolescence s'achève à l'acquisition de la maturité. Mais il ajoute que « cette notion est fort imprécise et peu scientifique, et, de toute façon, ne s'exprime pas en âge » (p. 24) et que tout cela reste de plus en plus flou et que

l'adolescence est finalement incertaine dans sa durée.

Si cette phase d'adolescence se caractérise par la recherche d'autonomie et d'indépendance, Hallouine et al (1998) affirment que c'est aussi une phase qui est souvent dépourvue des moyens pour y parvenir. Avis partagé d'ailleurs par Duclos6, Laporte7 et Ross8 (1995), qui

précisent que c'est entre 14 et 16 ans que les adolescent-e-s comprennent qu'ils n'ont pas encore tous les moyens de conquérir leur autonomie.

L'autonomie et l'indépendance des adolescent-e-s sont inégalement valorisées et ce, dépendamment des milieux socioculturels. D'un côté, certains milieux insistent sur l'importance des objectifs personnels où l'esprit d'initiative et l'autonomie sont très valorisés alors que d'autres valorisent plutôt les dimensions collectives (Chaland, 2001). La société nord-américaine répond plutôt au premier modèle (Claes, 1998). La jeunesse contemporaine québécoise se trouverait, selon Boudreault9 et Parazelli10 (2004: 72): «...jetée dans les

dédales d'une agglomération urbaine de plusieurs villes éclatées en plusieurs centres de référence et fonctionnant en silo, constituant une polycentralité, une dissémination du sens ».

6 Psycho-éducateur, orthopédagoguey , p g g 7 Psychologue clinicienne, psycho-éducateur 8 Psychothérapeute, andragogue

9 Docteur en sociologie, professeur. Université du Québec à Chicoutimi 10 Professeur à l'école de travail social de l'Université du Québec à Montréal

(18)

À l'adolescence, la quête d'indépendance et d'autonomie est un passage incontournable (cette quête étant probablement plus intense dans une société moderne telle que la société québécoise), mais les adolescent-e-s restent dépourvus des moyens pour y parvenir, alors que l'enjeu important qui symbolise leur processus d'autonomisation vis-à-vis de leurs parents et des adultes en général, c'est bien leur mobilité (Buffet, 2003). « L 'automobile est aujourd'hui le moyen de transport qui contribue le plus à l'autonomie » (Orfeuil, 2001 : 3). Cela est peut être vrai pour les adultes actifs, mais pas pour les adolescent-e-s qui ne sont pas encore en âge de conduire11. L'absence d'accès à l'automobile conduirait à une ségrégation d'ordre

générationnel.

1.5. Objectif de la recherche

L'objectif de cette recherche est d'explorer les liens entre l'étalement urbain et la mobilité quotidienne d'adolescent-e-s résidant dans divers secteurs rurbains de la communauté métropolitaine de Québec.

Il s'agit de comprendre :

- Les habitudes de mobilité de ces adolescent-e-s.

Leur niveau d'autonomie dans leur mobilité quotidienne (mobilité dépendante ou indépendante de l'automobile d'un adulte).

Les lieux qu'ils fréquentent et leur localisation. Leurs modes de déplacements.

Leurs appréciations de leurs déplacements.

Ceci afin de comprendre la façon dont l'espace de la mobilité quotidienne de ces adolescents se structure dans les pratiques et les représentations, les usages et les appropriations (Lévy, 2000).

(19)

Chapitre 2 : La mobilité quotidienne des adolescent-e-s : état de la question

Plusieurs disciplines s'intéressent à cette période charnière de la vie qu'est l'adolescence. Par contre, peu de recherches ont étudié la mobilité des adolescent-e-s en lien avec l'environnement physique qui les entoure (McMillan, 2005). Selon Travlou (2003), Kevin Lynch (1977), Colin Ward (1977) et Roger Hart (1979) ont été les premiers chercheurs à s'intéresser à l'expérience des adolescent-e-s de leur environnement urbain, et ce n'est qu'à partir des dernières années que d'autres chercheurs, s'inspirant des études de ces pionniers, ont entrepris de nouvelles études de ce type. Mais les recherches portant sur les adolescents des milieux ruraux sont encore rares.

Au-delà de ce constat, une recension des écrits a permis de constater l'absence d'études québécoises portant sur la mobilité quotidienne des adolescent-e-s. À partir des études recensées, des dimensions personnelles, spatiales et fonctionnelles ainsi que les pratiques et représentations des adolescent-e-s et de leurs parents ont été identifiées; la mobilité quotidienne des adolescent-e-s se décomposerait ainsi en deux types (figure 1) :

1. Une mobilité quotidienne indépendante. Les adolescent-e-s jouissent d'une autonomie dans leurs déplacements (déplacements seuls ou accompagnés par les pairs).

2. Une mobilité quotidienne dépendante de l'accompagnement par un parent ou un adulte.

(20)

Figure 1 : Décomposition de la mobilité quotidienne des adolescent-e-s.

Dimensions

personnelles

Mobilité quotidienne des adolescent-e-s

Dimensions spatiales

et fonctionnelles

Pratiques etreprésentations

Mobilité indépendante

Mobilité dépendante

2.1. Dimensions personnelles

Le recours systématique à l'automobile par les parents dans tous leurs déplacements a été

identifié comme un facteur influençant la mobilité quotidienne des adolescent-e-s. Dans une enquête menée en Australie par Tranter (2003), les parents devaient se remémorer leur propre mobilité étant enfants. Ils se rappellent avoir exploré leur environnement de manière indépendante et d'avoir eu plus de liberté dans leurs déplacements que leurs propres enfants en ont actuellement. Selon ces parents, cet état de fait est dû à leur utilisation systématique de l'automobile, y compris pour accompagner quotidiennement leurs enfants (Tranter, 2003).

(21)

L'âge et le sexe influencent le degré d'autonomie des adolescent-e-s. En effet, selon les recherches recensées, les garçons ont une mobilité plus indépendante que celle des filles et les deux groupes acquièrent plus d'autonomie avec l'âge (De Singly, 2002; Heurlin-Norinder, 2003; O'Brien et al, 2000; Prezza et al, 2001; Tranter et Pawson, 2001).

Selon De Singly (2002), dont la recherche de type quantitatif a été menée en contexte urbain français, les parents accordent une plus grande mobilité indépendante aux garçons, car ils leur attribuent une plus grande 'précocité'. Par contre, ils reconnaissent une plus grande maturité chez les filles mais elles ne bénéficient quand même pas d'autant de liberté que les garçons. Selon les résultats de Tranter et Pawson (2001), dont la recherche a été menée dans la ville de Christchurch en Nouvelle-Zélande, le fait que les filles bénéficient de moins d'autonomie que les garçons s'explique par leur crainte d'être victime d'agressions sexuelles. Ces adolescentes perpétuent la crainte des femmes de cette ville qui ont appris à limiter leurs déplacements, particulièrement en transports en commun (Tranter et Pawson, 2001).

L'étude de Buffet (2003) menée sur les banlieues défavorisées de la région parisienne et de la région des Rhône-Alpes a, quant à elle, révélé que la liberté des filles, serait loin de croître avec l'âge mais au contraire, de plus en plus contrôlée par les parents qui veulent, selon le discours de ces adolescentes, exercer un contrôle sur leur sexualité.

2.2. Dimensions spatiales et fonctionnelles

Une grande partie des articles recensés traite des adolescent-e-s en lien avec le milieu urbain dans lequel ils vivent, c'est-à-dire dans les quartiers centraux; peu portent sur les milieux périurbains ou ruraux. La raison possible de cette omission serait la vision stéréotypée de la campagne comme endroit idyllique pour les enfants (Nairn et al, 2003; Valentine, 1997, cité par Travlou, 2003).

La mobilité des adolescent-e-s a été étudiée en lien avec les espaces situés à proximité de

leur lieu de résidence. En effet, c'est à proximité du logis que les enfants effectuent leurs

(22)

passage graduel vers la ville (De Singly, 2002; Heurlin-Norinder, 2003; Prezza et al, 2001). L'étude de Prezza et al (2001) sur les nouveaux secteurs urbains de Rome a révélé que l'existence d'une cour dans les condominiums est la variable environnementale favorisant le plus la mobilité indépendante des enfants. Il s'agit d'un espace public mais protégé et contrôlé, à l'intérieur duquel les parents ont confiance en la capacité de leurs enfants à être autonomes. Au-delà de cet espace, l'apprentissage de l'autonomie se poursuit dans les rues avoisinantes et sur le parcours vers l'école. Ce dernier serait considéré par les parents comme une sorte de prolongement de la cour (De Singly, 2002).

Le travail d'observation d'O'Brien et al (2000) dans la nouvelle ville de Hatfïeld à Londres révèle que l'abondance des espaces publics verts, séparant les maisons des routes, encourage le jeu de proximité des enfants. Son étude suggère que ces derniers parviennent à y former un réseau social avec d'autres enfants et à y développer un sentiment de confiance qui favorise leur mobilité indépendante vis-à-vis des adultes.

Les espaces publics, qu'ils soient formels comme les parcs, les espaces verts et les terrains de

sport ou informels comme les rues, les boisés et les aires de stationnement, sont fortement appréciés par les adolescent-e-s et sont utilisés pour le jeu, le sport ou la socialisation. Ces adolescent-e-s urbains y jouissent d'une grande mobilité indépendante (Elsly, 2004; Heurlin-Norinder, 2003; Nairn, Panelli et McCormack, 2003; Prezza et al, 2001; Sjolie et Thuen, 2002).

Cela dit, la diminution du nombre d'espaces publics, comme c'est le cas dans les secteurs urbains de Londres (Hillmann, 1999; O'Brien et al, 2000), et le sentiment d'exclusion que ressentent les adolescent-e-s face à l'attitude et aux comportements d'adultes ou de leurs pairs, comme c'est le cas dans la ville rurale d'Alexandra et celle urbaine de Dunedin en Nouvelle-Zélande, constituent un frein à leur fréquentation de ces espaces.

Les enfants sont de plus en plus escortés par leurs parents. Fotel et Thomsen (2004) s'inquiètent justement du sort de ces enfants transportés dans 'Vespace-bulle' de la voiture en

(23)

se questionnant sur la manière dont ils vont vivre l'espace public et comment ils vont apprendre à faire face aux événements non planifiés.

L'inquiétude croissante des parents vis-à-vis des espaces publics constitue un frein à la mobilité indépendante de leurs enfants. Cette inquiétude est liée au danger que représente le trafic routier et à la crainte qu'ils ne soient agressés par des inconnus, et les adolescents finissent par partager les même craintes que leurs parents (Elsley, 2004; Hillmann, 1999; O'Brien et al, 2000). Hillmann (1999) a poussé plus loin son analyse en consultant les données statistiques des réseaux de transport pour vérifier si cette crainte des accidents de circulation était justifiée. La situation est effectivement alarmante puisqu'il a constaté que deux accidents de la route sur trois impliquant des enfants ont lieu alors qu'ils circulent à pied ou à vélo. La pratique des parents a donc consisté à retirer les enfants du danger plutôt que d'éloigner le danger de leurs enfants (Hillmann, 1999).

La localisation des équipements sur le territoire mène à une mobilité des adolescent-e-s

plus ou moins dépendante des parents ou d'un adulte (Baudelle et al, 2004; Fotel et Thomsen, 2004; Hillmann, 1999; Tranter et Pawson, 2001). La proximité des équipements, surtout des écoles comme c'est le cas en secteurs urbains de Londres (Hillmann, 1999) ou en milieux urbains et ruraux norvégiens (Sjolie et Thuen, 2002), favorise une mobilité indépendante des enfants. Par contre le choix d'une « meilleure » école pour les enfants, indépendamment de sa localisation par rapport au lieu de résidence, joue un rôle dans la mobilité de tous les membres de la famille, l'accompagnement en automobile étant souvent incontournable (Tranter, 2003).

Ainsi, le choix d'une localisation résidentielle périurbaine ou suburbaine influence les comportements de mobilité de toute la famille (Baudelle et al, 2004; Hilal et Sencebe, 2002). Lorsqu'il y a dispersion des équipements par rapport au lieu de résidence ou éloignement du lieu de résidence par rapport à la localisation des équipements, les familles doivent gérer les activités de chaque membre et le temps qui leur est consacré (Ascher, 1997; Kaufmann et Flamm, 2002).

(24)

L'étude de De Singly (2002) en France a montré que le choix des parents d'inscrire leurs enfants dans des écoles privées dont la localisation est éloignée du lieu de résidence génère systématiquement un accompagnement en automobile par les parents. Alors que c'est la fermeture des écoles dans les milieux ruraux danois qui semble mener les adolescent-e-s à un accompagnement automobile par un adulte à cause de l'éloignement des nouveaux établissements du lieu de résidence (Fotel et Thuen, 2004).

La mobilité des adolescent-e-s est aussi dépendante de la densité du trafic routier. Les adolescent-e-s ont une bonne mobilité indépendante aussi longtemps qu'ils se trouvent dans un secteur séparé et protégé du danger du trafic routier (Depeau, 2001; Heurlin-Norinder, 2003; Prezza et al, 2001). Les enfants des secteurs nouvellement urbanisés de Rome jouissent d'une grande mobilité indépendante, dû au fait que le trafic routier local y est de moindre densité. La densité du trafic augmente à l'extérieur de ce secteur et représente une limite dont le franchissement nécessite un accompagnement par un adulte. Par contre, les enfants des « vieux » secteurs centraux de Rome ont une mobilité plus dépendante des adultes car ces quartiers sont desservis par des rues étroites avec une circulation automobile assez dense (Prezza et al, 2001). L'étude de Tranter et Pawson (2001) arrive aux même conclusions : une forte densité du trafic routier autour des écoles représente un frein à la mobilité indépendante des enfants, que les parents accompagnent systématiquement en automobile, générant ainsi de manière paradoxale une plus forte densité du trafic autour de ces écoles.

L'accroissement de la motorisation des ménages et la desserte des secteurs en transport en commun sont étroitement liés au type de mobilité quotidienne des adolescent-e-s. Les

ménages sont de plus en plus motorisés et il a été établi que le degré de mobilité indépendante des adolescent-e-s décroît au fur et à mesure que le nombre d'automobiles à la disposition du ménage augmente (De Singly, 2002; Hilal et Sencebe, 2002; O'Brien et al, 2000). L'enquête nationale portant sur les déplacements des ménages des milieux ruraux et urbains aux États-Unis a révélé que l'utilisation de l'automobile est le mode de transport dominant dans ce pays.

(25)

Cette utilisation est légèrement plus importante dans les milieux ruraux à cause de la rareté du transport en commun, ajoutée aux distances à parcourir qui sont trop longues pour la pratique de la marche ou du vélo (Pucher et Renne, 2004).

Contrairement à ces résultats, ceux de Sandqvist (2002), portant sur le centre urbain de Stockholm très bien desservi en transport en commun, ont montré que le fait que les parents soient ou non propriétaires d'une automobile n'affecte en rien les habitudes de déplacements en transport en commun de leurs adolescent-e-s qui jouissent ainsi d'une grande mobilité indépendante.

Le transport en commun joue deux rôles principaux : permettre aux adolescents d'être d'une

part plus indépendants de leurs parents, et d'autre part, d'élargir leur zone d'exploration du territoire. Les adolescent-e-s du centre urbain de Stockholm tout comme ceux des secteurs urbains allemands, bénéficient d'une mobilité indépendante étendue pour deux raisons principales : ces zones sont très bien desservies en transport en commun et les adolescent-e-s bénéficient de l'aval de leurs parents pour emprunter ce mode de déplacement dont l'utilisation est chose courante chez toutes les tranches d'âge (O'Brien et al, 2000; Sandqvist, 2002; Tranter et Pawson, 2001).

L'étude de De Singly (2002) en France a révélé que les parents ne sont pas favorables à ce que leurs enfants sortent sans adulte avant l'âge de 14 ans et ce quel que soit le moyen de transport utilisé. C'est pour eux une question de principe. En réalité, ces résistances ne sont pas aussi fortes qu'elles pourraient paraître puisque l'enquête menée auprès de leurs enfants a révélé que, dans les faits, les trois quarts d'entre eux jouissaient d'une mobilité indépendante.

Par contre, les adolescent-e-s des milieux ruraux américains et de la ville de Christchurch en Nouvelle-Zélande utilisent rarement le transport en commun à cause de sa faible qualité et fréquence de ce service dans ces secteurs (Pucher et Renne, 2004; Tranter et Pawson, 2001), et aussi à son coût élevé (Pucher et Renne, 2004).

(26)

L'utilisation de la bicyclette est un indicateur significatif d'une mobilité indépendante des

adolescent-e-s. Le vélo est aussi le mode de déplacement nettement le plus apprécié par ces derniers. Toutefois, les parents ne les autorisent à l'utiliser que sous le mode ludique à cause des dangers du trafic routier (De Singly, 2002; Fotel et Thomsen, 2004; Hillmann, 1999).

Les adolescent-e-s de Christchurch en Nouvelle-Zélande sont par contre de fervents utilisateurs du vélo. C'est une pratique qui est très répandue dans cette ville. Les automobilistes sont, de ce fait, plus sensibles qu'ailleurs à la sécurité des cyclistes (Tranter et Pawson, 2001). Si l'existence d'infrastructures telles les pistes cyclables suggère une utilisation accrue de la bicyclette dans les différents déplacements, l'étude de Sjolie et Thuen (2002) portant sur le parcours vers l'école et loisirs des adolescent-e-s d'un secteur urbain (Hanstad) et d'un secteur rural (Rendalen) en Norvège, tous deux desservis par des pistes cyclables, vient infirmer cette supposition : les adolescent-e-s des deux milieux passeraient plus de temps à des activités sédentaires comme regarder la télévision ou utiliser l'ordinateur et auraient une mobilité dépendante de l'automobile de leurs parents.

La mobilité indépendante des adolescent-e-s à pied permet d'investir un territoire plus

restreint que celui que lui permettrait le vélo ou le transport en commun. Cette mobilité dépend du danger ou de la perception de ce dernier, tel qu'encouru par leur exposition au trafic routier. Les déplacements quotidiens à pied des adolescent-e-s sont en décroissance. C'est du moins ce que révèlent les études de Hillman (1999) et de O'Brien et al (2000) en milieux urbains londoniens. En effet, les parents estiment que les déplacements à pied, sans accompagnement d'un adulte, exposent leurs enfants au danger d'être heurtés par un véhicule. Un regard de ces chercheurs sur les statistiques a permis d'établir que les accidents augmentaient avec l'âge des l'adolescent-e-s. Ces derniers, bénéficiant d'une plus grande mobilité indépendante, s'exposeraient plus au risque d'être heurté par un véhicule à moteur. Outre la sécurité routière, l'éloignement des équipements et services décourage le recours à la marche à pied. En effet, les recherches de Pucher et Renne (2004) aux États-Unis et de Sjolie et Thuen (2002) en Norvège ont révélé que les adolescent-e-s des milieux ruraux parcourent moins de distance à

(27)

pied que ceux des milieux urbains car l'éloignement des activités ne permet pas de s'y rendre à pied.

2.3. Pratiques et représentations de la mobilité

Le type de mobilité quotidienne des adolescent-e-s est lié aux pratiques quotidiennes mais aussi aux représentations, perceptions et appréciations de l'environnement aussi bien des parents que des adolescent-e-s eux-mêmes. Une perception négative est susceptible de mener à une mobilité dépendante d'un adulte ou à une immobilité.

La perception des parents du danger et de l'insécurité influence le type de mobilité

quotidienne dont bénéficient leurs enfants. En effet, le monde extérieur est vu par les parents comme un endroit où leurs enfants sont susceptibles d'être blessés par un véhicule à moteur ou d'être agressés par des inconnus (Fotel et Thomsen, 2004; Hillmann, 1999; Prezza et al, 2001). La possession d'un cellulaire par les adolescent-e-s favoriserait une mobilité indépendante de ces derniers car cette technologie permet aux parents de localiser leurs enfants dans l'espace et cela leur procure le sentiment d'exercer un contrôle sur leurs déplacements (Fotel et Thomsen, 2004). Cela dit, l'adoption de ce système réduit la perception du risque mais pas le risque lui-même.

La perception des adolescent-e-s du danger et de l'insécurité est aussi liée au type de

mobilité quotidienne qu'ils adoptent. L'étude de Elsly (2004) dans les quartiers défavorisés d'Ecosse indique que les endroits impopulaires sont ceux considérés comme sans attrait ou abandonnés. Ces espaces sont perçus par les adolescent-e-s comme dangereux et ils y limitent leur mobilité indépendante, voire leur mobilité tout court (Elsly, 2004). À l'opposé, les adolescent-e-s des secteurs urbains de Stockholm ont une perception positive de leur environnement physique car il leur est familier (Sandqvist, 2002). Alors qu'un même endroit fréquenté par un grand nombre de personnes peut être perçu par les mêmes adolescent-e-s à la fois d'une manière positive ou négative, et ce dépendamment de l'attitude des personnes présentes en ce lieu (Heurlin-Norinder, 2003).

(28)

Une perception négative d'un environnement, par les parents ou leurs enfants, entraînerait une mobilité dépendante ou une immobilité. Alors qu'une perception positive induit un sentiment de sécurité qui se traduit par une mobilité indépendante des adolescent-e-s.

Les pratiques et interactions sociales dans un lieu influencent le type de mobilité des

adolescent-e-s. En effet, les occasions d'interactions sociales augmentent le sentiment d'attachement au quartier et de sécurité à la fois chez les parents et leurs enfants. Le fait de connaître tout le monde et d'être connu de tous renforce ce sentiment (Buffet, 2003; Depeau, 2001). Les adolescent-e-s jouissent alors d'une mobilité indépendante.

Dans les villes de Hatfïeld et de Rome, les contacts réguliers entre les personnes d'un même voisinage permettent aux enfants de jouir d'une plus grande liberté. Ces derniers développent un réseau social dans leur quartier (O'Brien et al, 2000; Prezza et al, 2001); alors que ce n'est pas le cas dans la ville de Londres où même les parents se sentent perdus et ce sentiment se répercute sur le comportement de leurs enfants qui n'y bénéficient pas d'une grande liberté de mouvement (O'Brien et al, 2000).

Selon l'étude de Tranter et Pawson (2001), l'accompagnement des enfants par leurs parents est parfois un « piège social ». Ces derniers le feraient tout simplement pour ne pas paraître irresponsable aux yeux des autres parents. L'accompagnement systématique en automobile peut être ainsi le résultat de pressions sociales.

La mobilité des adolescent-e-s est aussi liée au milieu culturel dans lequel ils vivent. C'est ce que révèle l'étude de Tranter et Pawson (2001) portant sur l'accès indépendant des adolescents à leur environnement local dans différentes villes : Christchurch en Nouvelle-Zélande, Sydney et Camberra en Australie, deux villes en Allemagne et deux autres au Royaume Uni. Cette comparaison internationale a révélé le rôle déterminant que joue la culture dans le comportement individualiste ou communautaire des parents et ses répercussions sur la liberté de mouvement de leurs enfants. Cette recherche a noté un contraste frappant entre le niveau de

(29)

liberté de mouvement des enfants allemands qui est relativement élevé par rapports à leurs pairs de la Nouvelle-Zélande, d'Australie ou du Royaume-Uni. Cette plus grande liberté est due à la forte attitude de responsabilisation des adultes allemands par rapport aux enfants d'une manière générale et aussi à leur utilisation des espaces publics extérieurs. Cet esprit allemand s'oppose à celui fortement individualiste des trois autres cultures.

2.4. Conclusion

Le survol des écrits a permis d'identifier les facteurs influençant la mobilité quotidienne des adolescent-e-s (figure 2).

Figure 2 : Facteurs influençant la mobilité quotidienne des adolescent-e-s

Dimensions personnelles

• Choix de la localisation résiden • Choix de l'école

Habitudes de mobilité des parents Âge/Sexe de l'adolescent-e

Dimensions spatiales et fonctionnelles

Localisation et caractéristiques : du lieu de résidence

des services et équipements Accessibilité au

Réseau routier

Transport en commun Transports actifs Pratiques et interactions sociales"

Perception des adolescent-e-s et de leurs parents du danger et de l'insécurité (trafic routier, individus)

Milieu culturel

(30)

La recension des écrits a également permis d'établir que les adolescent-e-s résidant dans les quartiers plus centraux jouissent d'une plus grande mobilité indépendante que ceux résidant les milieux ruraux.

La mobilité quotidienne indépendante des adolescent-e-s québécois résidant les territoires rurbains serait donc limitée par le choix de leurs parents de résider des secteurs éloignés des quartiers centraux, par la dispersion sur le territoire des équipements et activités, par une faible desserte en transport en commun et par la dépendance à l'automobile des parents ou d'un autre adulte.

Dès lors, nous pouvons émettre l'hypothèse selon laquelle, les adolescent-e-s rurbains québécois ont une mobilité quotidienne principalement dépendante d'un accompagnement automobile par un adulte.

(31)

Chapitre 3 : Stratégie d'investigation

3.1. Méthodologie

L'étude du phénomène de mobilité quotidienne des adolescent-e-s doit faire appel à une méthode à la fois souple et compréhensive.

Le recours à la méthode qualitative est motivé par la nécessité d'une recherche proche du terrain. Selon Deslauriers (1991), Park conseillait déjà à ses étudiants, dans les beaux jours de l'école de Chicago, de concevoir la ville comme un laboratoire. Cette idée conserve toujours son attrait « il faut s'approcher du terrain, se faire plus inductifet se laisser imprégner de l'air du temps » (Deslauriers, 1991 : 5).

Le choix de cette méthode est également motivé par le fait qu'elle se prête bien à l'étude de phénomènes complexes et mouvants (Deslauriers, 1991; Jodelet, 2003). Elle permet d'épouser fidèlement les contours fluctuants des phénomènes sociaux (Deslauriers, 1991). Elle part du point de vue des individus étudiés pour comprendre la dimension spatiale de ces phénomènes (Buffet, 2003), tout en se concentrant sur la vie quotidienne, sur la construction de la réalité et sur les représentations et significations que les personnes donnent à l'action (Buffet, 2003; Comeau, 1994; Deslauriers, 1991). Elle a la vocation de comprendre et de détecter des comportements (Kaufmann, 1996), de décrire de manière fine et exhaustive l'expérience vécue et la réalité sociale (Pires, 1997; Poupart, 1997). C'est aussi une méthode qui ne se limite pas à étudier séparément différentes composantes de l'expérience sociale, elle s'attache à l'ensemble des dimensions qui caractérise un phénomène (Jodelet, 2003). Par sa souplesse, elle a la capacité d'englober des données hétérogènes et de combiner différentes techniques de collecte des données (Pires, 1997).

3.2. Technique d'enquête

Afin de collecter les données nécessaires pour atteindre les objectifs de cette étude et répondre aux intérêts du Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Banlieues, le choix de la technique d'enquête s'est porté sur l'entretien individuel de type semi-dirigé.

(32)

3.2.1. L'entretien est l'un des outils privilégiés pour la recherche qualitative. C'est une

interaction centrée sur un sujet particulier (Deslauriers, 1991). Son principe fondamental est de fournir un encadrement à l'intérieur duquel les répondants exprimeront leur compréhension des choses dans leurs propres termes (Patton, 1980 cité par Deslauriers, 1991). Pour obtenir les bonnes réponses, le problème n'est pas tant de poser les bonnes questions car l'essentiel est de « gagner la confiance de l'enquêté, de parvenir rapidement à le comprendre à demi mot et à entrer (temporairement) dans son univers (mental)» (Beaud et Weber, 1998 : 203).

3.2.2. Pré-tests

Une première version du questionnaire a été expérimentée au printemps 2005 avec la collaboration de 13 adolescent-e-s (8 Filles et 5 garçons) âgés entre 12 et 18 ans. Les membres du GIRBa12 ont fait appel à leurs proches et à leurs connaissances pour le recrutement de ces

répondant-e-s volontaires. Se basant sur les résultats de ces pré-tests, certaines questions ont été modifiées et d'autres ajustées. Cette révision a abouti à l'instrument final utilisé pour l'enquête.

3.2.3. Grille d'entrevue

La grille d'entrevue a été établie en lien avec les facteurs d'influences recensés dans la littérature. Cette grille permet de cerner les dimensions à la fois personnelle, spatiale et fonctionnelle ainsi que les pratiques et représentations (voir figure 2, p. 19) qui influencent la mobilité quotidienne des adolescent-e-s rurbains québécois. Cette grille permet également d'investiguer, s'il y a lieu, d'autres facteurs d'influence non recensés dans les écrits.

Le schéma final de l'entrevue est organisé en six parties (annexe 1) :

- La première partie est d'ordre général, elle permet de cerner les caractéristiques personnelles de chaque adolescent-e (âge, sexe, niveau scolaire, nombre de voiture(s) par ménage, le passé résidentiel et une description du secteur et de la maison de l'adolescent-e). Un portrait de chacun peut être ainsi établi.

(33)

La deuxième partie porte sur la mobilité quotidienne de l'adolescent-e (déplacements quotidiens, temporalités, activités, appréciations des trajets, accompagnement). L'analyse des données recueillies permet d'établir la structure spatiale des déplacements de chaque répondant-e tout en identifiant le moyen de transport et le temps nécessaires pour chaque déplacement. Cette portion de l'entretien permet de cerner la dimension spatio-temporelle des déplacements de chaque répondant-e et ainsi le type de mobilité adopté.

La troisième partie traite des rapports à l'espace, des pratiques, des représentations et de l'appréciation des différents lieux situés près de la résidence ou au centre-ville, ce dernier devant être identifié et localisé au préalable par le répondant. L'analyse de ces données permet d'identifier le rapport de l'adolescent-e à son milieu de vie et d'établir dans quelle mesure ses représentations et appréciations des différents lieux exercent une influence sur le type de mobilité adopté et sur son éventuel repli sur la sphère privée.

La quatrième partie porte sur les activités à la maison (Internet, télévision, jeux vidéo et le temps consacré à chacune de ces activités). Comme le soutient Ascher (1998), on ne peut aborder la mobilité sans parler de fixité. Cette portion de l'entretien permet d'établir si par manque de mobilité indépendante, l'adolescent-e consacre son temps à des activités sédentaires.

La cinquième partie porte sur les représentations et usages des différents moyens de transport (vélo, marche, voiture, transport en commun, ...). Cette partie de l'entrevue permet de comprendre l'influence des représentations qu'ont ces adolescent-e-s des modes de transport sur leur pratique quotidienne et possiblement sur le type de mobilité qu'ils adopteront éventuellement une fois adultes.

(34)

La sixième partie consiste en une tâche de triage d'une série de 25 photos représentant différentes scènes urbaines, suburbaines et rurbaines (annexe 2). L'adolescent-e doit classer les scènes par pile et par ordre de préférence en commentant ce que représente le contenu de chaque photo tout en indiquant son appréciation. Cette partie du questionnaire a été analysée dans le cadre d'un essai en design urbain13 et ne sera donc pas traitée dans ce mémoire.

3.3. Enquête de terrain

Ce travail repose sur une enquête de terrain menée à l'été 2005 auprès de trente adolescents (12 à 18 ans) issus de 20 ménages, dont quatre sont recomposés. Vingt-sept parmi ces adolescent-e-s fréquentaient alors l'école secondaire; deux autres, une institution collégiale (Cégep); un seul adolescent âgé de 17 ans travaillait mais n'avait pas encore son permis de conduire. Il a tout de même été comptabilisé car sa mobilité quotidienne ne diffère guère de celle de ses pairs.

Les entrevues étaient de type semi-directif et d'une durée moyenne d'une heure et 15 minutes. Elles ont été menées au domicile des adolescent-e-s et enregistrées sur des cassettes audio. En effet, l'enregistrement présente, selon Deslauriers (1991), de précieux avantages car cela permet de « conserver l'entrevue telle qu'elle s'est déroulée, de fournir l'occasion de revenir sur les propos autant de fois que nécessaire, de bien comprendre tout ce qu 'il s'est dit, de saisir des signaux non verbaux tels que les pauses ou le changement de ton de la voix. Le chercheur n 'a pas à se casser la tête pour retenir les détails et il peut se concentrer sur ce que dit son interlocuteur. Par la suite, le matériel recueilli sera toujours disponible pour l'analyse et qu 'ilpourra y revenir» (p. 68).

13 GAGNON L-M (2006) Le rapport aux lieux publics et semi-publics des adolescents d'un secteur périurbain de

(35)

Tableau 1 : Localisation et caractéristiques des adolescent-e-s Rive Rive Nord Rive Sud Total Secteurs Lac-Beauport Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier Saint-Augustin-de-Desmaures L'Ange-Gardien Sous total Saint-Étienne-de-Lauzon Sainte-Hélène-de-Breakey ville Sous total Nombre 11 02 02 01 16 10 04 14 30 Sexe 8 F 3 M 2 F I F 1M 1 F 12 F 4 M 6 F 4 M 3 F 1M 9 F 5 M 21F 9 M Age 2 (12 ans) 1 (13 ans) 2 (14 ans) 2 (15 ans) 1 (17 ans) 1 (13 ans) 2(14 ans) 1 (12 ans) 1 (15 ansi 1 (14 ans) 1 (17 ans) 1 (17 ans) 3 (12 ans) 1 (13 ans) 3 (14 ans) 3 (15 ans) 2 (17 ans) 1 (13 ans) 2 (14 ans) 1 (17 ans) 2 (12 ans) 2 (14 ans) 1 (17 ans) 1 (18 ans) 2 (13 ans) 1 (15 ans) 1 (16 ans) 2 (12 ans) 1 (15 ans) 1 (13 ans) 4 (12 ans) 2 (14 ans) 1 (15 ans) 1 (17 ans) 1 (18 ans) 3 (13 ans) 1 (15 ans) 1 (16 ans)

(36)

3.3.1. Territoires d'investigation

L'étude de la morphologie du bâti du territoire de la communauté métropolitaine de Québec a permis à l'équipe du GIRBa d'inventorier 29 noyaux à caractère potentiellement périurbain ou rurbains.

La démarche suivie pour identifier ces territoires est la suivante :

1. Repérage et délimitation des noyaux villageois à partir des cartes de 1950; 2. Superposition de ces noyaux avec les cartes actuelles;

Selon Moretti et al (2004), cette démarche a permis de « comprendre la logique d'expansion des tissus urbains en rapport avec les divers éléments environnants (parcours fondateurs, voies ferrées, autoroutes, cours d'eau, etc.).» (p. 14) et de dégager une typologie préliminaire de la structuration de ces milieux (annexe 3).

Figure 3 : Localisation des noyaux rurbains de la communauté métropolitaine de Québec et des terrains d'enquêtes si .!.*>. hnn S l e KiKirfii' (le I .iv.il ( k, Hooiipié Sle I amille SI l>iene CJiaitiv St I tienne de I auzon (.IKBa (projet CMQ, 2004)

(37)

Moretti et al (2004) soutiennent que la rurbanisation ne serait pas un processus uniforme partout sur le territoire et que la «rurbanité» serait une «réalité complexe aux multiples visages» (p. 11). Aussi, ces auteurs ont identifié deux structures d'étalement différentes à Québec, qui découlent entre autres de contraintes géomorphologiques (topographie et hydrographie) (figure 3) :

1. Une structure tentaculaire au Nord (effilochage le long des routes et dans le creux des vallées) ;

2. Une structure 'satellitaire' au Sud (noyaux relativement compacts séparés par des zones agricoles et des boisés) ;

À partir de ces constats, l'équipe du GIRBa a sélectionné six territoires d'enquête sur les rives Nord et Sud du fleuve Saint-Laurent. Du côté Nord, les secteurs d'enquête sont : L'Ange-Gardien, Lac-Beauport, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Saint-Augustin-de-Desmaures. Du côté Sud, il s'agit de : Saint-Étienne-de-Lauzon et Sainte-Hélène-de-Breakeyville. Ces secteurs, généralement en cours de densification, ont été investigués par trois équipes de deux interviewers. Cette investigation auprès des adolescent-e-s fait partie d'une enquête plus large effectuée auprès de ménages de ces mêmes secteurs.

Figure 4 : Exemple du type de secteurs investigués en territoires rurbains

Photo : source Girba (2004)

3.3.2. Déontologie

La participation des adolescent-e-s s'est faite sur une base volontaire. Une opération de porte-à-porte a permis aux étudiants chercheurs d'expliquer aux parents ainsi qu'à leurs enfants la

(38)

nature de la présente étude. Un feuillet explicatif leur a été remis (annexe 4). Les adolescents avaient donc le libre choix de participer ou non à cette enquête. Après accord à la fois des parents et des adolescent-e-s, un formulaire de consentement (annexe 5) leur a été soumis sur lequel les signatures de l'adolescent-e et d'un de ses parents ont été apposées avant de commencer l'entrevue. Celle-ci se déroulait soit sur-le-champ, soit un rendez-vous était fixé pour une prochaine rencontre.

3.3.3. Confidentialité et anonymat

Dans un souci de préserver la confidentialité relative à l'identité de l'adolescent-e ainsi qu'à sa localisation résidentielle, un numéro d'identification et un pseudonyme ont été attribués à chaque répondant-e. Les données exploitées dans cette recherche sont exposées de manière à ne pas pouvoir retracer la localisation résidentielle exacte du répondant ni le répondant d'ailleurs.

3.3.4. Analyse et traitement des données qualitatives

L'outil informatique facilite le processus de classification et d'analyse des données qualitatives recueillies. N'Vivo représente l'un des logiciels les plus performants pour cette analyse (Massé, 2001)14. Ces données qualitatives qui sont autant d'éléments d'information que

d'idées, doivent être déchiffrées, traduites et structurées selon des thèmes et des catégories qui renseignent sur leur contenu (Lux, 2001).

Les données qualitatives recueillies portent sur l'expérience quotidienne des adolescents, ainsi que sur leurs représentations, sociales et spatiales, de leur mobilité quotidienne ainsi que sur certaines de leurs aspirations. Le processus d'analyse de ces données comprend, selon Tesch (1990, cité par Savoie-Zajc, 2000), deux moments :

1. Une 'décontextualisation' qui est une organisation des données pour permettre un repérage par thème. Il s'agit d'identifier des unités minimales de sens et de leur attribuer un code.

(39)

2. Une 'recontextualisation' qui consiste en un regroupement thématique et à une catégorisation des codes. Cette dernière est une opération qui « vise la formulation de concepts afin de regrouper des thèmes apparentés» (Savoie-Zajc, 2000 : 102).

La codification consiste à attribuer à des parties de texte, des phrases ou des paragraphes des codes facilitant ainsi la compréhension et la classification de leur contenu (Lux, 2001). Nous avons eu recours dans cette recherche à une structure de codification en 'Tree Nodes', proposée dans N'Vivo. La liste de ces codes est organisée et classée en niveaux hiérarchiques en arborescence en fonction du cadre conceptuel et des lectures préliminaires développés au chapitre 2, ainsi que des questions de recherche. Cette démarche définit des catégories générales et des codes plus précis (annexe 6). L'organisation hiérarchique permet d'une part de lier ensemble ce qui est apparenté et de rassembler d'autre part ces éléments selon un niveau qui va du global au spécifique (Savoie-Zajc, 2000). En plus de la codification des discours des répondant-e-s, N'Vivo permet également la création d'attributs. Les attributs sont, selon Lux (2001), des propriétés génériques tel que l'âge, le sexe, etc. qui permettent de centrer l'analyse et de chercher des liens entre les concepts dégagés lors de la codification des discours et les attributs des répondant-e-s.

Ce qu'il importe de retenir c'est que « les tâches liées à l'organisation des données restent fondamentalement les mêmes dans la pratique d'analyse assistée par ordinateur que dans la pratique manuelle» (Savoie-Zajc, 2000: 105). N'Vivo ne peut analyser ou interpréter les données par lui-même. Son utilisation ne peut donc légitimer la qualité d'une analyse, comme le souligne Bourdon (2000), c'est « comme si un biologiste déclinait la marque de son microscope en garantie de la qualité de son travail » (p. 37).

3.3.5. Interprétation des données

Dans cette recherche qualitative, il s'agit de rechercher des significations et de comprendre des processus dans des situations contextualisées (Giordano, 2003) et d'indiquer des tendances plutôt que des relations de cause à effet (Poupart, 1997). L'interprétation et l'analyse des données sont présentées au chapitre suivant sous forme de typologie en lien avec les écrits recensés sur le sujet.

(40)

Chapitre 4 : Mobilité quotidienne des adolescent-e-s rurbains québécois

Plusieurs dimensions interagissent sur la mobilité des adolescent-e-s (voir chapitre 2), qui se subdivise ainsi en deux types :

1. Une mobilité dépendante de l'accompagnement par un adulte;

2. Une mobilité indépendante définie par Heurlin-Norinder (2003) comme étant la possibilité de circuler dehors sans l'escorte d'un adulte.

La mobilité quotidienne des adolescent-e-s rurbains québécois interviewés est abordée à travers l'analyse de leur parcours vers l'école, leur niveau d'autonomie dans leurs déplacements quotidiens et leur appréciation de ces derniers dépendamment du moyen de transport utilisé (autobus scolaire, automobile, transport en commun, vélo et marche). Leur rapport à l'espace est aussi étudié à travers leur perception de leur environnement immédiat et du centre-ville. Le type de mobilité adopté par ces adolescent-e-s est ensuite analysé en lien avec leur perception du danger et de l'insécurité et des éventuelles restrictions parentales. Un survol de leur mobilité «virtuelle» à travers l'utilisation des TIC est enfin présenté à la fin de ce chapitre, afin de vérifier si ce type de mobilité se substitue, aux yeux des adolescent-e-s, à leur mobilité spatiale.

4.1. Mobilité des adolescent-e-s sur leur parcours vers l'école

Peu de recherches se sont intéressées au déplacement des adolescent-e-s sur leur parcours vers l'école en lien avec les formes urbaines (McMillan, 2005). Toutefois, le survol des écrits a permis d'identifier certaines dimensions influençant la mobilité des adolescent-e-s dans leurs déplacements quotidiens et leur parcours vers l'école en fait partie. Nous avons donc caractérisé le type de mobilité des 30 adolescent-e-s rurbains québécois sur ce parcours en lien avec :

Leur localisation résidentielle rurbaine sur la rive Nord ou Sud du fleuve Saint-Laurent. Selon les écrits une localisation résidentielle en milieu urbain ou rural a une influence sur le type de mobilité des adolescent-e-s. De plus, comme mentionné dans le chapitre

(41)

précédent, deux structures d'étalement différentes ont été identifiées, l'une sur la rive Nord et l'autre sur la rive Sud de la communauté métropolitaine de Québec (tentaculaire au Nord et satellitaire au Sud). Il est donc important de déterminer s'il existe une éventuelle différence entre le type de mobilité des adolescent-e-s dépendamment de la rive sur laquelle ils habitent;

Le sexe et l'âge;

Le type d'école fréquenté (publique/privée);

La desserte des secteurs par un service de transport en commun;

L'utilisation du service de transport en commun par ces adolescent-e-s; L'utilisation du service de transport en commun par leurs parents; - La durée de leur trajet entre le lieu de résidence et l'école;

L'appréciation du trajet vers l'école en automobile; - L'appréciation du trajet vers l'école en autobus scolaire.

4.1.1. Type de mobilité et localisation résidentielle (rive Nord/ rive Sud)

L'enquête réalisée concerne, tel que mentionné précédemment, 30 adolescent-e-s qui habitent d'une part et d'autre du fleuve Saint-Laurent. Une comparaison entre le type de mobilité des adolescent-e-s résidant sur chacune des deux rives s'est imposée d'elle-même. Il s'agit de déterminer si le type de mobilité de ces adolescent-e-s diffère en fonction du facteur rive Nord/rive Sud et donc de la structure d'étalement de chaque rive.

Tableau 2 : Répartition des adolescent-e-s selon la localisation résidentielle (rive Nord/rive Sud) et leur mobilité dépendante, indépendante ou alternée15.

Mode de transport sur le parcours vers l'école

1 Automobile 2 Autobus scolaire

3 Automobile et autobus scolaire

Mobilité exclusivement dépendante

1 Marche

Mobilité exclusivement indépendante

1 Automobile ou marche 2 Automobile ou vélo

3 Automobile ou autobus de ville

Mobilité alternée Total Rive Sud 1 6 3 10 2 2 1 0 1 2 14 Rive Nord 2 11 1 14 1 1 0 1 0 1 16 Total 3 17 4 24 3 3 1 1 1 3 30

15 Mobilité alternée entre une dépendance et une indépendance à l'accompagnement automobile et/ou à l'autobus

Figure

Figure 1 : Décomposition de la mobilité quotidienne des adolescent-e-s.
Figure 2 : Facteurs influençant la mobilité quotidienne des adolescent-e-s
Tableau 1 : Localisation et caractéristiques des adolescent-e-s Rive Rive Nord Rive Sud Total SecteursLac-Beauport Sainte-Catherine-de-la-Jacques-CartierSaint-Augustin-de-DesmauresL'Ange-GardienSous totalSaint-Étienne-de-LauzonSainte-Hélène-de-Breakey vill
Figure 3 : Localisation des noyaux rurbains de la communauté métropolitaine de Québec et des terrains d'enquêtes si .!.*>
+7

Références

Documents relatifs

→ Des outils innovants avec les Campus connectés pour fournir des solutions d’accès aux études supérieures dans tous les territoires, les classes préparatoires “Talents

Tous sujets concernant la PAC surface et la déclaration des aides (hors aides MAEC et bio) : aides découplées et couplées végétales, relevés de situation, codes Télépac,

Dans le cadre de la nouvelle programmation européenne confiée à l’autorité de gestion du Conseil régional de Bretagne, 2016 s’est placée dans la continuité de 2015 avec

Unité logement privé Unité filières et territoires. Guillaume POULIQUEN

Suite à la concertation de l’ensemble des acteurs lors d’une réunion technique le 8 juin dernier et à la consultation du conseil départemental de l’eau, ce lundi 15 juin,

[r]

In light of these enormous financial commitments, especially the negative impact on States’ ability to engage in more structural and preventive interventions, the members of the

Partager des informations et confronter des expériences qui ont déjà démontré leur pertinence, tels sont les objectifs de la ren- contre régionale «Coopération internationale dans