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Trésors et mobilia italiens du haut Moyen Âge

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L

e 2 m ars 924, Pavie b rû lait sous l'effet d es flèches incen d iaires hongroises. « Cet or lo n g tem p s enferm é d an s les coffres d e p e u r que n e le touche une m ain étrangère, le voici à terre, et le feu le dissout d a n s d 'im m e n s e s c lo a q u e s. Elle b rû le , l'infortunée Pavie, n agu ère si belle ! O n p o u ­ vait voir des ruisseaux d 'a rg e n t et de brillan­ tes p atères [...]. O n m éprise ici la v aleu r d u jaspe v ert et d u topaze rutilant, d u cher saphir et d u joli béryl. A u cu n m arch an d , hélas, ne to u rn e le v isa g e v e rs l'o r. Elle b rû le , l'infortunée Pavie, n aguère si belle ! » Les vers de L iu tp ra n d d e C rém o ne b ro d e n t su r le thèm e de la liq uéfactio n des objets d 'o r et d 'arg en t, qui eu t u n e belle fortune littéraire1, et pleu ren t la richesse d 'u n e capitale ; ils sou­ lignent aussi que la th ésau risatio n et les cir­ cuits de l'échange v o n t de pair.

Les m étaux précieux m onnayés ou non, les pierres et les perles enchâssées ou serties com posent le « th esau ru s » d ans son acception

* Voir liste d'abréviation d es étu d e s citées à la fin de cet article.

1 Antapodosis, éd. Josef Becker, H anovre-L eipzig, 1915 (M.G.H., Scriptores rerum Germanicarum in usum scholarum), ni, 3, p. 75. Pour d'autres ex em p les littéraires d e fusion accidentelle d u métal précieux, voir les récits d 'A m u lf d e Milan, à propos d'incendies su rvenu s dan s sa v ille en 1070 et 1075 (Gesta archi- episcoporum Mediolanensium usque ad a. 1077, éd. L u d w ig Beth-

m ann et W ilh elm W attenbach, d a n s M .G .H ., Scriptores, VIII, Hanovre, 1848, m , 24, p. 24 ; IV, 8, p. 27 ; = L.-Br., nos 2230-2231), o u encore le récit d e la destru ction de l'ég lise Sainte-M arie de Lodi par Frédéric Barberousse en juin 1167, qui causa la perte d'im ages m urales recouvertes d'or (Das Geschichtswerk des Otto

M orem und seine Fortsetzer iiber die Taten Friedrichs 1. in der Lom- bardei, éd. Ferdinand Güterbock, Berlin, 1930 [M.G.H., Scriptores, n. s., VH], p. 204 = L.-Br„ n° 2419).

restre in te. Ém ile Lesne a m on tré com bien celle-ci était étroite. L 'énum ération q u 'il don­ nait à propos des trésors ecclésiastiques2 peut être transposée à ceux des laïcs et fournir une base d 'é tu d e com m ode : objets de prix desti­ nés ici à la décoration de l'église et au service liturgique, là à la p aru re personnelle, au ser­ vice de la table, à la p a ra d e m ilitaire ; livres litu rg iq u es ou non, d o n t la valeur est autant sp iritu e lle q ue m atérielle ou intellectuelle ; pièces d'archives, qui sont les rem parts juri­ diques de la « libertas ecclesiae » ou les garan­ ties de la possession individuelle. Ces diffé­ rentes catégories n 'o béissen t pas aux mêmes logiques de constitution, de conservation et de circulation, d o n t les critères p e u v en t aussi changer selon qu 'o n est religieux ou laïc, agis­ san t à titre privé ou au n o m d 'u n e com m u­ nauté. C hacune m ériterait u n exam en particu­ lier approfondi. Les lignes qui suivent veulent sim plem ent, à l'aide d'exem ples italiens, four­ n ir u n état de la docum entation disponible et rap peler ou indiquer quelques axes de recher­ che. L 'am pleur de la période évoquée (fin VIe- XIe siècles) et l'o rg a n isa tio n th ém atiq u e de l'in fo rm a tio n p o u rro n t d o n n e r au lecteur l'im p ressio n d 'u n p ro p o s p a r trop statique ; c'est aussi que, faute sans do u te d 'u n regard su ffis a m m e n t a p p ro fo n d i, les co n stan tes m 'o n t p a ru le p lus so u v en t l'em p o rter : un ju g em en t q u 'il conviendra de corriger après décantation d u m atériau.

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1. Sources

Les sources relatives aux trésors ne sont pas différentes en Italie de celles d u no rd des Alpes. En d resser un e liste exhaustive serait re p ro d u ire l'é ta t d e la d o cu m en tatio n d ans son ensem ble. R etenons celles qui sont p a rti­ culièrem ent utiles au propos.

A u chapitre n arratif, les gestes des évê­ ques (Liber Pontificalis de Rome et de Ravenne, geste des évêques d e N aples, des archevêques de M ilan), les c h ro n iq u e s ou c artu laires- chroniques m onastiques (Farfa, Saint-Vincent- au-V olturne, Subiaco, le M ont-C assin, Saint- Pierre de N ovalaise) en reg istren t ainsi avec plus ou m oins de m in u tie et d e régularité les en trées et les so rties d 'o b jets précieux. De m êm e, certains récits de fondations, comme celui de Saint-Liberator à la M aiella ou celui de Saint-Michel in Borgo de Pise, tous deux du d éb u t d u XIe siècle3, d o n n en t u n état de la do ­ tation m obilière initiale, particu lièrem en t dé­ taillé d ans le p rem ier cas. Ils se rapprochent p ar leur caractère d e pièce u n ique (l'un est un « co m m em o rato riu m », l'a u tre u n « breve ») des inventaires au sens strict, s'en séparent p ar leur mise en form e littéraire.

La p lu p a rt des in v en taires ont été faits dans le cadre des prescriptions carolingiennes g én érales relativ es aux « im b rev iatio n es ». Bien d es p o ly p ty q u e s ita lie n s d es IXe et Xe siècles consacrent ainsi u n e section au tré­ sor av an t toute description foncière, tels ceux de l'évêché de Lucques dans les années 890, de Sainte-Julie d e B rescia e n 905-906, d e la « plebs » véronaise de Saint-Pierre de Tillida au m ilieu d u Xe siècle, des

Saints-Faustin-et-3 Infra, p. 184 et suiv.

Jovite de Brescia en 9644. M ais il existait une législation p lu s spécialisée, qui a p u donner lieu à des rédactions séparées. Le capitulaire de N im ègue (806) - transm is en Italie de m a­ nière indépendante et p ar l'interm édiaire de la com pilation d'A nségise - se b o rn ait encore à enjoindre de veiller avec soin su r les trésors ecclésiastiques, p o u r m ettre u n frein aux dila­ pidations causées p a r la négligence ou l'esprit de lucre. C 'est dans la m êm e optiq u e q u 'en 832, à Pavie, Lothaire chargeait ses « missi » de m ener des enquêtes su r l'é ta t des trésors, en réclam ant q u 'o n lui signalât la chronologie des pertes et l'id en tité de leurs responsables. On va plus loin à Soissons en 853, en exigeant des « missi » d e véritables inventaires écrits, qui seraient rassemblés à la cour, et en dem andant q u 'à l'avenir to u t p rélat nouvellem ent affecté dresse un état d u trésor lors de son entrée en fonction. Le cap itu laire de Soissons, do n t le zèle n 'est p as ex em p t d 'arrière-p en sées fis­ cales, n 'était pas à usage italien, m ais Louis 13 re p rit l'essen tiel d e son m essag e - l'e n re ­ gistrem ent d u m obilier ecclésiastique - à Pavie en 8655. C ertains textes lu i fo n t u n lointain écho, com m e l'in v e n taire de la chapelle de Bérenger Ier à M onza, rédigé au m om ent de sa prise en charge p ar le sous-diacre A delbertus6,

i In ventari, nos V, passim (Sainte-Julie d e Brescia = De

M ély, n" 5482-5501 ; p ou r la datation, cf. F. Bougard, La justice

dans le royaume d'Italie de la fin duVIIT siècle au début du XI’ siècle,

Rome, 1995 [Bibliothèque des Écoles françaises d ’Athènes et de Rome, 291], p. 385) ; VI, p. 109 (Saint-Pierre d e Tillida) ; X t/1, p. 211-212 (Lucques = D e M ély, n° 5478) ; pou r Saints-Faustin-et-Jovite de Bresda, voir Bernhard Bischoff, Das Güterverzeichniss des Klosters

SS. Faustino e Giovita in Brescia aus dem Jahre 964, dan s Italia medioevale e umanistica, 15, 1972, p. 53-61 : p. 56-58. L'inventaire

d es trésors des m aison s d e Bobbio, sur lesquels ont enquêté des

missi en 862 et 883 (Inventari, p. 127 et 148), n'a pas été gardé.

5 Capitularia regum Francorum, éd. Alfred Boretius, I, H a ­ novre, 1883, n° 46, c. 4 ; II (avec V ictor Krause, 1897), nos 202, c. 2 ; 259, c. 1 ; 217, c. 1.

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ou celui d e la cathéd rale d e C rém one, fait après u n e série de vols en 9847. Les ressortis­ sants d u « reg n u m » n 'o n t cependant pas eu le m onopole des inventaires en Italie, qui étaient m onnaie courante d an s la p lu p a rt des ad m i­ nistrations, à com m encer p ar celle de l'em pire b y z a n tin . A u m ilie u d u XIe sièc le , u n « brébion » des terres et des redevances de la m étropole de Reggio de Calabre donne la liste des objets et des livres de d eu x hospices8. En 999, le nouveau desservant de Sainte-Marie de M u ran o d isp o sait à son arrivée d 'u n in ­ ventaire que lui av ait confié l'évêque, d écri­ v an t n o n seu lem en t les p ro p riétés foncières m ais au ssi les « species », « p etites et g ra n ­ des »9. C itons enfin, à titre d'in itiativ e privée, ce catalogue réd ig é à la fin d u XIe siècle p ar l'évêque de Porto su r u n feuillet d 'u n recueil de d ro it canonique faisant partie de sa biblio­ thèque : av an t u n d é p a rt en voyage, le prélat dresse la liste des ouvrages et des objets du culte q u 'il a en sa possession, rép artis entre l'église d e Porto - son successeur en héritera s'il m e u rt en ro u te - et sa chapelle p e rso n ­ nelle10.

royale de M onza, V, dan s Bulletin monumental, 1880, p. 313-340

(= De M ély, n° 5502) ; un d eu xièm e inventaire fut dressé quand le sou s-d iacre rem it le trésor à l'archichapelain E gilu lfu s (VI,

ibid., p. 464-474 = D e M ély, n° 5503) ; u n troisièm e, en 1042, est

consacré aux reliques à l'occasion d e leur transfert d'u ne caisse en bois d a n s u n sarcop h age (VU, ibid., p. 474-488 = D e M ély, n° 5513).

7 Ettore Falconi, Le carte cremonesi dei secoli VIII-XII, I, Crémone, 1979, n° 82 = D e M ély, n° 5505.

8 A n d ré G u illou , Le brébion de la métropole byzantine de

Région (vers 1050), C ité d u Vatican, 1974 (Corpus des actes grecs d'Italie du Sud et de Sicile. Recherches d'histoire et de géographie, IV),

p. 50 (= p. 181 1. 271-274 : h o sp ice d u Sauveur) et 77 (= p. 197 1. 481-483 : h osp ice d ép en d an t d e Tabem a). La conservation de tels inventaires aux arch ives épiscopales d e l'Église grecque est dem andée par le concile d e Constantinople de 861 : ibid., p. 10.

9 C essi, H, n° 87 ; l'« inventarium » cité dan s le texte est perdu.

10 G eorg Sw arzenski, Ein unbekanntes Biicher- und

Schatz-D ans la d o cu m en tatio n privée, quatre autres types d'actes d o n nen t des informations sur la n atu re des trésors et su r leur utilisation. Les objets d 'o r et d 'a rg e n t sont régulièrem ent utilisés p o u r des paiem ents ou des remises de « launegild ». Les fondations d'églises, ou leur affectation à de nouveaux desservants p ar des p atro n s laïcs ou des autorités ecclésiastiques s'accom pagnent volontiers, en Italie centrale et m éridionale su rto u t - à p a rtir d u m ilieu du Xe siècle - , d 'u n e d escrip tio n de la dotation, n o n s e u le m e n t fo n c iè re m ais m ob ilière (« o rn a tu s et a p p a ra tu s », « o rn am en tu m », etc.). Les consignations de « m orgengabe » ou de « meffio » p a r les ép oux de loi lom barde sont aussi l'occasion d 'é ta b lir des listes de « m obilia » ; c ep en d an t, elles se cantonnent p o u r la p lu p a rt dans une telle généralité qu'il est rare de pou v o ir les exploiter ; quand c'est le cas, on tie n d ra com p te d u fait qu'elles obéissent à des règles co utum ières, n o tam ­ m ent q u an t aux catégories d'objets représen­ tées. Enfin, q u e lq u es te stam e n ts, cessions d 'h éritag e, d o n atio n s « p o st m ortem » ou à l'article de la m o rt11 de notables fournissent des énum érations précieuses : les plus rem ar­ quables sont, p o u r les laïcs, ceux de Germana,

verzeichnis des Cardinalbistums Porto aus dem XI. Jahrhundert, dans Romische Quartalschrift f iir christliche Alterthumskunde und fü r Kirchengeschichte, 14,1900, p. 128-131 ; précisions sur la datation

par H ubert M ordek, Bemerkungen zum mittelalterlichen Schatzver-

zeichnis von Porto/Rom, dan s Studia Gratiana, 20,1 9 7 6 (Mélanges G. Fransen, H), p. 231-240.

11 O n trouvera u n e p résen tation diplom atico-juridique d e ce ty p e d'actes, avec an alyse d 'ex em p les italiens, dans Bri­ gitte Kasten, Erbrechtliche Verfügungen des 8. und 9. Jahrhunderts.

Zugleich ein Beitrag zu r Organisation und zu r Schriftlichkeit bei der Verwaltung adeliger Grundherrschaften am Beispiel des Grafen Heccard aus Burgund, d a n s Zeitschrift der Savigny-Stiftung f ü r Rechtsgeschichte, 120. Germanistische Abteilung, 107, 1990, p. 236-

338 : p. 251-260, avec bib liograp hie. L'article m 'est signalé par Cristina La Rocca, que je remercie.

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clarissim e de R avenne, en 56412; de V uam e- fret, gastald de Sienne, en 73013; de R otpert d 'A g ra te (M onza), « v ir m ag n ificu s », en 74514 ; d u d o g e Ju stin ie n P artecip azio en 82915 ; d'E ngelbert d'E rbé, gran d propriétaire lom bard d u com té d e V érone, en 84616; du duc de Frioul É vrard (d o n t la succession fut dispersée entre M onza et Rome) en 863/864, so u v en t é tu d ié 17 ; d e C o n stan tin , noble de Gaète, en 102818. O n p re n d ra garde que cha­ cun de ces actes exprim e une situation indivi­ duelle particulière et q u 'il est vain d 'e n tenter une interprétation économ ique poussée : selon l'urgence qui a p résid é à leur rédaction, ils ne reflètent p as le m êm e d egré d e p rép aratio n dans la succession ; les lots d'objets présentés sont p a r ailleurs p lus ou m oins fournis, la lon­ g u e u r o u la b riè v e té d es listes p o u v a n t s'expliquer, p o u r les laïcs, p ar l'indépendance d'enfants ou au contraire leur m aintien dans la dépendance paternelle : les aléas d u cycle fa­ m ilial rég n en t ici en m aîtres. P o u r les ecclé­

12 Tjader, I, n° 8, p. 240-242 (= D e M ély, n° 5477) : « chartula plenariae securitatis » par laqu elle Germana, v eu v e de C ollictus, d on n e au tuteur d e so n fils un tiers d e l'héritage ; l'acte, "insinué" dan s les G esta, est su iv i d e l'inventaire d es biens m eubles de Germana et d e ceux de son affranchi, Guderit.

B C.d.L., I, n° 50 : « titulum d otis ». 14 Ibid., n° 82 : « d isp osition is iudicatum ».

15 Cessi, I, n° 53 : « testam entum » sur son lit d e mort. 16 Fainelli, I, n° 181 : « ordinatio » sur son lit d e mort. 17 C ysoin g, n° 1 : « testam entum d ivision is » d'Évrard et d e sa fem m e G isèle (= Denkmale, p. 93-95), sub a. 867. L'acte est daté d e la 24e an n ée d u règne d e L ouis II, com pté à partir de 840 ; Évrard e st m ort e n 864 o u 866, se lo n q u 'on préfère l'indication d es A n n ales d e Saint-Gall o u d e celles de Xanten : cf. A d o lf H ofm eister, Markgrafen und Markgrafschaften im italis-

chen Konigreich in der Z eit von Karl dem Grossen bis auf O tto dem Grossen (774-962), dan s M itteilungen des Instituts fiir ôsterreichis- che Geschichtsforschung, E rganzungsband, VII, Innsbruck, 1907,

p. 215-435 : p. 325-326. Certains objets d'Évrard ont été dép osés par son fils Bérenger d e v en u roi à M onza (supra, n. 6), d'autres à Saint-Pierre à l'occasion d u couronnem ent im périal du m êm e

(infra, n. 113). Pour les étu d es sur ce texte, cf. infra, n. 80. a C.d.Caj., I, n° 153 : « disp ositu m testam entum ».

siastiques, on ne p e u t guère citer que le testa­ m en t de l'évêque Elbuncus de Parm e en 91419, p u isq u e celui de l'évêque A n d ré d e Tortona, en 933, ne fo u rn it que le détail des livres et o rnem ents liturgiques d 'u n e fondation fami­ liale à Plaisance et ne présente donc pas l'état d e sa fortune personnelle20, tan d is q u 'u n acte intitulé p ar u n copiste « legs d u patriarche [de G rado] Fortunat », d atan t vraisem blablem ent d e 824, se p résen te com m e u n e lettre do nt m anque le protocole et qui fait à la prem ière personne le bilan de l'action d u patriarche par église et p ar m onastère, en précisant les initia­ tives en m atière de restau ratio n , les som mes engagées, les provenances, d an s l'e sp rit des inventaires de type "adm inistratif"21.

2. Pour une définition large du trésor ecclé­ siastique : pièces d'archives, espèces m oné­ taires, biens-fonds

Émile Lesne a insisté su r le fait que les pièces d'archives entraient de plein droit dans la com position des trésors22. Les exem ples ita­ liens ne p e u v en t q u 'en rich ir les tém oignages q u 'il a déjà rassem blés. P lus encore q u 'u n e com m unauté institutionnelle, ils révèlent une association topographique d ans les bâtim ents religieux, p lu s prononcée sans d o u te p o u r les ch artes et les objets p récieux q ue p o u r les livres, volo n tiers d ispersés au gré de leurs

19 Falconi, Testamento : « iud icati testam en tum » ; sur le p erso n n a g e, cf. F. B ougard, article E lbun go, dan s Dizionario

biografico degli Italiani, XLII, Rome, 1993, p. 379-380.

20 L'acte e st inséré dan s u n e n otice d e p laid d e 991 :

Plac., II, n° 213 : « cartula disp ositionis et ordinationis ».

21 C e ssi, I, n° 45 ; à p r o p o s d u tréso r d e Sain t- H erm agoras, p. 78, le patriarche déclare avoir laissé intact ce qu'il a trouvé.

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usages23. A in si, c 'e s t d a n s l'in c e n d ie d u « thesaurus » que fu ren t d é tru its les titres de l'église d'A sti, p eu av an t 883, tan d is q u 'à M i­ lan, le « secretarium » renferm e à la fois des « cedulae » et de l'orfèvrerie24. Si les m o n as­ tères les p lus im portants o n t p u se perm ettre de m ultiplier les postes affectés à la conserva­ tion et la gestion des différents élém ents du trésor, com m e Bobbio, q u i d isp o sa it d 'u n « custos ecclesiae » affecté au lum in aire et à l'« ornam entum », d 'u n bibliothécaire et d 'u n archiviste25, b eau co u p s 'e n so n t sans d o u te rem is à u n p erso n n ag e u n iq u e, aux com pé­ tences m u ltip le s : d a n s les a n n é e s 980, Guillaum e de Volpiano eu t à s'occuper to u t à la fois d u « secretarium », des « supellectiles » d u sanctuaire et de la représentation judiciaire de Saint-Michel de L ucedio26. Si l'o n ne p os­ sède que fort peu de renseignem ents concrets de cet ordre p o u r les archives laïques, de m ul­ tiples exem ples m o n tren t que le soin jaloux apporté à la garde des titres n 'e s t pas que le fait des religieux. A u d é b u t d u VIe siècle, l'« a rc a riu s » d u p ré fe t d u p ré to ire de l'ad m in istratio n goth iq u e én u m ère une q u a ­ ran tain e d e pièces d a n s u n in v en taire p a r­ tiel27 ; en 770, cent « brevia » et « m onim ina » sont confiés à l'h éritière d 'u n h a u t fonction­

23 Le dévelop pem en t qui su it reprend d e s considérations déjà exposées dan s F. Bougard, La justice (supra n. 4), p. 26-27 et 72-74. Sauf exception, nou s y ren voyon s pou r les références aux docum ents cités.

24 A m u lf, Ces ta (supra, n. 1), c. 3, p. 7 ; L and olf Senior,

Historia Mediolanensis, ibid., c. 31, p. 68.

25 Commemoratorium d e W ala p o u r B obb io, éd. Josef Semmler, d an s Corpus consuetudinum monasticarum, I, Siegburg, 1963, p. 421.

26 Raoul Glaber, Vita domini Willelmi abbatis, éd. Neithard Bulst, Oxford, 1989 (B.H.L., n° 8907), c. 3, p. 260 : « com m issa est ei secretarii cura atque adm inistratio, necnon etiam totius sup-pellectilis sanctuarii dom i forisque consiliorum diffinitio ».

^Tjàder, II, n “ 47-18, p. 190-192.

n a ire d e la co u r lo m b a rd e . A ux IXe et Xe siècles, les dossiers qui changent de mains à l'occasion des tran sactio n s foncières ou qui sont présentés dev an t les tribunaux com pren­ n e n t v o lo n tiers des actes p a r dizaines, no­ tam m ent en Italie m éridionale : 18 à M ilan en 903, 55 à Salem e en 928, 35 à Teano en 940, 22 à N ap les en 104528. Le cartu laire de Saint- Clém ent de C asauria et les archives d u chapi­ tre de S aint-A ntonin de Plaisance ont p o u r leur p a rt gardé plusieurs chartriers gros d'u n e trentaine de pièces, versés lors d u transfert de propriétés laïques.

C om m e de l'a u tre côté des Alpes, il est parfois fait m ention chez les ecclésiastiques de locaux ou d e m eubles spéciaux, où les archi­ ves sont entreposées à p a rt ou voisinent avec certains livres : l'év êch é de N ovare dispose d 'u n « scrineum » au d é b u t d u VIIIe siècle, l'abbaye de N ovalaise d 'u n « arm ariolum » au Xe siècle, les c h an o in es d e Florence d 'u n « a rm ariu m » en 1061, où ils p u isen t p o u r se d éfen d re en justice. Les établissem ents reli­ gieux ont cependant établi u ne hiérarchie dans leurs fonds entre le tout-venant des contrats à qui la proxim ité avec des objets ou des livres précieux n e p o u v ait que conférer une valeur su p p lé m e n ta ire , d 'o rd re im m atériel, et les préceptes royaux ou im périaux et les privilè­ ges pontificaux29, fo rm an t le cœ ur d u "trésor des chartes". A u tant que le contenu, la taille et la qualité de la p eau utilisée, la solennité de l'é c ritu re s u r u n s u p p o rt év en tu ellem en t

28 R .N .A.M ., IV, n° 386.

29 La d istin ction tech n iq u e entre preceptum royal et pri-

vilegium pontifical est fréquente ; voir par exem p le les Miracula sancti Columbani, éd. Harry B resslau, d a n s Scriptores,

X X X /2 , L e ip zig , 1934, p. 993-1014 (B.H.L., n“ 1904-1905) : p. 1009.

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p o u rp re30, le soin apporté au dessin d u m ono­ gram m e, la présence d 'u n sceau justifiaient q u 'o n accordât à ces dern iers u ne attention particulière. A insi, le ch ro n iq u eu r de Saint- V incent au V olturne débute son récit p ar une liste des privilèges et préceptes conservés dans les « scrinia », en p re n a n t soin de m entionner la présence éventuelle de bulles d 'o r31. Celui de Farfa ém aille son p rop o s de déplorations sur l'avidité suscitée p a r celles qui - selon lui - validaient les nom breux préceptes obtenus par son abbaye dep u is C harlem agne, considérant en revanche com m e digne d 'être relevé le fait que l'ab b é B érard III (1099-1119) a laissé au tréso r la bulle d 'u n d ip lô m e de l'em p ere u r H enri IV32 : en cas de nécessité, il serait p os­ sible d e la fondre ou d e la m on n ayer p o u r acq u é rir ou fa b riq u e r u n objet litu rg iq u e, com m e on l'av a it fait à G oslar quelques an­ nées a u p arav an t avec u n sceau byzantin33.

30 P our les Xe-X F siè cles, on connaît ainsi le d ip lôm e d 'O tto n Ier p ou r l'É glise rom aine, le dotalicium d'O tton II pour T heophanu et, à un degré d e solennité inférieur, un précepte de H u g u es et Lothaire pour Saint-A m broise d e M ilan - significatif de leu rs am b ition s im p ériales - , un autre d e C onrad II pour l'église d e Parme, u n dernier d'H en ri IV p ou r l'abbaye de Pom - posa : cf. Carlrichard Briihl, Purpururkunden [1977], dan s Id.,

A u s M itte la lte r und D iplom atik. G esam m elte A u fsatze, II,

Darm stadt, 1989, p. 601-619 : p. 610. Sur les élém en ts su scep ­ tibles d e faire d 'u n d ip lôm e u n véritable objet d'art, voir Peter Rück, Die Urkunde als Kunstwerk, dans Kaiserin Theophanu. Bege-

gnung des Ostens und Westens um die VJende des ersten Jahrtau- sends, éd. A n ton v o n E uw et Peter Schreiner, II, C ologne, 1991,

p. 311-333.

31 V in cen zo Federici, Chronicon vu ltu m en se del monaco

Giovanni, I, Rom e, 1900 (Fonti per la storia d'Italia, 58), p. 32 et

su iv. À la fin du M oyen  ge, o n su iv it la m êm e dém arche au M ont-Cassin, en dressant u n e liste d es d ip lôm es - im périaux et d e s princes m éridionau x - b u llé s d'or o u d'argent : cf. Mauro In guan ez, Diplomi cassinesi con sigillo d ’oro, M ont-C assin, 1930

(Miscellanea Cassinese, 7).

32 Chron. Farf., II, p. 292 (= L.-Br., n ° 2835) ; F. Bougard,

La justice (supra, n. 4), p. 62 n. 16.

23 Bischoff, p. 130 : « Il [Henri III] d on n a aussi u n e lettre que lui avait en voyée le roi d e Grèce, avec un sceau d'or pesant bon p oid s, d on t o n fit u n calice en or. »

Le vocabulaire se p rê ta it bien à l'asso ­ ciation des archives et d u trésor puisque, éty­ mologie aidant, il n 'e s t pas rare de voir em ­ ployé « arch iv iu m » d an s le sens de « salle [voûtée] d u tré so r », a u sens financier d u term e34. O n y voit alors su rto u t le lieu de con­ centration des redevances, com m e à M odène e t à R avenne35. Toutefois, alors qu '« arch i­ vium » désigne indifférem m ent la « caisse » ou le dépôt d'archives sous la plu m e d'A gnellus de Ravenne, les notaires d e M odène lui réser­ vent son acception financière ju sq u 'à la fin du Xe siècle36, fa is a n t d e lu i l'é q u iv a le n t d u « saccolus » - reliquat lexical d u VIe siècle qui n 'e s t attesté que d e m an ière ép iso d iq u e37. À Gaète, au to u rn an t des Xe et XIe siècles, on a m êm e latinisé cxpxsîov en « archium » p o u r nom m er le service ad m in istran t les terres de l'évêché, com m e on p arlerait d u « fiscus » ou d u « tréso r » p u b lic38. A u sein d u trésor, la langue in vite don c à d o n n e r d av an tag e de place que ne Ta fait Lesne39 aux espèces m o­ nétaires, voire aux biens fonciers, do n t le flux est rég u lièrem en t alim enté p a r les cens des tenanciers ou p a r les offrandes pieuses.

31 Cf. H ein rich F ich ten au , A rchive der Karolingerzeit [1972], dans Id., Beitrage zu r Medidvistik. Ausgewdhlte Aufsatze, IL

Urkundenforschung, Stuttgart, 1977, p. 115-125 : p. 120.

26 A gn ellu s, p. 350 (16 000 so u s son t versés « in archivo ecclesia[e] » so u s le g o u v e r n e m en t d e M aurus, 644-673) et p. 365-366 (in cen d ie d e l'« arch ivu m » vers 700, à l'occasion duquel beaucoup d e titres son t détruits o u volés).

36 F. Bougard, La justice (supra, n. 4), p. 26 n. 31.

37 Les actes d e v e n te raven nates d u V Ie siècle m ention­ nent des paiem en ts p u isé s d an s l'« area v e l saccolus » : Tjàder, II, nos 31, p. 6 8 , 1 ,1. 3, et 37, p. 122,1. 32-33. Saint-Pierre d e Varsi en 735, Sainte-Marie d e Brescia en 759, Saint-Sauveur de Brescia en 769 prennent au ssi d a n s leu r « saccolu s » pou r sold er des achats : C.d.L., I, n° 52 ; II, n os 137 et 228. Le m ot est resté en usage à Varsi au IXe siècle : Plac., I, n° 99 (a. 892).

38 C.d.Caj., nos 80, 94,105-106,115. * Lesne, m , p. 167-172.

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« C u m dom ib u s m iros p lu res p a te r ac- cipe lib ro s ». Le v e rs d e d é d ic a c e d e l'illu stratio n d u m an u scrit Vat. lat. 1202, où Didier d u M ont-Cassin, vers 1070, offre à saint Benoît to u t à la fois des reliures précieuses, les bâtim ents m onastiques restaurés et plusieurs villages sym bolisés p a r u n oratoire exprim e à son tour l'id ée que to u t bien d'église a voca­ tion à faire p artie d u trésor, dès lors q u 'il est affecté au service divin40. Les m ultiples occa­ sions de contact avec les reliques renforcent ce lien et d o n n e n t u n e u n ité à des élém ents à prem ière v u e disparates. Form ant la partie la plus précieuse d u patrim oine, elles confèrent en effet à toutes les offrandes une m êm e sa- cralité, qui sert de dénom inateur com m un à la piécette, au cham p, au calice, au profane et au liturgique. Déjà, le vocabulaire h ag io g rap h i­ que m artèle à longueur de vitae - ce n 'e st p ro ­ pre ni à l'Italie ni à l'hagiographie latine - que le saint, dès son v iv a n t m ais p lu s encore quand il est relique, est le trésor d o n t to u t d é­ coule : en u n m ot, u n « cim elium ». Ses vertus sont au tan t d e gem m es ; à peine est-il décédé que son corps est « th esau ru s », ses m em bres « pretiosa » ; on le cache en terre, on l'y cher­ che et l'y d éco u vre com m e on fait d 'u n tas d 'o r41 ; son ostension rép o n d à l'ostentation de

40 L'illustration a été m ain tes fois rep rod uites ; le m a­ nuscrit est d isp on ib le en fac-sim ilé : Lektionar zu den Festen der

Heiligen Benedikt, Maurus und Scholastika, Vat. lat. 1202, Zürich,

1981 (Codices e Vaticanis selecti, 50), f° 2r. La liste d es « castella » et des églises appartenant au M ont-Cassin, qui fut gravée sur les portes de bronze d e l'église, répond à la m êm e logique.

41 Pour u n e assim ilation d e s vertu s aux objets précieux, v o ir la v ie a n o n y m e d e sain t Jean G ualbert, éd . Friedrich B aethgen, dan s M .G .H ., Scriptores, X X X /2, L e ip zig , 1934, p. 1104-1110 (B.H.L., n° 4399) : c. 8, p. 1108 (« sicut aureum vas diversis insign itu m gem m is, ita vir D ei Iohannes om nibu s esset om atu s virtutibus »). Pour la relique-trésor, voir entre autres les translations d es saints Séverin (M .G .H ., Script, rer. Lang. et ital..

l'objet profane. Son exposition, sa fragm enta­ tion, son tra n s p o rt sont a u ta n t de m oyens p o u r augm enter ou reconstituer des réserves, m onétaires ou autres : le trésor appelle le tré­ sor. Les donations au tom beau, au reliquaire p o rtatif ou à l'au tel bâti au -d essu s de la dé­ pouille, de quelque n atu re et de quelque va­ leur qu'elles soient, sont b ien destinées « au trésor », à l'« area », au « gazophilacium »42. Le geste insiste volontiers su r cette association. A p p o rta n t à l'église de Cornelia (Imola) un calice, u n e p a tè re et d es co u ro n n es d 'o r, l'arch e v ê q u e de R avenne les « im p règ n e » (« im buit ») d u corps de saint Cassien, puis les pose sur l'au tel43 ; acquittant leurs redevances, les tenanciers des d o m ain es ecclésiastiques m ettent leurs deniers sur l'au tel d u saint local, le jour de sa fête44, dans le m êm e geste que celui des esclaves qui, p re n a n t leur liberté, lui offrent qu elq u es pièces45 o u q ue celui du prince m arq uan t son passage dans un m onas­ tère p ar une donation solennelle d'objets pré­

p. 456 [B.H.L., n ° 7658]), S osie (ibid., p. 460 [B.H.L., n° 4135]), Silvestre (ibid., p. 567 [B.H.L., n° 541]), Savin (ibid., p. 587-588

[B.H.L., n" 7443]), G en ès (M .G .H ., Scriptores, X V /1 , p. 171 ;

X X X /2, p. 987-988 [B.H.L., n os 3314 et 8115]), M ennas (Analecta

Bollandiana, 62, 1944, p. 23 [B.H.L., n° 5927]) ; parm i les textes

grecs, Élie le Jeune, éd. G iu sep p e R ossi Taibbi, Palerm e, 1962,

[B.H.G., n° 580], p. 116 1.1582-1583 ; exem p les p lu s tardifs dans

le recueil d e L.-Br., n os 2093, 2113, 2142, 2473. Pour le nord des A lp es, cf. M ichel Lauwers, La mort et le corps des saints. La scène

de la mort dans les V itae du haut Moyen Âge, dans Le Moyen Âge,

94,1988, p. 21-50 : p. 45.

42 R ap pelon s qu e l'au tel m ajeur d e Saint-D enis est v o ­ lon tiers n o m m é « g a z o p h y la ciu m » a u IXe siècle : Lesne, III, p. 140.

43 A gn ellus, p. 314.

44 E xem ples : Perg. Bergamo, n05 18, 27 ; Ferdinando Ga- botto et al., Le carte dello archivio capitolare di Santa Maria di Nova­

ra, I (729-1034), Pinerolo, 1913, n° 103 ; F. Gabotto, Le più antiche carte dello archivio capitolare di A sti, Pinerolo, 1904, n° 161 ; Fran­

cesco Savini, Il cartulario della Chiesa teramana, codice latino in

pergamena del sec. XII dell'archivio vescovile di Teramo..., Rome,

1910, n“ 14,51.

45 Perg. Bergamo, nos 6 (quatre d eniers p o sés sur l'« archa Sancti Alexandri »), 8 (quatre d. sur l'autel).

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deu x 46 ; offrant leur perso n n e et leurs biens à Saint-Sauveur d u M ont-A m iate, deux frères s'e n v e lo p p e n t les m ain s d an s la n a p p e de l'autel47, su r lequel ils d ép o sen t u ne charte, selon u n rite q ue les A lam ans on t érigé en loi4* ; re stitu a n t des dom aines u surpés à Bob- bio, d es g ra n d s laïcs lan cen t les bâto n s de l'in v estitu re su r la besace de pèlerin de saint Colom ban49.

U ne d éfin itio n large d u trésor, rép o n ­ dant à la polysém ie d u m ot « area » et de ses dérivés, établie su r des critères essentiellement spirituels, devrait donc inclure jusqu'aux biens fonciers, voire ju sq u 'a u x personnes. L'usage courant em ploie cep en d an t « thesaurus » dans une acception sim plem ent m atérielle et m obi­ lière. T ou t au p lu s le vocabulaire italien a d ­ met-il qu e le tréso r et les biens-fonds com po­ sent ensem ble les « facultates » ecclésiatiques ou la ïq u e s et p e u v e n t être m is a u service d 'u n e m êm e cause50. Les rem arques qui su i­ v ent laissen t do nc « th e sa u ru s » d an s le do­ maine d u m obilier.

* A in si à l'occasion d u séjour d'H enri II au M ont-Cassin en 1022 : Chron. mon. Cas., H, c. 43, p. 250.

47 C.d.A., I, n° 47.

48 Leges Alamannorum, éd. Karl Lehmann, H anovre, 1888

(M.G.H., Legum sectio I. Legum nationum germanicarum, V / l ) , 1 ,1,

p. 64 ; la prescrip tion est rep rise dan s la loi b avaroise : ibid., p. 269.

18 Miracula sancti Columbani... (supra, n. 29), p. 1008.

50 P our un exem p le ecclésiastique, voir le troisièm e cha­ pitre d u De pressuris ecclesiaticis d'A tton d e Verceil, intitulé De

facultatibus ecclesiarum (P.L., 134, col. 87 et suiv.), et u n e lettre du

m êm e au clergé de so n d io cèse (ibid., col. 116) ; côté laïc, on peut citer l'énum ération d e s élém en ts com posan t la facultas d u gen­ dre de l'em pereur Louis H, fait prisonnier vers 860, o ù voisinent « trésor », « castrum » et « villa » (Chron. S. Ben. Cas., p. 476).

3. Trésors privés

La possession d 'u n trésor p ar une église n'est pas difficile à justifier. C om m e l'explique le concile d'A ix-la-C hapelle de 836, la consé­ cration à Dieu de « praetiosa » suffit à les faire passer au « ius sacerd o tu m »51. L'Église a en outre u ne m ission sociale suffisam m ent lourde p o u r q u 'u n e bonne p artie d e ses ressources y soit affectée et que l'e s p rit d e p au v reté soit ainsi respecté. Pour les personnes privées, qui n 'av aien t pas à s'ex p liq u er s u r leu r richesse, p lu sieu rs m otifs p e u v e n t av o ir encouragé la form ation d 'u n stock d 'o b jets p lu s ou m oins précieux. La fluidité d u p euplem ent, la nature aussi d e l'É tat d u h a u t M oyen Âge - m oins fondé su r une réalité territo riale que su r des liens d e personne, su r u ne com m unauté entre des groupes de chefs et de p artisan s d a v an ­ tage caractérisés p ar leu r m obilité que p ar leur enracinem ent - , incitaient à m ettre l'accent sur les élém ents m obiliers de la propriété. Le tré ­ sor exprim e no n seulem ent u n ran g social et u n pouvoir où l'ostentation e t la largesse sont de règle, m ais rev en d iq u e à trav ers u n choix d'objets m arquants, civils (certains bracelets) ou - su rto u t - m ilitaires (certains casques et épées), l'a p p a rte n a n c e à u n g ro u p e lim ité, fam ilial ou g u errier, e t à son idéologie, qui un it ses m em bres au-delà d e leu r dispersion géographique52. L 'itin éran ce d es souverains, aussi, est celle de leur fortune, constitutive d u

51 M .C .H ., Concilia, ï ï / 2 , éd. A d alb ert W erm inghoff, Ha- novre-Leipzig, 1906, p. 741 c. 32.

52 Cf. H eiko Steuer, Archaeology and H istory : Proposals on

the Social Structure o f the Merovingian Kingdom, dan s The Birth of Europe. Archaeology and Social Development in the fir s t Millenium A. D., éd. Klaus Randsborg, R om e, 1989 (Analecta Romana Insti- tuti Danici, suppl*. 16), p. 100-122.

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pouvoir royal53. O r avec le développem ent des p r a tiq u e s « te s ta m e n ta ir e s » a u x V IIe- VIIIe siècles, qui p renn en t le relais des form es rom aines traditionnelles, avec l'a b a n d o n de l'inhum ation habillée et d u d ép ô t funéraire, la terre n 'e s t p lus l'ab o u tissem en t n o rm al de la th é sa u risa tio n . Les objets se tra n s m e tte n t d 'u n e g én ératio n à l'a u tre ; à term e, ils ga­ gnent les coffres des églises54. La réform e m o­ nétaire de C harlem agne en 780, m esu re cir­ constancielle, a p o u r sa p a rt accéléré la th ésau ­ risation d e l'or.

L 'é tu d e des trésors p riv és e st ren d u e délicate p a r la difficulté d 'éta b lir u n e lim ite nette au sein d u m obilier individuel. La p lus pauvre des églises rurales dispose d 'u n équi­ pem ent liturgique, m êm e ré d u it à sa p lus sim ­ ple expression : le tréso r est un e obligation institutionnelle, quelle q u 'e n soit la v aleu r vénale. En revanche, il n e v ie n d ra it p as à l'esp rit d e s 'a tta rd e r su r le c h au d ro n percé laissé p a r u n im pécunieux en guise de succes­ sion. Il est p o u rta n t difficile d e fixer u n luxe m inim al, ou d 'éta b lir u ne liste qu i inclurait certains types d'objets aux d ép en s d 'au tres. D 'abord parce que le "seuil d e thésaurisation" a p u v arier avec le tem ps : d an s l'Ém ilie d u d éb u t d u VIIe siècle, au m o m en t d e l'affir­ m ation des Lom bards face aux Byzantins, on cachait dans des pu its n o n p as de l'argenterie m ais des outils agricoles, d e la vaisselle de

53 Sur ce thèm e, et la distin ction d e l'historiographie al­ lem ande entre « K ônigshort » et « K ônigsschatz », voir Denkmale et Dietrich C laude, Beitrage zu r Geschichte der frühmittelalterlichen

Konigsschatze, dan s Early M edieval Stu dies, VII, L un d, 1978 (Antikvariskt arkiv, 54), p. 5-24.

51 Pour un e réflexion p lu s ap p rofon d ie sur la question, cf C. La Rocca, Segni di d i distinzione. Dai corredi funerari aile

donazioni ‘post obitum' nel regno longobardo, à paraître.

table, d e la céram ique com m une55, trahissant p ar là la valeur de tels objets, qui est bien éco­ nom ique et pas seulem ent liée à la v ertu du travail. Faut-il alors s'éto n n er que la règle du M aître, au déb u t d u VIe siècle, confie au même p erso n n ag e les « ferram en ta », l'« ornatus », les livres et les archives d u m onastère, alors que, vers 820, les prescriptions de Wala pour Bobbio distinguent entre les responsabilités du « custos ecclesiae » et celles de deux camériers, l'u n chargé des objets en fer, l'au tre des « vasa erea »56 ? que les testam ents les plus précoces détaillent avec ta n t de soin les objets d'usage courant m ais d 'u n coût certain, signes de d is­ tinction a u m êm e titre q u 'u n bijou ou une arm e de prix, d o n t ils v e u le n t a ssu re r la transm ission57 ? La notion de trésor est d'autre p a rt généralem ent absente des actes qui font connaître le détail des fortunes mobilières p ri­ vées. Tel p erso n n ag e désigné comme déten ­ teur d 'u n « thesaurus » p ar l'observateur exté­ rieu r - ainsi sous la p lu m e d e L iutprand de Crém one à propos de la confiscation des biens d 'u n conjuré co n tre le roi H u g u es de Pro­

s Cf. le catalogue d e l'exposition II tesoro nel pozzo. Pozzi

deposito e tesaurizzazione nell'antica Emilia, M odène, 1994.

56 La Règle du M aître, II, éd. A dalbert d e V ogüé, Paris, 1964 (Sources chrétiennes, 106), XVII, 7, 12-13, p. 84 et 86 ; Com-

memoratorium d e W ala p ou r Bobbio (supra n. 25), p. 421-422.

Jacques le G off v o y a it aussi dans la règle d e saint Benoît - éd. A. d e V ogü é et Jean N e u fv ille , II, Paris, 1972 ( Sources chrét., 182),

XXXI, 10, p. 558 et XXXH, 1, p. 560 - un traitem ent égal des outils en fer et d u m obilier sacré (Travail, techniques et artisans dans les

systèmes de valeur du haut Moyen Âge, V‘-Xesiècle [1971], dans Id., Pour un autre Moyen Âge. Temps, travail et culture en Occident : 18 essais, Paris, 1977, p. 108-130 : p. 121) ; l'ind ifféren ciation est

cependant b eaucoup m oin s m arquée q u e dans la règle d u Maî­ tre. D e telles distin ctions, il est vrai, p eu v e n t tenir autant à la taille d es m onastères qu'à l'évolution su p p osée des systèm es de valeur (cf. supra, p. 165).

* J'em prunte cette rem arque à C. La Rocca, dan s le

com pte ren du q u 'elle a d o n n é d u catalogu e de l'exp osition sign alée à la n. 55 d an s Archeologia medievale, 21, 1994, p. 684- 685.

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vence58 - a u ra it sim p lem en t p a rlé de « mo- bilia » ou de « scherpa », au sens large de ce term e59, dans son testam ent ou son contrat de m ariage. Les p lus aisés distingueront l'« om a- m en tu m » ; encore ne l'ap pliqu en t-ils le plus so u v en t q u 'au x vêtem ents et bijoux féminins, ce qui laisse de côté les autres objets de prix60. Sauf p o u r l'élite d u royaum e ou de l'em pire, à laquelle ap p artien t u n É vrard de Frioul - le seul laïc à disposer d 'u n « p aram en tu m » - , le tréso r p rivé n 'e s t p as au tre chose que l'e n ­ sem ble des biens m eubles, bétail et esclaves com pris, et son histoire se confond avec celle, p lu s large, de la « cu ltu re m atérielle » ; c'est donc avec la m auvaise conscience de céder à l'artifice q u 'o n en extrait les élém ents les plus précieux. O n se consolera en constatant que L éon d 'O stie a déjà d o n n é l'ex e m p le au XIIe siècle, en ne reten an t d u texte d 'u n e do ­ n atio n laïque de 823 que les objets jugés di­ gnes d u trésor d e son église, sans s'a tta rd e r sur les élém ents d 'airain et de laiton61.

Les recoupem ents en tre les trésors des laïcs et ceux des ecclésiastiq u es so n t p a r ailleurs si fréquents q u 'il est u n peu artificiel d 'e n faire deux catégories tranchées, au-delà

æ Liutprand, Antapodosis, m , 41, p. 95.

59 « Scherpa », d 'u n u sa g e très courant, d ésign e tout ou partie d e s biens m eubles. Il p eu t parfois n e s'appliquer qu'au num éraire. Cf. N in o T am assia, Scherpa, scerpha, scirpa [1906- 1907] dan s Id., Scritti di storia giuridica, III, Padoue, 1969, p. 309- 318.

® A insi pou r le gastald d e Sienne en 730 et pour le « vir m a g n ifia is » d e M onza en 745 (C.d.L., I, nos 50 et 82) ; en revan­ che, le d o g e Justinien Partecipazio em p lo ie le m ot d e manière indifférenciée, en 829 (Cessi, I, n° 53).

61 Ckron. mon. Cas., 1 ,19, p. 64 : don ation d'A m ipertus de C onza (province d 'A vellin o) au M ont-C assin. Léon d'O stie n'a p a s rep orté la m en tio n « ram e, aurecalco » qui figurait sur l'o rig in a l, c o n serv é : cf. A rm an d O. C itarella et H en ry M. W illard, The N inth-C entury Treasure o f M onte Cassino in the Con­

text of Political and Economic Developments in South Italy, Mont-

Cassin, 1983 (Miscellanea Cassinese, 50), p. 131-132 - les auteurs v oien t dans ces d eu x m ots l'allusion à un chandelier, à tort.

de d iv erg en ces d a n s les p a rts resp ectiv es d 'élém en ts « professionnels » com m e les a r­ m es ou les objets et v êtem en ts liturgiques, voire le co n ten u des livres. La participation des prélats à la vie de la cour, la provenance des dons q u 'il recevaient les alim entaient en pièces profanes ; cep en d an t, to u t en p o rtan t les arm es ju sq u 'a u XIe siècle avancé, ils ne font pas m ention d 'éq u ip em ent m ilitaire dans leurs biens p erso n n els (sauf ce qu i leu r v ien t de cadeaux) : leu r p a ra d e n 'est pas là. Les laïcs, eux, p o u v a ie n t être co nduits p a r leu r p iété in d iv id uelle et, p o u r les p lu s riches d 'en tre eux, p ar la possession d'églises privées, à d é­ tenir des objets d 'u sa g e religieux, sinon une véritable « chapelle » comme É vrard de Frioul ou B érenger Ier. Ce qui sépare les trésors laïcs des trésors ecclésiastiques tien t m oins à leur n a tu re q u 'à leu r d ev en ir : les prem iers sont intégrés dans une succession, transm is et p a r­ tagés ; les seconds sont p lus volontiers légués à un sanctuaire, g a rd a n t leu r un ité mais ris­ quant l'anonym at d 'u n fonds com m un.

Pour autant, la caractérisation des pièces laïques d 'u n tréso r privé n 'e s t p as difficile à étab lir. D ès q u e l'o n q u itte les p a u v re s « vestim entola », « scirpola », « scrupola » ou « p riv ita riu m » p ro p re s aux esclaves62, u ne succession o u des « m obilia » n u p tiau x com ­ p re n n e n t, d a n s les d escrip tio n s ord in aires, « de l'o r et de l'arg en t » et so u v en t d u n u m é­ raire (« scherpa » au sens é tro it d u mot) aux côtés d u b ro n z e (« ram en , era m en »), d u « ferram entum » e t d es « u te n silia » q u o ti­ diens, à quoi s'ajo u ten t d 'év en tu els tissus et

s Perg. Bergamo, n° 69 (a. 924) ; Fainelli, I, n° 182, p. 276

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vêtem ents (« p a n n i », « v estes »), vo ire des « m ancipia » ou « ancillae » et au tre bétail63. Ces listes génériques ne laissent que rarem ent percer le rang et la richesse : quelques actes de la fin d u Xe et d u d é b u t d u XIe siècle p ar les­ quels des personnages d u m ilieu com tal assi­ gnent u ne « m orgengabe » à leur épouse font bien m ention de gem m es à côté d'or, d 'arg en t et de vêtem ents64 m ais les testam ents des évê­ ques d e V érone B illongus en 846 et d e C ré­ mone Jean en 922 se contentent d 'u n e énum é­ ration d es p lu s b an ales65. Les états p lu s dé­ taillés, eux, d o n t l'établissem ent répond tantôt à des m otifs p ersonnels, tan tô t à u n change­ m ent d 'h ab itu d e notariale - et non à u ne p ro ­ gression dans l'échelle sociale - , p eu v en t être com binés avec d 'a u tr e s ren seig n em en ts et fournir u n e sélection d o n t le caractère con­ voité fut souligné p a r l'interdiction de la vente

63 Les m o d es d 'én u m ération so n t les m êm es en Italie septentrionale et m érid ion ale ; p ou r le N ord, voir d eu x exem ­ ples infra, n. 65 ; pou r le Su d, v o ir parm i d'autres cet acte con s­ titutif d e « m orgengabe » à Bari en 1027 : « D e auro vel argento, here v e l ferro, stan go v e l p lu m b o, serbis v e l ancillis, pan nis sericis, lin eis v e l laneis, a n im alib u s m aioribus v e l m inoribus, vino et victu alibu s, o leo et legu m in a, va sis lign eis et vitreis et ceteris om nibus regim entis. » (C.d.B, I, n° 14, sub a. 1028).

“ M .D . Lucca, V / 3 , n° 1614 (Padule, prov. Pise, a. 986 : gem m es et ém eraud es) ; P a olo C am m arosano, Abbadia a Isola.

Un monastero toscano nell'età romanica, Castelfiorentino, 1993, n° 2

(Pietralata, prov. Sienn e, a. 994) ; C .d.C av., IV, n° 688 (Salem e, a. 1015) ; Lorenzo A n g elin i, A rchivio arcivescovile di Lucca, III.

Carte dell'Xl secolo dal 1031 al 1043, L ucques, 1987, n° 49 (Cevoli,

prov. Pise, a. 1036).

® Fainelli, I, n° 182, p. 276 : « D e m obilias vero m eas, tarn aurum , argentum here, stagn oru m , scirpa, lin eis, laneis, siricis, cadriges et u n iversa m ob ilias m eas » ; H, n° 186, p. 246 : « vascula lign ea v e l la p id e a , erea, ferrea, stan nea, argentea, pannos lin eos et laneos... » (le d eu xièm e texte est généralem ent considéré com m e le testam en t d e Jean évêq u e d e P avie, plu tôt que com m e celui d e Jean év êq u e d e C rém one ; l'identification a été rétablie par Barbara H . R o sen w e in , The fa m ily politics of

Berengar I, king of Italy, 888-924, dan s Speculum, 7 1,1996, p. 247-

289 : p. 278-281).

n o ctu rn e d 'u n e bonne p a rt de ses élém ents dans u n capitulaire de la fin des années 80066 : - Parm i les vêtem ents et les bijoux, les soieries e t les fibules (« fibulae », « nuscae ») ou les boucles d 'o re ille (« cercelli »), voire les an­ neaux (« anuli », « flectulae ») ont la prim eur de la thésaurisation. Ils com posent souvent la p artie la p lu s précieuse des trousseaux de la b o n n e société tels qu e les fixe la coutum e, comme le m ontrent les exem ples d'O ptileopa, l'é p o u s e d u g a sta ld d e Sienne e n 730 (« m antoras siricas », « fibulae m aurenae » et anneaux67) et su rto u t ceux de Visantia, Maral- d a , Specia e t A lfarana, jeu n es fem m es de P o u ille, en 970 (« cercelli a u re i »), 1027 (« zen d ai serica cusita o rn a ta ..., flectula »), 1054 (« m andili hocto ad serico... pario cercelli d e argento, anule qua dicitur filectula »), 1064 (« cala g uttulata ad serico..., paria circelli cum m ilille d e auro, q u a ttu o r anule auree »)6S et des C am paniennes Sica et M aru en 1041 (deux « pellice fem inile », u n « scintu m asculile », u n e paire d e « guaraldi », un e couverture, le to u t de soie) et 1045 (« u n u m p ariu m de pin- nulis a u re is..., due pelliccie serice »)69. Pour

66 Cap., I, n° 55, c. 2 : « ut n u llu s aud eat in nocte

nego-tiare in vasa aurea et argentea, m ancipia, gem m as, caballos, anim alia, excepto vivand a et fodro q u od iter agentibus necessa-ria sunt ».

° C.d.L., I, n° 50 : l'expression « fibulae maurenae » dési­

g n e peut-être d es fibules à chaînette, o u un collier à pendentifs en forme de fibule. U n e (ou plu sieu rs ?) fibule(s) étai(en)t aussi m en tion n ée(s) dan s les biens d e G erm ana de R avenne en 564, m ais elle(s) ne représentai(en)t q u 'u n élém en t parm i d'autres tout aussi précieux ; cf. Tjàder, I, p. 240 : « fibula d e bracile et de usub andilos ».

« C.d.B., IV, fr. 2, sub a. 971 ; ibid., n os 18 et 42, sub a. 1028 et 1065 ; C.d.P., XX, n° 40, a. 1054. Les inventaires m éridionaux on t été présentés, à partir d e la fin d u XIe siècle, par Pasquale Corsi, Arredi domestici e vita quotidiana, dan s Terra e uomini nel

M ezzogiom o normanno-svevo. A tti delle settime giomate normanno- sveve (Bari, 15-17 ottobre 1985), éd. G iosu è M usca, Bari, 1987,

p. 75-111.

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les p lu s g ran d s, v ê tem en t et bijou ne font q u 'u n , signe concret d 'u n p o u v o ir tran sm is­ sible : É vrard de Frioul lègue à U nroch, son aîné, u n m an teau d 'a p p a ra t avec un e agrafe d 'o r, com parable aux bracelets que p o rta it le com te de Bergam e lo rsq u 'il fu t p e n d u avec tous les attributs de sa fonction devant la porte de sa ville en 89470 ou au m an teau b ig arré (« v ariu m in d u m en tu m ») posé su r les épaules d u d uc de Bénévent A rechis aux fêtes de P â­ ques, qui fu t d o n n é p a r son fils G rim oald à l'u n de ses fidèles en rem erciem ent d 'u n con­ seil politique71. Les clercs ne sont pas en reste, si l'o n en croit R athier d e Vérone, qui rep ro ­ chait aux évêques lo m b ard s d 'ex h ib er leurs agrafes d 'o r72.

- Les peaux et fo urru res sont aussi universel­ lem ent appréciées et font un cadeau de choix. C ertaines sont à usage vestim entaire : les évê­ ques lom bards p o rten t chapes et bonnets four­ rés au m ilieu d u Xe siècle, et l'archevêque de M ilan A m u lf croulait sous les peaux de m artre

con volgare, M ont-C assin, 1942 (Miscellanea cassinese, 24), n° 2,

p. 27 ; R.N .A.M ., IV, n° 386.

70 L'agrafe est con stitu tive d u v êtem en t com tal : voir la descrip tion d e celui d e Géraud d'A urillac par O don d e C lun y : « sericini [...], rem iniculum illud qu od solet ensis renibus astrin- gi, balteo, dncturia, fibula » (P.L., 120, col. 653). Pour la pend ai­ son d u com te d e Bergam e A m b roise, cf. le récit d e Liutprand,

Antapodosis, I, 22 : « cum en se, balteo, arm illis ceterisque pretb-

sissim is ind um en tis su sp en d i fecit ». Il est au ssi fait m ention de bracelets dan s le v êtem en t d u m arquis d'Ivrée Adalbert (ibid., n, 62) et dan s le trésor d'Évrard d e Frioul, m ais dans les objets de la ch ap elle. Sur les « arm illae », voir P. E. Schram m , Baugen-

armillae : zu r Geschichte der kôniglichen Arm spangen, dan s Id., Herrschaftszeichen und Staatssymbolik. Beitrage zu ihrer Geschichte vom d ritten bis zu m sechzenten Jahrhundert, H, Stuttgart, 1955 (Schriften derM .G .H ., XIH /2), p. 538 et suiv.

71 Chronicon Salemitanum. A Critical Edition with Studies

on Literary and Historical Sources and on Language, éd. U lla W es-

terbergh, L und, 1956 (Studia latina Stockholmensia, III), c. 28, p. 30.

71 Rathier, Praeloquia, éd . Peter L. D. Reid, Turnhout,

1984 (Corpus Christianorum, Continuatio Mediaevalis, XLVI A ), V, 11, p. 150.

et de renne, sous la zibeline et l'herm ine lors de la m ission q u 'il fit à C onstantinople p o u r tro uv er une épouse à O tto n III, en l'a n m il73. En revanche, les peau x de cerf souvent m en­ tio n n é e s d o iv e n t ê tr e u tilis é e s d a n s l'am eublem ent. Engelbert d'E rbé, gran d p ro ­ p riétaire lom bard d u m ilieu d u IXe siècle, en déclare deux dans son testam ent74. L'ém ir de Sicile en envoie plusieurs à saint Nil de Rossa- no, qui ne fait apparem m ent pas de difficultés p o u r les accepter, alors que les ornem ents que v o u d raien t lui do n n er le stratège byzantin de Calabre lui brû len t les d oigts75. Une autre, re­ m arquable p ar sa taille, figure parm i les dons faits à Saint-Liberator à la Maiella vers 102076. - La vaisselle de table revient d 'u n inventaire à l'au tre, associant m étaux, verre et parfois pierre du re : plateaux ou écuelles (« scutella » chez G erm ana de R avenne, R otpert d'A grate, le com te de C aiazzo T h éo d o ric v ers 840, Évrard de Frioul, E lbuncus de Parm e), gobe­ le ts (« b a u g o s » c h ez E n g e lb e rt d 'E rb é , « m odiolos » chez Elbuncus), coupes et hanaps (« coppae » chez L iu tp ran d et C onstantin de Gaète, « gorale » ou « g arale » chez R otpert d'A grate, Th. de Caiazzo, É. d e Frioul), aiguiè­ res, d o n t l'u sa g e p e u t être au ssi liturg iq u e (« urceus », « urceolus » chez É. d e Frioul et Elbuncus), bassin s (« baxia » chez R o tp ert d'A grate, « ciphos » ou « scyphos » chez É. de Frioul, « scapto » ou « scatto » au sud), cuil­

73 Rathier, ibid ; L and olf Senior, Historia Mediolanensis, éd. L. Bethmann et W. W attenbach, dan s M .G .H ., Scriptores, VIII, H anovre, 1848, p. 36-100 : n, 18, p. 55.

74 Fainelli, I, n° 181, p. 269.

75 AA. SS., Septembre, V ü, p. 302 (B.H.G, n ° 1370). Sur la produ ction d e cuirs sicilien s au Xe siècle, cf. Ibn H auqal, Confi­

guration de la terre (Kitab surat al-Ard), trad. Johannes H endrik

Kramers et G aston W iet, I, Beyrouth-Paris, 1964, p. 130. 76 Carusi, p. 187.

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lères (G erm ana de Ravenne, Engelbert d'Erbé, É. de Frioul, C onstantin de Gaète), m ortier (É. de Frioul)77 ; R athier de V érone én u m ère la p lu p a rt de ces élém ents dans la dénonciation des excès de ses confrères78. C ertains relèvent de l'e x tra o rd in a ire , com m e ces fo u rch ettes d 'o r grâce auxquelles la b ru d u doge de Ve­ nise P ierre O rseolo II, nièce d e l'e m p e re u r Basile II, p iq u ait les bouchées p rép arées p a r ses eu n u q u es79. O n no tera l'absence de toute m en tio n de vaisselle céram ique, a u tre m e n t que sous form e générique (« fictilia »), ce qui tient p eu t-être au caractère rép étitif des for­ mes, à la faible d u rée d 'u tilisatio n de l'objet, voire à u n coût m oins élevé q u 'o n ne le pense généralem ent des im portations dites de luxe. - La véritable distinction, chez les laïcs, vient des arm es, d ès lo rs que l'é q u ip e m e n t est d 'a p p a ra t. O n sait l'a b o n d a n c e et le luxe d 'É vrard de Frioul en ce dom aine80, et la ro u e ­ rie avec laquelle, en 936, la très cupide belle- sœ u r d e H u g u es d e Provence, W illa, av ait

77 Tjàder, I, n° 8 ; C.d.L., I, rf 82 ; Chron. mon. Cas., I, 24,

p. 71 (sur Théodoric d e C aiazzo, cf. infra, texte correspondant à la note 110) ; C ysoin g, i f 1 ; Fainelli, I, n ° 181, p. 269 ; Falconi,

Testamento ; Liutprand, Antapodosis, VI, 6, p. 155 ; C .d .C a j., I,

n “ 153. Pour « scapto » ou « scatto », cf. infra, n. 162 et C.d.B., IV,

n° 42 : « u n o scaptone petalato », scil. fait à partir de lam es o u de feuilles d e m étal précieux.

78 Rathier, Praeloquia, V, 6, p. 147 : « scip h is aureis, scu- tellis argen teis, cu p p is a u c tio n s pretii, crateribus, im m o co n ­ clus... ».

79 Die Briefe des Petrus Damiani, éd. Kurt Reindel, H, M u­

nich, 1988 (M .G.H., Die Briefe der deutschen K aiserzeit, I V /2 ), n° 66, p. 270.

80 Cf. Pierre Riché, Trésors et collections d'aristocrates laï­

ques carolingiens [1972], d an s Id., Instruction et vie religieuse dans le Haut M oyen Âge, L ond res (Variorum Reprints), 1981, article

n° IX, p. 41-42 ; Id., Les aristocrates carolingiens, collectionneurs

d'objets d'art (VHP-Xe siècles) [1992], dan s Id., De Charlemagne à saint Bernard. Culture et religion, Orléans, 1995, p. 15-24 : p.

19-20 ; R égine le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIIe-

X e siècle). Essai d'anthropologie sociale, Paris, 1995, p. 64-66.

L'étude la p lu s com plète est celle d e Cristina La Rocca et Luigi Provero, à paraître dan s Rituals of Power, éd . M ayke d e Jong, Janet L. N elson , F. T heuw s (A m sterdam , 1996).

caché le b au d rie r (« b alteu s ») de cuir rouge orné d 'o r et de p ie rre s p récieu ses de son époux tom bé en disgrâce p o u r ne pas le voir tom ber aux m ains d u roi, qui y attachait grand prix ; seule un e fouille serrée perm it de le dé­ couvrir81. D eux siècles a u p a ra v a n t, R otpert d 'A g r a te la i s s a it u n b a u d r i e r d 'o r (« ringa w)82 ; en 846, E ngelbert d'E rbé, d 'u n niveau social inférieur sans doute mais suffi­ sam m ent pu issan t p o u r avoir ses propres v as­ saux, do n n e des jam bières, u n b au d rier, un fauchard83 d'arg en t, des éperons d'argent, une épée ; en 994, plusieurs arm es, no n détaillées, sont citées d ans l'assig n atio n nuptiale de la fondatrice d'A b b ad ia a Isola, de famille com­ tale84 ; en 1028, le fils de C onstantin de Gaète reçoit de son père bouclier, lance et épée85. Au rang des arm es figurent aussi les chevaux - le h a u t M oyen  ge est celui d e la cavalerie lo u rd e - , p o u rv u q u 'ils soient harnachés, si possibles avec des m atériaux coûteux : la reine E rm engarde, fem m e de Lothaire Ier, en aurait usé com m e d 'u n m oyen d e p aiem en t p o u r solder u n gros achat - à titre posthum e - dans les A bruzzes, en 85686 ; en 739, u n « caballum

81 L iutp ran d, Antapodosis, IV, 12, p. 110 : « servorum quidam directo obtutu purpuream secu s natium speroiden vidit depend ere corrigiam , quam im p u d en ter arripiens foediterque trahens, e secretiori corporis parte earn secu tu s balteus est egressus ».

® C.d.L., I, n° 82.

83 F a in e lli, I, n° 181, p. 269. Le term e u tilis é est « forsele », qu e je rapproche d u « facilum » plu sieu rs fois cité dans le testam ent d'Évrard d e Frioul et pour lequel Pierre Riché propose la traduction de fauchard : Trésors et collections... (supra, n. 80), p. 42. Voir aussi « fastilis » infra, p. 194.

81 P. C am m arosano, Abbadia a Isola (supra, n. 64). Autres m entions d'« arm es », san s autre précision, dan s des actes de m orgen gabe toscan s du XIe siècle : U b ald o Pasqui, Documenti

per la storia délia città di Arezzo nel medio evo, I, Codice diplomatico (an. 650 ? -1180), A rezzo, 1899, nos 138,160.

æ C.d.Caj., I, n° 153.

86 Liber instrumentorum seu chronicorum monaterii Casau-

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stra tu m » inscrit d an s une « m orgengabe » est estim é au prix d 'u n e m aison, cent sous87. Les ecclésiastiques on t peut-être davantage soigné cet aspect de l'ostentation que les laïcs, plu tô t p o rté s au luxe d es épées et des b au d riers. C harlem agne y v it u n m oyen de flatter H a ­ d rie n Ier ; m ais des deux chevaux q u 'il lui fit p arv en ir, l'u n m o u ru t en ro u te et le second a rriv a si m aig re que le p a p e en réclam a d 'au tres mieux en chair et p lus conformes à la dignité de l'ex p éd iteu r88. A u Xe siècle, Rathier de Vérone décrit com plaisam m ent les évêques au sortir de la messe, rem ontant sur leurs che­ vau x qui p ein en t sous le p o id s des phalères d 'o r et des m ors d 'arg en t, tan d is que l'arche­ v êque de M ilan A rnulf équipe son cheval de fers d 'o r cloutés d 'a rg e n t p o u r étonner la p o ­ p u latio n de C onstantinople et lui faire saisir l'im portance d e son am bassade : d ém o n stra­ tio n d e p u issan ce d e v an t laquelle s'incline l'e m p e re u r, q u i é co u rte le p ro to co le de l'anticham bre89. En revanche, la selle et le frein d u cheval légué p a r C onstantin de Gaète à son fils ne paraissent pas avoir été d 'u n m atériau particulièrem ent noble90. Il est vrai q u 'u n h a r­ nachem ent, m êm e com m un, com plet ou p a r­ cheval avec une selle d'argent. Erm engarde est m orte le 20 mars 851, l'acte est u n faux d e la fin d u IXe o u d u Xe siècle : cf. Die

Urkunden Ludwigs II., é d . K onrad W an n er, M u n ich , 1994 (M .G .H ., Diplomata Karolinorum, IV), p. 59.

87 C.d.L., I, n° 70.

88 Codex Carolinus, éd. W ilhelm G undlach, Berlin, 1892

(M .G .H ., Epistolae, ffl), p. 469-657 : n° 81, p. 614.

89 Rathier, Praeloquia, V, 12, p. 150 ; Landolf Senior, His­ toric Mediolanensis (supra n. 73), n, 18, p. 55. Le thèm e d es m ules ferrées d'or était a p p aru q u elq u es a n n ées auparavant ch ez G uillaum e de Jum ièges à propos du pèlerinage du duc Robert le Libéral à C onstantinople en 1035 et eut u n e b elle postérité dans les ch an son s d e g e ste : G. d e Jum ièges, Gesta Normannorum

ducum, éd. et trad. Elisabeth M. C. Van H ou ts, II, Oxford, 1995,

VI, 11 (12), p. 82 ; René L ouis, Â propos du pèlerinage de Robert le

Libéral à Constantinople et Jérusalem : les ducs de Normandie dans les chansons de geste, dan s Byzantion, 28,1958, p. 391^419.

90 C.d.Caj., I, n° 153.

tiel, est déjà un e richesse digne d 'inv en taire : le Salernitain Boson, en 968, laisse p o u r to u t tréso r son épée, une selle « cum frenu et p a- ratu ria sua » et u n tonneau de vin 91.

- C om m e celui des églises, le tréso r des p e r­ sonnes p riv ées p e u t co m p ren d re des livres. O n connaît des bibliothèques, d 'in té rê t exclu­ sivem ent religieux, léguées p a r des évêques à leur église, comm e celle de Jean de Porto92. O n sait aussi que la connaissance m édicale rép an ­ d u e chez les clercs a p u c o n d u ire certains d 'e n tre eux à posséder un ouvrage spécialisé, com m e ce p rê tre nap o litain de 970, qui con­ sen tit à verser au tréso r d u m onastère d o n t d é p en d a it l'église d o n t il avait la charge son « co llectariu m artis m ed icin e »93. D 'a u tre s, n o u s le v erro n s, av aient en p ro p re les o u ­ vrages nécessaires à la liturgie d u lieu qu'ils d esservaient. M ais la seule v éritab le biblio­ thèque laïque, com portant des reliures de prix, e st celle d 'É v ra rd d e Frioul, g ro sse d 'u n e soixantaine de titres d 'a p rè s son te sta m e n t- auxquels il fau d rait peut-être ajouter les seize qu e laissa son chapelain à C ysoing94. Sa loca­ lisatio n in v ite c ep e n d a n t à n e p as tran ch er tro p ferm em ent entre les catégories d u laïc et d e l'ecclésiastique : tous les volum es étaient rangés dans la « chapelle », quel que soit leur contenu, in d iq u a n t à la fois d e quel côté se tro u v e la c u ltu re liv resq u e e t d o n n a n t à « cap ella » u n e certain e o u v e rtu re sém a n ­ tique95. Sans refaire la présentation d u fonds96,

91 C.d.Cav., H, n° 57. æ Supra, n. 10.

95 R.N .A.M ., 1 /2 , n° 139.

% C ysoin g, nos 1-2 ; cf. R. Le Jan, Famille (supra, n. 80),

p. 66-67, qui rem arque qu e leur con ten u c o m p lète celu i des ou vrages cités dan s le testament.

55 Voir déjà Denkmale, p. 31.

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