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L’expérience de déplacement des personnes ayant des incapacités dans la Ville de Québec : pour une anthropologie ontologique du handicap

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

L’expérience de déplacement des personnes ayant des

incapacités dans la Ville de Québec : Pour une

anthropologie ontologique du handicap

Thèse

Yan Grenier

Doctorat en anthropologie

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

L’expérience de déplacement des

personnes ayant des incapacités dans la

Ville de Québec : Pour une anthropologie

ontologique du handicap

Thèse

Yan Grenier

Sous la direction de :

Francine Saillant, directrice de recherche

Patrick Fougeyrollas, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

La présente thèse porte un regard anthropologique sur l’habiter des personnes ayant des incapacités en relation avec leur mobilité dans la Ville de Québec au Canada. Elle examine de manière empirique les manières qu’ont les personnes de se déplacer de manière singulière à travers divers trajets et comment leur habiter se construit en ayant comme fondement les configurations physiques et sociales de ces expériences de mobilité et les rencontres entre la personne et son monde.

Elle s’inscrit dans une perspective ontologique du handicap, c’est-à-dire qu’elle s’intéresse aux réalités des déplacements des personnes ayant des capacités différentes au sein des agencements de la ville à partir de leur perspective située. Elle aborde les relations perceptuelles personne-milieu ainsi que les pratiques de production du lieu par lesquelles les personnes forment leur monde. Elle porte attention aux questions de l’être et du devenir au sein d’agencements multiples d’éléments hétérogènes et comment les expériences constitutives des personnes sont teintées au quotidien de situations de handicap et de participation sociale. L’objectif du terrain, c’était de rendre compte de manière réaliste de la perspective propre des personnes au cours de leurs activités quotidiennes.

La thèse se concentre sur deux groupes de personnes, soit des personnes qui utilisent des fauteuils roulants et des personnes ayant une incapacité liée à la vision et qui utilisent un chien-guide ou la canne blanche. C’est à travers leurs perspectives situées, rendues sous la forme d’ontographies des déplacements, que l’habiter dans la ville est abordé. Dans une perspective anthropologique à forte dominance philosophique, car il y est question de l’habiter (Ingold, 2000), du devenir et des agencements (Deleuze & Guattari, 1980), la thèse permet de mieux comprendre les manières dont sont construites les existences individuelles des personnes ayant des incapacités dans des environnements qui organisent leur possibilités qui en offrent certaines et qui en bloquent d’autres. En suivant les personnes une à une, la thèse permet d’interroger les conditions d’inclusion, de participation sociale et d’exercice des droits réelles dans la ville et d’envisager des pratiques centrées sur les expériences singulières du monde et les agencements associés.

(4)

Abstract

This dissertation offers an anthropological enquiry on the question of dwelling of people with disabilities in relation to their mobility habits in Quebec City in Canada. It empirically examines the singular ways people travel through various daily commutes and paths, and how their dwelling habits are produced through the physical and social configurations and encounters composing these mobility experiences.

The thesis proposes an ontological perspective of disability as it explores the reality of mobility of people with different abilities within the city's assemblages from their own situated perspective. It addresses perceptual person-environment relationships as well as the practices and production modalities of “places” by which people shape their world. The thesis pays attention to the questions of being and becoming within multiple assemblages of heterogenous elements and how the constitutive experiences of people are tainted daily with situations of disability and of social participation. The objective of the fieldwork was to realistically reflect the perspective of the people as they performed their ordinary activities.

The thesis focuses on two groups of people, namely wheelchairs users and people with a visual impairment who use a guide dog or a white cane. It is through their situated perspectives, rendered in the form of ontographies of their daily commutes, that dwelling in the city is understood. From an anthropological perspective coupled with a strong philosophical inclination, since it is about dwelling (Ingold, 2000), becomings and assemblages (Deleuze & Guattari, 1980), the thesis makes it possible to better understand the ways in which the individual existences of people with disabilities are constructed in environments that organize their possibilities by opening some and blocking others. By following people one by one, the thesis makes it possible to question the underlying conditions of inclusion, social participation, and the real exercise of rights in the city and to consider practices centered on the singular experiences of the world and their associated assemblages.

(5)

Table des matières

RÉSUMÉ ... II ABSTRACT ... III LISTE DES TABLEAUX ...IX LISTE DES FIGURES ...X LISTE DES CARTES ...XI LISTE DES CAPTURES ... XII LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES, ACRONYMES... XV REMERCIEMENTS ... XVII

INTRODUCTION ... 1

0.1 LE PROBLÈME DE LA DÉFINITION : LE CORPS, L’ENVIRONNEMENT, LA SITUATION ... 3

0.2 LES MODÈLES DU HANDICAP ... 4

0.2.1 LES MODÈLES CHARITABLES, DE PROTECTION SOCIALE ET MÉDICAUX ... 4

0.2.2 LE MODÈLE SOCIAL ... 7

0.2.3 CRITICAL DISABILITY STUDIES ET LE CRIP TECHNOSCIENCES ... 9

0.3RECONNAISSANCE DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES ... 12

0.3.1 LA RECONNAISSANCE DU RÔLE DE L’ENVIRONNEMENT DANS LE PHÉNOMÈNE DU HANDICAP ... 14

0.3.2 L’INSCRIPTION DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA CONVENTION ... 14

0.3.3 L’ENGAGEMENT DES ÉTATS À MODIFIER LEURS ENVIRONNEMENTS ET LES LIMITES DE LA CONVENTION 16 0.4 UNE ANTHROPOLOGIE ONTOLOGIQUE DU HANDICAP ... 18

CHAPITRE 1 : CADRE THÉORIQUE - PENSER LA VILLE COMME LIEU DE L’HABITER ... 24

1.1 LES QUESTIONS D’ACCESSIBILITÉ ET DE MOBILITÉ DANS LA VILLE ... 24

1.2 ARGUMENT 1 : LA VILLE COMME AGENCEMENTS ... 32

1.2.1 LES AGENCEMENTS CHEZ DELEUZE ET GUATTARI ... 41

1.2.2 LA VILLE COMME AGENCEMENT MACHINIQUE ... 48

1.3 ARGUMENT 2 : L’HABITER ... 59

1.3.1 UNE PROBLÉMATISATION À LA FOIS ONTOLOGIQUE ET POLITIQUE DU BÂTI FONCTIONNEL ... 59

1.3.2 HEIDEGGER ET L’HABITER EN TANT QU’ONTOLOGIE DE L’ÊTRE ... 60

1.3.3 HABITAT VS. HABITER ... 62

1.3.4 L’ONTOLOGIE DE INGOLD ... 71

(6)

1.3.6 LES AFFECTS ... 80

1.3.7 HABITER, AGENCEMENTS, CORRESPONDANCE ... 88

1.4ARGUMENT 3:LA MOBILITÉ ... 94

1.4.1 LES MOBILITIES STUDIES COMME PROBLÉMATISATION DU MOUVEMENT DANS LA VILLE ... 95

1.4.2 LES ONTOLOGIES MOBILES ET NOMADES COMME REMPLACEMENT DE L’ONTOLOGIE SÉDENTAIRE... 97

1.4.3 LA CONSIDÉRATION DE LA DIFFÉRENCE CORPORELLE DANS LE DESIGN ... 99

1.5 QUESTIONS ET OBJECTIFS DE RECHERCHE ... 106

1.5.1 QUESTIONS DE RECHERCHE ... 106

1.5.2 OBJECTIFS DE RECHERCHE... 107

1.6 CONCLUSION : ... 108

CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE : DE L’ONTOLOGIE À L’ONTOGRAPHIE ... 112

2.1LES TROIS PLANS DE LA RECHERCHE ... 112

2.1.1 LA POSTURE ONTOLOGIQUE ... 113

2.1.2 LE PLAN ÉPISTÉMOLOGIQUE ... 116

2.1.3 LE PLAN MÉTHODOLOGIQUE ... 119

2.2 MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE ... 120

2.2.1 L’APPROCHE ONTOGRAPHIQUE ... 120

2.2.2 DES ONTOGRAPHIES DE DÉPLACEMENT : DES SITUATIONS D’ACTION, DE PENSÉE ET D’HABITER ... 123

2.2.3 LE TERRAIN ... 128

2.3LA COLLECTE DE DONNÉES : COMMENT CONSIGNER L’HABITER ET LES AGENCEMENTS ? ... 130

2.3.1 PRÉSENTATION GÉNÉRALE ... 131

2.3.2 LIEU DU TERRAIN ET ÉCHANTILLON ... 132

2.3.3 OBSERVATION PARTICIPANTE ... 134

2.3.4 LES ENTREVUES ... 138

2.3.5 MÉTHODOLOGIE MULTIMÉDIA ... 144

2.3.6 UTILISATION DES CAMÉRAS PAR LES PARTICIPANTS ... 148

2.3.7 L’ENTREVUE DE RETOUR ... 152

2.3.8 TAXONOMIE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX DE LA VILLE ... 153

2.4ANALYSE DES DONNÉESPOST-TERRAIN ET PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ... 155

CHAPITRE 3 : LE CONTEXTE DE LA VILLE EN LIEN AVEC LE HANDICAP ... 159

3.1 LE HANDICAP EN CHIFFRES : PROFIL ET RÉALISATION DES ACTIVITÉS DES PERSONNES AYANT DES INCAPACITÉS? ... 160

3.2 LE PORTRAIT STATISTIQUE DU HANDICAP AU QUÉBEC : ... 161

3.2.1 PRÉVALENCE DE L’INCAPACITÉ AU QUÉBEC ... 161

3.2.2 TYPES, GRAVITÉ ET CAUSES DE L’INCAPACITÉ ... 162

3.2.3 PRÉVALENCE DE L’INCAPACITÉ POUR L’AGGLOMÉRATION DE QUÉBEC ... 164

3.3 ACTIVITÉS ET DÉPLACEMENTS ... 166

3.3.1 UTILISATION D’AIDES TECHNIQUES ... 166

3.3.2 AIDES TECHNIQUES ET VISION... 167

(7)

3.3.4 UTILISATION DES TRANSPORTS ... 168

3.3.5 UTILISATION DU TRANSPORT EN COMMUN ... 169

3.3.6 L’UTILISATION DU SERVICE DE TRANSPORT ADAPTÉ DE LA CAPITALE... 170

3.4 UNE DESCRIPTION DES ENTITÉS DE LA VILLE : DES TAXONOMIES COMME BASE À L’ÉLABORATION D’ONTOGRAPHIES ... 173

3.4.1 LA PLACE DE L’ENVIRONNEMENT DANS LES MODÈLES ACTUELS : ENTRE CIF ET MDH-PPH ... 174

3.5 MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN –PROCESSUS DE PRODUCTION DU HANDICAP... 176

3.5.1 ÉLABORATION D’UNE TAXONOMIE ENVIRONNEMENTALE ENRICHIE POUR RECONSTRUIRE DES ONTOGRAPHIES ... 181

3.5.2 TAXONOMIE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA VILLE DE QUÉBEC EN LIEN AVEC L’HABITER ET LA MOBILITÉ DES PERSONNES AYANT DES INCAPACITÉS ... 183

3.5.3 FACTEURS PHYSIQUES DE LA VILLE DE QUÉBEC ... 185

3.5.4 FACTEURS SOCIAUX DE LA VILLE DE QUÉBEC ... 189

3.6 LES POUVOIRS DE LA VILLE DE QUÉBEC ... 192

3.6.1 CHARTE DE LA VILLE DE QUÉBEC ... 192

3.6.2 LES OBLIGATIONS LÉGALES DE LA VILLE EN MATIÈRE DE HANDICAP : LE PLAN D’ACTION ET L’APPROVISIONNEMENT DE BIENS ET DE SERVICES ACCESSIBLES ... 194

3.6.3 PLAN D’ACTION DE LA VILLE DE QUÉBEC 2017-2020 POUR L’ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE, LES PERSONNES AÎNÉES ET LES PERSONNES AYANT DES INCAPACITÉS ... 199

3.7 CONCLUSION ... 209

CHAPITRE 4 – ONTOGRAPHIES EN FAUTEUIL ... 212

4.1 UN FAUTEUIL ROULANT MANUEL ET DES TRAJETS FRAGILES :ONTOGRAPHIE DE MARTIN. ... 212

4.1.1 LE (DÉS) AGENCEMENT MARTIN-FAUTEUIL ... 215

4.1.2 LA NÉCESSITÉ DE DÉPLACEMENTS SÉCURISÉS ... 217

4.1.3 LE MILIEU DE TRAVAIL ET LES TRAJETS POUR S’Y RENDRE COMME LIEUX D’HABITER ... 221

4.2 LES DÉPLACEMENTS DE MARTIN ... 227

4.2.1 DÉPLACEMENT 1 : LA PLACE DES CANOTIERS « À PIED » ... 227

4.2.2 DÉPLACEMENT 2 : LE TAXI ADAPTÉ POUR SE RENDRE AU TRAVAIL ... 239

4.2.3 DÉPLACEMENT 3 : DU TRAVAIL À LA MAISON EN TRANSPORT ADAPTÉ ... 243

4.2.4 CONCLUSION ... 247

4.3 UNE MOBILITÉ MOTORISÉE DANS VANIER :ONTOGRAPHIE DE DAVID ... 249

4.3.1 DÉPLACEMENT 1 : ALLER À LA PHARMACIE ... 267

4.3.2 DÉPLACEMENT 2 : UN ALLER-RETOUR À L’ÉPICERIE ... 272

4.3.3 DÉPLACEMENT 3 : ALLER DU DÉPANNEUR ET FAIRE DES COURSES ... 277

4.3.4 CONCLUSION ... 285

4.4 CONCLUSION ... 286

CHAPITRE 5 : ONTOGRAPHIES LIÉES À LA VISION ... 288

5.1 DES CARTES MENTALESET LE CHIEN GUIDE :ONTOGRAPHIE DE MARC ... 288

5.1.1 DÉPLACEMENT 1 : SE RENDRE AU RESTAURANT POUR UN RENDEZ-VOUS PROFESSIONNEL ... 293

(8)

5.1.3 SÉCURITÉ ET EFFICACITÉ DES DÉPLACEMENTS D’UNE PERSONNE AYANT UNE INCAPACITÉ VISUELLE .... 311

5.1.4 INFRASTRUCTURES DE DÉPLACEMENT ... 316

5.1.5 NORMES ET APPLICATION DU GUIDE ... 319

5.1.6 CONCLUSION ... 321

5.2 DES MARCHES À L’OMBRE :ONTOGRAPHIE DE LUCIE ... 322

5.2.1 DÉPLACEMENT : UN TOUR À FLEUR DE LYS ... 332

5.2.2 CONCLUSION ... 344

5.3CONCLUSION ... 346

CHAPITRE 6 - ONTOGRAPHIE DE L’IMMOBILITÉ DANS L’INSTITUTION ... 348

6.1 L’EXISTENCE EN CHSLD, L’ABSENCE DE MOBILITÉ OU LA SÉDENTARITÉ NON CHOISIE ... 348

6.1.1ONTOGRAPHIE ALEXANDRE ... 350

6.1.2 ABSENCE DE DÉPLACEMENT : CHAMBRE ET VIE PRIVÉE ... 354

6.1.3 LE CORPS ET L’OBJECTIFICATION MÉDICALE ... 356

6.1.4 LE TRAVAIL ET LES ACTIVITÉS SOCIALES ... 358

6.1.5 DROIT À LA VIE ET ADMINISTRATION BIOPOLITIQUE ... 362

6.3CONCLUSION ... 367

CHAPITRE 7 : RETOUR SUR L’EXPÉRIENCE ... 369

7.1 RETOUR SUR LA DÉMARCHE D’ENSEMBLE ... 369

7.1.1 UNE MÉTHODOLOGIE PLURIELLE ... 372

7.1.2 UNE TAXONOMIE DE LA VILLE ... 374

7.1.3 ONTOGRAPHIES DU HANDICAP ... 375

7.2 LES CONSTATS... 377

7.2.1 LA VILLE COMME ARCHIPEL D’ACCESSIBILITÉ ... 377

7.2.2 L’ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE DANS L’ONTOLOGIE DE LA COMMODIFICATION ... 384

7.3 L’AGENCEMENT CONCEPTUEL ... 386

7.3.1 LES AGENCEMENTS ... 387

7.3.2 L’HABITER DES PERSONNES AYANT DES INCAPACITÉS ... 392

7.3.3 ATTENTION ET AFFORDANCES DU MILIEU ... 401

7.3.4 LA PRÉSENCE D’AFFORDANCES ET LE SENTIMENT DE SÉCURITÉ DANS LES DÉPLACEMENTS ... 404

7.3.5 LA CORRESPONDANCE ET L’INTERACTION ... 409

7.3.6 APTITUDES, COMPÉTENCES ET RYTHME ... 411

7.4 MOBILITÉ ... 414

7.5 CONCLUSION ... 423

CONCLUSION ... 425

BIBLIOGRAPHIE ... 429

(9)

ANNEXE 2 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 448

ANNEXE 3 : ÉLÉMENTS TECHNIQUES DES CAMÉRAS ... 453

ANNEXE 4 : PHOTOS DE LA CAMÉRA, DE LA FIXATION ET DES HARNAIS ... 455

ANNEXE 5 : TRACÉS GPS DES DÉPLACEMENTS ... 456

ANNEXE 6 : STATISTIQUES PORTANT SUR LE PROFIL SOCIO-ÉCONOMIQUE, L’EMPLOYABILITÉ ET LA SCOLARITÉ DES PERSONNES AYANT DES INCAPACITÉS AU QUÉBEC ... 457

ANNEXE 7 : FACTEURS PERSONNELS DU MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN – PROCESSUS DE PRODUCTION DU HANDICAP ... 462

ANNEXE 8 FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX DU MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN – PROCESSUS DE PRODUCTION DU HANDICAP ... 463

ANNEXE 9 ÉCHELLES ENVIRONNEMENTALES DU MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN – PROCESSUS DE PRODUCTION DU HANDICAP ... 464

ANNEXE 10 DESCRIPTION DU TERRITOIRE DE LA VILLE DE QUÉBEC ET DE SES ÉLÉMENTS.... 465

(10)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Population de 15 ans et plus selon l’âge et le sexe, agglomération de

Québec, Québec, 2012 ... 164

Tableau 2 : Nombre de personnes de 15 ans et plus avec incapacité selon l’âge et le sexe, agglomération de Québec, Québec, 2012 ... 164

Tableau 3 : Nombre de personnes de 15 ans et plus avec une incapacité liée à la mobilité selon l’âge et le sexe, agglomération de Québec, Québec, 2012 ... 165

Tableau 4 : Estimation du nombre de personnes de 15 ans et plus avec une incapacité liée à la vision selon l’âge et le sexe, agglomération de Québec, Québec, 2012 ... 165

Tableau 5 : Exemple du développement de la taxonomie des facteurs physiques du MDH-PHH pour les catégories E22 Aménagements, E222 aménagements du territoire E2221 - Aménagements urbains ... 187

Tableau 6 : Exemples du développement de la taxonomie des facteurs physiques du MDH-PPH pour des les catégories du MDH-PHH que sont l’appareil gouvernemental et les règles formelles. ... 190

Tableau 7 : Politiques de la Ville de Québec en lien avec les déplacements ... 193

Tableau 8 : Contenu et orientation du plan d’action de Québec à l’égard des personnes ayant des incapacités et les aînés. ... 200

Tableau 9 : Habitat et accès au logement ... 201

Tableau 10 : Déplacements, accès au transport et aux services de proximité... 202

Tableau 11 : Sécurité et sentiment de sécurité ... 203

Tableau 12 : Culture, loisir, sport et vie communautaire ... 205

Tableau 13 : Communication et accès à l’information ... 206

Tableau 14 : Organisation municipale ... 207

Tableau 15 : Facteurs personnels du Modèle de développement humain – Processus de production du handicap ... 462

Tableau 16 : Facteurs environnementaux du Modèle de développement humain – Processus de production du handicap ... 463

Tableau 17 : Échelles environnementales du Modèle de développement humain – Processus de production du handicap ... 464

Tableau 18 : Lois provinciales concernant les Compétences et les responsabilités de la ville de Québec sur son territoire... 470

Tableau 19 : Les onze priorités d’intervention de la politique À part entière (2009) ... 473

Tableau 20 : Restrictions imposées aux fauteuils roulants pour l’admission dans les autobus du RTC ... 490

(11)

Liste des figures

Figure 1 : Modèle de développement humain – Processus de production du handicap ... 178 Figure 2 : Exemple des éléments généraux qui entrent dans les agencements

(12)

Liste des cartes

Carte 1 : Déplacement accompagné pour aller voir le nouveau site de la Place des

canotiers. ... 227

Carte 2 : Trajet du domicile de Martin vers le Vieux-Port ... 239

Carte 3 : Retour à la maison en taxi adapté ... 243

Carte 4 : Aller à la pharmacie ... 267

Carte 5 : Aller-retour à l’épicerie... 272

Carte 6 : Quelques arrêts ... 277

Carte 7 : Un rendez-vous au restaurant ... 293

Carte 8 : Un rendez-vous d’affaires ... 302

Carte 9 : Trajet de Lucie à la Place Fleur de Lys ... 332

Carte 10 : Agglomération de Québec (carte collective) : l’ensembles des déplacements répartis sur le territoire de la ville ... 456

Carte 11 : Centre-ville de Québec (carte collective) : l’ensemble des déplacements au centre-ville de Québec. ... 456

Carte 12 : Carte de la ville de Québec ... 466

Carte 13 : Carte du trajet 801 du RTC avec la liste des trajets accessibles ... 487

(13)

Liste des Captures

Capture 1 : L’inclinaison et les variations du plancher des Façades de la Gare. ... 230

Capture 2 : Trois marches à la sortie de la porte automatique. ... 230

Capture 3 : Une bordure de trottoir que Martin ne pourrait difficilement traverser seul vu le dommage. ... 230

Capture 4 : Une trappe d’égout dans laquelle une des roues de son fauteuil pourrait tomber. ... 230

Capture 5 : Un bateau pavé abimé qui est difficilement franchissable. ... 231

Capture 6 : Martin choisit la manière dont nous devons contourner l’obstacle. ... 231

Capture 7 : Trottoir et bouche d’égout endommagés. ... 232

Capture 8 : Un « passe fil » sur le trottoir. ... 232

Capture 9 : Une guérite bloque la voie et laisse peu de place pour passer avec un fauteuil. ... 232

Capture 10 : Un trottoir de bois qui produit des vibrations importantes pour Martin. .. 232

Capture 11 : La Cour arrière du Festibière qui n’est pas accessible pour Martin. ... 233

Capture 12 : Une montée en bois abîmée avec un degré d’inclinaison important. .... 233

Capture 13 : Une marche non annoncée entre la terrasse de bois et le pavé vu d’en haut. ... 233

Capture 14 : Martin prend une photo de cette même marche. ... 233

Capture 15 : Une marche importante dans le béton vue d’en haut. ... 234

Capture 16 : La même marche vue d’en bas... 234

Capture 17 : Un trottoir et un bateau pavé endommagé. ... 236

Capture 18 : Une section de trottoir manquante. ... 236

Capture 19 : Martin roule dans une substance non identifiée. ... 237

Capture 20 : Un bateau pavé particulièrement abrupt. ... 237

Capture 21 : Des trous dans les trottoirs liés à la dégradation du design. ... 239

Capture 22 : La rampe au retour aux Façades de la gare. ... 239

Capture 23 : la nouvelle voie pavée chez Martin ... 240

Capture 24 : Martin qui s’apprête à prendre le minibus du STAC ... 240

Capture 25 : Martin qui attend la rampe pour sortir du minibus. ... 242

Capture 26 : Martin qui rejoint ses collègues de travail. ... 242

Capture 27 : Martin attend le taxi su STAC ... 244

Capture 28 : Martin monte dans le taxi du STAC ... 244

Capture 29 : Martin dans le taxi adapté, il ne voit pas devant ... 247

Capture 30 : Martin ouvre la porte coupe-feu de son immeuble ... 247

Capture 31 : Martin s’étire pour entrer le code de son immeuble ... 247

Capture 32 : Martin se déplace sur le tapis qui le ralentit ... 247

Capture 33 : Traverse de rue sans signalisation ... 268

Capture 34 : La première craque signalée par David ... 268

Capture 35 : Traverse de rue avec feu piétonnier ... 268

Capture 36 : Bateau-pavé abîmé ... 269

Capture 37 : Des craques dans le trottoir ... 269

Capture 38 : Des craques dans le trottoir devant être contournées ... 269

Capture 39 : Un bateau-pavé abimé et une rue sans trottoir au coin de la rue Chabot et Père-Lelièvre ... 270

Capture 40 : Une rue sans trottoir et des voitures stationnées ... 270

(14)

Capture 42 : Une porte automatique avec un bouton-poussoir qui nécessite une

manœuvre pour les personnes ... 271

Capture 43 : Le coin Hamel / Bernatchez avec des bateaux pavés accessibles ... 273

Capture 44 : La traversée du Boulevard Hamel ... 273

Capture 45 : Le mauvais alignement de la traverse et du bateau-pavé sur Hamel .... 274

Capture 46 : Des autos qui bloquent la voie dans le stationnement ... 274

Capture 47 : La sortie de l’épicerie et une dame coupe David ... 275

Capture 48 : La sortie du stationnement et l’absence de trottoir ... 275

Capture 49 : Un raccourci ... 275

Capture 50 : Le trottoir de la rue Bernatchez ... 275

Capture 51 : L’entrée de l’immeuble résidentiel et ses portes accessibles ... 275

Capture 52 : Au moment de s’engager dans la rue ... 279

Capture 53 : Un bateau pavé plus haut que la moyenne ... 279

Capture 54 : L’entrée de la station-service ... 279

Capture 55 : Un poteau eu milieu du bateau pavé ... 281

Capture 56 : Un poteau eu milieu du bateau pavé ... 281

Capture 57 : Un poteau eu milieu du bateau pavé ... 281

Capture 58 : Un poteau eu milieu du bateau pavé ... 282

Capture 59 : Passage dans la rue pour éviter le segment de trottoir problématique et automobiliste qui klaxonne David ... 282

Capture 60 : Bateau-pavé jugé problématique ... 282

Capture 61 : Trottoir endommagé ... 282

Capture 62 : Bateau-pavé jugé accessible ... 282

Capture 63 : Un poteau et un fil de fer dans une gaine protectrice jaune sur le trottoir ... 296

Capture 64 : Des arbustes et un homme qui bifurque à la dernière minute ... 296

Capture 65 : Un ensemble d’objets qui constituent des anomalies dans le trajet dont les poteaux en milieu de trottoir, les vélos accrochés et des plantes suspendues ... 298

Capture 66 : Une dalle surélevée identifiée par Marc au moment où il la mentionne, soit près de 10 mètres avant d’y arriver ... 298

Capture 67 : Un poteau et un escalier de béton sur le trottoir ... 299

Capture 68 : Un escalier de béton et des poubelles qui réduisent l’aire de déplacement ... 299

Capture 69 : Un poteau, une marche et un tréteau sur le trottoir ... 299

Capture 70 : Sable qui s’intéresse aux enfants et qui veut traverser la rue ... 299

Capture 71 : Marc percute un poteau ... 301

Capture 72 : La voie est bloquée par un chantier de construction ... 301

Capture 73 : La traversée de la rue Saint-Joseph, en absence de coin de rue, Marc traverse et se retrouve au centre de la rue suivante... 301

Capture 74 : Sable fait un détour sur le boulevard Charest lorsqu’il devait seulement tourner à droite pour rejoindre le coin de la rue ... 301

Capture 75 : Des palettes empilées sur le trottoir ... 304

Capture 76 : Des branches d’arbre à la hauteur du visage... 304

Capture 77 : L’entrée dans la zone de construction. Celle-ci est non indiquée et le camion émet beaucoup de bruit ... 304

Capture 78 : Le manœuvre prend la main de Marc ... 306

Capture 79 : Marc prend le coude du manœuvre. ... 306

(15)

Capture 81 : Une bibliothèque sur rue avec cliente et passante ... 310

Capture 82 : Une voiture à demi stationnée sur le trottoir ... 310

Capture 83 : Une porte de commerce ouverte sur le trottoir ... 310

Capture 84 : Une voiture à demi stationnée et personne en roller blades sur le trottoir ... 310

Capture 85 : Une enseigne commerciale sur le trottoir ... 310

Capture 86 : Une rue sans indications ... 310

Capture 87 : Un poteau au milieu de la voie piétonne et portes multiples à l’entrée d’un centre commercial ... 310

Capture 88 : Lors d’un déplacement, Lucie m’a montré cet escalier et l’absence de contraste entre la marche du bas et le plancher. ... 331

Capture 89 : L’entrée dans l’autobus ... 333

Capture 90 : Une dalle podotactile en face de l’IRDPQ. ... 334

Capture 91 : Un raccourci. ... 334

Capture 92 : Un terre-plein en guise de trottoir ... 336

Capture 93 : Le stationnement de Place de Lys sans indication de traversée ... 336

Capture 94 : Seconde section du stationnement sans indication tactile ou visuelle ... 336

Capture 95 : Une traverse pour piéton à la fin du stationnement ... 336

Capture 96 : Les allées de l’épicerie ... 340

Capture 97 : Les étiquettes de prix surdimensionnées ... 340

Capture 98 : Des puits de lumière dans le centre commercial ... 340

Capture 99 : Un changement de texture au sol ... 340

Capture 100 : Un passage pour piéton qui mène au stationnement ... 341

Capture 101 : Une traversée en diagonale sur le boulevard Hamel ... 341

Capture 102 : Entrée de l’autobus du retour ... 343

(16)

Liste des abréviations, sigles, acronymes

CDPH : Convention relative aux droits des personnes handicapées CHSLD : Centre d’hébergement et de soins longue durée

CIDIH : Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps CIF : Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé CIM : Classification internationale des maladies

CIRRIS : Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale

CMQ : Communauté métropolitaine de Québec

CNESST : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail CTCUQ : Commission de transport de la communauté urbaine de Québec

ECI : Enquête canadienne sur l’incapacité (2012)

EPLA : Enquête sur la participation et les limitations d’activités HLM : Habitation à loyer modique

IRDPQ : Institut de réadaptation en déficience physique de Québec

MAUAP : Mesure de l’accessibilité aux infrastructures urbaines pour les adultes présentant des déficiences physiques

MDH-PPH : Modèle de développement humain – Processus de production du handicap MEES : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur

MFQ : Ministère des Finances du Québec MSSS : Ministère de la Santé et Services Sociaux

MTESS : Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale MTQ : Ministère des transports du Québec

OMS : Organisation mondiale de la Santé ONU : Organisation des Nations-Unies

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PMAD : Plan métropolitain d’aménagement et de développement PSL : Programme de Subvention au loyer

PSTA : Programme de subvention au transport adapté RAMQ : Régie de l’assurance maladie du Québec RTC : Réseau de transport de la Capitale

SAAQ : Société de l’Assurance automobile de Québec STAC : Service de transport adapté de la Capitale STLévis : Société de transport de Lévis

UE : Union européenne

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Remerciements

Cette thèse est le résultat d’un retour inattendu aux études mais aussi à l’anthropologie. Sans l’apport et le soutien précieux d’un certain nombre de personnes qui sont remerciées ici, ce projet ne se serait jamais concrétisé.

Mes remerciements vont en premier lieu aux personnes qui ont participé au projet, qui y ont investi leur temps pour partager leurs vies et leur expertise malgré le format inhabituel de la recherche et qui l’ont façonné de l’intérieur par la transmission de leurs perspectives, dans une volonté d’ouvrir la quotidienneté de leurs déplacements, de me les montrer et de me les expliquer. Cette contribution doit être reconnue bien que pour des raisons de confidentialité les noms des personnes ne peuvent être divulgués ici. Je tiens à remercier les travailleurs des organisations de défense de droits avec lesquelles j’ai collaboré. Bien particulièrement, j’aimerais remercier Oliver Colomb d’Eyrames du Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région 03, Simon April et Jacques Laberge du Comité d’action des personnes vivant des situations de handicap et Jean-Michel Bernier du Regroupement des personnes handicapées visuelles pour leur temps, leur collaboration et pour avoir répondu à mes innombrables questions et qui m’ont permis un accès privilégié à leur connaissance du mouvement et des enjeux liés au handicap dans la ville.

Je tiens à remercier Normand Boucher qui m’a tendu une première perche dans le domaine du handicap, avec qui j’ai pu travailler à maintes reprises et qui m’a fourni des conseils tout au long de ma démarche doctorale. Je veux aussi remercier les collègues et les chercheurs du CIRRIS avec qui j’ai eu le plaisir de travailler et collaborer. Un remerciement à Faye Ginsburg pour m’avoir accueilli si chaleureusement à l’Université de New York pour que je puisse être en contact direct avec les Disability Studies à l’américaine.

À Francine Saillant, ma directrice de thèse, qui m’a invitée à reprendre les études de doctorat et qui m’a fourni de précieux conseils jusqu’à la toute fin et qui a su composer avec patience avec les derniers moments de l’écriture. À Patrick Fougeyrollas, avec qui j’ai travaillé et échangé sur une base régulière depuis des années, qui m’a transmis un savoir imposant et qui a su recentrer mes égarements et calmer mes ardeurs durant la thèse. À vous deux pour votre sagesse, vos connaissances et votre soutien indéfectible.

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Un remerciement spécial à Opal, ma mère, pour son amour parental malgré la distance et des communications parfois espacées, qui a su accueillir mes doutes et me soutenir. À McLaine pour m’avoir soutenu au quotidien, pour sa patience quant à la finalisation de la thèse. Aux quelques amis avec qui j’ai pu échanger lors de la période d’écriture. Merci à Joëlle pour la relecture.

Finalement, je tiens à remercier le soutien financier considérable du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada qui m’a permis de poursuivre mes recherches doctorales, le soutien financier du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et en intégration sociale (CIRRIS), du Centre interuniversitaire de recherche sur les lettres, les arts et les traditions (CÉLAT), du département d’anthropologie de l’université Laval mais aussi celui des donateurs individuels qui m’ont permis d’acquérir les caméras d’action et le matériel associé et finalement, la fondation Élan qui a permis d’offrir une compensation aux personnes ayant participé à l’étude en échange de leur expertise. Merci!

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Introduction

Cette recherche porte sur la mobilité des personnes ayant des incapacités dans la ville de Québec, qu’elle saisit à travers les manières dont leurs déplacements sont effectués en situation réelle. Elle s’intéresse aux éléments personnels et environnementaux qui jouent directement ou indirectement un rôle dans ces situations, c’est-à-dire aux dispositifs et aux agencements qui rendent possibles ou empêchent les déplacements, aux configurations des rencontres successives entre les particularités du corps des personnes avec les éléments de l’environnement proximal, et aux processus sous-jacents qui participent aux modes de présence des personnes dans leur milieu propre et qui composent leur habiter tout en ouvrant sur des possibilités d’un devenir multiple.

Faisant écho à la Déclaration des droits de l’Homme, les droits des personnes handicapées ont été affirmés de manière spécifique en 2006 par l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ci-après la Convention) (Organisation des Nations Unies, 2006). 159 États sont signataires de cette convention, 154 l’ont ratifiée ; 92 États ont signé le protocole facultatif et 86 États ont ratifié le protocole facultatif. Quant au Canada, il a signé la Convention en 2007, pour finalement la ratifier en 20111. Cette reconnaissance des droits des personnes handicapées

par les instances internationales et nationales annonce et affirme leur égalité au sein des collectifs humains, depuis que les États se voient confier la responsabilité d’en garantir les conditions d’exercice. Cette convention a ceci de spécifique qu’elle situe le droit à l’autonomie à son avant-plan, le considérant comme un préalable à l’exercice des droits dans la Déclaration universelle et les autres conventions liées à la discrimination des minorités (Mégret, 2008). Ce faisant, elle vise à permettre la jouissance des droits humains par les personnes handicapées, et ce, dans le respect de leurs différences corporelles, psychiques, fonctionnelles, comportementales et identitaires (Fougeyrollas & Gaucher, 2013a : 89). De fait, plusieurs paradigmes concernant le handicap ont été formulés dans le temps et ont trouvé leur expression synthétique dans différents modèles selon leurs particularités ontologiques et épistémologiques propres, faisant converger la recherche et les politiques publiques vers une lecture du handicap qui reconnait le rôle de 1 Le 3 décembre 2018, le Canada a ratifié le protocole facultatif permettant à un citoyen de porter plainte

auprès du Conseil des droits de l’homme de Genève. Voir Organisation des Nations Unies. (2006). Convention relative aux droits des personnes handicapées. New York: Organisation des Nations Unies.

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l’environnement dans le phénomène plutôt qu’il ne le réduit à un problème du corps. Tributaire de cette convergence, la Convention engage sur le plan normatif le déplacement d’une compréhension du handicap en tant que problème individuel et médical, saisi par la « déficience » du corps en relation avec sa « normalité », vers une compréhension en termes de droits qui considèrent le rôle des facteurs environnementaux (physiques, sociaux et relationnels) dans les processus d’inclusion, de participation sociale et d’exercice des droits (Bickenbach, 2009; Fougeyrollas, 2010a). En ce sens, le handicap n’est plus un problème individuel lié au corps des personnes, mais un problème associé la société qui ne peut accommoder leurs différences. Cette inscription demeure discursive à bien des égards, car même si elle « vise à offrir aux personnes ayant des incapacités des opportunités similaires et des perspectives de réalisation ouvertes, elle ne garantit en rien l’actualisation de ces possibilités » (Fougeyrollas, Fiset, et al., 2019; Grenier et al., 2014). Par ailleurs, ce positionnement prescriptif de l’appareillage normatif des droits humains et de ses assises libérales ne suffit pas à expliquer l’aspect historique du désavantage social des personnes ayant des incapacités, ni ses conditions réelles (Berghsa, 2015; Erevelles, 2011; Meekosha & Soldatic, 2011; Schlund-Vials & Gill, 2014; Sherry, 2014; Snyder & Mitchell, 2010). Enfin, ce positionnement n’explique pas non plus les aspects expérientiels et ontogénétiques du handicap (Kristiansen et al., 2008; Vehmas & Makela, 2008), qui réfèrent aux relations par lesquelles l’individu et l’environnement se constituent mutuellement dans la durée (Ingold, 2017d, 2018a). De plus, les modèles normatifs et anthropologiques et ceux des études sur le handicap (Disability Studies), bien qu’ils reconnaissent les éléments personnels et environnementaux constituant le phénomène du handicap, sont limités à des interprétations épistémologiques et représentationnelles du handicap et de l’idée des droits. Comme le remarquent Shakespeare et Watson (Shakespeare, 2013; Shakespeare & Watson, 2010), la plupart de ces modèles ignorent les processus sous-jacents à la production du handicap. D’entrée de jeu, il est donc pertinent d’explorer les définitions et les modèles servant à situer l’objet de la recherche.

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0.1 Le problème de la définition : le corps, l’environnement, la situation

La multiplicité des variantes de la notion de handicap2, qui proviennent des milieux

institutionnels, des différentes tendances présentes dans les Disability Studies et des mouvements de défense de droits des personnes handicapées, rend difficile la formulation d’une définition claire et pouvant faire consensus. Les définitions mises de l’avant par les divers acteurs sociaux segmentent les aspects corporels, sociaux et environnementaux qui participent aux situations de handicap, mais l’importance donnée à chacun de ces segments diffère selon la perspective adoptée. D’ailleurs, plusieurs auteurs partagent l’avis que la notion de handicap est un objet contesté, mouvant, et changeant (Barnes & Halmstad, 2012; Bickenbach, 1993 : 15; Boucher, 2002 : 69). Barnes et Halmstad (2012) soutiennent notamment que le handicap est déterminé culturellement et idéologiquement et que ces deux dimensions ne sont pas politiquement neutres. Pour ces auteurs, la diversité de définition du handicap, qu’ils qualifient de « confusion », serait due aux aspects linguistiques et aux différentes sources théoriques qui en fournissent des explications divergentes, voire contradictoires. Sur le plan conceptuel, toutefois, les diverses définitions du handicap qui ont été élaborées sont toutes d’une importance non négligeable, chacune témoignant des rapports que les agents sociaux entretenaient ou entretiennent avec le handicap.

Les effets de ces rapports persistent d’ailleurs bien au déjà du langage et sont inscrits tant dans les différents processus d’intégration et d’inclusion (Stiker, 2014), que dans la manière dont les pouvoirs administratifs et les milieux experts conçoivent les objets et les infrastructures pour permettre ou non leur utilisation par les personnes handicapées. Fougeyrollas et Gaucher expliquent que la « population » des personnes handicapées a été, au cours de l’histoire, fragmentée par les différentes représentations sociales des 2 La notion de « personne handicapée » est retenue dans les textes légaux et normatifs. Les milieux

associatifs et ceux de la recherche identifient la source du handicap non pas dans la personne, mais dans l’environnement ou à la relation entre la personne et l’environnement. Selon leur positionnement théorique, ces milieux contestent la notion qui situe le handicap dans la personne et emploient celles de « personne ayant des incapacités » ou de « personne ayant des limitations fonctionnelles ». Dans le cadre de cette thèse, les appellations « personne handicapée », « personne ayant des incapacités » et « personne en situation de handicap » seront retenues afin d’éviter la confusion. La première est utilisée pour son caractère général ou administratif, la seconde pour décrire la personne et la dernière pour aborder les situations de handicap. Les termes « déficience » et « (in) capacité » sont eux aussi utilisés et font respectivement référence à une atteinte du système organique et à la capacité de réaliser une action ou une habitude de vie. Voir Fougeyrollas, P., Bergeron, H., Cloutier, R., Côté, J., & St-Michel, G. (1998). Classification québécoise: processus de production du handicap. Québec: CQCIDIH. Et OMS. (1988). Classification internationale des handicaps: déficiences, incapacités et désavantages.

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déficiences et anomalies corporelles, fonctionnelles ou comportementales identifiées comme « dangereuses, impures, à mettre à l’écart, à prendre en charge, à éduquer, à guérir ou à réparer » (2013a : 81-82). De fait, la notion de handicap est chargée sur le plan politique d’une volonté de régulation sociale des marginalités corporelles, ainsi que d’une volonté de mise en ordre et de réhabilitation des corps non productifs (Barnes, 1991, 1997; Bickenbach, 1993; Boucher, 2002; Foucault, 1972; Fougeyrollas, 2010a; Saillant, 2007; Stiker, 1982, 2014). Utilisée historiquement par les institutions médicales et sociales de son administration, la notion de handicap se présente donc comme amalgame de diverses déficiences (quelle que soit sa nature ou sa cause) et d’incapacités (ou de leurs effets), de différences physiques et psychiques, d’étiologies et de pathologies médicales. La notion gomme ainsi les différences individuelles au profit d’une abstraction conceptuelle se donnant en tant qu’écart à une norme physique ou fonctionnelle mesurable et devant être administré3 (2013a : 81-82). Le mouvement des personnes handicapées et les Disability Studies auront ouvertement critiqué cette vision, en faisant valoir que le handicap n’est

pas seulement l’affaire de l’appareil médical, mais aussi surtout une affaire sociale. 0.2 Les modèles du handicap

0.2.1 Les modèles charitables, de protection sociale et médicaux

Historiquement, et du moins dans les sociétés occidentales, l’administration de la question du handicap — c’est-à-dire les manières qu’on a eues d’aborder la présence de ces corps anormaux et « non productifs » — a été laissée à des organismes de charité (Bickenbach, 1993 : 15) communautaires ou religieux ou encore à la famille. Dans ce modèle charitable, la distinction morale entre corps oisif et corps capable a constitué l’origine de l’ensemble du traitement du corps handicapé. Au Québec, les premières institutions d’administration du handicap ont émergé à travers des dispositifs d’assistance, lesquels avaient pour

3 Fougeyrollas et Gaucher fournissent une définition large de la population des personnes handicapées.

Regroupant les anormalités psychiques ou corporelles, cette population, selon eux, « est composée des personnes ayant des incapacités motrices (« handicapés physiques »), une cécité, une surdité, des déficiences intellectuelles, des problèmes de santé mentale ; des personnes âgées ayant des incapacités liées au vieillissement, mais aussi des personnes ayant des maladies chroniques comme celles ayant le VIH-Sida ou étant obèses. » Fougeyrollas, P., & Gaucher, C. (2013). Personnes handicapées et droits humains : « Rien à notre propos et sans nous ». Dans F. Saillant & K. Truchon (Eds.), Droits et cultures en mouvements : Presses de l'Université Laval.

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fonction de permettre aux plus fortunés de sauver leur âme en sauvant ce que l’on convient d’appeler aujourd’hui « les pauvres » (Boucher, 2002).

Historiquement, le modèle charitable est lié, depuis sa réforme à l’époque classique (16e siècle), à l’apparition d’infrastructures, telle l’institution de type prison,

mi-hôpital, et au déploiement de sous-systèmes d’identification et de traitement des différences sociales (Stiker, 1999 : 67). Ce modèle a fait apparaître des sujets « gouvernables » (Foucault, 1994, 2004; Tremain, 2005a), parmi lesquels figure le sujet handicapé sous la forme de l’« infirme ». La matérialité des structures a contribué à mettre à l’écart ces « indésirables », en même temps que les modes de gestion qui ont pris place au sein de ces structures ont agi sur la matérialité de leurs corps. Les infrastructures de contrôle social ont ainsi produit le handicap comme sujet/objet de l’assistance sociale et de la correction médicale en vue de normaliser les corps. Paradoxalement, l’effet de ces stratégies de protection autoritaires et bienfaisantes (Fougeyrollas & Gaucher, 2013a) aura été d’exclure les personnes des mondes sociaux et du travail (Castel, 1995), de les stigmatiser comme déviants (Goffman & Kihm, 1975) et de les confiner à un statut liminal (Murphy, 1990) alors qu’elles subissaient des tentatives répétées d’effacement (Stiker, 1982). Ceci a eu « pour conséquence généralisée l’impossibilité pour le corps différent de contrôler sa vie, de se développer et d’évoluer avec et comme le monde ordinaire en exerçant sa pleine citoyenneté » (Fougeyrollas & Gaucher, 2013a).

Le modèle biomédical (Barnes et al., 1999 : 65; Bickenbach, 1993 : 12, 65; Oliver, 1990 : 48), qui est le paradigme traditionnel du handicap dans la modernité, est venu remplacer ce modèle charitable inscrit dans un rapport moral et religieux. Le modèle biomédical, dit « scientifique » puisqu’il repose sur des outils diagnostics établissant un lien causal entre la déficience et le handicap (Oliver, 1996), est le fruit du développement de nosologies médicales et de la conviction positiviste liées aux progrès scientifiques (Fougeyrollas & Gaucher, 2013a : 82). Il propose un traitement du handicap qui vise la guérison, la réadaptation, l’adaptation de l’individu ou une modification de ses comportements afin de le faire correspondre aux « normes » biologiques et sociales de performance. En somme, le modèle biomédical présente le handicap comme une affaire individualisée, liée à la déficience et devant être corrigée par une intervention sur le corps ou par sa mise à l’écart dans des institutions, et ce, afin d’assurer le bon fonctionnement de la société (Barnes & Halmstad, 2012 : 16).

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De la modernité a émergé un modèle scientifique de la gestion du corps et de ses différences. Ce modèle, dont il a été fait mention précédemment, est celui dit médical et quatre grands événements l’ont cristallisé : les accidentés du travail en lien avec les responsabilisations grandissantes de l’industrie au 19e siècle ; les soldats devant être

soignés et reclassés professionnellement (1914-1918) ; la gestion de la tuberculose et son lien avec la contagion et les conditions sociales de revenu et d’hygiène ; (19-20e siècles),

et, enfin, l’imposition de l’école obligatoire et le déploiement de la réintégration (suivant la Seconde Guerre mondiale) en tant que paradigme de l’administration des corps différents (Stiker, 2002 : 42). Ces événements ont eu un impact majeur sur le développement de la prise en charge médicale et sociale, qui s’est effectuée par le biais de l’instauration de différentes formes de projets de réadaptation. Parmi ceux-ci figurent la réparation assurantielle et la réadaptation, lesquelles ont pour objectif de réparer le corps des personnes en fonction des finalités de différents cadres proposés. Or, les projets de réintégration incarnent aussi des processus d’infériorisation et de marginalisation des personnes handicapées (Fougeyrollas, 2010a : 40). En effet, ces processus sont liés à la mise en place d’un traitement différencié et ont introduit une inégalité systémique à l’égard de ces personnes, mises en relation de manière négative avec les statuts de « travailleurs » et de « citoyens productifs ».

L’approche individualisante du modèle médical situe le handicap dans l’individu (Barnes, 2012; Barnes & Mercer, 2004, 2005; Bickenbach et al., 1999; Hughes & Paterson, 1997; Masala & Petretto, 2010; Oliver, 1990; Ravaud, 2001; Shakespeare, 2006b; Shakespeare & Watson, 2001; Sherry, 2014) et son approche corrective met de l’avant des processus d’intervention, de réparation, de réhabilitation des corps, et ce, après avoir insisté sur ceux de l’institutionnalisation et de la mise à l’écart des invalides comme indésirables (Stiker, 1982). Cette lecture héritée de l’appareil biomédical et voulant que le handicap en tant que désavantage social soit synonyme des déficiences et des incapacités de l’individu a plus tard été jugée obsolète par le mouvement des personnes handicapées et les sciences du handicap (Fougeyrollas, 2010a : 21-22). Alternativement, des auteurs qui ont dépassé le biais mécaniciste et positiviste de l’appareil médical ont ainsi proposé des conceptions holistes, écologiques et interactionnistes du handicap (Fougeyrollas, 1995, 2010a; Fougeyrollas & Beauregard, 2001; Fougeyrollas et al., 1998; Masala & Petretto, 2008; Masala & Petretto, 2010; Nagi, 1991) qui reconnaissent l’importance des facteurs environnementaux autant dans la production de situations de handicap que dans celles de

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participation sociale4 et d’exercice des droits. Ces approches écosystémiques et

anthropologiques du handicap permettent de suggérer qu’une personne ayant une déficience et des incapacités n’est pas nécessairement une personne handicapée : c’est plutôt son contexte extrinsèque qui la place ou non en situation de handicap (Fougeyrollas, 2010a : 21).

0.2.2 Le modèle social

Dans les années 60, une réponse proprement politique de la part de groupes auto-organisés de personnes handicapées a participé à la problématisation graduelle du handicap, laquelle se fera du côté social et politique plutôt que de celui du nexus individu/prise en charge médicale (Barnes, 1997; Bickenbach, 1993; Oliver, 1990 : 14). Le développement du « modèle social » résulte de la succession de deux mouvances du mouvement de défense des droits des personnes handicapées, qui ont contribué à mettre en lumière le rôle de la société dans le processus menant au handicap.

La première mouvance, que l’on appelle « normalisation », a eu lieu dans les années 60 et 70 (Fougeyrollas, 2010c; Nirje, 1985; Wolfensberger & Nirje, 1972) et a été propulsée par des professionnels et des familles et s’inscrit dans le processus de désinstitutionnalisation. Par leurs actions, qui visaient à rapprocher les personnes handicapées des milieux de vie « ordinaires » et hors des institutions, des politiques d’intégration sociale pour les personnes handicapées ont été développées et une gamme de services a graduellement été mise en place et intégrée aux communautés. C’est en ce 4 L’évolution des modèles explicatifs du handicap a permis de reconnaitre que les différents domaines de

la vie d’un individu sont tous également importants et que les questions entourant chacun de ces domaines doivent recevoir considération. De plus, la reconnaissance de l’aspect situationnel du handicap, c’est-à-dire le degré de capacité ou de difficulté d’accomplir une tâche, une action ou une activité en relation avec le milieu pose le handicap différemment en reconnaissant le rôle de l’environnement . Cette triade personne / action / environnement devient le prisme par lequel les approches écologiques abordent le handicap. Faisant ainsi la différence entre les notions de « limitation fonctionnelle », d’« incapacité » et de « handicap », la première faisant référence aux aspects corporels des limitations d’activité en dépit de l’environnement, tandis que la seconde considère l’interaction du corps et de l’environnement dans la réalisation d’une activité et la troisième étant relation une situation dans laquelle l’environnement interfère négativement dans l’action de de la personne. Voir Fougeyrollas, P. (2010). La funambule, le fil et la toile. Québec: Presses de l'Université Laval; Barnes, C., & Halmstad, H. (2012). Understanding the social model of disability. Dans N. Watson, C. Thomas, & A. Roulstone (Eds.), Routledge handbook of disability studies. Oxford et New York: Routledge. Masala, C., & Petretto, D. R. (2010). Models of Disability. Dans M. B. JH Stone, editors. (Ed.), International Encyclopedia of Rehabilitation. Shakespeare, T., & Watson, N. (2010). Beyond models: understanding the complexity of disabled people’s lives New directions in the sociology of chronic and disabling conditions (pp. 57-76): Springer.

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contexte que des ressources résidentielles, des ressources scolaires, des milieux de travail adaptés ou réservés ont vu le jour. Dans cette mouvance, une désindividualisation du handicap et l’autonomie des personnes ont été de plus en plus favorisées, bien que cette dernière demeurât conditionnelle à une relation serrée avec les professionnels de la santé et des services sociaux. La seconde mouvance a quant à elle émergé dans les années 80. Inspiré du mouvement des droits civils américains, le Mouvement de vie autonome (Independent living movement), vise à mettre en place un nouveau paradigme défini par les personnes handicapées elles-mêmes et abordant le handicap en tant que conséquence des barrières environnementales, sociales et attitudinales et des barrières symboliques de l’ordre de la représentation. Le discours du modèle social s’adresse aux institutions sociales et juridiques qui ne favorisent pas l’expression des aspirations et des besoins des personnes handicapées en tant que groupe minoritaire(Ginsburg & Rapp, 2013 : 54). Il conteste les mécanismes de prise en charge des personnes « revendiquant le contrôle de leur vie et une émancipation du pouvoir institutionnel des experts » (Fougeyrollas & Gaucher, 2013a : 83). Le Mouvement de vie autonome, toujours actif, visait et vise toujours la désinstitutionnalisation, l’autoreprésentation des personnes handicapées, la possibilité de prendre des décisions en tant que citoyen, la démédicalisation du handicap et, finalement, le développement de services et de milieux de vie offrant de réelles possibilités d’exercice des droits humains (Fougeyrollas, 2010c). Il met l’accent sur les obstacles sociaux, économiques, politiques, culturels, relationnels et psychologiques (Goodley, 2010) qui provoquent l’exclusion, afin de « resituer la responsabilité de l’exclusion et de l’oppression vécue par les corps et les esprits différents dans leur environnement physique et social, dans leur milieu de vie ». (Fougeyrollas & Gaucher, 2013a).

Ce positionnement politique a rapidement été reconnu et utilisé sous une forme plus synthétique et désignée par l’appellation « modèle social ». Le modèle et sa réponse politique entendent que la personne n’est pas en cause malgré sa déficience et que la responsabilité du handicap se situe strictement dans l’environnement social (Oliver, 1996; Tremain, 2001, 2005b). Dans la version forte du modèle (Riddle, 2013a : 377), les caractéristiques individuelles et les déficiences sont complètement évacuées, puisqu’elles sont jugées sans importance pour la situation de handicap. Suivant ce schème, les luttes des personnes handicapées vont dès lors s’articuler sur une critique de l’environnement social et sur une considération positive de la personne handicapée comme victime

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d’oppression (Thomas, 2004 : 23). Il n’empêche que le modèle social est de nos jours contesté par les intellectuels du milieu pour son refus de reconnaître que le corps et l’environnement peuvent agir conjointement dans le processus de production du handicap. Son positionnement est aussi jugé trop radical (Schillmeier, 2010; Shakespeare, 2006a, 2013; Shakespeare & Watson, 2001 : 19). Shakespeare et Watson (2001 : 13-14) ont porté plus loin la critique en affirmant que le modèle social constitue maintenant un problème, qu’il ne peut être réformé et qu’il devrait par conséquent être abandonné. Le modèle aura toutefois eu une influence considérable sur les Disability Studies et leurs développements subséquents.

0.2.3 Critical disability studies et le Crip Technosciences

Les Crip technosciences (CT), sont une branche récente des critical disability studies états-uniennes. Elles combinent une avenue théorique plurielle qui lie les études féministes sur la technoscience, l’activisme, et qui ont été produites en réponse à ce que McRuer appelle le « compulsory ablebodiedness » (2006), et le « ablenationalism » de Mitchell & Snyder (2010). Elles sont une réponse aux projets qualifiés d’effacement qui passent par des pratiques d’assimilation et d’inclusion libérale. Comme dernière incarnation du modèle minoritaire (minority model of disability), les CT placent l’oppression basée sur le handicap en juxtaposition avec celle fondée sur la race ou le genre. Les CT critiquent les technosciences du handicap (disability technoscience), dont les sciences médicales comme la réadaptation qui font des différences corporelles des problèmes médicaux et techniques, et l’architecture et du design universel, qui font de l’accessibilité une question de normes et d’administration par ses bateaux pavés et ses rampes, en tant que champs d’expertise professionnelle qui produisent de l’accessibilité

pour les personnes ayant des incapacités plutôt qu’avec ou par celles-ci. Ce qui exclut le

savoir et les pratiques de production du monde par les personnes handicapées (Hamraie, 2017 : 99), les transformant plutôt en « usagers » et « clients » d’une industrie et d’une gouvernance de l’inclusion du handicap produit par des experts sans incapacités (Hamraie & Fritsch, 2019 : 4). Pour les autrices du courant, cette « expertisation » du champ du handicap s’accompagne d’une dépolitisation, d’un effacement du handicap par les discours « positifs » de la santé, de l’inclusion et du bonheur (Fritsch, 2013).

Centré sur les thématiques épistémologiques du pouvoir, des privilèges et de l’oppression, ce courant revisite le rapport ambigu entre le handicap et les technologies et inscrit le

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handicap dans les sphères du pouvoir, de la résistance du corps ayant des incapacités au privilège du corps sans incapacité, aux dispositifs assimilationnistes associés (Hamraie & Fritsch, 2019 : 4) et aux notions d’indépendance et de productivité établis comme barèmes de validité. Les CT reconnaissent que les environnements naturels et bâtis sont construits plutôt que donnés et que la science et la technologie produisent et donnent forme au handicap, à la déficience, à la maladie, à la neurodiversité, etc. (Fritsch et al., 2019 : 4). Dans les textes les plus élaborés de cette tendance5, on reconnait la critique de

Shakespeare et Watson quant aux limitations du modèle social (Kafer, 2013 : 129), et on intègre une critique de la technique, tout en la reconnaissant comme un outil de justice transformateur, lorsque réappropriée par les personnes. Les CT valorisent les pratiques, savoirs, et relations des personnes ayant des incapacités visant leur propre autonomie (Hamraie & Fritsch, 2019 : 4). On y propose des biopolitiques tactiques, du design critique, on valorise l’expertise des personnes et on y aborde la technologie dans des modes de résistance et de production du monde (Hamraie & Fritsch, 2019 : 5). Les CT affirment la désirabilité du handicap et que celui-ci produit de nouvelles pratiques relationnelles et participe à construire le monde (Hamraie & Fritsch, 2019). Dans le manifeste des CT6, Fritsch et Hamraie posent les bases de leurs intentions :

Disabled people are experts and designers of everyday life. But we also harness technoscience for political action, refusing to comply with demands to cure, fix, or eliminate disability. Attentive to the intersectional workings of power and privilege, we agitate against independence and productivity as requirements for existence. (Hamraie & Fritsch, 2019 : 1)

5 Au moment de l’écriture, le courant semble plutôt être construit dans la mise en commun de publications

qui abordent plus ou moins ces questions. Dans la composition du numéro spécial qui fonde en quelque sorte le courant, les autrices reconnaissent que le courant est en émergence et que plusieurs des titres qui y sont associés n’ont pas abordé les CT en tant que tels, mais qu’ils ont des questions relatives au CT comme points de convergence. Voir Fritsch, K., Hamraie, A., Mills, M., & Serlin, D. (2019). Introduction to Special Section on Crip Technoscience. Catalyst: Feminism, Theory, Technoscience, 5(1). P.4-5

6Hamraie et Fritsch présentent quatre éléments comme étant centraux à leur proposition de la CT : 1 - les

personnes ayant des incapacités connaissent (knowers) et produisent (makers) : elles produisent des connaissances situées dans le monde à partir de leur perspective. Elles sont des « design experts » et des « epistemic activists » et leur capacité à construire ou déconstruire le monde vient de leurs « mésagencements » d’avec le monde capacitiste. 2- l’accessibilité est considérée comme point de friction politique et trouve son intérêt dans les pratiques subversives des personnes ayant des incapacités et dans leurs attaques contre les dispositifs du temps capitaliste et de la commodification des soins ; 3- L’interdépendance est vue comme une technologie politique, le handicap et la technologie y sont politisés dans la production de « mondes meilleurs » ; 4- Un engagement dans la justice liée au handicap : les personnes ayant des incapacités entretiennent des relations d’agentivité, politisées, et transformatrices avec les technologies. Elles ne sont pas que des consommatrices ou des sujets passifs.

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Une autrice comme Kafer qui s’inscrit dans les CT propose un modèle7 qu’elle nomme

comme politico-relationnel. L’autrice détaille que sa position est reconstruite à partir du modèle social et des cadres des modèles minoritaires tout en les reprenant à travers les lorgnettes féministes et queer (Kafer, 2013 : 4). Elle reconnait la réalité du corps et de l’expérience de la déficience, mais aussi de la douleur et des éléments psychologiques associés. Demeurant critique du modèle médical, elle ne rejette toutefois pas totalement les interventions sur le corps, sans vénérer la « réparation technologique » (Kafer, 2013 : 113). Finalement, l’autrice s’oppose à la dépolitisation du handicap et l’aborde comme site pour imaginer un monde différent. L’autrice récupère la figure du cyborg de Haraway pour renforcer une position dans les Disability studies qui vise l’interdépendance qui sert de base à des : « feminist politics based on fluid identities, border crossings, and partialities » (Kafer, 2013 : 116). Elle ne fait pas référence à la notion populaire de cyborg de la science-fiction, mais plutôt à la position des personnes dans un couplage de services et des technologies. Rappelons que dans sa conceptualisation Haraway a proposé des politiques d’affinité, des alliances et coalitions portant sur des buts et des enjeux communs afin de s’éloigner des identity politics, des catégories et des intérêts segmentaires associés. À travers son intérêt pour le cyborg des critical theories, Kafer vise à faire reconnaitre les liens entre les personnes ayant des incapacités différentes, d’élargir la définition de handicap pour inclure les personnes ayant des douleurs chroniques par exemple, et afin de créer des « futurs accessibles » (Kafer, 2013 : 12-13). Cette position est librement reprise de Haraway qui a évoqué directement le cyborg relationnel comme fondement ontologique : « A cyborg is a cybernetic organism, a hybrid of machine and organism, a creature of social reality as well as a creature of fiction » (Haraway, 1991). Le Cyborg ne relève pas des dualités, il les transcende plutôt. Il entretient des liens entre la nature et la culture, les corps biologiques et technologiques, entre l’humain et le non-humain. Le cyborg est aussi une affaire de relations sociales, et en raison du couplage entre la réalité matérielle et l’imagination qu’il suppose, il offre tout autant les possibilités du devenir. C’est donc le cyborg en tant qu’être connecté qui devrait offrir la direction des politiques. Par extension chez Kafer, les politiques du handicap devraient donc émerger de la position des personnes au sein d’agencements qui font d’elles des cyborgs et donc des êtres relationnels. Les écrits de Kafer demeurent toutefois dans le domaine épistémologique du handicap. Ils abordent abondamment des catégories et leurs binarités, des représentations 7 Plutôt que de s’agir d’un modèle, il serait plutôt question d’une position qui associe divers éléments de

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et leurs politiques de visibilité (Kafer, 2013 : 46), des images et de la littérature. Elle n’offre que peu de références à une analyse des dimensions matérielles et ontologiques du handicap qui composent les positions au sein des agencements. Son propos académique demeure aligné sur les études critiques culturelles américaines et aborde principalement la question des représentations quant aux imaginaires politiques et la place faite aux personnes ayant des incapacités (Kafer, 2013 : 153), et à celle du cyborg8.

0.3 Reconnaissance des droits des personnes handicapées

Sur le plan normatif, la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicaps (CIDIH) de l’OMS, introduite par Philip Wood, est venue compléter en 1980 la Classification internationale des maladies (CIM). La CIDIH a défini le handicap selon trois dimensions, soit la « déficience », l’« incapacité » et le « désavantage ». En son cadre, « Le terme de handicap est limité à la désignation de la résultante sociale de la maladie, blessure, malformation, et donc au désavantage qu’entraînent celles-ci pour une personne déficiente placée dans une situation donnée » (World Health Organization, 1980 : 10). En cela, l’approche sociopolitique du handicap de l’OMS aborde le phénomène « comme le résultat des maladies et des blessures, des déficiences et des incapacités, dans une relation de causalité linéaire et unidirectionnelle » (Fougeyrollas, 2010a : 21), ce qui se traduit par le maintien d’une perspective strictement médicale et mécanique qui déduit le handicap ou le désavantage social de la pathologie.

Pourtant, d’autres modèles considèrent à la fois le corps et l’environnement et situent le handicap dans l’interaction entre des facteurs endogènes (personnels) et exogènes (physiques et sociaux). Ces modèles mettent de l’avant la réalité de l’oppression et de l’injustice subies, tout en considérant le caractère situé de la personne dans son environnement de référence (Shakespeare & Watson, 2001; Watson, 2004). C’est le cas notamment de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la

santé (CIF) (Organisation mondiale de la santé, 2001), qui intègre cette double

composante pour adopter un modèle « biopsychosocial » présentant la particularité de 8 Étrangement, Kafer semble défaire elle-même sa position en affirmant que ce type de théorisation n’est

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coupler les perspectives médicales et sociales, et de la Classification internationale :

Modèle de développement humain – processus de production du handicap (MDH-PPH)

(Fougeyrollas, 2010a; Fougeyrollas et al., 1998; Fougeyrollas, Cloutier, et al., 2018), qui précise le caractère situationnel du handicap comme étant le résultat de l’interaction complexe personne-environnement (2010a : 99). La CIF et le MDH-PPH constituent deux instruments interactionnistes à prétention scientifique, universelle et neutre, et visent à décrire n’importe quelle situation de santé ou de handicap (Bagatto & Moodie, 2016; Bartlett et al., 2006; Bornbaum et al., 2013). Si ces deux modèles partagent des intentions similaires, on note cependant que du côté de la CIF, les trois domaines de référence sont « le corps », « l’activité », et la « participation sociale » (WHO, 2009 : 2), ce qui fait l’économie de la nécessité des interventions médicales et contextuelles (WHO, 2009 : 9: 9), alors que du côté du MDH-PPH on parle plutôt de « facteurs personnels », de « facteurs environnementaux » et d’ « habitudes de vie ». L’objectif du MDH-PPH est « de clarifier les variables déterminantes du processus interactif et de considérer l’interaction comme un flux temporel continu qui ne peut faire l’objet d’une définition de contenu » (Fougeyrollas, Cloutier, et al., 2018 : 23). Il se distingue du modèle biopsychologique de la CIF, qui n’accorde pas d’importance majeure aux notions de processus et de flux temporel dans le développement des personnes. En reconnaissant l’interaction entre les trois domaines systémiques que sont les facteurs personnels9, les facteurs

environnementaux10 et les habitudes de vie11, le MDH-PPH permet enfin d’identifier les

facteurs qui jouent un rôle sur la réalisation des activités et l’exercice des droits, ce qui n’est pas le cas de la CIF.

9 Définition de facteur personnel : « Un facteur personnel est une caractéristique appartenant à la personne,

telle que les facteurs identitaires, les systèmes organiques et les aptitudes. » dans Fougeyrollas, P., Bergeron, H., Cloutier, R., Côté, J., & St-Michel, G. (1998). Classification québécoise: processus de production du handicap. Québec: CQCIDIH. p.47.

10 Définition de facteur environnemental : « Un facteur environnemental est une dimension sociale ou

physique qui détermine l’organisation et le contexte d’une société. » Fougeyrollas, P., Bergeron, H., Cloutier, R., Côté, J., & St-Michel, G. (1998). Classification québécoise: processus de production du handicap. Québec: CQCIDIH. p.50.

11 Définition d’habitude de vie : « Une habitude de vie est la performance d’une activité sociale en milieu réel

de vie. C’est la rencontre de la personne avec son environnement. » Fougeyrollas, P., Bergeron, H., Cloutier, R., Côté, J., & St-Michel, G. (1998). Classification québécoise: processus de production du handicap. Québec: CQCIDIH. p.51.

Figure

Tableau 2 : Nombre de personnes de 15 ans et plus avec incapacité selon l’âge et le  sexe, agglomération de Québec, Québec, 2012  77
Tableau 4 : Estimation du nombre de personnes de 15 ans et plus avec une incapacité  liée à la vision selon l’âge et le sexe, agglomération de Québec, Québec, 2012  7980
Figure 1 : Modèle de développement humain – Processus de production du  handicap

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