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Peinture nomade : géo(dé)localisation de l’espace

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01200815

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01200815

Submitted on 17 Sep 2015

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To cite this version:

Radmila Urošević. Peinture nomade : géo(dé)localisation de l’espace. Art et histoire de l’art. 2015. �dumas-01200815�

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PEINTURE NOMADE

Géo(dé)localisation de l’espace

Radmila UROŠEVIĆ 18/05/2015

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Remerciements

A tous les collaborateurs du projet, pour leur accueil, leur patience, leur contribution, leur partage et leur soutien :

Marie-Claire BOUCART, Corentin BUCHAUDON, Lucie LECHANOINE-DURAND, Can Remzi ERGEN, , Lysianne HARI, Svetlana IVKOV, Vera LEÃO, Lisa, Zarahyt ROJAS, Justine ROUGER, Stephane TERGIMAN, Cindy THEODORE, Ivana, Petra et Oleg ŽIVKOVIĆ.

Au DAC (danse atelier chorégraphique) Paris 1. A M. Côme MOSTA-HEIRT.

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Sommaire

REMERCIEMENTS ... 2 SOMMAIRE ... 3 INTRODUCTION ... 4 PREMIERE PARTIE ... 8

GEO-LOCALISATIONS ET CONNEXIONS SPATIOTEMPORELLES ... 8

I/PEINTURE CYBORG ... 11

II/HETEROTOPIES ET POINTS GEODESIQUES ... 50

SECONDE PARTIE ... 79

STRATEGIES ET COLONISATIONS MODULAIRES ... 79

I/LA STRATEGIE DU CAMELEON : ... 81

II/LA STRATEGIE DU RESEAU ... 119

CONCLUSION GENERALE ... 147

TABLE DES ILLUSTRATIONS ... 152

INDEX DES NOMS PROPRES ... 155

BIBLIOGRAPHIE ... 157

GLOSSAIRE ... 163

ANNEXE ... 168

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Introduction

Cette recherche plastique s’articule autour d’une réflexion nomade. La situation géopolitique et géoéconomique actuelle est dominée par un système qui a prouvé son échec, le capitalisme financier. Nous nous intéresserons à la nécessité de redéfinir nos modes de création et de production afin de pouvoir redéfinir notre mode de vie. L’être humain contemporain est pris en otage par un système global, qui vient à totaliser son espace vital. Nous assistons à l’heure actuelle à une colonisation du temps et de l’espace, alignés sur le marché. Cette globalisation que nous qualifions d’impérialiste, présente à la fois un danger totalitaire mondial mais également un déséquilibre spatio-temporel susceptible de détruire ce qu’il y a d’humain en nous. Nous nous interrogerons principalement sur les nouvelles voies de résistance possibles pour les populations occupant, toutes, des territoires qui leur sont propres. Il s’agira non pas d’être exhaustif et de prétendre à délivrer un savoir définitif, mais bien de rechercher quelles possibilités s’offrent à nous dans ce monde en pleine invasion. Nous nous inspirerons des mouvements de population ainsi que de l’avancée du modèle occidental partout dans le monde, afin de proposer une réflexion autour de l’espace à travers la matière picturale. Ce qui pousse cette recherche à vouloir transcrire l’espace de différentes manières. L’espace présenté et vécu globalement ne s’adapte plus à notre taille humaine, de même qu’il nous parait impossible de s’identifier à nouveau à une nation, encore moins à une civilisation globale. Ce qui paraît

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important dans ce phénomène global, c’est la capacité d’adaptation de l’être humain de même que sa capacité de transformation. Aussi, nous interrogerons-nous sur une manière d’habiter l’espace, qui pourrait être un facteur impactant le monde du travail et la vie quotidienne. Le chamboulement produit par la globalisation atteint tous les domaines et malgré des possibilités de circulation accrues, il n’invite qu’à une course linéaire. Par ailleurs, le système qui nous est imposé à l’heure actuelle force la dispersion des populations qui, de fait se transforment en masses. Les masses sont plus faciles à manipuler, si l’on considère le pouvoir du réseau actuel : l’internet. Nous remettons en question l’utilisation faite de l’internet, tout en nous inspirant ce certains phénomènes sociaux, que ces derniers soient virtuels ou réels. Le monde de l’art est quant à lui également contaminé par le système, qui agit directement sur la vie de l’artiste et de son œuvre. On observe cependant une prise de conscience de certaines catégories de populations, de même que de certains collectifs. L’art peut lui aussi s’inspirer du travail ou de l’échange en réseau afin de nourrir son œuvre. Il paraît important de réfléchir à ces questions de fluctuations d’objets et de personnes, en les rattachant à la question géographique, qui est l’un des points capitaux lorsqu’on souhaite s’intéresser au monde. C’est pourquoi nous avons voulu permettre à la peau de peinture de prendre corps dans les espaces et de se localiser à différents endroits du monde.

Peut-on par l’intermédiaire de la peau de peinture proposer une cartographie, susceptible de réfléchir à une transformation politique et économique de notre monde globalisé?

Nous nous interrogerons dans un premier temps sur les géo-localisations de notre peinture nomade. Par géo-localisations nous entendons sa situation dans l’espace-temps. C’est pourquoi il s’agira de nous questionner sur le rapport qu’entretiennent l’espace de vie quotidienne et le temps. Il est important ici de mentionner le fait que le temps est d’un

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intérêt considérable dans cette recherche, et qu’il est interdépendant de l’espace. La peinture nomade que nous établissons se meut dans les espaces de vie quotidienne et admet la transformation de l’œuvre par l’intervention du spectateur. Celui-ci devient alors un contributeur à l’œuvre d’art et permet, la création d’autres œuvres toujours différentes. Le principe de création d’un kit de peinture libre permet de sonder le contributeur, mais également de sonder l’artiste. Nous donnons une plus grande liberté à l’artiste et au spectateur par l’intermédiaire de la production de peaux de peinture ayant une structure modulaire et modulable, de même forme : la forme ronde. L’inspiration repose sur le modèle atomique. L’atome est ce qui caractérise l’être humain, dans une société où la division des êtres humains est inévitable, nous chercherons le moyen de les regrouper. La peau de peinture se fait cyborg, elle se module et se transforme. Il s’agit de s’interroger sur la notion de régénération, qui pourrait venir à bout des problèmes que nous rencontrons et d’établir une autre cartographie des territoires. Aussi ce projet évolue-t-il vers une plus grande mobilité géographique permettant la liberté d’intervention de l’œuvre au sein des espaces de vie. La cartographie perçue ainsi vient à se former depuis l’intérieur des espaces et territoires, elle vient réfléchir à la question du point de vue spatio-temporel. Nous serons amenés à nous intéresser à la question des hétérotopies, par le biais de la création de nouveaux territoires.

Dans un second temps, nous nous intéresserons aux stratégies possibles pour l’évolution de notre travail. Mettre les éléments spatiaux en plan amène inévitablement une interrogation sur la stratégie. La cartographie et le plan sont utilisés par les gouvernements pour visualiser l’espace mais également pour l’envahir, en jouant de stratégies. C’est pourquoi ces questions stratégiques découlent de cette réflexion autour de la vision cartographique de l’espace. La peau de peinture use, par son caractère adaptable de la

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stratégie du caméléon, elle se fond dans l’espace tout en étant capable de s’insérer dans un autre espace. Il s’agit de parler du module comme d’une condition de survie que s’impose l’être humain, pour survivre dans une société dans laquelle le temps et l’espace ne s’adapte pas à son bien-être. Pour survivre dans un monde globalisé nous nous faisons caméléon. D’autre part, la peau de peinture utilise la stratégie du réseau. Ce réseau est issu du phénomène de l’internet permettant la connexion des populations mondiales, ainsi que l’échange. Cependant, ce réseau virtuel seul n’est pas satisfaisant. Aussi l’artiste développe-t-il à la fois les contacts mais aussi le travail d’équipe, permettant de nourrir sa pratique. Il faut s’intéresser à l’internet comme outil de baisse des coûts de production, et comme outil d’échange des biens et des services. On retrouve dans le réseau cette question de la collaboration, plus encore, celle de la coopération. Nous nous inspirons du phénomène des

Fab Labs, ainsi que de celui des coopératives agricoles pour permettre l’apport de la conception par la participation, à la production de tout un chacun. Le réseau nous invite à la fois à nous délocaliser dans l’espace, mais également à une relocalisation spatiale. Ainsi, la peinture nomade est dépendante de la localisation, qui quant à elle sert la réflexion cartographique et transcendantale du monde.

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Première partie

Géo-localisations

et

connexions

spatiotemporelles

« Il n’existe pas, chez le cyborg, de pulsion de production d’une théorie totale, mais il existe une connaissance intime des frontières, de leur construction, de leur déconstruction. Il existe un système de mythes qui ne demande qu’à devenir un langage politique susceptible de fonder un regard sur la science et la technologie, qui conteste l’information de la domination afin d’agir avec puissance. »1

Introduction à la première partie

Ce travail de recherche plastique, s’intéressera avant tout au mode de vie de l’être humain contemporain. Suivant une démarche picturale, systémique et autoréflexive. Nous aborderons les thématiques actuelles de la globalisation et de la mobilité sociétale, plus précisément mobilité spatiale. La pratique picturale, se voit à l’heure actuelle contrainte d’évoluer au sein d’un environnement toujours plus immatériel et toujours plus rapide. En

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effet, la mobilité internationale rencontrée aujourd’hui, que celle-ci soit pour des raisons professionnelles, politiques ou bien tout simplement de loisirs, n’est pas sans relation avec cette recherche. La pratique picturale reste souvent dépendante d’un support, qui réduit la mobilité géographique du peintre, pour des raisons de transport, principalement. Par ailleurs, le grand-format se voit confronté à l’espace dans lequel il s’insèrera, la peinture grand-format ne peut s’insérer chez l’habitant lambda, particulièrement en zone urbaine, parce que son espace de vie se réduit de plus en plus. On pense aussi à l’artiste qui, quant à lui ne bénéficie pas systématiquement des moyens financiers et spatiaux nécessaires à la réalisation d’une œuvre plastique prenant de la place, que ce soit dans la production, la présentation de l’œuvre ou bien dans le stockage. L’œuvre semble ainsi privée de sa relation à l’espace, si l’on considère l’importance du facteur économique de la technique picturale, et de l’économie de l’artiste. Par ailleurs, la mobilité géographique locale, nationale et internationale, jouent un grand rôle dans ce projet de peinture nomade. La crise rencontrée actuellement, qu’elle soit celle du logement, du pouvoir d’achat ou bien politique, entraîne une autre façon de concevoir le monde qui nous entoure, de même que l’espace que l’on occupe sur le territoire. Il faut en effet, s’adapter et se réadapter en permanence. Se mouvoir dans l’espace planétaire ou bien se déplacer sur celui-ci, c’est être amené à rencontrer de nouvelles situations dont nous faisons naître de nouvelles façons de comprendre et de voir le monde. Ces situations nouvelles et ces lieux nouveaux que l’on fréquente, dans lesquels nous habitons, engendrent inévitablement de nouveaux modes de vie.

Comment permettre à la peinture de prendre corps dans ce monde globalisé et à l’artiste de s’incarner face aux enjeux économiques, sociaux et territoriaux, actuels?

Nous nous intéresserons en premier lieu au caractère adaptable de la peinture, que nous voulons nomade et nommons « peau de peinture ». La question de l’adaptation de

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l’être humain aux différentes sociétés qu’il fréquente, de même qu’aux différents espaces qu’il occupe, semble être interdépendante d’une volonté d’insérer la peau de peinture dans le quotidien. Il s’agit d’introduire la peinture dans l’espace tout en étant capable de la retirer, aussi le module prend-il toute son importance dans cette démarche de recherche plastique. Pour que l’œuvre d’art ne soit pas privée de sa dimension politique, il faut pouvoir l’adapter à différents espaces, nous distinguerons pour ce faire l’adaptation et l’assimilation, dans une optique de démocratisation de l’œuvre. Dans un second temps, nous prendrons en considération les aspects économiques de l’artiste et de l’œuvre et tenterons de mettre au jour les relations coexistant entre l’œuvre et l’économie. Les questions posées par mon travail artistique sont celles d’une autonomie de l’artiste vis-à-vis du marché de l’art basé sur un capitalisme occidental, mais à la fois d’un attachement de l’œuvre d’art à la communauté, par l’intermédiaire de l’espace occupé par cette même communauté humaine. Il s’agira de mettre en évidence le caractère dépendant de l’œuvre à un environnement, et de l’importance de maintenir un lien entre l’artiste et la société. En effet, l’échange est d’une importance capitale, si l’on souhaite parvenir à un art qui puisse être partie prenante de la société. Aussi, nous intéresserons-nous aux hétérotopies et par extension, à la cartographie. Nous articulerons cette pratique à d’autres pratiques artistiques reconnues de même que nous nous appuierons sur des textes de référence, qui viendront ponctuer et nourrir cette réflexion autour d’une peinture modulaire.

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I/ Peinture cyborg

Introduction

En premier lieu, nous aborderons le caractère adaptable de la peau de peinture, qui permet à l’œuvre de s’incarner dans n’importe quel espace et qui par là même devient mobile. La question de la mobilité de l’œuvre d’art permise par la peau de peinture, est à mettre en relation avec les flux migratoires rencontrés depuis le milieu du XXème siècle, poussant l’individu à se déplacer sur la surface planétaire et donc à émigrer. Nous reconsidérons dans ce travail la notion d’habiter, qui se rapporte à celle de séjourner2. L’être

humain, mortel, est de passage sur la Terre tout comme lorsque nous occupons un espace, nous l’habitons. Nous sommes susceptibles de quitter un lieu ou bien d’y revenir, à tout moment. A l’ère de la globalisation, il semble qu’un modèle sociétal s’impose de plus en plus, dans les diverses sociétés dans lesquelles il se propage, il s’agit du modèle occidental. Le monde semble reconnaître par là, la supériorité d’une société sur les autres, la supériorité de la société occidentale. On constate un chamboulement des modes de vie, dans des sociétés qui n’étaient pas habituées à vivre à la manière de l’occident, et donc qui « n’habitaient pas à l’occidentale ». Nous pensons ici à la Serbie, pays d’ex-Yougoslavie, et pays ex-communiste, qui se voit à l’heure actuelle en pleine transformation sociétale. Ces transformations ne sont pas sans conséquences sur le mode de vie du peuple serbe. Ces Modifications, économiques, politiques et socioculturelles affectent le rythme de vie de ses

2 Nous parlerons de cette notion plus en profondeur dans la seconde partie de ce mémoire. Nous nous inspirons

du texte de Martin Heidegger, Bâtir Habiter Penser, in Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1997, [p.p. 170-193].

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habitants, leur mode de vie et par là modifient leur conception du monde. De même que la question des frontières, s’est imposée depuis les années 1990 pour ce territoire, assemblé et désassemblé à plusieurs reprises au cours du XXème siècle. L’introduction d’un nouveau rythme, par exemple dans le monde du travail, aligné sur l’occident, engendre des problèmes liés à la garde des enfants et à une fatigue modifiant le rapport au loisir et aux activités extrascolaires. Le temps de travail, habituel dans des pays comme la France, de 9 heures à 17 heures, occupe toute la journée l’individu. Il se trouve que le parent travaillant sur cette plage horaire rencontre un réel souci concernant la garde de ses enfants, plus particulièrement si le parent est seul (mère ou père célibataire), parce que l’école se déroule soit le matin, soit l’après-midi, en alternance en fonction des semaines, aussi l’enfant se retrouve-t-il seul. Les horaires de travail dans ce pays ex-communiste, se calaient sur le même rythme que les horaires scolaires, de sorte que le reste de la journée puisse être utilisé pour passer du temps en société. C’est-à-dire, ou bien de s’adonner à des activités sportives, artistiques ou littéraires, ou bien de passer ce temps en famille et plus généralement entre amis et d’avoir tout simplement, une vie sociale. C’est pourquoi, on retrouve un phénomène grandissant de consommation dans ces pays, candidats à l’Union Européenne, ou bien dans les pays récemment intégrés. L’habitant, ne sachant plus comment séjourner, occupe le peu de temps libre qui lui reste, dans la dépense de son argent, qu’il croit être une dépense constructive, rattachée au loisir. Le loisir devient de la consommation, il s’agit d’une aliénation dérivée d’un mode de vie occidental, qui vient par là cloisonner l’individu et le couper de l’espace commun et ainsi de la dimension politique de la vie humaine. On retrouve ici une notion d’assimilation à un mode de vie qui ne correspond pas, à celui auquel la majeure partie du peuple est habituée. C’est également ce phénomène que l’on a pu retrouver au sein des anciennes colonies, c’est par cette assimilation à un

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mode de vie régit par des facteurs économiques libéraux, imposés, que l’on retrouve un impérialisme territorial, qui ne cesse de croître. « Ainsi se reproduit au-dedans du système ce qu’il produit au-dehors, avec l’assimilation des pays colonisés, avec l’élimination de leur altérité, avec leur alignement sur la loi de son marché. »3 Ainsi, l’assimilation intervient autant

à un niveau de conception politique, mais également par un alignement économique et culturel, elle vient avaler les particularités et perturbe la conception que se font les peuples du monde. Par ailleurs, la précarité de l’emploi et le travail intérimaire émergeant, les inégalités de richesses s’accroissent de plus en plus, laissant une partie de la population sans domicile fixe. En outre, les populations Roms des Balkans, sédentarisées depuis le XXème siècle, subissent quant à elles à nouveau un chamboulement dans leur mode de vie. Pourtant, cette assimilation est ce même modèle prôné par les sociétés occidentales, visant à intégrer complètement le migrant au sein de sa nation, on pense aussi au melting-pot

américain. « Tout le système de naturalisation des pays européens s’est effondré lorsqu’il a été confronté aux apatrides, pour les mêmes raisons que celles qui avaient condamné le droit d’asile. La naturalisation était essentiellement une annexe de la législation de l’état-nation qui ne voulait reconnaître que les l’état-nationaux.»4

On retrouve ainsi, par le biais d’une internationalisation d’un seul mode de vie, le devoir de s’assimiler, d’appartenir à une nation, que ce modèle nous convienne ou non. On pourrait presque parler d’une « inter-nation », qui par l’intermédiaire de la globalisation entraîne une nouvelle forme de colonisation spatiale par un seul système. Qu’en est-il de ce nouveau mode de vie qui nous est imposé, qui pousse l’individu, de manière contradictoire à cette mobilité facilitée et parfois même imposée, à désirer une sédentarité physique par son

3

Michel DE CERTEAU, La culture au pluriel, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 1993, p. 79.

4 Hannah ARENDT, L’impérialisme, « Les origines du totalitarisme », Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 2006, p.

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attachement à la nation ? Ma démarche picturale vise à établir une distinction entre l’assimilation et l’adaptation, et se rapporte à une prise de conscience du danger d’une assimilation, et donc d’une globalisation que l’on pourrait nommer impérialiste. Nous nous intéresserons pour ce faire, au caractère malléable de la peau de peinture, permettant une souplesse matérielle, à la question des limites spatiales et au caractère pluriel de l’œuvre.

Migration et occupation

a) Construction / Déconstruction

« L’espace n’est pas le milieu (réel ou logique) dans lequel se disposent les choses, mais le moyen par lequel la position des choses devient possible. »5

Ma démarche plastique consiste principalement en une composition, décomposition et recomposition d’éléments modulables dans l’espace. L’œuvre se meut dans l’espace, comme tout corps se déplace. Le caractère organique de cette recherche n’est pas négligeable si l’on considère la relation formelle du module rond, à l’atome. Les modules se connectent et se déconnectent tels des groupements d’organismes qui se rassemblent. Par ailleurs, ces groupements organiques forment des assemblages de peaux de peinture de différents formats reliés entre eux, par une couleur, qui prend place dans l’espace sur le mode d’un déplacement. Le travail en monochrome vise à non seulement mettre en exergue le groupement des modules, mais également à insister sur la diversité de ces derniers,

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malgré leur couleur commune. On observe ce phénomène dans la série des modules rouges, qui prennent place dans le même lieu, mais à une place différente.

Figure 1 : 60 peaux de peintures rouges chez Lisa, Rambouillet, France, acrylique au sol et sur meuble télé, dimensions variées et variables, Radmila UROSEVIC, 2014.

Les accrochages effectués chez Lisa se matérialisent au sein d’un même espace mais avec différents temps, c’est-à-dire au sein d’un même domicile, qui regroupe différents temps. Au cours de la même journée, les modules ont été une première fois accrochés sur le

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bar, puis au sol et sur le meuble télé. La peau de peinture permet la localisation tout en conservant sont caractère modulable et transportable, ainsi le module est mis au service du déplacement.

Figure 2: 60 peaux de peinture rouges, chez Lisa, Rambouillet, France, acrylique sur un bar, dimensions variées et variables, Radmila UROSEVIC, 2014.

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La construction et la déconstruction participent d’une volonté de modification de la forme globale que prendra l’œuvre, par ailleurs il s’agit d’être à même d’agir sur l’espace de manière rapide et efficace. En effet, chez Lisa, l’œuvre a été construite, déconstruite et reconstruite ensuite, de deux façons différentes et à des emplacements différents. C’est bien d’action dont il s’agit ici, la peinture se fait cyborg6, elle prend en compte les frontières tout

en étant capable de proposer une variabilité et une variété au sein de sa propre forme. Si l’on se focalise sur les différents modes d’habitation en zone urbaine, on observera une croissance de la location d’appartements meublés. Il s’agirait presque d’hôtels que l’on loue pour une durée d’un an, suggérant déjà dans le contrat de location que l’on va être amené à partir, à déshabiter, à se délocaliser. Nous séjournons donc dans l’habitat et, bien que les contrats de location de ces types de logements soient reconductibles, ils supposent d’ores et déjà que nous y séjournons pour une période déterminée.

On remarque depuis les années 1960-1970 au Japon, la formation d’un type d’hôtel optimisant l’espace en tous points, et prévu pour des durées de séjour très courtes, liées à la surpopulation de l’île japonaise, et au caractère aliénant du travail. Celui-ci forçant le salarié japonais presque exclusivement, à un déplacement du domicile au travail et du travail au domicile.

Ces hôtels, nommés « hôtels capsules » permettent au travailleur de se reposer, pour un prix abordable à son retour du travail s’il a manqué son train, ou après avoir trop bu après sa journée de travail avec ses collègues (pour la population masculine). Il s’agit de cellules

6Nous n’entendons pas ici par cyborg, cybernetic organism (organisme cybernétique), un être humain ayant reçu

des greffes de parties mécaniques visant à améliorer ses capacités, mais un organisme étant capable de se régénérer. Autrement dit le cyborg ainsi que le décrit Donna Harraway dans son manifeste, serait un organisme comparable à celui de la salamandre, qui tout en se régénérant admet une modification dans sa transformation. La régénération est la principale caractéristique du cyborg que nous souhaitons mettre en exergue.

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autonomes, dont le concept fut repris dans certains films de science-fiction, comme Le cinquième élément, comportant tout le confort nécessaire au citadin, avec même une télévision au plafond.

Ces hôtels capsules insistent sur l’espace privé nécessaire à la régénération de l’être humain et à son repos. Être privé de l’espace commun est un besoin humain, pour des raisons non seulement intimes, mais également pour des raisons réflexives. Ainsi l’avenir de l’espèce humaine serait dans la régénération, c’est par la régénération qu’il peut mieux penser et agir pour construire le monde de demain. La régénération est une des caractéristiques principales du cyborg. En effet, pour être cyborg il n’est pas utile de posséder des bras bioniques ou encore des prothèses artificielles, mais il suffit de se régénérer pour devenir plus puissant et « mieux pensant ». Aussi mon travail plastique abordera-t-il cette capacité de la peau de peinture à se régénérer, tout en étant capable

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d’admettre une modification, ou une évolution au fur et mesure de la production. Le modèle japonais, bien qu’il soit intéressant d’un point de vue pratique, prive l’être humain de toute dimension politique s’exerçant dans l’espace commun, comme on peut le retrouver dans la tradition architecturale européenne, s’organisant autour de la place. On observe également ce phénomène aux Etats-Unis, où l’espace commun est regroupé autour du centre commercial, qui insiste sur la consommation et donc les besoins vitaux de la vie humaine. L’être humain est réduit à sa condition de travailleur et de consommateur par la privation de sa condition d’animal social. L’individu et l’individualisme sont au centre des nouveaux modes de relation à l’espace, et bien que la liberté de circulation soit plus grande à notre époque, il semble que la liberté de mouvement se voit réduite à un simple déplacement linéaire et mécanique.

Le module pictural permet une réadaptation de l’œuvre et une modification perpétuelle de la forme globale que prend le groupement de peaux de peinture, il insiste sur la liberté de mouvement de l’être humain.

b) Pluralité7

Le caractère multiple des modules dans mon travail pictural, de même que sa dimension adaptable à différents espaces, est à mettre en relation avec la diversité sociétale et la pluralité existante parmi la communauté. En effet, le caractère démocratique premier de la société capitaliste, celui du respect de la pluralité, par la possibilité, par exemple de se

7 Cette sous-partie est inspirée principalement par les ouvrages de Hannah ARENDT : Qu’est-ce que la

politique ?, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 2001, et La crise de la culture, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2013.

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vêtir de différentes manières, parce qu’il y a plus de choix, semble remis en cause de nos jours. Nous nous intéresserons à la prolifération des éléments modulables dans l’espace de même qu’à la modification des lieux, par l’intermédiaire de cette seconde peau.

Les modules utilisés dans mon travail pictural relèvent d’un travail en série. Les différences avec le travail à la chaîne sont que ces peaux ne sont pas calibrées, et uniquement produites par une seule personne. La peinture n’est pas un produit, elle propose une nouvelle technique à mettre au service d’une plus grande mobilité spatiale et à une réflexion autour de l’essoufflement d’un système économique et social, qui pourtant se propage à travers le monde. Cette société atomisée qui nous est proposée, voit actuellement

Figure 4: Dots Obsession -New Century, 11 ballons, pois en vinyle, dimensions variables, Yayoi KUSAMA, 2000.

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échouer tout le système économique accompagnant cette politique de l’individualisme : le capitalisme. C’est en faisant proliférer une forme de base, la forme ronde, mais qui est à même de produire une variété propre à chaque module que nous mettons en évidence l’importance du respect de la pluralité, pour que le domaine politique, commun à tous les hommes subsiste. On retrouve dans le travail de Yayoi Kusama et dans ses dots (points, pois) cette volonté de mettre en espace la forme ronde, qu’elle attribue à la perte du moi dans une société où l’être humain n’est qu’un atome parmi les autres. Elle disperse les pois dans l’espace, mon travail quant à lui vise à les regrouper.

Figure 5: 32 peaux de peintures jaunes, chez Cindy, Herblay, France, acrylique sur lavabo, dimensions variées et variables, Radmila UROSEVIC, 2014.

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La dimension politique de mon travail se retrouve également dans le fait qu’elle s’insère dans l’espace architectural. L’architecture constitutive de la société, est créatrice

Figure 6: 37 peaux de peinture rouges, chez Cindy, Herblay, France, acrylique dans la douche, Radmila UROSEVIC, 2014.

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d’espace et co-détermine nos modes de vies. « L’architecture est une condition politique »8.

On l’a vu une architecture qui propose un itinéraire linéaire, et ne laisse pas libre court à la liberté de mouvement (comme dans le système japonais) empêche la vie politique. D’autre part, une architecture mettant en avant le centre commercial comme lieu de regroupement des individus, autour de la consommation comme il est d’usage aux Etats-Unis, focalise l’attention sur les besoins vitaux des individus au détriment de leurs besoins sociaux. On se rend compte que proliférer dans l’espace, sur un mode de regroupement de ces peaux de peinture, comme on le remarque dans les peaux installées dans une douche, ou encore sur un lavabo chez Cindy, invite à réfléchir à notre façon de nous regrouper dans lieu. La politique doit pouvoir se soucier de maintenir la pluralité, parce que sans pluralité il n’y a pas lieu de débat. Si l’abandon de la dimension politique de l’être humain se ressent actuellement c’est parce que le système le fait se focaliser uniquement sur ses besoins primaires, par l’intermédiaire de la consommation. Chacun semble être pris dans un système qui l’invite, non pas à penser collectivement et pour le bien de la collectivité mais à se mettre en concurrence avec l’autre. Chacun se bat pour survivre aujourd’hui, sans se soucier de construire un art de vivre pour demain.

D’autre part, une mise en commun des biens, comme celle proposée par Marx, est intéressante mais comporte une part de danger parce que là aussi elle vient nier le besoin de retrait de l’individu de la vie publique. L’échec du système communiste est rattaché à l’échec du capitalisme par le fait qu’il s’est concentré sur le caractère laborieux de l’être

8Benoît

GOETZ, La dislocation, « Architecture et philosophie », Paris, Les Editions de la Passion, 2002, p. 60.

Nous entendons par là qu’il ne peut y avoir de politique sans architecture. L’architecture nous invite à emprunter un itinéraire plutôt qu’un autre si ce n’est, nous force à nous mouvoir d’une certaine façon et donc à agir en conséquence. L’architecture parce qu’elle est créatrice d’espace, nous permet de nous ouvrir à des espaces laissant émerger l’acte politique, ou au contraire l’annihilant. C’est en fonction de l’espace que l’architecture va former, qu’elle va déterminer quel type de rapport nous entretenons avec l’espace, et quel genre de politique y sera menée.

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humain. On constate que dans les deux systèmes, l’être humain est à la fois travailleur et consommateur, le loisir se traduisant la plupart du temps par de la consommation, il est privé de sa dimension humaine. D’une part, le communisme nie les individualités (bien que le communisme en Yougoslavie se soit traduit de manière différente qu’en ex URSS) et donc la pluralité sociétale, et d’autre part, le capitalisme nie l’espace commun, en poussant l’être humain à ne rechercher que son individualité ; les deux systèmes nous privent de notre dimension politique, nécessaire à la vie en société. Ceci parce que les deux systèmes se focalisent sur la centralisation du pouvoir et la transformation de l’activité humaine en labeur.

La prolifération des peaux de peinture suggère par là qu’il n’y pas de politique sans espace, et que les arts plastiques doivent de nos jours, réfléchir à leur mode d’être à l’espace. L’œuvre d’art ne peut se passer d’espace, et là où réside la force, du travail de Felice Varini entre autres, est que l’œuvre est interdépendante de l’espace. Ce dernier nous propose différents points de vue sur l’œuvre, en l’insérant dans l’espace, mais nous oblige à chercher le bon point de vue afin de pouvoir voir l’œuvre dans sa totalité. L’œuvre dans ma démarche picturale invite à une réflexion autour de la dimension politique de l’œuvre d’art, qui se comprend mieux dans les arts vivants (danse ou théâtre). La perte du sens politique

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de l’œuvre plastique serait peut-être à mettre en parallèle avec le fait qu’elle soit un objet, assimilé à un produit de consommation.

On retrouve dans le travail de Miguel Angel Molina, cette critique de la société de consommation, par l’assimilation de l’œuvre au produit, lorsqu’il introduit ses ronds de peinture sous vide en supermarché. Ce dernier interroge dans ce travail à la fois la dimension sociale de l’œuvre d’art plastique, de même que l’impact que peut avoir le produit sur la société actuelle. L’œuvre est mobile dans l’espace tout en respectant la diversité des espaces de vie, et la pluralité des formes qu’elle recouvre.

.Pour une œuvre politique, nous nous distinguons du simple bien de consommation et nous proposons une multiplicité de la forme globale, qui se regroupe à chaque fois de manière différente dans l’espace.

Economie de l’œuvre

Figure 8: Peinture élémentaire (peinture acrylique sous vide) installation supermarché TIC-TAC Barcelone, Miguel Angel MOLINA, 1997.

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En second lieu nous nous intéresserons à la dimension économique de l’œuvre d’art. Après nous être intéressés à la mise en évidence du caractère politique de l’œuvre, par son insertion dans l’espace et sa dimension plurielle, nous tenterons de proposer une réflexion autour d’une nouvelle façon de concevoir l’économie artistique. La peinture nomade que nous proposons, permet de s’intéresser à la fois à la colonisation spatiale de la planète Terre par l’être humain, et à l’avancée massive d’un seul système économique. Ainsi, il semble important de réfléchir à la portée internationale de la peinture, et au caractère économique de l’art. L’artiste doit pouvoir de nos jours si ce n’est pouvoir immédiatement s’émanciper du marché de l’art, au moins réfléchir à de nouvelles façons de s’économiser. Nous partons du postulat que pour que l’art et l’artiste soient dans la vie, il faut qu’ils soient dans l’économie, et que si l’œuvre d’art est considérée de plus en plus, comme un bien de consommation de la vie courante, elle devrait alors être soumise au même régime d’imposition. En effet, l’œuvre est imposable sur le mode de la propriété intellectuelle, elle n’est pas soumise au même régime que le reste des produits consommables, pourtant le secteur artistique est sujet à spéculation financière. L’œuvre devenant un produit de luxe, et son coût indéterminé, l’argent tourne autour de l’immatériel. Il semble y avoir contradiction entre la façon dont l’objet d’art, appelons-le ainsi, est considéré et la façon dont il est taxé. Par ailleurs, le jeune artiste, qui comme tout être humain constitutif de notre société contemporaine est préoccupé par des contingences matérielles, est de plus en plus focalisé sur ses besoins élémentaires (se nourrir, se loger, …). Parce qu’on lui laisse peu de choix, l’artiste se voit contraint parfois d’abandonner la pratique artistique au profit d’un emploi alimentaire occupant la majeure partie de son énergie et de son temps, et créant une génération d’artistes stériles, c’est-à-dire improductifs. On retrouve encore cette relation à la

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société du travail, laquelle est sans cesse mise en avant par nos dirigeants. « C’est ce qui peut se produire dans un monde où les valeurs majeures sont dictées par le travail, autrement dit où toutes les activités humaines ont été transformées en travail. Dans de telles conditions, seul demeure le pur effort du travail, autrement dit l’effort pour se maintenir en vie, et le rapport au monde comme création humaine est brisé. »9 L’accroissement du

chômage n’est pas lié à la surpopulation ou à l’immigration, mais principalement à l’avancée des nouvelles technologies, nécessitant moins de main d’œuvre, et permettant de réduire les coûts de production.

Il y a ainsi épuisement de l’énergie créatrice au profit des contraintes matérielles premières, l’artiste comme tout autre être humain se verrait être alors bloqué au bas de l’échelle de la « pyramide de Maslow », ou pyramide des besoins, si une telle hiérarchie des besoins peut être réellement établie10. L’être humain et donc l’artiste, est un animal social,

autant que laborans (travailleur) ou homo faber (producteur).

9 Hannah ARENDT, Le système totalitaire, « Les origines du totalitarisme », Paris, Seuil, coll. « Points

Essais », 2005, p. 306.

10 Bien que l’apparente fixité de ces besoins puisse être nuancée par rapport à l’émergence des autres

besoins, voir illustration explicative. De plus, nous réfléchissons à une possible destruction de cette pyramide des besoins, dans une société émancipée du travail et de la consommation, une telle hiérarchie des besoins serait à reconsidérer.

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Les questions que nous aborderons seront celles d’une part, du lien social que peut établir l’œuvre par son insertion dans le quotidien et par son adaptation au globe et non pas au système global qui est le nôtre et d’autre part, de l’autonomie de l’artiste vis-à-vis du marché de l’art par l’intermédiaire de la coopération. Ce travail de recherche convoque le caractère social ou sociabilisant de l’artiste dans le monde contemporain, de même que sa place dans l’économie.

a) L’artiste voyageur

Figure 10 : Camminare Sull'aqua, travail in situ permanent, Cortone, Italie, Daniel BUREN, 2011.

Figure 9: Illustration de la pyramide des besoins selon Abraham MASLOW.

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L’avènement du peintre voyageur se retrouve, au-delà de la mobilité permise par le tube de peinture au XIXème siècle et la possibilité de travailler en extérieur, dans le travail de Daniel Buren et de Gérard Gasiorowski.

En effet, Buren par l’installation de ses bandes de 8,7 cm dans différents endroits du monde, et donc dans différents espaces, ouvre la voie vers la peinture nomade que nous souhaitons dans ce projet de recherche, développer à l’international. On remarque l’occupation du territoire à des endroits différents, et des pays différents, Buren travaille aussi bien en Italie qu’aux Etats-Unis, et bien évidemment en France. L’économie de moyen dont il use lui permet à la fois de s’installer dans n’importe quel espace mais aussi de proposer une œuvre multiple et extensible, dans le sens de l’étendue géographique et de la pluralité de son travail. C’est pourquoi son œuvre est réalisée in situ, dans le site, et s’insère dans l’espace architectural.

Figure 11: In situ Chase, banque de Manhattan, New-York, Etats-Unis, Daniel BUREN, 1982.

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En outre on retrouve une proposition de peinture nomade également dans l’œuvre Gasiorowski qui, quant à lui se tourne vers une fiction d’artiste, par l’intermédiaire de la création d’histoires faisant voyager le spectateur. Ce dernier s’expose en conteur, et expose les reliques en quelques sortes, de ses personnages fictionnels. Il utilise ses propres excréments mélangés à des herbes aromatiques, dans les Tourtes (1977), dont il attribue la création au personnage fictionnel de Kiga. Le jus des tourtes sera ensuite récupéré pour produire une série, les Jus.11 L’artiste met en place la création d’une civilisation, dont les

aventures, en plus d’être contées au sein de l’exposition sont traduites en dessins, peintures, sculptures. En outre, ces expositions-fictions qu’il nous propose sont le résultat d’une critique du marché de l’art, qu’il met en place quelques temps plus tôt en créant l’AWK, une fausse académie nommé Worosis Kiga (l’anagramme de son nom). Par ce biais il dénonce la soumission des artistes à un système dont il critique les codes. Il réalisera 500 chapeaux peints signés d’artistes célèbres, critiquant là encore, ses semblables. On observe dans ce travail la réalisation sérielle d’une image, de même qu’une notion d’entreprise découle de son académie fictionnelle.

Aussi, nous intéresserons-nous au caractère transportable de l’œuvre, et recyclable de mon travail pictural.

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b) Recycler

On l’a vu, le XXème et le XXIème siècle voient progressivement l’arrivée de l’artiste international, et le peintre voyageur trouve une solution à la contrainte de la pratique picturale, d’une part dans le travail sur le site, et d’autre part à travers la fiction d’artiste. Le travail in situ, permet de résoudre partiellement le problème du transport de l’œuvre, parce qu’il reste fixe à un endroit précis, il localise et se délocalise, mais sans « se recycler ». Par ailleurs, la fiction d’artiste permet d’aborder une autre façon de concevoir la peinture nomade, cette fois-ci en mettant en évidence le mouvement, le cycle d’une histoire qui se conte à différents endroits et qui donc se déplace. Cependant la fiction proposée dans l’œuvre de Gasiorowski n’aborde pas la question matérielle de l’œuvre d’art, et propose des œuvres organiques, éphémères, qui traversent le temps et l’espace de manière immatérielle. Cette prolifération d’œuvres éphémères au XXème et au XXIème siècles est à rattacher au consumérisme ambiant, qui vise à avaler toute forme de culture, par le « jetable ».

Figure 12: Les Classes, acrylique sur papier, 36 x 160 cm chacun, Académie Worosis Kiga, Gérard GASIOROWSKI, 1975-1980.

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Ma démarche picturale prend en considération le caractère matériel de l’œuvre en relation avec l’espace, de même qu’elle s’inspire de ces démarches internationales et nomades, en proposant une œuvre réutilisable et donc déplaçable. Le problème que pose la peinture nomade est celui du matériel soumis à des questions de transport, qui contrairement aux pratiques numériques s’adapte plutôt mal à ce monde en pleine mutation. On observe dans notre travail en peaux de peinture rouges, ce caractère d’une part modulable de l’œuvre au sein d’un même espace, mais également, son caractère transportable et transposable à différents espaces. Nous avons utilisé les mêmes peaux de peinture à Rambouillet et à Herblay.

La peinture mobile tiens donc compte du caractère matériel de l’œuvre d’art, et plus particulièrement pose les questions de la pertinence de la peinture sur support, dans une société internationale et mobile. Nous partageons avec le spectateur par l’intermédiaire de la matière tout comme l’espace nous permet la création du commun et du social, espace dans lequel nous vivons en tant qu’êtres humains, et sommes en lien en tant que mortels. C’est à la recherche d’un espace physique de liberté que la peinture nomade semble partir. En pénétrant dans le secteur privé de l’individu, elle invite à réfléchir au caractère obsolète de la propriété privée à l’heure actuelle.

D’autre part, la peau de peinture se régénère, elle est en effet réparable ou régénérable. Si un module vient à se briser ou se déchirer, il est facilement re-façonnable, non pas à l’identique mais il suffit de refaire se solidifier de la peinture acrylique de même couleur ou d’une autre couleur par-dessus. L’œuvre peut donc très bien être restaurée par son « propriétaire », par le spectateur, qui quant à lui peut être un intervenant de la transformation de l’œuvre. L’œuvre est donc transformable parce qu’elle permet une nouvelle production en fonction des accrochages et assemblages pour lesquels on opte,

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mais aussi dans sa matérialité, puisqu’il ne s’agit pas de rechercher la restauration à l’identique de l’œuvre. Nous recherchons bien sa réparation en vue d’une réutilisation ultérieure. Si on le désire on peut même prendre le prétexte de la réparation pour modifier la forme du module, le module de peau de peinture laisse une ouverture à toute action susceptible de le modifier. C’est pourquoi la peinture nomade est recyclable, non seulement par sa mobilité, mais aussi par son caractère régénérable.

Ainsi il semble que nous cherchons à nous orienter vers une œuvre pérenne qui puisse survivre à l’artiste. Par ailleurs, bien que mon travail soit une production de séries de modules, il n’insiste pas sur la reproduction mais plutôt sur la régénération de la matière. A une époque où nos ressources naturelles viennent à épuisement, il me semble que la régénération peut être une parade à la reproductivité et à la surproductivité. La régénération admet la modification, en effet, on observe déjà ce phénomène dans la nature. La salamandre se régénère suite à une blessure, qui peut être la perte d’un de ces membres. Cependant elle ne se régénère pas forcément à l’identique, le membre qui a repoussé peut être doublé, plus grand, plus puissant, on observe ainsi une constante possibilité de production. C’est pourquoi l’exemple de la salamandre pourrait être un modèle, pour une peinture cyborgienne.

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a) L’artiste : Animal social

Nous proposons dans cette démarche d’établir une peinture en kit, permettant le montage et le démontage de l’œuvre d’art par le spectateur même, mais également par l’artiste amené à se déplacer sur la surface planétaire. L’artiste Benjamin Sabatier utilise cette méthode lorsqu’il crée IBK, (International Benjamin’s Kit) inspiré par Ikea, et donc par le meuble en kit. Dans son travail de peinture en kit, avec lequel il fournit un mode d’emploi traduit en six langues, il propose au spectateur de monter l’œuvre avec un système de punaises. Il développe, par ailleurs le kit artistique sous différentes formes, n’utilisant pas uniquement le pictural. Mon travail artistique consiste en l’utilisation d’une production de matière picturale, que l’on peut dériver à l’infini, par l’intermédiaire d’une redéfinition de la technique picturale actuelle. Pour aller plus loin dans ce travail de recherche, nous nous orientons donc vers une peinture en kit, permettant à l’artiste de « travailler »12 d’une part à

12 Le terme « travailler » est entre guillemets parce que justement nous souhaiterions réfléchir à une société

libérée du travail et de sa dépendance à la propriété ainsi qu’aux contingences financières. Dans l’antiquité l’homme libre était celui qui ne travaillait pas, il pouvait ainsi se consacrer à son évolution spirituelle ainsi qu’à la redéfinition et la recherche d’un art de vivre. Ces réflexions pourraient mener à une autre mondialisation, sur un

Figure 13: Peinture en kit, avec mode d'emploi traduit en six langues, Benjamin SABATIER, 2003.

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la manière de l’artisan ou de l’architecte, et d’autre part de rétablir sa fonction sociale en étant à même de s’intégrer à l’économie. En s’inspirant du mécanisme collaboratif, nous nous orienterons vers la possibilité d’une économie au coût nul, ou quasi nul.

principe non plus simplement participatif mais coopératif. Pour le moment il s’agit simplement de questionnements, mais il serait intéressant de pouvoir développer ceux-ci en poursuivant une thèse de doctorat.

Figure 14: Peinture en kit, vue in situ, Galerie Jerôme de Noirmont, Paris, Benjamin Sabatier, 2003.

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Le module que nous avons mis en place, sur le modèle de la forme atomique, permet nous l’avons vu, une multitude de possibilités et une réutilisation de la matière première. Nous orientons cette démarche vers une mise au service de l’artiste et également du spectateur.

Figure 15: Peau d'or, en hommage à Lady Godiva, vue de l'exposition "Le chemin des rencontres", 40 peaux de peinture acrylique sur un mur courbé, Université Paris 8, Saint-Denis, France, 200 cm x 300 cm, Radmila

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Ce qui est important de mettre en exergue ici, c’est le caractère à la fois social et producteur de l’artiste par la fabrication de ses propres méthodes de création, et par la distribution de ses derniers à la communauté. Ainsi l’œuvre est ici réalisée pour servir à la fois l’économie de l’artiste mais également celle du spectateur. « En produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. »13.

Dans cet hommage à Lady Godiva, nous posons les jalons pour une peinture en kit. Cette œuvre a été réalisée à l’occasion d’un appel à projet pour une exposition parcours, basée sur un principe de mouvement et réunissant danseuses, performeuses, photographes, plasticiennes et plasticiens, autour d’une thématique : celle de l’hommage fait à une femme. Cet hommage pouvant être rendu à une femme du passé ou du présent, réelle ou fictionnelle, et consistant en une installation in situ,dans les murs de l’université Paris 8, à Saint-Denis. Il s’agit d’une exposition parcours (du 28 mars au 28 mai 2014), s’installant pour différentes journées et soirées, donc temporairement, dans l’espace de l’université, à l’occasion du quarantenaire du plus ancien Centre d’études féminines et d’études de genre en France. Dans ce travail, intitulé Peau d’or, j’ai souhaité rendre hommage à la figure mythique de Lady Godiva, qui fut maintes fois reprise dans l’histoire de l’art. Lady Godiva, selon la légende, fut l’épouse du maire de la ville anglaise de Coventry. Elle aurait fait un pari avec son époux, afin qu’il baisse les taxes qu’il prélevait à la population de sa ville. Si elle réussissait à gagner le pari, la population verrait ses impôts baisser. Elle traversa ainsi, la ville nue à cheval en guise de protestation et se mit par là, au service de son peuple. Cette figure de courage et d’audace, de même que le fait qu’elle puisse s’accorder avec l’autre sexe, en l’occurrence son époux, m’a semblé être en relation avec mon travail plastique

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comportant une dimension économique et politique, tout en étant étroitement reliée à la thématique féministe de cette exposition. La thématique féministe peut-être également rapprochée de mon travail en général, parce que celui-ci insiste sur la diversité sociétale (ici ce serait les genres) et son respect tout en admettant une égalité sociétale entre les individus, par l’intermédiaire du regroupement et de la collaboration. Cette œuvre fut réalisée en quarante morceaux de peaux de peinture de couleur dorée, rappelant l’art de l’icône orthodoxe et formant une figure féminine galopant à cheval, de 200 cm x 300 cm.

Le caractère monumental de cette œuvre renvoie à la mise au service de l’art à la communauté, de même qu’il invite le spectateur à faire corps avec l’espace pictural. Le public est invité à toucher l’œuvre, qui elle-même s’intègre à l’architecture puisqu’elle est présentée, dans un lieu de passage exigu, visible de loin ou de près et sur un mur courbé. Ce travail prend la forme de l’espace dans lequel il s’insère, par l’utilisation de la peau de peinture, et est démontable et remontable plusieurs fois par l’élaboration du système de kit. L’œuvre est accompagnée d’un sommaire plan de montage ou mode d’emploi, expliquant le sens de montage des parties la composant, dont chaque pièce est numérotée et classée avec soin.

Le tout est rangé dans un carton à dessin, de format A3, sur un système d’empilage, les morceaux étant séparés par des feuilles de plastique pour éviter la dégradation de la peinture. Cette obligation d’accrocher et de décrocher plusieurs fois la peinture, de même que le fait que je ne puisse pas être physiquement présente à chaque présentation du travail, m’a permis de nourrir ce projet de recherche en trouvant des solutions matérielles et économique, au service de la création. C’est à partir de ce projet que j’ai souhaité développer cette idée du plan, qui n’est pour ce projet qu’un outil rapidement exécuté et plastiquement inintéressant.

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Ce travail a été présenté le 28 mars 2014, ainsi que les 5, 21 et 27 mai 2014, à l’occasion de plusieurs journées d’études autour de la question du genre. Il a été installé par moi-même mais également par les assistants présents pour la manifestation, au cours des journées durant lesquelles j’étais absente. En travaillant le kit, nous donnons une autonomie à l’œuvre d’art et impliquons le spectateur, sur le principe du Do it yourself 14(fais le toi-même), inspiré

de la philosophie des années 1970. L’œuvre passe ainsi de l’espace privé à l’espace public et sort de sa dimension possessive, par le biais du partage, créant un lien social.

14 Qui devient le principe de base de notre projet collaboratif autour de la peinture nomade à travers le monde.

Nous le verrons plus amplement dans le second chapitre de cette partie.

Figure 16: Bandes enroulées, 11 peaux de peintures rouges en bandes regroupées sur un mur blanc, acrylique, dimensions variées, Radmila UROSEVIC, 2015.

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b) Une base commune

Le travail en kit que nous avons proposé en hommage à Lady Godiva, nous a permis de nous intéresser de plus près au caractère montable et démontable de l’œuvre d’art, par une personne externe, c’est-à-dire autre que l’artiste lui-même. C’est pourquoi c’est d’une part une première tentative de création de peinture en kit, mais également un cheminement vers une plus grande autonomie de l’œuvre d’art vis-à-vis de l’artiste. Enfin cette façon de concevoir l’œuvre d’art permet également d’admettre l’insertion du travail d’équipe au service de la création et de la transformation de l’œuvre. C’est pourquoi il m’a semblé important de faire évoluer mon travail vers une peinture en kit, mais qui cette fois-ci serait modulable. Ceci, afin de conserver le caractère pluriel et modifiable de l’œuvre à l’esthétique cyborgienne que nous souhaitons développer. C’est parce que le cyborg nous met à égalité, par sa capacité à faire se régénérer l’être humain (homme ou femme et quel que soit son origine ethnique), qu’il peut permettre une réflexion atteignant tous les domaines de la vie en société15.

La permutation proposé par Yona Friedman, dans son ouvrage L’architecture mobile, m’a permis de rassembler mon propos autour d’une base commune, celle du module rond. Cependant au sein même de cette base commune des diversités coexistent, comme des diversités existent au sein de la communauté humaine, qui a pour base le simple fait d’appartenir à la même espèce animale : l’espèce humaine. C’est pourquoi mettre l’accent sur le facteur changeant et échangeable de l’œuvre d’art au sein de ma pratique porte une double réflexion : d’une part sociopolitique et d’autre part économique. Il me semble que la société de l’assimilation dans laquelle nous vivons est un système qui prouve son échec au

15 Nous suggérons par là, que le cyborg peut-être le modèle pour une transformation géopolitique et

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jour le jour, tout comme le système communiste a pu échouer dans une certaine mesure, par le passé. L’éloge de l’Etat-nation n’a pu lieu d’être, en cette époque de globalisation et la diversité au sein d’un même pays devrait être respectée et même mise en évidence. On remarque dans les peaux de peinture en bandes enroulées et rassemblées dans l’espace, sous forme d’empilage, une volonté d’autant plus forte d’un constructivisme modulaire et modulable. Ces protubérances tenant en étant enfilées sur des clous, ne font que témoigner d’une multiplicité et de possibilités indéterminées qui constituent ma pratique picturale. On peut y retrouver un motif floral ou organique, qui vise à retrouver une forme à la fois naturelle mais aussi construite, de l’environnement dans lequel nous vivons. Il s’agirait de réfléchir à un écosystème qui sauvegarde l’espèce humaine. Tout comme des parcs naturels sont créés pour les animaux afin d’assurer leur confort et leur sauvegarde, on pourrait réfléchir à une nouvelle conception spatiale pour l’être humain.

Il me semble que lorsque l’on ne donne pas le droit de vote à des immigrés, qui pourtant participent à la vie politique et économique d’un pays, qui travaillent et paient des impôts, qui sont investis parfois dans la vie associative entre autres, cela revient à nier leur appartenance à la société. Si renouveler sa carte de séjour devient de plus en plus difficile, parce qu’on ne remplit pas les conditions nécessaires (d’emploi ou d’études) à la prolongation de son permis de séjourner, il me semble que se situer dans un pays dans lequel on n’est pas sûr et certain de pouvoir rester le temps que l’on voudra, ne fait qu’accentuer la mise à l’écart d’une catégorie de la population. Que ceci soit en France ou ailleurs. Être en transit n’est pas séjourner, c’est se trouver dans une zone neutre, dans laquelle on est doublement empêché de construire son futur et celui de la communauté de

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demain, à la fois parce qu’on se trouve dans une situation incertaine et donc précaire 16 mais

également parce que nous localiser dans un espace-temps neutre et indéterminé nous exclut de fait de la vie collective.

« D’avoir à retrouver un espace, à se restituer par rapport aux institutions de la vie privée (familiales, matrimoniales, domiciliaires, locales), à inventorier des formes d’épanouissement sur le mode du risque, à explorer d’autres styles de vie, c’est la source de débats, de recherches et de réactions, qui composent aujourd’hui une expression culturelle. »17 Pouvoir faire accéder chacun à la vie politique devrait être le combat de

demain, parce que l’expression culturelle ne pourra réellement se pérenniser qu’à travers l’action politique.

16 On peut mettre en relation ici également la population sans domicile fixe, qui ne cesse de croître, ou encore

celle des demandeurs d’emplois, dépendants de contrat précaires et mal rémunérés, qui sont pris en otage par la lenteur de l’administration. Ils se voient contraints d’accepter n’importe quoi, n’importe quand. Je dis bien n’importe quoi et n’importe quand, parce qu’ils doivent au plus vite subvenir à leurs besoins, et parce qu’ils sont également poussés par la culpabilité d’être sans emploi, plus que par le fait d’être sans emploi. En effet, les médias ne font que chercher à confronter les travailleurs et les non travailleurs, les uns sont glorifiés, les autres sont dévalorisés et on les culpabilise de leur inutilité sociale. Plus encore, on fait passer les chômeurs pour des « profiteurs » du système, qui ne gagne pas leur pain eux-mêmes mais sont nourris par le reste de la population, qui quant à elle travaille. On n’oublie cependant qu’avant d’être au chômage, il faut avoir travaillé, parce qu’il s’agit bel et bien d’une assurance que le salarié paie mensuellement par des cotisations, prélevées sur son salaire dans l’éventualité où il se retrouverait sans emploi.

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Figure 17: Peinture nomade, carte à partir d'un planisphère, marker noir, rouge et gommettes sur bâche, 131 x 238 cm, Radmila UROSEVIC, 2014.

Réflexions et tentative de traçage des expéditions des kits à travers le monde.

Œuvres expédiées à : Paris, Cork, Lisbonne, Belgrade, Ankara, Bangkok, Pise. Transmises à : Belgrade (2 fois), Londres, Tel Aviv, Paris, et en Bosnie (on ne connaît pas encore la ville).

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Aussi, mon projet part-il de cette base commune que nous possédons en tant qu’êtres humains, et s’exporte à travers le monde. C’est un projet composé de kits modulables, cherchant à s’exprimer par l’intermédiaire de différents contributeurs à travers le monde. Les kits comprennent tous une base de modules ronds, qu’ils soient monochromes ou non, de différentes couleurs et en nombre différents. Ils ont cependant tous, cette forme de base commune. Les kits ont été expédiés à différents endroits du monde, que nous avons retranscrits sur une carte, un planisphère18. Il ne s’agit pas réellement de suivre l’œuvre pour

le moment, mais de pouvoir se créer un tableau, ou un schéma aide mémoire, pour se souvenir des endroits où les kits on été envoyés. Le fait de placer des points sur une carte afin de mieux voir, m’a permis de développer d’autres pistes de recherches autour de cette peinture nomade. A la fois, chaque spectateur devient acteur du projet, parce qu’il accroche les modules de la manière dont il le souhaite au sein de son espace intime, mais il finit contributeur de mon projet, parce qu’il admet l’échange et le partage des points de vue sur l’œuvre. Aussi mon travail s’est-il spontanément orienté vers la cartographie et le territoire.

18 Ne figure pas sur le planisphère-schéma, le kit transmis à Nice, le projet continuant au fur et à mesure, le

dessin n’est pas à jour quand au suivi des kits. Je suis en train de réfléchir à une autre méthode de schématisation des envois. On retrouve les travaux des contributeurs sur le site créé à l’occasion de ce projet :

http://radmilaurosevic.wix.com/nomadart, ce site est encore en construction, c’est pourquoi tout n’est pas encore bien explicité et montré.

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Conclusion

Dans ce chapitre nous avons vu en quoi l’œuvre peut et doit être politique à travers son insertion dans l’espace architectural. Nous nous sommes interrogés sur la dimension économique de l’œuvre d’art, ainsi que sur son caractère pérenne. Cette réflexion autour de ma pratique picturale, m’a permis de mettre en exergue le caractère obsolète de la société de l’assimilation, qui est le modèle sur lequel est basé toute société occidentale. Mais aussi, de pouvoir comparer ce modèle à celui du communisme des pays de l’est, et plus

Figure 18: Exemple d'emballage d'un kit de peaux de peinture rouges et noires, kit envoyé à Lisbonne, Radmila UROSEVIC, 2014.

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précisément de m’intéresser à ce qui s’est passé dans les Balkans, en ex-Yougoslavie. La Yougoslavie littéralement « union des slaves du sud », (venant de Jug, signifiant en serbo-croate le Sud et de Slave (dérivé de Slava, renommée, gloire) s’est constitué au sortir de la première guerre mondiale. Ce pays, réunissant différentes régions du Sud-est de l’Europe, rattachées par leur histoire mais aussi par leur langue, s’est vu transformé par le communisme de Tito, au sortir de la seconde guerre mondiale. Ce système s’est effondré. Cependant, si l’on regarde de plus près ce qui s’est passé, on peut en conclure que c’est en partie parce que les diversités culturelles de ses habitants ont été balayées. Le pouvoir centralisé et le travail mis en avant comme instrument de libération de l’homme n’ont pas fait œuvre de force unificatrice, mais divisionniste. En effet, bien que le serbo-croate en tant que langue, se caractérise par un respect de la pluralité, puisque chacun est libre de le pratiquer et de l’écrire avec son accent, les diversités religieuses et culturelles au sein de ce même pays fabriqué de toutes pièces, n’ont su s’éteindre et ont conduit à la perte de ce système basé sur la collectivité. Il est important de regarder l’histoire et d’en apprendre quelque chose, de même qu’il me paraît important de savoir prendre du recul sur le présent, afin d’apprendre de ses propres échecs. Penser collectif est important si l’on veut pouvoir avancer, cependant il m’apparaît qu’il ne faut pas mettre pour autant entre parenthèses voir annihiler son individualité ou sa personnalité au profit de la communauté. Tout ceci peut-être dangereux, parce qu’on perd le sens de son identité. Aussi, semble-t-il que l’aliénation par le travail soit fondatrice de l’échec du système, mais également génératrice de l’aliénation par la société de consommation que l’on retrouve dans les sociétés capitalistes occidentales. La Yougoslavie a résisté à la Guerre Froide, n’étant ni du côté de l’Occident, ni de celui de l’Union soviétique. C’est un pays qui a toujours été autogestionnaire et indépendant des grandes forces dominants le monde. Les différences entre le système totalitaire soviétique et

Figure

Figure 2:  60 peaux de peinture rouges, chez Lisa, Rambouillet, France, acrylique sur un bar, dimensions variées  et variables, Radmila UROSEVIC, 2014
Figure 3: Vues de l'intérieur du Capsule Inn Osaka, datant de 1979, premier hôtel capsule, Osaka, Japon
Figure 4: Dots Obsession -New Century, 11 ballons, pois en vinyle, dimensions  variables, Yayoi KUSAMA, 2000
Figure 5: 32 peaux de peintures jaunes, chez Cindy, Herblay, France, acrylique sur lavabo, dimensions variées et variables,  Radmila UROSEVIC, 2014
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