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Liens entre les mauvais traitements du personnel éducatif envers les élèves et le climat scolaire dans les écoles primaires québécoises

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Liens

entre les mauvais traitements du personnel

éducatif envers les élèves et le climat scolaire dans

les écoles primaires québécoises

Mémoire

Simon Bérubé

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Liens entre les mauvais traitements du personnel

éducatif envers les élèves et le climat scolaire dans les

écoles primaires québécoises

Mémoire

Simon Bérubé

Sous la direction de :

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Résumé

L’un des principaux défis à relever à l’égard de la prévention et à la gestion de la violence à l’école demeure les pratiques éducatives du personnel scolaire. Des actions agressives et inappropriées peuvent ainsi être utilisées par les adultes pour gérer ou « discipliner » les élèves, certaines relevant de la maltraitance envers les enfants (ex. humiliations, ignorance, cris). Même si des études ont déjà rapporté les effets négatifs de la violence à l’école sur le climat scolaire, peu ont analysé dans le détail les liens entre ces conduites inappropriées du personnel éducatif envers les élèves et la qualité du climat scolaire perçu par ces derniers. L’objectif principal de cette étude vise à mieux comprendre les liens existants entre les mauvais traitements du personnel scolaire et la perception du climat scolaire des élèves du primaire. L’échantillon est composé de 141 écoles primaires québécoises, soit 19 675 élèves de la quatrième à la sixième année (9 à 12 ans). Les participants ont rempli le Questionnaire sur la Sécurité et la Violence à l’école Révisé (QSVE-R) qui a été utilisé pour dresser le portrait du climat scolaire et de la violence dans les écoles du Québec (Beaumont, Leclerc et Frenette, 2015). Les résultats suggèrent que près d’un élève sur six par école révèle avoir été victime d’au moins un comportement de maltraitance de la part d’un membre du personnel éducatif au cours de l’année scolaire, soit en moyenne, 0,79 comportements subis par élève par année. L’étude confirme que tous les mauvais traitements du personnel scolaire étudiés contribuent significativement à une moins bonne perception des climats de justice, de sécurité, de relations interpersonnelles/soutien et d’engagement/appartenance des élèves du primaire qui en sont victimes. Aucune différence significative entre les garçons et les filles n’a été relevée quant à leur perception du climat scolaire. Les conclusions de cette recherche proposent quelques stratégies d’intervention pour améliorer les pratiques éducatives et le climat scolaire et suggèrent des réflexions pour de futures recherches dans le domaine.

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Abstract

One of the major challenges in preventing and managing violence in schools often identified remains the educational practices of school staff. Aggressive and inappropriate actions can thus be used by adults to manage or 'discipline' students, some of which are related to child maltreatment (eg. humiliation, ignorance, screaming). Although studies have already reported the negative effects of school violence on the school climate, few have analyzed in detail the links between these inappropriate behaviors of educational staff towards students and its impact on school climate. The main objective of this study is to better understand the links between the maltreatment of school staff and the perception of the school climate of elementary students. The sample is made up of 141 elementary schools, that is, 19,675 students from the fourth to sixth year of elementary school (ages 9 to 12) from Quebec elementary schools. Participants completed the Questionnaire sur la Sécurité et la Violence à l’école Révisé (QSVE-R) used to draw up the portrait of the situation of school climate and violence in Quebec schools (Beaumont, Leclerc et Frenette, 2015). The results indicate that nearly one in six students per school reported having been the victim of at least one year of abuse by an educational staff member. This statistic brings this ratio to an average of 0.79 behaviors per student per year. This research confirms that all the maltreatments of the school staff studied contributes significantly to a lower perception of the climates of justice, security, interpersonal relationships / support and commitment / belonging of the elementary school students who are victims. No significant difference was found between boys and girls in their perception of school climate. The conclusions of this research propose some strategies of intervention to improve the educational practices, the school climate and suggest reflections for future researches in the field.

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Tables des matières

Résumé………....iv

Abstract………...v

Tables des matières……….v

Liste des tableaux………vi

Liste des figures ... vii

Remerciements………..viii

Avant-propos……….. ix

Introduction………. 1

Chapitre 1. Problématique : les mauvais traitements du personnel scolaire envers les élèves……….. 3

1.1 Prévalence et caractéristiques des élèves qui subissent les mauvais traitements du personnel éducatif……….. 6

1.2 Conséquences de ces mauvais traitements sur les élèves ... 13

1.3 Conséquences de ces mauvais traitements sur le climat scolaire ... 16

1.4 La pertinence d’étudier les liens entre les mauvais traitements du personnel éducatif envers les élèves et le climat scolaire ... 18

1.5 Objectif général de la recherche ... 19

Chapitre 2. Cadre théorique et conceptuel ... 20

2.1 Les mauvais traitements du personnel scolaire envers les élèves ... 20

2.2 Le climat scolaire ... 35

2.3 Recension des écrits liant les deux variables à l’étude : maltraitance par le personnel éducatif et climat scolaire perçu par les élèves ... 41

2.4 Objectifs spécifiques de la recherche ... 44

Chapitre 3. Article : Liens entre les mauvais traitements du personnel éducatif envers les élèves et le climat scolaire dans les écoles primaires québécoises ... 46

Conclusion ………83

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Liste des tableaux

Tableau 1. Prévalence de techniques disciplinaires agressives auto-rapportées par les enseignants selon la fréquence d'utilisation (%) ... 8 Tableau 2. Prévalence, d’au moins un comportement de maltraitance subi au cours de

l’année scolaire, rapportés par les élèves selon leur sexe et leur ordre d’enseignement / Beaumont et al., 2016, p. 78)……….9 Tableau 3 Pourcentage (%) d’élèves qui rapportent avoir été maltraités par le personnel scolaire au moins une fois au cours de l’année scolaire, dans une école primaire et secondaire, 2013, 2015 et 2017 (Beaumont et al., 2018, p. 25). ... 13 Tableau 4 Prévalence et fréquence des mauvais traitements des adultes autorapportés par les élèves en moyenne dans une école primaire (N=141 écoles/ 19 675 élèves) ... 59 Tableau 5 Régressions linéaires montrant l'apport de la victimisation par le personnel

scolaire sur la perception qu'ont les élèves de leur climat scolaire (4 dimensions)………..61

Tableau 6. Corrélations de Pearson entre les comportements de maltraitance et les dimensions du climat scolaire ... 62

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Liste des figures

Figure 1. Le modèle général de l’agression (Allen, Anderson et Bushman, 2018, p.76) ... 27 Figure 2. Les composantes de l’environnement socioéducatif de l’école (Janosz et al., 1998, p. 292). ... 38 Figure 3. Les déterminants de l’environnement socioéducatif (Janosz et al., 2009b, p.14) . 40

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Remerciements

J’ignore quelle maltraitance j’ai dû m’infliger pour enfin terminer ce mémoire, mais je tiens à remercier les personnes qui ont joué un rôle important dans la prolongation de mes souffrances. En effet, l’écriture de ce mémoire a pris parfois des allures de chemins de croix. Blague à part, la combinaison du travail-famille-études a été exigeante, mais c’est avec une grande fierté que je présente ce mémoire qui marque la fin d’un chapitre de ma vie professionnelle et personnelle. Je tiens ici à faire part de ma profonde gratitude envers les personnes qui m’ont permis de faire mes études supérieures.

Tout d’abord, mes plus sincères remerciements vont à Mme Claire Beaumont. Cela a été un honneur de vous avoir eu comme directrice de recherche et vous m’avez permis de réaliser un rêve. Merci d’avoir cru en moi, de m’avoir soutenu et d’avoir été si patiente tout au long de la rédaction de ce mémoire. Merci également pour votre collaboration dans les divers projets.

Je remercie également Julien D’amours Raymond pour son expertise quant au traitement des données et à son soutien dans l’interprétation de celles-ci.

Finalement, j’aimerais aussi signaler l’apport de ma famille. Toute ma gratitude à ma conjointe Martine Fortier qui m’a encouragé et soutenu tout au long de la réalisation de ce travail. Tu as rendu possible ce travail, voire ce miracle, en endurant mes soirées et fins de semaine sur mon ordinateur. Un merci à mes chérubins, Charles, Maélie et Rose pour votre compréhension et patience quand je devais travailler sur ce projet au lieu de venir avec vous voir grand-papa et grand-maman. Vous êtes mes trésors nationaux et j’espère, malgré tout, que j’aurai été un bon modèle pour vous.

« Le succès est de vous aimer, d’aimer ce que vous faites et d’aimer la façon dont vous le faites. »

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Avant-propos

Ce mémoire renferme un article scientifique dont je suis l’auteur principal (coauteure Claire Beaumont). Cet article a été effectué dans le cadre du programme de maîtrise en psychopédagogie (adaptation scolaire). Cette recherche quantitative vise à mieux comprendre les liens existants entre les mauvais traitements du personnel éducatif et la perception du climat scolaire des élèves du primaire. Il a été produit en utilisant la base de données nationale de l’équipe de recherche Sécurité et violence dans les écoles québécoises (SÉVEQ/ Beaumont, Leclerc et Frenette, 2016). Cet article sera soumis à une revue scientifique internationale.

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Introduction

L’école est le lieu où des milliers de parents confient pendant plusieurs années ce qui est le plus cher à leurs yeux, leurs enfants. De par leur mission d’instruire, qualifier et socialiser, les établissements scolaires regroupent plusieurs professionnels qui doivent se mobiliser pour offrir des milieux de vie accueillants, sécuritaires et bienveillants aux élèves pour qu’ils puissent développer leur plein potentiel (Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2017). Malgré les efforts déployés pour lutter contre la violence et l’intimidation, pour de nombreux élèves, l’école demeure un synonyme d’exclusion et de rejet (Conseil supérieur de l’éducation [CSE], 2017). Bien que la violence en milieu scolaire soit étudiée depuis plus de quarante ans, la majorité de ces recherches s’attardent sur celles commises par les élèves, que ce soit entre eux ou envers le personnel scolaire, et très peu insistent sur celle infligée par le personnel éducatif envers les élèves. Sujet étudié, sous-reconnu et tabou, seulement quelques recherches montrent que ce phénomène existe bel et bien en milieu scolaire (Beaumont, Frenette et Leclerc, 2016; King et Janson, 2009; McEvoy, 2005; Twemlow, Fonagy, Sacco et Brethour, 2006; Whitted et Dupper, 2008). Il importe donc de continuer les efforts pour mieux connaître l’effet de ces mauvais traitements sur les élèves et sur l’environnement scolaire.

Le présent mémoire est composé de trois chapitres et comporte un article scientifique. Il vise à mieux comprendre les liens existants entre les mauvais traitements du personnel éducatif (ex. cris, insultes, négligence, humiliations verbales) et la perception du climat scolaire des élèves du primaire. Le premier chapitre présente la problématique qui constitue la base de l’élaboration de cette recherche. Différents résultats d’études identifient la prévalence et les caractéristiques des élèves qui subissent les mauvais traitements du personnel éducatif. Les liens entre ces mauvais traitements et le climat sont également rapportés. Les quelques études abordant les mauvais traitements des adultes de l’école envers les élèves et le climat scolaire montrent la pertinence de poursuivre la recherche dans le domaine et permettent de formuler l’objectif général de la présente recherche.

Le deuxième chapitre traite du cadre théorique et présente les principaux concepts clés de notre recherche. Dans un premier temps, il définit et précise ce que sont les mauvais traitements envers les élèves en contexte éducatif. Un modèle explicatif de cette maltraitance

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et ses effets sur les élèves et l’environnement scolaire est proposé. Dans un deuxième temps, une description du climat scolaire et de ses caractéristiques permet d’en connaître davantage sur cette seconde variable à l’étude. Ensuite, un modèle conceptuel explicite les liens possibles entre le climat scolaire et les mauvais traitements commis par les adultes. La relation entre ces mauvais traitements et le climat scolaire est par la suite documentée par une recension des écrits liant les deux variables à l’étude. Les objectifs spécifiques de la recherche complètent ce segment du mémoire.

Le troisième chapitre est constitué de l’article scientifique intitulé : Liens entre les mauvais traitements du personnel éducatif envers les élèves et le climat scolaire dans les écoles primaires québécoises. Il vise à documenter les liens existants entre les mauvais traitements du personnel éducatif et la perception que se font les élèves de leur climat scolaire, élément-clé ayant une influence sur la réussite éducative.

En conclusion, les principaux résultats de cette recherche et des pistes d’action sont présentés dans le but de prévenir et gérer cette maltraitance du personnel éducatif en milieu scolaire.

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Chapitre 1.

Problématique

: les mauvais traitements du

personnel scolaire envers les élèves

Les recherches portant sur la violence et l’intimidation en milieu éducatif soulignent l’importance de la qualité du climat scolaire dans la prévention et la réduction de la victimisation entre pairs (Benbenisthy et Astor, 2005; Cohen, 2013; Cohen et Freiberg, 2013, Steffgen, Recchia et Viechtbauer, 2013). En effet, de nombreuses recherches rapportent que la perception qu’ont les élèves du climat de leur école est associée de manière négative à la violence perçue (Steffgen et al., 2013). Cette violence peut être également la conséquence d’une culture d’établissement délétère et de mauvaises relations interpersonnelles entre les différents acteurs scolaires (Benbenishty et Astor, 2005). De ce fait, un climat positif, véhiculant par exemple un sentiment de justice, de sécurité, d’engagement et de saines relations interpersonnelles (Cohen, McCabe, Michelli et Pickeral, 2009), a été associé aux écoles dites efficaces (Collerette, Pelletier et Turcotte, 2013; Teddlie et Stringfield, 2007). Ces établissements se distinguent et se définissent ainsi en raison de leurs pratiques éducatives et organisationnelles qui soutiennent adéquatement tous leurs élèves pour qu’ils réussissent (Collerette et al., 2013). En d’autres mots, les écoles qui prennent soin à la fois des besoins cognitifs et socio-affectifs des élèves ont plus de chance d’établir un climat d’apprentissage positif et, par le fait même, de prévenir l’apparition d’incidents violents et les gérer plus efficacement (Cohen et al., 2015; Stout et Christenson, 2009).

Pour Benbenishty et Astor (2010), les membres du personnel d’un établissement scolaire qui créent un climat de vie de qualité s’efforcent de renforcer les comportements positifs plutôt que d’utiliser la punition comme première intervention. Ces interactions, qu’elles soient positives ou négatives, affectent la qualité des relations interpersonnelles dans une école et influencent le développement des jeunes (Nurmi et Kiuru, 2015; Payne, 2015). Par exemple, les relations enseignants-élèves jouent un rôle déterminant sur le sentiment de bien-être de ces derniers de même que sur le lien qu’ils développent avec l’école (Brewster et Bowen, 2004; Fredriksen et Rhodes, 2004). Sur le plan des apprentissages, Hattie (2008) a étudié plus de 800 méta-analyses recensant plus de 50 000 études, dans le but d’identifier les

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facteurs les plus importants liés à la réussite scolaire. Parmi l’ensemble des facteurs qui peuvent influencer la réussite des élèves, la relation de confiance qu’entretient l’enseignant avec ces derniers fait une différence majeure sur leur persévérance et leur réussite scolaire (Hattie, 2009). À l’inverse, une relation conflictuelle enseignant-élève diminue la réussite scolaire, nuit à leur bien-être, augmente le risque d’abandonner l’école et contribue à développer des comportements sociaux violents ou inappropriés (Doumen et al., 2008; Drugli, 2013; Ladd et Troop-Gordon, 2003; Skalicka, Stenseng et Wichstrøm, 2015). Alors qu’une relation positive et chaleureuse avec leur enseignant est d’autant plus bénéfique pour les élèves en difficulté d’ordre comportemental (O’Connor, Dearing et Collins, 2011), des recherches rapportent que des membres du personnel scolaire ne réagissent pas toujours calmement et d’une façon appropriée face à ceux présentant des comportements provocateurs (Montuoro, 2016; Romi, Lewis, Roache et Riley, 2011).

Divers encadrements légaux, moraux et professionnels dictent les conduites à adopter dans les interactions du personnel éducatif à l’égard des élèves. En premier lieu, la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée par l’Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et ratifiée par le Canada en 1991, engage les gouvernements à respecter, protéger et appliquer les droits énoncés dans cette charte. Parmi les engagements liés à cette convention, les articles 19 et 28 concernent directement les établissements d’enseignement :

Les États Parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. (art. 19, ONU, 2019)

Les États Parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention. (art. 28, ONU, 2019)

Spécifiquement pour le personnel enseignant, le cadre de référence La formation à l’enseignement : les orientations : les compétences professionnelles (Ministère de

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l’Éducation du Québec [MEQ], 2001, p. 59), présente les orientations et le référentiel des compétences professionnelles à développer. Ce document renferme douze compétences qui se caractérisent notamment par le savoir-agir qui exige la mise en œuvre du savoir (les connaissances), du savoir-faire (les habiletés) et du savoir-être (les attitudes) en contexte réel d’action. La douzième compétence de ce référentiel s’énonce comme suit: Agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions (p. 59). Des composantes de cette compétence viennent également expliciter les comportements et pratiques à adopter, notamment la mise en place d’un fonctionnement de classe démocratique, permettant de fournir l’attention et l’accompagnement approprié aux élèves et d’éviter toute forme de discrimination à l’égard de ces derniers, de leurs parents et des collègues (MEQ, 2001, p. 132-133). Ensuite, selon l’article 22 de la Loi sur l’Instruction Publique (LIP.), les enseignants ont le devoir « de prendre les moyens appropriés pour aider à développer chez leurs élèves le respect des droits de la personne et d’agir d’une manière juste et impartiale dans leurs relations avec leurs élèves » (art. 22, Gouvernement du Québec, 2019a).

En 2012, le Gouvernement du Québec ajoutait à la Loi sur l’Instruction publique que : Tout membre du personnel d’une école doit collaborer à la mise en œuvre du plan de lutte contre l’intimidation et la violence et veiller à ce qu’aucun élève de l’école à laquelle il est affecté ne soit victime d’intimidation ou de violence. (art. 75.3, Gouvernement du Québec, 2019a)

Malgré les constats de la recherche et les obligations reliées à l’éthique professionnelle et aux lois, des membres du personnel scolaire croient que d'infliger une douleur physique ou psychologique à leurs élèves peut améliorer le climat d’apprentissage (Cho, Kim et Pyo, 2012, cité dans Lee, 2015). Qui plus est, quelques recherches montrent que certains adultes des écoles maltraitent les élèves en les insultant, les humiliant, les frappant ou même en les punissant à outrance au lieu de chercher à comprendre ce qui a déclenché un écart de conduite (Chen et Wei, 2011; Khoury-Kassabri, 2006; Khoury-Kassabri, 2009; Lee, 2015). Pour Romi et al. (2011), ces interventions inadéquates nuisent aux élèves sur les plans psychologique et scolaire et peuvent exacerber leurs problèmes de comportement (Sharpe, 2011). Pour ceux qui subissent ces mauvais traitements des adultes à répétition, des conséquences graves à long terme, comme des troubles de comportement à l’âge adulte,

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peuvent être éprouvées (Brendgen, Wanner et Vitaro, 2006). Enfin, il n’est pas nécessaire d’être victime de mauvais traitements d’adultes pour en souffrir, puisqu’ils sont susceptibles de nuire au climat d’apprentissage, donc aussi aux élèves qui en sont témoins (Sharpe, 2011). Considérant que ces comportements affectent le développement de la personne et la réussite éducative des élèves (Romi et al., 2011) et compte tenu des rôles, responsabilités et obligations du personnel éducatif, il semble nécessaire de faire connaître davantage les effets de ces pratiques et croyances aux intervenants scolaires.

1.1 Prévalence et caractéristiques des élèves qui subissent les mauvais

traitements du personnel éducatif

Puisque les mauvais traitements pratiqués par le personnel scolaire risquent d’être nuisibles au développement des jeunes et à leur réussite éducative, il importe de dresser un portrait de la prévalence de ceux-ci et de décrire les caractéristiques des jeunes touchés par le phénomène. Les études sur le sujet sont peu nombreuses et ont majoritairement traité des comportements des enseignants en omettant de considérer l’ensemble du personnel éducatif d’une école (Beaumont et al., 2016). Dépendamment de la provenance de la recherche, teintée par le contexte social et culturel, et par les choix méthodologiques (ex : types de comportements de maltraitance étudiés), les taux de prévalence varient d’une étude à l’autre. Par exemple, les résultats de l'enquête PISA menée en 2015 auprès de 540 000 élèves de 72 pays concluent qu’un élève sur cinq se sent sanctionné sévèrement, offensé ou ridiculisé par son enseignant au moins quelques fois par mois (Organisation de coopération et de développement économiques, OCDE, 2018), alors que d’autres recherches rapportent des taux de 2 % en Norvège (Olweus, 1999) et de 95 % en Tanzanie (Hecker, Hermenau, Isele et Elbert, 2014).

Dans certains pays, les jeunes semblent plus à risque d’agression ou de négligence de la part des adultes de l’école. C’est le cas en Afrique, en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, où les châtiments corporels et d’autres formes de mauvais traitements à l’école sont considérés par les enseignants, les parents et les enfants comme une pratique faisant partie du processus d’enseignement (Antonowicz, 2010; Pinheiro, 2006). Une étude réalisée en Tanzanie a révélé qu’environ 95 % des élèves de la deuxième année du primaire à la première année du

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secondaire auraient subi des châtiments corporels durant leur parcours scolaire et 98 % en auraient été témoins (Hecker et al., 2014). Dans des proportions beaucoup moins élevées, 18 % des élèves sud-coréens de secondaire 1 à 3 ont déclaré avoir été victimes de mauvais traitements émotionnels par les enseignants et 24 % de mauvais traitements physiques (Lee, 2015). Près de 31 % des élèves affirment donc avoir subi de la maltraitance psychologique ou physique par les enseignants au moins une fois au cours de l'année précédente (Lee, 2015). En Israël, 29 % des jeunes fréquentant les classes de 4e à la 6e année du primaire ont

affirmé avoir été maltraités émotionnellement au moins une fois dans le dernier mois par un membre du personnel, alors que 22,2 % ont mentionné avoir subi au moins un type de maltraitance physique (Benbenishty, Zeira, Astor et Khoury-Kassabri, 2002).

En Europe, une enquête française révèle qu’un peu plus de 13 % des élèves du primaire rapportent avoir été rejetés par un des enseignants de leur école, que 4,6 % s’estiment victimes de racisme de la part d’un adulte dans leur école et que 5,5 % déclarent avoir été frappés occasionnellement et 1,7 % souvent ou très souvent (Debarbieux, 2011).

Aux États-Unis, Shakeshaft (2004) a mené une enquête nationale permettant de déterminer la prévalence et la forme des comportements sexuels inadéquats du personnel scolaire envers des élèves du secondaire. Selon cette étude, 7 % des élèves déclarent avoir subi des baisers forcés, des rapports sexuels ou un contact sexuel physique dont des attouchements aux seins, aux fesses ou aux organes génitaux. La prévalence de ces inconduites des adultes de l’école atteint 10 % si on ajoute le partage de pornographie, les discussions sexuelles, l'exhibitionnisme ou la masturbation (Shakeshaft, 2004).

Certains articles consultés permettent également de connaître la perception des enseignants vis-à-vis leur mauvaise conduite à l’égard des élèves. En Angleterre, l’étude de Guasp, Ellison et Satara (2014) indique que 29 % des enseignants du primaire rapportent entendre de leurs collègues des propos homophobes ou des remarques négatives concernant les personnes lesbiennes, gays ou bisexuelles. Les auteurs de cette enquête révèlent également que près d’un enseignant sur cinq (18 %) affirme qu’ils n’interviennent pas lorsqu’il y a des propos ou des gestes homophobes dans leur école. Une étude italienne suggère, quant à elle, que les enseignants tendent à ne pas percevoir ces comportements comme abusifs, alors que 98 % des élèves (6e année) dévoilent une très forte perception d'abus de toute sorte

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(Longobardi, Settanni, Prino et Gastaldi, 2015). Aux États-Unis, les résultats d’une recherche réalisée dans les écoles primaires attestent que 88 % des enseignants, de la maternelle à la 5e année, admettent que les mauvais traitements du personnel scolaire envers les élèves se produisent dans leur profession. Près de 40 % des enseignants avouent également qu’ils ont malmené un élève soit une fois, quelques fois ou fréquemment (Twemlow et al., 2006).

Enfin, le tableau 1 illustre les résultats de l’étude de Riley, Lewis et Brew (2010) concernant la prévalence de l’utilisation de techniques disciplinaires agressives auto-déclarées par les enseignants du primaire et du secondaire.

Tableau 1.

Prévalence de techniques disciplinaires agressives auto-rapportées par les enseignants selon la fréquence d'utilisation (%)

Techniques disciplinaires

Fréquence d’utilisation Jamais Presque

jamais Parfois Souvent

Très souvent

Presque toujours Punir l’ensemble des élèves

(punition de groupe) en raison que certains élèves se comportent mal

31% 43 % 19 % 6 % 1 % 1 %

Embarrasser délibérément les élèves qui ont des mauvaises

conduites 38 % 39 % 21 % 2 % 0 % 0 %

Hurler de colère face aux élèves qui ont des mauvaises

conduites 10 % 37 % 43 % 7 % 3 % 0 %

Utiliser le sarcasme face aux élèves qui ont des mauvaises conduites

27 % 30 % 27 % 8 % 1 % 0 %

Au Québec, trois études rapportent la prévalence de ce phénomène dans les écoles. Malgré des méthodologies différentes, les résultats de ces études présentent des proportions sensiblement comparables, surtout quant aux manifestations associées à la maltraitance

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psychologique au primaire. Par exemple, Janosz, Pascal et Bouthillier (2009a, 2009b) rapportent que 16 % des jeunes du primaire et 29 % au secondaire ont déclaré être insultés par un adulte de l’école au moins une fois au cours de l’année scolaire. En revanche, les agressions physiques exposaient des taux de 9 % au primaire et de 7 % au secondaire. Une autre étude, de type longitudinal, réalisée par Brendgen, Wanner et Vitaro (2006), allègue que près de 15 % des enfants de la maternelle à la 4e année subissaient des abus verbaux de

leurs enseignants. La plus récente enquête de Beaumont et al. (2016) a permis de préciser davantage les manifestations des mauvais traitements du personnel scolaire envers les élèves du primaire et du secondaire. Les résultats rapportés au tableau 2 indiquent qu’en moyenne dans une école primaire ou secondaire québécoise, 15 % des élèves du primaire et 20 % du secondaire ont déclaré avoir subi, au moins un comportement de maltraitance au cours de leur année scolaire. En effectuant des analyses plus approfondies, ces derniers chercheurs ont aussi constaté que les tailles d’effets demeurent de faible amplitude concernant les différences observées entre les élèves du primaire et du secondaire.

Tableau 2.

Prévalence, d’au moins un comportement de maltraitance rapporté par les élèves au cours de l’année scolaire (selon leur sexe et ordre d’enseignement/Beaumont et al., 2016, p. 78)

Comportements subis

Sexe et ordre d’enseignement

Primaire Secondaire

Total Filles Garçons Total Filles Garçons

Cris ou jurons 15 % 12 % 18 % 20 % 18 % 23 % Mots humiliants 8 % 7 % 9 % 12 % 12 % 12 % Regards méprisants 15 % 14 % 16 % 20 % 21 % 19 % Gestes/mots déplacés à connotation sexuelle ---- ---- ---- 3 % 2 % 3 % Ignoré lorsque ridiculisé ou insulté 14 % 12 % 16 % 8 % 8 % 9 % Ignoré lorsque menacé ou battu 7 % 4 % 10 % 3 % 2 % 5 % Bousculé intentionnellement 3 % 2 % 4 % 3 % 2 % 5 % Frappé (coups) 1 % 1 % 2 % 2 % 1 % 2 %

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Les analyses de variances de l’étude de Beaumont et al. (2016) permettent également de confronter une tendance lourde des écrits scientifiques à l’effet que les garçons subissent davantage de mauvais traitements par le personnel éducatif que les filles (Benbenishty et al., 2002; Brendgen et al., 2006; Brengden, Wanner, Vitaro, Bukowski et Tremblay, 2007; Casarjian, 2000; Chen et Wei, 2011; Lee, 2015; Theoklitou et al., 2012; Khoury-Kassabri, 2006; Longobardi et al., 2015). Leurs résultats indiquent que les élèves, peu importe leur sexe ou leur ordre d’enseignement, subiraient les comportements de maltraitance dans des proportions semblables. Se sentir ignoré lorsque menacé ou battu par un pair est le seul comportement de maltraitance où la prévalence est légèrement plus élevée chez les garçons (taille d’effet faible) (Beaumont et al., 2016).

Outre le genre, quelques études montrent une association entre certaines caractéristiques individuelles de l’élève, notamment des difficultés relationnelles, et le fait de subir davantage de la maltraitance par les adultes de l’école. Parmi celles-ci, celle de Khoury-Kassabri (2009) relève que la maltraitance du personnel scolaire s’avère plus fréquente chez les élèves victimes et auteurs d’intimidation par les pairs, suivie par ceux qui sont seulement auteurs et finalement par les victimes seulement. Par ailleurs, 70 % des élèves ont rapporté que lorsque les enseignants voient des évènements agressifs entre les élèves, ils punissent les deux acteurs au lieu de chercher à comprendre ce qui a déclenché la situation (Khoury-Kassabri, 2009). Ensuite, les enfants ayant des niveaux élevés de comportements antisociaux et des problèmes d'attention à la maternelle seraient à risque élevé de violence verbale par l'enseignant durant tout son parcours à l'école primaire (Brendgen et al., 2006). La trajectoire développementale des conduites violentes établie par Gottfredson (2001) va dans le même sens : ce sont les élèves qui ont un tempérament agité et impulsif, qui possèdent un faible contrôle de soi, des comportements agressifs et une faible acceptation par leurs pairs qui subissent les mauvais traitements des enseignants.

Une autre recherche américaine, menée auprès de 50 élèves du secondaire référés en classe d’adaptation scolaire en raison de leurs comportements perturbateurs, démontre que plus de 85 % d’entre eux signalent qu’ils ont été maltraités au moins une fois par le personnel éducatif pendant leur scolarité (Whitted et Dupper, 2008). À l’instar de ces études faisant les liens entre les difficultés d’ordre comportemental et les mauvais traitements du personnel

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scolaire, Westling, Trader, Smith et Marshall (2010) affirme que les élèves ayant un trouble du spectre de l'autisme risquent davantage de subir une contention physique et/ou un isolement. Enfin, de faibles résultats scolaires et une mauvaise relation enseignant-élève sont également associés à la maltraitance du personnel scolaire envers les élèves (Lee, 2015; Youssef, Attia et Kamel, 1998).

L’origine ethnique peut aussi influencer la façon dont le personnel scolaire juge et intervient face aux mauvaises conduites des élèves (Okonofua et Erberhardt, 2015). Aux États-Unis, il y a davantage de pratiques punitives de type corporel chez les élèves noirs (Skiba et Peterson, 1999). Par ailleurs, pour un même comportement, les enseignants tendent davantage à suspendre un élève noir qu’un élève blanc (Okonofua et Eberhardt, 2015). Khoury-Kassabri (2006) arrive à des constats similaires en Israël. Les élèves arabes, qui sont en minorité, déclarent plus de maltraitance par le personnel éducatif (Khoury-Kassabri, 2006). Au Québec, la Commission des droits de la personne (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse [CDPDJ], 2011) expose des éléments semblables dans un rapport portant sur le profilage racial et la discrimination systémique à l’égard des jeunes Noirs :

● Les membres du personnel scolaire croient que les jeunes des minorités racisées adoptent plus d’écarts de conduite.

● Ils font l’objet d’une surveillance plus intense que celle exercée sur les autres élèves.

● Ils obtiennent davantage de sanctions disciplinaires et reçoivent moins de soutien de la part des adultes.

● Les enseignants présenteraient des attentes moins élevées à leur égard.

En lien avec ces éléments, au Québec, le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ([MELS], 2006) spécifiait, dans une recherche intitulée Portrait scolaire des élèves issus de l’immigration, que les jeunes Noirs se retrouvent souvent dans les « classes spéciales » et reçoivent plus souvent un code EHDAA (élèves handicapées ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage) que les autres minorités.

Le contexte socioculturel peut aussi contribuer aux manifestations de ce phénomène. Par exemple, dans les écoles primaires d’Israël, les enfants des écoles arabes signalent beaucoup

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plus de mauvais traitements que ceux des écoles juives (Benbenishty et al., 2002). À ce sujet, Benbenishty, Zeira et Astor (2002) expliquent que les personnes arabes appartiennent à un groupe ethnoculturel dont l'idéologie est plus tolérante au châtiment corporel, ce qui peut contribuer à encourager la maltraitance du personnel de l'école. Les auteurs constatent que les élèves des écoles comptant un pourcentage élevé de jeunes issus de familles à faible revenu ou peu éduquées sont plus susceptibles d’être maltraités.

Les écrits scientifiques révèlent également que l’identité sexuelle ainsi que l’orientation sexuelle constituent des facteurs rendant les jeunes beaucoup plus vulnérables aux mauvais traitements des enseignants (Greytak, Kosciw et Diaz, 2009; Guasp et al., 2014). Selon une vaste enquête réalisée aux États-Unis, Kosciw (2004) expose que les enseignants entendent plus souvent des commentaires homophobes que racistes. Toutefois, cette étude suggère que les enseignants interviennent quatre fois moins souvent pour faire cesser les agressions à connotation sexuelle entre pairs que celles à caractère racial (Kosciw, 2004). D’autres études indiquent que non seulement des enseignants ignorent parfois les commentaires transphobes que des élèves dirigent envers leurs pairs trans, mais il arrive qu’ils tiennent également des propos de cette nature (Chamberland, Émond, Julien, Otis et Ryan, 2010; Greytak et al., 2009).

Somme toute, les différentes études présentées dans cette section révèlent des écarts considérables dans les taux de prévalence de la maltraitance des adultes envers les élèves. De son côté, Cuadrado-Gordillo (2012) croit que la fréquence de cette maltraitance s’avérerait plus élevée que celle déclarée, car les jeunes ne rapporteraient pas ces comportements d’agression s’ils ne perçoivent pas que ceux-ci visent intentionnellement à les blesser. Au Québec, l’ampleur de ce phénomène rapporté par les jeunes tend à être stable à travers le temps. C’est ce qui a été révélé dans un récent rapport national (Beaumont, Frenette et Leclerc, 2018) qui expose les comportements d’agression des adultes des écoles primaires et secondaires, à partir de données recueillies en 2013, 2015 et 2017. Parmi les cinq comportements de maltraitance étudiés, un seul changement positif s’observe au secondaire entre 2013 et 2017 avec une taille d’effet modérée. Il s’agit de l’ignorance de l’adulte lorsque les élèves se font ridiculiser ou insulter par leurs pairs (voir le tableau 3).

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13 Tableau 3.

Pourcentage (%) d’élèves qui rapportent avoir été maltraités par le personnel scolaire au moins une fois au cours de l’année scolaire, dans une école primaire ou secondaire, 2013, 2015 et 2017 (Beaumont et al., 2018, p. 25)

1.2 Conséquences de ces mauvais traitements sur les élèves

Les agressions et la négligence des adultes peuvent entraîner plusieurs conséquences sur les jeunes, d’où l’importance de s’y attarder. Surtout abordées en contexte familial, les recherches ayant traité de ces mauvais traitements des adultes constatent que les enfants qui vivent de l’abus psychologique, émotionnel ou verbal souffrent de problèmes semblables et parfois pires de santé mentale que ceux qui ont été abusés physiquement ou sexuellement (Spinazzolla et al., 2014; Vachon, Krueger, Rogosch et Cicchetti, 2015). La violence psychologique et la négligence subies par les enfants constituent les types de maltraitance les plus répandus bien qu’elles soient les moins susceptibles d'être rapportées, enquêtées ou punies par la loi (Spinazzolla et al., 2014). Au Canada, alors que les agressions sexuelles et physiques sont reconnues criminellement, les mauvais traitements verbaux ou psychologiques de la part des adultes, dont ceux des intervenants scolaires, ne le sont pas explicitement.

Sur le plan personnel, les élèves, ayant des enseignants qui utilisent des techniques disciplinaires agressives ou qui perçoivent ceux-ci comme hostiles dans leurs attitudes

Type de maltraitance de la part du personnel scolaire Ordre d’enseignement Primaire Secondaire 2013 2015 2017 2013 2015 2017 Cris ou jurons 15,1 % 14,4 % 13,7 % 18,5 % 17,4 % 16,9 % Humiliations verbales 6,2 % 5,8 % 6,2 % 10,7 % 10,1 % 9,0 % Regards méprisants 13,8 % 14,1 % 13,0 % 1,8 % 2,1 % 1,6 % Ignorance lorsque ridiculisé / insulté 11,9 % 11,7 % 11,7% 7,9 % 7,1 % 7,4 % Bousculade 2,6 % 2,9 % 3,0 % 2,6 % 2,3 % 1,9 %

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envers eux, vivent davantage de problèmes psychosomatiques (Romi et al., 2011; Sava, 2002). Ceux-ci présentent aussi une faible estime de soi de même que des maux de tête et de ventre (Delfabbro et al., 2006; Krugman et Krugman, 1984; Sava, 2002). Leurs fonctions cognitives, comme la mémoire, la concentration et les capacités d’abstraction peuvent être également altérées (Hyman et Snook, 1999). Pour Debarbieux (2008), un sentiment de culpabilité ou d’humiliation peut se développer chez les élèves encadrés principalement par des stratégies aversives. Enfin, selon Pierkarski (2000), la maltraitance du personnel scolaire envers les élèves figure comme l’une des situations scolaires les plus stressantes et communes vécues par les élèves âgés de 13 et 14 ans.

Ces mauvais traitements entraîneraient des symptômes temporaires qui risqueraient de perdurer jusqu’à l’âge adulte. Pour Brendgen et al. (2007), vivre à répétition des agressions verbales de la part des enseignants au primaire prédit significativement des comportements délinquants au début de l'adolescence indépendamment du sexe, du rejet par les pairs, des résultats scolaires ainsi que des comportements anxieux et antisociaux à l'enfance. Ces agressions répétées à l’enfance mèneraient à des problèmes de comportement à l'âge de vingt-trois ans, même sous le contrôle des variables du sexe, du statut socioéconomique et d'autres facteurs de risque chez les enfants victimisés par un adulte de l’école (Brendgen et al., 2007). Sur le plan des punitions corporelles, cette pratique provoquerait une augmentation de problèmes extériorisés des enfants (Hecker et al., 2014; Hermenau et al., 2011). Enfin, les méthodes répressives et les agressions du personnel scolaire augmenteraient les conduites à risque telles que le tabagisme ou encore la consommation de drogues chez les jeunes (Debarbieux et al., 2012; Pierkarski, 2000).

Sur le plan scolaire, les comportements agressifs des enseignants affecteraient négativement l’attention et la concentration au travail des élèves, créant ainsi des effets collatéraux sur les résultats scolaires (Hyman et Snook, 1999; Romi et al., 2011; Sava 2002). Plus précisément, la violence verbale répétée subie de la maternelle à la 4e année est liée au faible rendement

scolaire au début de l'adolescence, mais seulement chez les enfants présentant des problèmes d'attention (Brengden et al., 2006). Les agressions verbales de l’enseignant augmenteraient le risque que l’élève développe une attitude et des émotions négatives sur le plan des apprentissages scolaires (Bekiari, Heropoulou et Sakellariou, 2005; Sava, 2002). De la colère

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et de l’anxiété, des sentiments de crainte (Debarbieux et al., 2012), comme une inquiétude excessive vis-à-vis des résultats scolaires (Krugman et Krugman, 1984), une baisse d’intérêt et d’engagement scolaire tels que l’absentéisme (Debarbieux, 2008; Romi et al., 2011) et une diminution du sens des responsabilités (Romi, Lewis et Katz, 2009), sont toutes des conséquences répertoriées chez les élèves victimes de comportements agressifs du personnel scolaire. Par ailleurs, l’étude qualitative d’Harrington (2008) illustre que les adolescents maltraités sont plus susceptibles de décrocher de l’école. Pour Pierkarski (2000), certaines de ces conséquences, telles que de consommer de l’alcool ou de la drogue, agresser des pairs et des enseignants et s’absenter de l’école, représentent également des stratégies adaptatives d’évitement des élèves. Les établissements ayant un plus grand nombre d'enseignants abusifs enregistrent d’ailleurs des taux plus élevés de suspension d’élèves (Twemlow et Fonagy, 2005). En somme, les impacts de ces comportements sur les sentiments des élèves à l’égard de leurs enseignants, comme une peur et une baisse de motivation à collaborer avec ceux-ci, figurent aussi dans la littérature (Debarbieux, 2008; Krugman et Krugman, 1984; Romi, et al. 2011).

Au plan social, l’enseignant, de par ses pratiques éducatives, représente un facteur important qui agit sur l’adaptation sociale de l’enfant (Verret, Massé et Picher, 2016). Selon la théorie de l’apprentissage social de Bandura (2006), l'enfant apprend davantage de nouveaux comportements en observant. Par exemple, les élèves peuvent apprendre l'empathie, le respect des autres, la résolution des conflits et la bienveillance à travers leurs interactions avec les enseignants (Benbenishty, Astor, Zeira et Vinokur, 2002). D’un autre côté, les élèves peuvent commencer à internaliser le comportement des enseignants abusifs, voire leurs modes d’interactions négatives comme acceptables, et interagir avec leurs pairs en se modelant sur les comportements de leurs enseignants (Twemlow et Fonagy, 2005). D’ailleurs, il existe davantage d’agressions entre les pairs dans les établissements où il y a plus de mauvais traitements des enseignants envers les élèves (Lucas-Molina, Williamson, Pulido et Perez-Albeniz, 2015). À leur tour, ces agressions entre pairs peuvent s’accompagner d’effets majeurs sur le développement de la personne : décrochage scolaire, troubles de la conduite, délinquance, problèmes de consommation de drogues ou d’alcool, anxiété, dépression et troubles alimentaires chez les filles (Bagwell, Molina, Pelham et Hoza, 2001; Brendgen, 2006; Ladd, Ettekal et Kochenderfer-Ladd, 2017; Mrug et al., 2012). Chez

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les jeunes ayant des difficultés, notamment ceux ayant un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité, les conséquences du rejet des pairs souvent encouragé par l’attitude des enseignants, auraient plus d’importance dans l’adaptation sociale de l’enfant que l’impact des symptômes principaux du trouble (Mrug et al., 2012).

Cette section a démontré que les jeunes maltraités par les membres du personnel éducatif sont à risque d’éprouver des difficultés sur les plans scolaire, social et personnel. D’autres études ont aussi mentionné que le climat scolaire serait également affecté négativement par ces conduites inappropriées du personnel éducatif (Datta, Cornell et Huang, 2017; Montuoro et Lewis, 2014).

1.3 Conséquences de ces mauvais traitements sur le climat scolaire

Les actes de négligence ou d’abus des enseignants affectent non seulement l'élève qui les subit, mais aussi l'atmosphère de l'école (Twemlow et al., 2006). L’un des facteurs pouvant influencer la perception du climat scolaire des élèves réside dans l’attitude du personnel éducatif à leur égard (Benbenishty et Astor, 2005). Par exemple, une attitude passive de la part des adultes, comme ne pas intervenir lors d’actes d’agression entre pairs, est souvent observée par l’ensemble des élèves. Les jeunes peuvent alors interpréter que la violence est tolérée et permise (Verlaan et Besnard, 2014) et être moins susceptibles de signaler les actes d’agression entre pairs (Cortes et Kochenderfer-Ladd, 2014; Craig et Pepler, 2003). La victimisation entre pairs subsiste davantage dans les classes et dans les écoles où les enseignants sont perçus comme moins portés à affirmer leur désaccord envers l’intimidation (Saarento, Kärnä, Hodges et Salmivalli, 2013). À l’opposé, dans les écoles où les règles de conduite s’appliquent fermement et justement, les élèves disent subir moins d’intimidation, se sentent plus à l’aise pour demander de l’aide et perçoivent plus positivement le climat scolaire (Saarento et al., 2013).

Toutefois, intervenir n’est pas synonyme de punir (Beaumont, 2012). L’utilisation abusive de punitions créerait un climat de classe hostile et malsain (Cadima, Doumen, Verschueren et Buyse, 2015). Des remarques négatives répétées de l’adulte envers un élève induiraient des sentiments négatifs chez les témoins, nuisant ainsi à la construction de leur sentiment de sécurité. En général, un milieu insécurisant nuit à l’engagement et à la réussite scolaire des

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élèves et les rend plus susceptibles de s’absenter (Côté-Lussier et Fitzpatrick, 2016; Milam, Furr-Holden et Leaf, 2010; Voight, Austin et Hanson, 2013). Montuoro et Lewis (2014) croient également que certains élèves qui sont témoins de mauvais traitements des enseignants éprouvent des sentiments d'oppression et de peur. Avec le temps, les élèves deviennent distraits dans leur travail, démontrent moins d’autonomie (Clunies-Ross, Little et Kienhuis, 2008; Romi et al., 2009) et respectent moins leur enseignant (Cothran, Kulinna et Garrahy, 2003, Romi et al., 2011). Enfin, Montuoro et Lewis (2017) suggèrent que l'augmentation des niveaux d'agression des enseignants envers leurs élèves procure un effet progressivement nuisible chez les jeunes qui sont témoins de ces actes. Plus les enseignants démontrent des comportements d’agression, moins les élèves s’engagent dans leurs apprentissages (Montuoro et Lewis, 2017).

Selon d’autres recherches, la perception que les élèves ont de leur climat scolaire serait fortement associée à leur perception de la relation maître-élève (Baker, 1999; Fredriksen et Rhodes, 2004; Marsh et Williams, 2014; Zimmer-Gembeck, Chipuer, Hanisch, Creed et McGregor et 2006). Le fait que les enseignants traitent les jeunes avec justice, leur donnent de l’aide supplémentaire, les encouragent à partager leur point de vue et leur montrent de l'intérêt serait fortement associé à la perception des élèves que leur école est juste, collaborative, sécuritaire et propre. Ces comportements de bienveillance engendreraient également un sentiment de bien-être et d’attachement des élèves envers l’école (Marsh et Williams, 2014). Pour Howes et Ritchie (2002), les élèves ayant un enseignant qui gère efficacement sa classe et qui maintient des interactions harmonieuses avec ses élèves se sentent inclus, en sécurité et tendent à s'engager dans des interactions positives entre pairs. En début de scolarisation, une relation positive avec leur enseignant amène les élèves à participer davantage à des jeux symboliques, à manifester plus de comportements prosociaux et présentent moins d’agressivité envers leurs pairs (Howes et Spieker, 2008). À l’inverse, les élèves du primaire qui sont en conflit avec leur enseignant risquent davantage de vivre des relations agressives ou difficiles avec leurs pairs (Howes et Shivers, 2006). Par ailleurs, quelques études rapportent que les agressions des enseignants envers les élèves sont associées à des niveaux plus élevés d’écarts de conduite chez les jeunes (Mitchell et Bradshaw, 2013; Roache et Lewis, 2011).

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1.4 La pertinence d’étudier les liens entre les mauvais traitements du

personnel éducatif envers les élèves et le climat scolaire

Les recherches en éducation soulignent l’importance de la qualité de l’environnement scolaire et des pratiques éducatives dans le développement global des élèves (Thapa, Cohen, Guffey et Higgins-D’Alessandro, 2013; Verret, Massé et Picher, 2016). Parmi les pratiques éducatives ciblées, diverses formes de maltraitance du personnel scolaire envers les élèves méritent d’être mieux documentées en raison des préjudices qu’elles peuvent leur causer. Ce sujet demeure peu étudié en contexte scolaire et on en connaît peu sur la prévalence, la fréquence de même que sur les liens entre ces pratiques éducatives négatives et ses répercussions sur le climat de l’établissement (Beaumont et al., 2016; King et Janson, 2009; VanZoeren et Weisz, 2018).

Walker, Ramsey et Gresham, (2004) soulèvent l’importance de mettre en place des services adaptés à l’enfant dès l’apparition des difficultés. Or, plusieurs élèves maltraités par le personnel scolaire présentent déjà des difficultés d’apprentissage et/ou comportementales au début de la scolarisation et elles risquent de s’exacerber à la suite de mauvais traitements de l’adulte (Brengden et al., 2006; Gottfredson, 2001). Considérant la vulnérabilité des élèves plus jeunes et le risque qu’ils vivent sur une plus longue période ces agressions de la part du personnel éducatif, cette recherche ciblera donc l’école primaire comme milieu d’expérimentation.

Cette étude se situe dans le contexte où le gouvernement du Québec accorde une priorité à la prévention et la réduction de la violence et de l’intimidation à l’école (MEES, 2017). Les mauvais traitements du personnel scolaire s’avèrent une préoccupation nouvellement soulevée au pays. Vouloir réduire la violence à l’école, c’est d’abord améliorer l’école elle-même dans son fonctionnement quotidien et dans ses pratiques pédagogiques (Debarbieux et Blaya, 2009). Ce mémoire s’inscrit donc dans une tendance internationale de révision et de transformation des systèmes d’éducation (MEES, 2017). À cet effet, le Québec s’est doté d’une politique qui vise une réussite éducative globale de tous les élèves. Ce cadre de référence demande aux écoles québécoises de mettre en œuvre des pratiques éducatives et pédagogiques de qualité et d’offrir un environnement inclusif, sain, sécuritaire, stimulant et créatif afin que tous les élèves puissent atteindre leur plein potentiel (MEES, 2017). La

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qualité de la relation enseignant-élève de même que celle du climat scolaire prend donc ici tout son sens. Considérant que ces mauvais traitements semblent affecter non seulement l’élève ciblé, mais aussi le climat scolaire, il s’avère intéressant d’étudier les liens entre ces deux variables.

1.5 Objectif général de la recherche

L’objectif général de cette recherche vise à mieux comprendre les liens existants entre les mauvais traitements du personnel scolaire à l’égard des élèves du primaire et la perception du climat scolaire de ces derniers. À notre connaissance, aucune recherche n’a encore étudié la question auprès d’un vaste échantillon national dans les écoles primaires québécoises. En outre, le traitement statistique basé sur un corpus d’analyse des écoles participantes, et non des élèves, lui confère également un caractère particulier. Cette étude se distingue ainsi des autres études puisqu’en considérant l’école comme unité d’analyse, elle permet de connaître la perception du climat scolaire et de la victimisation par le personnel scolaire en moyenne dans une école primaire québécoise. Les résultats pourraient également apporter un levier supplémentaire aux décideurs politiques et scolaires dans l’adoption de nouvelles valeurs et pratiques éducatives qui favoriseraient des interactions saines entre les jeunes et le personnel scolaire. Puisque ces pratiques éducatives et la qualité de l’environnement scolaire sont susceptibles d’influencer le développement de l’enfant, compte tenu également de l’importance d’intervenir le plus tôt possible dans la trajectoire des jeunes afin d’éviter qu’ils ne développent des difficultés d’ordre comportemental pouvant nuire à leur réussite éducative globale, il importe de réaliser la présente recherche au primaire.

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Chapitre 2.

Cadre théorique et conceptuel

Cette section aborde les concepts à l’étude et propose des modèles explicatifs pour mieux comprendre pourquoi certains adultes de l’école agissent ainsi.

2.1 Les mauvais traitements du personnel scolaire envers les élèves

Les écrits scientifiques liés aux mauvais traitements du personnel éducatif envers les élèves évoquent différentes terminologies n’ayant pas la même signification. Qui plus est, il n’y a pas de définition consensuelle de la violence entre les chercheurs (Steffgen et al., 2013). En revanche, Steffgen (2009) estime que la violence en milieu éducatif inclut la victimisation des élèves par le personnel scolaire. Toutefois, peu importe les types de comportements de mauvais traitements et de la terminologie utilisée par les chercheurs, Beaumont et al. (2016) mentionnent que ceux-ci s’entendent sur le fait qu’il s’agit de comportements nuisibles, improductifs et qui vont à l’encontre, non seulement de la mission de l’école, mais aussi du devoir de protection auquel est soumis tout adulte ayant la responsabilité d’enfants de moins de 18 ans.

2.1.1 Définitions et caractéristiques des mauvais traitements des adultes envers les élèves

C’est le terme « maltraitance » proposé par Beaumont et al. (2016), qui sera utilisé dans ce mémoire pour décrire ces comportements inadéquats du personnel éducatif envers les élèves, les termes de violence, d’agression ou d’intimidation n’incluant pas nécessairement de notions de négligence. C’est pourtant ce qui s’observe dans le cas qui nous intéresse, car l’adulte est ici considéré comme une personne en position de responsabilité à l’égard de l’enfant, ce dernier s’attendant plutôt à du soutien, de l’aide et à se faire sécuriser au besoin. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’International Society for Prévention of Child Abuse and Neglect (IPSCAN) (2006) définissent la maltraitance à l’égard des enfants ainsi :

[…] toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou

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d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. (Organisation mondiale de la Santé, 2006, p.10)

La littérature rapporte différentes manières dont les enfants sont généralement maltraités par les adultes de l’école. À partir des quatre catégories de maltraitance nommées par l’OMS (physique, psychologique, négligence et sexuelle), quelques types de ces comportements inappropriés sont décrits et regroupés ci-dessous.

La maltraitance physique. Cette forme de mauvais traitement consiste en l’utilisation intentionnelle de la force physique qui entraîne – ou risque fortement d’entraîner – un préjudice réel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité (OMS, 2006).

Malgré que le Canada, comme bien d’autres pays, soit signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant et qu’il doit prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant (art. 28, ONU, 2019), le Code criminel canadien stipule que :

Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances. (art. 43, Code criminel, 2019)

Ces interventions physiques peuvent donc être perçues comme une méthode éducative et seraient infligées dans le but de contrôler l’enfant, le punir, corriger un mauvais comportement, sanctionner la désobéissance ou démontrer son autorité (Association des centres jeunesse du Québec [ACJQ], 2011; Straus, 2010). Straus (2010) indique également que cette violence physique peut survenir de manière ponctuelle ou continue, de façon délibérée ou sur le coup d’émotions diverses, comme la colère ou la frustration. En milieu scolaire, cette forme d’agression du personnel scolaire peut se manifester de différentes manières soit saisir, pousser, frapper (avec un objet ou non), ligoter, enfermer dans un casier ou dans une petite pièce, secouer un élève ainsi que de refuser la demande d’un élève d’aller à la toilette (Beaumont et al., 2016; Benbenishty et al., 2002; Sharpe, 2011; Whitted et

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Dupper, 2008). Pour ce qui est de l’isolement ou de la contention tolérée en milieu scolaire, il s’agit de mesures d’intervention exceptionnelles qui doivent être utilisées seulement en présence d’un danger imminent pour la personne ou pour autrui, et n’être envisagées qu’en dernier recours, lorsque toutes les mesures de remplacement appropriées à la situation ont été appliquées et évaluées (Gouvernement du Québec, à paraître). Au Québec, aucune donnée n’est disponible pour déterminer la fréquence d’utilisation de ces interventions dites « exceptionnelles », alors que la contention et l'isolement seraient utilisés de manière excessive aux États-Unis (Ryan, Robbins, Peterson et Rozalski, 2009, Westling et al., 2010) et dans des situations non urgentes (Scheuermann, Peterson, Ryan et Billingsley, 2016 ; Simonsen, Sugai, Freeman, Kern et Hampton, 2014). À ce sujet, le rapport intitulé "Un Québec fou de ses enfants" spécifie que la contention ou l'isolement excessif constitue de la violence (Gouvernement du Québec, 1991). Enfin, Weller (2014) considère que la dégradation ou la destruction de biens personnels et le fait de lancer un objet dans le but de terroriser un élève constituent aussi des formes de mauvais traitements physiques.

La maltraitance psychologique. Selon les écrits scientifiques, plusieurs terminologies peuvent décrire cette forme de maltraitance : abus émotionnel, maltraitance/mauvais traitement émotionnel, violence psychologique, comportements abusifs/abus verbaux, agressions/comportements agressifs, attitudes/interventions hostiles, stratégies aversives/répressives/coercitives/de contrôle. Pour l’OMS (2006), la maltraitance psychologique repose à la fois sur le fait d’incidents isolés et sur l’échec de l’un des parents ou de l’une des personnes s’occupant des enfants à fournir un environnement qui soit approprié et favorable à leur développement. Les actes se situant dans cette catégorie se caractérisent également par une attitude hostile ou qui démontre du rejet envers un jeune (OMS, 2006), en utilisant toute forme de communication directe ou passive destinée à le contrôler psychologiquement, de façon verbale ou non verbale (Lewis et Riley, 2009). La maltraitance psychologique de type verbal, se profèrent par la moquerie de l’apparence ou des capacités de l’élève, l’insulte, le sarcasme, l’humiliation, le fait de crier ou de terroriser les élèves ou de souhaiter du mal à un élève ou à sa famille (Benbenishty et al., 2002; Brendgen et al., 2007; McEachern, Alude et Kenny, 2008; Romi et al., 2011; Sharpe, 2011; Whitted et Dupper, 2008). Quant à ces agressions de type non verbal, le fait d’isoler,

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d’ignorer ou d’exclure un élève à des activités spéciales (gym, activité extérieure, etc.) se regroupe sous cette forme d’abus (Longobardi et al., 2015). McEachern, Alude et Kenny (2008) stipulent que même en l'absence de comportements évidents, les attitudes d'agacement, d'évitement ou d'indifférence en réponse aux demandes de l’élève peuvent être considérées comme de la maltraitance psychologique.

Le concept de stratégies de contrôle a été utilisé par quelques chercheurs et se définit comme une forme d’éducation autocratique basée sur l’ordre, la discipline, un contrôle strict de l’environnement de classe et une faible flexibilité de l’enseignant, une hiérarchie claire entre ce dernier et ses élèves (Levasseur et Hamel, 2017). Cette typologie regroupe plusieurs formes de pratique, dont le contrôle par manipulation psychologique qui fait référence ici aux comportements subtils et détournés, mettant de la pression sur l’élève pour qu’il agisse, pense et se sente d’une façon particulière (Levasseur et Hamel, 2017). Ces pratiques dites « motivationnelles » peuvent faire souffrir psychologiquement les enfants (Hyman et Snook, 1999). Par exemple, la punition de groupe, les devoirs supplémentaires ou encore punir l’élève qui ne répond pas correctement à un exercice ou à une question paraissent plutôt injustifiables sur le plan éducatif (Benbenishty et al., 2002; McEachern et al., 2008; Riley et al., 2010; Sharpe, 2011; Whitted et Dupper, 2008). Lorsque ces pratiques disciplinaires deviennent perçues, avec le temps, comme des pratiques normalisées et acceptables, il s’agit d’abus de pouvoir, communément appelé « violence institutionnelle » (Hébert, 2001). Par ailleurs, certains chercheurs considèrent que la violence psychologique se caractérise par la répétition (Lecomte, 2004; Nesbit et Philpott, 2002; OMS, 2006). La répétition et l’inégalité des rapports de force établie par une mauvaise conception de l’autorité éducative de la part de l’adulte de l’école font partie du concept de l’intimidation et quelques études adoptent cette expression pour qualifier les agressions des enseignants envers les élèves (Dupper, 2008; McEvoy, 2005; Sharpe, 2011; Twemlow et al., 2006; Whitted et Dupper, 2008). Pour Twemlow (2006), un intervenant scolaire intimide un élève en utilisant son pouvoir pour punir, manipuler ou dénigrer, à plusieurs reprises, et au-delà de ce qui constituerait une procédure disciplinaire raisonnable. Toutefois, Olweus (1979) a défini l’intimidation (school bullying) comme une action négative provenant d’un jeune ou d’un groupe de jeunes envers un de leurs pairs (Olweus, 1979).

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Enfin, la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) du Québec a inclus en 2007 les mauvais traitements psychologiques comme motif pouvant compromettre la sécurité et le développement des enfants et la définit ainsi :

Lorsque l’enfant subit, de façon grave ou continue, des comportements de nature à lui causer un préjudice de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation. Ces comportements se traduisent notamment par de l’indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, du contrôle excessif, de l’isolement, des menaces, de l’exploitation, entre autres si l’enfant est forcé à faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l’exposition à la violence conjugale ou familiale. (art. 38c, Gouvernement du Québec, 2019b)

La négligence. Contrairement aux autres catégories de mauvais traitements, la négligence n’est généralement pas volontaire et renvoie à une omission de supervision ou de protection (Centre de liaison sur l’intervention et la prévention et la prévention psychosociale [CLIPP], 2008). La négligence est une absence de gestes appropriés, attribuable à une difficulté significative ou à une incapacité (circonstancielle ou chronique) à subvenir aux besoins physiques et éducatifs d’un enfant, entraînant un risque significatif de conséquences négatives pour son développement (CLIPP, 2008; Lacharité, Éthier et Nolin, 2006). Lacharité et al. (2006) apportent une distinction dans l’imputabilité de cette forme de maltraitance en précisant qu’elle peut être attribuée à d’autres adultes qui ne détenaient pas la garde physique de l’enfant. La négligence est aussi un constat d’échec ou de défaillance du milieu à procurer un encadrement et un soutien dans l’exercice des rôles des premiers responsables du bien-être des enfants (Lacharité et al., 2006). Autrement dit, lors d’un acte de négligence commis par un adulte de l’école, ne disposant pas de conditions minimales pour exercer ses responsabilités envers un enfant, d’autres acteurs scolaires pourraient être blâmés par manque ou par absence de réponse aux besoins de l’enfant.

Peu d’études ont documenté la négligence du personnel scolaire à l’égard des élèves. Dans la littérature portant sur la violence à l’école, il est surtout question de la perception des élèves d’une absence d’intervention lors d’une agression entre pairs et d’une absence d’aide malgré une demande (Beaumont et al., 2016; Harwood et Copfer, 2011; Troop-Gordon et Ladd, 2015; VanZoeren et Weisz, 2018). Enfin, Theoklitou, Kabitsis et Kabitsi (2012) considèrent

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Figure 1. Le modèle général de l’agression (Allen, Anderson et Bushman, 2018, p.76)  2.1.3 Causes et processus proximaux
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