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Comment des femmes précaires, habitant en milieu rural, perçoivent-elles leur suivi gynécologique ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

N° d'ordre :

ANNÉE 2017

THÈSE D'EXERCICE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1

sous le sceau de l’Université Bretagne Loire

Thèse en vue du

DIPLÔME D'ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE

présentée par

Anne-Hélène LE GALLIC

Née le 18 Juillet 1988 à PABU

Comment des femmes

précaires, habitant en milieu

rural, perçoivent- elles leur

suivi gynécologique ?

Thèse soutenue à RENNES

le 1

er

février 2017

devant le jury composé de :

Vincent LAVOUE

Professeur – Service de Gynécologie Obstétrique– CHU Rennes / Président

Ronan GARLANTEZEC

Maître de Conférence Universitaire -Service de Santé Publique et Epidémiologie – CHU Rennes / Assesseur

Emmanuel ALLORY

Maître de Conférence Associé - Médecine générale - Rennes / Assesseur

Laure FIQUET

Chef de Clinique Associé de Médecine générale- Rennes/ Directrice de thèse

(2)

PROFESSEURS UNIVERSITAIRES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section de CNU

ANNE-GALIBERT Marie Dominique Biochimie et biologie moléculaire BELAUD-ROTUREAU Marc-Antoine Histologie; embryologie et cytogénétique

BELLISSANT Eric Pharmacologie fondamentale; pharmacologie clinique; addictologie

BELLOU Abdelouahab Thérapeutique; médecine d'urgence; addictologie BELOEIL Hélène Anesthésiologie-réanimation; médecine d'urgence BENDAVID Claude Biochimie et biologie moléculaire

BENSALAH Karim Urologie BEUCHEE Alain Pédiatrie

BONAN Isabelle Médecine physique et de réadaptation

BONNET Fabrice Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques; gynécologie médicale

BOUDJEMA Karim Chirurgie générale BOUGET Jacques Professeur des Universités en

surnombre

Thérapeutique; médecine d'urgence; addictologie BOUGUEN Guillaume Gastroentérologie; hépatologie; addictologie BOURGUET Patrick Professeur des Universités

Emérite

Biophysique et médecine nucléaire BRASSIER Gilles Neurochirurgie

BRETAGNE Jean-François Gastroentérologie; hépatologie; addictologie BRISSOT Pierre Professeur des Universités en

surnombre

Gastroentérologie; hépatologie; addictologie CARRE François Physiologie

CATROS Véronique Biologie cellulaire

CATTOIR Vincent Bactériologie-virologie; hygiène hospitalière CHALES Gérard Professeur des Universités

Emérite

Rhumatologie

CORBINEAU Hervé Chirurgie thoracique et cardiovasculaire

CUGGIA Marc Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication

(3)

PROFESSEURS UNIVERSITAIRES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section de CNU

DAUBERT Jean-Claude Professeur des

Universités Emérite Cardiologie

DAVID Véronique Biochimie et biologie moléculaire DAYAN Jacques Professeur des Universités

associé, à mi-temps

Pédopsychiatrie; addictologie DE CREVOISIER Renaud Cancérologie; radiothérapie

DECAUX Olivier Médecine interne; gériatrie et biologie du vieillissement; addictologie

DESRUES Benoît Pneumologie; addictologie DEUGNIER Yves Professeur des Universités

en surnombre

Gastroentérologie; hépatologie; addictologie

DONAL Erwan Cardiologie

DRAPIER Dominique Psychiatrie d'adultes; addictologie DUPUY Alain Dermato-vénéréologie

ECOFFEY Claude Anesthésiologie-réanimation; médecine d'urgence

EDAN Gilles Neurologie

FERRE Jean Christophe Radiologie et imagerie Médecine FEST Thierry Hématologie; transfusion

FLECHER Erwan Chirurgie thoracique et cardiovasculaire FREMOND Benjamin Chirurgie infantile

GANDEMER Virginie Pédiatrie

GANDON Yves Radiologie et imagerie Médecine GANGNEUX Jean-Pierre Parasitologie et mycologie

GARIN Etienne Biophysique et médecine nucléaire GAUVRIT Jean-Yves Radiologie et imagerie Médecine GODEY Benoit Oto-rhino-laryngologie

GUGGENBUHL Pascal Rhumatologie GUIGUEN Claude Professeur des Universités

Emérite

(4)

PROFESSEURS UNIVERSITAIRES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section de CNU

GUILLÉ François Urologie

GUYADER Dominique Gastroentérologie; hépatologie; addictologie HOUOT Roch Hématologie; transfusion

HUGÉ Sandrine Professeur des Universités associé

Médecine générale HUSSON Jean-Louis Professeur des

Universités Emérite

Chirurgie orthopédique et traumatologique JEGO Patrick Médecine interne; gériatrie et biologie du

vieillissement; addictologie JEGOUX Franck Oto-rhino-laryngologie JOUNEAU Stéphane Pneumologie; addictologie

KAYAL Samer Bactériologie-virologie; hygiène hospitalière KERBRAT Pierre Cancérologie; radiothérapie

LAMY DE LA CHAPELLE Thierry Hématologie; transfusion

LAVIOLLE Bruno Pharmacologie fondamentale; pharmacologie clinique; addictologie

LAVOUE Vincent Gynécologie-obstétrique; gynécologie médicale LE BRETON Hervé Cardiologie

LE GUEUT Mariannick Professeur des Universités en surnombre

Médecine légale et droit de la santé LE TULZO Yves Réanimation; médecine d'urgence LECLERCQ Christophe Cardiologie

LEDERLIN Mathieu Radiologie et imagerie Médecine LEGUERRIER Alain Professeur des

Universités en surnombre

Chirurgie thoracique et cardiovasculaire LEJEUNE Florence Biophysique et médecine nucléaire

LEVEQUE Jean Gynécologie-obstétrique; gynécologie médicale LIEVRE Astrid Gastroentérologie; hépatologie; addictologie MABO Philippe Cardiologie

MENER Eric (Professeur associé des universités de MG)

(5)

PROFESSEURS UNIVERSITAIRES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section de CNU

MEUNIER Bernard Chirurgie digestive

MICHELET Christian Maladies infectieuses; maladies tropicales MOIRAND Romain Gastroentérologie; hépatologie; addictologie MORANDI Xavier Anatomie

MOREL Vincent (Professeur associé) Thérapeutique; médecine d'urgence; addictologie MORTEMOUSQUE Bruno Ophtalmologie

MOSSER Jean Biochimie et biologie moléculaire MOURIAUX Frédéric Ophtalmologie

MYHIE Didier (Professeur associé des universités de MG)

Médecine générale

ODENT Sylvie Génétique

OGER Emmanuel Pharmacologie fondamentale; pharmacologie clinique; addictologie

PARIS Christophe Médecine et santé au travail PERDRIGER Aleth Rhumatologie

PLADYS Patrick Pédiatrie

RAVEL Célia Histologie; embryologie et cytogénétique RIFFAUD Laurent Neurochirurgie

RIOUX-LECLERCQ Nathalie Anatomie et cytologie pathologiques ROBERT-GANGNEUX Florence Parasitologie et mycologie

ROPARS Mickaël Chirurgie orthopédique et traumatologique SAINT-JALMES Hervé Biophysique et médecine nucléaire

SEGUIN Philippe Anesthésiologie-réanimation; médecine d'urgence SEMANA Gilbert Immunologie

SIPROUDHIS Laurent Gastroentérologie; hépatologie; addictologie SOMME Dominique Médecine interne; gériatrie et biologie du

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PROFESSEURS UNIVERSITAIRES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section de CNU SULPICE Laurent Chirurgie générale

TADIÉ Jean Marc Réanimation; médecine d'urgence

TARTE Karin Immunologie

TATTEVIN Pierre Maladies infectieuses; maladies tropicales TATTEVIN-FABLET Françoise (Professeur

associé des universités de MG)

Médecine générale THIBAULT Ronan Nutrition

THIBAULT Vincent Bactériologie-virologie; hygiène hospitalière THOMAZEAU Hervé Chirurgie orthopédique et traumatologique TORDJMAN Sylvie Pédopsychiatrie; addictologie

VERHOYE Jean-Philippe Chirurgie thoracique et cardiovasculaire

VERIN Marc Neurologie

VIEL Jean-François Epidémiologie, économie de la santé et prévention VIGNEAU Cécile Néphrologie

VIOLAS Philippe Chirugie Infantile

WATIER Eric Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, brûlologie

(7)

MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section de CNU

ALLORY Emmanuel (MC associé - MG) Médecine générale AME-THOMAS Patricia Immunologie

AMIOT Laurence (Baruch) Hématologie; transfusion

BARDOU-JACQUET Edouard Gastroentérologie; hépatologie; addictologie BEGUE Jean-Marc Physiologie

BOUSSEMART Lise Dermato-vénéréologie CABILLIC Florian Biologie cellulaire

CAUBET Alain Médecine et santé au travail DAMERON Olivier Informatique

DE TAYRAC Marie Biochimie et biologie moléculaire DEGEILH Brigitte Parasitologie et mycologie DUBOURG Christèle Biochimie et biologie moléculaire DUGAY Frédéric Histologie; embryologie et cytogénétique EDELINE Julien Cancérologie; radiothérapie

GALLAND Françoise Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques; gynécologie médicale

GARLANTEZEC Ronan Epidémiologie, économie de la santé et prévention GOUIN Isabelle épouse THIBAULT Hématologie; transfusion

GUILLET Benoit Hématologie; transfusion HAEGELEN Claire Anatomie

JAILLARD Sylvie Histologie; embryologie et cytogénétique KALADJI Adrien Chirurgie vasculaire; médecine vasculaire

(8)

MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS

Nom Prénom Sous-section CNU

LAVENU Audrey Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques

LE GALL François Anatomie et cytologie pathologiques

LEMAITRE Florian Pharmacologie fondamentale; pharmacologie clinique; addictologie

MAHÉ Guillaume Chirurgie vasculaire; médecine vasculaire MARTINS Pédro Raphaël Cardiologie

MATHIEU-SANQUER Romain Urologie MENARD Cédric Immunologie

MOREAU Caroline Biochimie et biologie moléculaire MOUSSOUNI Fouzia Informatique

PANGAULT Céline Hématologie; transfusion RENAUT Pierric (MC associé - MG) Médecine générale

ROBERT Gabriel Psychiatrie d'adultes; addictologie SAULEAU Paul Physiologie

SCHNELL Frédéric Physiologie THEAUDIN Marie épouse SALIOU Neurologie

TURLIN Bruno Anatomie et cytologie pathologiques

VERDIER Marie-Clémence (Lorne) Pharmacologie fondamentale; pharmacologie clinique ; addictologie

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Remerciements Au Président de jury

Monsieur le Professeur Vincent Lavoué,

Vous me faites l’honneur de présider cette thèse. Je vous remercie sincèrement pour l’attention que vous portez à ce travail.

Aux membres du jury

Monsieur le Docteur Ronan Garlantezec

Vous me faites l’honneur de juger cette thèse. Pour l’intérêt que vous y portez, je tiens à vous remercier et à vous témoignerma gratitude.

Monsieur le Docteur Emmanuel Allory

Vous me faites l’honneur de juger cette thèse. Soyez assuré de ma reconnaissanceet de toute ma considération pour votre implication dans notre formation.

Madame le Docteur Laure Fiquet

Je te remercie pour ton soutien, ton enthousiasme, ta disponibilité au cours de ces derniers mois.

Tu as su à chacune de nos rencontres, apporter un éclairage sur mon travail, me guider, je t'en remercie sincèrement.

Aux professionnels de santé et travailleur sociaux qui ont collaboré à ce travail : Dr Mahé, Dr Alias et Mme Digabel (PMI), Mme Bruand, Mme Carsin (planning familial).

Aux femmes qui ont accepté de participer aux entretiens, je les remercie du temps et de la confiance qu'elles m'ont accordés et de leur accueil quand l'entretien se déroulait à leur domicile.

A ma famille,

A mes parents, pour votre soutien inconditionnel au cours de ces années d'études. A mes frères, Benoît et Thomas pour ton soutien, ta précieuse relecture.

A mes grands-parents, Félix et Monique.

A Erwan,

Pour avoir été à mes côtés au cours de ces dix années. A notre nouvelle vie à Kerscoen.

A Michel et Yolande,

Pour votre soutien et votre accueil à Lislec'h.

A Aline, Anne, Joanne,

mes fidèles amies qui de près ou de loin, répondent toujours présentes depuis tant d'années.

A mes amis rencontrés au cours de ces années d'études : Maud, Marine, Lise,

Julie, Lucile et Ronan, Armelle, Adeline, Mathilde.

A l'ensemble de mes maîtres de stage pour la transmission de leurs connaissances et de leur

expérience. Je remercie tout particulièrement Michel, Elisabeth, Fanny, Anne-Hélène, Daniel et Nathalie.

(10)

Table des matières

Introduction ………...p. 11 Méthode ………..p. 13 Ⅰ Type d’étude et collection des données ……….p. 13 Ⅱ Guide d'entretien ………..p. 13 Ⅲ Analyse des données ………p. 14 Ⅳ Fiabilité des données et considérations réglementaires ………...p. 14

Résultats ……….p. 15 I La population d'étude ………p. 15

1 Les caractéristiques de la population ………...p. 15

2 Des parcours de vie complexes ………p. 15

3 La perception du territoire ………p. 16 II Un faible recours aux soins………p. 17

1 La santé n'est pas une priorité ………..p. 17 2 Un faible recours ou un renoncement aux soins ………..p. 17

III Un suivi gynécologique aléatoire ………p. 19

1 La grossesse, un moment privilégié pour initier le suivi ……….p. 19

2 Les représentations du suivi gynécologique ………p. 19

3 Les freins au suivi gynécologique: la mobilité, l'organisation des rendez-vous de suivi, l'absence de médecin référent………p. 20

4 La perception des dépistages des cancers féminins………p. 21

IV L'impact de la relation de soin………..p. 22

1 L'influence de relation de soin sur le suivi……….p. 22 2 L'expression d'une méfiance vis-à-vis du corps médical ………..p. 23

V La place du médecin généraliste dans le suivi gynécologique………p. 24 Discussion ………p. 26 I Les forces et limites de l'étude……….p. 26 II Le constat d'un renoncement aux soins……….p. 27 III Contourner l'obstacle de la mobilité limitée, frein au suivi gynécologique régulier………..……...….p. 28 III Le rôle clé de la communication et de la délivrance d'informations sur le suivi gynécologique au cours de l'accompagnement des femmes ………...……….p. 29 Conclusion ………...p. 31 Bibliographie ……….…………..p. 32 Tableaux ……….…………..p. 35 Annexes ……….……….…...p.39

Annexe 1 : Descriptif de l'étude ………..…..p.39 Annexe 2 : Formulaire de consentement ………..….p.40 Annexe 3 : Guide d'entretien……….…….p.41 Annexe 4 : Score EPICES……….…….p.42

(11)

Introduction

La réduction des inégalités de santé apparaît comme un objectif des politiques de santé publique actuelles. Si la santé des femmes est marquée par une espérance de vie plus élevée que celle des hommes et par des inégalités de santé moins fortes comparativement aux hommes (1), les femmes les plus précaires auront moins recours aux soins (2).

La précarité peut être définie comme « un état d'instabilité sociale caractérisé par l'absence d'une ou de plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux personnes et aux familles d'assurer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux » (Wrezinski, 1987) (3). On estime qu'un quart de la population générale est en situation précaire et présente de ce fait des difficultés d'accès à la prévention et aux soins.

Le score EPICES est un indicateur socio-économique qui permet d’étudier les déterminants psycho-sociaux des inégalités de santé (4). Il a été construit en 2006 à partir de l'analyse de questionnaires proposés à des personnes consultant en Centre d'Examens de Santé. L’absence de suivi gynécologique semble être corrélé au résultat du score (3).

Lorsqu’on s’intéresse à la santé reproductive, le recours aux actes de prévention est marqué par la hiérarchie sociale. Le suivi gynécologique des femmes en dehors des grossesses est axé sur la contraception, la participation aux dépistages des cancers du sein et du col de l'utérus, et les motifs aigus de consultation tels que les douleurs pelviennes, les infections sexuellement transmissibles. À l’échelle mondiale, le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme mais le premier en termes de mortalité (5). En France, avec 2820 cas et 940 décès estimés pour l’année 2010 (6), le cancer du col de l’utérus se situe au douzième rang des cancers chez la femme par sa fréquence et au quinzième rang par sa mortalité. Le niveau socio-économique a un impact démontré sur la mortalité (7).

Les recommandations de la HAS préconisent un Frottis Cervico-Utérin (FCU) à un rythme triennal chez les femmes de 25 à 65 ans après deux FCU normaux à un an d'intervalle (5). Le dépistage du cancer du col de l'utérus (CCU) est un dépistage opportuniste, contrairement aux dépistages du cancer du sein et du colon, qui sont des dépistages organisés. Cela signifie que la population est recrutée lors d’un recours au soin (recrutement passif) et il en résulte une inégalité d’accès (8). Le dépistage est efficace si le taux de participation est élevé. Le taux de couverture de FCU dans la population couverte par le régime général entre 2006 et 2008 était de 56,8% (9). Il est moins élevé dans la population précaire. En 2014, lors d'une étude portant sur le dépistage du cancer du col de l'utérus

(12)

chez les femmes en grande précarité, il est constaté que seul 33,1 % des femmes de 25-65 ans interrogées pour cette enquête déclarent avoir fait un frottis cervico-utérin au cours de leur vie (10). Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme en France. Il représente 33 % de l’ensemble de tous les cancers incidents chez la femme, et 60 % des nouveaux cas de cancer du sein surviennent chez les femmes âgées de 50 à 74 ans (11). Le nombre de nouveaux cas de cancer du sein a été estimé en 2012 à 48 763 (12). Dans le cadre du dépistage du cancer du sein, il est recommandé de pratiquer une mammographie tous les deux ans de 50 à 74 ans en l'absence de facteur de risque individuel (13). Le taux de participation au dépistage organisé en 2009-2010 est de 52,1 % (13). Les femmes en situation de précarité y participent peu. Dans une enquête de Médecins du Monde, auprès d'une population de femmes en grande précarité, 71 % des femmes de 50-74 ans déclarent n’avoir jamais réalisé de mammographie (10).

Les femmes précaires ont également moins recours à la contraception (14), pour de multiples raisons : raisons financières, convictions morales ou religieuses ou par méconnaissance des dispositifs existants (15).

Plusieurs études s'intéressent aux liens entre inégalités sociales et suivi gynécologique (16). Les lieux de recrutements de ces études sont le plus souvent urbains. Peu d'études concernent le suivi gynécologique de la population précaire en milieu rural.

La Communauté de communes du Kreiz Breizh appartient au pays du Centre Ouest Bretagne et comprend 25 communes, réparties sur 4 cantons du sud-ouest des Côtes d’Armor. Une partie de la population du territoire est en situation de précarité. Les bassins de vie situés en Centre Bretagne figurent parmi les plus pauvres de France (17). Une étude réalisée en 2012 s'est intéressée aux parcours de soins des femmes enceintes dans ce territoire. Ce travail a mis en évidence l'importance à accorder à l'environnement socio-économique des femmes lors du suivi de grossesse (18).

Nous avons choisi de nous intéresser à la perception des femmes en situation de précarité dans le territoire de la Communauté des Communes du Kreiz Breizh de leur santé et en particulier de leur suivi gynécologique, en dehors de la grossesse.

(13)

Méthode

1 - Type d’étude et collection des données

Il s'agit d'une étude qualitative. Le recueil des données s'est fait à partir d'entretiens semi-directifs. La population d'étude comprend les femmes de 18 ans à 65 ans résidant sur la communauté des communes du Kreiz-Breizh.

Plusieurs lieux de recrutement ont été sélectionnés dans un objectif d'échantillons variés : le cabinet médical de Saint-Nicolas-du-Pélem, le Planning familial de Rostrenen, le Centre Médico-Psychologique de Rostrenen, la Maison du Département (MDD) de Rostrenen, l'unité de Protection Maternelle Infantile de Rostrenen, Le Groupe d'Entraide Mutuelle de Rostrenen, la structure associative Ti Recup.

L'accord de chaque responsable ou professionnel de ces structures a été demandé afin de proposer aux femmes fréquentant ces lieux, de participer à l'étude. La plupart d'entre eux ont été rencontrés afin de leur décrire le déroulement et les objectifs de l'étude.

Un descriptif de l'étude était mis à disposition des professionnels de ces structures en format papier (Annexe 1).

L'étude s'intéressant particulièrement aux femmes présentant des critères de précarité ou de vulnérabilité, nous nous sommes appuyées sur l'expérience et les connaissances des professionnels de santé et sociaux du territoire pour nous adresser aux femmes concernées.

Au planning familial, la sage-femme du planning familial proposait aux jeunes filles majeures de participer à l'étude. Leurs coordonnées étaient prises et elles étaient recontactées pour fixer un rendez-vous.

Le Groupe d'entraide Mutuelle est une structure associative. Nous nous sommes rendus sur place pour parler de ce travail et certains membres de l'association se sont portés volontaires pour participer d'emblée aux entretiens.

Lors d'une journée à la PMI de Rostrenen, lors des consultations d'une puéricultrice et du médecin, il était proposé aux femmes consultant, après description succincte de l'étude de fixer une date pour l'entretien si elles étaient volontaires. Deux entretiens ont été réalisés le jour-même.

Après rencontre d'une assistante sociale de la MDD, celle-ci a proposé à quatre femmes qu'elle accompagne de participer à l'étude. Ces quatre femmes ont été contactées par téléphone afin de leur décrire le principe de l'étude et fixer une date d'entretien.

2 - Guide d’entretien (Annexe 3)

Un entretien exploratoire a été réalisé auprès d'une sage-femme du planning familial, un second a été réalisé auprès d'un médecin généraliste de Saint-Nicolas-du-Pélèm, ayant des vacations au Centre de

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Planification familial. A la suite de ces deux entretiens et après étude de la littérature, un guide d'entretien a été élaboré.

Un formulaire de consentement était donné aux participantes. Elles ont été informées du caractère anonyme et confidentiel des données recueillies. Elles étaient informées de la durée prévisible de l'entretien, des objectifs de l'étude. Les entretiens étaient réalisés à domicile pour les femmes qui ne pouvaient se déplacer ou au sein des lieux de recrutement, grâce à la mise à disposition de bureaux. L'entretien était semi-dirigé. En fin d'entretien, les onze questions du score de précarité EPICES étaient posées afin d'objectiver si la participante présentait des critères de précarité.

3 - Analyse des données

Le contenu des entretiens a été retranscrit intégralement après écoute des fichiers audio créés lors des entretiens. L'ensemble des données obtenues a été anonymisé. L'analyse du verbatim a été effectuée par deux chercheurs, de façon indépendante. Elle a été conduite selon la méthode de la théorisation ancrée. Le codage a consisté en un regroupement, en unités de sens minimales, des mots et phrases employés par les participantes. Les unités de sens ont ensuite été assemblées en sous-catégories, en catégories et enfin en thèmes. Ce processus a été répété afin d'aboutir à un codage homogène. Les entretiens, analysés au fur et à mesure, ont été poursuivis jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de nouvelles données identifiées dans le dernier entretien.

4 - Fiabilité des données et considérations réglementaires

La triangulation des sources (matériel audio et écrit) et le processus d’analyse des données ont impliqué les deux chercheurs. Les participantes étaient volontaires. Elles signaient un formulaire de consentement pour l’enregistrement de l’entretien et l’utilisation des données de façon anonyme avant le début de l’entretien (Annexe 2).

Le conseil du Département de Médecine Générale a validé le projet. L’avis du comité d’éthique n’a pas été demandé puisqu’il s’agissait d’une étude observationnelle et que l’ensemble des données était anonyme (19).

(15)

Résultats

I- La population d'étude

1- Les caractéristiques de la population (tableau 1)

La population d'étude comportait quatorze femmes âgées de 18 à 62 ans. Leur moyenne d'âge était de 37 ans. Six de ces femmes étaient sans emploi. Trois des quatre femmes qui avaient un emploi estimaient que leurs revenus étaient insuffisants pour assurer leurs besoins élémentaires (auxiliaire de vie à temps partiel, assistante maternelle, entrepreneuse dans l'artisanat d'art). Une des femmes interrogées était retraitée. Trois d'entre elles étaient étudiantes.

¨Parmi les quatorze femmes, quatre étaient propriétaires de leur logement. Quatre des quatorze femmes résidaient dans un chef-lieu de canton (accès aux services facilité).

Dix des quatorze femmes ayant participé à l'étude avaient un score EPICES supérieur à 30 (compris entre 31,95 et 83,43), c'est-à-dire définies comme précaires. Les autres femmes avaient un score compris entre 6,51 et 23,07. Ce seuil de 30 a été choisi car lors d'une étude en 2007 sur une population de 197 389 consultants en Centre de santé, étaient considérés comme précaires les sujets appartenant aux 4e et 5e quartiles, c’est-à-dire ayant un score EPICES supérieur à 30. Il s’agissait de personnes dont les indicateurs socio-économiques et de santé étaient les plus défavorables (3).

La femme ayant le score EPICES le plus bas (6,51) n'avait pas de critère de précarité. Il s'agissait d'un des premiers recrutements en PMI, les professionnels de santé lui ont proposé de participer à l'entretien sans prendre en compte son statut socio-économique. L'entretien a été effectué. Il a été choisi de l'analyser et de ne pas exclure cette femme de la population d'étude. Les trois autres femmes qui présentaient des scores EPICES inférieurs à 30 étaient étudiantes et dépendaient de leurs parents. Le score EPICES pour ces trois personnes étaient peu pertinents pour évaluer leur précarité.

2- Des parcours de vie complexes

Parmi les femmes rencontrées, plusieurs évoquaient des parcours de vie chaotiques marqués par une enfance difficile (placement en famille d’accueil, exclusion du foyer familial à l’adolescence).

Une femme rapportait ainsi son placement en famille d’accueil à l’âge de 12 ans :« c'est ma mère qui

a habité avec moi jusqu'à mes douze ans. (…), moi je m'occupais de ma sœur et de mon frère, (…) ma sœur est atteinte du Syndrome de Rett. Ça se passait pas trop mal mais apparemment ça se fait pas que ça soit une petite fille qui s'occupe de son frère et de sa sœur donc au bout d'un moment on s'est fait remarquer. Et puis du coup moi je suis partie en famille d'accueil. Ma mère était dépendante de médicaments, elle se faisait faire des fausses ordonnances, qu'elle me faisait aller chercher à la pharmacie, et puis après elle dormait sur le canapé toute la journée. » (Stéphanie). Dès l’enfance, le

(16)

Plusieurs femmes témoignaient également des violences subies lors de la vie adulte, marqués pour l'une par des violences conjugales et pour d'autres par des violences sexuelles . « Mon parcours ?

j'étais en famille normale avec mes parents et à 8 ans, j'ai eu des attouchements sexuels par mon père et je me trimbalais de famille en famille d’accueil. Et après, j'étais en foyer jusqu'à mes 19 à 20 ans. » (Sandra). Ces violences subies dès le plus jeune âge engendraient chez ces femmes un rapport

difficile avec l’examen gynécologique.

Les parcours de vie étaient fortement marqués par la précarité subie par ces femmes, tant au niveau financier qu’au niveau des logements.

Les problèmes financiers étaient abordés spontanément par certaines femmes lors des entretiens, tant ils étaient source d'inquiétude : « On avait une boulangerie à notre nom dans la Marne et ça marchait

sans trop marcher. Donc on a déposé le bilan et du jour au lendemain, (...) on est venu ici.(…) Pour la boulangerie, on a monté un dossier de surendettement. Normalement, on aura la réponse à la fin de l'année. Mais je veux savoir comment ça va se dérouler en fin de compte. Pour que je déstresse un peu. (…). Pour savoir si on a beaucoup à rembourser. En sachant qu'on a un deuxième enfant et qu'il n'y a que mon mari qui travaille.» (Cécile).

Quatre de ces femmes élevaient ou avaient élevé seule leurs enfants.

Le logement était aussi source de préoccupation. La précarité énergétique était constamment évoquée : pour les femmes propriétaires, l’achat du logement était possible du fait des coûts d’achat peu onéreux mais la rénovation des logements impossible, faute de moyens. Danièle parlait de sa maison qu'elle avait acheté à bas prix dans les années 80 mais qu'elle n'a jamais pu rénover. La maison n'est pas isolée, est humide et la peinture s'écaille. Pascale et Valérie parlaient de logements insalubres qu'elles ont occupés. Le système de chauffage est un poste économique important et quand il est défaillant, cela génère des conditions de vie difficile. Valérie évoquait ce logement qu'elle a occupé avec ses trois enfants l'hiver dernier, où la température était fréquemment située entre 9 et 11°C. Ces précisions étaient importantes pour ces femmes car la santé selon la définition de l’OMS est atteinte par ces conditions de vie difficiles.

3- La perception du territoire

Le territoire du Centre-Bretagne a été choisi par plusieurs femmes pour la qualité de vie qu'il propose en termes d’environnement. Les loyers et les biens immobiliers à l'achat moins onéreux que dans d'autres bassins de vie étaient aussi un atout rapporté. Malgré cela, plusieurs femmes insistaient sur la rareté des offres d'emploi du territoire.

Le sentiment d’appartenir à un territoire délaissé par les pouvoirs publics se faisait jour. « On se sent

un peu abandonné, à tout point de vue. Et c'est dommage parce qu'il y a des potentiels, il y a vraiment des personnes riches, il y a plein d'échanges possibles. […]. C'est difficile de vivre en Centre-Bretagne alors que c'est bien. C'est beau, c'est un beau pays, c'est de belles personnes. Et on a

(17)

l'impression qu'on est pas du tout soutenu, d'aucun point de vue. » (Marie). Elle notait aussi la

solidarité dont font preuve les habitants du Centre-Bretagne, peut-être par « manque d'argent »

(Marie).

Pascale évoquait les difficultés sociales des personnes de son entourage et considérait que les

addictions sont fréquentes en Centre-Bretagne. L’isolement social était perçu comme une des grandes difficultés du territoire pour sept des femmes interrogées. Les distances géographiques et la faible population du territoire renforçaient cet isolement. Trois femmes de 55 à 60 ans, qui ont résidé la majorité de leur vie sur ce territoire, considéraient les conditions de vie comme difficiles en Bretagne. La plupart des femmes rencontrées déploraient les carences de l’offre de soins en Centre-Bretagne, l’absence de médecins spécialistes et la rareté des médecins généralistes avec pour corollaire leur manque de disponibilité.

II Un faible recours aux soins.

1. La santé n’est pas une priorité

Du fait de ces conditions de vie difficile, la santé des femmes interrogées n’apparaissait pas comme une priorité. Elles privilégiaient en premier lieu la santé de leurs proches, en particulier de leurs enfants. Danièle a élevé seule ses trois enfants et a négligé sa santé, elle n'a jamais eu de suivi gynécologique, a consulté une seule fois, depuis sa dernière grossesse qui remonte à une vingtaine d'années, pour une bartholinite. « Je me suis toujours plus préoccupée de la santé des autres, des gens

fragiles, alcooliques. J'ai eu trois compagnons, les trois buvaient, le premier était toxicomane et est mort à 37 ans, l'un d'entre eux est schizophrène. Je me suis aussi occupée de mes enfants et là, maintenant qu'ils sont grands et que je me disais, je vais pouvoir m'occuper de moi, ma mère m'appelle il y a un mois et me demande : « Tu peux venir t'occuper de ton père pendant que je suis à l'hôpital ? » Elle a été opérée de la hanche. Et donc j'ai passé 3 semaines chez mes parents. » (Danièle).

Pour Sandra, dont l'enfant était placé en famille d'accueil et qui le recevait deux jours par semaine, sa santé passait après le bien-être de son fils. Elle affirmait qu'elle ne consulterait pas un jour où elle a son fils en garde. Marie, quand elle était interrogée sur sa santé, préférait parler de l'accompagnement de sa mère en fin de vie qu'elle a accueillie à son domicile ou du suivi médical de ses enfants quand ils étaient plus jeunes.

2.

Un faible recours ou un renoncement aux soins

Le recours au système de santé est très faible de façon globale pour la plupart des femmes, en particulier celles qui sont les plus précaires. De nombreuses femmes témoignaient de l’absence de suivi médical régulier. Le recours au professionnel de santé semblait être uniquement lors de

(18)

situations aiguës, parfois décrites comme « vitales ». Les visites chez un médecin généraliste semblaient très rares.

Cécile n'a pas eu de suivi gynécologique en dehors de ses deux grossesses. Depuis qu'elle vit en

couple, elle n'a plus de médecin traitant et ses nombreux déménagements n'ont pas favorisé un suivi médical régulier. Stéphanie considérait que le motif devait être particulièrement grave quand elle consultait. « C'est vrai que j'y vais que quand c'est vital, que c'est très très important, sinon, non. »

(Stéphanie).

Plusieurs femmes témoignaient de renoncement aux soins. Audrey a ainsi dû arrêter une prise en charge par une nutritionniste car elle n'a plus bénéficié de la CMU pendant six mois. Elle a également renoncé à une rééducation orthoptique du fait du coût des trajets : « Je sais que j'ai un problème au

niveau des yeux. Sauf que pour faire de la rééducation, il faut que je monte tous les jours à Pontivy. Donc au final j'ai arrêté, quand tu montes trois quatre fois, ben après… Ce n’'est pas eux qui payent le gasoil.» (Audrey).

Parfois le renoncement aux soins est imputée à une offre de soins insuffisante. Pascale a consulté un ophtalmologue en région parisienne qui lui a diagnostiqué un glaucome. Elle a arrêté le suivi parce qu'elle n'a pas pu obtenir un rendez-vous à Saint-Brieuc ou à Guingamp. Elle déplorait de ne pouvoir accéder à une consultation spécialisée, son acuité visuelle a diminué et elle s'en inquiètait.

Ces situations témoignaient d'une réelle inégalité d'accès aux soins. Dans les zones rurales, les personnes qui peuvent se déplacer aisément n'hésitent pas à se rendre dans les grands centres ou les CHU pour avoir accès à une consultation spécialisée, mais les difficultés de mobilité (coût des déplacements, organisation nécessaire) rendaient impossible ce recours chez les personnes les plus précaires.

De même, le délai d'obtention d'un rendez-vous de médecine générale paraissait parfois difficile à accepter quand la nécessité d'une consultation rapide était ressentie. Pour certaines, cela pouvait être perçu comme un abandon par le système de santé : « Une fois, je voulais prendre un rendez-vous,

mais le problème, c'est que les médecins sont débordés de chez débordés, et ils m'ont dit : « vous ne pouvez pas venir parce qu'on est trop débordé ». Je fais comment pour trouver un autre médecin ? [...] Quand ce n’est pas une urgence, allez crever, on vous soignera quand vraiment vous êtes morts. » (Sandra).

Ainsi, le recours aux soins de manière générale paraissait difficile pour ces femmes. Les situations de non recours étaient fréquentes et les consultations étaient surtout réalisées en situations aiguës. Dans ce contexte global de perception de la santé, pour ces femmes, tout ce qui concernait la prévention et le suivi régulier paraissait plus difficile à mettre en œuvre.

(19)

III- Un suivi gynécologique aléatoire

1- La grossesse, un moment privilégié pour initier le suivi

La plupart des femmes rencontrées avaient déjà consulté pour un motif gynécologique, mais le suivi semblait aléatoire. Le suivi gynécologique paraissait être le reflet du suivi médical global.

Pour les femmes qui avaient déjà eu un enfant, la grossesse représentait souvent un moment pour débuter un suivi gynécologique ou le reprendre. De nombreuses femmes expliquaient que leur dernière consultation avait eu lieu pendant leur dernière grossesse, avec des enfants d’âges différents. Plusieurs femmes témoignaient ainsi d’avoir bénéficié d’un examen gynécologique pendant la grossesse mais sans vraiment connaître la fréquence du suivi : « Quand j'étais enceinte [j’ai consulté

un gynécologue]. Sinon, franchement, je n’y ai pas été. Et en fait je ne sais pas trop les démarches. Parce que je vois, quand j'ai accouché de mon fils, on ne m'a pas proposé de suivi, on ne m'a rien proposé. Donc je me suis dit, il n’y a pas besoin. Et puis après, je n’ai pas cherché plus loin. »(Audrey).

La grossesse représentait un moment important pour mettre en place des consultations régulières et expliquer l’intérêt de les poursuivre au-delà de la grossesse.

L’absence d’explications pour cette femme au moment où elle a rencontré un professionnel de santé semblait délétère pour son suivi au long cours. Pour des femmes en situation de précarité, la grossesse est un moment où elles se préoccupent de leur santé et donc un moment privilégié pour les sensibiliser à l'importance de poursuivre le suivi.

2- Les représentations du suivi gynécologique

Le suivi gynécologique dépendait fortement des représentations qui y étaient associées, en particulier de son utilité. Pour certaines femmes, il était lié à l’activité sexuelle et à la période où elles étaient réglées. Certaines mères célibataires ainsi que des femmes ménopausées estimaient que le suivi était inutile. Les dernières consultations gynécologiques remontaient parfois à plusieurs années. « Je ne

sais pas, la dernière fois c'était il y a douze ans. Je n’ai pas fait de frottis depuis, entre dix et douze ans. Mais bon, de toute façon, j'ai plus de relation sexuelle. Je ne pense plus en avoir. » (Pascale).

Très souvent, les femmes associaient suivi gynécologique et contraception.

Le suivi gynécologique dépendait aussi de la perception que les femmes avaient de l'examen gynécologique. Marie quand elle était interrogée sur sa perception de l'examen gynécologique le décrivait comme « froid, très technique » et qu'elle se sentait pendant l'examen « une chose, un truc

mécanique. J'étais quelque-chose de mécanique, qu'il fallait vérifier. Et ma personne, moi, c’était pas du tout le sujet. J'étais pas un sujet en moi même. Et ça, ça ne donne pas envie de continuer. » (Marie).

(20)

homme. Alors que deux femmes évoquaient la gêne, la peur d'exposer leur corps à un homme, même professionnel de santé, une autre parlait elle, d'un lien avec son histoire personnelle et faisait allusion à des violences sexuelles par un membre de sa famille dans l'enfance.

Les représentations de l’utilité du suivi et de l’acte technique en tant que tel étaient des éléments majeurs à explorer pour comprendre leurs attentes et discuter des éventuels freins.

3- Les freins au suivi gynécologique

Les femmes interrogées exprimaient de nombreux freins pour être suivies régulièrement.

a) La contrainte de la distance et de la mobilité :

Plusieurs des femmes interrogées n'avaient pas le permis de conduire ou pas de voiture en état de marche et en territoire rural, cela avait un impact sur leur suivi gynécologique. Quand il était demandé à l'une d'elles si elle a revu son gynécologue depuis la pose du dispositif intra-utérin, elle répondait : « J'aurais dû le revoir, mais pourquoi je suis pas allée le revoir ? Parce que personne ne

pouvait m'emmener en fait. » (Cécile). Elle n'a pas son permis de conduire, elle habite dans un

hameau en campagne et son conjoint travaille à temps plein. Elle fait parfois appel à sa tante qui habite dans la même commune pour la conduire. De même, Mireille a une pathologie psychiatrique et sa mobilité est donc limitée, elle se déplace à pied et ne prend pas les transports en commun. Elle participe au dépistage du cancer du sein mais elle est dépendante d'une tierce personne pour se rendre à l'hôpital pour réaliser la mammographie.

Il existe bien un réseau de transport en commun qui dessert des communes du territoire en direction des villes, mais il y a peu d'horaires proposés, ce type de transport devient donc chronophage.

« Ce que je regrette c'est qu'il faut aller soit à Saint-Brieuc[pour consulter un gynécologue], quand vous avez une voiture c'est relativement simple, mais si vous n'avez pas de voiture, il faut prendre le Ti'bus. Ça prend la journée. C'est hyper contraignant. » (Pascale).

Il ne suffit pas d'avoir une voiture et le permis de conduire, la mobilité a un coût non négligeable.

Pascale évoquait les frais de fonctionnement de sa voiture qu'elle ne pouvait assumer, sa voiture était

donc inutilisable : « Avant, j'avais un gynéco et il était dans le Morbihan. Mais le problème c'est que

maintenant, je n'ai plus les moyens. Je n'ai plus les moyens de me déplacer.(...) Donc effectivement, je n'ai pas été voir un gynéco et je n'ai pas fait mon frottis. » (Pascale).

b) L’organisation des rendez-vous de suivi

Outre la distance pour accéder à une consultation gynécologique spécialisée, plusieurs femmes parlaient du délai d'obtention des rendez-vous. Pour les femmes les plus précaires, organiser un rendez vous et planifier un suivi constituait un frein important.

(21)

j'ai dû attendre un mois je pense » (Nicole). Ce délai d'attente pouvait décourager certaines femmes. Danièle consulte rarement un médecin généraliste mais, si elle le fait, elle choisit un médecin qui

propose des consultations sans rendez-vous.

Sur le plan organisationnel, la prise de rendez-vous est parfois compliquée ainsi que l’organisation à mettre en œuvre. Sandra dépendait de ses éducateurs pour la prise de rendez-vous et les déplacements mais souhaitait s'autonomiser : « Après, j'ai mes éducateurs mais je n'ai pas envie de passer par mes

éducateurs. J'ai envie de passer que par moi. (…) C'est la première fois que je suis autonome à 100 %. D'habitude, c'est eux qui prennent les rendez-vous, mais là ça fait deux, trois jours que je prends des rendez-vous médicaux, gynécologues. Cette année, j'ai dit, laissez tomber, je me débrouille.» (Sandra).

L’organisation pratique constituait ainsi un frein.

c- L'absence de médecin référent

Quatre femmes l'évoquaient : elles n'avaient pas de médecin référent qui assurait le suivi gynécologique, elles le percevaient alors comme de moindre qualité. Cela avait un impact pour ces femmes qui ont peu de contacts avec le système de santé. « J'en ai pas d'habituel [de gynécologue],

parce qu'en fait à Carhaix, c'est le personnel de Carhaix ou le personnel de Brest qui change. J'en avais un avant qui m'avait suivi pendant la grossesse et un peu après et après ils ont commencé à changer de médecin.(...) Du coup pour l'instant, j'en ai pas de régulier. »(Stéphanie). L’absence de

relation à long terme et de relation de confiance avec un professionnel pouvait altérer la qualité du suivi, d’autant plus chez ses femmes qui percevaient souvent le suivi gynécologique comme d’une faible utilité.

4- La perception des dépistages

a) Le dépistage du cancer du col de l'utérus

La quasi-totalité des femmes rencontrées se sentaient insuffisamment informées sur le cancer du col de l'utérus et les modalités de dépistage : la fréquence de dépistage et la technique de prélèvement : « Je sais pas, c'est pas un coton ? »(Audrey).

Le rôle du frottis cervico-utérin était confondu parfois avec un dépistage des infections sexuellement transmissibles. Quand elle était interrogée sur l'intérêt du frottis, une femme répondait: [C'est] pour

voir si j'ai des maladies, des choses comme ça. Mais j'ai jamais eu de maladie, moi. J'ai fait mon dépistage du SIDA. J'ai eu les résultats, ils sont négatifs. Je me protège pas du tout. J'ai jamais eu le SIDA. »(Sandra).

L'utilité de ce dépistage n'était pas évidente pour certaines d'entre elles. L'une d'elles expliquait pour quelles raisons elle ne souhaitait pas effectuer de dépistage du cancer du col de l'utérus : « C'est que

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des conneries ça. C'est pour s'occuper quoi. C'est inutile comme truc. Elles prennent la pilule, elles vont voir un gynécologue, juste comme ça, question que ça va bien quoi. » (Mireille).

Une autre femme jugeait que les pratiques de dépistage ne lui correspondaient pas. « Je ne me sens

pas concernée. Je pense que le dépistage ça sert à rassurer. Il y a des femmes très inquiètes. Moi je ne flippe pas. » (Danièle).

Il était aussi perçu comme une contrainte de plus : « [Au sujet du FCU] Ah ben non, j'en ai marre

d'aller à l'hôpital, c'est bon… Dire de faire ça et faire ci et faire ça, c'est bon hein… »(Valérie).

Toutes ces représentations de l’inutilité du dépistage ne favorisaient pas sa réalisation.

b) Le dépistage du cancer du sein

Le cancer du sein était une pathologie mieux connue, en comparaison au cancer du col de l'utérus. La mastectomie était une des représentations de la pathologie souvent citée par les femmes.

Les femmes y étaient sensibilisées par des cas dans l'entourage. Elles étaient davantage volontaires pour participer au dépistage, son utilité était mieux perçue.

« Oui, c'est utile tout de même, on ne sait pas, des fois on est fatigué et tout ça et ça peut venir des seins, un bouton qu'on a ou quelque chose…. » (Mireille).

L'invitation par courrier et l'envoi des résultats étaient un mode de communication qui convenait aux participantes.

Deux femmes ont choisi d'arrêter le dépistage car elles jugeaient l'examen douloureux et en ont eu une mauvaise expérience. L'une d'elle témoignait de la violence qu'elle a perçu lors la réalisation de cet examen « Et oui, j'ai été traumatisée. C'est la première fois que j'ai passé ce truc-là.. Je ne le

passerai jamais plus. Donc ils vous mettent contre une plaque, et donc y a une infirmière qui est venue, parce que ça ne marchait pas. Après il y a un mec, un médecin sans doute, qui m'a fait maaal! Je suis partie et pendant une semaine, j'ai eu mal à la poitrine. En plus, le pire, c'est qu'ils ne m'ont rien dit. Voilà, ils ne m'ont rien expliqué. Si, j'avais su qu'ils avaient un problème, que ça ne marchait pas. C'est incroyable ! Je me suis sentie sale, être niée, me dire que ça leur fait gagner des tunes sans doute. Et que j'étais comme doit se sentir une vache ou un bœuf dans un abattoir, exactement la même chose. » (Pascale).

IV L'impact de la relation de soin

1- L'influence de la relation de soin sur le suivi

Une relation de soin de qualité semblait essentielle pour encourager les femmes au suivi. L'une d'elles évoquait la relation qu'elle entretenait avec son premier gynécologue.

« Moi j'allais le voir pour qu'il me sécurise au niveau de ce que j'étais. Et ça lui a pris trois minutes et en deux paroles, il m'a sécurisé. Je l'aurais embrassé ! Comme je vous dis, quand je pense à lui, je

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me dis, Mon Dieu, il a fait en trois minutes ce que peut-être des médecins n'auraient jamais pu faire en des heures et des heures de visites. C'est quelqu'un que j'ai énormément apprécié. Donc, j'allais chez lui régulièrement après, faire mes examens gynécologiques, parce que y avait pas de soucis, alors que c'était un homme… »(Pascale).

Une relation de confiance avec le professionnel facilitait le suivi. La seule femme dont le suivi gynécologique était assuré par son médecin généraliste affirmait que la confiance qu'elle lui accordait, rendait le suivi plus simple et plus facile à accepter, malgré le caractère « désagréable » de l'examen gynécologique.

Au contraire une mauvaise expérience de la relation de soin pouvait faire que les femmes renonçaient au suivi gynécologique. L'une d'elles affirmait qu'elle ne participerait plus au dépistage du cancer du sein tant l'expérience a été traumatisante pour elle, notamment du fait du manque de communication des soignants. A plusieurs reprises lors de l'entretien, elle a décrit des relations de soins passées difficiles, où elle ne s'est pas sentie écoutée, respectée. Quand le lien avec le système de santé est fragile, on comprend l'importance d'une relation de soin qualité.

2- L'expression d'une méfiance vis-à-vis du corps médical

Trois femmes témoignaient d'une certaine méfiance vis-à-vis du corps médical. Ce sentiment avait un impact direct sur leur suivi médical et gynécologique, ces femmes avaient très rarement recours aux soins et n'avaient pas de suivi régulier.

Cette méfiance avait parfois un lien avec l'histoire familiale : « Je me suis toujours méfiée des

médecins parce que quand j'étais gamine, il y a eu des erreurs médicales sur ma sœur. Pendant deux ans, elle faisait sans arrêt des infections urinaires avec de la fièvre, elle était toujours pâle. Mes parents l'emmenaient chez le médecin, elle avait des antibiotiques à chaque fois. Pendant deux ans, j'ai eu une petite sœur malade. Il a fallu que mes parents décident d'aller voir un autre médecin, qui a fait une radio et ils ont vu qu'elle avait les deux uretères qui se croisaient et que c'était à cause de ça qu'elle faisait des infections. Je ne sais pas ce qu'elle serait devenue, à force de prendre des antibiotiques sans arrêt comme ça. » (Danièle).

Dans un autre cas, il s'agissait plus d'un désaccord avec le fonctionnement du système de santé. L'une de ces trois femmes a élevé seule ses jumeaux, qui présentent une déficience intellectuelle. Elles les a accompagnés dans leur parcours de soins et témoignaient de sa colère face à certaines prises en charge médicales. Toutes ses expériences de soins expliquaient en partie la méfiance qu'elle ressentait envers le corps médical « Je deviens très méfiante au niveau du corps médical. Bon, pour plein de raisons,

c'est pas spécialement les individus. C'est tout un système que vous devez connaître avec tous ses problèmes qui font que je me méfie énormément. » (Pascale).

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L'une des femmes racontait qu'elle a accueilli sa mère en fin de vie. Elle s'est alors confrontée au milieu médical et déplorait la communication insuffisante de la part des soignants. Elle a éprouvé un sentiment de solitude dans l'accompagnement de sa mère et a été déçue par le système de santé et les soignants.

Après des expériences de relations de soins difficiles ou décevantes, le corps médical dans son ensemble pouvait être perçu comme incompétent. Ces trois femmes confiaient avoir choisi d'avoir recours à des médecines dites « alternatives » parce que le système de soin actuel ne leur convenait pas.

V- La place du médecin généraliste dans le suivi gynécologique

Malgré son rôle de médecin de proximité, plusieurs des femmes rencontrées ne consultaient pas leur généraliste pour des motifs gynécologiques, il n'était pas perçu comme un acteur du suivi. Quand il était demandé à l'une d'entre elles si elle avait déjà consulté son médecin généraliste pour un motif gynécologique, n'ayant pas de voiture et habitant à une vingtaine de minutes de Carhaix, : « Non, je

vous avoue, pourtant je pense qu'il y a des points plus simples sur lesquels il pourrait sans doute répondre. Mais ça ne m'est pas venu à l'esprit. » (Stéphanie).

Une autre ne l'envisageait pas et avait pourtant une relation de confiance avec son médecin généraliste : « Pourtant je vous disais j’ai relativement confiance en mon médecin généraliste, en plus

c'est une femme. Mais ça me gênerait. Je ne sais pas pourquoi moi j'ai l'habitude d'avoir un gynécologue. Pourquoi pas ? Vous voyez, ça me surprend. Alors là, j'avoue que ça me surprend même que ça me surprenne. » (Pascale).

Pour les plus jeunes, la contraception était un sujet intime dont il était difficile de parler avec les parents. Le médecin généraliste, en tant que médecin de famille, n'était pas l'interlocuteur choisi par ces jeunes femmes pour parler de la contraception : « Parce que moi je sais que si j'avais demandé à

ma mère à 15 ans : « Tu peux m’envoyer chez le médecin, je vais prendre la pilule ». Elle aurait peut-être dit oui, mais je ne sais pas si ça serait passé. Ce qui me dérangeait un peu, c'est que le médecin, il connaît très bien la famille... » (Julie).

Ces jeunes femmes préféraient donc consulter au planning familial pour distinguer géographiquement leur suivi gynécologique de leur suivi habituel.

La consultation de médecine générale pouvait être l'occasion de proposer aux femmes qui n'avaient pas de suivi gynécologique de participer aux dépistages. Pour deux femmes, le frottis a été proposé par le médecin traitant. Il a été rappelé à une autre femme, au cours d'une consultation de médecine générale l'intérêt de participer au dépistage du cancer du sein, et de reprendre un suivi gynécologique

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pour effectuer un frottis. Si l'écoute était une qualité attendue du médecin généraliste, une femme qui n'avait pas de suivi gynécologique et à qui le FCU n'avait jamais été proposé, regrettait de ne pouvoir aborder certain sujet avec son médecin .« On devrait pouvoir lui parler de tout. Il ne pose jamais de

question sur la sexualité. » (Danièle). Pour les rares fois où ces femmes consultaient, il apparaissait

essentiel de leur parler du suivi gynécologique, de leur en décrire ses principes, son intérêt. Même si les femmes choisissaient un autre interlocuteur pour assurer le suivi, le médecin généraliste avait un rôle important à jouer pour coordonner le suivi. L'exploration des freins au suivi semblait aussi être indispensable pour accompagner au mieux chaque femme et lui proposer des solutions adaptées.

(26)

Discussion

I- Les forces et limites de l’étude

Cette étude originale auprès de femmes précaires en milieu rural a permis de mettre en lumière des éléments intéressants concernant leur santé et leur suivi gynécologique. Une démarche rigoureuse d’entretiens a été conduite. La multiplicité des lieux de recrutement a permis d'avoir une variété de l'échantillon, avec des rencontres de femmes aux parcours très différents.

Le recrutement des femmes a été long et parfois difficile. Certains professionnels de santé ont perçu l'étude comme stigmatisante à la simple lecture du descriptif de l'étude, du fait du choix de la population (femmes en situation de précarité) mais après rencontre et présentation plus détaillée de l'étude, le choix de la population était mieux compris. Une association a refusé de rencontrer le chercheur en estimant qu'en participant à l'étude, cela stigmatisait leur structure et les membres de l'association. Pourtant la collaboration des professionnels de santé du territoire (médecin et puéricultrice de PMI, sage femme du planning familial, assistante sociale de la maison du département, cadre du CMP) a permis de rencontrer des femmes en situation de précarité et de gagner leur confiance.

Certaines femmes ont refusé de participer, en particulier celles pour qui la prise de parole et l'échange ne sont pas aisés (refus d'une femme du Groupe d'Entraide Mutuelle, trois femmes à la PMI).

Faire parler des femmes d’un sujet touchant à leur intimité pour un jeune chercheur constituait une limite. Les quatre entretiens réalisés à domicile ont été riches. Une relation de confiance s'établissait rapidement. La parole était facilitée dans un espace familier pour ces femmes. Les entretiens auprès des femmes les plus jeunes ont été courts. La parole n'a pas été simple à recueillir.

Cette étude a mis en évidence que le suivi médical des femmes précaires rencontrées était marqué par un faible recours voire un renoncement aux soins. Le suivi gynécologique était le reflet du suivi médical global. Les freins au suivi étaient la distance aux lieux de soins, le délais d'obtention des rendez-vous, l'absence de référent identifié et la carence d'informations sur l'utilité du suivi. Le médecin généraliste n'était pas connu comme acteur du suivi.

La précarité est un terme nuancé recouvrant des situations multiples et dissemblables. Le score EPICES a été utilisé pour mesurer le niveau de précarité de la population d'étude.

Ce score présente des limites et n'est le reflet que d'une partie de la précarité. Il n'est notamment pas adapté aux jeunes femmes qui vivent encore chez leurs parents puisqu'elles ne sont pas encore autonomes sur le plan financier (elles ne règlent pas les factures, n'assument pas seules leurs besoins alimentaires). Une des femmes a été recrutée mais n'avait pas de critère de précarité et n'a pas été exclue de la population d'étude. Malgré cela, la grande majorité des femmes présentait des facteurs

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majeurs de précarité. Le score EPICES est peu utilisable en pratique quotidienne pour identifier les personnes en situation de précarité qui ont recours aux soins. Cependant, d'autres outils existent notamment pour identifier la situation sociale des patients au cours de consultations de médecine générale (21). Cette démarche serait à promouvoir auprès de l'ensemble des professionnels de santé dans le but de repérer les patients précaires pour améliorer leur prise en charge et in fine de réduire les inégalités de santé.

II Le constat d'un renoncement aux soins

Les freins au suivi gynécologique régulier étaient nombreux : l'absence de référent identifié, la distance aux lieux de soins, les délais d'obtention des rendez-vous, la non-perception de l'intérêt d'un suivi gynécologique.

En milieu urbain, certains de ces freins étaient retrouvés. Les raisons évoquées par les femmes pour justifier l’absence de suivi étaient en premier lieu, qu'elles n'en ressentaient pas le besoin, qu'elles n'appréciaient pas les examens gynécologiques, par manque de temps, qu'elles ne savaient pas à quel médecin s'adresser et en dernier lieu pour des problèmes financiers (16). Tous ces freins sont directement impliqués dans le renoncement aux soins, un phénomène complexe, qui évoque à la fois le « non recours aux soins » et les « besoins de santé non satisfaits » (2). Plusieurs dimensions de la précarité influencent ce renoncement : les expériences difficiles passées, vécues au cours de la vie, la situation présente ou récente, au cours des douze derniers mois et enfin la perception du futur proche (2). Ainsi, les femmes interrogées témoignaient de ces expériences de vie difficile et de leurs préoccupations financières, qui expliquaient en partie leur non recours aux soins. Une autre approche, socio-anthropologique visant à analyser le sens du renoncement aux soins, mettait en évidence deux

types de renoncement: le renoncement-barrière et le renoncement-refus (21). « Dans le premier cas,

l’individu fait face à un environnement de contraintes, [budgétaires, offre de soins, organisation du système social] , qui ne lui permet pas d’accéder au soin désiré. Le second cas est l’expression d’un refus qui porte soit sur des soins spécifiques – il s’agit alors d’un acte d’autonomie à l’égard de la médecine dite conventionnelle – soit, plus radicalement, sur le fait même de se soigner : il revêt alors un caractère définitif et traduit la perception d’une inutilité des soins » (Després et al.) (21). Trois

femmes dans notre étude ont parlé de leur méfiance vis-à-vis de la médecine dite conventionnelle et rapportaient avoir recours à des médecines dites « alternatives ». Ces trois femmes n'avaient pas de suivi gynécologique et exposaient des situations de renoncement aux soins.

L’aspect financier du renoncement aux soins a été peu évoqué par les femmes, ou de manière indirecte. Pour celles qui en bénéficiaient, la couverture maladie universelle permettait sans doute de limiter cette difficulté. La dispense d’avances de frais est un élément déterminant dans le rattrapage

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des soins (22). L’accès financier aux soins paraît un élément essentiel pour permettre aux femmes de bénéficier d’un suivi médical et a fortiori gynécologique régulier.

Il paraît essentiel, lors de la rencontre de femmes précaires en médecine générale d'explorer, pour

chacune d'entre elles, les représentations qu'elles ont de leur santé, les motifs du renoncement aux

soins, en particulier les soins gynécologiques, pour les accompagner au mieux dans leur parcours de soins.

III Contourner l'obstacle de la mobilité limitée, frein au suivi gynécologique régulier

Plusieurs déterminants interviennent dans la participation des femmes aux dépistages du CCU et dans leur suivi gynécologique régulier. La mobilité est l'un de ces déterminants. Si la mobilité a des spécificités en milieu rural, son impact sur le suivi gynécologique a aussi été mis en évidence en milieu urbain. Une étude sur les données de la cohorte SIRS de 2010, a analysé les liens entre mobilité, déterminants territoriaux et recours au frottis dans le Grand Paris (23). Il a été montré, dans ce territoire urbain, combien l'offre de soins de proximité est déterminante dans la participation au dépistage pour les femmes les plus défavorisées et les moins mobiles. « Les femmes dont l’espace

d’activité est restreint à leur quartier de résidence ont un risque plus élevé d’être en retard pour ce dépistage et notamment celles qui résident dans des quartiers dont l’offre de soins est réduite »

(Chauvin P., Traoré M., Vallée J.) (23). Leur suivi est donc directement dépendant de l'offre de soins

de leur quartier. Dans notre travail, qui s'intéresse à une population en milieu rural, la problématique de la mobilité est aussi déterminante. Elle est limitée par l'absence de permis de conduire, la dépendance à autrui pour les déplacements (entourage familial, amical), le coût de l'entretien d'un véhicule. Les territoires ruraux ont des spécificités tant en termes de population que d’équipement et de service. Les 11 millions d’habitants de ces territoires ont des revenus et des qualifications moins élevés que la moyenne nationale (24) . L’offre de soins est essentiellement centrée autour des professionnels de proximité : médecins généralistes, infirmiers avec souvent une faible densité de professionnels. Dans le territoire d’étude, pour accéder à une consultation gynécologique spécialisée, il faut faire au minimum vingt kilomètres. Et les médecins généralistes, professionnels de santé de proximité, ne sont pas identifiés comme acteur du suivi gynécologique. On peut s'interroger sur les raisons de cette non-reconnaissance. Lors d'un entretien exploratoire, l'un des médecins généralistes du territoire avançait que pour ces femmes qui ont peu recours aux soins, il faut choisir de répondre en consultation aux problèmes les plus urgents et que parfois il n'est pas évident de parler de suivi gynécologique ou de dépistage lors de ces consultations. Cette notion est retrouvée dans une étude de cohorte rétrospective portant sur des femmes atteintes d'un cancer du col de l'utérus prises en charge dans deux hôpitaux parisiens. Elle montre que les médecins généralistes exerçant en milieux défavorisés ont tendance à proposer moins fréquemment des pratiques de prévention à leurs patients,

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notamment lorsque cela touche à des aspects intimes de la personne comme le dépistage du cancer du

col de l’utérus et du cancer du sein (25). Une organisation de soins coordonnée et de proximité

apparaît nécessaire. Une telle mesure questionne la place des médecins généralistes et invite à valoriser l’offre de soins ambulatoire (26). Le médecin généraliste aurait un rôle primordial à jouer en proposant un suivi gynécologique de proximité, avec un délai d'attente réduit pour obtenir un rendez-vous, ou des consultations sans rendez-vous. Cependant ce rôle est à pondérer par les données d'une étude qui mettent en évidence un désinvestissement des médecins généralistes dans la pratique du dépistage du cancer du col de l'utérus entre 2002 et 2009 (27). Deux autres études montrent d'ailleurs que les pratiques préventives sont davantage proposées par les médecins généralistes femmes que par les hommes (28,29). Si le médecin généraliste n'est pas l'acteur principal du suivi gynécologique il pourrait cependant orienter les femmes vers d'autres professionnels du territoire tels que les sage-femmes.

Pour les femmes qui souhaitent un suivi gynécologique spécialisé il pourrait être envisagé des consultations avancées comme cela a été imaginé au sein de pôles de santé pour d'autres spécialités dans d'autres territoires. Ces regroupements pluri-professionnels en pôles ou maisons de santé, basés sur un projet de santé pertinent, représentent un moyen intéressant d’organisation des soins autour de l’ambulatoire, dans une perspective coordonnée.

IV Le rôle clé de la communication, de la délivrance d'informations sur le suivi gynécologique au cours de l'accompagnement des femmes

Les femmes rencontrées se sentaient insuffisamment informées sur le suivi gynécologique, sur le dépistage du CCU, ses modalités, son intérêt. Plusieurs femmes parlaient de la communication faite sur le dépistage du cancer du sein et déploraient l'absence de campagne de communication sur le cancer du col de l'utérus. Ce sentiment de défaut d'information chez les femmes précaires est relevé dans plusieurs études et constitue un obstacle au dépistage (30). Une enquête épidémiologique réalisée en 2013 mettait en évidence un important déficit d’informations chez les femmes en situation de précarité, en particulier pour les pratiques préventives du cancer du col de l’utérus Plus de 30% des femmes ne connaissaient pas le FCU et 72% des moins de 35 ans ne connaissaient pas le vaccin anti HPV (30). Des résultats similaires sont retrouvés en population générale lors d'une enquête Baromètre Cancer dans laquelle deux tiers des femmes n'ayant pas de suivi récent disent ne pas connaître le FCU et son objectif (31). De plus, une étude transversale menée en 2013 auprès d'une population de femmes précaires du Grand Paris, constatait le fort pourcentage de femmes non dépistées dans cette population. Ainsi, il était proposé en conclusion de rechercher de manière systématique le statut vis-à-vis du dépistage du CCU des femmes précaires à chaque contact avec le système de santé (32).

Figure

Tableau 1 : caractéristiques des femmes participantes Prénom  d'emprunt Age Situation maritale Catégorie socioprofessionnelle (si sans emploi, niveau  d’études,  dernière  profession  exercée) Lieu de  résidence /nombre  d'habitants par commune Lieu/mode d
Tableau 2 : Tableau des thèmes et sous-thèmes

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