25 novembre 2015 : ent ans de Relativité
YvesDeRop
Université deLiège, Institutd'Astrophysique etde Géophysique
Allée du 6 Août, 19
4000 Liège, Belgique
La théorie proposée par Einstein audébutdu XXe siè le portebien mal son nom; ar si,
historiquement,l'a entfutmisd'abordsurlarelativitéde ertainesnotions(enparti ulier,
lamesure del'intervalledetempsé ouléentredeuxévénementsdonnés),ona omprispar
lasuite qu'ellereposait plusfondamentalementsurl'existen ede quantitésabsolues,
'est-à-dire, dont lamesure est identique pour tous les observateurs, quel que soit leur étatde
reposoudemouvement.Ces quantitéssontin onnuesdelamé aniquedeNewton,laquelle
nere onnaîtqu'unseulinvariant:letemps.Cetexte her heàretra er,ave unminimumde
formalisme, omments'est imposéunnouveau adregéométrique pourlaphysique,dominé
par ette exigen e d'invarian edes mesuresspatio-temporelles etintégrant unedes ription
révolutionnairedelagravitation.
1 Introdu tion
Frappons su essivement deux fois sur une table à une se onde d'intervalle par
exemple,unefoisprèsdu oingau heetunefoisprèsdu oindroitetposonslaquestion:
quelle estladistan e entre esdeux événements?
Laréponsepeutsemblerévidente:Voyons, ettetableest larged'unmètreenviron;
quelle di ulté imaginez-vous là-derrière? Pourtant, il seraittoutaussilégitime
d'ar-mer qu'entre les deux événements (les deux oups portés sur la table) la distan e est de
trentekilomètres!Eneet,laTerretourneautourdusoleilàlavitessedetrentekilomètres
par se ondeenviron,et 'estlaréponsequ'eûtspontanément donnéeunobservateurliéau
soleil.
On omprend dès lors le rle ru ial joué par le référentiel auquel on rapporte les
mesures. La théorie de la relativité a profondément modié notre regard sur la question
des mesures spatio-temporelles. Remettant en ause les présupposés métaphysiques de la
mé anique newtonienne, elle a notamment retiré au temps son ara tère absolu, pour le
réduireàunenotionrelative.Maisils'estavéréquelarelativitédel'espa eetdutempsest
la onséquen edel'existen ed'unnouvelabsolu,entendonsparlàl'existen ed'uninvariant
permettantlamesurededistan esentrelesévénementsdel'espa e-temps,indépendamment
du référentielauquel on rapporte leurs oordonnées.
Nous allons tenter de pré iser les enjeux fondamentaux liés à e nouveau regard sur
l'espa e-temps qui, à dix ans d'intervalle, a donné naissan e à deux théories
révolution-naires : la relativité restreinte (1905) et la relativité générale (1915). Nous en proterons
pourtenterd'illustrersu in tementles relationsmouvantes quelathéoriede larelativité
a entretenues ave la philosophie,en parti ulier ave lepositivisme.
2 Brève histoire du prin ipe de relativité
Tout le monde, un jour ou l'autre, a pu expérimenter la situation suivante. Un train
inversement. C'est le prin ipe de relativité galiléen : il existe une lasse de référentiels,
qualiés d'inertiels, ou en ore de galiléens 1
,dans lesquels les phénomènes mé aniques
rotationd'un orpssolideautourd'unaxe, ollisionsentredesbillesdebillardet .,sont
identiques.Ilestdon impossiblededé elerleurmouvementparunequel onqueexpérien e
demé anique. Galiléel'avaitdéjàremarqué,quidé rétait àleurpropos:il moto è ome
nullo .Lesloisde Newtonpermettent d'endonnerune dénitiondynamique:estréputé
inertieltoutréférentieloùs'appliqueleprin iped'inertie, 'est-à-direparrapportauquelle
mouvement d'uneparti ule libre(à savoir, quin'est soumise àau unefor e) estre tiligne
et uniforme. Tous es référentiels inertiels sont don en translation re tiligne et uniforme
les uns par rapportauxautres.
Par ontre,ils'avèreplus ompliquéd'é rirelesloisdumouvementdansdesréférentiels
a élérés par rapport aux référentiels inertiels. Ainsi, quand un bus bondit vers l'avant
ses passagers sont projetés vers l'arrière. La mé anique newtonienne rend ompte de e
phénomèneàl'aided'unefor eappeléefor e tived'entraînement etdirigéeversl'arrière.
Bienentendu,ilnes'agitpasd'unefor eréelle,ellen'exprimepasunpro essusd'intera tion
entreles passagers etDieu sait quel hampphysique :elle traduitsimplement lefait que,
envertudeleurinertie,lespassagersonttendan eàresteraureposparrapportautrottoir
tandis quele bus her he à glissersousleurs pieds.
D'unemanièregénérale,pourraisonnerdanslesréférentielsnoninertielsilfautintégrer
dans le formalisme newtonien des for es tives d'inertie, dont les représentants les plus
onnus,outrelafor ed'entraînementquivientd'êtrementionnée,sontlafor e entrifugeet
lafor ede Coriolis.Unexpérimentateur entraîné danslerotor,au hampde foire,ressent
une for e entrifuge qui leplaque ontre les parois. Et 'est lafor e de Coriolis qui dévie
vers ladroite lemouvement desventsdans l'hémisphère nord.
C'esti i quesurgitune di ulté.Pour xer lesidées,reprenonsl'exemple durotor.Si
l'on rapporteles événementsà e référentiel ilest parfaitement orre t, d'unpoint devue
inématique, d'armer que e sont les spe tateurs immobiles dans le hamp de foire qui
sontanimésd'unmouvementderotation.Or,ilsneressententpasdefor e entrifuge!Pour
justier ette étrange dissymétrie,Newtoninvoque l'existen ed'unestru ture impartiale,
l'espa e absolu, etsupposequeles référentiels inertiels sontprivilégiés, par e quetous en
translation re tiligne et uniforme par rapport à lui. Adoptant une perspe tive de toute
éviden e osmologique, ilémet l'hypothèse quele entre de gravitédu systèmesolaire est
absolument immobile: 2
PROPOSITIONXI.THEOREMXI.
That the ommon entreof gravityoftheearth,thesun,andalltheplanets,isimmovable.
For[byCorollary4oftheLawsofmotion:the ommon entreofgravityofallbodiesa ting
uponea h other (ex luding external a tions and impediments) is either at rest, or moves
uniformlyinarightline℄that entreeitherisatrest,ormovesuniformlyforwardinaright
line;butifthat entremoved,the entreoftheworldwouldmovealso,againsttheHypothesis
[thatthe entreofthesystemoftheworldisimmovable,whi hisa knowledgedbyall℄.
Dèsàprésent,remarquonsque e ritèred'immobilité véritableest paradoxal,pour ne
pas dire en onit ave le prin ipe de relativité, ar il serait légitime d'attendre que les
lois de la mé anique permettent de diéren ier les référentiels inertiels selon leur vitesse
par rapport à l'espa e absolu! Mais e n'est pas le as, seules sont déte tables les
a é-1. Dansnosexemples,lequaidelagare,lestrains,le hampdefoiresontsupposésinertielsenpremière
approximation.
tradu -lérations par rapport à l'espa e absolu. Ce dernier joue don un rle d'arbitre et permet
d'armerquelebusa élèrevraimentetpasletrottoir.Demême, 'estlerotorquitourne
absolument, etnon paslabaraque auxla quemants.
Par ontre,lespassagersd'untrainvoyageantàvitesse onstantedeLiègeversBruxelles
sont-ils vraimenten mouvement, oubien, par exemple,seraient-ils immobiles etBruxelles
viendrait-elle vers eux? En pratique, au une expérien e de mé anique ne leur permet de
le déterminer.
Qu'onneseméprennepassurlesensd'unetelledé laration.Lemoteurdelalo omotive
permetautraind'avan ersurlesrails:ilseraitabsurdede lui onférerlavertudefairese
propager laville de Bruxelles.Einstein a ommenté e point nonsans humour : 3
[Le ondu teurdelalo omotive℄obje teraque en'esttoutdemêmepaslepaysagequ'ilest
obligéde haueretdegraisser,maisbienlalo omotive,etque 'estdanslemouvementde
elle- iqu'onvoitl'eetdesontravail.
Relu par Einstein, le prin ipe de relativité va plus loin. En bon positiviste, dis iple
admiratif de Ma h et onvain u par sa le ture ritique de la mé anique newtonienne,
Einstein rejette dans les limbes de la métaphysique la notion d'espa e absolu que deux
ents ans d'expérimentation n'ont jamais pu mettre en éviden e. Et il étend e prin ipe
à toutes les loisde la physique (et passeulement elles de lamé anique), y ompris don
elles de l'éle tromagnétisme. C'est le prin ipe de relativité restreinte. Ayant ainsi éva ué
during l'arbitreimpartial,on peutdirequ'il pla eréellement tous lesréférentielsinertiels
sur un pied d'égalité. Au une interprétation n'est moins vraie qu'une autre, il n'existe
au un indi e permettant de tran heren faveurde l'uneou de l'autre.
Cependant,l'éle tromagnétismesemblefournirun ritère simplepermettant de
dépar-tagerlesréférentielsinertiels:lalumièreétantuneondeéle tromagnétique,elle onsisteen
une perturbation dont lapropagationné essiteapriori un milieu,l'éther.Ons'attendrait
don à e que la vitesse de l'éther ou, e qui revient au même, la vitesse de la lumière,
varie d'un référentiel inertiel à un autre. Un observateur immobile par rapport à l'éther
mesurerait
c
pour la vitesse de la lumière dans sonréférentiel propre. Mais un autre ob-servateur, animé d'unevitesseV
par rapportàl'éther et lançant un rayonlumineux dans ladire tion de sonmouvement, mesureraitc + V
ouc − V
selon lesens durayon.Pourtant, sil'ona ordedu réditauprin ipe derelativité,un ré epteurdoittoujours
mesurerlamêmevitesse
c = 299 792 458
m/spourlavitessedepropagationdelalumière, 4et ela quel que soit son mouvement par rapport à lasour e lumineuse. Celasignie que
laloi galiléenne de omposition desvitesses,etave elle toute lamé anique newtonienne,
sont in orre tes. Il s'agit dere onstruire la mé anique surla based'un nouveau prin ipe,
l'invarian edelavitessedelalumièredanslevidepourtouslesobservateurs.Exit l'éther! 5
Ce fantme disparaît de las èneen même temps quesonfrère bâtard, l'espa e absolu.
3. DansDieNaturwissens haften,novembre1918,pp.697-702.Ceremarquablearti ledevulgarisation
esttraduit enfrançais, sousle titreDialoguesurlesobje tionsopposéesàlathéorie delarelativité,
dans Albert Einstein, ÷uvres hoisies 5, textes hoisis et présentés parJ. Merleau-Ponty etF. Balibar,
Seuil,1991,pp.61-70.
4. Ils'agitlàd'unevaleurexa tedepuisque,en1983,ellesertàdénirlemètre.Bienentendu, ette
pure onventionmétrologiquenejustieenrienl'invarian ede
c
(bienque elle- i donnesensà elle-là), invarian equirestesoumiseauverdi tdel'expérien e.5. Au mieux,la notion de mouvement del'éther doit être revue.Mais dans uneoptique positiviste
( meaning =veriability ),ilest natureldesedébarrasser de ethypothétiqueeten ombrantmilieu
depropagation delalumièrequi,fa e auxdi ultésoùs'enlisaitlaphysique lassiqueàlan duXIXe
Unetelle on lusionestévidemmentlourdede onséquen es.Entémoignent,par
exem-ple, les proposdeLord Kelvin 6
:
L'étherluminifère, 'est-à-direlaseulesubstan edontnoussommessûrsendynamique[...℄
S'il y a une hose dont nous sommes ertains, 'est bien la réalité et la substantialité de
l'étherluminifère.
Plutt que de stigmatiser le manque d'ouverture de Lord Kelvin, il faut au ontraire
saluer son intuition remarquable qui lui faisait pressentir les onséquen es terribles pour
la physique d'une remise en question de l'éther. Et 'est bien, en eet, un tout nouveau
adrespatio-temporelque esréexions ont amenéEinsteinà proposerpour lamé anique
etl'éle tromagnétisme. Onl'appelle théorie dela relativité restreinte.
3 Syn hronisation des horloges et invarian e de
Larelativitérestreinte reposesurlefaitquelamesurede lavitesse
c
delalumière dans un référentiel inertiel donné, 'est-à-dire le temps qu'elle met pour fran hirunedis-tan e
d
,estindépendanteduréférentielinertiel hoisi.Nousutilisonsdesguillemetspourle motmesure aron omprend bienque etteindépendan erésulted'une onvention,etnepeutêtre omplètement vériée parl'expérien e.Eneet,lavitessedontilestquestion
estle rapport deladistan e
d
autemps né essairepourlapar ourir. Elle dépend don de la onvention adoptéepour syn hroniser( 'est-à-dire régler)les deuxhorloges situéesauxdeux extrémitésdutrajet. 7
En 1907 Einsteiné rivait :
Nous supposons maintenant que les horloges peuvent être ajustées de telle façon que la
vitessedepropagationden'importequelrayonlumineuxdanslevidemesuréeaumoyen
de eshorlogessoitpartoutégaleàune onstanteuniverselle
c
,pourvuquelesystèmede oordonnéesnesoitpasa éléré.La onvention hoisie parEinstein pour syn hroniserdeux horlogesxesdansun
réfé-rentielinertiel donné etséparéespar une distan e
d
estlasuivante. Siun rayonlumineux quittelapremière horloge autempst
1
etseréé hitsurl'autre horlogeau tempst
2
avant de rejoindrelapremièrehorloge autempst
3
,alorsles deuxhorlogessontdites syn hrones si etseulement sit
2
=
t
1
+ t
3
2
.
End'autrestermes, ommeonpeutlevérierparun al ulsimple,lavitessedelalumière
déterminée sur based'unallersimple :
c
1
=
d
t
2
− t
1
est égaleà lavitessede lalumière déterminée surbased'un aller-retour:
c
2
=
2d
t
3
− t
1
.
Ilexisteunautrepro édédesyn hronisation,obtenuaumoyendutransportlentd'une
horloge.Onpromène elle- ipartout dansleréférentielinertieloùellesetrouvequasiment
6. DansConféren esPubliquesetDis ours,1891.
au repos( equi,in idemment, détermine leditréférentiel). La onvention est alors la
sui-vante : haque horloge xe dans e référentiel se règle sur l'heure indiquée par l'horloge
baladeuse.Onpeutmontrerquelesdeux onventionsquel'onvientdeprésentersont
équi-valentes, 'est-à-dire fournissent la même théorie (la relativité restreinte). 8
D'autre part,
ette équivalen e peutêtre testée:letransportlent d'unehorloge permet desyn hroniser
une horloge à distan e d'une sour e lumineuse, et l'expérien e permet de vériersi, ave
les notationsadoptées i-dessus, on abien
t
2
= (t
1
+ t
3
)/2
(enl'o urren e, 'est le as). En résumé, seule l'invarian e de la vitesse de la lumière sur des trajets aller-retour,'est-à-dire son isotropie par rapport à de tels trajets, peut être soumise à l'expérien e.
En eet, une seule horloge sut alors et l'on ne doit pas s'embarrasser d'un ritère de
simultanéité. Le physi ien R. Anderson et ses ollaborateurs 9
ré apitulent très bien la
situation :
Anempiri altestofanypropertyoftheone-wayspeedoflightisnotpossible.Su hquantities
as the one-way speed of light are irredu ibly onventional in nature, and re ognizing this
aspe tistore ognizeaprofoundfeatureofnature.
Historiquement,l'ar hétypede ettevéri ation ru ialefutl'expérien ede
Mi helson-Morley.Une analogievanouspermettre de omprendrel'idée d'uneexpérien efondéesur
le prin ipe d'un aller-retour. Supposons un observateur immobile au départ d'un trottoir
roulant de vitesse
V 6= 0
.Un piéton emprunte e trottoir et ee tue l'aller-retour jusqu'à une distan ed
de l'observateur, ave une vitessec > V
onstantepar rapportau trottoir. Par rapport à l'observateur xe, eten admettant les lois de la inématique galiléenne, savitesseàl'allervaut
c + V
etsavitesseauretour vautc − V
.Par onséquent,l'aller-retour né essitera untempst =
d
c + V
+
d
c − V
=
2d
c (1 − V
2
/c
2
)
>
2d
c
.
End'autrestermes,legaindetempsàl'allerne ompensepaslapertedetempsauretour.
(On le omprend d'autant mieux en onsidérant le as limite où la vitesse du piéton est
égaleà elledutrottoir; aralors,letrajetallers'avèredeuxfoisplusrapidemaisletrajet
retour prend un temps inni, le piéton étant immobile par rapport à l'observateur!) On
onçoit qu'une tellepro édure permetde mesurer
V
si l'on onnaîtc
.Don , si
c
désigne maintenant la vitesse de la lumière par rapport à l'éther, on doit pouvoirmesurerlavitesseV
duventd'étherparrapportàlaTerreàl'aided'uneméthode analogue.C'està etteentreprisequeMi helsonetMorleyselivrèrenten1887.Or,engros,ilstrouvèrent
V = 0
et onstatèrent quelavitessedelalumièresurTerreestindépendante de la dire tion du trajet aller-retour utilisé pour la déterminer! Ce résultat troublantontribua à remettre enquestion la inématique galiléenne.
Outre qu'il aidaEinstein à sedébarrasser de l'intermédiaire métaphysique de l'espa e
absolu, le positivisme, fondé sur des expérien es de pensée exigeant des pro édures de
mesure soigneusement établies, lui permit de omprendre le ara tère relatif de la notion
de simultanéité.
Considéronseneetuntrain
S
entranslationre tiligneetuniformedevitesseV
(disons vers ladroite) par rapportà un quaiS
supposé inertiel. Deux rayonslumineux sont émis simultanément dansS
(disonsent = 0
),depuis deuxsour esA
etB
,respe tivement vers 8. VoirparexempleA.S.Eddington,Themathemati altheoryofrelativity,CambridgeUniversityPress,ladroite etverslagau he (gure1).Ces deuxrayonsparviennent don simultanément en
un ré epteur
M
situé à mi- hemin entreA
etB
.S
S
V
b
b
b
A
t = 0
B
t = 0
M
b
t = 0
b
t = t
∗
Figure 1: Larelativitéde lasimultanéité.
Maispourunobservateurliéà
S
,lesémissionsdesdeuxrayonsnesontplussimultanées. Sinon,lerayondedroiteatteindraitM
avant lerayondegau he arsavitesseestla même et il a moins de distan e à par ourir puisqueM
vient vers lui. Si l'horloge deS
en fa e deA
au momentde l'émissionmarquet = 0
,ilfaut don bien on lurequel'horloge deS
situéeen fa edeB
aumoment del'émission marqueuntempst
∗
> 0
:la simultanéité est
relative.Nous al uleronsexpli itement
t
∗
danslase tion6.
4 La dilatation du temps
Dans un train
S
en translation re tiligne et uniforme de vitesseV
par rapport à un quai inertielS
,une sour e émet un rayonnement lumineux, lequel par ourt une distan e verti aled
,est réé hi surun miroir etabsorbéà sonpoint de départ (gure2). EntreleS
S
V
d
début etla n des opérations, une horloge
H
solidairede lasour e lumineuse mesure un intervalle detemps∆t = 2d/c.
(1)Dans
S
, onsidérons deux horlogessyn hronesH
1
etH
2
,la première située au niveau de la sour e lorsqu'elle émet le signal, lase onde au niveau de la sour e lorsqu'elle reçoit lesignal.Notons
∆t
letempsé ouléentre esdeuxévénements.Lavitessedelalumièreétant égale àc
aussibiendansS
quedansS
,on a∆t =
2
c
q
d
2
+ V
2
(∆t/2)
2
donc
∆t =
2d/c
p1 − V
2
/c
2
.
(2) Comparant (1)et(2), ontrouve∆t =
∆t
p1 − V
2
/c
2
.
(3)Cette relation exprime la dilatation du temps. Bien entendu, et eet est in onnu de la
physique lassique. En eet,d'après laloi galiléenne d'addition desvitesses, lavitesse de
lalumière ( onsidérée ommeproje tile) dans
S
est donnéepar√
c
2
+ V
2
et onen déduit∆t = ∆t
. Le fa teurp1 − V
2
/c
2
intervient fréquemment en théorie de la relativité et permet
d'estimer l'é art entre ettethéorie et ellede Newton.Par exemple,
V /c = 0.2
⇒
p1 − V
2
/c
2
= 0.9798
V /c = 0.4
⇒
p1 − V
2
/c
2
= 0.9165
V /c = 0.6
⇒
p1 − V
2
/c
2
= 0.8
V /c = 0.8
⇒
p1 − V
2
/c
2
= 0.6.
Lorsdu trajetaller(ou retour) ona,du point de vuede
S
:c∆t = d,
∆x = 0,
∆y = d
et, dupoint devue de
S
:c∆t =
d
p1 − V
2
/c
2
,
∆x =
V d/c
p1 − V
2
/c
2
,
∆y = d.
On onstate que−c
2
∆t
2
+ ∆x
2
+ ∆y
2
= −c
2
∆t
2
+ ∆x
2
+ ∆y
2
= 0.
(4)Cerésultats'avèretrèsprofond arilexprime,dansun asparti ulier,lapossibilitéde
mesurer des distan es dans l'espa e-temps. Ce fut Hermann Minkowski qui dé ouvrit en
1907 ette impli ation mathématique de l'invarian e delavitessede lalumière. Prises
sé-parément,lesmesuresd'intervalled'espa eetdetempsn'ontpasdesigni ationobje tive.
Seule une sorted'union desdeux, sous laformegénérale
∆s
2
= −c
2
∆t
2
+ ∆x
2
+ ∆y
2
+ ∆z
2
(5)peutprétendredé rirelaréalitéphysiqueobje tivement,ausensoùlerésultatdel'opération
(5) estindépendant du systèmeinertieloùsontee tuées les mesures:
On voit que l'expression (5) desdistan es spatio-temporelles estidentiqueà elleutilisée
dans les ours de géométrie élémentaire (théorème de Pythagore), hormis le signe -
devant
c
2
∆t
2
.
Enlangage te hnique, on munitainsil'espa e-temps d'unestru ture métrique
pseudo-eu lidienne, 'est-à-dire, on se donne en tout point un objet géométrique appelé tenseur
métrique g, lequel régit toutes les mesures de distan es et d'angles. L'espa e-temps doté
de ette métrique s'appelle espa e-temps de Minkowski. Comme l'espa e et le temps de
Newton, il est absolu, 'est-à-dire, posé a priori omme adre éternel et immuable dans
lequel sedéroulent lesphénomènes physiques.
Onappelle groupe des transformations dePoin aré l'ensemble des transformations
li-néaires reliant les oordonnées artésiennes de deuxréférentielsinertiels, etdont l'essen e
estdepréserverlamétriquesouslaforme(5).Elles onstituentlagénéralisationrelativiste
delatransformationditedeGaliléeutiliséeenmé anique newtonienne,maisàlaquelle
on ne peut ependant asso ierau unemétrique. 10
5 La ontra tion de l'espa e
Soitune règle xe dansun référentielinertiel
S
.Pour xer les idées, imaginons queS
sedépla ede lagau he versladroiteave unevitesseV
parrapportàunautre référentiel inertielS
. An de mesurer la longueurL
de la règle dansS
, on pro ède omme suit. Supposonsqu'une horlogeH
immobiledansS
voiepasserl'extrémitédroite delarègle ent = 0
. Lorsque l'extrémité gau he de la règle passe à sontour devantH
, elle- i marque un temps∆t
.Tout naturellement, ondénitL
parL = V ∆t.
(7)Considéronsàprésent epro essusdepuis
S
.L'horlogeH
estmaintenantenmouvement re tiligneetuniformedeladroiteverslagau heetdevitesseV
.Supposonsquel'extrémité gau he de larègle oïn ide ave l'origineO
des abs issesx
etqu'il s'ytrouve unehorlogeH
G
,immobiledansS
.Supposons quel'extrémité droite de larèglesetrouve en l'abs issex = L
etqu'ils'ytrouve une horlogeH
D
syn hroniséeaveH
G
.Supposons ennqueH
D
marquet = 0
quandH
passeàsonniveauetquequeH
G
marque∆t
quandH
passeàson niveau.LalongueurL
de larègle,mesuréedansS
,estnaturellement donnéepar lavitesse deH
fois sontemps de survol :L = V ∆t.
(8)Or, lorsque
H
passe devant l'extrémité gau he de la règle, elle marque le temps∆t
, ommenousen avons onvenu i-dessus. Maisd'après larelation(3), on a∆t = ∆t
p1 − V
2
/c
2
(9)
(attention à l'inversion des rles joués par
S
etS)
. Rassemblant les résultats (7), (8) et (9), on on lutL = L
p1 − V
2
/c
2
.
(10)C'est la ontra tiondes longueurs,plusjudi ieusement appelée ontra tion del'espa e ar
elle traduitune propriété del'espa e-temps etnon de lamatière.
10 . Lamé aniquenewtoniennene onnaîtqu'unseulinvariant,l'intervalledetemps
∆t = ∆t
,impuissant àdénirunedistan eentredeuxévénements.Attention,l'intervallededistan en'yestgénéralementpasEntre les deux événements extrêmes ( 'est-à-dire, la oïn iden e entre l'horloge
H
et l'extrémité droite de larègle d'unepart, etla oïn iden eentrel'horlogeH
et l'extrémité gau he de larègle d'autre part)on a,du point de vuedeS
:c∆t = cL/V,
∆x = 0
et, dupoint devue de
S
:c∆t = cL/V,
∆x = −L
On onstate que, omme dans(4)et onformément àlapropriété d'invarian e (6),
−c
2
∆t
2
+ ∆x
2
= −c
2
∆t
2
+ ∆x
2
= −c
2
L
2
/V
2
.
(11) 6 La relativité de la simultanéitéNouspouvons à présent al uler expli itement le temps
t
∗
de lagure 1.Par rapport
au quai,ladurée
t
D
du voyage versladroite est donnéeparct
D
= L/2 + V t
D
,
où
L
est la distan e entre les sour esA
etB
,mesurée par lesobservateurs du quai (rap-pelons quela vitessede la lumière vautc
dansn'importe quel référentiel);etla duréet
G
du voyage verslagau he estdonnée parct
G
= L/2 − V t
G
.
Onen déduit :t
D
=
L
2(c − V )
,
t
G
=
L
2(c + V )
.
(12)Lerayondegau heren ontre eluidedroiteaumêmemomentdans
S
arla oïn iden e de deux événements est un élément de la réalité physique. L'horloge deS
située juste en fa edeM
aumoment de laré eption doitainsiindiquer letempst
D
égal àt
∗
+ t
G
.Dont
∗
= t
D
− t
G
=
V L
c
2
− V
2
.
D'après larelation (10),on en déduit
t
∗
=
V L
c
2
p1 − V
2
/c
2
.
(13)
C'est larelativité de la simultanéité.
Entre les deux événements émission du rayon lumineux par
A
et émission du rayon lumineux parB
on a,dupoint devue deS
:c∆t = 0,
∆x = L
et, dupoint devue de
S
:c∆t = ct
∗
=
V L
c
p1 − V
2
/c
2
,
∆x =
L
p1 − V
2
/c
2
(la valeur de
∆x
résultede la ontra tion deslongueurs onstatée par les observateurs deS
ent = 0
). Commeen (4)et(11), on retrouve lapropriété(6) :7 La relativité générale
DepuisGalilée,onsait quetousles orpstombent delamême façondansun hampde
gravitation. Newton formalisera ette dé ouverte en a tant l'égalité entre la masse inerte
et la masse gravitationnelle. Un éléphant possède unemasseinerteplus importantequ'un
hamster: elasignieque,pour ommuniquerunea élérationidentiqueà esdeux orps,
ilfaut exer ersurl'éléphantunefor eplusimportantequepourlehamster.Cependant,le
premierpossèdeunemassegravitationnelle,etdon unpoids,proportionnellementd'autant
plusgrandequelese ond.Lesdeuxphénomènes(résistan eau hangementdemouvement
etfor egravitationnelle apteàgénérer e hangement)se ompensentexa tement. D'oùla
on lusion :touteparti ule réagitidentiquement àlagravitation, quel quesoit sonpoids,
sastru ture ou sa omposition himique.
D'autre part, dans un référentiel non inertiel les a élérations tives d'inertie sont
identiquespourtousles orps.C'estévidentpuisque esa élérationsn'interviennentdans
les équations du mouvement que pour exprimer l'inertie des orps par rapport à l'espa e
absolu, 'est-à-dire leurtendan e àmaintenir leurétatde reposou,plusgénéralement, de
mouvement re tiligne uniforme. Il ne viendrait à personne l'idée de penser que, dans un
traina éléréversl'avant,leséléphantssontprojetésversl'arrièreplusrapidementqueles
hamsters sous prétextequ'ilssont plus massifs.
Einsteint de ette onstatation expérimentaleleferde lan ede sathéorierelativiste
delagravitation,larelativité générale, enassimilantlesfor es tives d'inertieet ellesde
gravitation. Cette identi ation révolutionnaire de deux on epts de nature a priori très
diérente onstitue equ'ilaappeléleprin ipe d'équivalen e etengendredes onséquen es
redoutables. Développons-en une des plus signi atives. Par rapport à un référentiel en
hute libre (que Newton qualiaitd'a éléré par rapport à l'espa e absolu),tous les orps
setrouvent enétat d'apesanteur virtuelle.Il sut d'observer lesastronautes en lévitation
dansunestationspatialeorbitalepours'en onvain re.Toutefois,tandisqueNewton,pour
en rendre ompte, é rivait dans ses équations deux termes de nature physique diérente
maisse ompensant systématiquement (lepoids,tirant les orps vers, disons, lebas,etla
for e tive d'entraînement qui les tire vers le haut), Einstein, en a eptant pleinement
l'équivalen e physique de l'inertie et de la gravitation, propose un regard drastiquement
plussimple:onnesetrouvepasen présen ede deuxtermesquis'annulent mutuellement,
on a essentiellement aaire à zéro. Par onséquent, il faut admettre qu'un référentiel en
hute librese omporte(lo alement) ommeunréférentielinertiel; arle ritèrenewtonien
est bien vérié :une balle lan ée dansun as enseur tombant en hute libre vers la Terre
dé rit un mouvement re tiligne et uniforme par rapport à et as enseur. D'autre part,
un référentiel inertiel où règne un hamp de gravitation est (lo alement) physiquement
équivalentàunréférentiela éléré, lui-mêmenoninertieldansl'a eptionnewtoniennedu
terme:une balle lan ée dansunbus a éléré versl'avant tombe versl'arrière.
Il existe ainsi des référentiels non inertiels en mouvement re tiligne et uniforme par
rapportàdesréférentiels inertielsetdon ,reliés à esderniersparun hangementlinéaire
de oordonnées. Etinversement, deuxréférentielsen hutelibre(don lo alement inertiels
dansl'espritdelarelativitégénérale)ettombantsurlaTerreauxantipodesl'undel'autre,
sonta élérés l'unpar rapportàl'autre:lesrelationsentreleurs oordonnées nesontdon
paslinéaires [penserà laloi galiléenne dela hutedes orps :
x(t) = gt
2
/2
℄.Ainsi, l'insertion dansla théorie d'un hamp de gravitation (insertion que le prin ipe
di ieux d'abolir la distin tion entre les référentiels, et de supprimer les prérogatives des
hangementslinéairesde oordonnées(dontlaseule justi ationestd'assurerla
ommuni- ation entreles référentielsinertiels) pour onsidérersurunpiedd'égalité toutesles
trans-formations, en général non linéaires, autorisées par les mathématiques. C'est le prin ipe
de ovarian e (oude relativité) générale.
Il faut bien entendre que e prin ipe postule l'invarian e formelle des lois de la
phy-sique, etne doitpasêtrelu omme uneextension auxrepères quel onques duprin ipe de
relativitérestreinte.Aybienregardereneet, ederniernefaitquetraduiredespropriétés
de symétrie de l'espa e-temps de Minkowski, dont la métrique se trouve invariante sous
l'a tion d'opérations qualiées d'isométries. Nous les avons évoquées plus haut, e sont
les transformations de Poin aré. Celles- i expriment don l'homogénéité et l'isotropie de
l'espa e-temps entoutpoint. 11
Le prin ipede ovarian e générale, quant àlui,netraduit
en au un as l'existen e de symétries posées a priori. 12
Répétons-le, les ontraintes qu'il
imposene portent quesurleformalisme :ilest entenduque la huted'unmarron
envisa-gée par rapportà une na elle dégringolant les montagnes russes à lafoire sedistingue du
mouvement observé dansun référentielxepar rapportà l'é hafaudage.
Faut-il insisterdavantage sur l'extrême auda e de e heminement intelle tuel? Alors
quetouslesphysi ienspréo upésdequestionsfondamentaless'interrogeaient surl'origine
de ladiéren e entre deux typesde référentiels, inertiels ou non, Einstein dé rète :il n'y
a pas de diéren e; ou plutt : le on ept de référentiel inertiel n'est pas pertinent et
doit être éva uéde la physique. L'analogie suivante permettra de mieux saisir l'esprit de
ette nouvelle appro he. A l'époque oùl'on pensaitquela Terre était plate,il était
natu-rel de distinguer les dire tionshorizontales etverti ale. L'espa e semblait essentiellement
anisotrope,etlesfaits observationnels (la hute verti aledes orps)prê hent en faveur de
ette dissymétrie. Mais une telle interprétation perd toute pertinen e si l'on réalise que
la Terre est ronde et engendre un hamp de gravitation à symétrie sphérique. En eet,
non seulement la notion de verti ale devient alors relative à la latitude, mais en plus on
omprend queladissymétrieprovientdelagravitation terrestreetn'estqu'apparente:les
trois dire tionsdel'espa e sont en faitéquivalentes.
Te hniquementparlant,au on eptderéférentielEinsteinasubstitué eluide
sys-tème de oordonnées . Les oordonnées artésiennes rempla ent la notion de référentiel
inertiel,etraisonnerdansunréférentielnoninertielrevientdésormaisàtravaillerdansdes
oordonnées quel onques. On onçoit qu'unformalisme apteàtraitertouslessystèmes de
oordonnées surun pied d'égalité permette de satisfaire les nouvelles exigen es
démo ra-tiques. Ce formalisme existe : 'est l'analyse tensorielle. Il permet de formuler les lois de
la physique de façon ovariante pour le groupe destransformationsgénérales de
oordon-nées. Pour en revenir au marron sur le hamp de foire, il est bel et bien plongé dans un
hampd'inertie-gravitationunique,exprimé ependantdansdeuxsystèmesde oordonnées
diérents selon quel'on seréfèreà lana elleou à l'é hafaudage.
Detelles idées pourraient passerpour de lamentablessophismes, sus eptibles de
tran-siger dangereusement ave laréalité physique. Car enn, s'ousquera-t-on, dans un train
a éléré iln'existe pasvraiment de hampgravitationnel.Lisonsà e proposuntrès
inté-11 . Lesous-groupedestransformationsexprimantl'isotropieportelenomdeLorentz.Ilserépartiten
rotationspurementspatiales ( equin'étonnerapersonne ar l'espa easso iéà unréférentiel inertielest
supposéisotrope)etenisométriesspatio-temporelles onsistantenrotationsdansl'espa e-tempsnommées
rotationshyperboliques.
12 . Nousverronsd'ailleursquel'espa e-tempsdelarelativitégénéralen'estpasprédéterminé.Ilserévèle
ressant ommentaire d'Einstein :
Aulieudedistinguerentreréeletnonréel,nouspréférons,pourplusde larté,
distin-guerentregrandeursressortissantausystèmephysiqueentantquetel(indépendammentdu
hoixdu systèmede oordonnées)etgrandeurs quidépendentdu systèmede oordonnées.
L'idéequivientimmédiatementàl'esprit, 'estqu'ilfaudraitexigerquelaphysique
n'intro-duisedanssesloisque desgrandeursdelapremière sorte.Toutefois,ils'est avéréque ela
n'était pasréalisable enpratique, e quele développementdelamé anique lassiqueavait
déjà nettementmontré. 14
[... La théorie de larelativité℄ nepeut pas sepasserde système
de oordonnées, etelle estdon bien obligée d'avoir re ours à des grandeurs,les
oordon-nées,quinesauraientêtre onçues ommedesrésultatsdemesurespres riptibles.D'aprèsla
théorie de larelativitégénérale, les quatre oordonnées du ontinuumd'espa e-tempssont
desparamètresqu'onpeutmême hoisirtoutàfaitarbitrairementetquisontdépourvusde
toutesigni ation physiqueautonome. Mais unepart de et arbitraires'atta heaussi aux
grandeurs ( omposantes du hamp) à l'aide desquelles nous dé rivons la réalité physique.
C'estseulementà ertainesexpressions, engénéralassez omplexesetforméesàpartirdes
omposantes du hamp et des oordonnées, que orrespondent des grandeurs mesurables
( 'est-à-dire réelles)indépendammentdusystèmede oordonnées.C'estainsi, parexemple,
qu'il n'yapasen ore degrandeurindépendantedu hoixdes oordonnéesqui orresponde
aux omposantesdu hampdegravitationenunpointdel'espa e-temps;au hampde
gra-vitationenunlieune orresponddon en oreriendephysiquementréel,àmoinsque e
hampdegravitation nesoit lié àd'autres données. C'estpour ette raison qu'on nepeut
direniquele hampdegravitationenun endroit[donné℄soit quelque hosederéel,ni
qu'ilsoit quelque hosedepurement tif.
Sur es assises, omment trouver la piste menant à une théorie ovariante du hamp
de gravitation? I ien ore, le prin ipe d'équivalen e assureun rle de haînon manquant
entre la relativité restreinte etla relativité générale. Pour expliquer ela, notons d'abord
quel'espa e absolude Newtonjouitdepropriétés dynamiques :il régenteeneet l'inertie
des orps et, à e titre, onstitue plus qu'un ré epta le purement géométrique et passif.
Einstein épingle ette parti ularité : 15
Le on eptd'espa eaétéenri hiet ompliquéparGaliléeetNewton,en esensque,pour
donner au prin ipe lassique d'inertie (et par là même à la loi lassique du mouvement)
un sensexa t,l'espa e doitêtre introduit ommela auseindépendantedu omportement
inertiel des orps. L'avoir lairement et pleinement ompris onstitue à mes yeux le plus
grand exploit réalisé par Newton. Contrairement à Leibniz etHuyghens, [...℄ Newton prit
ladé isionnonseulementd'introduirel'espa e ommeune hoseindépendante,distin tedes
objetsmatériels,maisaussideluiassignerunrleabsoludanslastru ture ausaled'ensemble
delathéorie.Cerleestabsoluen esensquel'espa e(entantqu'ilestunsystèmeinertiel)
agitsurtous lesobjets matériels,alors que eux- i,àleurtour, n'exer entau une réa tion
surl'espa e.
Mais alors,l'espa e-temps de Minkowski, quiadministre luiaussil'inertie des orps, doit,
en vertuduprin iped'équivalen e, ontenirun hampdegravitation! Cefut unedesplus
grandes illuminations d'Einstein d'avoir ompris e i :le hampde gravitation relativiste
13 . DansDieNaturwissens haften,op. it.
14 . Unpeuplushaut, Einstein itel'exempledel'énergie inétiqued'un orps, quidépenddel'étatde
mouvementdusystèmede oordonnées.
prend naturellement ses ra ines dans la relativité restreinte. Pour l'exprimer autrement,
l'espa e-temps deMinkowski re èleun hampdegravitation,singulier ertes, mais hamp
de gravitation quandmême. Il est impossible de raisonner surun espa e-temps dépourvu
de gravitation, elle- i n'est pas un a essoire dont on doit tenir ompte ou passelon les
ir onstan es ( omme 'était le as hez Newton), elle n'est pasun ingrédient plaqué sur
las ène :elle en onstituelatrame.
La des riptionde l'espa e-temps de Minkowski dansun systèmede oordonnées
quel- onques possède susamment de généralité formelle pour suggérer la nature
mathéma-tique du hamp d'inertie-gravitation. L'analyse tensorielle montre en eet que l'équation
demouvementre tiligneetuniformed'uneparti ule ontientdestermesdérivésdutenseur
métrique. 16
Or, si on les interprète dans le langage newtonien, es termes orrespondent
aux for es tivesd'inertie qui sont,rappelons-le, leprix à payer pour raisonner dansdes
référentielsnoninertiels. Maisàprésent, esfor es tivesne peuvent plusêtre
distin-guées de vraies for es de gravitation. Se dégage ainsiun andidat apteà modéliser le
hamp d'inertie-gravitation : 'estle tenseur métrique g. Lesguillemets rappellent quela
réalité indépendante del'inertie,d'unepart, etde lagravitation, d'autre part,ne sont
autionnées quepar l'invo ation d'unfantme,l'espa eabsolu deNewton, etlapréséan e
des transformations linéaires de oordonnées qui en dé oule. Chez Einstein, seule l'union
de esdeux on epts possède une signi ationphysi o-mathématique. 17
Iln'en reste pasmoinsque, nousl'avonsdit, le hampde gravitation minkowskienest
manifestementtropparti ulier. Il fautdon fran hiren oreune étapepourrendre ompte
d'un hampgénérique. D'autrepart, ilsubsiste au moinsdeuxpointsnoirs :
1)A ertainségardsl'espa e-tempsdeMinkowskinesedistinguepasfondamentalement
de son an être newtonien : tous deux gurent des despotes absolus de droit divin, dont
l'autorité repose prin ipalement sur la ollaboration d'une fa tion de référentiels inertiels
rigidessillonnanttoutleterritoirespatio-temporel.Sesmer enairesalimententleprin ipal
foyer de résistan e à larévolution armée par leprin ipe d'équivalen e, ar il est toujours
possible de rapporter globalement les mesures à un référentiel inertiel, 'est-à-dire de
rai-sonner dans des oordonnées artésiennes où s'annulent les for es tives d'inertie, et de
réhabiliter ainsiladistin tion entre inertieetgravitation véritables.
2)Le prin ipe d'équivalen e entretient ave l'espa e-tempsde Minkowskidesrelations
très oni tuelles; arsil'on reusesalogiquedanssonultimeprofondeur,unréférentielen
hutelibreestlo alementinertieletilnepeutplusêtrequestionde onserverunformalisme
qui lejuge a éléré. 18
Pourrépondreà esobje tions,Einsteineutletraitdegénied'utiliserunenovlangue
à la George Orwell qui empê he de les penser, ou plutt, il eut l'idée de passer à un
nov adre mathématique qui interdit leur formulation. Il fut ainsi amené à hangerla
s ène [l'espa e-temps de Minkowski doté de lamétrique pseudo-eu lidienne exprimée par
laloi(5)danslesréférentielsinertiels, 'est-à-diredansdes oordonnées artésiennes℄,qu'il
16 . Ils'agitdessymbolesdeChristoel,liésàlamétriquequandonutilisedes onnexionsriemanniennes.
17 . Il en va demême pour les ve teurs hamp éle trique et hamp magnétique, qui dans le
for-malisme de la relativité restreintese fondent enune seule entité, le tenseur deFaraday pour le hamp
éle tromagnétique.
18 . L'a élérationspatiale onstituela lefdevoûtedel'édi enewtonien.Centraledansl'é rituredela
loifondamentaledeladynamique
~
F = m ~a
,elleestdénie, ommenousl'avonsvu,parrapportàl'espa e absolu,etprésentelaparti ularitéd'êtreidentiqueparrapportàtoutréférentielinertiel.Onpeutmontrerqu'enrelativitérestreintesonprestiges'estdéjà onsidérablementaaibli arl'a élérationspatialeyest
remplaça par unespa e-temps ourbe plus général.En onséquen e dequoi :
1) Le tyran dé hu entraîne dansson exil ses légions, les référentiels inertiels déployés
partout. En eet, dans un espa e-temps ourbe il n'est génériquement plus possible de
déployer un quadrillage de oordonnées artésiennes ramenant globalement la métrique à
la forme pseudo-eu lidienne (5). Par ontre, ette possibilité subsiste lo alement,
'est-à-dire dans le voisinage d'unpoint donné. Il est don en ore possible d'utiliser larelativité
restreinte,maisseulement lo alement,àl'imagedelaTerrequiparaît platesionl'arpente
surdesdimensionssusammentpetites, e quipermetd'y onstruire desvillesquadrillées
omme New York. Les référentiels inertiels, ultimes se tateurs de l'an ien régime où les
for esd'inertiepouvaientêtredémasquées omme tives,voientleurpouvoirlittéralement
briséenmor eaux,et 'estdansladouleurdel'anar hiegénéralequenaîtl'égalitédedroit
entretousles systèmesde oordonnées. Onappré iera lamétaphorepoétiquede Thibault
Damour, ité par NathalieDeruelle : 19
Onestainsi onduitàsereprésenterle adrespatio-temporeloùseformulerontlesloisdela
gravitation ommeunemosaïquedepetitsé latsdel'espa e-tempsdeMinkowski.
2)Dansunespa e ourbeletransportparallèle,quipermetde omparerdeuxve teursà
distan e,estrelatifau heminemprunté.Plusquestion,dèslors,d'évaluerles omposantes
d'unve teurdansunrepèretransportésansambiguïtédanstoutl'espa e, ommeonlefait
ourammentdanslesespa eseu lidiens,royaumesoù,depuisla apitale,levieuxmonarque
absolu peut en ore transmettre ses ordres jusqu'aux onns du territoire. Il en résulte
une théorie fondamentalement lo ale, interdisant par exemple de omparer à distan e les
a élérations de deux parti ules diérentes. Seule onserve un sens l'a élération lo ale,
par rapport au hamp environnant. Et dans la perspe tive de la relativité générale, une
parti ule est a élérée si et seulement si elle n'est pas en hute libre. Autrement dit, le
mouvement d'uneparti leen hute libreestdevenu re tiligneetuniforme,la huteè ome
nullo!
Le hampd'inertie-gravitationestdésormaisfondudansle adred'unevariété
rieman-nienne remplaçant l'espa e-temps pseudo-eu lidien de Minkowski.Le prin ipe d'inertie y
estmaintenu:uneparti ule libresuitunmouvement re tiligneetuniforme;maissa
signi- ationestbeau oupplusprofonde:libreveutmaintenant dire:soumisàsoninertie
et à la gravitation ,etles droites par ourues à vitesse onstantesont maintenant les
géodésiquesde l'espa e-temps ourbe.
Remarquons l'immense é art on eptuel entre larelativité générale etl'interprétation
newtonienne de la gravitation : une pomme atta hée à un arbre n'est pasa élérée selon
Newton (pourvu que l'arbre soit inertiel) mais bien selon Einstein (en d'autres termes il
existe unefor e, denature éle tromagnétique,qui maintient lefruitàl'arbre etl'empê he
desuivresapropensionnaturelle àtomber);etlorsqu'ellesedéta he del'arbre, lapomme
est a éléréeselon Newtonmaispasselon Einstein.
Letenseurmétriquese al uleàl'aided'équationsreliantla ourburedel'espa e-temps,
elle-même fon tion de la métrique, à la matière présente : désormaisl'espa e-temps n'est
plusabsolu,ilestdéforméparlamatière onformémentauxéquations d'Einstein,publiées
le 25 novembre 1915 dans les Sitzungsberi hte der Königli h Preussis hen Akademie der
Wissens haften àBerlin. Lesphysi iens John Baez etEmoryBunnont relevé ledé d'en
résumer le ontenu enune phrase!Voi ileur proposition : 20
Givenasmallballof freelyfallingtestparti lesinitially atrestwithrespe ttoea hother,
therateatwhi hitbeginstoshrinkisproportionaltoitsvolumetimes:theenergydensity
atthe enteroftheball,plusthepressureinthe
x
dire tionatthatpoint,plusthepressure inthey
dire tion,plusthepressureinthez
dire tion.D'unpoint devueméthodologiqueetphilosophique,leséquations d'Einstein sont
pro-fondémentoriginales.D'unepart,sousdeshypothèsestrèslargesellessontpratiquementles
seules àsatisfaire l'exigen ede ovarian e générale. 21
Siondénit labeautéd'une÷uvre
par son ara tère monolithique, entendons par là l'impossibilité de modier la
onstru -tion parquelque détailsansruiner l'édi e toutentier(é roulement qui seproduirait, par
exemple,silamasseinerteetlamassegravitationnellen'étaient identiquesqu'en première
approximation), alors on peut armer que la relativité générale est une théorie
fon ière-ment esthétique.D'autre part, eséquationsne fournissent pas, ommel'auraient attendu
Newton et même Minkowski, lavaleur du hamp de gravitation en un événement donné
(lelàde lagéométrie,préexistant àtoutephysique, lairementetapriori distinguable
d'un autre là par e que Newton et Minkowski disposent d'un adre absolu,
respe -tivement l'espa e et l'espa e-temps). Bien au ontraire, les oordonnées n'ont en général
au un sens physique.Les équationsd'Einstein fournissent simultanément les oordonnées
~x
etla métriqueg,au travers d'uneloi g(~x)
: iln'est possible d'interpréter physiquement les oordonnées qu'a posteriori, enréalisant desmesures[l'invariant demesures'obtient àl'aide d'unerelation généralisant (5)℄.DéjàBertrand Russellremarquait : 22
Unpointisolé[del'espa ephysique℄n'apas, omme 'estle as pourune ouleurisolée,de
qualitéinhérentequipermettedeledistinguerquantitativementd'unautre.
ArthurEddington a bienrésumél'apportde larelativitégénéralesur e thème: 23
Toputthe on lusionrather rudelyspa eisnotalotofpoints losetogether;itisalot
ofdistan esinterlo ked.
Onpourraitdéplorerl'earante ompli ationmathématiqueengendréepar l'utilisation
d'unespa e-temps ourbe. Maisle le teuraura ompris quela relativitégénéralepropose
un regard sur le monde on eptuellement plus simple que la théorie newtonienne de la
gravitation. En1902 Poin aré a é rit: 24
Unegéométrie nepeut pasêtreplusvraiequ'uneautre;ellepeutseulementêtreplus
om-mode.Orlagéométrieeu lidienneestetresteralaplus ommode[...℄par equ'elleestlaplus
simple;etellen'est pastelleseulementparsuite denoshabitudesd'esprit oudeje nesais
quelleintuitiondire tequenousaurionsdel'espa eeu lidien;elleestlaplussimpleensoide
mêmequ'unpolynmedupremierdegréestplussimplequ'unpolynmeduse onddegré;les
formulesdelatrigonométriesphérique sont plus ompliquéesque elles delatrigonométrie
re tiligne, etelles paraîtraient en ore telles àun analystequi enignorerait lasigni ation
géométrique.
Voi i laréponsequ'Einstein lui adressait post mortem en 1949 : 25
AgainstPoin aré'ssuggestionitistobepointedoutthatwhatreallymattersisnotmerelythe
greatestpossiblesimpli ityofthegeometryalone,butratherthegreatestpossiblesimpli ity
21 . D.Lovelo k,JournalofMathemati alPhysi s 13,pp.874-876(1972).
22 . B. Russel, An Essay on the Foundations of Geometry, CambridgeUniversity Press, 1897. Cité et
traduitparF.BalibaretR.Ton elli,Einstein, Newton,Poin aré. Unehistoire deprin ipes,Belin,2008,
p.142.
23 . A.S.Eddington,op. it.,1,p.10.
24 . H.Poin aré,Las ien e etl'hypothèse,Flammarion,1916,p.67.
ofallofphysi s(in lusiveofgeometry).Thisiswhatis,intherstinstan e,involvedinthe
fa tthattodaywemustde lineasunsuitablethesuggestiontoadheretoEu lideangeometry.
Du reste,l'abstra tion du formalisme onstitue leprix àpayer pour unedémar he
a-ra téristiquedel'évolutiondelaphysiqueetquel'onretrouve toutaulongdesonhistoire,
la fusion des on epts : uni ation par Galilée des mondes supralunaire et sublunaire;
uni ation newtonienne du mouvement desastreset dela hutedes orps;uni ation de
l'éle tri ité et du magnétisme, puis de l'optique au sein d'une nouvelle dis ipline,
l'éle -tromagnétisme de Maxwell; uni ation de l'espa e et du temps, puis de l'inertie et de
la gravitation hez Einstein; uni ation des intera tions faible et éle tromagnétique par
Glashow,SalametWeinberg.Ilestsymptomatique quelesloisdelanaturesemblent
s'a - ommoder ave l'esthétique de notre pensée logique, puisque esthéories de plus en plus
unitaires serévèlent en a ord sans esseplusétroit ave l'expérien e.
L'invention de larelativitégénéraleamena Einstein àre onsidérer sa on eption
posi-tiviste dumonde et,à etégardau moins,le rappro haphilosophiquement de Kant etde
Poin aré.Entémoignenotammentune onversationqu'Heisenbergavaiteueave Einstein
à l'issued'unséminaire que, toutjeune her heur, ilavait donné en 1926 àl'université de
Berlin : 26
Einstein [...℄ pensait qu'enréalité toutethéorie ontientdes quantitésnon observables. Ne
re ourirqu'auxobservablesestunprin ipequinepeuttoutsimplementpasêtresuivid'une
façon ohérente. Quandj'obje tai que,disant ela,je nefaisais qu'appliquerlaphilosophie
dontlui-mêmeavaitfaitlabasedelarelativitérestreinte,ilsebornaàrépondre:Peut-être
mesuis-je servide ette philosophieautrefois, etai-jeaussié rità esujet,mais 'est une
absurditéquandmême.
Thibault Damour traduit ette onversation, 27
telle que re onstruite par Heisenberg
dansun autredo ument : 28
EinsteinMaisvousne royeztoutdemêmepassérieusementquel'onnepeutin luredans
unethéoriephysiquequedesgrandeursobservables.
Heisenberg Je pensaisque 'estvous,pré isément,quiavez faitde etteidéelabasede
votrethéorie delarelativité. Vousavezsoulignéque l'onnepouvaitpasparler d'untemps
absolu, aronnepeutpasobserver etempsabsolu.Vousavezditqueseuleslesindi ations
des horloges, que e fût dansun systèmede référen e en mouvement ouaurepos, étaient
déterminantespourlamesuredutemps.
Einstein Peut-être eneetai-je utilisé ette sorte dephilosophie, maisiln'en reste pas
moins qu'elleest absurde.Ou peut-être dirai-je plusprudemment que, d'un point de vue
heurisitique, ilpeut être utiledesesouvenir de e que l'on observe vraiment. Mais, surle
plandesprin ipes,ilesttoutàfaiterronédevouloirfonderunethéorie uniquementsurdes
grandeurs observables. Car, enréalité, les hosesse passent exa tement defaçon opposée.
C'estseulementlathéoriequidé idede equipeut être observé.
26 . W. Heisenberg, in En ounters with Einstein, and other Essays on People, Pla es and Parti les,
Prin eton UniversityPress, 1983,p.114. Cité parS.Weinberg,Le rêve d'une théorie ultime, traduitde
l'améri ainparJ.-P.MourlonetJ.Bri mont,OdileJa ob,1997,p.163.
27 . Th. Damour,SiEinsteinm'était onté, le her hemidi,2012,pp.159-163.