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L' analyse contextuelle de Joshua Meyrowitz, ses sources et fondements : vers un nouvel ordre systémique d'interaction

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(2)

L'ANALYSE CONTEXTUELLE DE JOSmJA MEYROWITZ, SES SOURCRS ET FONDEMENTS:

VERS UN NOUVEL ORDRE SYSTÉMIOUE D'INTERACTION

François Hubert

Département des Études Supérieures en Communications Université McGill, Montréal

Mars 1995

Une thèse soumiseàla Faculté des Études et de la Recherche Supérieures en réalisation partielle des conditions d'obtention du diplôme de Maîtrise en Arts

(3)

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J'aimerais exprimer ma gratitude envers le professeur Gertrude J. Robinson, directrice du présent mémoire, pour l'orientation théorique et l'encouragement moral prodigés tout au long de nh1n travail de recherche et d'écriture. Je veux aussi remercier le professeur Klauss B. Jensen pour m'avoir permis de consulter et de référeràson essai intitulé "Print Cultures llild Visual Cultures: A Research Agenda on New Media Environments," qui demeure encore à paraître dans J. Stappers (Ed.), Approaches to Mass Communication, London, Sage. Enfin, je vellX remercier Joshua Meyrowitz pour l'inspiration que son oeuvre a su susciter chez moi.

(5)

TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ SOMMAIRE 4

INTRODUCTION: UN "SENS" DE LA "PLACE" DE MEYROWITZ 6

PREMIER CHAPITRE: TROIS MÉTAPHORES DE LA MÉDIATION, 15

ET DEUX PROFILS DE CARRIERES

1) LA MÉTAPHORE DU TRANSPORT DE L'INFORMATION 18

2) LA MÉTAPHORE DU TRAITEMENT DE L'INFORMATION 32

3) LA MÉTAPHORE DU CIRCUIT DE L'INFORMATION 52

4) CONCLUSION: ARTICULATION DES TROIS MÉTAPHORES 57

DEUXIEME CHAPITRE: L'ANALYSE CONTEXTUELLE, UNE 61

LOGIQUE DU CHANGEMENT SOCIAL

1) UNE LOGIQUE DU CHANGEMENT SOCIAL 66

2) LA PERTE DU "SENS" DE LA "PLACE" 73

3) L'ADAPTATION DES NOTIONS DE STRUCTURE SOCIALE ET DE 7'7

SITUATION SOCIALE A L'ANALYSE DU CHANGEMENT SOCIAL

TROISIEME CHAPITRE: L'ANALYSE CONTEXTUELLE, SES 86

SOURCES ET SES DÉTRACTEURS

1) REVUE CRITIQUE DU LIVRE NO SENSE OF PLACE 87

2) LA TRADITION DE L'ÉCOLE DE CHICAGO 88

3) LE DÉBAT SUR LA SURVIE DES COMMUNAUTÉS 90

CONCLUSION: L'ANALYSE CONTEXTUELLE, SES FONDEMENTS 103

THÉORIQUES

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RÉsuMÉSOMMAIRE

La présente dissertation se veut une tentative de compréhension de l'oeuvre théorique de JoshUl'l Meyrowitz en communication. On insistera avec lui sur la spécificité de son approche dite "contextuelle" des médias et l'apport de celle-ci au développement d'une logique générale du changement social. On retracera les sources et les fondements de son analyse des médias en la situant, d'une part, dans le cadre des écoles de pensée qui l'ont marquée et, d'autre part, dans le cadre d'une typologie métathéorique des sciences sociales. La logique contextuelle du changement social ressortira comme un type formel de fonctionnalisme traitant de changements systémiques auto-régulés et intégrant des aspects

,

de sociologie compréhensive. Elle sera évaluée en regard d'études empiriques récentes sur les transformations (post-)modemes de la vie communautaire. L'intégrité de l'oeuvre de Meyrowitz par rapport à ses sources, la contribution de son analyse des médias au développement des études de communauté, et les fondements de son explication des changements de société seront ici en question.

*****

This thesis is an attempt at understanding the theoretical work of Joshua Meyrowitz in communication. The self-proclairned specificity of his "contextuai" media analysis will be recognized as weil as its relevance for the development of a generallogic of social change. The sources and foundations of Meyrowitz's media analysis will be respectively reconstructed in terms of the schools of thought which informediland of a metatheoretical typology of the social sciences. The contextual logie of social change will be framed as a

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type of fOlIDal fonctionalism dealing with self-regtùated systernic changes and integmling aspects of a more comprehensive sociology. It will be evaluated in view of recenl empirical studies of sorne (post-)modem transfonnations in community life. The integrity of Meyrowitz's work in regard to his sources, the contribution of his media analysis.10 lhe development of community studies, and the foundatiol1s of rus logic of social changewillbe here in question.

(8)

INTRODUCTION

UN "SENS" DE LA "PLACE" DE MEYROWITZ

La carrière académique de Joshua Meyrowitz s'amorce au milieu des années 1970 par des études avancées en communication de masseà l'université de New York pour ensuite se poursuivre en enseignementà l'université du New Hampshire tout au long des années 1980. Meyrowitz a publié durant cette période un livre théorique majeur, No Sense of Place (1985), et des essais importants (1979, 1990a, 1990t) qui tracent les grandes lignes d'une analyse dite "contextuelle" des médias de communication et d'une logique médiatique du changement sociall . Des articles clefs (1980, 1993) livrent quantà eux une réflexion dite

"méta-métaphorique" sur le partage du champ des conununications en fonction de trois métaphores théoriques de base sur la nature des médias. L'analyse des médias en tant que contexte d'interaction sociale, telle que développée par Meyrowitz, se distingue dès lors

d'autres approches des médias comme canaux de transmission ou langages

d'émission/réception. L'analyse contextuelle explore les caractéristiques techniques fixes de chaque média particulier, traite de leurs effets sur les patterns d'interaction sociale, et, plus généralement, des conséquences sociales de l'usage répandu des médias.

Meyrowitz fit aussi paraître durant les années 1980 de nombreux articles qui sont autant d'applications spécifiques et contemporaines de son analyse contextuelle des médias

1Les es!'\ais de Meyrowitz furent publiés dans des collections aussi importantes queInter/Media,éditéepar Gumpert et Cathcart (1979, 1982, 1986),Beyont! Gojfman,éditée par Riggins (1990), etMediation, Information, Communication, Vol.3, éditée par Ruben et Lievrouw (1990). Son livre, No Sense of Place(1985), s'est mérité en 1986 le titre du meilleur livre sur les médias

électroniques décerné pm: deux aSsociations de diffuseurs américains [National Association of Broadcasters and Broadcast Education Association].

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(1977, 1984, 1989, 1990c, etcl. Ainsi, des phénomènes socioculturels et sociopolitiqucs tels que l'érosion de l'enfance, la vague hippie, le fëminisme, les mouvements de droits civils et de liberté de parole, l'ascendant de l'image dans la culture et la politique ct le déclin des formes de l'autorité traditionnelle sont-ils analysés à la lumière de la révolution électronique de l'infommtion qui, depuis les années 1950, par le biais de la télévision. a soufflé sur l'Amérique -- et, par extension, sur tout le monde occidental. Cette révolution aurait transformé radicalement la sphère d'interaction traditionnellement privée du foyer familial en l'intégrant dans une nouvelle sphère publique nationale. Elle aur,ùt en retour transformé la scène publique (l'image des figures publiques) en l'intégrant dans la sphère privée du foyer familial. Les parties III et IV du livre de Meyrowitz traitaient d'ailleurs de façon systématique et fouillée de ces transformations structurales et de l'émergence dc ces mouvements socioculturels.

Encore faut-il ajouter que Meyrowitz a contribué par ses essais à des collections qui constituent de rares véhicules d'intégration entre les branches interpersonnelle et mass-médiatique de la communication, ou, similairement, entre les niveaux microscopique et macroscopique de l'analyse so"iale de la communication. Il s'agit plus précisément de

Inter/Media, éditée par Gumpert et Cathcart (1979, 1982, 1986), Mediation, Information, Communication,Vol.3, éditée par Ruben et Lievrouw (1990), et de Beyond Goffman, éditée

2Meyrowitz a écrit des articles pour des publications aussi différentes que Daedalus, Newsweek, Psych%gy Today, Educational Forwn, Journal of Communication, Critical Studies in Mass Communication, Annals of the Association of American Geographers. Et cetera, etc...

(10)

par Riggins (1990). Ces collections contribuent à un courant relativement récent et restreint du discours analytique en communication dans lequel s'est insérée la pensée théorique de Meyrowitz3. Depuis le début des années 1980, ce courant est voué à la redéfinition des

frontières académiques entre les sous-disciplines du champ des commUIÙcations de même qu'à l'intégration des divers niveaux ou contextes de l'analyse sociale de la commUIÙcation en vue de l'élaboration éventuelle d'une théorie générale de la commUIÙcation humaine4•

On va voir qu'à bien des égards, l'analyse contextuelle proposée par Meyrowitz constitue une étape ou précondition nécessaire à l'élaboration d'une théorie générale de la commUIÙcation et de l'interaction sociale qui reste eacore à venir.

*****

Diverses façons d'envisager cette oeuvre seront empruntées dans les pages qui suivent, dont la première consistera à la saisir en elle-même, dans son propre langage, en mettant en relief l'un ou l'autre des textes moins connus de l'auteur tout autant que son opus magnum,

No Sense ofPlace (1985). Je vais considérer l'oeuvre de Meyrowitz dans son ensemble, de ses débuts académiques dans les années 1970 jusqu'à ses plus récents essais de 1990 de

3Je peux mentionner d'autres publications qui participent à ce courant d'intégration, des publications auxquelles Meyrowitz n'a

pas directement contribué mais qui pourront néanmoins me servir ici de référence à l'occasion: le numéro spécial deJournal of Communication (1983) intitulé "Ferment in the Field," les collections éditées que sont Handhook of Ccmmunication Science

(Berger&Chaffee. 1987) etAdvancing Communication Science(Hawkins, Wiemann&Pingree, 1988), et un article de Reardan et Ragers (1988). Lievrouw et Ruhen (1990, Intro) de même que Reardan et Ragers (1988) mentianoent encore d'autres contributians (Miller, 1988; Reardcn, 1981; Rolaff& Miller, 1980; Rogers, 1986; Rogers & Kincaid, 1981; Ruhen& Kim, 1975; Thayer, 1968).

4On peut parler d'un courant voué à l'intégration des branches/niveaux/contextes de communication et à la formulation d'une

théorie générale de la communication dans la mesure où plusieurs auteurs l'annoncent ou en tracent explicitement les contours (voir

par exemple Gumpcrt& Catllcart, 1979, lmra; Reardall& Ragers, 1988, 294, 297; Pingree & al., 1988, Intra; Lievrouw& Ruhen, 1990, Imro).

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Cette démarche s'oriente d'abord au fil de trois approches fondamentales des médias de communication. Les médias peuvent être envisagés eomme des canaux ou modes de transport, des langages ou modes de codification, et des contextes ou modes de mise en relation sociale. Le premier chapitre de la présente dissertation révisera ces distinctions apportées par Meyrowitz (1980, 1993) de manière à bien situer la contribution de son analyse dite "contextuelle" des médias dans le champs des conmlUnications. Deux profils de carrière se dessineront, se déployant autour des projets distincts et complémentaires de maîtrise (1974) et de doctorat (1978), consacrés chacun respectivement aux questions de codificatioil et de mise en relation sociale. La démarche de Meyrowitz apparaîtra cohérente dans son ensemble, intégrant les résultats de ses recherches empiriques de maîtrise à l'élaboration de son projet théorique de doctorat, c.-à-d. la formulation inédite d'une analyse contextuelle de l'impact social des médias de communication.

Un second mode de compréhension consistera en l'examen plus détaillé de l'analyse contextuelle des médias et de sa logique concomitante du changement social. On verra plus spécifiquement que l'analyse contextuelle de Meyrowitz intègre une approche sémio-phénoménologique de l'ordre microécologique, situationnel et ritualisé de l'interaction sociale, proposée par Erving Goffinan, à une étude pan-historique et écosystémique de l'impact social des médias, proposée par Harold A. Iunis et Marshall McLuhan. Elle adapte les méthodes de description des situations stables et rôles types d'interaction, outils de la

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microsociologie fonctionnaliste, à l'analyse des changements situationnels du comportement provoqués par les médias. Le thème central du livre de Meyrowitz, celui de la perte du "sens" de la "place" sera largement exploré.

Un troisième mode de compréhension, présenté dans le troisième chapitre, consisteraà interpréter/évaluer cette analyse contextuelle à partir des théories et recherches d'une école de pensée qui l'a particulièrement marqué: il s'agit de l'école de sociologie urbaine de Chicago. L'influence de l'école de Chicago sera appréhendée dans les termes d'un débat contemporain sur la question de la survie (post-)modeme des communautés de place. Le livre de Meyrowitz, dont le thème central porte sur la perte contemporaine du "sens" de la "place," recoupe cette question sociologique de la survie, de la dissolution ou de la libération de la vie communautaire dans la (post-)modernité. Des articles portant sur la question communautaire et sur le rapport entre les médias et les communautés me serviront ici principalement de référence (Wellman, 1979; Caihoun, 1980; Meyrowitz, 1989; Kirby, 1988, 1989; etc.). L'analyse contextuelle de Meyrowitz sera aussi soumise aux nombreuses critiques qu'elle a suscitées.

Je vais enfin tenter, en gUise de conclusion, de situer la position théorique de Meyrowitz sur l'échiquier de certains débats métathéoriques inscrits dans certains développements formalistes, voire post-modernistes, des champs de la sociologie et des communications. Utilisant la typologie des paradigmes en sciences humaines et sociales

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proposée par Burrell et Morgan (1979i -- typologie qui, selon Rosengren (1985), peut serviràclassifier les différents modèles d'études en communication de masse -- je tâcherai de bien situer l'analyse contextuelle par rapport au paradigme fonctionnaliste dominant auquel, me semble-t-il, elle n'appartient que de façon problématique et marginale. A cet égard, on pourra se demander quelles présuppositions entretient Meyrowitz sur la nature des sciences sociales et sur la société, quelles questions critiques soulève son analyse vis-à-vis du paradigme dominant pour ensuite explorer les réponses foumies.

L'analyse contextuelle de Meyrowitz, telle qu'elle se présente principalement dans son livre et ses essais, sera ainsi concurremment située en regard d'une analyse méta-métaphorique des médias, au coeur de son oeuvre complète, dans un rapport à ses sources et à la critique que son livre a suscitée, et encore, dans la perspective d'une grille des paradigmes s'appliquant en communication comme en sociologie. On l'aura compris, mon travail sera ici avant tout d'ordre théorique et métathéorique. La problématique de l'analyse contextuelle, tant sur le plan de la médiation que sur celui de l'organisation sociale, sera au centre de ma discussion. Je veux discerner un "sens" de la "place" qu'occupe l'analyse de Meyrowitz dans le champ des communications, donner un aperçu de ses fondements théoriques, mais encore saisir la vision des changements de société qui est sienne, menantà l'émergence d'un nouvel ordre systémique d'interaction.

5La typologie des sciences humaines et sociales de Burrell et Morgan croise les dimensions paradigmatiques nommées "orientation subjective/objective" et "sociologies de régulation/changement radical." Quatre types d'écoles de sociologie se démarquent: Humanisme Radical, Structuralisme Radical, Sociologie Compréhensive, SociologieFonetionnaliS1e.

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Mon int':rêt pour l'analyse contextuelle des médias de commUIÙcation, etpour sa logique concomitante du changement social, tient

il

ce qu'elle s'appuie sur les fondements de deux modes pourtant antagonistes d'analyse de la société: 1) l'une concrète, subjectiviste et phénoménologique (dont l'intérêt est dit "pratico-moral") va de l'intérieur d'un monde vécu regardant vers l'extérieur; 2) l'autre abstraite, objectivante et systémique (dont l'intérêt est dit "technique") va de l'extérieur d'un monde vécu regardant vers l'intérieur (voir Habermas, 1976;CalhOlm, 1988).

Burrell et Morgan (1979) tracent de la sorte (mais bien plus exhaustivement) une ligne de démarcation métathéorique quasi-absolue entre les sociologies compréhensi-ves/subjectivistes et fonctionnalistes/objectivantes. Alternativement, Rosengren (1985) suggère que la dimension d'orientation subjective/objective des sciences sociales pourrait être conceptualisée comme un continuum pouvant accomoder des positions pragmatiques mitoyennes (et ambiguës) entre ses deux extrêmes logiques (c.-à-d. le solipcisme vs. le behaviorisme)6 . On va voir que l'analyse contextuelle de Meyrowitz (1985) répond à cette compromission, pouvant servir tout autant à l'explication systémique de la réorganisation globale des "places" dans la société de l'information qu'à la compréhension phénoménologi-que et herméneutiphénoménologi-que de la perte contemporaine du "sens de la place." Elle tente d'intégrer l'apport précieux des sciences herméneutiques à l'analyse des structures sociales, et cela, par

• 6Rosengren écrit: «For psycho/agical reasons il may he true tha! "one must always he committed to one side morethan ta onother" (BurrellandMorgan, 1979, p.19), but one could still decide underwhatdrcums/ances one perspective·isscientifically more frnitfui than another, in the sense lhatitès able more parsinwnously to explain a greater part ofthesocial reality wuJersttdy»

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le biais des développements sémiotiques et phénoménologiques de la dramaturgie de Goffman7• Aussi bien peut-on dire que cette synthèse passe par l'étl!de

sémio-phénoménologique de l'expérience humaine dans le cadre d'une analyse des nouvelles possibilités sociotechnologiques de la communication. Le propos de Meyrowitz constitue à cet égard une tentative brillante d'articulation de la réalité intersubjective (de la conmlunica-tion) d'un monde véçuà la réalité historique et systémique du fonctionnement auto-régulé de l'infrastructure des médias.

On verra qu'un certain fonctionnalisme dit "formel," basé sur un modèle cybemétique d'auto-régulation d'un système social, procède, dans la logique du changement social

avancée par Meyrowitz, de l'accomodation sociopsychologique (et

sémio-phénoménologique) à long terme des comportements aux changements sociostructuraux provoqués par l'implantation sociale des médias électroniques. De plus, selon Meyrowitz, un nouvel ordre systémique d'interaction sociale se dégage depuis peu des dynamiques d'autorégulation du système d'information sociale de la télévision: les lieux physiques d'interaction face-à-face sont de plus en plus intégrés aux situations virtuelles d'interaction à

7Burrell et Morgan (1979) tendent àranger trop exclusivement ['oeuvre de Goffman dans le camp de la sociologie fonctionnaHste, en tant que micro-fonctionnalismeétayépar l'interaction symbolique. Ils négligent de la sorte les développements phénoménologiques et sémiotiques de la dramaturgie de Goffman. J'ai retracé ailleurs le cheminement intellectuel de Goffman durant les années 1970, intégrant lui-même une sociologie phénoménologique de la cultureàson approche naturaliste, bchavioriste et fonctionnelle de l'interaction sociale et de la conversation (Hubert, 1991). Goffman s'inscrivait ainsi comme sociologie mixte sur le continuum d'orientation subjective/objective suggéré par Rosengren (1985), n'étant ni strictement fonctionnaliste, ni strictement compréhensive sur le plan méthodologique, et questionnant les présupposés ontologiques ct épistémologiques de la sociologie fonetionnaliste traditionndle.

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distance (et vice versa), fonnant alors progressivement W1seul système de comportements

(17)

PREMIER CHAPITRE

TROIS MÉTAPHORES DE LA MÉDIATION: DEUX PROFILS DE CARRIERE

Un article clef,Analyzing Media: Metaphors as Methodologies (1980)8, dressai!: tout d'abord des distinctions essentielles entre trois principales façons d'envisager les médias, trois métaphores que l'on trouve implicitement et souvent confusément au sein du discours en communication de masse: 1) la métaphore de la "chaîne de relais" ou du "conduit" (transport de l'information), 2) celle du "langage" ou de la 'grammaire" (traitement dc l'infonnation) et enfm 3) celle de "l'environnement" ou du "contexte" (système de circulation de l'infommtion)9. Ces trois métaphores du discours théorique décrivent différemment les médias de communication et constituent, par le fait même, trois obj,els plus ou moins nettement définis de la recherche: des "canaux" mécaniques ou électroniquc's assurant une transmission présumée neutre des messages; des "formes" dans lesquelles s'expriment et s'interprètent les contenus de messages; et des "systèmes d'information," c.-à-d. des situations ou contextes d'interaction sociale dans lesquels se réalise la circulation de "l'information sociale" dans une société. L'information sociale ne correspond pas à un

8Meyrowitz a livré les premières bribes de son analyse méta-métaphorique des médiasdansune allocution prononcéeàla Conférence de la Nouvelle-Angleterre sur l'Éducation, tenueàl'Université du Massachusetts (1980). Une reproduction de son allocution est disponible sur EDRS. Cette analysefutlivréeànouveauàla Septième Conférence Internationale sur la Culture et la Communication tenue àPhiladelphie (1989). Une version élaborée de cette allocutionfut publiée récemment dans leJournal of Communication (1993) .

9Nous reconnaissons, avec Meyrowitz, que les métaphores, loin d'étre de simples ornements du discoursàvocation poétique, sont les instruments précieux d'unepofetique. d'une fabrication ou d'une constitution d'un champ:de savoir. Utilisées dans le domaine scientifique comme "pédagogie," elles sont tout autant requises pour la formation de théories dont elles sont le noyau et le moteur.

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message médiatique intention:lellement transmis ma;s comprend tout ce que les gens peuvent apprendre sur leur propre comportement social et sur celui des autres à partir des messages médiatiques et en fonction de leurs fonnes.

Ces métaphores/objets couvriraient l'ensemble des manifestations étudiées du processus complexe que constitue la médiation de l'infonnation -- et cela, je suppose, par contraste purement analytique aux autres moments du processus entier de la communica-tion, ceux de la production et de la réception de l'infonnacommunica-tion, auxquels toutefois la médiation se mêle de façon liminale à un certain niveau d'analyse. Katz et al. (1979) donnent des indications en ce sens: «Each medium seems to o.ffer a unique combination of

(a) cllaracteristic contents (at least stereotypically perceived in that way); (b) typical attributes (print vs. broadcasting modes oftransmission, iconic vs. symbolic representation, reading vs. audio-visual modes ofreception); and (c) typical exposure situations (at home vs. out-of-home, alone vs. with others, control over temporal aspects of exposure vs. absence ofsuch control)>>(Katz& al., 1979,220-221). Gumpert et Cathcart (1990) réfèrent à leur tour implicitement aux trois métaphores lorsqu'ils donnent leur définition du processus de médiation qui vaut ici d'être mentionnée: «What we call"mediation" rejers to

something more than human communication via neutral electrolmechanical channels of transmission. The mediation ofhuman communication involvesforces that influence human information processing and shapes social interaction»(Gumpert& Cathcart, 1990,22).

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Meyrowitz (1980) insiste sur la nécessité de ne prioriser aucune des métaphores sur les , autres: «Again none of these metaphors is the "correct" one. lndeed aU three types of

studies are needed ta flesh-out our understanding of mass media. Yet each prol'ides one dear" wayofseeing media. Each is a pair ofglasses that isdesi~ed... ta bring certain things.... <..:

into focus and, in sa doing, leaves other things blurred» (Meyrowitz, 1980, 14). Bien que ch,aque façon d'entrevoir les médias puisse être ainsi clairement délimitée et que seule lme superposition pour ainsi dire "cubique" des perspectives révèlerait la totalité du processus de la médiation, le problème des points d'articulation entre ces métaphores/objets ne fut jamais\

. .

complètement résolu par Meyrowitz. Il se concentre plutôt sur la troisième pour renverser la seconde et répudier la première.

Dans les pages qui suivent, en toile de fond, on pourra chercher à comprendre les raisons. du choix et du partage des métaphores dans l'oeuvre de Meyrowitz. Il nous faudra toujours maintenir clairementà l'esprit les points de divergences méthodologiques mis en lumière par Meyrowitz entre ces approches: définitions des problèmes, questions soulevées, procédures suivies et type de données recueillies. La tâche qui nous attend sera toutefois de mieux saisir l'articulation qu'en donne Meyrowitz dans sa propre démarche analytique et méthodoloilique.

Deux profils de la carrière de Meyrowitz seront dès lors envisagés. Un premier profil , est tributaire du projet de maîtrise du jeune Meyrowitz et s'étend sur les années 1970, alors que le second, se prolongeant de la fin des armées 1970 jusqu'au début des armées 1990, est

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plutôl associé à son projet de doctorat. A première vue, ces deux projets apparaîtront comme ayant été à la fois distincts et complémentaires. Complémentaires, ils furent respectivement consacrésà la macroanalyse de la réception (maîtrise) et à la macroanalyse de la médiation de l'information sociale (doctorat)IO. Distincts, la maîtrise était spécifique-ment consacrée à des problèmes empiriques liés au traitement à la fois sémiotique et phénoménologique de l'information sociale télévisuelle alors que le doctorat se penchait sur des questions théoriques liées au circuit systémique de l'information sociale en général. Tout compte fait, le projet théorique de doctorat devait fmalement intégrer les résultats empiriques de la recherche de maîtrise. Encore faudra-t-il voir comment, à un niveau macroscopique d'analyse, les premiers problèmes furent incorporés aux questionnements seconds dans l'articulation de l'analyse contextuelle de la médiation proposée par Meyrowitz.

*****

1) LA MÉTAPHORE DU TRANSPORT DE L'INFORMATION:

La métaphore de la "chaîne de relais" traite des canaux de communication comme de mécanismes neutres de transport ou transfert de l'information. Elle favorise l'analyse du contenu des messages transmis au détriment d'une analyse de la forme de codification des messages, ou encore, des caractéristiques fixes, dites contextuelles, des divers canaux qui

10J'entend par macro-analyse de la réception une approche sémiotique générale de l'interaction entre des contraintes textuelles

et codes culturels de perception/interprétation. plutôt qu'une micro-analyse ethnographique et pragmatique de l'influence de contextes particuliers sur cette interaction.

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servent à les transmettre. Meyrowitz (1980, 1985) réfère ici d'abord au vieu.'( modèle à injection hypodermique des communications de masse [one-step jlow communication mode/] tiré de l'ancien système fonctionnaliste et behavioriste de la sociologie américaine qui, guidant initialement la recherche sur le pouvoir de persuasion des messages mass-médiatiques, commandait effectivement une analyse des contenus idéologiques des médias. Plus généralement, il réfère aussi à tous les modèles d'impact des mass- médias [efJects models] qui s'articulent sur l'influence présumée (plus ou moins) directe ct linéaire des messages mass-médiatiqucs. Comme l'indique encore Meyrowitz (1993), diverses questions sont alors envisageables: «The conduit metaphor leads to such questions as: What is the content? What social, political, economic, organizational, ideological, and other factors injluence the development and perception of content? How accurately does media content rejlect reality? How do various audiences interpret the content? What alternative types of media content are possible?»(Meyrowitz, 1993, 56).

*****

Meyrowitz (1985, 13-15) traite succinctement de l'enfance de l'art (et de la science) en communication de masse en se démarquant de ce qu'il considère être une attention trop étroite des recherches traditionnelles portée au contenu des messages mass-médiatiques. Cette attention, indique-t-il, résulte d'une préoccupation sociale face au pouvoir de propagande des médias, exacerbée durant la Seconde Guerre mondiale, qui aurait motivé dél"luis lors les courants dominants de la recherche. L'analyse de contenu serait ainsi une

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pratique commune des recherches fondées sur diverses modélisations de l'impact des communications de masse [effècts models] à différents niveaux de la structure sociale, depuis le vieux modèle de l'injection hypodermique jusqu'aux plus récentes analyses de la télévision en tant qu'environnement symbolique, en passant par les différents modèles de circulation par étapes de l'information. Meyrowitz (1980) écrità ce propos: «One can look

at latent content, implicit value systems, the effects of content, or correlations between media content and "reality. " And al! this can be quantified and analyzed statistical!y. But even then, oneis still100king primarily at the content, rather than at the medium or channel

through which the content is delivered» (Meyrowitz, 1980,5-6). Meyrowitz (1993) ajoute encore cette remarque judicieuse: «Many of these more sophisticated explorations [of

content] point to the most common uses for terms such as "structure, " "codes, " "form, " and "latent" in media studies: structure ofthe content, content codes, form of the content, and latent content. For even in its most complex forms, research that grows form the conduit metaphor tends to look at some aspect ofcontent and to ignore other latent aspects of the structure ofmediated communications»(Meyrowitz, 1993,58).

Selon Meyrowitz, le schéma behavioriste des modèles initiaux en communication de masse, qui présumait un impact plus ou moins direct des messages sur le comportement, aurait été maintenu depuis lors comme base théorique de la plupart des recherches en communication de masse, et cela, malgré les modifications tenant compte de variables intermédiaires. Meyrowitz (1985) écrit: «No matter how many interveningfactors are taken

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into account, the vast majority of media studies do not stray ver:vjà,.fi"om the original assumptions that media "itifect" something into people and that the stlldy ofmedia 4jècts. therefore, must begin with an analysis ofwhatis injetied» (1985,14). Cette afiimmtion a fait bondir la critique: «[Meyrowitz} is wrong. The so-called "bullet" or "hypodermic"

theory ofmedia effects was put to rest in the 1940s by Paul Lazarsfeld, Robert Merton, and Elihu Katz»(Jansen, 1987,626).

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En effet, les modèles du two-step flow et multi-step flow communication vînrent assez tôt modifier l'approche du transfert hypodermique des messages mass-médiatiques en mettant en question la présumée neutralité des "canaux" de transmission. Suggérant que les processus d'influence varient en fonction du degré d'homophilie des rdations sociales qui supportent les transferts d'information, ces modèles postulaient plutôt une distinction de nature sociologique entre le "canal interpersonnel" et les différents "canaux mass-médiatiques." Le canal interpersonnel était ainsi perçu comme étant plus persuasif et crédible que les canaux mass-médiatiques parce qu'il est typiquement homophile (alors que ses rivaux sont typiquement hétérophiles) et que les dynamiques d'influence s'y produisent plus assurément (voir Rogers, 1979, 204-205; Chaffee, 1982,66)11. Les messages mass-médiatiques n'acquièrent jamais qu'une influence limitée parce qu'ils sont en bout de ligne

IlRogers (1979) indique:nHomophily is the word that hat been devised[bylo.ulrsfeldandMerton(1964;23)/to describe the degree to which pairs of individuals who interact are similar in certain allributes, like belle/s, values, educalion, social stalus, etc.»

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filtrés et réinterprétés de manière à se conformer aux attitudes et normes d'interaction

[inlerpersona/ behavior codes

J,

elles-mêmes ancrées dans les associations homophiles de groupes primaires. Les relations sociales primaires formeraient ainsi un canal social de médiation et un cadre ou contexte d'interprétation pour les messages mass-médiatiques.

Or, on ne peut pas dire que Meyrowitz ignora ces développements théoriques. Au contraire, il les développa au-delà de leurpoïetiqueimplicite, toujours axée sur les transferts de contenu. D'une part, la conceptualisation de la notion de canal était ici avant tout de type sociostructural -- c.-à-d. que le canal se définissait en tant que réseau qualitatif (et géographique) de relations sociales (homophiles vs. hétérophiles). Cette conceptualisation chez Meyrowitz allait être poursuivie sur un plan à la fois situationnel et systémique -- c.-à-d. que le canal serait redéfIni avant tout comme système virtuel d'information sociale et situation fonctionnelle d'interactions et de relations sociales. De plus, l'approche contextuel-le de Meyrowitzmarquerait plutôt une distinction de nature entre contextuel-les canaux (médias) électroniques et les canaux (médias) de presse, en insistant cependant sur la simulation télévisuelle de la communication face-à-face, typique des groupes primaires.

D'autre part, l'explication des processus de persuasion dans les modèles étapistes était avant tout de type sociopsychologique, c.-à-d. que ceux-ci étaient perçus comme s'effectuant selon une dynamique de comparaison sociale. La comparaison sociale est cette tendance qu'ont les individus à comparer leurs attitudes et leurs comportements de préférence à ceux de leurs semblables -- le semblable résidant traditionnellement dans une

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structure locale de relations sociales homophiles. Cette tendancc à la compmnison allait demeurer encore très chère, par ailleurs,à l'approche contextuelle de Meyrowitz. Lu théorie de Meyrowitz impliquerait toutefois une modification importmlte du cudre sociostructuml d'application de cette règle de psychologie en s'uppuyant sur tme réinterpretation de la notion de "l'autre généralisé" de Mead: le semblable à qui l'on a tendance à se comparer se serait généralisé à l'ensemble des membres d'une communauté médiatique avec l'avènement de la télévision. Comme le dit Meyrowitz (l990c): «As a result afthe weakening ofthe /itlk

between physical space and social place, even ones family members and closestneighbors become partial strangers. At the same rime, strangers become partial neighbors in a "19-inch neighborhood" of shared mass-mediated communications and mass-produced products... More than ever before, the post-modern era is one in which everyone else seems somewhatfamiliar -- and somewhat strange» (Meyrowitz, 1990c, 130).

Le modèle du two-step flow en arrivait à un schéma d'influence qui, procédant en deux étapes (ou deux temps), dépeignait les dynamiques sociopsychologiques de la communication interpersonnelle comme des contraintes sévères à la libre circulation des messages mass-médiatiques, c.-à-d. à la pénétration dans une communauté homophile d'influences extérieures à celle-ci. A plusieurs égards, l'approche contextuelle de Meyrowitz allait parvenir à un schéma d'influence en deux étapes précisément inverse à ce dernier. Là où le modèle étapiste de circulation se concentrait sur le rôle de filtre joué par les réseaux de relations interpersonnelles dans le processus de médiation des messages mass-médiatiques,

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la théorie de Meyrowitz traiterait du rôle de rnise en relation para-sociale de la télévision dans la médiation des messages venant de l'intérieur, c.cà-d. de source interpersonnelle ou privée. De plus, l'analyse contextuelle dégagerait complètement la problématique de la circulation de l'information sociale de celle du transfert des contenus de messages. Si la rupture avec le passé de la recherche se voulait ainsi radicale, il faut bien voir que l'approche de Meyrowitz n'en demeurait pas moins prenante de certains paramètres du modèle étapiste de circulation de l'information. Ce qui a fait dire à un commentateur éclairé: «Meyrowitz's repudiates the one-step "hypodermic needle" model ofmedia efficts, with ils emphasis on media content. In its place he proposes a two-step model that relates individuals to media in terms ofa process of[socio-psychological} acijustment and adaptation through changes in social environments» (Rosnow, 1985, 206).

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Il a été suggéré que certains changements sociostructuraux associés au passage à la post-modernité, tels que le déclin des associations primaires et même secondaires et la formation de pseudo-communautés de relations sociales indirectes (Beniger, 1987; Calhoun, 1986), la chute des allégeances politiques stables et l'expansion de l'État sur la société civile (Calhoun, 1988; Eyerman, 1992; Touraine, 1992), ou similairement, le déclin de l'autorité politique et l'expansion du domaine public sur la sphère privée (Meyrowitz, 1985), et surtout le développement en la télévision d'un nouveau média de masse comme condition importante de tous ces changements, ont nécessité une révision fondamentale des

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conclusions tirées à partir des premières études empiriques fondées sur le modèle du

:11'0-step j/ow, révision tendant à réintroduire une préoccupation face au pouvoir direct et

environnemental des mass-médiasI2• Ainsi Calhoun (1988) écrit-il: «Where urban

newspapers once informed and sometimes galvanized heterogenous spatially concentrated urban publics, broadcast media neither create nor serve particular publics in which directly interpersonal discourse readily shapes the social appropriation of news or other information. They are in too large a degree one-way means of communication; they reach people for the most part in spatially and socially dispersed, privatized settings. They provide an informational environment, but do not foster public discourse» (CalhOUll, 1988,

228).

Les nombreuses exceptions à la logique conventionnelle du modèle du two-step j/ow

sont d'ailleurs indicatives de ses nombreuses lacunes quant aux particularités de la télévision et de la psychologie sociale de la réception. Il appert, par exemple, qu'un haut degré d'empathie chez le récepteur vis-à-vis de la "source" d'un message télévisuel (de même que la perception par le récepteur d'une réciprocité de la source à cet égard) peut apparenter cette relation, dite "para-sociale," à une relation sociale homophile (Horton& WoW, 1956, 1979; Rogers, 1979; Caughey, 1984). De façon similaire, le haut degré de statut et de crédibilité qu'accorde souvent un récepteur à la "source" d'un message télévisuel semble faciliter une

12Voir ainsi Lazarsfeld et Merton (1948,i13), Rogers (1979, 196-198,206-207), Chaffee (1982, 62, 66-67), Schudson (1982,

47), et Jensen (1986, 111) pour des révisions du modèle dutwo-stepjlowlaissant entrevoir une force persuasive qui serait propre aux mass-médias, sans médiation par la communication interpersonnelle.

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acceptation immédiate (c.-à-d. non-corroborée par un pair) de ce message (Lazarsfeld & Merton, 1948; Chaffee, 1982). Qui plus est, les mass-médias peuvent procurer un contexte de compréhension pour un message issu de source interpersonnelle tout autant que cette source (en tant que leader d'opinion) peut offrir une interprétation autoritaire d'un message mass-médiatisé (Schudson, 1982; Meyrowitz, 1985). A ces égards, on peut dire que les mass-médias servent certaines fonctions de mise en situation sociale: entre autres, les fonctions de mise en relation para-sociale ["substitute compagnionship" fimction]

(Caughey, 1984), de mise en contexte "objectif" ["view from above"jùnction] (Meyrowitz,

1985, 1989), et de procuration de statut ['~tatusconftrral"jùnction] (Lazarsfeld & Merton,

1948)13 . C'est reconnaître du même coup le point de vue (et l'activité) du récepteur et les particularités environnementales du média télévisuel dans les processus de la communication mass-médiatique.

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Il faut donc bien voir que la critique des modèles du transfert de contenu ne s'en tient pas chez Meyrowitz à une simple répudiation du modèle hypodermique des médias (tel que l'affirme Jansen, 1987) mais pointe également vers une réinterprétation du modèle de

13Lazarsfeld et Merton (1948) référaient aussiàla fonction de consolidation des nonnes publiquesinstituéepar les mass-médias

["the enforcement of social norms1.Ils écrivaient:.Publicity closes the gap between "private attitudes"and"public morality".•• Il colis fortll public recifJirmalion and (however sporodic) application of the social norm... Press. rodioandjoUI7UÙS expose fairly well known deviations to public view, andas a ruie, lhis exposure forces sorne degree of public action againstwhat hasbeen privately rolerated. (Lazarsfeld & Merton, 1948, 103). Meyrowitz (1985, 351n.4) note que ces derniers auteurs concluaient

sommairement que les mass-médias renforcissent le statu quo, ne décelant pas le changement social qui allait s'opérer avec la venue de la télévision, celui d'une plus forte pénétration de nouvel1es normes publiques dans la vie privée. Meyrowitz (1989) ajoute:

«Today, however, the mediated "view from above" redefinesmany [private] problems in/o "social issues" and battles between "social categories. "W/zen a promotion is denied, it is likely to he linked ta sex discrimination or racism; a problem with a spouse is likely to be dejined in terrns of spouse abuse or sexism...»(Meyrowitz. 1989,330).

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l'affirme Jansen, 1987) mais pointe également vers une réinterprétation du modèle dc circulation de l'information (tel que l'affirme plutôt Rosnow, 1985). Elle rejoint par ailleurs la critique du dit "médiacentrisme" qui caractérise depuis ses débuts le jeune champ des communications (voir Jensen, à paraître). Jensen en appelle au dépasscment des traditions de recherche qui se concentrent sur les diverses jonctions dc la chaîne liant les médias ct leurs contenus aux comportements et cognitions de leurs utilisateurs individuels. On retrouve ici les divers modèles sur les effets massifs ou limités des contenus de médias, mais aussi les recherches sur les usages et gratitications des médias et sur la réception des messages mass-médiatiques -- des modèles mentionnés également par Meyrowitz comme étant tributaires de la métaphore du transport (voir, 1985, 14-15). S'ajoutent encore les différentes approches des mass-médias en tant qu'environnements symboliques, de même que les modèles d'impacts des technologies en elles-mêmes, dans leurs formes et techniques inhérentes d'information. (Cette dernière catégorie de modèles inclut bien sûr ceux de McLuhan et de ses disciples; elle est traitée par Meyrowitz sous la métaphore du "langage" ou du traitement de l'information.)

Les médias électroniques, suggère Meyrowitz, exercent une influence considérable sur la société contemporaine, non pas en transmettant des contenus idéologiquesà des individus isolés et passifs et en diffusant à grande échelle les mêmes messages d'une rhétorique persuasive (comme le laissait entendre la première orthodoxie du discours en communication de masse), ni seulement en répondant aux besoins d'individus modernes et

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actifs et en fournissant des ressources utiles à des fins et fonctions de communication personnelle et sociale (comme le prétendait une seconde orthodoxie), mais en libérant les gens de leurs contextes locaux et restreints de vie communautaire et de leurs normes traditionnelles d'interaction sociale. Ces médias exercent une telle influence en vertu de leur capacité de transcender radicalement les limites physiques (c.-à-d. architecturales et géographiques) de lieux, exposant comme par transparence au regard public les situations sociales qui s'y déroulent (en tant que systèmes ouverts d'information sociale), et permettant une plus libre circulation de l'information entre les lieux. La libéralisation de la circulation de l'information sociale entre les lieux et les groupes, c.-à-d. le libre accès et la connaissance que les uns peuvent avoir du comportement social des autres, et l'extension concomitante du domaine public sur le privé constituent le nerf de la dynamique de perte du "sens de la place" décrite par Meyrowitz dans son livre.

Au-delà du "médiacentrisme" des premières orthodoxies, Jensen propose à son tour de faire l'examen critique des environnements sociaux, institutions et pratiques sociales qui surdéterminent les usages personnels des médias et de leurs contenus. Il y aurait lieu à cet égard de se demander si l'approche contextuelle ou environnementale de Meyrowitz ne néglige pas les aspects institutionnels et pratiques qui surdéterminent les patterns d'usages des médias?

Meyrowitz (1985, 14-15) indique que l'attention portée aux contenus de messages demeure encore centrale aux récentes théories critiques de l'organisation institutionnelle des

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mass-médias. Les analyses de diverses formes de contrôle économique, politique et .culturel dans la production et la circulation de masse de l'information r"lèveraient toujours ultimement, selon lui, d'une problématique de transfert de contenus plutôt que de médias. On se demande toujours comment le contrôle exercé sur les réseaux médiatiques, le traitement institutionnel de l'information et les règles professionnelles du joumalisme, déterminent en bout de ligne les messages qui passent ou ne passent pas dans les médias.

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Un point de vue critique non-radical ne fait pourtant pas totalement détàut chez Meyrowitz, mais ce sont les théories fonctionnelles présentant une critique de l'ancien système fonctionnaliste et behavioral qui y trouvent échos. Cette critique s'articule non seulement du point de vue du récepteur plutôt que du point de vue classique de l'émetteur, mais aussi du point de vue de systèmes sociaux déphasés intégrant à la fois les médias et leurs audiences. Comme le disent bien Ball-Rokeach et DeFleur (1982): «The mass media enter as not only economic systems engaged in deliberate attempts to persuade and entertain, but also as information systems vitally involved in maintenance, change, and conflict processes at the societal as well as the group and individuallevels ofsocial action»

(Ball-Rokeach & Defleur, 1982, 156). La théorie de la dépendance de l'audience aux mass-médias et la renaissance de la recherche sur les usages et gratifications de mass-médias dans les années 1970 eurent ainsi tendance à réduire les analyses cognitives (de l'audience) et instrumentales (des mass-médias) dans les termes d'approches fonctionnelles pouvant

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s'apparenter à celle de Meyrowitz. On a par exemple cherché des origines sociostructurales ou situationnelles (plutôt que psychologiques) à la formation des besoins (Katz& al., 1979). Similairement, on a vu que l'analyse contextuelle de Meyrowitz présuppose chez le récepteur un besoin sociopsychologique de comparaison sociale et traite des fonctions gratificatrices de la télévision comme mode non-instrumental de mise en relation sociale. L'hypothèse d'un émetteur détenant un message qu'il veut intentionnellement transmettre n'est pas nécessaire à cette approche car la compréhension du récepteur se concentre, au-delà du pur contenu du message de l'émetteur, dans un rapport à une information sociale diffuse. Le récepteur prend alors en compte ce qu'il perçoit de l'intention de l'émetteur (ou de son absence d'intention), la situation de l'émission, l'histoire de ses rencontres avec l'émetteur, ses propres besoins et intentions, etc. Si le récepteur semble ici seul créateur du message, le pragmatisme des gratifications recherchées demeure indissociable des structures et situations sociales qui les portent.

L'analyse des fonctions remplies par les mass-médias s'applique ici autant à leurs caractéristiques techniques, grammaticales et esthétiques qu'à leurs contenus, et cela, moins au niveau des usages de l'individu comme membre autonome d'une audience qu'au niveau des utilités pour l'audience comme membre dépendant de la société. On pense par exemple aux analyses à long terme de la fonction éditoriale de la presse [agenda-setting fùnction], balisant les préoccupations politiques et les formes (plutôt que les contenus) de pensée de son audience (McCombs & Shaw, 1977), ou encore aux analyses de la fonction de forum

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culturel [cultural forum] rendue par la télévision dans la résolution de débats publics (Newcomb& Hirsh, 1984). D'autres approches se demandent quelles conditions structurales de la société de l'information favorisent l'hégémonie culturelle de la télévision (Ball-Rokeach & DeFleur, 1979), quelle division du travail entre médias s'établit dans la satisfaction des besoins de l'audience (Katz& al., 1973), et quel déplacement fonctionnel subit la presse faceà la télévision dans son rôle jadis prédominant sur le plan de l'intégration politique de la société (Ibid). Meyrowitz entre en dialogue avec de telles approches.

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2) LA MÉTAPHORE DU TRAITEMENT DE L'INFORMATION

La métaphore du "langage" traite des médias de communication comme modes spécifiques de codification (et d'expression) de l'information qui, dans un acte de communication, influencent tant la logique de production que celle de l'interprétation des messages. Meyrowitz (1974, 1980, 1993) réfère ainsià l'approche dite "grammaticale" des médias, pour laquelle la forme d'expression ou de présentation des messages a priorité sur leurs contenus discursifs. Il s'agit d'une approche formelle cherchantà isoler les "variables de production" de messages [production variables] (Meyrowitz, 1974, 1979b, 1980; Gumpert & Cathcart, 1985), les "formats" de contenus [media formats] (Tuchman, 1979; Goffman, 1974, 1981; Altheide, 1985, 1987) et encore les "grammaires" [media grammars] (Carpenter & McLuhan, 1960; Gumpert & Cathcart, 1985) que détermine le potentiel expressif et perceptuel (ou encore sensoriel) des médiasl4• Mais alors que les variables de

production tendent à être manipulées sous les formats professionnels de contenus d'un média, les grammaires de médias demeurent souvent plus inconscientes, inhérentes à la nature des médias, et ne sont le plus souvent explicitées (ou rendues plastiques) que dans les expériences artistiques. A propos de cette problématique de langage, Meyrowitz (1993) écrit: «The language metaphor leads ta questions such as: What are the variables that can be manipulated within each medium? What are the effects ofsuch manipulations in terms of perception, comprehension, emotional reaction, and behavioral response? To what extent

14Meyrowitz réfère encore pareillement aux "variables de média" (1974) en tennes de variables expressives et techniques de

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are the grammatical codes for each medium shaped by the physical nature of the medium, by the cultural/y variable codes offace-to-face communication, and/or by ear(v production conventions? What political and ideological factors affict typical grammar variable choices? How do different audiences react differently to similar manipulations of production variables?, .. rrlhe examination ofmedia grammar variables involves a second, quite different set of meanings for the terms "structure," '10rm," "latent," and "code"»

(Meyorwitz, 1993, 59-60).

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Meyrowitz (1974) indique que l'approche grammaticale de la télévision s'est appuyée initialement sur les pratiques professionnelles de l'industrie pour isoler les variables impliquées dans la production de messages télévisuels et étudier empiriquement les réactions cognitives, affectives et behaviorales que celles-ci suscitent chez une audience. On a cherché à prédire les perceptions et réponses de l'audience en fonction d'un ensemble de règles et de "variables professionnelles de production" [production variables

1

dont on ne fourl1Îssait tout au plus qu'une définition énumérative: sélection de plans de cadrage, choix de lentilles, angles de caméra, montage, profondeur de champs, etc. Les études étaient conçues pour tester de façon systématique la validité des règles de production de l'industrie qui avaient été développées jusqu'alors par simples intuitions, essais et erreurs. On assumait toutefois qu'une grammaire universelle des télécommunications visuelles existe indépendemment des conventions de culture et de comportement, et que cette grammaire

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pourrait se laisser découvrir empiriquement à partir des réactions standards aux variables de production chez diverses audiences. Autrement dit, des méthodes avant tout inductives (semblables, je suppose, à celles de la linguistique structurale) devaient s'appliquer au déchiffrement du "langage" des médias visuels sur la base d'un corpus de données por<ll!lt sur les réactions d'audiences à des pratiques professionnelles de production. Or, d'après Meyrowitz, cette approche "non-théorique" des effets de variables télévisuelles n'aura jamais servi qu'à donner un vemi scientifique aux pratiques conventionnelles de l'industrie.

Meyrowitz intervînt à ce point. Adoptant la simple définition énumérative des variables de la production télévisuelle, il déplorait toutefois l'absence de théorie indépendante pouvant expliquer, au-delà du simple savoir-faire professionnel, l'impact psychologique de ces variables. Et dans le but de faire échec aux méthodes inductives de la première approche grammaticale, l'analyse grammaticale avancée par Meyrowitz devait plutôt tenir d'une logique explicative/déductive fondée sur deux ensembles différents de théories de la communication: d'une part, i) les théories à la fois sémiotiques et phénoménologiques de la communication interpersoruielle que sont la proxémique et la dramaturgie (Hall, 1959; Goffman, 1959, 1974), et d'autre part, ii) certaines théories de la communication de masse, telle que la théorie de la médiation (Carpenter & McLuhan, 1960; Gumpert & Cathcart, 1985). Meyrowitz cherchait ainsi à invalider toute présomption d'autonomie d'un "langage" des médias visuels et à avancer de nouvelles hypothèses pour

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mener expérimentalement une analyse grammaticale des variables de la production télévisuelle.

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DIl...1Sun premier temps, Meyrowitz (1974, 1979) appuyait l'analyse granlmaticale des

médias visuels sur les théories de la communication interpersonnelle avancées par E. Hall (1959) et E. Goffrnan (1959). Il existe ainsi une exception au profil de calTière qui tèrait descendre l'oeuvre entière de Meyrowitz de son seul projet de doctorat (1978), projet qui consistait à développer une approche contextuelle des médias. En effet, son premier essai (1979) tentait d'identifier les mécanismes qui régissent à la connection perceptuelle du spectateur aux mondes artificiels des médias visuels. Ilreprenait et élaborait pour ce taire une analyse sémiotique de la réception de la télévision amorcée celle-là dès sa thèse de maîtrise (1974): il s'agissait d'une recherche empirique ayant pour but de vérifier l'hypothèse de l'application (voire de la transposition) des codes de l'interaction face-à-face [interpersonal behavior codes] à la réception et l'interprétation des séquences télévisuelles. Meyrowitz explorait la possibilité que la "grammaire" de la télévision puisse être entièrement dérivée de la "granlffiaire" du comportement interpersonnel. Il empruntait ici une piste tracée par D. Horton et R.R. Wohl (1956) pour généraliser, de la communication interpersonnelle à la communication de masse, deux branches de la sémiotique interperson-nelle: la proxémique de E. Hall (1959, 1966) et la dramaturgie de E. Goffman (1959, 1974).

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Meyrowitz (1979) renvoyait à la thèse de Horton et WoW sur les "relations para-sociales": «Horton and Wohl claimed that the "conditions ofresponse to the [television] performer are analogous to those in a primary group." and they described the ways in which the mediated relationship psychologically resembled real-life encountersl> (1979,

56). Il proposait que les réactions aux personnes et si","lations présentéesà la télévision (en séquences de plans variés) procèdent de l'application d'un ensemble culturellement variable de codes du comportement interpersonnel dérivés de la vie de tous les jours: codes d'expression/perception des distances interpersonnelles [Hall's proxemics] et codes

d'expression/perception des impressions personnelles [Gojjinan's impression management]

dans l'interaction sociale. Autrement dit, le décodage des séquences télévisuelles procèderait par transposition [Gojjinan's keing] des codes servant à l'interprétation de l'interaction sociale. Comme l'indiquait encore Meyrowitz (1974): «The degree to which a media sequence either replicates or distorts given interpersonnal cues may determine audience perception and response» (1974,16).

Meyrowitz (1979) proposaitplus spécifiquement que certains éléments de la structure observable du comportement interpersonnel (distance interpersonnelle, alignement du corps, orientation du regard, division entre arrière et avant-scène, etc.) puissent être "psychologi-quement" corrélés aux variables utilisées dans la production et la réception de l'image télévisuelle (sélection de plans, angles de caméra, montage, profondeur de champ, etc.). Il posait, par exemple, que la perception de la distance interpersonnelleà la télévision procède

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du cadrage (découpage) des personnes. Le cadrage subjectif des personnages au cinéma ou à la télévision, variant des plans serrés sur un visage au.x plans d'eusemble sur lUle scène

[framed shots] ,suggère aux spectateurs des zones de proximité corporelle spécifiques ent.re les personnnages [Hal/'s "proxemics'1, ce qui guide leur interprét.ation de t.out eont.enu télévisuel. Le cadrage de l'espace interpersonnel influence l'interprét.ation du contenu (personnages, actions, discours, etc.) et exerce de la sorte une fonction de métaeomm\UÙcation en établissant un contexte de relations entre les persOlmages, ou encore (dans le cas d'un mode direct d'interpellation), en créant une relation para-sociale entre un spectateur et une personnalité médiatique. De même, le montage de l'action en séquences de plans subjectifs et/ou objectifs, ou encore les longs plans-séquences qui utilisent la profondeur de chanlp, suggèrent aux soectateurs certains alignements à adopter face aux personnages [Goffman's "teamillg'1, les situant tantôt subjectivement à l'intérieur, tantôt objectivement à l'extérieur de l'alignement des personnages entre eux, dans l'arrière ou l'avant-scène de la situation, suggérant encore de la sorte une certaine interprétation de l'événement ou de la situation en cours. Le format télévisuel de la fiction manipulerait ainsi l'accès des spectateurs à l'information sociale qui circule dans toute situation représentée à l'écran, et cela, relativement au savoir plus ou moins partiel des divers personnages entre eux et au savoir maximal possédé par le narrateur [Goffman's "information states'l Les formats documentaires et journalistiques répondraientà d'autres manipulations des variables

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de production qui régularisent l'accès à l'information sociale et le décodage de cette information.

L'idée d'une correspondance "psychologique" entre éléments structuraux du comportement interpersonnel et variables de la production médiatique n'était pas tout à fait neuve. Elle remonte en fait à E. Lindgren (1948) qui suggérait de dériver les principes du montage cinématographique de ceux de la perception naturelle. Il écrivait: «The fundamenta/ psych%gica/ justification ofediting as a method ofrepresenting the physica/ wor/d around us lies in the fact that it reproduces this mental process (...) in which one visual image follows another as our attention is drawn to this point and to that in our surroundings. In so far as the film isphotographic and reproduces movement, it can give us a /ife-like semb/ance of what we see; in so far as it emp/oys editing, it can exact/y reproduce t!le manner in W/zicll we normally see it» (1948, 54). Cette justification théorique du montage était toutefois quelque peu naïve et devait être par la suite nuancée: le montage filmique correspond plutôtà une interprétation idéale du processus mental de la perception naturelle, une transposition de la façon selon laquelle nous voyons normalement (voir Reisz & Millar,Princip/es ofEditing,1958,213-215).

Avec Meyrowitz (1974, 1979), la justification théorique du montage visuel avancerait au-delà du terrain d'une psychologie naïve de la perception naturelle. Elle serait dorénavant ancrée dans la théorie sémiotique des codes du "langage non-verbal," de même que dans Wle théorie phénoménologique des cadres [Goffman's frames] de la

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perceptionlinterpré-•

tation de l'interaction sociale (voir Goffrnan, 1974, 1981; Caughey, 1984). 11 fàut bien voir que le recadrage mené par Meyrowitz de l'analyse grammaticale des médias visuels, cette réduction dans la sémiotique du comportement interpersonnel, allait aussi constituer, dans tille large mesure, une certaine extension de l'analyse sémio-phénoménologique des fonnats de la représentation sociale avancée par Goffrnan (1974), son application mue formats télévisuels de l'interaction para-sociale. Goffrnan avait entrepris, à la même époque où Meyrowitz remodelait l'approche grammaticale des médias, de faire une analyse sémiotique et phénoménologique des fonnes symboliques de la représentation sociale. 11 s'appliquait avant tout à établir les règles et conventions qui régissent la transfonnation [keing] des cadres primaires [primary frameworks] de la présentation quotidienne de soi, et ceci, dans la production de divers fonnats institutionnels de la représentation sociale d'autrui (ou encore, fonnats hyperritualisés de la mise en scène de l'interaction sociale) [secondary frameworks] tels que les plates-fonnes publiques, théâtrales, cipématographiques, publicitaires, radiophoniques ou autres. Goffrnan suggérait que ces fonnats institutionnels diffèrent des rituels de l'interaction quotidienne (tels que, par exemple, une simple conversa-tion ou un jeu) par la façon dont ils contrôlent "orientaconversa-tion perceptuelle [quickframings], les alignements du soi [footings] et les divers niveaux d'infonnation [information states] des participants impliqués dans/à travers une situatioi1 sociale (voir Goffrnan, 1974, chap. 7; 1979, 4-5, 12-13). On retrouve ici les trois dimensions intersubjectives de l'interaction para-sociale qui, contrôlées par le fonnat télévisuel, furent analysées par Meyrowitz.

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Meyrowitz (1985, 1993) référait encore, dans un deuxième temps, à l'analyse grammaticale des mass-médias du type de cel!e avancée à l'origine par E. Carpenter et M. McLuhan (1960). Ce dernier écrivait: «ifa language cnntrived andused by many people is

a mass medium, anyone ofour new media is in a sense anew language, a new codification ofexperience collectively achieved by new work habits and inclusive collective awareness»

(McLuhan, 1960, 289). Chaque nouveau média possède une "grammaire" unique [media

grammar],c.-à-d. des codes et des conventions qui régissent au traitement de l'information

Iform ofinformation] et à l'organisation de l'expérience sensorielle [sensory bias). L'analyse formelle de ces codes grammaticaux est ici fonction du potentiel d'expression et d'inté-gration sensorielle des divers mass-médias, sur lequel s'appuient et jouent les conventions de l'industrie. La métaphore du langage pour la notion de média glisse à ce point subrepticement vers la métaphore de l'environnement en passant par une métaphore supplémentaire, celle de la prothèse sensorielle. Cette métaphore définit tout média comme une "prothèse" du système nerveux humain, impliquant l'extension d'un sens ou d'un ensemble de capacités sensorielles humaines. Carey (1967) indique que McLuhan développa à cet égard une typologie bipolaire des médias: «While McLuhan normally defines the grammar ofa medium in terms ofthe sense ratios it elicits, he frequently resorts ta the more simplified method of designating media as "hot" or "cold." A hot medium is one that presents a lot of information in one sense; it bombards the receiver with information or, in another favorite phrase, is in high definition. A cool medium, or one in

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