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Modulation de la violence conjugale émise, selon les traits psychopathiques et les représentations d'attachement chez les hommes de la communauté

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Academic year: 2021

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Modulation de la violence conjugale émise, selon les

traits psychopathiques et les représentations

d’attachement chez les hommes de la communauté

Mémoire doctoral

Sabrina Smith

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Modulation de la violence conjugale émise, selon les

traits psychopathiques et les représentations

d’attachement chez les hommes de la communauté

Mémoire doctoral

Sabrina Smith

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ

La violence conjugale constitue un phénomène d’intérêt public préoccupant qui semble la norme plutôt que l’exception dans la société québécoise (Institut de la statistique du Québec, 2011). De nombreux auteurs stipulent que la violence conjugale résulterait d’une insécurité face à l’attachement. De plus, plusieurs affirment que les traits de personnalité inadaptés, tels que les traits psychopathiques, sont associés à des comportements antisociaux, tels que la violence conjugale. Par ailleurs, l’attachement inadéquat jouerait un rôle dans l’étiologie des traits de personnalité psychopathiques, selon les écrits scientifiques disponibles. Toutefois, les liens spécifiques entre ces trois variables n’ont que rarement été étudiés simultanément et jamais auparavant chez les hommes de la communauté. La recherche actuelle s’attarde donc à vérifier de quelles manières les traits psychopathiques (primaires et secondaires) et les représentations d’attachement (anxiété face à l’abandon et évitement de l’intimité) modulent l’émission de violence conjugale (psychologique et physique) auprès d’un échantillon de 316 hommes provenant de la communauté. Afin d’augmenter la validité des informations recueillies et de réduire les risques de biais documentés dans ce domaine, seules les réponses rapportées par les conjointes sont prises en compte pour l’émission de la violence conjugale. Les résultats obtenus révèlent que seuls les traits psychopathiques secondaires expliquent l’association observée entre l’anxiété face à l’abandon et la perpétration de violence conjugale psychologique seulement, chez les hommes de la communauté. Les résultats obtenus sont discutés à la lumière des études disponibles à ce jour sur le sujet.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES TABLEAUX ... vi

LISTE DES FIGURES ... vii

REMERCIEMENTS ... viii

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 VIOLENCE CONJUGALE, TRAITS PSYCHOPATHIQUES ET REPRÉSENTATIONS D’ATTACHEMENT ... 2

1.1 Violence conjugale et traits psychopathiques ... 7

1.2 Violence conjugale et représentations d’attachement ... 12

1.3 Traits psychopathiques et représentations d’attachement ... 19

1.4 Objectifs ... 22 1.5 Hypothèses ... 23 CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE ... 26 2.1 Participants ... 26 2.2 Matériel ... 26 2.2.1 Psychopathie ...26 2.2.2 Violence conjugale ...28 2.2.3 Attachement ...29

CHAPITRE 3 ANALYSES ET RÉSULTATS ... 31

3.1 Analyses ... 31

3.2 Résultats ... 31

3.2.1 Prévalence de la violence conjugale ...31

3.2.2 Prévalence des traits psychopathiques ...33

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3.2.4 Les relations entre les représentations d’attachement, les traits psychopathiques et la

violence conjugale ...34

3.2.5 Médiation des traits psychopathiques sur la relation entre les représentationsd’attachement et la violence conjugale ...35

CONCLUSION ... 39

RÉFÉRENCES ... 47

ANNEXE 1 ÉCHELLE D’ATTITUDES ... 56

ANNEXE 2 QUESTIONNAIRE SUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS CONJUGAUX ... 58

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Études concernant les liens entre la violence conjugale et les traits

psychopathiques ... 10 Tableau 2 : Études concernant les liens entre la violence conjugale et les représentations

d’attachement ... 17 Tableau 3 : Études concernant les liens entre les traits psychopathiques et les

représentations d’attachement ... 21 Tableau 4 : Moyenne et écart-type des représentations d’attachement, des traits

psychopathiques et de la violence conjugale rapportée par la conjointe ... 32 Tableau 5 : Corrélations entre les traits psychopathiques, les représentations

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Médiation des traits psychopathiques totaux sur la relation entre les

représentations d’attachement et la violence conjugale ... 36 Figure 2 : Médiation des traits psychopathiques primaires et secondaires sur la relation

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REMERCIEMENTS

Cette expérience stimulante et enrichissante que représentent les études doctorales a été possible grâce à l’implication continue de mes superviseurs cliniques et des professeurs qui ont su transmettre leur savoir et raviver ma passion pour la psychologie. Merci entre autres, à Fabienne et Martin, pour ne nommer qu’eux. Merci à M. Stéphane Sabourin, mon directeur de recherche et mentor, qui n’a jamais cessé de croire en mon potentiel, du baccalauréat jusqu’à aujourd’hui, et qui m’a permis de réaliser mes aspirations. Merci infiniment M. Sabourin pour votre soutien et vos conseils avisés.

Merci à ma mère, qui est mon amie et mon guide. Elle a su m’indiquer la voie à suivre et me réconforter en temps opportuns. Elle m’a donné tout, même ce qu’elle n’avait pas, pour me permettre de m’accomplir. Merci maman. Merci à mon amoureux qui me soutient dans l’aboutissement de ce projet de vie, à la fois par ses attentions et sa discrétion, ses encouragements constants et la confiance qu’il me confère. Merci Rostom. Merci à Karyne, ma meilleure amie, qui m’a prêté sa force et offert des moments inoubliables afin de mieux affronter les défis.

Merci aux personnes que j’ai rencontrées durant ce long parcours (Gaétane, Tamie, Geneviève, Roch, Alexandre, etc.). Merci de m’appuyer et de me donner du courage. Je tiens également à souligner l’apport de mes collègues Isabelle Soucy-Chartier, Francis Lemay, Marie-Hélène Blais-Bergeron et Michel Sacy qui représentent de véritables inspirations par leur intelligence, leur détermination et leur sensibilité.

Ce mémoire représente la concrétisation d’un rêve que j’entretiens depuis toujours. Merci le plus sincère à vous tous pour votre contribution et votre soutien inestimables dans sa réalisation. MERCI.

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INTRODUCTION

Les couples chez qui l’on retrouve de la violence conjugale présentent une plus faible satisfaction conjugale et une élévation significative des taux de dissolution d’union, selon une revue de la littérature de McClellan et Killeen (2000). Plusieurs auteurs ont démontré de façon empirique, que les traits de personnalité inadaptés, tels que les traits psychopathiques, affectent grandement la qualité des relations amoureuses (Savard, Sabourin & Lussier, 2006; Donnellan, Conger & Bryant, 2004; Brinkley, Newman, Widiger & Lynam, 2004) et qu’ils sont associés à des comportements antisociaux, tels que la violence conjugale (Van Marle, 2010; American Psychiatric Association, 2000). De nombreux chercheurs affirment aussi que la violence conjugale résulterait, en théorie, d’une insécurité face à l’attachement (West & Georges, 1999). Dans ce même ordre d’idées, Gao, Raine, Chan, Venables et Mednick (2010), Fonagy (1999), Sable (1997) et Gacono et Meloy (1991 et 1992) estiment, données à l’appui, que l’attachement inadéquat pourrait jouer un rôle dans l’étiologie des traits de personnalité problématiques. Enfin, Schumacher, Slep et Heyman (2001), selon leur recension quantitative des écrits, soutiennent que l’insécurité d’attachement et les troubles de la personnalité constituent des facteurs de risque dans la perpétration de la violence conjugale. Ils soulignent également l’importance, dans ces études, de distinguer les différentes formes de violence conjugale puisque les liens entre ces variables sont susceptibles de varier selon le type de violence perpétrée.

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CHAPITRE 1

VIOLENCE CONJUGALE, TRAITS PSYCHOPATHIQUES ET REPRÉSENTATIONS D’ATTACHEMENT

La violence conjugale est un phénomène d’intérêt public préoccupant puisqu’elle a des effets délétères sur la santé physique et mentale des individus, en plus de comporter des coûts sociaux élevés. Elle exerce aussi de fortes pressions sur les ressources communautaires. D’une manière générale, la violence conjugale est définie comme toute forme d’agression ou de comportement de contrôle envers un partenaire actuel ou passé, peu importe le genre de l’individu et le statut de la relation (Dixon & Graham-Kevan, 2011). L’Institut de la statistique du Québec (2011) rapporte qu’entre 2004 et 2009, 54 % des femmes ont subi de la violence conjugale, même si les taux de violence grave diminuent depuis 1993. La violence conjugale a aussi des conséquences sur les autres membres de la famille, en plus d’une probabilité élevée de transmission intergénérationnelle selon certains auteurs (McClellan & Killeen, 2000).

D’autre part, la conceptualisation de la psychopathie a évolué considérablement depuis son élaboration à partir des observations cliniques de Karpman (1941) et de Cleckley (1941 et 1976) qui sont les pionniers dans ce domaine. Ces cliniciens ont catégorisé la psychopathie selon des critères descriptifs. Par ailleurs, dans le but d’opérationnaliser l’étude de la psychopathie, Hare (2003; Hare, Hart & Harpur, 1991) a plutôt proposé une vision multidimensionnelle de celle-ci en deux facteurs (interpersonnelle/affective et comportementale), conception élaborée auprès d’une population carcérale. Ces deux facteurs correspondent aux traits psychopathiques primaires et secondaires suggérés par Karpman (1941) et soutenus empiriquement par d’autres auteurs (Brinkley, Schmitt, Smith & Newman, 2001; Levenson, Kiehl & Fitzpatrick, 1995) auprès d’une population normale. De leur côté, Levenson et ses collaborateurs (1995) se sont basés sur la mesure étalon de Hare afin de développer un instrument pouvant être employé auprès de gens de la communauté.

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Cet instrument correspond à celui utilisé dans la présente étude et se base sur les 2 grands facteurs de la psychopathie, soient les traits psychopathiques primaires et secondaires. Selon l’outil de Hare, ces facteurs peuvent aussi être déclinés en quatre facettes (interpersonnelle, affective, style de vie désordonné et comportements antisociaux), conception validée à quelques reprises auprès de populations carcérales (Neumann, Hare & Newman, 2007; Barone, 2004). Par ailleurs, la vision de la psychopathie en trois facettes (affectif, interpersonnel et comportemental) est aussi une avenue intéressante. Elle s’appuie principalement sur les données provenant de prisonniers (Cooke & Michie, 2001) ou encore de collégiens (Sellbom, 2011). Toutefois, la structure en quatre facettes, selon la vision de Hare, serait complète, parcimonieuse et offrirait une meilleure validité différentielle que l’approche en trois facettes (Neumann, Hare & Newman, 2007). Compte tenu que la littérature disponible sur un échantillon de la population générale ne fournit pas d’indication claire quant à la pertinence d’aborder la psychopathie en trois facettes et que l’approche en deux facteurs est déjà bien établie sur de larges échantillons (Brinkley et al., 2001), dont des hommes de la communauté (Savard, Sabourin & Lussier, 2006), la psychopathie sera traitée selon deux grands facteurs dans la présente recherche.

Il est donc possible d’aborder la psychopathie selon un continuum de gravité et deux dimensions : les traits psychopathiques primaires et secondaires (Levenson et al., 1995; Gacono & Meloy, 1992; Karpman, 1941). Les traits psychopathiques primaires se manifesteraient de façon plus précoce (Fontaine, McCrory, Boivin, Moffit & Viding, 2011), donc ils seraient plus fortement ancrés dans la personnalité, alors que les traits psychopathiques secondaires s’observeraient plus tard dans le développement. Certains auteurs stipulent que les traits psychopathiques primaires résulteraient d’un déficit neurobiologique entraînant une expérience affective réduite (Raine & Sanmartín, 2001; Karpman, 1941). Les individus qui présentent ces traits auraient donc un seuil de tolérance à l’anxiété élevé et afficheraient des comportements de type instrumental, motivés par la récompense. Ils seraient calculateurs et agiraient selon des principes de dominance sociale. L’insensibilité, la manipulation, l’égoïsme, le manque d’empathie et de remords, la superficialité et les manifestations de grandiosité sont parmi les caractéristiques descriptives des hommes présentant des traits psychopathiques primaires.

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Par ailleurs, la présence de traits psychopathiques secondaires résulterait davantage d’une adaptation à l’adversité vécue et donnerait lieu à des comportements de type réactif, motivés par les émotions (Karpman, 1941). Les individus affichant de tels traits seraient impulsifs et auraient un style de vie désordonné qui outrepasse les normes sociales. La faible tolérance à la frustration et la forte émotivité, l’anxiété, l’irresponsabilité, le manque d’objectifs à long terme et les comportements antisociaux constituent les principales caractéristiques des hommes qui présentent des traits psychopathiques secondaires (Newman, MacCoon, Vaughn & Sadeh, 2005; Brinkley et al. 2004; Meloy, 2001; Levenson et al., 1995). Il est à noter que les traits psychopathiques secondaires s’apparentent aux manifestations comportementales observées dans le trouble de la personnalité antisociale du DSM-5 (Diagnostic and statistical manual of mental disorders, 5th Edition; American

Psychiatric Association, 2013). Toutefois, l’étude de Glenn, Johnson et Raine (2013) effectuée sur 691 contrevenants présentant un trouble de la personnalité antisociale, suggère que l’étude de la psychopathie permettrait de différencier les différents types à l’intérieur de ce groupe hétérogène. De plus, ces auteurs précisent que ce qui distingue les antisociaux des psychopathes est les aspects affectifs et interpersonnels, soient les traits psychopathiques primaires.

D’autre part, au point de vue de l’évolution de l’espèce humaine, les théoriciens de l’attachement (Bowlby, 1988) stipulent que l’individu est appelé à développer des liens significatifs avec autrui pour survivre. La disponibilité de la figure d’attachement à l’enfance à répondre aux besoins du nourrisson influence les représentations internes qu’il se fait des autres, ainsi que de lui-même. Les modèles internes influencent donc les perceptions de soi, le sentiment de valeur personnelle, l’amabilité et le sentiment de compétence, ainsi que les perceptions des autres quant aux attentes liées à leur disponibilité et à la confiance que l’individu peut leur conférer. Les représentations d’attachement étant relativement stables au fil du temps (Brennan, Clark & Shaver, 1998), les expériences à l’enfance forgeraient donc les représentations mentales qu’une personne aura dans ses relations intimes à l’âge adulte.

En ce sens, les tenants des théories de l’attachement suggèrent que l’insécurité d’attachement développée à l’enfance peut se traduire en une insécurité relationnelle dans le couple à l’âge adulte (Bartholomew & Shaver, 1998). Celle-ci peut se traduire par une peur

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qu’une personne entretient face à une séparation, ainsi que l’inconfort qu’elle peut ressentir face à la proximité. L’étude catégorielle des représentations d’attachement a été introduite par Ainsworth chez l’enfant (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978) et reprise plus tard chez l’adulte par Hazan et Shaver (1987; Bartholomew, 1990; Hazan & Shaver, 1998), ainsi que par d’autres auteurs (Bartholomew & Horowitz, 1991). Ce n’est qu’à la suite des travaux de Brennan, Clark et Shaver (1998) que l’étude bidimensionnelle des représentations d’attachement a vu le jour. Celle-ci montre que l’anxiété ressentie face à l’abandon est liée à une perception négative de soi et à une vision positive des autres et, en conséquence, à des comportements de dépendance. L’évitement de la proximité est associé plutôt à une perception positive de soi et à une vision négative des autres (Brennan et al., 1998) et, par conséquent, elle mène à des comportements d’autosuffisance. D’autre part, l’anxiété d’abandon serait liée à une hyperactivation du système d’attachement, alors que l’évitement de l’intimité serait plutôt lié à une désactivation du système d’attachement, deux stratégies résultant de besoins d’affiliation qui ne seraient pas comblés adéquatement à l’enfance (Mack, Hackney & Pyle, 2011).

En ce qui concerne l’étiologie des traits psychopathiques en comparaison avec celle des représentations d’attachement, la direction du rapport de causalité entre les représentations d’attachement et la psychopathologie n’est pas claire jusqu’à aujourd’hui. D’une part, selon une perspective développementale, les représentations d’attachement empreintes d’insécurité développées à l’enfance peuvent entrainer des patrons de comportements problématiques qui peuvent s’ancrer dans le fonctionnement de l’individu et donner lieu à des psychopathologies à l’âge adulte, telles que les traits de personnalité psychopathiques (Gao et al., 2010 ; Sable, 1997; Fonagy 1999). Il apparait donc évident que l’insécurité d’attachement constitue un facteur de risque de la manifestation des traits psychopathiques (Norbech, Crittenden & Hartmann, 2013). Toutefois, certains chercheurs d’orientation neurobiologique stipulent que même en situation de maltraitance, le tempérament téméraire du nourrisson peut agir comme un tampon et contrer la peur et la douleur (Marsh, Finger, Mitchell, Reid, Sims, Kosson, Towbin, Leibenluft, Pine & Blair, 2008).

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Étant donné les caractéristiques distinctives des traits psychopathiques primaires et secondaires, il se pourrait aussi que l’étiologie de ceux-ci varie selon le type de traits. En ce sens, de par leur nature, la manifestation des traits psychopathiques secondaires pourrait être davantage influencée par les représentations d’attachement, alors que la manifestation des traits psychopathiques primaires pourrait être davantage influencée par la prédisposition génétique d’un individu. Il est également possible que ce soit l’interaction entre les caractéristiques intrinsèques de l’individu avec son environnement qui explique l’apparition de la psychopathie. Par exemple, une stimulation et des interactions inadéquates au cours de la période de plasticité du cerveau à la petite enfance peuvent amener des déficits au niveau des habiletés cognitives et émotionnelles (Glaser, 2000). Par ailleurs, cette approche va aussi dans le sens des suggestions de Fowles et Dindo (2006) qui soutiennent que la psychopathie résulterait d’une défaillance dans le processus développemental. Toutefois, la littérature scientifique disponible ne permet pas de soutenir empiriquement ces hypothèses. Considérant que la conceptualisation du monde et de soi du nourrisson commence dès les premiers instants à sa naissance en fonction des interactions avec la mère et que les traits de personnalité se forgent et s’observent plus tard dans le développement, il est supposé, dans la présente étude, qu’au-delà de la prédisposition génétique du nourrisson, les représentations d’attachement sous-tendent l’expression des traits psychopathiques. Toutefois, les questionnements quant à l’étiologie des traits psychopathiques dépassent le cadre de la présente recherche.

Par conséquent, les relations interpersonnelles semblent être la cible des théories de l’attachement, alors que les caractéristiques propres à l’individu semblent être la cible de la théorie des traits, incluant les traits psychopathiques. Incidemment, l’étude des représentations d’attachement empreintes d’insécurité et des traits psychopathiques dans le contexte de la violence conjugale permettrait de mieux cibler les facteurs de risque quant à la propension de commettre de la violence conjugale, en plus d’offrir des pistes nouvelles afin d’améliorer les interventions auprès d’individus aux prises avec des problèmes amoureux et de couples. Toutefois, ni les théories de l’attachement ni les traits psychopathiques n’offrent une explication complète du phénomène de la violence conjugale. L’étude simultanée de ces variables viendrait donc enrichir ce domaine. Seulement une étude à ce jour tient compte à la fois des traits psychopathiques, des représentations d’attachement

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et de la violence conjugale perpétrée (Mauricio, Tein & Lopez, 2007). Toutefois, celle-ci s’intéresse aux traits psychopathiques secondaires seulement et elle s’adresse à une population carcérale. Cette étude sera présentée de façon détaillée plus loin. La présente recherche vise donc à vérifier ces liens chez un échantillon représentatif de la communauté.

1.1 VIOLENCE CONJUGALE ET TRAITS PSYCHOPATHIQUES

Voici les principaux résultats des études concernant les liens qui existent entre la violence conjugale et les traits psychopathiques (voir le Tableau 1 pour consulter un résumé détaillé des caractéristiques et des résultats de ces recherches). D’abord, selon Holtzworth-Munroe, Bates, Smutzler et Sandin (1997), les hommes qui commettent de la violence conjugale sont plus enclins à présenter un trouble de la personnalité, donc une plus forte tendance à afficher des traits psychopathiques. Cette analyse théorique se fonde sur une revue de quinze classifications des hommes violents dans leur couple. Holtzworth-Munroe et ses collaborateurs (1997; Holtzworth-Munroe & Stuart, 1994) proposent une classification selon trois dimensions (sévérité et fréquence de la violence, généralisation de la violence et caractéristiques psychopathologiques). Après avoir passé en revue les classifications précédentes, ils conduisent une étude longitudinale (Holtzworth-Munroe, Meehan, Herron, Rehman & Stuart, 2000 ; Holtzworth-Munroe & Meehan, 2004) visant à faire ressortir l’hétérogénéité qui existe dans le groupe des hommes violents envers leur conjointe. Ainsi, leur étude démontre la présence de quatre catégories d’hommes commettant de la violence conjugale.

En contrepartie, les résultats de Huss et Langhinrichsen-Rohling (2006) révèlent que les groupes, quoique présents, ne se distinguent pas sur la base de la psychopathie. Par conséquent, la psychopathie ne permettrait pas de distinguer les groupes d’hommes violents dans leur couple et celle-ci ne serait pas un bon indicateur des types de violence conjugale perpétrée, selon ces auteurs. Toutefois, selon une étude de Gondolf et White (2001) la majorité des hommes physiquement abusifs envers leur conjointe de façon répétée présentent une tendance à la psychopathie.

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Plus récemment, dans le cadre d’une étude plus récente de grande envergure effectuée auprès d’un échantillon clinique, les résultats obtenus par Fowler et Westen (2011) stipulent qu’il y aurait plutôt trois profils d’hommes violents envers leur conjointe. Ces trois sous-groupes s’apparentent aux catégories de la classification de Holtzworth-Munroe et Stuart (1994) (Fowler & Westen, 2011). Leur investigation permet de soulever le fait que la majorité des hommes violents envers leur conjointe répondent aux critères d’un trouble de la personnalité antisociale, au sein de l’échantillon clinique employé.

D’une manière plus générale, la recherche de Swogger, Walsh et Kosson (2007) démontre que les hommes violents dans leur couple se distinguent des hommes violents en général, parmi la population carcérale. Ainsi, ils affichent davantage de froideur émotionnelle et un manque d’empathie (facette affective), alors qu’ils seraient moins impulsifs et plus responsables (facette style de vie désordonné). Ainsi, ces auteurs dépeignent les hommes violents dans leur couple comme froids et en contrôle. Par ailleurs, les résultats disponibles dans l’étude de Coyne et ses collaborateurs (2010) réalisée auprès d’universitaires, suggèrent que les traits psychopathiques secondaires prédisent la violence conjugale physique et encore plus fortement celle psychologique, alors que les traits psychopathiques primaires sont liés à la violence conjugale psychologique seulement et à un degré moindre par rapport aux traits psychopathiques secondaires. Ces auteurs expliquent leurs résultats en précisant qu’il est possible que les hommes affichant des traits psychopathiques primaires utilisent une forme atténuée de violence conjugale de sorte que leur conduite ne soit pas répréhensible socialement, afin d’arriver à leurs fins. Au contraire, selon ces auteurs, les hommes affichant des traits psychopathiques secondaires, étant moins calculateurs et plus impulsifs, useraient de violence plus ouvertement.

Cependant, Savard et ses collaborateurs (2011) suggèrent que les traits psychopathiques primaires, et plus faiblement ceux secondaires chez l’homme, prédisent une augmentation de la violence psychologique émise par l’homme, selon le modèle d’interdépendance des partenaires construit à partir d’un échantillon de la population. En revanche, seuls les traits psychopathiques primaires chez l’homme sont associés à la violence conjugale émise par sa conjointe.

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De leur côté, Mager, Bresin et Verona (2014) démontrent plutôt qu’il existe une interaction entre les deux types de traits psychopathiques, dans une étude récente portant sur un échantillon clinique. Notamment, pour l’ensemble des participants, une relation significative et positive s’observe entre la présence de traits psychopathiques secondaires et la violence conjugale physique émise, seulement lorsque les traits primaires sont faibles. De plus, une relation significative et négative, toutefois plus faible que la précédente, est détectée lorsque les traits primaires sont élevés. D’autre part, une corrélation encore plus forte est détectée entre la présence de traits psychopathiques primaires et l’émission de violence conjugale physique chez l’homme. Enfin, leur étude permet aussi d’approfondir la contribution de chaque partenaire dans le contexte de la violence conjugale physique mutuelle, en précisant que la présence de traits psychopathiques chez l’homme est associée à la violence émise par sa conjointe. Cet effet est légèrement plus marqué en présence de traits psychopathiques secondaires chez l’homme, selon cette recherche.

En somme, la revue de la littérature permet de conclure que les hommes qui commettent de la violence conjugale forment un groupe hétérogène où certains affichent des traits psychopathiques. Parmi le peu d’études (Coyne, Nelson, Graham-Kevan, Keister & Grant, 2010; Savard, Sabourin & Lussier, 2011) qui évaluent les liens spécifiques entre les types de violence conjugale et les types de traits psychopathiques, il est clairement énoncé que la violence psychologique est liée à la fois aux traits primaires et secondaires. Les résultats quant à la violence conjugale physique semblent toutefois mitigés. Par ailleurs, une seule étude (Coyne et al., 2010) investigue les liens entre les diverses formes de violence conjugale perpétrée et les différents traits psychopathiques. Il apparait donc nécessaire d’aborder ces distinctions afin d’affiner les connaissances sur le sujet.

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Tableau 1 : Études concernant les liens entre la violence conjugale et les traits psychopathiques

Auteurs Objectifs Résultats N Participants Instruments Critiques

Holtzworth-Munroe et Meehan

(1994 et 2004)

Catégoriser les types d’hommes violents envers leur conjointe

Classement selon 3 dimensions:

-sévérité et fréquence de la violence conjugale(VC) -généralisation de la violence

-psychopathologie 4 types d’hommes violents:

1) Famille seulement (31 %) 2) Dysphorique/limite (16 %) 3) Antisocial de bas niveau (28 %) 4) Généralement violent et antisocial (25 %) 164 (102 (62 Hommes de la communauté Non-violents) Exerçant de la violence conjugale) -Psychopathologie MCMI-III -VC physique CTS-2 -Violencegénérale GVQ -biais possible (sensibilisation à l’intervention) Huss et Langhinrichsen-Rohling (2006)

-Valider les catégories de Holtzworth-Munroe et Meehan

- Vérifier la présence de psychopathie

-4 groupes semblables à ceux de Holtzworth-Munroe et Meehan

-même degré de psychopathie (facteur 1) retrouvé dans tous les groupes

131 (77 (54

Hommes en traitement pour violence conjugale Référés) Volontaires) -Psychopathie PCL-SV et MCMI-III -VC globale CTS-2 (auto-rapportée)

-biais désirabilité sociale possible (V autorapportée) -facteur 1 =manipulation? Gondolf et White (2001)

Déterminer si les hommes qui commettent de la violence conjugale physique de façon répétée affichent davantage de psychopathie

Groupe de VC physique répétée: -54 % tendance à la psychopathie *seulement 11 % TP primaires et 15 % TP secondaires 580 (121 Hommes violents référés pour un programme en violence conjugale Ayant exercé de la violence conjugale physique > 1 fois)

-Psychopathie MCMI-III

(profils de personnalité à partir de divers amalgames des sous-échelles) -VC physique -conjointes -n. de récidives

-21 % des hommes présentent une forte désirabilité sociale -seulement 59 % suivi des conjointes (biais possible)

Fowler et Westen (2011)

Déterminer les sous-groupes de personnalité du groupe d’hommes violents envers leur conjointe (VC) 3 sous-groupes: 1) Psychopathique (54 %) 2) Hostile/Contrôlant (25 %) 3) Limite/Dépendant (21 %) 66 % répondent au TPA 188 (59 (97 (57

Hommes en traitement pour violence conjugale VC)

Avec historique

d’arrestations policières sans violence) Groupe Contrôle) -VC physique CDF (auto-rapportée) -Personnalité SWAP-II

-basé sur le jugement clinique d’un seul clinicien/participant -possibilité que la VC soit sous-rapportée

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Swogger, Walsh et Kosson (2007)

Comparer la distribution de la psychopathie chez les criminels violents et les hommes violents envers leur conjointe (VC)

VC (vs Criminels violents): + de froideur et manque d’empathie (Tp primaires: p<.01)

moins impulsifs et + responsables (Tp secondaires: p< .05 négativement)

172 (85 (87

Prisonniers avec TPA VC) Criminels violents) -Psychopathie PCL-R -VC physique Questions vrai/faux -population carcérale -pas de mesure standardisée de la VC -pas de distinction entre les VC (psy et phy)

Coyne, Nelson, Graham-Kevan, Keister et Grant (2010)

Examiner la relation entre les traits psychopathiques (Tp) primaires et secondaires et la perpétration de violence conjugale, en tenant compte de la violence mutuelle et de l’exposition à la violence dans les médias Tp primaires prédisent: -VC psychologique: β= .14* Tp secondaires prédisent: -VC psychologique: β= .24** -VC physique: β= .22* 337 (152 (185 Universitaires Hommes) Femmes) -Psychopathie LSRP -VC physique CTS -VC psychologique RRA -V médias Television Index -réponses auto-rapportées

Savard, Sabourin et Lussier (2011)

-Évaluer la distribution des traits psychopathiques -Déterminer le rôle des traits psychopathiques dans le phénomène de violence conjugale psychologique en tenant compte de la dyade du couple Psychopathie : 18 % élevée 25 % modérée 57 % pas de psychopathie Modèle d’interdépendance VC psychologique: -Tp totaux: β= .37*** -Tp primaires: β= .33*** -Tp secondaires: β= .25**

*Tp primaires de H liés à VC psychologique émise par F: β=.42**

140 Couples de la communauté -Psychopathie LSRP -VC psychologique CTS-2 -Névrosisme NEO-FF -Détresse PSI -aucune mesure de la VCphy

Mager, Bresin et Verona (2014)

Déterminer les liens entre les traits psychopathiques et l’émission de violence conjugale physique, en fonction du genre

VC physique:

-Tp primaires: β= .11***

-Tp secondaires: seulement quand Tp primaires sont faibles (β= .10***)

**Tp chez H liés à la VC physique émise par F

250 (142 (108 Population clinique Hommes) Femmes) -Psychopathie PCL-SV -VC physique CTS-2 -Facteurs de risque VC PDI-IV et SCID-I -population clinique -aucune mesure de la VCpsy

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1.2 VIOLENCE CONJUGALE ET REPRÉSENTATIONS D’ATTACHEMENT

La contribution potentielle des théories de l’attachement pour expliquer la perpétration de violence conjugale est soulignée par de nombreux auteurs (Fonagy, 1999; Jack, Dutton, Webb, & Ryan, 1995; Hazan & Shaver, 1987). Celles-ci permettraient d’éclairer ce phénomène quant à la contradiction qui existe entre la relation intime (l’amour) et l’utilisation de la violence. Ainsi, il est possible que la violence conjugale soit une stratégie pour réguler la proximité du partenaire dans la relation amoureuse. Notamment, dans le cas d’une forte anxiété ressentie face à l’abandon, la violence conjugale pourrait être employée afin de maintenir une relation étroite avec le partenaire, alors que les individus qui ressentent un grand inconfort face à l’intimité pourraient user de la violence conjugale afin de garder le partenaire à distance. De plus, selon l’étude de Mayseless (1991), vu leur perception négative d’eux-mêmes et leur vision positive des autres, les individus qui ressentent de l’anxiété face à l’abandon et la détresse psychologique engendrée, seraient plus enclins à s’engager dans des comportements d’expression de la colère et de la manipulation pour garder leur partenaire près d’eux. D’autre part, vu leurs perceptions positives d’eux-mêmes, leurs perceptions négatives des autres et leur vision plutôt hostile des relations interpersonnelles, les individus qui ressentent un inconfort face à l’intimité pourraient avoir peur d’être engloutis ou de se soumettre au besoin de proximité de leur partenaire. Ils seraient donc plus propices à s’engager dans des comportements de violence et d’autres stratégies abusives pour contrôler et intimider leur conjointe afin qu’elle prenne ses distances.

Voici les principaux résultats des études concernant les liens qui existent entre la violence conjugale et les représentations d’attachement (voir Tableau 2 pour les études détaillées). D’abord, une revue de la littérature de Dutton et White (2012) met en évidence le rôle des troubles de l’attachement dans l’émission de la violence conjugale, auprès d’un échantillon clinique. Ces auteurs stipulent que l’insécurité d’attachement à l’enfance se maintient à l’âge adulte et peut entraîner le développement de traits de personnalité problématiques et des comportements inappropriés, tels que la violence conjugale. D’ailleurs, la validité de ces hypothèses théoriques a été vérifiée, entre autres par Babcock, Jacobson, Gottman et Yerington (2000). Cette étude effectuée auprès d’un échantillon de la

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communauté démontre que les hommes violents dans leur couple présentent davantage d’insécurité face à l’attachement, en comparaison aux hommes non-violents. Ils affichent, en particulier, les styles d’attachement « préoccupé » et« détaché », correspondant respectivement aux dimensions d’anxiété abandonnique et d’évitement de l’intimité (Brennan&al., 1998). De plus, ceux qui affichent un style d’attachement détaché présentent davantage de mépris envers leur conjointe, sont plus dominants et évasifs dans leurs interactions conjugales. Ces hommes cotent également plus haut sur l’échelle des traits de la personnalité antisociale, mais ils expriment moins de colère. De leur côté, ceux qui affichent un style d’attachement préoccupé sont plus confrontants et commettent plus d’abus émotionnel envers leur conjointe.

Par ailleurs, Dutton, Saunders, Starzomski et Bartholomew (1994) démontrent que, dans l’échantillon clinique employé, les hommes accusés de violence conjugale affichent plutôt les styles « craintif » (correspondant à la coexistence des représentations d’évitement de l’intimité et d’anxiété d’abandon chez l’individu)et « préoccupé », dans la plupart des cas. Ces auteurs précisent que ces deux styles d’attachement sont liés aux mesures d’abus émotionnel, le style « craintif » présentant une plus forte corrélation, alors que le style « détaché » ne serait pas corrélé. Ces auteurs indiquent pourtant que les deux dimensions de l’attachement sont liées de façon significative à l’abus émotionnel et à la colère. De ce fait, les résultats de cette étude semblent peu concluants, en particulier quant à la dimension de l’évitement de l’intimité.

De leur côté, les résultats obtenus par Buck, Leenaars, Emmelkamp et Van Marle (2010) dans leur étude portant sur un échantillon clinique, révèlent que la majorité de ceux qui commettent de la violence conjugale présente une insécurité d’attachement, le style le plus fréquent étant « détaché ». L’insécurité d’attachement est associée à des traits de personnalité comme la dépendance, la jalousie, une faible estime de soi, moins d’empathie et de l’impulsivité. D’une manière générale, ceux qui commettent de la violence conjugale comparativement aux hommes de la communauté présentent davantage de méfiance envers leur conjointe. Parmi les hommes violents qui présentent de l’insécurité d’attachement, davantage d’impulsivité, de dépendance (surtout pour la mesure d’anxiété face à l’abandon) et une plus faible estime personnelle sont observées. Par ailleurs, les auteurs ne détectent

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aucune différence entre le groupe d’hommes provenant de la communauté et le groupe d’hommes qui commettent de la violence conjugale pris dans leur ensemble, en regard des traits de personnalité liés à l’impulsivité et à l’empathie. Les auteurs mentionnent tout de même que les hommes affichant de l’insécurité d’attachement ont 2.5 fois plus de risques de commettre de la violence conjugale. En somme, selon cette étude, il semblerait que les traits de personnalité, tels que la méfiance, soient de meilleurs prédicateurs de la violence conjugale que l’insécurité d’attachement. En complément, les résultats disponibles dans l’étude de Godbout, Dutton, Lussier et Sabourin (2009) révèlent que chez les hommes de la communauté, il y a médiation de l’évitement de l’intimité dans la relation entre la violence subie à l’enfance et la perpétration de violence conjugale physique envers leur conjointe. Cette recherche souligne aussi le rôle de l’anxiété d’abandon chez la femme dans la perpétration de violence conjugale par son conjoint.

D’autre part, une étude récente de McKee, Roring, Winterrowd, et Porras (2012) démontre que l’insécurité d’attachement est liée à la colère en général. Toutefois, selon ces auteurs, seul l’évitement de l’intimité offre un lien robuste avec l’expression de la colère envers soi-même seulement, lorsqu’ils considèrent les représentations de soi et l’insécurité d’attachement dans l’explication des diverses formes de colère. De plus, une représentation de soi grandiose, un manque d’autocontrôle et l’anxiété abandonnique sont aussi associés au trait de la colère. Plus spécifiquement, les recherches de Brassard et ses collaborateurs (2014) portant sur un échantillon clinique, révèlent que l’anxiété d’abandon est associée à la violence conjugale physique et encore plus fortement associée à la violence conjugale psychologique, en ce qui concerne les modèles d’expression et du trait de la colère envers leur partenaire. Pour sa part, l’évitement de l’intimité est seulement indirectement lié à la violence conjugale via le trait de la colère, cette relation étant plus forte avec la violence conjugale psychologique que physique. Selon ces auteurs, cela suggère que les individus affichant de l’évitement de l’intimité et le trait de la colère émettraient des comportements passifs-agressifs tels que la violence conjugale psychologique.

De son côté, l’étude de Hansen, Waage, Eid, Johnsen et Hart (2011) démontre que seule l’anxiété d’abandon prédit significativement la violence conjugale perpétrée, chez une population carcérale. Par ailleurs, les hommes de leur échantillon présentent davantage

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d’évitement de l’intimité que d’anxiété d’abandon. Cependant, une autre recherche (Gormley & Lopez, 2010) précise que seule la dimension de l’évitement de l’intimité est liée à la violence conjugale psychologique émise, seulement en situation de stress pour l’ensemble des étudiants de l’échantillon employé. Autrement, les représentations d’attachement ne sont pas liées à la violence conjugale selon ces résultats. D’ailleurs, l’étude de Doumas, Pearson, Elgin et McKinley (2008), effectuée auprès d’un échantillon de la communauté, énonce aussi que ni l’anxiété d’abandon ni l’évitement de l’intimité ne prédisent unilatéralement la violence conjugale physique commise par l’homme envers sa conjointe. D’autres auteurs appuient également ces résultats (Henderson, Bartholomew, Trinke et Kwong, 2005; Bond & Bond, 2004). Cette recherche soulève aussi le rôle significatif de la violence mutuelle dans la perpétration de violence conjugale physique par l’homme. De plus, Doumas et ses collaborateurs (2008) précisent que la durée de la relation est corrélée à la violence conjugale émise par l’homme. Ils démontrent aussi qu’il y aurait une interaction entre l’évitement de l’intimité par l’homme et l’anxiété d’abandon chez sa conjointe, en ce qui a trait à la violence conjugale physique faite par ce dernier.

D’autres auteurs s’attardent à l’analyse de variables similaires à celles présentées dans le présent document. La recherche de Péloquin, Lafontaine et Brassard (2011) porte sur un échantillon de la communauté et elle tient compte des effets d’interactions entre les conjoints. D’abord, chez les hommes, l’évitement de l’intimité est lié à une plus faible empathie. Aucune association entre l’évitement de l’intimité et l’émission de violence conjugale psychologique n’est établie. De son côté, l’anxiété d’abandon est liée à une plus grande empathie (émotionnelle), ainsi qu’à une plus grande émission de violence conjugale psychologique. Par ailleurs, l’empathie (cognitive) chez l’homme est liée à une plus faible perpétration de violence conjugale psychologique, selon ces auteurs.

Les résultats quant à l’interaction entre les partenaires indiquent que l’anxiété d’abandon chez l’homme est associée à l’émission de violence conjugale psychologique par sa conjointe. En somme, les données fournies par cette étude démontrent que la violence conjugale psychologique constitue la norme plutôt que l’exception et permettent de mettre en évidence la réciprocité de la violence conjugale psychologique chez les couples de la communauté. Par ailleurs, les résultats obtenus soulèvent le rôle significatif de l’anxiété

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d’abandon dans le phénomène de violence conjugale psychologique émise et reçue par l’homme. De plus, cette recherche appuie l’idée que les hommes peu empathiques, tels que ceux qui affichent des traits psychopathiques primaires, pourraient présenter de l’évitement de l’intimité.

Somme toute, la revue de la littérature permet de mettre en lumière la variabilité des représentations d’attachement chez les hommes qui exercent de la violence conjugale, ainsi que l’interaction possible avec celles de sa conjointe. Les liens entre l’insécurité d’attachement et la violence conjugale ne sont donc pas clairs. De plus, une seule étude (Brassard, Darveau, Péloquin, Lussier & Shaver, 2014) investigue les diverses formes de violence conjugale, alors que la majorité des chercheurs s’intéresse uniquement à la violence psychologique. Il apparait donc important de vérifier à nouveau les relations entre les représentations d’attachement et la violence conjugale et d’aborder les spécificités de chacun, soient l’anxiété d’abandon et l’évitement de l’intimité, ainsi que la violence psychologique et physique, tout en tenant compte des degrés de gravité de la violence conjugale afin de clarifier les phénomènes à l’étude.

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Tableau 2 : Études concernant les liens entre la violence conjugale et les représentations d’attachement

Auteurs Objectifs Résultats N Participants Instruments Critiques

Babcock, Jacobson, Gottman et Yerington (2000)

Raffiner la catégorisation de Holtzworth-Munroe et Stuart en lien avec les styles d’attachement (Att)

Hommes violents:

+préoccupé et détaché

*détaché: + méprisants et cotent + haut sur TPA

*préoccupé: + confrontants et +abusifs

émotionnellement 96 (60 (23 (13 Couples de la communauté Violents) Non-violents) Insatisfaits Non-violents) -Att AAI -VC globale CTS, EAQ et entrevue -attachement catégoriel Dutton, Saunders, Starzomski et Bartholomew (1994)

Déterminer les liens existant entre la violence conjugale

psychologique, les styles d’attachement la colère, la jalousie et l’organisation limite de la personnalité VC psychologique: -Craintif: p<.001 -Préoccupé: p<.05

-Détaché: pas lié mais Évit oui?? Anxiété et Évitement vs colère et VC psychologique: p<.001 160 (120 (40 Hommes Référés et volontaires pour un traitement de la violence conjugale Groupe-contrôle) -Att RSQ et RQ -VC psy PMWI -résultats pour Évitement peu concluant -aucune mesure de la VCphy -attachement catégoriel Godbout, Dutton, Lussier et Sabourin (2009)

Déterminer si les représentations d’attachement expliquent la relation entre la violence vécue à l’enfance et la violence conjugale à l’âge adulte

Modèle dyadique:

-Évitement de H médie la relation entre V enfance et VC physique émise (β= .34***)

-VC émise par H est liée à Anxiété de F (β= .31***) 644 (315 (329 (304 Individus de la communauté Hommes) Femmes) Couples) -Att ECR (courte) -V enfance 4 questions -VC (psychologique et physique) CTS-2 -généralisation des résultats quant à la VCphy peu probable (faible prévalence)

Hansen, Waage, Eid, Johnsen et Hart (2011)

Expliquer la violence conjugale en tenant compte des traits de personnalité et des représentations d’attachement

L’Anxiété est le seul prédicateur significatif de la VC (β= .30*) *+ d’Évitement que d’Anxiété *l’âge ne contribue pas

92 Prisonniers -Att RSQ -Vgénérale et VC globale 2 questions -Traits de perso NEO-FF -pas de distinction entre les VC (psychologique et physique) -traits de personnalité généraux Gormley et Lopez (2010)

Déterminer si le genre, les stresseurs et les représentations d’attachement contribuent à la perpétration de violence conjugale psychologique

-Anxiété: pas liée à la VC psychologique -Évitement: lié à la VC psychologique seulement si stress (β= .20*) 127 (66 (61 Étudiants Femmes) Hommes) -Att ECR -VC psy MMEA -aucune mesure de la VCphy -jeunes (M= 20 ans) -pas de distinction H et F

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Doumas, Pearson, Elgin & McKinley

(2008)

Examiner les liens entre les styles d’attachement et la violence conjugale physique

Pas de lien Anxiété (Anx) et Évitement (Évit) pour la VC physique (VCphy)

-VCphy de H liée à Évit de H et Anx de F (β= .28*)

-Durée liée à VCphy de H (β= .26*) -VCphy mutuelle (β= .77***) 70 Couples de la communauté -Att RQ -VC phy CTS -aucune mesure de la VCpsy Mckee ,Roring, Winterrowd et Porras (2012)

Examiner les liens entre les

représentations d’attachement, le trait de la colère et l’expression de la colère, envers soi-même et envers les autres

-SeulÉvit lié à l’expression de la colère envers soi-même (β=.46***)

-Anx, représentation de soi + et manque d’auto-contrôle associés au trait colère

40 Hommes en traitement pour violence conjugale -Att ECR -Colère STAXI-2 -R– de soi YSQ

-pas mesure directe de la VC

Brassard, Darveau, Péloquin, Lussier et Shaver

(2014)

Valider le modèle d’abus sexuels à l’enfance, en tenant compte des représentations d’attachement, de la colère et de la violence conjugale

Modèle Expression Colère -Expression: Anx(β= .36***)

-VC psychologique (VCpsy):Anx(β= .17**) -VCphy: Anx (β= .13*)

Modèle Trait Colère

-Trait: Anx (β= .41***) et Évit (β= .13*) -VCpsy: Anx (β= .19**) direct

Évit (β= .29***) via trait -VCphy: Anx (β= .14*) direct Évit (β= .14*) via trait

302 Hommes en traitement pour violence conjugale -Att ECR -VC (psy et phy) CTS-2 -Colère IAEC et STAXI -pas de mesure directe des Tp Buck, Leenaars, Emmelkamp et Van Marle (2012)

Expliquer le rôle des traits de personnalité dans la relation entre la violence conjugale (psychologique et physique) et les styles d’attachement

Hommes VC:

61% affichent insécurité d’attachement (dont 43% style détaché)

Variances:

• Insécurité d’Att: 16% • Méfiance: 20%

+ de Traits de personnalité problématiques chez les insécures

134 (72 (62 Hommes Mandatés pour un traitement de la violence conjugale) Groupe contrôle) -Traits de personnalité TI, DCS, ASA, BES, SSDS, IJS, RESES et BIS -Att RQ -VC globale CTS-2 -pas de mesure directe des Tp -attachementcatégoriel Péloquin, Lafontaine et Brassard (2011)

Explorer les composantes

intrapersonnelles, médiationnelles et dyadiques qui sous-tendent les mécanismes par lesquels les représentations d’attachement, l’empathie et la violence conjugale psychologique sont interreliées.

Modèle dyadique

Empathie n’est pas un médiateur de la relation entre Att et VC

-Pas de lien Évit de H et VCpsy (de H et F) -Anx de H liée à VCpsy: β= .20*

-Anx de H liée à VCpsy de F: β= .24*

193 Couples de la communauté -Empathie IRIC -Att ECR -VC psy CTS-2 -pas de mesure directe des Tp -aucune mesure de la VCphy

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1.3 TRAITS PSYCHOPATHIQUES ET REPRÉSENTATIONS D’ATTACHEMENT

Les théories de l’attachement offrent aussi un cadre conceptuel théorique pour l’étude de l’étiologie des traits de personnalité psychopathologiques (Fonagy, 1999). Bowlby (1988) propose que la qualité des relations d’attachement précoces détermine les représentations de soi et des autres. En revanche, les représentations cognitives influencent le fonctionnement interpersonnel et la santé mentale tout au long du développement de la personne. Par exemple, à l’enfance, l’anxiété d’abandon donne lieu à une vulnérabilité accrue à des troubles qui exagèrent les émotions négatives et la détresse psychologique dans une tentative d’obtenir l’attention de la figure d’attachement. À l’âge adulte, certains auteurs affirment que cela se manifesterait aussi en un moins bon contrôle des impulsions voir une perte de contrôle, une colère excessive et une tendance à contrôler les conflits avec un pouvoir coercitif (Feeney & Noller, 1996). Au contraire, l’évitement de l’intimité incite à des comportements qui minimisent la détresse et donne lieu à une vulnérabilité accrue à des troubles qui nient la présence d’émotions négatives. Ainsi, les individus qui s’attendent à être repoussés de la figure d’attachement considèrent les autres comme étant incapables de répondre à leur besoin d’attachement; ils deviendraient autosuffisants et nieraient leurs besoins d’intimité (Feeney & Noller, 1996).

Voici les principaux résultats des études concernant les liens qui existent les traits psychopathiques et les représentations d’attachement (voir Tableau 3 pour les études détaillées). D’abord, les résultats obtenus dans l’étude de Taubner, White, Zimmerman, Fonagy et Nolte (2013) révèlent qu’en présence d’une tendance à la psychopathie, les agressions interpersonnelles sont freinées, voire inhibées par la capacité de mentalisation, chez les adolescents. Par extension, puisqu’une sécurité d’attachement se développerait, théoriquement, en partie grâce à un fonctionnement réflexif élevé, il est possible de s’attendre à ce que les représentations d’attachement jouent un rôle dans la relation entre les traits psychopathiques et la violence interpersonnelle à l’âge adulte. La recherche précédemment mentionnée ne permet toutefois pas de valider cette proposition.

De leur côté, Gacono et Meloy (1992) mènent une recherche auprès d’une population carcérale souffrant d’un trouble de la personnalité antisociale. Les résultats suggèrent que ces

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hommes présentent un profond détachement interpersonnel qui serait encore plus présent chez les psychopathes. Ces résultats sont également reproduits par Franks, Sreenivasan, Spray et Kirkish (2009) sur un échantillon de la population carcérale. De leur côté, Bekker, Bachrach et Croon (2007) postulent que seul le style d’attachement anxieux présente une relation avec les comportements antisociaux chez les hommes, parmi l’échantillon d’étudiants employé.

Par ailleurs, une investigation également produite sur une population d’étudiants (Mack &al., 2011) révèle que la présence de traits psychopathiques primaires est liée aux représentations d’attachement d’anxiété d’abandon, seulement chez les individus qui présentent aussi une forte tendance à l’évitement de l’intimité. De plus, autant l’anxiété face à l’abandon que l’évitement de l’intimité sont associés aux traits psychopathiques secondaires, sans effet d’interaction significatif. À noter que les traits psychopathiques secondaires présentent une relation plus robuste avec l’anxiété abandonnique que les traits primaires, selon cette étude. En revanche, l’étude de Frodi, Dernevik, Sepa, Philipson et Bragesjö (2001), portant sur une population carcérale, démontre que, malgré le fait que la majorité des hommes affichent un style d’attachement détaché, aucune association entre les classifications de l’attachement et les degrés de psychopathie n’est détectée. Toutefois, les auteurs ne fournissent pas d’information quant à la puissance statistique de cette dernière affirmation.

En somme, la recension de la littérature met en évidence les rapports possibles entre les représentations d’attachement et les traits psychopathiques, mais aussi les lacunes concernant l’étude de ces dimensions combinées. D’une part, peu d’études se penchent sur le phénomène. De plus, une seule recherche (Mack, Hackney & Pyle, 2011) tient compte des types de traits psychopathiques. Au surplus, aucune étude ne porte sur un échantillon représentatif de la communauté. Par conséquent, il apparaît primordial de considérer à la fois les diverses représentations d’attachement et les différents types de traits psychopathiques auprès d’une population normale, afin d’approfondir les connaissances dans le domaine.

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Tableau 3 : Études concernant les liens entre les traits psychopathiques et les représentations d’attachement

Auteurs Objectifs Résultats N Participants Instruments Critique

Gacono et Meloy (1992)

Établir un portrait des hommes présentant un TPA en lien avec les

représentations d’attachement et la psychopathie

Suggèrent que le détachement serait encore + présent chez les psychopathes

60 (22 (21

Prisonniers avec TPA Avec diagnostic de psychopathie) Pas de psychopathie) -Psychopathie PCL-R et Rorschach -Att Rorschach -prisonniers -pas de mesure directe de l’attachement

Franks, Sreenivasan, Spray et Kirkish (2009)

Établir un portrait des criminels présentant de la psychopathie

Suggèrent un lien entre le détachement et les

traits psychopathiques 45 Prisonniers avec psychopathie

et au moins 2 actes violents

-Psychopathie PCL-R et Rorschach -Att

Rorschach

-prisonniers

-pas mesure directe Att -approche qualitative

Bekker, Bachrach et Croon

(2007)

Investiguer les liens entre les styles d’attachement, les comportements antisociaux, l’alexithymie et l’« autonomy-connectedness »

Relation positive, directe et forte entre l’attachement anxieux et les comportements antisociaux (β= .37***) 202 (67 (135 Étudiants Hommes) Femmes) -Cpts antisociaux VKP (Tp sec) -Att ASQ -étudiants

-pas de mesures directes de Évit et Anx -seulement les comportements (Tpsec)

Mack, Hackney et Pyle (2011)

Investiguer les liens entre les représentations

d’attachement et les traits psychopathiques

Tp primaires:

-Anxiété (β= .17*) (interaction avec Évitement) Tp secondaires: -Anxiété (β= .23**) -Évitement (β= .19*) 209 (73 (136 Étudiants Hommes) Femmes) -Psychopathie LSRP (Tpprim et sec) -Att ECR-R

-impossible d’isoler les résultats pour les hommes seulement

Frodi, Dernevik, Sepa, Philipson et Bragesjö (2001)

Examiner les liens entre les représentations

d’attachement et la psychopathie

Suggèrent un lien entre le style d’attachement détaché et la psychopathie

(64 % présentent un attachement détaché) -pas de lien entre les styles d’attachement et les degrés de psychopathie

14 Prisonniers suisses affichant de la psychopathie (dont 9 avec TPA) -Psychopathie PCL-SV -Att AAI -prisonniers -petit échantillon -pas de mesure directe de l’attachement Taubner, White, Zimmerman, Fonagy et Nolte (2013) Déterminer si la capacité de mentalisation, qui comprend le fonctionnement réflexif et l’attachement relationnel, modère la relation entre les traits psychopathiques et la violence (V) envers autrui

Modérations

-Fonctionnement réflexif faible-moyen Vproactive vs Tp: (β= .86***) Vréactive vs Tp:(β= .54***) - Fonctionnement réflexif élevé V vs Tp : pas significatif 104 (59 (45 Adolescents allemands Garçons) Filles) -Psychopathie PPI-R -Fct réflexif 8 questions AAI -Violence RPQ -adolescents -pas de mesure directe de l’attachement -pas de mesure de la VC

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En ce qui a trait à l’analyse simultanée des variables passées en revue précédemment – traits de personnalité psychopathique, attachement et violence conjugale – une seule étude est disponible à ce sujet. Mauricio, Tein et Lopez (2007) effectuent une recherche auprès de 192 hommes sous ordonnance d’un mandat de cour les obligeant à suivre un programme de traitement de la violence conjugale. Les auteurs visent à déterminer si les troubles de la personnalité limite et antisociale, ainsi que les représentations d’attachement, agissent de façon indépendante dans la perpétration de violence conjugale ou si ces troubles de la personnalité modulent la relation entre les représentations d’attachement et la violence conjugale. Ces chercheurs se penchent également sur les différentes formes de violence conjugale émise (psychologique et physique). Cette étude révèle que le trouble de la personnalité antisociale, qui s’apparente aux traits psychopathiques secondaires, agit en tant que médiateur de la relation entre les représentations d’attachement d’évitement et la violence conjugale (psychologique, ainsi que physique). Par ailleurs, le trouble de la personnalité antisociale explique la relation entre les représentations d’attachement d’anxiété et la violence conjugale physique seulement. Leur recherche permet aussi d’établir des liens significatifs entre le trouble de la personnalité antisociale et les deux dimensions des représentations d’attachement. De plus, les deux dimensions de l’attachement sont liées à la violence psychologique, mais seule l’anxiété face à l’abandon est associée à la violence physique. Enfin, ils démontrent aussi les liens robustes qui existent entre le trouble de la personnalité antisociale et les deux formes de violence conjugale. Toutefois, cette étude porte sur une population carcérale et concerne le trouble de la personnalité antisociale (traits psychopathiques secondaires uniquement). Le présent mémoire vient donc pallier à ces limites en s’intéressant aux hommes de la population générale et en considérant non seulement les traits psychopathiques secondaires, mais aussi les traits psychopathiques primaires.

1.4 OBJECTIFS

La présente recherche vise d’abord à approfondir les connaissances en ce qui a trait à la psychopathie chez les hommes de la communauté. D’autre part, l’étude de l’association entre les représentations d’attachement et les traits psychopathiques en contexte de violence

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conjugale tentera de mieux cibler les facteurs de risque et de perfectionner les interventions entourant le phénomène de violence conjugale. À plus forte raison, jusqu’à maintenant, il n’existe qu’une seule étude mettant en relation ces trois variables et cette dernière s’attarde uniquement à une population carcérale. Pour sa part, le projet actuel porte exclusivement sur un échantillon représentatif de la population. Ainsi, il s’agit de déterminer de quelles façons les représentations d’attachement et les traits psychopathiques modulent la perpétration de violence conjugale chez les hommes de la communauté. De plus, étant donné la complexité des paramètres à l’étude et la variabilité des résultats disponibles dans la littérature, l’étude des différentes déclinaisons possibles de chacune des variables (soient l’anxiété abandonnique et l’évitement de l’intimité en ce qui concerne les représentations d’attachement; les traits psychopathiques primaires et secondaires en ce qui a trait à la psychopathie; et la violence psychologique et physique, ainsi que celles mineure et majeure, relativement à la violence conjugale) semble indiquée afin de s’assurer de capter le phénomène de la violence conjugale dans son ensemble.

1.5 HYPOTHÈSES

À la lumière des études abordées précédemment, considérant que les individus qui affichent de l’évitement de l’intimité ont une perception positive d’eux-mêmes, perçoivent les autres comme n’étant pas fiables et s’autosuffisent pour satisfaire leurs besoins (Feeney & Noller, 1996), en plus de nier leur vulnérabilité; étant donné que les hommes qui affichent des traits psychopathiques primaires ont une vision grandiose d’eux-mêmes, sont insensibles aux autres (Levenson et al., 1995) et adoptent des comportements de type instrumental (Karpman, 1941), tels que garder leur partenaire à distance; attendu que les hommes qui présentent de l’évitement de l’intimité affichent un manque d’empathie, tels que ceux présentant des traits psychopathiques primaires (Péloquin et al., 2011); il est possible de s’attendre à ce que A) les hommes affichant une tendance aux traits psychopathiques primaires affichent davantage d’évitement de l’intimité. De plus, considérant que les individus qui présentent de l’anxiété face à l’abandon n’affichent pas un bon contrôle des impulsions, présentent une hyper-accessibilité des émotions négatives et un surinvestissement émotionnel de leurs relations interpersonnelles (Brennan et al., 1998);

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compte tenu que les hommes qui affichent des traits psychopathiques secondaires sont impulsifs, ont une faible tolérance à la frustration (Brinkley et al., 1995) et exercent des comportements de type réactif (Karpman, 1941), tels qu’empêcher leur conjointe de mettre fin à l’union, il est possible de s’attendre à ce que B) les hommes affichant une tendance aux traits psychopathiques secondaires affichent davantage d’anxiété face à l’abandon.

D’autre part, étant donné que, chez les individus qui présentent un fort évitement de l’intimité, la violence conjugale peut être une stratégie afin de garder une distance face au partenaire amoureux (Fonagy, 1999); considérant qu’ils puissent être évasifs dans leurs interactions (Bobcock et al., 2000) et plutôt passifs-agressifs (Brassard et al., 2014), en plus d’être enclins à s’engager dans des comportements visant à intimider leur conjointe afin qu’elle prenne ses distances (Mayseless, 1991), il est possible de s’attendre à ce que C) les hommes qui affichent de l’évitement de l’intimité tendent à commettre de la violence conjugale psychologique seulement puisque les actes de violence physique impliquent un rapprochement physique et une mobilisation du corps, contrairement à la violence psychologique. De plus, étant donné que, chez les individus qui affichent une forte anxiété d’abandon, la violence conjugale constitue parfois une stratégie visant à maintenir une proximité avec le partenaire amoureux (Fonagy, 1999); considérant qu’ils puissent être confrontants (Bobcock et al., 2000) et portés à s’engager dans des comportements d’expression de la colère (Mayseless, 1991); attendu que les hommes les plus abusifs psychologiquement affichent de l’impulsivité et de l’anxiété abandonnique (Holtzworth-Munroe & Meehan, 2004), il est possible de s’attendre à ce que D) les hommes qui affichent de l’anxiété d’abandon soient enclins à commettre de la violence conjugale psychologique et de la violence conjugale physique, vu l’escalade possible vers une aggravation de la violence conjugale émise.

Par ailleurs, compte tenu que les individus qui présentent des traits psychopathiques primaires sont calculateurs et dominants socialement (Levenson et al., 1995), donc qu’ils pourraient agir d’une manière plus acceptable socialement, de sorte que leur comportement ne soit pas réprimandé (Coyne et al., 2010), signifiant qu’ils agiraient avec une certaine discrétion, tout en utilisant la violence conjugale de façon instrumentale afin de contrôler leur partenaire, il est possible de s’attendre à ce que E) les hommes qui affichent une tendance

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aux traits psychopathiques primaires soient enclins à commettre de la violence conjugale d’une manière subtile, c’est-à-dire par la violence conjugale psychologique seulement, contrairement à la violence physique qui s’observe en termes de comportements extériorisés, visibles. De plus, compte tenu que les individus qui présentent des traits psychopathiques secondaires sont impulsifs, ont une faible tolérance à la frustration, affichent des comportements antisociaux sans se préoccuper des normes sociales (Levenson et al., 1995) et utiliseraient la violence conjugale de façon réactive, pour exprimer leur mécontentement, par exemple; attendu que les hommes qui présentent des traits du trouble de la personnalité antisociale puissent commettre de la violence conjugale (Fowler & Westen, 2011; Holtzworth-Munroe & Meehan, 2004), il est possible de s’attendre à ce que F) les hommes qui affichent une tendance aux traits psychopathiques secondaires soient enclins à commettre de la violence conjugale psychologique et physique puisqu’ils pourraient avoir du mal à contenir l’escalade d’une violence plus subtile à une violence plus ouvertement observable (Coyne et al., 2010).

Toutefois, les données probantes concernant l’étude simultanée de ces trois variables étant limitées, aucune hypothèse n’est émise quant à la nature des liens existants. De plus, les données concernant les degrés de sévérité de la violence conjugale de l’échantillon seront prises en compte même si les recherches disponibles ne permettent pas de formuler d’hypothèses à cet effet.

Figure

Tableau 1 : Études concernant les liens entre la violence conjugale et les traits psychopathiques
Tableau 2 : Études concernant les liens entre la violence conjugale et les représentations d’attachement
Tableau 3 : Études concernant les liens entre les traits psychopathiques et les représentations d’attachement
Tableau 4 : Moyenne et écart-type des représentations d’attachement, des traits  psychopathiques et de la violence conjugale rapportée par la conjointe
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