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To cite this version:
Sylvain Machefert, B. Evellin. Wiki Loves Monuments. Un concours pour constituer une banque
d’images des monuments. 2015. �hal-01483530�
Wiki
Loves
Monuments
Un concours pour constituer
une banque d’images des monuments
Wiki Loves Monuments est un concours
photogra-phique mondial qui se déroule chaque année en
sep-tembre. Il vise à enrichir la présentation des
monu-ments historiques sur Wikipédia et dans la médiathèque
en ligne Wikimedia Commons. L’édition française du
concours, organisée par Wikimédia France depuis
2011, a permis à ce jour de collecter plus de 70 000
images, toutes géolocalisées. La quasi-totalité des
monuments historiques français disposent désormais
d’au moins une image sous licence libre.
BENOÎT ÉVELLIN ET SYLVAIN MACHEFERT
Membres bénévoles de l’association Wikimédia France
(1) [http://fr.wikisource.org]. (2) [http://fr.wiktionary.org]. (3) Pour des projets de coopération avec d’autres
chapters ou pour des projets
en lien avec la francophonie, par exemple le projet Afripédia qui a permis de diffuser en Afrique des versions de Wikipédia accessibles sans accès internet.
(4) Les métadonnées sont les éléments accompagnant le fichier : auteur, description, géolocalisation, etc. (5) [https://fr.wikipedia.org/wi ki/Projet:Monuments_historiq ues].
D
epuis 2011, Wikimédia France coordonne l’édition française de Wiki Loves Monuments, concours photographique orienté vers la production d’images de monuments historiques. Chaque année depuis la création de ce concours, ce sont plusieurs dizaines de milliers de photographies qui sont mises en ligne. Cet article se propose de reve-nir sur les enjeux de ce concours, les réussites, et les difficultés rencontrées par les organisateurs. La fondation Wikimedia, organisation située aux États-Unis, gère plusieurs projets en ligne, dont le plus connu est Wikipédia. Cette ency-clopédie, fondée en 2001, vise à mettre à la disposition de tous un savoir neutre, vérifiable et libre. Libre ? Oui, au sens où ses contenus sont librement réutilisables, quel que soit l’usage envisagé (reproduction à l’identique, transfor-mation, usage commercial…) pour en per-mettre la plus grande diffusion.À côté de Wikipédia, la fondation aide au développement d’une dizaine d’autres pro-jets, les projets Wikimedia. Parmi eux, on trouve : une bibliothèque de documents patri-moniaux (Wikisource(1)), un dictionnaire
(Wiktionnaire(2))… De tous ces projets, celui
qui nous intéresse au titre de cet article est Wikimedia Commons, médiathèque en ligne de documents audiovisuels. “Commons” est utilisée (entre autres) pour illustrer les articles des différents projets cités précédemment. Cette médiathèque contient, en août 2014, plus de vingt-deux millions de fichiers et continue à se développer.
Par ailleurs, afin de travailler au dévelop-pement des projets Wikimedia, la fondation reconnaît environ une quarantaine de
chap-ters, des associations locales dont le but est de
promouvoir les projets sur un territoire donné. Un des premiers chapters reconnu a été Wikimédia France, association pour le libre partage de la connaissance, qui compte aujour-d’hui trois cents membres (neuf salariés) qui soutiennent ces projets, principalement sur le territoire français mais aussi parfois à l’étran-ger(3).
SUJET DE PRÉDILECTION. Les monuments his-toriques ont toujours suscité l’intérêt des contri-buteurs des projets Wikimedia. Sur Wikimedia Commons tout d’abord, où la structure même des données autour des fichiers multimédias nécessite des éléments de qualité. Rapidement, pour les monuments français, la base Mérimée sert de référence pour identifier les images, et les éléments patrimoniaux protégés sont clai-rement indiqués dans les métadonnées(4)
accom-pagnant le fichier ou dans les catégories regrou-pant tous les clichés d’un même bâtiment.
Sur Wikipédia, les monuments historiques sont également un sujet de prédilection. En effet, chaque monument protégé fait l’objet d’une documentation ou d’une étude : ce sont les indispensables sources sur lesquelles les contributeurs se fondent pour rédiger les articles encyclopédiques. Les monuments historiques étant omniprésents sur le territoire français, ils constituent des sujets locaux, faciles à aborder pour les contributeurs. Créé en avril 2010 par quelques bénévoles pour coordonner les quelque six cents articles sur le sujet, le pro-jet(5)visant à coordonner les “wikipédiens”
autour des monuments historiques recense, à la mi-janvier 2015, plus de 17 330 articles et listes relatifs aux monuments eux-mêmes (mobilier et immobilier), à l’histoire et aux personnali-tés. Un sujet populaire !
L’intérêt pour le patrimoine n’est pas spéci-fique à la version francophone de Wikipédia, et plusieurs autres versions linguistiques déve-loppent des initiatives autour de ces thèmes. L’action qui conduit au lancement de Wiki Loves Monuments a lieu en 2009, lorsque Wikimedia Pays-Bas lance un concours photo Wiki Loves Art autour des œuvres d’art du pays. En un mois, 5 413 photographies sont versées sur Wikimedia Commons dans le cadre de cet événement. Forts de ce succès, les orga-nisateurs décident l’année suivante de recon-duire l’idée d’un concours photographique en proposant le projet Wiki Loves Monuments. La première édition est lancée dans le pays le 1erseptembre 2010 et conduit à la mise en ligne
d’autres pays européens qui choisissent de rejoindre le concours l’année suivante. L’édition 2011 voit la participation de dix-huit pays, parmi lesquels la France, et la mise en ligne de près de 170 000 images. Le développement se poursuit année après année pour atteindre, en 2013, plus de cinquante pays participants et la mise en ligne de 370 000 images. À la suite de ces développements, le concours est devenu, d’après le Guinness des records du monde, le plus grand concours photographique au monde(6).
LE CONCOURS EN FRANCE. En France, nous avons la chance de disposer d’une base de don-nées exhaustive et accessible, la base Mérimée(7).
Elle reprend notamment l’ensemble des monu-ments inscrits et classés au titre des monumonu-ments historiques. Cette base est désormais dispo-nible en open data sur la plate-forme gouver-nementale Data.gouv.fr. Au début du projet, ce n’était pas le cas : des bénévoles ont alors créé sur Wikipédia des listes de monuments de manière collaborative. Ces listes, départemen-tales et, pour certaines, communales, font toutes le lien avec la base du ministère, en y ajoutant des images, une adresse précise et une géolo-calisation. Au 15 août 2014, les listes de monu-ments historiques sur Wikipédia contiennent 44 032 monuments liés à Mérimée, dont plus de 94 % sont géolocalisés.
Cette géolocalisation donne une valeur importante à ces listes de données et permettent la création d’outils enrichis autour des monu-ments historiques(8). Pour l’organisation de
Wiki Loves Monuments, cela permet de pro-poser une carte dynamique des monuments à photographier dans une zone géographique choisie par l’utilisateur(9).
La création de cette base de monuments his-toriques a aussi été l’occasion de pointer des erreurs dans la base Mérimée (monuments mal localisés, illustrations erronées…). Ces erreurs, liées à l’histoire et aux difficultés du récole-ment, ont été listées par les bénévoles pas-sionnés, dans l’attente d’une éventuelle inté-gration à la base Mérimée(10). En dehors de ce
récolement simple, le public a également la
pos-sibilité de contribuer à la rédaction d’articles encyclopédiques à propos d’un patrimoine proche de chez lui. Une occasion d’impliquer plus largement la population, en la sensibili-sant aux monuments historiques et à leur conservation ?
DIFFICULTÉS JURIDIQUES.Wikimedia Commons se veut une base de contenus multimédias libres : une photographie qui se trouve sur ce site doit pouvoir être réutilisée par qui veut pour quelque usage que ce soit. L’ensemble des contenus publiés sur Wikimedia Commons est donc sous une licence libre permettant de partager, réutiliser, modifier, commercialiser les fichiers… sous la condition expresse de créditer leur auteur(11).
Pour permettre la publication de clichés sous licence libre, il est important que les œuvres représentées sur l’image ne soient pas elles-mêmes protégées par un droit d’auteur plus restrictif, de type “tous droits réservés”. Or, comme pour de nombreux États, le droit d’au-teur français stipule que les droits de l’aud’au-teur d’une œuvre s’éteignent soixante-dix ans après la mort de ce dernier, un délai qui conduit à occulter la diffusion de la plupart du patri-moine des XXeet XXIesiècles(12).
Dans certains pays, une exception au droit d’auteur, qualifiée de “liberté de panorama”, stipule que les œuvres installées de manière permanente dans un espace public se trouvent
ipso facto dans le domaine public : les
bâti-ments récents, les œuvres d’art public… Chacun peut les prendre en photo et en faire ce qu’il veut, sans limites. Ce n’est pas le cas en France où quelques procès nous rappellent que le droit d’auteur s’applique, et de nom-breuses personnes, participant de bonne foi aux différentes éditions de Wiki Loves Monuments, l’ont également découvert à leurs dépens lors de la suppression de leurs photos. Ainsi, 2011 fut une hécatombe pour les entrées de métro signées Hector Guimard, entré dans le domaine public depuis ; l’ossuaire de Douaumont, lieu fort de la Première Guerre mondiale et lauréat de Wiki Loves Monuments 2011, a été retiré de Wikimedia Commons pour ces mêmes raisons. Légalement, les
pho-(6) [http://www.guinnessworl drecords.com/records- 6000/largest-photography-competition]. (7) [http://www.culture.gouv.f r/culture/inventai/patrimoine]. (8) Voir par exemple l’application “Monuments historiques” développée par Antidot [http://labs.antidot.net/search ?afs:service=50005]. (9) Sur le site wikilovesmonuments.fr, rubrique “Outils”. (10) [https://fr.wikipedia.org/wiki/ Projet:Monuments_historique s/Base_Mérimée/erreurs]. (11) D’autres conditions peuvent s’appliquer. Globalement, les licences
Creative Commons libres,
celles en version CC0, CC-by ou CC-by-sa sont les plus utilisées. Rappelons que les licences empêchant la modification ou la commercialisation ne sont pas des licences libres ; et la simple mention de Creative
Commons ne garantit pas
une photo libre. Pour en savoir plus sur les licences libres, lire l’article sur Wikipédia [http://fr.wikipedia. org/wiki/Licence_libre].
(12) Voir Rémi MATHIS,
“Rendre aux Français leur paysage architectural”,
lemonde.fr,mis en ligne le 27 septembre 2011 [http://www.lemonde.fr/idees /article/2011/09/27/rendre- aux-francais-leur-paysage-architectural_1578046_3232 .html].
tos de ce bâtiment ne pourront être disponibles sous licence libre qu’en 2049(13). Un
amende-ment législatif visant à introduire la liberté de panorama en France a été proposé en novembre 2011(14), sans succès.
PLUS DE 70 000 PHOTOS.En trois ans de concours en France, ce sont 73 118 images qui ont été produites, dans le cadre de Wiki Loves Monuments, auxquelles s’ajoutent les presque 18 000 images de l’édition 2014(15).
Aujourd’hui, près des deux tiers des monu-ments historiques français disposent d’au moins une image sous licence libre, soit 28 401 au 25 août 2014, alors qu’il n’y en avait que 6 053 avant la première édition du concours. Un cer-tain nombre d’images sont arrivées en dehors du concours mais, dans la période de quatre ans comprise entre août 2010 et aujourd’hui, sur les 22 348 nouvelles illustrations de monu-ments, 9 054 sont arrivées au cours des trois mois de Wiki Loves Monuments(16). Si l’on
ajoute à cela l’intérêt porté aux monuments historiques par des contributeurs habitués de Wikipédia à la suite de ce concours, ou l’arri-vée de nouveaux contributeurs, on peut consi-dérer que celui-ci est une réussite.
Le grand public s’est également approprié les monuments lors de ce concours, en versant des photos de monuments de toutes sortes. Certains ont profité de Wiki Loves Monuments pour organiser des sorties photographiques en famille, d’autres ont très exhaustivement pho-tographié certains détails architecturaux (toute la statuaire des façades du Louvre est à pré-sent disponible sous licence libre) ou tous les monuments de leur ville ou, pour la Charente,
du département(17)! Parfois, de petites erreurs
se glissent dans les soumissions (combien de photos du Sacré-Cœur à Paris !), tel cet immeuble dans une ville du Nord, mitraillé par un lycéen : le monument n’était pas le bon, le participant ayant été trompé par une faute de frappe dans la base Mérimée, qui indiquait le numéro voisin ! Le lendemain, les photos du bon monument étaient proposées.
Un des objectifs de ce concours est aussi de faire venir de nouveaux contributeurs sur les projets, et ce point est plutôt satisfaisant. La visibilité qu’a le concours, à travers la mise en place de bandeaux d’annonce sur Wikipédia durant le mois de septembre(18), a permis
d’ame-ner en trois ans (pour l’édition française) près de 1 400 personnes à contribuer à Wikimedia Commons.
De manière générale, le concours Wiki Loves Monuments a eu un impact conséquent sur les projets, puisque aux alentours de 5 % des images existantes sur Wikimedia Commons ont été versées dans le cadre de cette campagne. Un pic notable de versements a été enregistré lors des éditions du concours.
PISTES DE DÉVELOPPEMENT. Les résultats encourageants des premières éditions nous ont amenés à renouveler l’expérience de ce concours pour 2014. Cependant, même si la diversité est au rendez-vous et que de nouvelles illustrations de monuments ont été ajoutées cette année, nous tendons vers une exhaustivité concernant les monuments accessibles, ce qui rend diffici-lement concevable la pérennisation du concours. Les monuments pour lesquels on ne dispose toujours pas d’illustrations sont
majoritaire-(13) [http://blog.wikimedia.fr/l ossuaire-de-douaumont- laureat-de-wiki-loves- monuments-retire-de-wikimedia-commons-6374]. (14) [http://blog.wikimedia.fr/libert e-de-panorama-le-debat-est-lance-3923]. (15) À la date de rédaction de cet article, les indicateurs définitifs ne sont pas encore définis, mais l’on sait déjà que les articles sur plus d’un millier de monuments ont pu être nouvellement illustrés lors de cette édition, portant le nombre total à 29 781 le 20 octobre 2014. (16) Septembre 2011, septembre 2012, septembre 2013. (17) Collaborativement certes, mais ce fut le premier département dont tous les monuments ont été photographiés. (18) Éditions 2011, 2012 et 2013.
Dans certains pays, une exception au droit d’auteur, qualifiée de
“liberté de panorama”, stipule que les œuvres installées de manière
permanente dans un espace public se trouvent ipso facto dans le
domaine public : les bâtiments récents, les œuvres d’art public…
Ce n’est pas le cas en France
ment ceux qui sont difficiles à photographier : mottes féodales perdues dans quatre-vingts hec-tares de forêt, monuments situés sur des ter-rains privés ou édifices dont la description est imprécise dans la base Mérimée, tout cela rend la localisation difficile voire impossible (c’est particulièrement vrai pour les monuments pro-tégés au début du XXesiècle, ou les monuments
datant de la Préhistoire).
Une piste de développement à laquelle nous réfléchissons serait de travailler à la valorisa-tion des monuments historiques sur les projets Wikimedia, à travers un concours de dévelop-pement d’articles sur Wikipédia par exemple. La limite de ce genre d’action réside dans la plus grande difficulté que représente la rédaction d’un article d’encyclopédie, comparée à la mise en ligne d’une image. Wikimédia France mène des actions dans ce sens, au travers d’ateliers à destination du grand public partout dans l’Hexagone, ou du “mois de la contribution(19)”
qui recense différentes actions proposées dans les pays francophones chaque année en octobre. Des groupes locaux de “wikimédiens”, en asso-ciation avec des musées ou des bibliothèques, proposent régulièrement des ateliers pratiques de contribution permettant aux habitants d’un territoire de s’approprier l’histoire et le patri-moine proches d’eux. Plusieurs partenariats ont été établis dans ce sens, entre Wikimédia France et, par exemple, la ville de Toulouse ou le dépar-tement de Loire-Atlantique. Autre piste pos-sible, valoriser le patrimoine avec les
profes-sionnels. À l’initiative de la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) Rhône-Alpes, des “wikipédiens” travaillent ainsi avec les ani-mateurs des Villes et pays d’art et d’histoire de leur région à la valorisation du patrimoine dont ils ont la charge.
Les autres pistes envisagées s’éloignent du patrimoine bâti. Une idée est de rejoindre le projet Wiki Loves Earth(20), dont la première
édition a eu lieu au printemps 2014. L’objet de ce concours est de valoriser, sur le modèle de Wiki Loves Monuments, le patrimoine naturel des pays participants. La France n’a pas parti-cipé cette année mais envisage de rejoindre le concours à l’année, en s’appuyant sur la liste des sites classés et inscrits(21). Un frein
rencon-tré en 2014 pour rejoindre ce projet est l’hété-rogénéité du traitement de ces sites sur Wikipédia (listes non harmonisées, articles incomplets…), mais nous espérons que ces limites auront disparu d’ici à l’année prochaine.
n n n
Chaque édition de Wiki Loves Monuments nous permet de confirmer la richesse du patri-moine historique comme sujet encyclopédique et l’intérêt du grand public pour ces monuments. La répartition de ces monuments historiques sur le territoire, associée à l’appropriation que s’en font les gens, permet à tous de participer à ce type de concours. Il faudra maintenant se renouveler, favoriser des thématiques particu-lières ou essayer de toucher un nouveau public pour que l’intérêt de ce concours perdure. n
(19) [https://fr.wikipedia.org/ wiki/Wikip%C3%A9dia:Mois_ de_la_contribution]. (20)[http://wikilovesearth.org]. (21) [https://fr.wikipedia.org/ wiki/Site_class%C3%A9_ou_ inscrit_%28France%29]. En 2013, c’est une image du pont Saint-Bénézet d’Avignon qui a remporté le concours français Wiki loves Monuments. C C -B Y-S A , C h iu g or an
La photo gagante de l’édition 2014 du concours français Wiki loves Monuments : un détail du vitrail de l’abbaye de Silvacane (commune de La Roque-d'Anthéron). C C -B y-S A 3 .0 , D d ev ez e
