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Les polynômes de Macdonald dans le superespace et le modèle Ruijsenaars-Schneider supersymétrique

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Texte intégral

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Les polynômes de Macdonald dans le superespace et

le modèle Ruijsenaars-Schneider supersymétrique

Thèse

Olivier Blondeau-Fournier

Doctorat en physique

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Olivier Blondeau-Fournier, 2015

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Résumé

La théorie des superpolynômes symétriques ([DLM03, DLM06]) est généralisée avec l’introduction d’une nouvelle base de superfonctions qui dépend de deux paramètres q et t. Cette nouvelle base, que l’on appelle les polynômes de Macdonald dans le superespace (ou simplement, les superpolynômes de Macdonald), généralise toutes les autres bases de superfonctions connues. Celles-ci sont retrouvées via différentes spécialisations (ou limites) de q et t. On démontre que les superpolynômes de Macdonald sont uniquement déterminés par les deux propriétés suivantes. Premièrement, ils se décomposent de façon triangulaire dans la base des superfonctions monomiales (par rapport à l’ordre de dominance entre les superpartitions). Deuxièmement, ils sont orthogonaux par rapport à un produit scalaire donné dans la base des superfonctions sommes de puissances et qui dépend de q, t. L’étape clef pour démontrer ce résultat est la connexion avec la théorie des polynômes non symétriques de Macdonald. En fait, il est montré que les superpolynômes de Macdonald sont également donnés par un processus de symétrisation particulier des polynômes non symétriques de Macdonald. Cette connexion peut être alors exploitée pour obtenir une famille d’opérateurs qui est diagonale dans la base des superpolynômes de Macdonald ainsi qu’une seconde relation d’orthogonalité donnée par l’évaluation d’un terme constant.

Ces deux éléments, i.e. famille d’opérateurs et orthogonalité (analytique), permettent de relier les superpolynômes de Macdonald à un problème de mécanique quantique supersymétrique généralisant le modèle Ruijsenaars-Schneider (RS). L’hamiltonien de ce modèle est défini par l’anticommutateur d’une supercharge qui est le générateur de la transformation supersymétrique. La structure algébrique sous-jacente à ce modèle est l’algèbre de Poincaré supersymétrique (i.e. une algèbre de Lie graduée). Tous les états propres de l’hamiltonien sont donnés par le produit de la fonction d’onde de l’état du vide par les superpolynômes de Macdonald. L’intégrabilité du modèle est également démontrée.

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Abstract

The theory of symmetric superpolynomials ([DLM03, DLM06]) is further extended with the introduc-tion of a family of superpolynomials that depends upon two parameters, denoted by q and t. This new basis, that can be called Macdonald polynomials in superspace (or simply stated, Macdonald superpolynomials), generalizes all the previously discovered bases of superpolynomials. These are ob-tained by the evaluation (or by a limiting process) of the parameters q and t. It is proved that the Macdonald superpolynomials are uniquely defined by the two following properties. First, they decom-pose triangularly in the monomial basis (with respect to a certain ordering between superpartitions). Second, they are orthogonal with respect to a given scalar product evaluated in the power sum basis and which depends on q and t. The crucial step to prove this result is the connection between Mac-donald superpolynomials and the theory of non-symmetric MacMac-donald polynomials. More precisely, it is showed that the Macdonald superpolynomials can be expressed by a certain symmetrizer acting on the non-symmetric analogue. Using this connection, a family of eigen-operators is obtained, which is diagonalized by the Macdonald superpolynomals basis. In addition, another orthogonality relation that involves a constant term evaluation (referred to as the analytic orthogonality) is obtained. These two elements, i.e. the eigen-operators and the orthogonality (analytic), link the Macdonald superpolynomials to a supersymmetric quantum mechanic model that generalizes the Ruijsenaars-Schneider (RS) model. The Hamiltonian of this model is naturally written as an anticommutator of a supercharge which is the generator of supersymmetric transformation. The underlying algebra of this model is the super Poincaré algebra (i.e. a graded Lie algebra). All the quantum states of the Hamiltonian are given as a product of the ground state function times Macdonald superpolynomials. Finally, the integrability of the supersymmetric RS model is demonstrated.

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Table des matières

Résumé iii

Abstract v

Table des matières vii

Liste des symboles ix

Remerciements xvii

Avant-propos xix

Introduction 1

1 Fondements : les superpolynômes symétriques 13

1.1 Le superespace . . . 13

1.2 Partitions, ordre de dominance et superpartitions . . . 17

1.3 Superpartitions et combinatoire . . . 21

1.4 L’anneau des superfonctions symétriques . . . 22

1.5 L’orthogonalité . . . 25

1.6 La dualité . . . 26

1.7 Les fonctions de Schur dans le superespace . . . 27

1.8 Les superpolynômes de Jack . . . 29

1.9 Les matrices de transitions . . . 30

2 Les superpolynômes à deux paramètres 33 2.1 Le produit scalaire . . . 33

2.2 Les superpolynômes de Macdonald . . . 37

2.3 Cas limites . . . 39

2.4 Propriétés des PΛ . . . 41

2.4.1 La normalisation . . . 41

2.4.2 La dualité . . . 43

2.4.3 La spécialisation et la propriété de symétrie . . . 44

2.4.4 Forme intégrale et positivité . . . 46

2.4.5 Une seconde orthogonalité . . . 50

3 Les opérateurs de Cherednik et les supercharges 53 3.1 L’algèbre de Hecke . . . 53

3.2 Les opérateurs de Cherednik et les polynômes Eη . . . 54

3.3 Les opérateurs de symétrisation . . . 55

3.4 Une seconde caractérisation des PΛ(x, θ; q, t) . . . . 58

3.5 Le produit scalaire du type terme constant . . . 63

3.6 Les supercharges . . . 67

3.7 Preuve de la proposition 3.6.1 . . . 67

3.7.1 La partie en Y−1 m+1+ . . . + YN−1 . . . 69

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3.7.2 La partie en Y−1

1 + . . . + Ym−1 . . . 75

3.7.3 Rassemblant le tout . . . 79 3.8 Les supercharges adjointes dans h·, ·iS

N,q,t. . . 83

4 Le modèle Ruijsenaars-Schneider et son extension supersymétrique 87

4.1 Introduction : le modèle RS . . . 88 4.2 Le modèle RS supersymétrique . . . 96 4.3 Conclusion : le modèle compact de van Diejen-Vinet . . . 104

Conclusion 107

A La double limite de stabilité et les doubles Macdonald 111

B Sur les opérateurs nuls dansASN 115

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Liste des symboles

Chapitre 1

x, θ variables commutantes, anticommutantes

A K[x, θ], anneau des superpolynômes dans les variables x1, θ1, . . . , xN, θN

Am sous-ensemble des superpolynômes avec degré fermionique m

πI opérateur de projection, πI(θJ) = δIJθI

Kσ opérateur de permutation, xi, θi7→ xσ(i), θσ(i)

SN sous-espace des superpolynômes symétriques, ASN

S(n|m)

N sous-espace des superpolynômes symétriques de degré (n|m)

1, 1c secteur fondamental (1, . . . , m) et complément (m + 1, . . . , N)

σ∈ S

N ensemble des permutations croisées entre le secteur 1 et 1c

(q)∞ Qk≥1(1 − qk)

λ, µ partitions

Λ, Ω superpartitions, par exemple Λ = (Λa; Λs)

Λ′, Ωsuperpartitions conjuguées

Λ∗ partition obtenue en ordonnant les parties de Λ

Λ⊛ partition obtenue en ordonnant les parties de (Λa+ 1m; Λs)

ℓ(·) nombre de parties non nulles, ℓ(Λ) = m + ℓ(Λs)

F(Λ) boîtes fermioniques : qui sont dans une rangée et colonne se terminant par un cercle B(Λ) boîtes bosoniques : qui ne sont pas fermioniques

S(Λ) donné par Λ⊛m+1, où δm= (m − 1, . . . , 0)

mΛ, pΛ superfonctions symétriques monomiales, sommes de puissances

eΛ, hΛ superfonctions symétriques élémentaires, homogènes

h·, ·, i produit scalaire hpΛ, pΩi = (−1)(

m

2ΛΩzΛs

Qi≥1inλ(i)nλ(i)!, où nλ(i) est le nombre de parties égales à i dans λ

Π(x, θ; y, φ) noyau reproducteur :Qi,j(1 − xiyj− θiφj)−1

E+ adjoint de l’opérateur E par rapport à un certain produit scalaire

ω involution qui envoie eΛ7→ hΛ

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PΛ(α) superpolynômes symétriques de Jack

M (u, v) matrice de transition entres les bases u et v, i.e. ui=Pj(M(u, v))i,jvj

Chapitre 2

Q(q, t) corps des fonctions rationnelles en q, t

h·, ·iq,t produit scalaire sur le corps Q(q, t), donné par hpΛ, pΩiq,t= (−1)(

m 2 ΛΩzΛ(q, t) zΛ(q, t) zΛsqa|Q i(1 − qΛ s i)/(1 − tΛ s i)

Π(x, θ; y, φ; q, t) noyau reproducteur, voir (2.6)

gn, ˜gn coefficient de yn, φyn dans Π(x, θ; y, φ; q, t)

PΛ= PΛ(q, t) superpolynômes symétriques de Macdonald

bΛ(q, t) inverse de la norme des superpolynômes de Macdonald, i.e. hPΛ, PΛi−1q,t

h↑,↓Λ (q, t) hΛ(q, t) =Qs∈B(Λ)(1 − qa(s)+1t ˜ l(s)), h↓ Λ(q, t) = h ↑ Λ′(t, q)

QΛ bΛ(q, t)PΛ(q, t), base duale aux PΛ

q,t homomorphisme (dualité) qui envoie PΛ(q, t) vers QΛ′(t−1, q−1) b

q,t homomorphisme (dualité) qui envoie PΛ(q, t) vers QΛ′(t, q)

ϕt homomorphisme qui envoie ϕt(pr) = (1 − tr)pret ϕtpr) = ˜pr

application qui envoie un superpolynôme sur Q(q, t, ), i.e. spécialisation des xi

u∅(PΛ) formule de l’évaluation pour les superpolynômes de Macdonald

˜

PΛ version normalisée donnée par PΛ/u(PΛ)

JΛ forme intégrale des superpolynômes de Macdonald, h↓Λ(q, t)PΛ

HΛ superpolynômes de Macdonald modifiés, ϕ−1t (JΛ)

KΩΛ(q, t) coefficient de sdans l’expression de HΛ

b

HΛ Qs∈F (Λ)(1 − q˜a(s)tl(s)+1)HΛ

ct(·) terme constant, coefficient à l’ordre zéro en x h·, ·iS

N,q,t produit scalaire de type terme constant ou analytique, voir (2.121)

N Qi6=j(xi/xj; q)/(txi/xj; q)

Chapitre 3

A anneau des polynômes dans les variables x1, . . . , xN

si opérateur d’échange entre xi↔ xi+1

Ti opérateur de Hecke, t + [(txi− xi+1)/(xi− xi+1)](si− 1)

τi opérateur de q-différence, xi→ qxi

ω involution donnée par sN −1· · · s1τ1

Yi opérateur de Cherednik, voir (3.10)

polynôme de Macdonald non symétrique associé à la composition η

ˆ

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ˆ

A(1,...,N ) opérateur d’antisymétrisation sur les variables x1, . . . , xN

vt(x1, . . . , xN) t−(

N2) QN

i<j(txi− xj), également v(x1, . . . , xN) = v1(x) est le Vandermonde

ˆ

U(1,...,N )+ opérateur de t-symétrisation sur les variables x1, . . . , xN

ˆ

U(1,...,N )opérateur de t-antisymétrisation sur les variables x1, . . . , xN

[a]t (1 − ta)/(1 − t), également [k]t! = [1]t[2]t· · · [k]t

G(u; 1), G(u; q) opérateurs de type Sekiguchi g

r, grcoefficient en ur dans G(u; 1), G(u; q)

D

r, Drrestriction de gr, gr⊛à l’espace des superpolynômes symétriques

¯

G(u; 1), ¯G(u; q−1) opérateurs de type Sekiguchi avec les inverses des opérateurs Yi

g−r, g

−r coefficient en ur dans ¯G(u; 1), ¯G(u; q−1)

D−r, D−r restriction de g−r, g−r⊛ à l’espace des superpolynômes symétriques

ˆ

Q1, . . . , ˆQ4 supercharges, voir §3.6

Chapitre 4

H Hamiltonien

H espace de Hilbert

ηi variables de rapidité, également ηi = −√−1~∂ζi

ζi variables conjuguées aux ηi ou positions généralisées

γ, g constantes du modèle RS

h±(ζ) fonction potentiel, sin[γ(ζ ± ig)/2]/ sin[γ(ζ)/2]

Vj, Wj Qk6=jh(ζj− ζk)1/2,Qk6=jh+(ζj− ζk)1/2

(·, ·) produit scalaire physique, voir (4.35)

ψ0 état du vide, donné par ∆1/2N

H superespace de Hilbert

B, F sous-espace de H des états bosoniques, fermioniques

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Le difficile demande du temps, l’impossible un peu plus.

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Remerciements

En premier lieu, je tiens à remercier mon directeur de recherche, le professeur Pierre Mathieu, de m’avoir donné l’opportunité de poursuivre des études graduées au sein de son groupe de recherche. J’ai eu le privilège de travailler sur un projet de recherche fascinant et taillé sur mesure pour mon appétit des problèmes de physique mathématique et de combinatoire. Sa grande générosité et sa grande disponibilité m’ont permis de bien progresser dans mon champs de recherche.

Je suis très reconnaissant également envers le professeur Patrick Desrosiers et le professeur Luc La-pointe. Les résultats que nous avons obtenus au cours de mon doctorat sont le fruit d’une incroyable collaboration avec ces chercheurs. Leur expérience et leurs connaissances concernant le domaine de recherche ont permis d’avancer sur du solide, de se concentrer sur les problèmes essentiels, tout en évitant les embûches.

Je désire ensuite faire des remerciements chaleureux à mes collègues de travail et bons amis Ludovic, Benoît, Laurie, Nicolas, Marc-Olivier, Raphaël et Laurent. Les nombreux moments passés en leur compagnie ont été des moments mémorables et ont su me changer les idées lorsque c’était nécessaire. Sans oublier ma conjointe Lison, à qui je suis très reconnaissant, pour son soutien constant et ses nombreux encouragements par temps clair comme par temps couvert. Partager son quotidien avec quelqu’un qui travaille constamment sur des concepts abstraits n’est pas toujours évident. Je remercie aussi mes parents Judith et Michel ainsi que mon frère Gabriel et ma soeur Marie-Ève de prendre une place importante dans ma vie et de s’intéresser au sujet sur lequel je travaille sans pouvoir toujours tout comprendre.

En terminant, je tiens à remercier le chercheur Trevor Welsh pour la collaboration très enrichissante que nous avons eue avec lui suite à mes travaux de maîtrise, qui s’est poursuivie dans la première année de mon doctorat, et qui a conduit à l’article [BMW12] dont le sujet n’est pas en lien avec le présent document.

Merci à l’organisme FRQNT pour le support financier accordé durant les trois premières années de mon doctorat.

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Avant-propos

L’ambition de cette thèse est de présenter les travaux qui ont été faits dans le cadre du projet de doctorat. Cela débute avec la découverte des superpolynômes de Macdonald et par la suite, son ap-plication directe dans un contexte physique : la construction d’un modèle supersymétrique intégrable généralisant le modèle Ruijsenaars-Schneider (RS). Ces résultats, qui ont été obtenus en collaboration avec les professeurs P. Desrosiers, L. Lapointe et P. Mathieu, ont menés à la publication de trois articles [BDLM10, BDLM12, BLM13] et également de deux autres articles qui sont présentement en processus d’arbitrage [BDM14, BM14]. Cette thèse n’est cependant pas une thèse par articles et aucun article n’y est inséré. En fait, les principaux résultats y sont présentés de façon pédagogique et pour simplifier la présentation, plusieurs preuves ne sont écrites que partiellement. Les versions détaillées sont relayées aux articles.

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Introduction

Alors, prends feu ! Seulement si tu t’enflammes, tu connaîtras le monde au plus profond de toi !

Car au lieu seul où agit le secret, commence aussi la vie. – S. Zweig

Lorsque l’on rencontre une famille de polynômes invariants sous l’interchange de ses variables, il y a à coup sûr la possibilité de formuler un problème sous-jacent de combinatoire algébrique relié au groupe symétrique et aux partitions. Cette idée est l’idée fondatrice qui se cache derrière les travaux présentés dans le cadre de cette thèse où la construction d’un modèle supersymétrique particulier ainsi que de ses états propres (ou solutions) passe tout d’abord par la construction d’un problème combinatoire dans le superespace. Mais avant de révéler tous ces détails, prenons un petit détour historique permettant de mettre en perspective le domaine de recherche dans lequel s’inscrit cette thèse.

Tout d’abord, une fonction symétrique est une fonction polynomiale composée de plusieurs variables indéterminées, x1, x2, . . ., telle qu’une permutation des variables, par exemple x1↔ x2, laisse la

fonc-tion inchangée. La théorie des foncfonc-tions symétriques est un sujet relativement vieux qui remonte au XVIe–XVIIesiècle alors que les mathématiciens étudiaient les racines des polynômes de degré supérieur

à deux. En fait, pour un polynôme avec une seule variable inconnue, ces coefficients sont donnés par des fonctions élémentaires de (l’inverse de) ses racines. De nos jours, la théorie des fonctions symétriques est davantage comprise comme étant reliée à la théorie des représentations. C’est dans les années 1840 que Jacobi formule une première classe de fonctions symétriques particulièrement importante que l’on appelle maintenant les fonctions de Schur ; celles-ci sont nommées ainsi puisque c’est Schur dans les années 1920 qui a mis en évidence la connexion de ces fonctions avec la théorie des représentations du groupe symétrique∗. En effet, pour le groupe symétrique S

n, de degré n, les différentes classes de

conjugaison sont identifiées par les partitions de n. Il s’ensuit évidemment que les différentes représen-tations irréductibles le sont également. On a ainsi que le caractère χλ

µ de la représentation identifiée

par la partition λ et associée à la classe de conjugaison identifiée par µ est donné par le produit scalaire

χλ

µ= hsλ, pµi, où sλet pµsont respectivement les fonctions de Schur et fonctions sommes de puissances

(le produit scalaire étant donné par la version m = 0 de l’équation (1.62)). Les fonctions de Schur sont maintenant considérées comme des objets fondamentaux, non uniquement en théorie des repré-sentations, mais aussi comme des objets combinatoires en soi. Par exemple, la fonction génératrice (de l’énumération) des tableaux de Young semi-standards de forme λ correspond à la fonction de Schur

. Un autre exemple spectaculaire est donné par la ressemblance immédiate que l’on constate entre ∗L’article principal référé pour cette contribution est «I. Schur. Über die rationalen Darstellungen der allgemeinen

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les tableaux de Young et les partitions planaires† : c’est en exploitant cette connexion que Stanley

[Sta71] a obtenu les fonctions génératrices pour différentes catégories de partitions planaires (voir aussi [Bre99]).

Une généralisation importante des fonctions de Schur fut découverte au début des années 1960 suite aux travaux indépendants de Hall [Hal59] et de Littlewood [Lit61]. Ces derniers ont découvert une classe de polynômes symétriques, que nous appelons maintenant les polynômes Hall-Littlewood, qui correspond à une extension à un paramètre des fonctions de Schur. Grâce au travail de Green [Gre55], qui avait déjà introduit et caractérisé les formules de caractères pour le groupe général linéaire sur des corps finis (et aussi p-adic), les polynômes Hall-Littlewood ont été reliés à la théorie des représentations de ce groupe. Également, c’est à peu près durant la même période que les polynômes zonaux sont introduits [Jam61] pour décrire les caractères du groupe général linéaire défini sur le corps des nombres réels. Puis, environ une dizaine d’années plus tard, Jack [Jac70] découvre une nouvelle extension à un paramètre, complètement différente, des fonctions de Schur. Lorsque ce paramètre, noté par α, prend les valeurs α = 1 et α = 2, on retrouve respectivement les fonctions de Schur et les fonctions zonales. Cela montre alors que ces deux familles de fonctions ne sont pas des objets déconnectés et indépendants : ils sont en fait unifiés via la théorie des polynômes de Jack. Une seconde unification de ce genre est découverte dans les années 1980 par Macdonald, extension dont l’impact a eu un effet immédiat. En effet, Macdonald découvre une famille de polynômes symétriques qui contient deux paramètres libres, notés par q et t, et qui permet d’unifier toutes les autres fonctions symétriques connues [Mac88, Mac95].‡ Celles-ci sont obtenues par différentes spécialisations (ou limites) des paramètres q, t. Par

exemple, les fonctions Hall-Littlewood sont obtenues lorsque q = 0 et les polynômes de Jack sont obtenus lorsque ces deux paramètres tendent vers 1. Ces nouveaux polynômes, dépendant de q et t, qu’on appelle les polynômes de Macdonald, possèdent une structure algébrique et combinatoire très riche et leur définition est vraiment simple : triangularité et orthogonalité. Nous verrons un peu plus loin que ces deux propriétés permettent également de définir des extensions dans le superespace des fonctions symétriques.

À l’époque, plusieurs des résultats présentés par Macdonald étaient sous forme de conjecture. Il y a deux conjectures notables qui ont suscité beaucoup d’intérêt en mathématiques et il s’agit de celle concernant l’évaluation du terme constant et de celle concernant la positivité (ou la version intégrale). Tout d’abord, la conjecture sur les identités du type terme constant intervient dans la définition des polynômes de Macdonald via une seconde relation d’orthogonalité. Elle permet également de relier les deux normalisations de ces polynômes. Par exemple, cette conjecture dit que le terme constant, par rapport aux variables xi, du polynôme suivant (ce cas particulier correspond au système de racines de

type A, nous y reviendrons plus loin pour les autres systèmes de racines) Y

1≤i<j≤n

(qxix−1j ; q)k(xjx−1i ; q)k, k = 1, 2, . . .

est (q; q)kn/(q; q)nk où (z; q)k=Qki=1(1−zqi−1). C’est Cherednik [Che95a] qui démontra l’ensemble des

conjectures sur le terme constant formulées par Macdonald. Son approche consiste en l’introduction

Traduction littérale de plane partitions

Notons que le crédit de cette découverte est souvent également donnée à Kadell [Kad88] pour son étude en lien avec

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d’une nouvelle structure algébrique qu’il nomme la double algèbre de Hecke affine. Son résultat consti-tue un développement majeur dans la théorie des fonctions symétriques. Cela a conduit également à la découverte des polynômes non symétriques de Macdonald [Che95b], définis comme étant les fonctions propres d’un certain ensemble d’opérateurs qui porte d’ailleurs maintenant le nom d’opérateurs de Cherednik. Il a été ainsi compris que les polynômes de Macdonald peuvent être obtenus à partir de leurs homologues non symétriques via l’action de symétriseurs. En exploitant cette connexion, plu-sieurs résultats de la théorie des polynômes symétriques ont pu être démontrés à partir de la théorie des polynômes non symétriques, comme si parfois ces derniers fournissaient un cadre théorique plus simple.

La seconde conjecture, sur la positivité, dit que le développement d’une version modifiée des polynômes de Macdonald dans la base des fonctions de Schur est donné par des coefficients polynomiaux entiers positifs dans les paramètres q et t,

˜ = X µ ˜ Kµλ(q, t)sµ, K˜µλ(q, t) ∈ N(q, t).

(À une normalisation près, c’est le cas m = 0 de la conjecture présentée à la section 2.4.4). Cette conjecture s’est révélée d’une complexité imposante. C’est Garsia et Haiman qui ont démontré cette conjecture dans les années 2000 et leurs travaux ont permis de relier les polynômes de Macdonald à la théorie des représentations pour une catégorie de modules particuliers. En effet, Garsia et Haiman [GH93] ont d’abord énoncé une conjecture générale sur l’existence d’un certain module de Sn bigradué

en sous-modules et dont le caractère (ou fonction génératrice, mais plus précisément, il s’agit de la série de Frobenius) des éléments de ce module est donné exactement par ˜ci-dessus. Puisque cette formule

représente un comptage des éléments du module, la positivité est alors immédiate. C’est Haiman [Hai01] qui démontra cette conjecture en même temps que celle reliée aux modules harmoniques diagonaux et espaces coinvariants (voir également [Ber09]).§

Il y a plusieurs domaines d’application en physique et en mathématiques reliés aux polynômes de Macdonald. Tout d’abord, ceux-ci apparaissent dans le contexte du modèle complètement intégrable

§ Cette connexion avec la théorie des représentations pour S

n est vraiment fascinante. Elle est formulée, plus

précisément, en terme de la série de Frobenius du module de Garsia-Haiman. Nous noterons ce module par Wµ et

celui-ci dépend d’une partition µ de n. Il est composé de fonctions dans deux ensembles de variables, x et y, et est généré à partir d’une fonction dépendant de µ (i.e. cette fonction est donnée par le déterminant det1≤i,j≤n(x

rj−1

i y cj−1

i )

où (r1, c1), . . . représentent les positions des boîtes du diagramme de µ). Ce module se décompose (ou est bigradué)

en sous-modules W(i,j)

µ de fonctions de degré i en x et de degré j en y et sont associés aux différentes permutations

σ ∈ Sndont l’action sur les variables est diagonale, i.e. xk, yk→ xσ(k), yσ(k). Ainsi, la conjecture formulée dans [GH93]

correspond à X

i,j

tiqjX λ

sλmult.(χλ, Wµ(i,j)) = ˜

où sλest la fonction de Schur (associée à la représentation λ de Sn) et où mult.(·) représente la multiplicité du caractère

χλdans le sous-module W(i,j)

µ . Il s’agit d’un élément plutôt technique, mais en d’autres mots, si l’on décompose Wµ(i,j)

en sous-modules irréductibles de Sn, mult.(·) est le nombre de ces sous-modules dont la trace est χλ. Considérons un

exemple. Si l’on prend µ = (2), le déterminant ci-dessus donne y2− y1 et

W(2)= vect{y2− y1, 1}.

Le sous-module W(2)(0,0)est associé à l’élément 1 et W(2)(0,1)à y2−y1. Clairement, ces modules sont respectivement associés

aux éléments e et (1 2) de S2 et les multiplicités (non nulles) sont mult.(χ(1,1), W(2)(0,1)) = mult.(χ(2), W(2)(0,0)) = 1. La

série de Frobenius de W(2)est donc

s(2)+ qs(1,1),

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découvert par Ruijsenaars et Schneider [RS86, Rui87], noté par modèle RS. Il s’agit d’un modèle quantique décrivant un système de N particules en interaction et en une dimension. Ce modèle est souvent considéré comme étant un modèle relativiste puisque les relations algébriques sous-jacentes au modèle sont les relations de l’algèbre de Poincaré. Dans le cas d’un potentiel donné par une fonction de type trigonométrique, les états propres de l’hamiltonien sont exprimés par un produit de deux contributions : le produit de la fonction de l’état du vide avec les polynômes de Macdonald. Ensuite, plus récemment, un lien inattendu a été découvert avec la déformation à un paramètre de l’algèbre de Virasoro, ou q-Vir [SKAO96]. À l’aide de la représentation en champs libres, il a été observé que les vecteurs singuliers des différents modules de plus haut poids pour l’algèbre q-Vir sont donnés par des polynômes de Macdonald correspondant à des partitions rectangulaires (qui sont reliées aux indices de Kac caractérisant le plus haut poids). Ce résultat généralise la relation entre les polynômes de Jack et les vecteurs singuliers en théorie des champs conformes. Les polynômes de Macdonald sont également utilisés dans le contexte d’une version en cinq dimensions de la conjecture AGT [AY10] généralisant ainsi la notion de vecteurs de Whittaker dans le cas de q-Vir. Cette conjecture suggère que le produit scalaire des vecteurs de Whittaker ainsi trouvés est donné par une certaine fonction génératrice (des instantons) dans une théorie de jauge supersymétrique (de type SU(2)) en cinq dimensions. Enfin, une dernière application des polynômes de Macdonald est donnée par les processus de Macdonald [BC14]. Il s’agit d’un processus statistique qui permet de décrire le phénomène de croissance de l’interface entre deux régions, qui est en fait codé par les partitions très grandes.

Lorsque les polynômes de Macdonald ont été découverts, il a été rapidement remarqué que leur struc-ture était encodée sur le réseau du système des racines de l’algèbre de Lie de type An. Les vecteurs

de poids dominants de la forme η =Piηiˆei, où ˆei− ˆei+1 (i = 1, . . . , n) sont les racines simples, étant

reliés aux partitions λ par la relation ηi = λi− (n + 1)−1|λ|. Les polynômes de Macdonald furent alors

généralisés pour l’ensemble des réseaux de racines connus, par exemple Bn, Cn, Dn, . . . et ces résultats

sont présentés dans le dernier livre de Macdonald [Mac03]. En fait, on peut mentionner que la conjec-ture sur les identités du type terme constant présentée par Macdonald (voir ci-haut) était valable pour l’ensemble des réseaux de racines et la preuve donnée par Cherednik couvre tous les réseaux de racines. Pour de l’information additionnelle sur le contexte historique de la théorie des fonctions symétriques, voir le livre [KS06] sur lequel s’appuie l’introduction présentée ici.

Dans les années 2000, il y a eu une généralisation d’un type complètement différent des fonctions symétriques et celle-ci vient en fait d’une contribution issue de la physique : c’est la supersymétrie. Il est généralement accepté en physique que les particules qui composent la nature se séparent en deux grandes familles : les bosons, comme les photons ou les gluons, ainsi que les fermions, comme les électrons ou les muons. Essentiellement, les bosons sont des particules de spin entier et sont caractérisés par des fonctions d’ondes symétriques et la statistique de Bose-Einstein qui permet d’avoir plusieurs bosons occupant le même état quantique (ou niveau d’énergie). Les fermions sont des particules de spin demi-entier et sont caractérisés par des fonctions d’ondes antisymétriques et la statistique de Fermi-Dirac dans laquelle il est impossible d’avoir plusieurs fermions occupant le même état quantique. Ainsi, la plupart des symétries présentes dans un système physique sont celles qui impliquent des transformations entre bosons (ou encore entre fermions). On peut penser par exemple à la symétrie de rotation, de translation ou de jauge. La supersymétrie est une nouvelle sorte de symétrie qui implique une invariance du modèle lorsque les bosons sont transformés en fermions (et inversement). Celle-ci

(25)

fut proposée au début des années 1970 par Gel’fand, Likhtman, Ramond, Neveu et Schwartz dans le contexte de la théorie des cordes (voir par exemple l’introduction de [CKS95]). Une nouvelle structure algébrique fut alors découverte, qu’on appelle maintenant une algèbre de Lie graduée, et qui généralise le groupe de Poincaré. En fait, ce résultat a permis de contourner le théorème no-go de Coleman et Mandula qui dit que la symétrie en quatre dimensions la plus générale (pour une théorie de champs quantiques) est celle d’un groupe de Lie donné par la somme directe du groupe de Poincaré et un groupe décrivant les symétries internes du système.¶ Puis, un peu après, Wess et Zumino ont montré

comment obtenir une théorie des champs quantiques invariante sous la supersymétrie. Une conséquence importante de la supersymétrie consiste en l’introduction de (nouvelles) superparticules associées à tous les bosons et fermions connus, la masse de la particule et la masse de son superpartenaire étant identiques. Les principales raisons et motivations pour l’étude de la supersymétrie en physique sont (i) qu’elle fournit le cadre théorique à l’unification des forces et la matière, étant donné que tous les bosons connus sont des bosons de jauge (i.e. des particules intermédiaires échangées lors d’interactions) ; et (ii) cela permet de réduire les problèmes de divergence en théorie des champs quantiques et en gravité quantique. Pour ces raisons et pour d’autres, la supersymétrie est vue en physique comme un ingrédient essentiel de la physique théorique moderne.

Malgré le fait qu’il existe un très grand nombre d’articles sur ce sujet et des résultats hautement non triviaux, la supersymétrie demeure un concept théorique et ses conséquences n’ont jamais été observées de façon expérimentale. De plus, si elle existe, la supersymétrie est une symétrie de la nature qui doit être brisée à notre échelle d’énergie, car les masses des superparticules sont nécessairement différentes des masses des particules partenaires associées. Ainsi, dans les années 1980, Witten [Wit81] a introduit la mécanique quantique supersymétrique dans le but d’étudier les mécanismes de brisure de la supersymétrie. Le développement et l’étude (des propriétés) des modèles quantiques supersymétriques ont ensuite été repris par plusieurs autres physiciens et constituent maintenant un champ de recherche en soi [Bag10]. En fait, une des contributions majeures de ce champ d’étude fut la découverte des systèmes supersymétriques complètement intégrables. Il s’agit précisément de la contribution en lien avec la généralisation des fonctions symétriques dont il a été question ci-haut.

Tel que mentionné ci-dessus, les polynômes symétriques de Macdonald sont reliés aux fonctions propres du modèle quantique RS (dans le cas trigonométrique). C’est également le cas pour les polynômes de Jack qui sont les fonctions propres, modulo la fonction décrivant l’état du vide, du modèle quantique Calogero-Moser-Sutherland (CMS) dans sa version trigonométrique. Il s’agit du modèle correspon-dant à la limite non relativiste de RS. Pour une bonne présentation de cette classe de modèles inté-grables, voir par exemple [OP83, Rui99, KK09]. La supersymétrisation du modèle CMS, amorcée en [FM90, SS93] puis poursuivie en [DLM01], consiste en gros en l’ajout de variables anticommutantes (ou de Grassmann) θ1, θ2, . . . décrivant les degrés de liberté fermionique, en plus des variables usuelles

x1, x2, . . . (ou positions) associées aux degrés de liberté bosonique. Les états du modèle sont alors

décrits naturellement par des fonctions f = f(x, θ) qui sont invariantes (ou symétriques) sous l’inter-change simultanément d’une paire xi, θi ↔ xj, θj. Ce type de fonction est appelé superfonction (ou

superpolynôme) symétrique. La stratégie pour construire l’hamiltonien du modèle supersymétrique,

(26)

correspondant au cas trigonométrique, est la suivante. On part de l’hamiltonien du modèle CMS −1 2 X i 2 ∂x2 i +X i<j β[β− Kij] (2/γ)2sin2 γ 2(xi− xj) ,

où β et γ sont des constantes du modèle, et l’on remplace l’opérateur d’échange Kij : xi ↔ xj par

l’opérateur d’échange sur les variables de Grassmann κij : θi ↔ θj. Ceci est possible à cause de la

relation (Kijf )(x, θ) = (κijf )(x, θ). Notons que l’hamiltonien ci-dessus diffère de l’hamiltonien CMS

original où l’opérateur Kij est remplacé par 1. En fait, lorsque cet hamiltonien est restreint à l’espace

des fonctions symétriques en xi, les deux versions concordent. Le superhamiltonien ainsi obtenu s’écrit

comme un anticommutateur H = {Q, Q} où Q est la supercharge, générateur de la supersymétrie

et constitue une symétrie du système puisque Q2 = 0. Les fonctions diagonalisant l’hamiltonien du

modèle CMS supersymétrique sont données par des superpolynômes symétriques qui généralisent les polynômes de Jack. Ces nouvelles superfonctions sont aujourd’hui appelées les superpolynômes de Jack.

Suite au travaux de [DLM01], un point important qui a été remarqué un peu plus tard dans [DLM06, DLM07] est que la définition des superpolynômes de Jack peut être faite via un problème combinatoire indépendamment du modèle (ou contexte) physique. Ceci a ouvert la voie à l’étude de la théorie des su-perpolynômes symétriques d’un point de vue de la combinatoire algébrique où l’action sur les variables

x, θ est donnée via l’action d’un module diagonal de Sn, où n est maintenant relié au nombre total de

variables x et θ. De plus, le rôle des partitions est remplacé par les superpartitions, une généralisation naturelle des partitions. Le fait que la plupart des résultats de la théorie des fonctions symétriques et des polynômes de Jack ont une extension directe dans la théorie des superfonctions symétriques témoigne de la richesse de cette théorie. Récemment [DLM12b, ADM13], les superpolynômes de Jack ont été utilisés pour représenter les vecteurs singuliers des différents secteurs et modules de plus haut poids de l’algèbre de super Virasoro en théorie des champs superconformes.

Le cas de la généralisation supersymétrique du modèle RS et de l’extension des polynômes de Macdo-nald dans la théorie des superfonctions symétriques s’est avéré de nature plus compliquée que le cas relié aux polynômes de Jack. On présente dans ce qui suit les différentes raisons qui expliquent cette affirmation.

Tout d’abord, la méthode qui a été utilisée pour obtenir la version supersymétrique du modèle CMS ne peut pas être appliquée pour construire une version supersymétrique du modèle RS car celle-ci ne fonctionne tout simplement pas dans ce cas. Habituellement, pour des modèles de mécanique quan-tique supersymétrique, les supercharges sont proportionnelles à l’impulsion. Cependant, le formalisme du modèle RS n’est pas cohérent avec cette approche puisque l’hamiltonien de ce modèle dépend de l’exponentielle de l’impulsion. Également, et plus important encore, la forme semi-positive de l’hamil-tonien pour le modèle RS n’est pas utile pour la construction d’une version supersymétrique puisqu’elle conduit à une supercharge Q qui n’est pas une symétrie du système, i.e. Q2

6= 0 (l’exemple 4.2.1 discute davantage cette approche). Ces deux éléments contrastent avec le modèle CMS supersymétrique où la supercharge est proportionnelle à l’impulsion et donnée via la forme semi-positive de l’hamiltonien du modèle non supersymétrique.

L’autre voie naturelle s’appuie sur la structure algébrique sous-jacente à l’hamiltonien du modèle RS : celle-ci est l’algèbre de Hecke affine (via la composition des générateurs dans les opérateurs de

(27)

Cherednik). Ainsi, une seconde approche au problème de la supersymétrisation consiste à reproduire la technique discutée ci-haut avec l’hamiltonien comprenant le terme d’échange (i.e. l’opérateur Kij).

Cette approche est celle du coproduit de Hecke, considérée dans [LV02]. Il s’agit de construire une représentation d’un opérateur de Hecke qui agit sur les variables de Grassmann, noté par Tθ (qui doit

satisfaire les relations de l’algèbre de Hecke) et qui est telle que (Txf )(x, θ) = (Tθf )(x, θ)

où Tx dénote l’opérateur de Hecke usuel dont l’action est sur les variables x. Ainsi, l’opérateur de

permutation des variables à la Hecke, (Tf)(x, θ) = tf(x, θ), qui prend en compte les contributions des deux composantes Tx,Tθ, serait un opérateur du type coproduit de Hecke. Le paramètre t est le

paramètre libre qui intervient dans la définition de l’algèbre de Hecke. Étant donné un tel opérateur, l’hamiltonien du modèle RS supersymétrique serait donné par l’hamiltonien RS en remplaçant les opérateurs Txpar Tθ. Suite aux travaux de [Vei08], un tel opérateur semble être bien défini seulement

lorsque le nombre de variables de chaque type est 2, i.e. x1, x2, θ1, θ2. Il ne semble donc pas exister

d’opérateur de Hecke agissant sur les variables anticommutantes.

Considérant d’autre part l’important succès de l’approche combinatoire à la théorie des superfonctions symétriques et des superpolynômes de Jack, la méthode suivante à envisager est de tenter une défini-tion combinatoire des superpolynômes de Macdonald. De plus, une conjecture sur le produit scalaire combinatoire permettant de définir ces (nouveaux) objets fut formulée dans [DLM07, conj. 34] via la formule de Cauchy suivante

Y i,j (txiyj+ tθiφj; q)(xiyj+ θiφj; q)∞ =X Λ ˜zΛ(q, t)−1pΛ(x, θ)pΛ(y, φ)hpΛ, pΩiq,t= δΛΩ˜zΛ(q, t)

où y1, y2, . . . et φ1, φ2, . . . sont des ensembles additionnels de variables commutantes et

anticommu-tantes, où Λ (et Ω) représente une superpartition et où pΛ(x, θ) est la généralisation des fonctions

sommes de puissances.kPuis, par la suite, ayant en main les superpolynômes de Macdonald définis via

cette conjecture, la stratégie est de construire le modèle RS supersymétrique à partir de ses fonctions propres. Évidemment, il s’agit là d’un problème mal posé.

Les résultats présentés dans cette thèse résument les travaux effectués dans le cadre de la découverte de l’extension de la théorie des superfonctions symétriques aux superpolynômes de Macdonald ainsi que la généralisation d’un modèle RS supersymétrique intégrable. Ces contributions sont des découvertes originales. L’organisation de ce document est comme suit.

Le chapitre 1 constitue une introduction aux superpolynômes symétriques. C’est un chapitre important puisqu’on y introduit la notation qui sera utilisée tout au long du document. Dans les sections 1.1–1.3, on définit (formellement) la notion de superespace, de l’anneau des superpolynômes, des superparti-tions et des quantités combinatoires reliées aux diagrammes (de Young) associés aux superpartisuperparti-tions. Quelques exemples y sont également présentés. À partir de la section 1.4, on entame la description de l’anneau des superfonctions symétriques. Dans les deux sections suivantes, il est introduit deux concepts importants, soit celui de l’orthogonalité et celui de la dualité. Le contenu de ces trois sections s’appuie sur le contenu de [DLM06] pour la présentation. Ensuite, pour les sections 1.7 et 1.8, on présente (brièvement) les superfonctions de Schur et les superpolynômes de Jack qui constituent deux

(28)

exemples importants de base pour l’anneau des superpolynômes symétriques et qui satisfont les deux propriétés fondamentales qui reviendront par la suite : triangularité et orthogonalité. On termine ce chapitre avec la section 1.9 par une discussion sur les matrices de transition entre différentes bases introduites jusqu’à ce point.

Les chapitres 2 et 3 sont dédiés aux superpolynômes de Macdonald et résument les principaux résul-tats des contributions [BDLM10, BDLM12]. Dans un premier temps, on donne dans les sections 2.1 et 2.2 les ingrédients principaux pour la définition combinatoire des superpolynômes de Macdonald. On caractérise ensuite dans les sections suivantes du chapitre 2 cette nouvelle famille de superfonctions en donnant ses cas limites via les différentes spécialisations des paramètres q et t (dont les superpo-lynômes de Macdonald dépendent) et plusieurs propriétés combinatoires connues, généralisant ainsi celles des polynômes de Macdonald. Certains résultats sont exprimés sous forme de conjecture et de nombreux exemples sont présentés. Au chapitre 3, on se concentre sur la caractérisation analytique des superpolynômes de Macdonald via la connexion de ceux-ci avec les polynômes non symétriques de Macdonald. On voit dans les sections 3.1–3.3 les définitions de l’algèbre de Hecke, des polynômes non symétriques de Macdonald et des opérateurs de symétrisation. On se tourne ensuite vers la démons-tration de la définition combinatoire des superpolynômes de Macdonald (i.e. la preuve d’existence) et l’on démontre l’orthogonalité du type terme constant. Les trois dernières sections 3.6–3.8 portent sur des opérateurs particuliers (i.e. correspondant à l’ordre 1) pouvant s’écrire comme un anticommuta-teur de supercharges lorsque l’action de ces opéraanticommuta-teurs est restreinte à l’espace des superpolynômes symétriques.

Au chapitre 4, on présente la généralisation supersymétrique du modèle RS et la connexion avec les superpolynômes de Macdonald. Il est divisé en deux parties. Premièrement, on revoit les éléments importants du modèle RS ainsi que la notion d’intégrabilité (classique et quantique). Deuxièmement, on construit la structure algébrique sous-jacente au modèle supersymétrique, on présente les fonctions propres et on démontre l’intégrabilité du modèle. Ce chapitre s’appuie sur la contribution [BDM14]. Deux annexes complètent cette thèse. En premier lieu, l’annexe A porte sur quelques éléments de la contribution [BLM13]. Il s’agit des résultats nécessaires pour démontrer une partie des conjectures sur les superpolynômes de Macdonald, soit lorsque la superpartition associée est dans un secteur particulier (le secteur des doubles Macdonald). Ensuite, dans l’annexe B, on présente un argument très puissant permettant de déduire qu’un opérateur qui satisfaisait à quelques propriétés est identiquement nul lorsque son action partout dans l’espace des superfonctions symétriques est nulle. Cet argument est utilisé dans la preuve d’intégrabilité du modèle RS supersymétrique.

On présente maintenant un résumé des résultats principaux.

Résumé des chapitres 2 et 3

La conjecture énoncée ci-dessus concernant la définition des superpolynômes de Macdonald est en fait erronée, [DLM07, conj. 34]. Il est suffisant de considérer un contre-exemple pour le démontrer. Pour obtenir une formulation valide d’un superpolynôme de Macdonald PΛ = PΛ(x, θ; q, t) associé à

(29)

la superpartition Λ (déf. 1.2.7), le noyau reproducteur doit être modifié comme suit Y i,j (txiyj+ tθiφj; q)(xiyj+ θiφj; q)∞ → Y i,j (txiyj; q)(xiyj; q)∞ Y k,l  1 + θkφl xkyl/q  =X Λ zΛ(q, t)−1pΛ(x, θ)pΛ(y, φ).

La définition des PΛ suit alors la définition standard via les propriétés de (i) triangularité et (ii)

d’orthogonalité,

(i) PΛ= mΛ+ termes inf. (ii) hPΛ, PΩiq,t∝ δΛΩ

où mΛ est la superfonction monomiale (éq. (1.39)) et les termes d’ordres inférieurs sont donnés par

rapport à l’ordre de dominance entre les superpartitions (déf. 1.2.12). La relation d’orthogonalité est évaluée dans la base des superfonctions sommes de puissances pΛ (éq. (1.43)) : hpΛ, pΩiq,t =

δΛΩzΛ(q, t). Plusieurs des résultats (combinatoires) venant de la théorie des polynômes de Macdonald

se généralisent directement pour les superpolynômes PΛ. En particulier, il s’agit des résultats sur

la normalisation (conj. 2.4.1), sur l’évaluation (conj. 2.4.12) et sur la positivité (conj. 2.4.16). Cette dernière propriété permet d’introduire l’extension dans le superespace des coefficients (q, t)-Kostka (voir ex. 2.4.19).

La caractérisation analytique permet de donner une seconde définition à ces objets. En effet, les super-polynômes de Macdonald satisfont à un problème aux valeurs propres : PΛest l’unique superpolynôme

qui est fonction propre des opérateurs

D−1= X i Aiτi−1+ X i −1 i Ai− Aiτi−1]θi∂θi+ (1 − t)(1 − q) X i6=j xixjAj (txi− xj)(xi− qxj) τi−1θi∂θj et I = (1− t)X i,j τi−1 xjAj xj− txi θi∂θj

où Ai=Qj6=i(xi/t− xj)/(xi− xj) et τi−1 est l’opérateur de q-différence agissant uniquement sur les

variables x : τ−1

i xi= q−1xiet τi−1xj = xj pour j 6= i. Les valeurs propres sont respectivement données

par tN −1X i q−Λ∗it1−i, t−N +1 X i : Λi6=Λ ∗ i q−Λ∗iti−1.

Les partitions Λ∗ et Λ, correspondant à des réarrangements de Λ, caractérisent uniquement la

su-perpartition Λ (note 1.2.9). Ces opérateurs sont auto-adjoints dans le produit scalaire h·, ·iq,t et leur

action est triangulaire.

Pour obtenir cette caractérisation analytique, il faut utiliser la relation entre les PΛ et les polynômes

non symétriques de Macdonald Eη (où η représente une composition). Cette relation est

PΛ∝ YN,mEσ(Λ)



et permet d’obtenir le superpolynôme PΛ, dans les 2N variables x, θ et de degré antisymétrique égal à

m, à partir d’un processus de symétrisation représenté ici par YN,m. La composition σ(Λ) correspond

à une certaine permutation de Λ (éq. (3.44)). Le symétriseur est donné par YN,m= X w∈SN K1· · · θm v1(x1, . . . , xm) vt(x1, . . . , xm) ˆ U(1,...,m)Uˆ(m+1,...,N )+

(30)

où les opérateurs Kw et ˆU, ˆU+ sont respectivement l’opérateur de permutation (déf. 1.1.5) et les

opérateurs de symétrisation de Hecke (déf. 3.3.3), et où vt représente le t-Vandermonde (éq. (3.30)).

Cette relation permet ainsi d’obtenir, à partir des opérateurs de Cherednik, 2N opérateurs qui sont diagonalisés par les PΛ (prop. 3.4.7).

De plus, cette connexion avec la théorie des polynômes non symétriques de Macdonald permet de définir une seconde relation d’orthogonalité pour les PΛ,

ct∆NPΛ(x, θ; q, t)P(x−1, θ; q−1, t−1)

 ∝ δΛΩ

avec la fonction ∆N =Qi6=j(xix−1j ; q)/(txix−1j ; q)et la convention θiθj = δijAi et où ct(·)

repré-sente le terme constant par rapport aux variables xi.

Résumé du chapitre 4

La version supersymétrique du modèle quantique RS trigonométrique est essentiellement donnée par la découverte des supercharges

Q =X j θj(ˆaj− 1), Q = i X j θj(ˆaj+ 1)

où l’opérateur ˆaj = Vj−1τj−1Wj est donné en terme des fonctions pour le potentiel du modèle RS

trigonométrique (éq. (4.27)). En effet, ces supercharges sont les générateurs de l’hamiltonien et de l’impulsion totale du modèle supersymétrique, donnés respectivement par 2H = {Q, Q} et 2P =

{Q, Q†}. L’opération † est définie via un produit scalaire donné par la version intégrale de la relation d’orthogonalité analytique (type terme constant) pour les superpolynômes de Macdonald (éq. (4.72)). La présence d’une mesure non triviale dans le produit scalaire complique légèrement la définition des opérateurs adjoints (ou hermitiens). La supercharge Q est le générateur de la supersymétrie et permet de changer un état bosonique en un état fermionique (et inversement). Cela est également vrai pour

Q. La supercharge Q est une symétrie du modèle puisque Q2= 0.

On pourrait alors s’attendre à ce que le modèle soit un modèle supersymétrique N = 2 (i.e. possédant deux supersymétries), mais ce n’est pas le cas. En effet, les différentes relations algébriques sous-jacentes forment une algèbre de Lie graduée qui est donnée par celle de l’algèbre de Poincaré N = 1 supersymétrique. Les représentations du type «double spineur» et spineur de Majorana de cette algèbre sont obtenues pour les opérateurs Q, Q, H, P, B où B représente le boost du modèle RS (éqs (4.87)– (4.98)).

La diagonalisation de H et P est obtenue en écrivant ces opérateurs sous la forme

H = 1

2(H−1+ H1), P = i

2(H−1− H1)

où l’expression de H−1 correspond, une fois la contribution de vide ∆1/2N retirée, à l’opérateur D−1

pour les superpolynômes de Macdonald donné ci-dessus, ∆−1/2

(31)

(∝ indique à une puissance de t près). Les opérateurs H et P étant hermitiens par rapport à un produit scalaire pour lequel les superpolynômes de Macdonald sont orthogonaux, on a H1= H−1† et

−1/2

N H1∆1/2N ∝ D1

où D1 est également un opérateur dont les fonctions propres sont les PΛ. Les états propres du modèle

supersymétrique sont donc de la forme ΨΛ= ∆1/2N PΛoù les superpartitions Λ représentent les nombres

quantiques des états excités. L’intégrabilité du modèle est un résultat qui suit de l’existence de 2N quantités conservées (i.e. ensemble d’opérateurs qui commutent avec H) et diagonalisées par ΨΛ. Ces

éléments proviennent des résultats obtenus au chapitre 3 et dans l’annexe B (éqs (4.111)–(4.113)).

Résumé des annexes A et B

Pour une superpartition Λ de degré (n|m), voir déf. 1.2.7, le superpolynôme de Macdonald associé PΛ

est stable par rapport à l’ajout de variables lorsque N − m ≥ n − m(m − 1)/2. Ce sujet est détaillé au début de la section (1.4). Il existe une seconde propriété de stabilité lorsque l’on considère la condition

m≥ n − m(m − 1)/2. Dans ce cas, si l’on forme les deux ensembles de variables suivants x : (x1, x2, . . . , xm), y : (y1, y2, . . . , yN −m) = (xm+1, . . . , xN)

les ensembles x et y peuvent être considérés indépendants (et infinis) et PΛest alors stable par rapport

à l’ajout des variables x et y. Ceci produit alors un effet inattendu sur la structure des superpolynômes symétriques : ils se décomposent en un produit de deux polynômes symétriques, l’un caractérisé par la partition λ et l’autre par µ via la correspondance Λ = (λ + δm; µ) où δm est la partition escalier

(m − 1, . . . , 0). On obtient ainsi que les superfonctions monomiales sont données par mΛ(x, θ) ↔

sλ(x)mµ(y) où sλ(x) est la fonction de Schur dans les variables x et mµ(y) la fonction monomiale dans

les variables y. Pour les superpolynômes de Macdonald, on obtient le résultat spectaculaire suivant

PΛ(x, θ; q, t) ↔ Pλ(q,qt)  X +q(1− t) 1 − qt Y  Pµ(qt,t)[Y ]

où X =Pixi, Y = Piyi et où la notation pléthystique est utilisée (éq. (A.7)). Le polynôme Pλ(q,t)

représente le polynôme de Macdonald usuel. Lorsque les conditions sur Λ mentionnées ci-dessus sont satisfaites, on dit alors que l’on se trouve dans le secteur des doubles Macdonald (ou de la double stabilité). Étant donné la forme explicite des superpolynômes de Macdonald, il est alors possible de démontrer quelques-unes des conjectures formulées au chapitre 2 lorsque l’on est dans ce secteur. Voir les preuves des conjectures de la normalisation (prop. 2.4.4), de l’évaluation (prop. 2.4.14) et de la positivité (prop. 2.4.18).

Dans l’annexe B, on obtient un important résultat sur un certain opérateur dont l’action est nulle. Ce résultat est utilisé pour conclure que des quantités commutantes sur les superfonctions symétriques commutent généralement. Ceci est implicitement utilisé pour démontrer l’intégrabilité du modèle RS supersymétrique. Pour un certain opérateur Z qui satisfait les propriétés de la définition B.1, si celui-ci a une action nulle, par exemple sur tous les superpolynômes de Macdonald, alors cet opérateur Z est identiquement nul

(32)

Cette preuve utilise une relation d’orthogonalité entre deux vecteurs (éq. (B.16)) lorsqu’évaluée dans une limite asymptotique des superpolynômes monomiaux (prop. B.5) pour conclure que tous les coef-ficients de Z sont zéro.

(33)

Chapitre 1

Fondements : les superpolynômes

symétriques

Tout ce que je dis trois fois est absolument vrai. – L. Carroll

La théorie des superpolynômes symétriques est une généralisation naturelle de la théorie des poly-nômes symétriques, où l’on considère, en plus des variables commutantes, l’ajout de variables anti-commutantes et les superpolynômes composés de ces variables demeurent invariants sous l’action du groupe symétrique. L’action du groupe symétrique est ici définie par la permutation (simultanée) des deux ensembles de variables, i.e. une action diagonale.

Ce premier chapitre a deux objectifs. Tout d’abord, il sert à rappeler (et à résumer) plusieurs notions importantes requises pour les chapitres suivants. Également, il a pour but de fixer la notation qui sera utilisée tout au long de la thèse. On suppose une connaissance élémentaire de la théorie des polynômes symétriques car il n’y a aucun rappel de ces éléments.∗

La première partie de ce chapitre, qui constitue les sections 1.1–1.6, s’appuie sur [DLM06] pour la présentation.

1.1

Le superespace

On considère un espace composé de deux familles de N variables indéterminées : les variables x = (x1, . . . , xN) et les variables θ = (θ1, . . . , θN), qui satisfont les relations suivantes

[xi, xj] = 0, {θi, θj} = 0, [xi, θj] = 0, (1.1)

pour tout 1 ≤ i, j ≤ N (en plus de respecter l’associativité) avec la définition standard du commutateur [·, ·] et de l’anticommutateur {·, ·}. Les variables x sont donc des variables commutantes et les variables

La référence principale sur les polynômes (ou fonctions) symétriques est bien sûr le livre de I.G. Macdonald [Mac95],

voir aussi [Mac98] pour une version résumée très bien faite. Il y a également [Sag01, chap.4] pour une présentation davantage en lien avec la théorie des représentations (du groupe symétrique Sn) et [Sta99, chap.7] pour une approche

combinatoire. Pour des notions plus avancées, voir [Mac03] pour notamment des éléments sur le terme constant, les opérateurs de Cherednik et les polynômes non symétriques de Macdonald, qui seront utilisés au chapitre 3.

(34)

θ, anticommutantes (que l’on nomme souvent des variables de Grassmann). Une conséquence évidente

de (1.1) est que toutes les variables de Grassmann sont nilpotentes (θ2

i = 0, ∀i). Les 2N variables x, θ

forment le superespace.

On s’intéresse ensuite aux polynômes définis dans le superespace. On dénote par

A := K[x1, . . . , xN, θ1, . . . , θN] (1.2)

l’espace (plus précisément, l’anneau sous les opérations +, ×) des polynômes composés à partir des 2N variables (x1, . . . , xN, θ1, . . . , θN), satisfaisant (1.1), et dont les coefficients sont définis sur un

certain corps (commutatif) K. Pour l’instant, on laisse K général, mais plus loin il sera défini plus précisément. On peut, par exemple, prendre simplement R ou C pour l’instant. Un élément de A, noté par f(x, θ) ∈ A, s’appelle un superpolynôme ou encore un polynôme dans le superespace. Une caractérisation importante des éléments de l’espace A est le degré. Ici, pour un superpolynôme f(x, θ) ∈ A, le degré comporte deux informations : (i) le degré en x de chaque monôme composant f(x, θ) et (ii) le nombre de variables de Grassmann présent dans chaque monôme composant f(x, θ). Par exemple, pour un monôme de la forme

f (x, θ) = . . . + Cθi1· · · θimx

a1

1 xa22· · · xaNN + . . . , (1.3)

avec C ∈ K, on dira que le degré est (n|m) avec n = a1+. . .+aN. Évidemment, pour un superpolynôme

arbitraire de A, composé de plusieurs monômes de degré différent, le degré du superpolynôme n’a pas vraiment de sens.†

Définition 1.1.1. (Superpolynôme homogène). Soit f(x, θ) ∈ A. Soit η un paramètre libre

indé-terminé (arbitraire). Le superpolynôme f(x, θ) est homogène de degré (n|m) si et seulement si (ssi) celui-ci s’écrit comme, et satisfait,

f (x, θ) = X

I⊆(1,2,...,N ) |I|=m

θIfI(x1, . . . , xN), fI(ηx1, . . . , ηxN) = ηnfI(x1, . . . , xN), ∀I (1.4)

où I est un ensemble ordonné, |I| représente la cardinalité et θI = θi1· · · θim pour I = (i1, . . . , im).

Remarque 1.1.2. On appelle souvent pour un superpolynôme homogène la valeur de n le degré

symé-trique (ou bosonique) et m le degré antisymésymé-trique (ou fermionique).

Exemple 1.1.3. Le superpolynôme

θ1θ2x61+ θ2θ3x32x33 (1.5)

est (homogène) de degré (6|2).

La description de l’espace A, et en particulier de ses éléments, peut se faire en considérant le sous-espace des superpolynômes homogènes de degré fixe. On dit alors que A est (naturellement) décomposable, ou gradué, selon le degré des superpolynômes. On introduit

Am:= {f ∈ A|degréf = (·|m)}, A =

M

m

Am (1.6)

Par opposition au cas standard où le degré d’un polynôme dans les variables x uniquement est donné par le monôme

(35)

où (·|m) signifie que le degré symétrique n’est pas spécifié (et arbitraire), f est seulement homogène en degré antisymétrique. En fait, les éléments de Am sont simplement des superpolynômes dont chaque

monôme contient exactement m variables antisymétriques. On introduit maintenant deux opérateurs agissant dans A.

Définition 1.1.4. (Opérateurs de projection). Soit I, J ⊆ (1, 2, . . . , N) deux sous-ensembles ordonnés.

On définit le projecteur πI : A → A|I| par l’action

πI(θJ) = δIJθI (1.7)

avec θJ = θj1θj2· · · pour J = (j1, j2, . . .) et où δab= 1 si a = b ou δab= 0 autrement. Également, on introduit l’opérateur simplifié (de projection) ˆπI donc l’action est ˆπI(θJ) = δIJ.

Définition 1.1.5. (Opérateurs de permutation). Soit I = (1, . . . , N) et soit une bijection σ : I → I.

L’application σ est un élément du groupe symétrique de degré N, σ ∈ SN, et l’image du nombre i sous

la bijection σ est noté σ(i). On définit l’opérateur de permutation dans le superespace Kσ : A → A

(également Am→ Am) par l’action suivante

Kσ : (x1, . . . , xN, θ1, . . . , θN) → (xσ(1), . . . , xσ(N ), θσ(1), . . . , θσ(N )). (1.8)

Remarque 1.1.6. La permutation induite par Kσdans le superespace n’est pas donnée par l’action libre

de S2N sur les variables (x1, . . . , xN, θ1, . . . , θN), mais plutôt par une action du sous-groupe diagonale

de SN⊗ SN. En fait, les 2N variables sont permutées d’après un élément du groupe S2Ndiag∼= I2×2⊗ SN

où I2×2 indique l’identité de dimension 2 (i.e. la matrice identité 2 par 2).

Remarque 1.1.7. On écrit souvent l’opérateur Kσ sous la forme factorisée Kσ = Kσκσ = κσKσ

l’opérateur Kσ permute seulement les variables x et κσ permute seulement les variables θ.

Ce dernier opérateur permet de définir l’élément qui est au coeur de ce chapitre.

Définition 1.1.8. (Superpolynôme symétrique). Soit un superpolynôme P (x, θ) ∈ A. On dit que c’est

un superpolynôme symétrique si et seulement si

(KσP )(x, θ) = P (x, θ) ∀σ ∈ SN. (1.9)

Remarque 1.1.9. Un superpolynôme symétrique est donc invariant sous l’action du groupe Sdiag 2N . Si on

pose zi= xi et zN +i= θipour i = 1, . . . , N, on a que la condition (1.9) s’écrit

P (z1, . . . , z2N) = P (zw(1), . . . , zw(2N )) ∀w ∈ Sdiag2N (1.10)

et permet également de définir un superpolynôme symétrique. On dénotera par

SN := ASN = K[x, θ]SN (1.11)

le sous-espace des superpolynômes symétriques, SN ⊂ A. Ce sont les superpolynômes qui sont

inva-riants sous l’action du groupe symétrique SN donnée par l’opérateur Kσ(avec σ ∈ SN) défini ci-dessus

dans la définition 1.1.5. Le reste du chapitre est consacré à l’étude et à la caractérisation de SN. Le

(36)

Lemme 1.1.10. L’espace SN a une structure d’anneau (sous les opérations +, ×). Les opérateurs πI

(ˆπI) et Kσ ont une action bien définie dans SN, donnée par πI : SN → A et Kσ= 1.

Manifestement, un élément P (x, θ) ∈ SN s’écrit comme P (x, θ) =Pn,mP(n|m)(x, θ) où P(n|m)(x, θ)

est un superpolynôme homogène de degré (n|m). Alors, l’espace SN possède également une structure

graduée, et en particulier ici, bigraduée :

SN =M

n,m

S(n|m)

N (1.12)

où S(n|m)

N représente le groupe additif composé des superpolynômes symétriques de degré homogène

(n|m). De plus, étant donné que les éléments de S(n|m)

N font partie d’un anneau, S (n|m)

N est un module

(ou espace vectoriel) sur le corps K et il est toujours possible de décomposer ses éléments dans une base donnée.

Exemple 1.1.11. Les superpolynômes suivants sont symétriques

θ1θ2(x1− x2), θ1x1(x2+ x3) + θ2x2(x1+ x3) + θ3x3(x1+ x2) (1.13) et appartiennent à S(1|2) 2 et S (2|1) 3 respectivement. Pour un superpolynôme de P (x, θ) ∈ S(n|m)

N (i.e. symétrique), le secteur antisymétrique correspondant

à l’ensemble (1, . . . , m) joue un rôle important : c’est le noyau fondamental de P (x, θ). Pour simplifier la notation, on introduit le secteur fondamental

1 := (1, 2, . . . , m) dans S(n|m) N . (1.14) On écrit ainsi P (x, θ) = X I⊆(1,...,N ) |I|=m θIfI(x), 1P )(x, θ) = θ1f1(x1; x1c), (1.15)

où f1(·) est un polynôme antisymétrique en x1= x1, . . . , xm et symétrique dans les variables x1c =

xm+1, . . . , xN (l’exposant c est pour l’ensemble complémentaire par rapport à (1, . . . , N)). Considérons

une permutation σ qui interchange les indices de l’ensemble 1 avec ceux de l’ensemble 1c. Cette

permutation croisée se note comme

σ∈ S

N := SN/(Sm× SN −m), (1.16)

autrement dit, on ne considère pas les permutations de SN qui interchangent uniquement les indices

de 1 (ici noté par Sm) et ceux qui interchangent uniquement les indices de 1c(ici noté par SN −m). Il

s’agit donc des permutations de SN modulo Smet SN −m. On a, pour une telle permutation σ ∈ SN∨,

(KσP )(x, θ) =Kσ(θ1f1) + . . . = P (x, θ) (1.17)

et puisque Kσ(θ1f1) = θσ(1)Kσ(f1), on en déduit que Kσ(f1) = fσ(1). Par conséquent, on obtient une

très belle propriété des superpolynômes symétriques, soit

P (x, θ) = X σ∈SN Kσ[(π1P )(x, θ)], P (x, θ)∈ S (n|m) N . (1.18)

En d’autres mots, toute l’information nécessaire aux superpolynômes symétriques se trouve dans le secteur fondamental 1.

Figure

Figure 1.1: Diagrammes de Hasse indiquant l’ordre de dominance entre les partitions de degré 6, en (a), et entre les superpartitions de degré (4 | 1), en (b)
Tableau 1.1: Les différentes matrices de transitions entres les bases s, ¯ s, h, h ′ , m et m ′
Figure 2.1: Relation entre les (principales) bases de superfonctions dans le superespace P Λ (x, θ; q, t) P Λ (x, θ; t) P Λ (α) (x, θ) P¯ Λ (x, θ; 1/t) s Λ (x, θ) s Jack Λ (x, θ) s ¯ Λ (x, θ) s Λ (x, θ; t)✑✑✑✑✑✰q→0❄q=tαt→1 ◗ ◗ ◗ ◗◗sq→∞❄t→0❄α→1 ❄ t→∞◗◗◗◗◗❦t

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