• Aucun résultat trouvé

Description des aspects environnementaux associés à l'émission des comportements d'agitation physique présentés par des personnes âgées institutionnalisées atteintes de démence

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Description des aspects environnementaux associés à l'émission des comportements d'agitation physique présentés par des personnes âgées institutionnalisées atteintes de démence"

Copied!
94
0
0

Texte intégral

(1)

DESCRIPTION DES ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX ASSOCIÉS À L’ÉMISSION DE COMPORTEMENTS D’AGITATION PHYSIQUE PRÉSENTÉS PAR DES PERSONNES ÂGÉES INSTITUTIONNALISÉES ATTEINTES DE DÉMENCE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

DÉCEMBRE 2002

(2)

RÉSUMÉ

La présente recherche vise à déterminer dans quels contextes les comportements d’agitation physique (CAP) surviennent. L'étude est réalisée auprès de 15 participants atteints de démence, résidant en institution et présentant des comportements agités. Les participants font l'objet d'une observation directe assistée par un ordinateur de main. Sont notés les épisodes d'agitation de même que les caractéristiques environnementales relatives au lieu, au contexte social du lieu, à l'activité poursuivie, à !'utilisation de contention physique et à l'heure de la journée. Chaque participant est observé pendant 12 heures, soit de 81100 à 20h00, pour un total de 180 heures d'observation. Les résultats montrent que l'agitation physique est présente dans 27,8% du temps. Les CAP se manifestent lorsque le participant est dans sa chambre (56%), non engagé dans une activité particulière (86%), seul (55%) et est contentionné (57%). L'agitation physique semble surtout être émise après 15h00 (58%). D'autres résultats sont dégagés et démontrent que certains facteurs de !'environnement contribuent à une plus grande émission de CAP que d'autres.

Jean Vézina, Ph.D. Directeur de recherche Caroline Brochu

(3)

AVANT-PROPOS

Au terme de ce mémoire, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à sa réalisation.

D’abord, j’aimerais remercier mon directeur de recherche, Monsieur Jean Vézina, qui m’a accueilli dans son laboratoite et m’a guidée tout au long de la réalisation de ce projet de mémoire par ses suggestions, commentaires et corrections.

Je remercie aussi Jonathan pour son aide précieuse dans les sphères techniques du projet, de même que pour l’aspect mathématique. Je tiens également à souligner la contribution de Shirley, Geneviève et Christian lors de 1 ’expérimentation.

Merci également à tout le personnel du Centre Hospitalier Jeffery Hale pour leur accueil et précieuse collaboration. Merci aux participants de l'étude et à leurs proches.

Je veux également remercier mes parents. D’abord mon père, qui m’a soutenu financièrement jusqu’à la fin de mes études. Ma mère, qui par sa grande disponibilité et son amour, m’a permis

de poursuivre jusqu’au bout et d’atteindre mes objectifs.

Je remercie aussi mon frère et amies qui ont su, chacun à leur manière, m’encourager et me conseiller quand j’en ai eu besoin.

Enfin, je dois une reconnaissance toute particulière à Eric. Par sa présence, son appui, ses encouragements quotidiens et sa compréhension quant à mon manque de disponibilité, il m’a donné la force de continuer et de me réaliser. Il m’a aussi offert le plus beau cadeau de la vie, ma fille Mia, qui est née pendant la rédaction de ce mémoire.

(4)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ...ii

AVANT-PROPOS... iii

TABLE DES MATIÈRES... iv

LISTE DES ANNEXES... vi

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GÉNÉRALE... 1

CHAPITRE II: Description des aspects environnementaux associés à l'émission de comportements d'agitation physique présentés par des personnes âgées institutionnalisées atteintes de démence (article)... 20

Résumé...21

Notes des auteurs... 22

Remerciements... 23 INTRODUCTION... 24 MÉTHODE... 30 Participants... 30 Matériel... 31 Variables et définitions... 32 Procédure... 33 RÉSULTATS... 36 DISCUSSION... 38 RÉFÉRENCES... 46 Tableau 1...55 Tableau 2...56 Titre de la Figure 1... 57 Figure 1...58 Titre de la Figure 2... 59

(5)

Figure 2...60 CHAPITRE III : CONCLUSION GÉNÉRALE...61 RÉFÉRENCES... 67

84 ANNEXES

(6)

Formulaire de consentement ANNEXE A

Fiche signalétique ANNEXES

(7)

d'agitation physique présentés par des personnes âgées institutionnalisées atteintes de démence

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les personnes âgées représentent le segment de la population qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. En 1998, on estimait à 3,7 millions le nombre de Canadiens âgés de 65 ans et plus, une augmentation de 57% par rapport aux 2,4 millions en 1981. Cette tendance semble vouloir se poursuivre pour les 30 prochaines années. On projette que le nombre de personnes âgées passera à près de 9 millions d'ici 2031, soit 22% de l'ensemble de la population canadienne (Statistique Canada, 1999).

Ce vieillissement de la population s'accompagne d'un accroissement des limitations fonctionnelles, des maladies liées à l'âge (arthrite, hypertension artérielle, maladies cardiaques), et particulièrement, à une hausse importante des diagnostics de démence. La démence affecte actuellement 250 000 personnes âgées au Canada et l'on observe que la prévalence de ce trouble augmente considérablement avec l'âge, passant de 2,4% chez les 65-74 ans à 34,5% chez les plus de 85 ans (Canadian Study of Health and Aging, 1994). L'avancement en âge représente le facteur de risque principal des maladies neurodégénératives, causes prépondérantes des syndromes démentiels (Desgranges, Faure & Eustache, 2000). En s'appuyant sur les données statistiques et les tendances démographiques qui prévoient un vieillissement de la population, on peut s'attendre à une augmentation du nombre de personnes atteintes de démence dans les années futures. D'ici l'an 2021, le nombre de personnes âgées qui souffriront de démence s'élèvera à 592 000 au pays (Canadian Study of Health and Aging). Le coût annuel de la démence est considérable pour la société canadienne, il atteignait près de 4 milliards de dollars en 1994 (0stbye & Crosse, 1994). Il semble que le coût sociétal annuel augmente avec la gravité de la démence (Hux et al., 1998).

On distingue plusieurs formes de démence par leur étiologie. Parmi les plus fréquentes on retrouve la démence de type Alzheimer, la démence vasculaire et la démence à corps de Lewy.

(8)

Les autres types de démence apparaissent suite à différentes autres causes, tels un traumatisme crânien, la maladie de Huntington, la maladie de Pick, la maladie de Creutsfeldt-Jakob et différentes affections médicales (American Psychiatrie Association, 1996). La maladie d'Alzheimer est la forme de démence la plus courante, elle est responsable d'environ 60% des cas (Patterson et ah, 1999).

La démence est un syndrome qui se caractérise par une détérioration des fonctions cognitives. Spécifiquement, on observe une altération de la mémoire et au moins l'une des perturbations cognitives suivantes : aphasie (trouble du langage), apraxie (difficulté à réaliser des activités motrices), agnosie (incapacité à reconnaître ou déterminer des objets) ou perturbation des fonctions exécutives (American Psychiatrie Association, 1996). Pour qu'un diagnostic de démence soit établi, les déficits cognitifs doivent entraver le fonctionnement social ou professionnel de la personne atteinte (Boiler, Dalla Barba, Marcie & Traykov, 1996). Au cours de l'évolution de la maladie, cette dégénérescence globale de la partie supérieure du cerveau engendre inévitablement un besoin d'assistance ou de prise en charge pour les activités comme l'habillement, les repas, les soins d'hygiène, etc. (American Psychiatrie Association).

Outre un déclin cognitif et fonctionnel, la démence peut entraîner des modifications de la personnalité et de l'humeur telles la dépression (Brock & Simpson, 1990; Brodaty, 1996; Bums, Jacoby & Levy, 1990c; Lehninger, Ravindran & Stewart, 1998; Midence & Cunliffe, 1996; Teri & Reifler, 1987) et l'anxiété (Fuh, Lin, Mega, Wang & Cummings, 2001; Mintzer & Brawman- Mintzer, 1996), des hallucinations (Homma, Ishii & Niina, 1994; Lehninger et al., 1998), des idées délirantes (Bums, Jacoby & Levy, 1990b; Finkei, 1993; Lehninger et al., 1998) et aussi, des problèmes de comportement (Finkel, 1993; Kemp, 1988; Näsman, Bucht, Eriksson & Sandman,

1993; Teri, Larson & Reifler, 1988; Teri et ah, 1992).

La littérature présente les symptômes comportementaux sous diverses appellations: «comportements perturbateurs ou dérangeants» (Algase et ah, 1996; Beck et ah, 1998; Jackson et ah, 1989; Kolanowski, 1995; Souder, Heithoff, O'Sullivan, Lancaster & Beck, 1999; Swearer, Drachman, O'Donnell & Mitchell, 1988), «troubles ou problèmes de comportement» (Burgio, 1996; Kemp, 1988; Lawlor, 1996; Rabins, Mace & Lucas, 1982; Rapp, Flint, Herrmann &

(9)

Proulx, 1992; Teri et al., 1988; Teri & Logsdon, 1994; Zimmer, Watson & Treat, 1984), «comportements excessifs» (Landreville, Vézina & Gosselin, 2000), «troubles psycho- comportementaux» (Monfort, Hervey & Feline, 2000), etc. Tous ces termes sont proposés par les auteurs pour décrire sensiblement la même réalité clinique.

Afín d'orienter les travaux futurs, les scientifiques rassemblés lors d'une conférence de l'International Psychogeriatric Association, ont recommandé !'utilisation de l'appellation "Signes et symptômes psychologiques et comportementaux de la démence" (SPCD). Générique utilisé à travers les récentes publications (Ballard et al., 2001; Eriksson, 2000; Finkel, 2000; Patterson et al., 1999). Les symptômes psychologiques réfèrent à l'anxiété, l'humeur dépressive, les hallucinations et les délires, alors que les symptômes comportementaux comprennent l'agression physique, les cris, la turbulence, l'agitation, l'errance, les comportements inappropriés culturellement, la désinhibition sexuelle, !'accumulation d'objets, l'usage d'un langage injurieux et la résistance (International Psychogeriatric Association, 1998).

Leur manifestation dans un milieu de vie est lourde de conséquences. Il peut en effet en découler des impacts physiques et psychologiques négatifs sur la personne atteinte, sa famille, ses soignants, ainsi que des incidences économiques élevées pour la société et les soins reliés à la santé (Finkel, 2000; Roper, Shapira & Chang, 1991). La personne atteinte risque de se blesser (Buchner & Larson, 1987; Eisdorfer et al., 1992; Swearer et ah, 1988; Teri et al., 1988) ou de blesser les autres à travers son agitation (Finkel, 1993), ou encore de se perdre lorsqu'elle manifeste de l'errance ou tente de fuguer (Hussian & Brown, 1987). Elle peut aussi se sentir isolée (Kopecky & Yudofsky, 1999; Velez & P eggs, 2001) ou incomprise par son entourage lorsqu'un moyen de contention physique (attaches, ceintures, demi-portes, etc.) ou chimique (neuroleptiques, anxiolytiques, antidépresseurs, etc.) est utilisé afin de gérer, par exemple, son agitation. D’ailleurs, plusieurs études ont démontré une association entre la présence de symptômes comportementaux et !'utilisation de stratégies de contentions physiques et chimiques (Burton, Rovner, German, Brant & Clark, 1995; Cohen-Mansfield, Billig, Lipson, Rosenthal & Pawlson, 1990; Cohen-Mansfield, Marx & Werner, 1992; Sloane et al., 1991; Strahle & Sivertsen, 1987). Les agents pharmacologiques sont souvent utilisés mais semblent avoir une efficacité partielle et variable pour contrer le comportement d'errance (Lehninger et al., 1998).

(10)

Certains de ces agents chimiques auraient même un effet aggravant (Risse, Lampe & Cubberly, 1987; Souri al, McCusker, Cole & Abrahamowicz, 2001). Selon Patterson et al. (1999), aucun médicament ne permet de prévenir l'errance, la modification du comportement et du milieu de vie du patient (photographies à l'entrée des chambres, entrées et sorties des unités contrôlées, etc.) apparaissent comme les meilleures façons d’en diminuer sa fréquence. Il en est de même pour les contentions physiques, moyens fréquemment utilisés afin de maintenir un patient errant mais tout aussi inopérant (Coons, 1988; Roper et ah, 1991). Il semble que les contentions physiques favoriseraient l'agitation de l'individu et auraient un impact négatif sur ses fonctions physiques et mentales (Frengley & Mion, 1986; O’Keeffe, Jack, & Lye, 1996; Wemer, Cohen-Mansfield, Braun & Marx, 1989). D'ailleurs, Sloane et ses collaborateurs (1998) ont noté une association entre la faible utilisation de contentions physiques et une diminution d'agitation.

Pour les résidents qui cohabitent avec cette clientèle, il est probable que leur qualité de vie soit diminuée par la présence de cris ou de bruits, et sont susceptibles d'être dérangés par un patient envahissant leur environnement personnel (Cohen-Mansfield, Billig et al., 1990; Finkel, 1993; Velez & Peggs, 2001). Ils peuvent aussi être affectés par la non-compréhension de ces comportements et par la crainte de présenter eux-mêmes, un jour, de tels comportements.

En plus de noter l'effet négatif sur la qualité de vie de la personne âgée et sur son entourage, plusieurs auteurs signalent que les symptômes psychologiques et comportementaux de la démence, principalement les changements de comportement, diminuent la quantité et la qualité des soins prodigués (Dyck, 1997; Ryden & Feldt, 1992; Sourial et al., 2001; Teri & Logsdon, 1994; Ware, Fairbum & Hope, 1990). Exposé par exemple à de la résistance ou à de l'opposition lors d'une interaction avec un patient, il est possible qu'un soignant naturel ou un membre du personnel d'une institution, utilise une approche par essais et erreurs dont le seul objectif devient la réalisation des soins ou de la tâche. L'activité des soins d'hygiène est un moment particulièrement propice à l'émission de résistance chez le bénéficiaire (Miller, 1997; Roper et al., 1991). De plus, les proches peuvent ressentir des sentiments de honte et de culpabilité face à des comportements inacceptables comme le blasphème, l'accusation de vol, la violence, les comportements sexuels inappropriés, etc. Souvent ils ne comprennent pas les changements occasionnés par les dommages cérébraux (Lawlor, 1996) et interprètent de différentes façons les

(11)

comportements de leur parent (Roper et al., 1991). Ils peuvent manifester de la colère et de l'impatience envers le malade (Rabins et al., 1982), un comportement de résistance pouvant être perçu comme intentionnel bien qu'ils connaissent leur état. Confrontés quotidiennement à de telles situations, il devient difficile pour les soignants familiaux de maintenir une bonne qualité de vie à la fois pour la personne atteinte que pour eux-mêmes (Cohen-Mansfield, Werner, Watson & Basis, 1995; Finkei, 2000; Patterson et al., 1999). La fatigue, le stress, reconnu comme un facteur pouvant exacerber à son tour les comportements perturbateurs chez les personnes atteintes de déficits cognitifs (Salzman, 1987), et la charge émotive qui en découle dépassent souvent la capacité pour certaines familles de prendre soin de leur proche à la maison (Parran, Hagerty, Tatarowick & S corza, 1993). Les changements comportementaux représentent une source majeure de détresse chez les soignants familiaux (Cohen-Mansfield, 1995; Deimling & Bass, 1986; Schulz, O'Brien, Bookwala & Fleissner, 1995) et représentent souvent le facteur précipitant à l'institutionnalisation, la famille n'étant plus capable de gérer efficacement certains de ces comportements (Chenoweth & Spencer, 1986; Cohen et al., 1993; Colerick & George, 1986; Finkel, 2000; Gibbons, Gannon & Wrigley, 1997; Hope, Keene, Gedling, Fairbum & Jacoby, 1998; O’Donnell et al., 1992; Patel & Hope, 1993; Rabins et al., 1982; Velez & Peggs, 2001).

L'impact négatif des symptômes comportementaux se poursuit à l'intérieur des institutions (Diwan & Phillips, 2001). Ils génèrent une source importante de stress pour le personnel soignant (Cohen-Mansfield, 1995; Everitt, Fields, Soumerai & A vom, 1991; Sourial et al., 2001) qui se traduit par de la frustration, de la colère, de l'impuissance, de l'irritabilité et de la résignation au sein du milieu de travail. Les symptômes comportementaux contribuent également à diminuer la satisfaction professionnelle des soignants (Dougherty, Bolger, Preston, Jones & Payne, 1992), et à augmenter les taux d'absentéisme au travail et d'épuisement professionnel (Struble & Sivertsen, 1987). Une étude réalisée au Québec (1997) auprès du personnel infirmier d'un CHSLD a révélé que 40% des 297 participants étaient atteints d'épuisement émotionnel et que 52%, faisaient preuve de dépersonnalisation à l'égard des usagers. Tout près de la moitié des répondants ont référé aux caractéristiques de la clientèle comme facteur déterminant de leur épuisement professionnel, dont la manifestation de comportements perturbateurs (Dicaire, Pelletier, Durand, Dubé & Lepage, 1997). De même, Sourial et ses collaborateurs (2001) ont récemment démontré

(12)

que la fréquence et la perturbation des comportements manifestés étaient significativement associées au fardeau d'une équipe soignante. Dans certaines situations extrêmes, les symptômes comportementaux peuvent même entraîner la maltraitance de la part de certain(es) intervenant(es) (Lavoie, Coutu-Wakulczyk & Doyon, 1997).

Les symptômes comportementaux associés à la démence sont non seulement importants de par leurs conséquences mais ils seraient aussi très répandus à travers cette population. Les estimations varient selon les différentes études, mais les problèmes de comportement toucheraient entre 50% et 90% des personnes âgées atteintes de démence. Ils seraient émis aussi bien par la population vivant dans la communauté que celle demeurant en institution (Nâsman et al., 1993; Rabins et al., 1982; Swearer et al., 1988; Teri et al., 1992; Zimmer et al., 1984). Il semble que les manifestations comportementales apparaissent tardivement au cours de l'évolution de la maladie d'Alzheimer et de la démence vasculaire (Patterson et al., 1999), alors qu'elles sont observées plus tôt et plus souvent en présence de démence ffonto-temporale et de démence à corps de Lewy (McKeith et al., 1996). D’autres ne relèvent pas de différence quant à la sévérité des troubles du comportement entre patients souffrant de démence Alzheimer, vasculaire, alcoolique et de démence mixte (Kunik et al., 2000).

Cohen-Mansfield et Billig (1986) s'intéressent particulièrement à ces symptômes comportementaux souvent problématiques et les désignent comme de l'agitation. Ils définissent ce concept comme une activité verbale, vocale ou motrice étant jugée, par un observateur externe, comme ne résultant pas directement des besoins ou de la confusion de la personne agitée. En plus de ne pas découler de façon évidente d'un besoin, l'agitation a comme deuxième caractéristique fondamentale de revêtir un caractère inadéquat (Cohen-Mansfield, 1996). Un comportement est jugé inadéquat en raison de son caractère abusif ou agressif (par ex.; donner un coup de pied), de sa fréquence démesurée (par ex.; poser constamment la même question), ou du contexte dans lequel il est émis (par ex.; enlever ses vêtements en public) (Cohen-Mansfield, 1991). Dyck (1997) précise en effet que les comportements perturbateurs qui originent de la faim, de la douleur ou de tout autre inconfort, ne doivent pas être considérés comme de l'agitation mais comme une réponse appropriée à un besoin.

(13)

En 1989, Cohen-Mansfield, Marx et al. ont étudié plus de 400 résidents agités en centre hospitalier soins de longue durée (CHSLD) et développé, à partir d'une analyse factorielle, une échelle de 29 comportements agités. Il s'agit du Cohen-Mansfield Agitation Inventory (CMAI), taxonomie regroupant les comportements d'agitation sous trois principales dimensions: les comportements agressifs, les comportements physiques non agressifs et les comportements verbaux agités. Une quatrième dimension a été observée durant le jour seulement et est caractérisée par !'accumulation et la dissimulation d'objets. Ces auteurs présentent l'agitation comme une constellation de symptômes opérationnels. Ainsi, les comportements verbaux agités s'observent dans le négativisme verbal, les plaintes, les cris, les demandes constantes d'attention ou d'aide, la répétition de phrases ou de questions et la production de bruits étranges. La forme physique fait référence au comportement d'errance, aux vêtements mis de façon inadéquate, à la production de gestes répétitifs et routiniers, à la manipulation incorrecte d'objets et à l'agitation corporelle générale. Cette dernière catégorie, représentée par l'agitation physique, constitue la principale variable d'intérêt dans le cadre de la présente étude.

Les chercheurs identifient entre 24% et 98% (Burgio et al., 2000; Cohen-Mansfield, Watson et al., 1989; Cohen-Mansfield, Wemer et al., 1995; Mega, Cummings, Fiorello & Gombein, 1996; Sourial et al., 2001; Zimmer et al., 1984) le nombre de personnes âgées aux prises avec une démence et manifestant des comportements d'agitation, aussi bien dans la communauté qu'en institution. L'incidence des comportements d'agitation varie à travers les écrits scientifiques selon le profil de la population étudiée (i.e. le degré des atteintes cognitives et de la perte d'autonomie, le milieu de vie), la méthodologie utilisée (i.e. les instruments de mesure, le temps d'observation, etc.) et la variété de définitions du concept d'agitation (Cohen-Mansfield & Billig, 1986; Cohen-Mansfield & Deutsch, 1996; Cohen-Mansfield, Marx et al., 1989; Näsman et al., 1993; Reisberg et al.,1987). De façon plus spécifique, certaines études présentent des données sur l'occurrence de certains types de comportements d'agitation. Par exemple, Cohen-Mansfield et Wemer (1997) rapportent que l'agitation verbale s'observe chez 10% à 30% des patients institutionnalisés, tandis que Hope et ses collaborateurs (2001) s'intéressent au comportement d'errance et relèvent que les taux de prévalence varient de 17,4% jusqu’à 50%, dans le cas des démences sévères.

(14)

Les hypothèses explicatives soulevées au sein de la littérature se rapportant à l'étiologie des comportements agités se regroupent principalement autour de trois grandes catégories: bioanatomique, psychologique et environnementale (Lawlor, 1996).

Les facteurs bioanatomiques, ou en d'autres mots, facteurs prédisposants à l'agitation, font référence à des changements à l'intérieur des structures cérébrales des personnes atteintes susceptibles d'influencer l'ensemble de leurs fonctions cognitives, dont le comportement (plaques séniles et enchevêtrements neurofibrillaires élevés, dégénérescence granulovasculaire, perte neuronale et atrophie corticale). Un dérèglement dans le travail des neurotransmetteurs pourrait également constituer un facteur générateur de symptômes comportementaux. Il y a entre autres l'hypothèse du déficit cholinergique dans les régions corticales et limbiques qui pourrait expliquer la venue de certains symptômes comportementaux de la démence (Monfort et al., 2000). De plus, Cohen-Mansfield, Culpepper et Wemer (1995) ont démontré que le niveau d'atteinte cognitive constituait un important déterminant dans l'expression de l'agitation. Certains soutiennent que 1 י agitation est plus commune en présence d’une démence avancée (Teri et al., 1988), d’autres toutefois n’observent pas une telle corrélation (Swearer et al., 1988). Des auteurs relèvent même une association entre des comportements spécifiques d'agitation physique et certaines caractéristiques des patients qui les manifestent. D’ailleurs, le comportement d'errance serait plus fréquent chez la personne âgée avec atteinte cognitive marquée (Bums, Jacoby & Levy, 1990d; Klein et al., 1999; Teri et al., 1988; Teri et al., 1992). Maintenant, comme certaines personnes souffrant de démence ne manifestent pas de tels symptômes comportementaux et que ces causes neurobiologiques, souvent irréversibles, offrent peu de possibilités d'intervention directe, il devient nécessaire d'examiner les caractéristiques psychologiques de ces patients, de même que les facteurs environnementaux associés.

Les caractéristiques psychologiques, pouvant aussi être désignées comme facteurs prédisposants à l'agitation, sont rapportées à travers plusieurs écrits comme étant associées à la présence de réactions comportementales. L'anxiété, entre autres, est régulièrement évoquée comme source influente des symptômes comportementaux. Une personne qui souffre de démence et qui est privée de la capacité de se souvenir et d'apprendre, qui ne reconnaît pas son environnement ou même ses proches, est susceptible de développer une anxiété importante se

(15)

traduisant en agitation. D’ailleurs, Mintzer et Brawman-Mintzer (1996) croient que l'agitation pourrait être l'expression d'une anxiété généralisée. Un trouble affectif surajouté, telle la dépression, représente également un facteur explicatif probable des symptômes comportementaux associés à la démence. Lyketsos et ses collègues (1997) ont étudié deux groupes de patients souffrant de démence de type Alzheimer et trouvé, un taux de comportements perturbateurs significativement plus élevé chez les patients aux prises avec un épisode dépressif que chez les patients non dépressifs. De plus, l'agitation constitue un des critères diagnostiques de dépression (American Psychiatrie Association, 1996). Il est reconnu qu’un nombre élevé de personnes atteintes de démence souffrent de dépression majeure ou présentent des symptômes significatifs de dépression (Fitz & Teri, 1994). Logsdon et Teri (1995) rapportent que 30% des personnes atteintes d'une démence de type Alzheimer manifestent simultanément un trouble dépressif majeur. Aussi, les idées délirantes, les illusions et les hallucinations manifestées par les personnes atteintes de démence, semblent être associées à un taux élevé de symptômes comportementaux (Patel & Hope, 1993; Rapp et al., 1992). Par exemple, l'étude de Kloszewska (1998) a révélé une corrélation entre les comportements agressifs et ces symptômes de nature psychotique. Enfin, des auteurs avancent que le stress pourrait jouer un rôle non négligeable dans l’apparition de l’agitation chez une personne avec atteinte cognitive (Hall & Buckwalter, 1987).

D’autre part, les comportements agités peuvent aussi être attribuables aux facteurs environnementaux. Puisque les hypothèses étiologiques citées précédemment n’expliquent que partiellement comment une personne souffrant de démence peut être prédisposée à l'émission de comportements agités, les facteurs environnementaux peuvent être désignés comme des facteurs précipitants à l'agitation et nous renseigner sur les circonstances environnementales favorisant son émission. De plus, les facteurs environnementaux constituent un champ d’intervention potentielle. Ces déterminants sont toutefois les moins bien documentés. Jusqu’à présent, un nombre limité de chercheurs se sont intéressés à l’étude des facteurs environnementaux pouvant être associés à l’émission de comportements agités chez les personnes atteintes de démence.

Panni les sources environnementales, il apparaît que certains éléments du contexte semblent influencer les comportements d'agitation de la personne atteinte de démence. Des

(16)

variables comme l’activité pratiquée par la personne, le lieu où elle se retrouve, 1 ’environnement social, et certains stimuli de !'environnement physique (Cohen-Mansfield & Wemer, 1995).

Il semble également que l’intrusion, dans l’espace personnel de la personne démente, favoriserait l’émergence des symptômes comportementaux (Marx, Wemer & Cohen-Mansfield, 1989). L'espace trop restreint peut en effet créer une anxiété insupportable, cet espace nécessaire qui permet un état de confort dans ses interactions avec les autres. De surcroît, il apparaît qu’une activité qui implique une invasion dans l’espace vital du résident exacerbe la manifestation des comportements (Lawlor 1996). Lorsqu’un soignant, par exemple, demande au patient de s’alimenter, s’habiller ou se déplacer. Une étude a rapporté que lors des tâches reliées aux activités de la vie quotidienne, les réactions comportementales ont tendance à se produire davantage (Kolanowski, 1995). Il se pourrait que les demandes provenant de !'environnement dépassent les capacités d’adaptation de la personne, soulevant ainsi de la frustration et le désir de faire cesser la demande, ce qui précipiterait la venue de symptômes comportementaux (Fisher & Swingen, 1997). Les comportements imprévisibles ou provocateurs des autres résidents peuvent aussi entraîner de l’agitation.

Par ailleurs, les facteurs interpersonnels, incluant l’approche et le comportement des soignants, pourraient susciter l’apparition d’un comportement agité (Carlson, Fleming, Smith & Evans, 1995). Une routine peu flexible ou lorsque, par exemple, un soignant réagit d'une manière sévère ou punitive auprès d’un résident qui ne collabore pas. Lorsque plusieurs personnes abordent le patient simultanément pour une tâche spécifique; lorsque le patient fait face à un individu ou une situation non familière; ou qu'il ne comprend pas les intentions du soignant à son égard. Alors que l'agitation verbale semble être associée à un état d'inconfort physique pour le patient (Cohen-Mansfield & Wemer, 1994; Draper et al., 2000), l'errance semble davantage être le signe d'un inconfort psychologique où la personne cherche à retourner à la maison ou semble à la recherche d'une personne chère qui est absente ou décédée (Cohen-Mansfield & Deutsch, 1996).

Le moment de la journée semble également avoir une influence sur l'émission des comportements d'agitation. D’ailleurs, l’étude de Cohen-Mansfield et Wemer (1995) a démontré

(17)

que la forme verbale d’agitation était plus souvent émise le soir et la nuit alors que les comportements physiques, particulièrement l’errance, semblaient plus fréquents durant le jour. De plus, l’après-midi semble être un moment particulièrement favorable à l’émission des comportements d'agitation (Sloane et al., 1998).

Enfin, d'autres auteurs expliquent ces comportements par la sous-stimulati on ou la sur- stimulation du milieu (Carlson et al., 1995). Il est supposé que les comportements physiques d’errance et de maniérisme répétitif semblent être une réponse à un environnement peu stimulant (Cohen-Mansfield & Wemer, 1995), alors que certains comportements agressifs seraient produits afin d’échapper à un environnement trop stimulant. D’ailleurs, l’errance semble être une façon pour le patient de dissiper le stress, la tension, l'ennui et le manque d'activité au sein d'un environnement social pauvre (Algase, 1999; Carlson et al., 1995). Russian et Hill (1980) observent en effet moins d'errance dans un milieu de vie offrant de la stimulation et du renforcement positif. De même, certains stimuli de !’environnement seraient associés à l’incidence d’agitation : les bruits, l’éclairage et la température ambiante (Eriksson, 2000; Mintzer & Brawman-Mintzer, 1996). Une étude a d’ailleurs démontré que le niveau de bruit, d’éclairage et de chaleur, avaient un impact significatif sur les comportements tels l’errance, la manipulation inappropriée d’objets, les mouvements étranges et les demandes d’attention (Cohen-Mansfield & Wemer, 1995). Pour leur part, Cleary, Clamon, Price et Shullaw (1988) ont noté une diminution d'agitation suite à une modification de !'environnement, soit une réduction du niveau de stimulation (i.e. couleur neutre, élimination des bruits provenant de la télévision et de la radio, etc.). Enfin, un environnement trop vaste ou trop restreint, l'absence de points de repère pour s'orienter dans le temps, dans l'espace et aux personnes, l'absence de structures de fonctionnement, de routine, un environnement étranger, non familier, constituent d'autres éléments de !'environnement physique susceptibles de soulever une réaction comportementale. Des modifications dans !'organisation physique des lieux, même minimes, peuvent fragiliser et perturber le comportement d'un patient (Lawlor, 1996).

La littérature révèle trois principales méthodes pour l'étude des facteurs environnementaux pouvant être associés à l'émission des comportements agités émis par des personnes démentes et hébergées en établissement de longue durée. Il peut s'agir de l'entrevue

(18)

avec un informateur, de !'enregistrement au moyen d'un dispositif mécanique, ou de !'observation directe (Cohen-Mansfield, 1994; Cohen-Mansfield & Martin, 1999; Landreville et al., 2000; Teri & Logsdon, 1994).

La cueillette de données au moyen de l'entrevue avec un informateur se fait au moyen de grilles d'évaluation se présentant généralement sous forme de questionnaires. Cette méthode d'évaluation est souvent privilégiée par les chercheurs intéressés à mieux connaître les symptômes comportementaux manifestés par des personnes âgées atteintes de démence. Le questionnaire constitue en effet un moyen simple et économique de recueillir une multitude d'informations (Cohen-Mansfield, 1994), et comme !'administration est réalisée auprès d'une personne qui connaît bien le patient manifestant ces symptômes, il permet de consigner de !'information fiable sur la situation. Il s'agit le plus souvent d'un aidant naturel ou un membre du personnel soignant. De nombreux instruments ont été développés cependant, à l'exception du Cohen-Mansfield Agitation Inventory (CMAI; Cohen-Mansfield, Marx et al., 1989), la plupart d'entre eux ne mesurent pas uniquement l'agitation mais s'intéressent à un ensemble plus large de symptômes psychologiques et comportementaux. On retrouve ainsi des échelles comme le Behavioral Pathology in Alzheimer's Disease (Behave-AD; Reisberg et al., 1986), la Multidimentional Observation Scale for Elderly Subjects (MOSES; Helmes, Csapo & Short, 1987), la Caretaker Obstreperous Behavior Rating Assessment (COBRA; Drachman, Swearer, O’Donnell, Mitchell & Maloon, 1992) scale, etc. Ensuite, comme les questionnaires sont pour la plupart rétrospectifs, ils sont par le fait même soumis au biais du rappel de l'événement. Par conséquent, les données risquent d'être imprécises et incomplètes (Bridges-Parlet, Rnopman & Thompson, 1994; Roberge, 1996). De plus, certains auteurs soulèvent la présence de subjectivité au sein de ces instruments de mesure en raison de !'implication du répondant dans l'événement problématique à évaluer (Cohen-Mansfield, 1996; McCann, Gilley, Hébert, Beckett & Evans, 1997). Leur perception peut en effet être biaisée à la hausse par l'effet du stress engendré par certains comportements d'agitation (Teri, Borson, Kiyak & Yamagishi, 1989) ou inversement, influencée à la baisse en raison de l'effet d'habituation (Cohen-Mansfield & Martin, 1999) ou par la crainte, chez le répondant, d'être perçu comme un soignant inefficace en présence d'une fréquence d'agitation élevée (Malone, Thompson & Goodwin, 1993). D’autre part, certaines de ces grilles d'évaluation ne possèdent pas de qualités psychométriques établies (Landreville et al.,

(19)

2000) et enfin, elles ne livrent pas d'information sur la durée des manifestations comportementales ni sur le contexte d'émission de ces comportements (i.e. les lieux, le moment de la journée, !'environnement social, etc.) (Burgio, 1996; McCann et al., 1997).

Les dispositifs mécaniques se présentent sous forme de compteurs qui enregistrent le nombre de pas que fait, par exemple, une personne errante. Il peut s'agir aussi de magnétophones, utilisés par les chercheurs intéressés par l'étude des vocalisations. Ces modalités d'enregistrement ont comme avantage de capter automatiquement et de façon continue pendant une longue période des comportements recherchés bien précis. Cependant, ces dispositifs s'avèrent généralement coûteux. Ils peuvent aussi être dérangeants pour le participant soumis à l'évaluation et entraîner un travail considérable au chercheur lorsque les observations nécessitent d'être recodées et traduites sous une autre forme, convenant au traitement alphanumérique (Cohen-Mansfield, 1996). Aussi, tout comme les questionnaires, les dispositifs mécaniques omettent de fournir de !'information sur le contexte d'émission des comportements problématiques.

Dans le but de favoriser une meilleure compréhension des liens entre certains facteurs de !'environnement et les comportements d'agitation émis par les personnes souffrant de démence, une cueillette des données par la technique de !'observation directe apparaît comme des plus intéressantes. Cette approche objective consiste pour le chercheur à observer de façon non participante, et pendant une période de temps donnée, un individu dans son environnement quotidien, et de consigner de !'information à propos d'un comportement précis (Cohen-Mansfield,

1996).

Les avantages associés à !'observation directe sont nombreux. D'abord, cette méthode permet une cueillette et une compilation des données plus valides que les questionnaires remplis par des informateurs (Ballard et al., 2001). En effet, l’observateur examine et codifie une représentation réelle de l’événement auquel il s’intéresse alors qu’il recueille le témoignage d’un répondant à un événement passé dans le cas des questionnaires (Robert et al., 1988). L’observation directe permet aussi d'augmenter le volume des informations pouvant être consignées et constitue une source de données plus précises (Bowie & Mountain, 1993; Burgio, 1996). Elle permet à la fois d'enregistrer des fréquences et des durées de manifestations

(20)

comportementales ainsi que de l'information sur les caractéristiques de !'environnement dans lequel elles apparaissent (Burgio et al., 2000). De plus, comme plusieurs stratégies d'échantillonnage s'appliquent à !'observation directe du comportement, il est possible pour le chercheur d'enregistrer des données selon des fréquences et des périodes de temps qui se distinguent (Martin & Bateson, 1986). Finalement, !'observation directe réalisée au moyen d'un dispositif d'enregistrement informatique, permet de consigner un nombre élevé d'informations et d'en produire des listes pouvant être transmises directement à un ordinateur central pour fin d'analyses statistiques (Robert et al., 1988). Le risque de produire des erreurs dans la transcription des données est ainsi enrayé et une économie de temps est réalisée.

L'observation directe présente toutefois des faiblesses (Bowie & Mountain, 1993; Landreville et al., 2000). Premièrement, l'observateur peut influencer, par sa présence dans !'environnement du participant, les faits qui se déroulent devant lui et ainsi produire une différence sur le comportement étudié. Il s’agit de l’effet d’intrusion de l’observateur. Il est possible toutefois de prévenir ce problème de réactivité chez les participants en prévoyant une période de désensibibsation avant le début des observations (Bowie & Mountain, 1993). Deuxièmement, l'observateur peut être influencé par les hypothèses de recherche, et ainsi amené à ne pas noter un comportement qui s'est effectivement produit, ou à consigner la présence d'un comportement qui ne s'est pas manifesté. Cet effet, communément désigné comme l'effet d'attente du chercheur, peut modifier les résultats d'une étude. Lorsque c'est possible, le chercheur peut avoir recours à des observateurs bien entraînés, mais qui ignorent les hypothèses de l'étude (Robert et al., 1988). Troisièmement, la constance des observateurs risque de se détériorer ou de s'améliorer en cours d'observation. En effet, il est probable que les critères d'identification s'abaissent en cours d'observation, en raison de la fatigue ou d'une distraction quelconque, ou qu'au contraire ils s'élèvent d'une période d'observation à l'autre, en raison de l’effet d’entraînement. L'observation manque ainsi de stabilité. Il est possible aussi que !'observation manque de précision en raison de comportements n'ayant pas été clairement définis au départ Afin d'éviter ces pièges d'ordre méthodologique, il s'avère essentiel d'accorder de l'importance à l'élaboration des définitions de comportements à observer (opérationnelles et exclusives), et de fournir aux observateurs du temps de repos entre les périodes d'observation (Robert et al., 1988). Quatrièmement, comme certains comportements sont peu fréquents et ne se manifestent pas tous

(21)

en même temps, la méthode d'observation directe exige de longues périodes d'observation afin de détecter un comportement précis (Cohen-Mansfield, 1996; McCann et al., 1997; Teri & Logsdon, 1994). Enfin, cette méthode s'avère généralement onéreuse puisque d'importantes ressources humaines (formation, entraînement et rémunération des observateurs) et techniques (matériel spécialisé) doivent être mobilisées pour !'observation qui s'étend habituellement sur une période de plusieurs jours (Cohen-Mansfield & Martin, 1999). Maintenant, en réduisant autant que possible ces facteurs contaminants, le recours à !'observation directe apparaît comme la méthode la plus adaptée à l'étude des facteurs environnementaux associés aux comportements agités.

Différentes modalités d'enregistrement soutiennent la démarche d'observation directe du comportement (Cohen-Mansfield, 1996). Il y d'abord la grille de cotation, reconnue comme un moyen simple et peu coûteux de cueillette de données puisque le matériel nécessaire à l'utilisation de cette technique se résume au papier et au crayon. Par exemple, YAgitation Behavior Mapping Instrument (ABMI; Cohen-Mansfield, Wemer & Marx, 1989) permet d'enregistrer la fréquence des comportements et de consigner les circonstances dans lesquelles ils se produisent. Une autre possibilité consiste en !'utilisation d'appareils d'enregistrement, comme le magnétoscope, qui permet d'enregistrer et de conserver les observations pour un décodage ultérieur. D'autres opteront pour un lecteur de codes à barres qui consiste à cibler, à l'aide d'un lecteur optique, les items d'une liste correspondant aux comportements observés ainsi que différents événements qui les précèdent et succèdent (Bridges-Parlet et al., 1994). Finalement, il y a l'ordinateur portable ou l'ordinateur de main, utilisé depuis quelques années par les chercheurs privilégiant !'observation directe en milieu naturel (Bowie & Mountain, 1993; Burgio et al., 1994).

Quelques études ont utilisé la méthode de !'observation directe afin de livrer des conclusions concernant l'influence de l'environnement sur les comportements d'agitation. Tout d'abord, Cohen-Mansfield et Wemer (1995) ont utilisé la grille de cotation Agitation Behavior Mapping Instrument afin de consigner leurs observations à propos de certains comportements d'agitation physique et de l'influence des facteurs de !'environnement y étant reliés. De façon générale, ils ont constaté que les comportements d’agitation ont tendance à diminuer lorsque le participant est actif ou en présence d’activités structurées, lorsqu’il y a présence de musique au sein de son environnement, d’un visiteur ou un membre de l’équipe soignante. Inversement,

(22)

l’agitation a tendance à se manifester davantage lorsque le participant est laissé à lui-même, non engagé dans une activité particulière. Plus spécifiquement, les auteurs ont rapporté que le comportement d'errance se manifeste davantage pendant la journée, lorsque la personne se retrouve dans le corridor ou près du poste de garde de l'unité, et contrairement aux autres comportements d'agitation, l'errance tend à augmenter lorsque l'équipe soignante augmente en effectifs. Le maniérisme répétitif se produit le plus souvent le matin lorsque la personne ne fait rien, et lorsqu'elle se retrouve dans la salle commune. Il semble que ce comportement soit associé à l'ennui. Les mouvements étranges tendent à augmenter le soir lorsqu'il fait noir, lorsque la personne est seule et n'est engagée dans aucune activité. Enfin, la manipulation incorrecte d'objets augmente lorsque la personne est seule et ne fait rien. Tout comme le maniérisme répétitif, ce comportement d'agitation physique semble être relié à l'ennui et manifesté à travers un besoin de stimulation. Les comportements agressifs font exception et semblent être émis davantage en situation d’interaction sociale et lors des soins d'hygiène (Freyne & Wrigley, 1996; Keene et al., 1999; Miller, 1997; Primean et al., 2001).

Dans une étude regroupant 49 participants déments et hébergés en établissement de longue durée, Matteson et Linton (1996) ont présenté des résultats basés sur la durée et la fréquence d’agitation physique. À l’aide d’une méthodologie d’observation directe, ils ont noté que l’agitation physique était présente pendant 2% du temps d’observation, or, 24 des 49 participants ont manifesté de l’errance (50%), et 16 (33%), de l’agitation corporelle générale. Ces auteurs se sont également préoccupés de la distribution de ces comportements dans le temps et rapporté qu’ils se manifestaient plus souvent durant la journée (8 :OOam - 4 :OOpm). L'agitation corporelle générale, définie par les auteurs comme une activité motrice excessive, demeurait relativement présente pendant la soirée (4 :OOpm - 12 :OOam) mais diminuait de façon significative au cours de la nuit (12 :OOam — 8 :OOam). Par ailleurs, Bowie et Mountain (1993) ont observé 110 résidents souffrant de démence entre 8 :OOam et 9 :OOpm et enregistré que les activités motrices, telles l’errance, l’agitation corporelle générale et la production de gestes répétitifs, étaient présentes pendant 18,7% du temps. Ils se sont aussi intéressés à la distribution d’agitation physique au cours de la journée et noté une fréquence relativement constante.

(23)

Ces résultats basés sur la répartition de l’agitation selon les heures de la journée invoquent le concept du syndrome crépusculaire, défini par Evans (1987) comme un phénomène d'apparition ou d'augmentation des symptômes de confusion en fin d'après-midi ou en début de soirée. Suite à une étude qu'il a menée auprès de 89 patients âgés et hébergés en institution, cet auteur a observé la présence d’une augmentation d’agitation durant cette période de la journée. De même, Martino-Saltzman, Blasch, Morris et McNeal (1991) ont relevé que le comportement d’errance apparaissait davantage entre 7 :OOpm et 10 :OOpm et une autre étude, que le maniérisme répétitif était plus souvent manifesté entre 4 :OOpm et 8 :00pm (O’Leary, Haley & Paul, 1993). Le phénomène du syndrome crépusculaire n’est toutefois pas apparu dans l’étude de Matteson et Linton (1996), ni supporté par Bliwise, Carroll, Lee, Nekich et Dement (1993) qui ont observé autant d’agitation pendant la journée. Enfin, Cohen-Mansfield, Watson et al. (1989) ont rapporté une grande variabilité intersujets quant à la distribution d’agitation physique au cours d’une journée. Il semble que le concept du syndrome crépusculaire ne soit pas tout à fait établi au sein de la communauté scientifique, certains proposent même une réévaluation de ce phénomène (Cohen-Mansfield, Watson et al., 1989).

D’autre part, Rousseau (2000) s’est préoccupée de l’influence de !'environnement social sur les comportements d'agitation physique. Elle rapporte que la présence d'une personne significative (fille ou fils) auprès d'un résident influencé par le syndrome des états crépusculaires, avait une incidence favorable sur ses comportements d'agitation. Les trois-quarts des participants ont démontré une diminution de leurs comportements problématiques en présence de la personne significative et la durée des comportements agités de tous les participants diminuait en présence de cette même personne.

Enfin, Cohen-Mansfield, Wemer et Marx (1990) se sont intéressés à la distribution spatiale de l'agitation chez des patients agités vivant en institution. Ces auteurs ont relevé que le comportement d'errance augmentait en fréquence lorsque la personne se retrouvait dans les corridors, à proximité du poste de garde et dans la chambre d’un autre résident.

Malgré ces résultats de recherche intéressants, les connaissances provenant de !'observation directe à propos des facteurs environnementaux associés aux comportements

(24)

d'agitation physique sont trop peu nombreux et pour la plupart, ne sont que fragmentaires. En effet, aucune étude jusqu'à maintenant ne s'est intéressée de façon unique au comportement d'agitation physique et aux conditions de !'environnement favorisant son émission. Or, par sa fréquence élevée et ses impacts négatifs, l'agitation physique associée à la démence constitue une préoccupation majeure dans notre société actuelle. De plus, comme le personnel soignant des institutions est appelé à accueillir cette population vieillissante atteinte de démence, il devient nécessaire de pouvoir gérer ces désordres comportementaux autrement que par les traitements physiques ou chimiques traditionnels, moyens qui ne semblent pas apporter les effets désirés. Pour ce faire, il faut d'abord s'intéresser au contexte de survenue de ceux-ci en identifiant les liens entre les facteurs environnementaux et les comportements d'agitation physique. Une meilleure compréhension de 1 ’environnement influençant l’émission de ces comportements pourrait ainsi favoriser le développement d'interventions mieux adaptées et contribuer par le fait même à l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes, de leur entourage, des intervenants et des autres résidents. Pour toutes ces raisons, une étude observationnelle et détaillée des circonstances menant à la manifestation des comportements d'agitation physique chez les personnes âgées atteintes de démence et hébergées en CHSLD s'avère nécessaire.

Les connaissances actuelles sur le sujet étant très limitées, il serait prématuré à ce stade-ci de la démarche de recherche d’avancer toute forme d’hypothèse. La présente étude s’insère dans un programme de recherche, elle est la deuxième de trois études et se veut davantage exploratrice et descriptive. Elle a pour objectifs de documenter la fréquence et la durée d'épisodes d'agitation physique, ainsi que de dégager les circonstances de !'environnement menant à son émission: le moment, le lieu, le contexte social, l'activité et !'utilisation de contention physique. Comme objectif secondaire, la distribution de l'agitation physique selon l'heure de la journée est examinée. L'étude est réalisée dans une institution de longue durée de Québec auprès d'un échantillon homogène de résidents âgés souffrant de démence (agités sur une base régulière et hébergés depuis au moins trois mois). Cette homogénéité des participants permet d'étendre les conclusions de la recherche à cette population et à ce milieu. La cueillette de données par la méthode de !'observation directe du comportement assure une validité écologique et les unités d'observation étant soigneusement et clairement définies, elles assurent une fidélité à la fois intra et interobservateur. De plus, elle fait appel à des observateurs bien entraînés et bien au fait des

(25)

unités à reconnaître. Une période de familiarisation et de désensibilisation est réalisée avant !'enregistrement des observations afin de contrôler les effets possibles de réactivité à la présence des observateurs dans le milieu. Finalement, la fidélité des observations est aussi assurée par une entente inter-juges.

(26)

DESCRIPTION DES ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX ASSOCIÉS À L’ÉMISSION DE COMPORTEMENTS D’AGITATION PHYSIQUE PRÉSENTÉS PAR

DES PERSONNES ÂGÉES INSTITUTIONNALISÉES ATTEINTES DE DÉMENCE (ARTICLE)

Caroline Brochu, Jean Vézina, Philippe Landreville, Jonathan Aubert, Shirley Imbeault, Christian Laplante & Geneviève Primean

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

(27)

Mots clés: agitation physique, symptômes comportementaux, facteurs de !'environnement, démence, observation directe, centre d'hébergement et de soins de longue durée.

Résumé

La présente recherche vise à déterminer dans quels contextes les comportements d'agitation physique (CAP) surviennent. L'étude est réalisée auprès de 15 participants atteints de démence, résidant en institution et présentant des comportements agités. Les participants font l'objet d'une observation directe assistée par un ordinateur de main. Sont notés les épisodes d'agitation de même que les caractéristiques environnementales relatives au lieu, au contexte social du lieu, à l'activité poursuivie, à !'utilisation de contention physique et à l'heure de la journée. Chaque participant est observé pendant 12 heures, soit de 8h00 à 20h00, pour un total de 180 heures d'observation. Les résultats montrent que l'agitation physique est présente dans 27,8% du temps. Les CAP se manifestent lorsque le participant est dans sa chambre (56%), non engagé dans une activité particulière (86%), seul (55%) et est contentionné (57%). L'agitation physique semble surtout être émise après 15h00 (58%). D'autres résultats sont dégagés et démontrent que certains facteurs de !'environnement contribuent à une plus grande émission de CAP que d'autres.

(28)

Notes des auteurs

Cette recherche a été réalisée comme exigence partielle du programme de maîtrise en psychologie de Caroline Brochu. Monsieur Jean Vézina a agi à titre de directeur de recherche.

Les demandes de tirés à part doivent être adressées à : Monsieur Jean Vézina, Ph.D., École de psychologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada, G1K 7P4.

Cette recherche a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).

(29)

Remerciements

Nous remercions la direction et le personnel du Centre Hospitalier Jeffery Hale pour leur accueil et leur précieuse collaboration à l'étude.

(30)

Description des aspects environnementaux associés à l’émission de comportements d’agitation physique présentés par des personnes âgées institutionnalisées atteintes de

démence

Au Canada en 1994, la démence affectait près de 250 000 personnes âgées de 65 ans et plus (Canadian study of health and aging, 1994). D’ici 20 ans, les auteurs de l’étude projettent qu’il y aura plus de 592 000 Canadiens qui souffriront de démence. La démence s’accompagne de déficits cognitifs multiples et de symptômes psychologiques et comportementaux ayant des impacts négatifs sur la personne atteinte, sa famille et ses soignants (Finkel, 2000; Roper, Shapira & Chang, 1991).

Ces symptômes représentent une source de détresse majeure chez les soignants familiaux (Cohen-Mansfield, 1995; Deimling & Bass, 1986; Schulz, O’Brien, Bookwala & Fleissner, 1995), ils constituent souvent l’élément précipitant dans la décision d’institutionnaliser le patient âgé dément (Chenoweth & Spencer, 1986; Cohen et al., 1993; Colerick & George, 1986; Finkel, 2000; Gibbons, Gannon & Wrigley, 1997; Hope, Keene, Gedling, Fairbum & Jacoby, 1998; O’Donnell et al., 1992; Patel & Hope, 1993; Rabins, Mace & Lucas, 1982; Velez & Peggs, 2001) . Ils génèrent aussi un stress important pour le personnel soignant des institutions (Cohen- Mansfield, 1995; Everitt, Fields, Soumerai & A vom, 1991; Souri al, McCusker, Cole & Abrahamowicz, 2001), et contribuent à diminuer leur satisfaction professionnelle (Dougherty, Bolger, Preston, Jones & Payne, 1992), tout en augmentant les taux d’absentéisme et d’épuisement professionnel (Struble & Sivertsen, 1987). Plusieurs auteurs soutiennent que les symptômes psychologiques et comportementaux de la démence (SPCD) diminuent la quantité et la qualité des soins prodigués (Dyck, 1997; Ryden & Feldt, 1992; Souri al et al., 2001; Teri & Logsdon, 1994; Ware, Fairbum & Hope, 1990). D’ailleurs, leur présence est souvent associée à !’utilisation de stratégies de contentions physiques et chimiques (Burton, Rovner, German, Brant & Clark, 1995; Cohen-Mansfield, Billig, Lipson, Rosenthal & Pawlson, 1990; Cohen-Mansfield, Marx & Werner, 1992; Sloane et al., 1991; Strahle & Sivertsen, 1987). Enfin, les SPCD génèrent des coûts élevés pour la société et les soins reliés à la santé (Been, Werner, Davidson & Noy, 2002) .

(31)

Parmi ces symptômes, les comportements d’agitation sous leur forme physique représentent des manifestations particulièrement problématiques pour la personne elle-même et son entourage. En effet, la personne atteinte risque de se blesser (Buchner & Larson, 1987; Eisdorfer et al., 1992; Swearer, Drachman, O’Donnell & Mitchell, 1988; Teri, Larson & Reifler, 1988) ou de blesser les autres à travers son agitation corporelle générale (Finkel, 1993), ou encore de se perdre lorsqu’elle manifeste de l’errance ou tente de fuguer (Russian & Brown, 1987). Quant aux autres résidents, ils sont susceptibles d’être dérangés par un patient envahissant leur environnement personnel (Cohen-Mansfíeld, Billig et al., 1990; Finkel, 1993; Velez & Peggs, 2001). L’agitation physique est aussi observée dans la production de gestes répétitifs et routiniers, aux vêtements mis de façon inadéquate et à la manipulation incorrecte d’objets (Cohen- Mansfield, Marx & Rosenthal, 1989).

Des auteurs définissent ces comportements comme des activités motrices étant jugées, par un observateur externe, comme ne résultant pas directement des besoins ou de la confusion de la personne agitée (Cohen-Mansfield & Billig, 1986). Étant donné le nombre très limité d’études s’intéressant spécifiquement au concept de l’agitation physique, la prévalence n’est établie au sein de la littérature que pour le comportement d’errance. Hope et ses collaborateurs (2001) révèlent des taux variant de 17,4% à 50%, incidences qui varient selon les définitions retenues, le profil de la population étudiée et la méthodologie utilisée (Cohen-Mansfield & Billig, 1986; Cohen-Mansfield & Deutsch, 1996; Cohen-Mansfield, Marx et al., 1989; Näsman, Bucht, Eriksson & Sandman, 1993; Reisberg et al., 1987).

Les facteurs étiologiques contribuant à la manifestation des comportements d’agitation peuvent être de nature bioanatomique, psychologique et environnementale (Lawlor, 1996). L’hypothèse bioanatomique fait référence à des changements à l’intérieur des structures cérébrales des personnes atteintes, susceptibles d’influencer le comportement. Il peut aussi s’agir d’un dérèglement dans le travail des neurotransmetteurs (Monfort, Hervey & Féline, 2000), et du niveau d’atteinte cognitive, qui semble aussi constituer un important déterminant dans l’expression de l’agitation (Cohen-Mansfield, Culpepper & Werner, 1995). En ce qui a trait aux caractéristiques psychologiques, l’anxiété (Mintzer & Brawman-Mintzer, 1996) et la dépression (Lyketsos et al., 1997) sont régulièrement invoquées comme facteurs prédisposants à l’émission

(32)

de symptômes comportementaux chez les personnes atteintes de démence. Le stress semble aussi être un facteur pouvant influencer Lagitation (Hall & Buckwalter, 1987). Enfin, les facteurs environnementaux semblent être associés à Eagitation comme facteurs précipitants; par exemple, des variables comme E activité dans laquelle la personne est engagée, le lieu où elle se retrouve, E environnement social de ce lieu, certains stimuli de 1 ’ environnement physique et le moment de la journée (Cohen-Mansfield & Wemer, 1995). Ces facteurs de E environnement sont toutefois les moins bien documentés, peu d’études ont vérifié jusqu’à présent l’influence de ces déterminants.

Une cueillette de données par la méthode de !’observation directe apparaît comme des plus intéressantes afin d’étudier ces liens entre les facteurs de !’environnement et les comportements d’agitation émis par des personnes souffrant de démence. Cette approche objective consiste à observer de façon non-participante, un individu dans son environnement quotidien, et de consigner de !’information à propos d’un comportement précis, dans un contexte donné, et à un moment bien circonscrit dans le temps (Cohen-Mansfield, 1996). En codifiant une représentation réelle de l’événement auquel il s’intéresse, l’observateur recueille des données plus valides que !’utilisation de questionnaires remplis par des informateurs (Ballard et al., 2001). De plus, !’observation réalisée au moyen d’un dispositif informatique permet d’augmenter le volume des informations pouvant être consignées tout en constituant une source de données précises (Bowie & Mountain, 1993; Burgio, 1996). Enfin, !’observation directe permet d’enregistrer de !’information relative à la fréquence et à la durée de manifestations comportementales et aussi, de documenter les caractéristiques de !’environnement dans lequel elles apparaissent (Burgio et al., 2000).

Différentes modalités d’enregistrement soutiennent la démarche d’observation directe du comportement (Cohen-Mansfield, 1996). Tout d’abord, il y a les grilles de cotation qui permettent de noter l’occurrence des comportements d’agitation en lien avec !’environnement (Cohen-Mansfield & Wemer, 1995). Il y a aussi les appareils d’enregistrement, comme le magnétoscope, qui permet d’enregistrer et de conserver les observations pour un décodage ultérieur. Certains opteront pour le lecteur de codes à barres afin de consigner la présence d’événements qui précèdent et succèdent les comportements cibles observés (Bridges-Parlet, Knopman & Thompson, 1994), tandis que d’autres favoriseront l’ordinateur portable ou

(33)

l’ordinateur de main (Bowie & Mountain, 1993; Burgio et al., 1994), technologie utilisée depuis quelques années par les chercheurs privilégiant !’observation directe en milieu naturel.

Jusqu’à maintenant, très peu de chercheurs ont eu recours à !’observation directe afin d’étudier !’influence de !’environnement sur les comportements d’agitation physique. Il y a Cohen-Mansfield et Wemer (1995) qui ont utilisé la grille de cotation Agitation Behavior Mapping Instrument afin de recueillir leurs observations. De façon générale, ils ont constaté que les comportements d’agitation ont tendance à diminuer lorsque le participant est actif ou en présence d’activités structurées, lorsqu’il y a présence de musique au sein de son environnement, d’un visiteur ou un membre de l’équipe soignante. Inversement, l’agitation a tendance à se manifester davantage lorsque le participant est laissé à lui-même, non engagé dans une activité particulière. Plus spécifiquement, les auteurs ont rapporté que le comportement d'errance se manifeste davantage pendant la journée, lorsque la personne se retrouve dans le corridor ou près du poste de garde de l'unité, et contrairement aux autres comportements d'agitation, l'errance tend à augmenter lorsque l'équipe soignante augmente en effectifs. Le maniérisme répétitif se produit le plus souvent le matin lorsque la personne ne fait rien, et lorsqu'elle se retrouve dans la salle commune. Les mouvements étranges tendent à augmenter le soir lorsqu'il fait noir, lorsque la personne est seule et n'est engagée dans aucune activité. Enfin, la manipulation incorrecte d'objets augmente lorsque la personne est seule et ne fait rien.

Dans une étude regroupant 49 participants déments et hébergés en établissement de longue durée, Matteson et Linton (1996) ont présenté des résultats basés sur la durée et la fréquence d’agitation physique. À l’aide d’une méthodologie d’observation directe, ils ont noté que l’agitation physique était présente pendant 2% du temps d’observation. Ces auteurs se sont également préoccupés de la distribution de ces comportements dans le temps et rapporté qu’ils se manifestaient plus souvent durant la journée (8 :OOam - 4 :OOpm). Par ailleurs, Bowie et Mountain (1993) ont observé 110 résidents souffrant de démence entre 8 :OOam et 9 :OOpm et enregistré que les activités motrices, telles l’errance, l’agitation corporelle générale et la production de gestes répétitifs, étaient présentes pendant 18,7% du temps. Ils se sont également intéressés à la distribution de l’agitation physique au cours de la journée et noté une fréquence relativement constante.

(34)

Ces résultats basés sur la répartition de l’agitation selon les heures de la journée invoquent le concept du syndrome crépusculaire, défini par Evans (1987), comme un phénomène d'apparition ou d'augmentation des symptômes de confusion en fin d'après-midi ou en début de soirée. Suite à une étude qu'il a menée auprès de 89 patients âgés et hébergés en institution, cet auteur a observé la présence d’une augmentation d’agitation durant cette période de la journée. De même, Martino-Saltzman, Blasch, Morris et McNeal (1991) ont relevé que le comportement d’errance apparaissait davantage entre 7 :OOpm et 10 :OOpm et une autre étude, que le maniérisme répétitif était plus souvent manifesté entre 4 :OOpm et 8 :OOpm (O’Leary, Haley & Paul, 1993). Le phénomène du syndrome crépusculaire n’est toutefois pas apparu dans l’étude de Matteson et Linton (1996), ni supporté par Bliwise, Carroll, Lee, Nekich et Dement (1993) qui ont observé autant d’agitation en journée. Enfin, Cohen-Mansfield, Watson et al. (1989) ont rapporté une grande variabilité intersujets quant à la distribution d’agitation physique au cours d’une journée. Ces résultats suggèrent que les moments d’agitation ne sont pas exclusifs au coucher du soleil.

De son côté, Rousseau (2000) s’est préoccupée de l’influence de !'environnement social sur les comportements d'agitation physique. Elle rapporte que la présence d'une personne significative (fille ou fils) auprès d'un résident influencé par le syndrome des états crépusculaires, avait une incidence favorable sur ses comportements d'agitation. Les trois-quarts des participants ont démontré une diminution de leurs comportements problématiques en présence de la personne significative, et la durée des comportements agités de tous les participants diminuait en présence de cette même personne.

Enfin, Cohen-Mansfield, Wemer et Marx (1990) se sont intéressés à la distribution spatiale de l'agitation chez des patients agités vivant en institution. Ces chercheurs ont relevé que le comportement d'errance augmentait en fréquence lorsque la personne se retrouvait dans les corridors, à proximité du poste de garde et dans la chambre d’un autre résident.

Malgré ces résultats de recherche intéressants, les connaissances provenant de !'observation directe à propos des facteurs étiologiques environnementaux sont trop peu nombreuses et pour la plupart, ne sont que fragmentaires. En effet, aucune étude jusqu'à présent ne s'est intéressée de façon unique aux comportements d'agitation physique et aux conditions de

(35)

!'environnement favorisant son émission. Or, l’agitation occupe une grande place dans le tableau clinique de la démence et par ses impacts négatifs qui en découlent, elle constitue une inquiétude majeure dans notre société actuelle. De plus, comme le personnel soignant des institutions est appelé à recevoir cette population vieillissante atteinte de démence, il devient nécessaire de gérer ces désordres comportementaux autrement que par les restrictions physiques ou traitements chimiques traditionnels, moyens qui semblent entraîner des effets indésirables et compliquer davantage une situation déjà complexe. Pour ce faire, il faut d'abord en rechercher les causes en identifiant les liens entre les facteurs environnementaux et les comportements d'agitation physique. Une meilleure compréhension de !’environnement influençant l’émission de ces comportements pourrait permettre de définir une prise en charge thérapeutique adaptée, visant à les réduire. Ceci contribuerait par le fait même à l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes, de leur entourage, des intervenants et des autres résidents.

La présente étude est réalisée dans une institution de longue durée de Québec auprès d'un échantillon homogène de résidents âgés souffrant de démence. La cueillette de données par la méthode de !'observation directe du comportement est favorisée étant bien adaptée à l’évaluation des variables environnementales et du comportement. Les unités d'observation sont soigneusement et clairement définies, elles assurent une fidélité à la fois intra et interobservateur. De plus, l’étude fait appel à des observateurs bien entraînés et bien au fait des unités à reconnaître. Une période de familiarisation et de désensibilisation est réalisée avant !'enregistrement des observations afin de contrôler les effets possibles de réactivité à la présence des observateurs dans le milieu.

L’objectif principal de la présente étude est de documenter la fréquence et la durée d'épisodes d'agitation physique, ainsi que de dégager les circonstances de !'environnement menant à son émission : le lieu, le contexte social, l'activité poursuivie et !'utilisation de contention physique. Comme objectif secondaire, la distribution de l'agitation physique selon l'heure de la journée est examinée.

(36)

Méthode

Participants

15 participants âgés (3 hommes et 12 femmes) font partie de l'étude. L'âge moyen est de 81,80 ans (ÉT: 5,47) et varie de 73 à 91 ans. Ils sont tous résidents d'un centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Chaque participant est identifié par le médecin traitant comme présentant un diagnostic de démence (tous types confondus), et par le personnel soignant, comme étant des bénéficiaires manifestant des comportements agités sur une base régulière. Les participants sont hébergés depuis au moins trois mois. Le consentement écrit est obtenu par le tiers autorisé ou par le mandataire légal du participant inapte à consentir (Voir formulaire de consentement en annexe A).

Afin de dresser le profil des participants à l'étude, l'inventaire d'agitation de Cohen- Mansfield (Cohen-Mansfield Agitation Inventory, CM AI; Cohen-Mansfield, Marx et al., 1989) est complété par un membre du personnel soignant (préposé(e) ou infirmier(ère)) afin d'estimer la fréquence des manifestations de comportements d'agitation pour les 15 participants à l'étude. Le résultat moyen à cet inventaire est de 61,1 (ET: 22,5). Par ailleurs, 10 des 15 participants font l'objet d'une évaluation neuropsychologique complémentaire. L'échelle Behavioral Pathology in Alzheimer's Disease Rating Scale (Behave-AD; Reisberg et al., 1986) est ainsi administrée et permet d'évaluer la présence ou l'absence chez le participant de symptômes psychologiques et/ou comportementaux associés à la démence. Tout comme les résultats obtenus au CMAI, le résultat moyen de 12,9 (ET: 6,1) au Behave-AD révèle la présence de symptômes comportementaux divers chez les participants à l'étude. De plus, deux mesures ont été administrées aux participants dans le but d’évaluer leur fonctionnement cognitif. Le résultat moyen à la Extended Clinical Dementia Rating Scale (Heyman et ah, 1987; CDR Hughes, Berg, Danziger, Coben & Martin, 1982) est de 23,1 (ÉT: 4,8) et indique que !'échantillon de participants se situe entre les stades sévère et profond de la démence. Le résultat moyen obtenu au Mini-Mental Status Examination (MMSE; Folstein, Foist ein & McHugh, 1975) est de 2,1 (ÉT: 4,0) et correspond au résultat précédent du CDR en signifiant la présence d'importants déficits cognitifs chez les participants. Enfin, une évaluation de l’autonomie fonctionnelle et de l’humeur sont réalisées. Le résultat

Références

Documents relatifs

Après une brève présentation des principales caractéristiques de cette maladie ainsi que des modalités d’annonce employées au Centre de Référence des Maladies Héréditaires du

Que ce soit pour augmenter la réactivité, faciliter le transport, conditionner le produit fini ou limiter le volume de stockage, il peut être nécessaire de réduire la taille

Evaluation of risperidone in the treatment of behavioral and psychological symptoms and sleep disturbances associated with dementia. Improvement in behavioural symptoms in

• En cas de dangerositédu patient pour lui-même ou pour l'entourage avec refus d'hospitalisation, en cas d'impossibilité de réaliser une HDT, appel au substitut du procureur de

Nous pensons que l’accélération subjective du temps peut jouer un rôle d’antécédent d’une pression temporelle spécifique aux personnes âgées, de la même manière qu’elle

In the statistical evaluation, the distribution is then linearized by the corresponding logit or probit transformation (Solomon et al. 2001) and hazardous concentra- tions

Este Módulo aborda dos elementos centrales de la gestión de una Cadena de Valor: En primer lugar, se identifican los actores que componen el Sistema de Actores y,

Pour effectuer des opérations en suspension solides, il faut un très bon pompage et un cisaillement modéré, donc une puissance moyenne ; les hélices profilées, à double-flux ou