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ARTICLE
ORIGINAL
Le
«
trouble
»
de
l’éjaculation
précoce
:
le
critère
d’une
minute
maximum
de
pénétration
en
question
夽
The
premature
ejaculation
‘disorder’:
Questioning
the
criterion
of
one
minute
of
penetration
P.
Kempeneers
a,b,∗,
M.
Desseilles
b,caDépartementdessciencesdelasantépublique,universitédeLiège,Liège,Belgique
bCliniquepsychiatriquedesFrèresAlexiens,rueduChâteau-de-Ruyff,68,B-4841Henri-Chapelle,Belgique cDépartementdepsychologie,universitédeNamur,Namur,Belgique
DisponiblesurInternetle8juillet2014
MOTSCLÉS Éjaculationprécoce; Latence éjaculatoire; Étiologie; Traitement; Thérapies cognitivo-comportementale; Thérapiesexuelle; Inhibiteurssélectifs delarecapturedela sérotonine
Résumé Il existe actuellement une tendance à réserver le diagnostic de trouble de l‘éjaculationprécoce(EP)auxseulscascaractériséspardesduréesdepénétrationinférieures ouégalesàuneminuteenviron.L’idéesous-jacenteestquecessituationsrelèveraientd’une étiologieessentiellementbio-constitutionnelleetqu’untraitementpharmacologiqueaulong coursconstitueraitl’uniqueoptionthérapeutiquevalable.Àl’examendelalittérature cepen-dant,lesévidencesscientifiquesinvoquéesensoutiendecettepropositionapparaissentassez faibles.Bonnombre depersonnessouffrantd’éjaculertroprapidementprésententeneffet desduréesdepénétrationsupérieuresàuneminute,etilsemblequelesformessévèresd’EP puissentaussirépondrefavorablementàdestraitementspsycho-sexologiques.Enoutre, s’il s’avèrecertainquedesvariablesbiologiquesinfluencentlalatenceéjaculatoire,rienne per-metcependantdeprétendrequ’elles jouent,danslesformessévèresd’EP,un rôleexclusif defacteursétiologiquespsychosociaux.Ilapparaîtainsi«prématuré»defonderlediagnostic d’EPsur uneduréedepénétration d’uneminutemaximum,ce critèredétermineplutôtun gradientdesévéritédutrouble.Considérantque,enmatièrededuréedepénétration,les cri-tèresdedésirabilitésesituentsouventau-delàdesnormesbiologiques,il sembledélicatde soutenirqueseuleslesformesd’EPlesplussévèresauraientuneoriginebio-constitutionnelle. Danstouslescasaudemeurant,laconstitutions’avèrerelativementplastique,sensibleaux apprentissages àvisée adaptative.Ceux-ci sontsans doute plusdifficilesà réaliser parles porteursd’uneformesévèredutrouble,maispasimpossibles.Laquestiondel’indicationd’un
DOIdel’articleoriginal:http://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2014.06.004.
夽 AnEnglishversionofthisarticleisavailableonline,athttp://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2014.06.005.
∗Auteurcorrespondant.CliniquepsychiatriquedesFrèresAlexiens,rueduChâteau-de-Ruyff,68,B-4841Henri-Chapelle,Belgique. Adressee-mail:p.kempeneers@ulg.ac.be(P.Kempeneers).
http://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2014.06.005
102 P.Kempeneers,M.Desseilles
traitementpharmacologiqueoupsycho-sexologiquegagneraitàsedégagerd’unsimplecritère delatenceéjaculatoire.
©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
KEYWORDS Premature ejaculation; Ejaculationlatency; Aetiology; Treatment; Cognitivebehavioural therapy; Sextherapy; Selectiveserotonin reuptakeinhibitors
Summary The current trendis toreserve thediagnosis ofprematureejaculation (PE) for caseswhere penetrationlastsfor aboutoneminuteorless.Therationaleisthatthe aetio-logyisprimarilybio-constitutional,andthatlong-termpharmacologicaltreatmentistheonly viableoption.However,theliteraturecontainslittlescientificevidencetosupportthis argu-ment.Infact,agoodnumberofindividualswhosufferfromoverlyrapidejaculationpresent withpenetrationdurationexceedingoneminute,andevensevereformsofPEhaveresponded favourablytopsycho-sexologicaltreatment.Moreover,althoughcertainbiologicalvariablesare knowntoinfluenceejaculationlatencytime,nothingindicatesthattheyplayanexclusiverole ofpsychosocialetiologicalfactorsinseverePE.Therefore,itwouldbe‘premature’tobasea PEdiagnosisonamaximumpenetrationdurationofoneminute,whichshouldinsteadbe consi-deredaseveritygradient.Giventhatdesiredcriteriafor penetrationdurationoftenexceed biologicalnorms,itwouldbeinappropriatetoproposethatonlythemostsevereformsofPE haveconstitutionalorigins.Inanycase,theconstitutionisrelativelyflexible,andcanrespond toadaptivelearning.Anadaptive learningapproachwouldundoubtedlybemoredifficultto applyinseverecases,butnotimpossible.Theissueofwhethertousepharmacologicalversus psycho-sexologicaltreatmentcouldbesidesteppedbymovingbeyondthesinglecriterionof ejaculationlatency.
©2014ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Qualifier
la
«
précocité
»
des
éjaculations
:
deux
points
de
vue
contrastés
Tout le monde ou à peu près s’accorde à considérer l’éjaculationprécoce(EP)commeunetroublesexuel répon-dantàtroiscritères:ils’agitd’uneéjaculation:
• quisurvientrapidement;
• quel’hommeestimenepaspouvoircontrôler;
• quigénèreunsentimentdedétresseou,àtoutlemoins, d’insatisfaction. Pardelàces éléments deconsensuson relève toutefois des divergences de conceptions, prin-cipalement en ce qui concerne le critère de rapidité
(Bonierbale,2013;Kempeneersetal.,inpress).
Schématiquement, deux grands points de vue
s’affrontent:
• ilyad’uncôtéunpointdevuequel’onpourraitqualifier de«subjectiviste».Danssonexpressionlaplusradicale, cepointdevueposelesouhaitdelapersonne,sa subjec-tivité,commeseulrepèrepertinent:uneéjaculationest réputéeprécocelorsqu’ellesurvientrégulièrementavant quel’hommenelesouhaite,c’esttout.Larapiditéesten quelquessortesramenéeàundéficitdecontrôle.Cepoint devuesetrouveparexempleassezbienreprésentédans lesécrits deDe Carufel(2009) etde Metzet McCarthy
(2003). Conc¸uede cette manière, l’EPtoucherait
envi-ron15à30%delapopulationmasculine(Laumannetal.,
2005;Levinson, 2008; Park et al., 2010; Porst et al.,
2007);
• del’autrecôté, unpointdevue«objectiviste»cherche àdéterminerobjectivementlarapiditéd’uneéjaculation parsasurvenuerégulièreendec¸àd’uneduréemaximale
de pénétration. Divers auteurs ont proposé différents repères allant de 15secondes (WHO, 1994) à 7minutes
(Schover et al., 1982). La tendance actuelle serait de
retenir un seuil maximal d’une minute. Dans ce cas, l’affection concernerait moins de 5% de la population
(APA,2013;Janninietal.,2013;McMahonetal.,2008).
Enfiligranedecesdeuxcourants,deuxconceptions idéal-typiquesdelanormalitésefontface:
• uneapprochepurementsubjectivistereviendraità consi-dérer comme normal l’exercice par l’homme d’un contrôle à volonté sur son éjaculation. Poussée à l’extrême,unetelleconceptionrelèveraitsansdoutede l’utopiebiologique;
• uneapprochepurementobjectivistereviendraitquantà elle à juger de la normalité sur une base uniquement statistique,avecpourpossibleeffetpernicieuxde délégi-timerlanotiondetroubleet,parconséquent,l’intention thérapeutiqueau-delàdelavaleurpivot.
L’éjaculation
et
son
timing
:
les
données
d’observation
Lapopulationgénérale
La première enquête à faire état de mesures objectives des tempsde pénétrationdans lapopulation générale fut menée par Waldinger et al. (2005) sur plusieurs échan-tillons nationaux. La durée médiane des coïts y était de 5,4minutes, avec des différences d’un pays à l’autre allantde3,7minutesenTurquieà7,6auRoyaume-Uni.Une secondeenquêtesignéeparWaldingeretal.(2009)rapporte
desvaleursrelativementsimilaires:4,4minutesenTurquie, 10auRoyaume-Uniet6pourl’échantillontotal.
Lessouhaitsdesgens
Enregarddes valeurs rapportéesparWaldinger etal.,un sondagementionnéparMontorsi(2005)révèleque ceque leshommeseux-mêmesestimentêtreuneduréenormalede pénétrations’établità13minutesenmoyennepourles amé-ricainset9,6minutespourleseuropéens.Unsondageréalisé
parCortyetGuardiani(2008)auprèsde34sexologues
éta-suniensetcanadiensexpérimentésmontrepoursapartque ce quiest jugé «souhaitable»(«desirable»),à savoir 7à 13minutesdepénétration,sesitueau-delàdelanorme sta-tistiquede3à7minutes,uneduréejugée,elle,«suffisante» («adequate»). Ceci n’est probablement pas sans lien à l’opinionrépandueselonlaquellel’obtentiond’unorgasme requiert des stimulations tactiles plus longues chez les femmesquechezleshommes:5à25minutesenmoyenne chez les premières contre 4à 7chez les seconds d’après
Nagoski (2010). Bref, en matière de durée de
pénétra-tion,lesstandardsderéférencesexcèdentmanifestement lanormestatistique.Cequi,enOccidentdumoins,pourrait êtreconsidérécommebiologiquementnormalsembleplutôt insatisfaisantd’unpointdevuehédoniqueetsocioculturel. Nombreuxsontleshommesquisouhaiteraientéjaculerplus tard qu’ilsne le fontordinairement, comme,sans doute, beaucoupsouhaiteraientaussiêtreunpeuplusgrandsetun peuplusintelligentsquelamoyenne.Àpartirdequandla détresse relativeau fait d’éjaculer trop vite, d’être trop petit ou pas assez intelligent caractérise-t-elle légitime-mentun«trouble»?Laquestionestd’ordrepsychologique, socioculturel et relationnel au moins autant que d’ordre biologique (Giami, 2013). Reste qu’éjaculer plus tard est souventpossiblepourvuque l’onrecoure àlachimieouà desapprentissagescomportementaux,unaccompagnement psycho-sexologiquepeutenoutreaideràs’accommoderdes limitesdesacondition;ondécritlàlestraitements dispo-nibles.
LeshommesEP
Dansuneétuderéaliséechronoenmainsurunéchantillon de110hommesconsultantpourunproblèmed’EP,Waldinger
etal.(1998)ontconstatéque90%despersonnesprésentant
une forme primaire etgénéralisée du trouble éjaculaient enmoinsd’uneminutedepénétrationet99%enmoinsde deuxminutes.UneétuderégulièrementcitéedeMcMahon
(2002)surplusde1000australienstraitéspourunproblème
d’EP déboucherait égalementsur des résultats similaires. Cette étude ne figure cependant dans les bases de don-nées scientifiques que sous la forme d’un abstract, elle renvoieàunecommunicationaffichéeprésentéelorsd’un congrès. Ses détails méthodologiques demeurent mécon-nus.
Partant de ces deux dernières références, un groupe d’expertsforméauseindel’InternationalSocietyforSexual Medicine(ISSM)aproposéderéserverlediagnosticd’EP pri-maireetgénéraliséeauxpersonnesprésentantdeslatences éjaculatoires inférieures ou égales à une minute environ
(McMahon et al., 2008). Des voix se sont fait entendre
pourquel’Associationpsychiatriqueaméricaine(APA), édi-triceducélèbreDiagnosticandStatisticalManualofMental Disorders(DSM),intègreelleaussicettevaleurplafonddans sonmanueldiagnostic(Segraves,2010).Manifestementelles ontétéjugéesconvaincantespuisqueleDSM-5,paruenmai 2013,yfaitmaintenantréférence(APA,2013).
Àl’exceptiondel’étudedeMcMahondontseull’abstract estdisponible,l’étudedeWaldingeretal.(1998),àlabase delavaleurpivotd’uneminute,n’apourtantguèretrouvé deconfirmationssolides.Certainstravauxrapportentmême des observations contradictoires. Ainsi en va-t-il de deux étudesmenéeschronoenmainellesaussi,l’uneaux
États-Unis(Patricketal.,2005),l’autreenEurope(Giulianoetal.,
2008), chacune sur 200hommes diagnostiqués EP. Il y est apparuqueplusde40%deséjaculationspourtantréputées précocesysurvenaientaprèsdeuxminutesdepénétration. Ilfauttoutefoisremarquerquecesdeuxétudesneportaient pasexclusivement surlesformesprimairesetgénéralisées dutrouble,commelefaisaitcelledeWaldingeretal.
Sil’ons’accorde,avecAlthofetal.(1995),Pryoretal.
(2006) et Rosenet al. (2007), à considérer que les
auto-estimationsdeshommessouffrantd’EPreflètentbeletbien leurs durées réelles de pénétration, il faut encore citer deux études récentes comme contradictoires par rapport auxobservations deWaldingeretal. Une enquêtedirigée
par McMahon etal., 2012 dans la région Asie-Pacifique a
montréque,parmi816hommesdiagnostiquésEPsurlabase duprematureejaculationdiagnostictool(Symondsetal., 2007),74%relataientdeslatenceséjaculatoiressupérieures à deuxminutes, et prèsde 90% des latencessupérieures à une minute. Dans une étude menée en Belgique par
Kempeneers et al. (2013), 26% des 341sujets présentant
un diagnostic d’EP primaire et généralisée (critères DSM-IV-TR)rapportaientdesduréesdepénétrationsupérieuresà deuxminutes,etenviron50%desduréessupérieuresàune minute.
Détermination
du
trouble
et
détermination
du
traitement
Enmatièredecomportementetdepsychisme,lesconcepts desantéetdetroublesontaffairesdeprescriptionssociales autantquedeconsidérationsbiologiquesetlajustification d’un traitement est intimement liée à la conception du trouble.
Que des apprentissages adéquats et une éduca-tion sexuelle de qualité puissent être proposés comme «traitements»àquiconqueformuleunesouffranceenlien à la rapidité de son éjaculation —une proportion esti-mée entre 15et 30% de la population—, ceci ne pose guèredeproblèmeséthiques.Desproblèmeséconomiques peut-êtremaiséthiques assezpeu,pasplus,parexemple, quen’apparaîtraientéthiquementchoquantesdesmesures visantàproposerdesapprentissagesoudescoursde remé-diation à des personnes souffrant de ne pas se sentir aussiintelligentesqu’elleslesouhaitent.Bienqu’ilsposent toujours la question générale de la légitimité de la nor-malisationsociale,des«traitementssofts»decegenrene sontguèreperc¸uscommesusceptiblesdenuireau bénéfi-ciaireindividuel. Ils s’accommodent dèslors sans trop de difficultésd’uneconceptionlargedutroubledanslaquelle
104 P.Kempeneers,M.Desseilles peuventseretrouverbonnombredepersonnes,une
concep-tion essentiellement fondée sur un critère de souffrance individuelle.
Il en va tout autrement lorsqu’on considère les traitements pharmacologiques et leur cortège d’effets secondairesà moyenetlong terme.La normalisation psy-chiqueoucomportementalepeuticiavoiruncoûtbiologique pourl’utilisateurindividuel,uncoûtqu’ilconvientd’évaluer en regard des bénéfices attendus. En l’occurrence, on entendrégulièrementdénoncerl’usageàlarge échellede psychotropes —auxquels s’apparentent les produits actifs dansledomaine del’EP—enceque lescoûtsbiologiques y-associésreprésentent untributexcessifàl’idéologie de laperformance(Ehrenberg,1998;Frances,2013).Ilsemble dèslorspréférabledelimitercestraitements,etpar consé-quent le diagnostic, aux seuls cas non traitables par des moyensplus«soft».Untraitementpotentiellementtoxique se doit, dans cette optique, de ne viser que la part des troubles—les«vraistroubles»—imputablesàune anoma-liebiologique,àl’exclusiondecequirelèveraitseulement d’une souffrance d’origine psychosociale. D’une certaine manière,lareconnaissanced’untroubledenature essentiel-lementbiologiquedistingueraitl’usagethérapeutiqued’une moléculedu«dopage».
Faire
de
l’EP
primaire
sévère
un
trouble
neurobiologique
:
pourquoi
?
Comment
?
Quelles
limites
?
Comment se fait-il que l’ISSM et l’APA en soient venus à retenir le seuil maximum d’une minute de pénétration commecritèrediagnosticdel’EPàpartird’évidences scien-tifiquesaussifaibles?Ilsembledifficiledenepasformuler l’hypothèsed’uneviséeconsistantessentiellementà justi-fieruneapprochemédicamenteuseduproblème.
Du point de vue de l’industrie pharmaceutique, l’établissementd’uneduréeplafondacertespour inconvé-nient dedélégitimer l’intervention thérapeutiqueau-delà de la valeur pivot (Waldinger, 2008), mais elle comporte l’avantagedelajustifier endec¸à,àplus forteraisonsila formed’EPqu’elledélimiteestprésentéecommeune ano-maliebiologiqueetqu’untraitementpharmacologiqueest déclaréêtrelaseulealternativepouraméliorerlasituation. C’estprécisément le point de vue défendu par le groupe d’expertsdel’ISSM.Faut-ilyvoirunecoïncidence?La plu-partd’entre ces experts reconnaissent des intérêts liésà l’industriepharmaceutique.
Lechoixd’apparenterlesEPprimairescaractériséespar une latence éjaculatoire de moins d’une minute à une dysfonctionneurobiologique procède cependant d’un syl-logisme.Desétudesépidémiologiquescitéesparlegroupe d’expertsindiquentquedenombreusesmaladiesorganiques (parex.l’ostéoporose,lesdiabètesetlesmaladies cardio-vasculaires)touchentenviron0,5à2,5%delapopulation. Danslamesureoùlavaleurseuild’uneminutede pénétra-tionréduitàcetteproportiondelapopulationlapartdes hommesconcernés(<5%,cf.supra),laformesévèred’EP dontilssontporteursdevientthéoriquementassimilableà undéficitd’organe(McMahonetal.,2008).
Le syllogismeduraisonnement neprouve pasensoile caractère erroné de sa conclusion. Les auteurs évoquent
encore d’autres arguments à l’appui de leur proposition, ilscitentuneséried’étudesindicatricesdelaparticipation defacteursbio-constitutionnelsdansl’EP.Sontévoquésles travaux de Jern etal. (2007) qui,à partir d’une série de jumeauxfinlandais,évaluentletaux d’héritabilitédel’EP, toutes formes confondues, à 28%; les travaux de Corona
et al. (2011) qui épinglent un impact possible du milieu
hormonal; et une étude deJanssen etal. (2009) qui, au sein d’unéchantillon des sujetsEP présentantdes durées depénétrationinférieuresàlaminute,constatent queles porteursdelavarianteLLdugène5-HTLPRimpliquédans la transmission sérotoninergique se caractérisent par des latenceséjaculatoiresencoreplusbrèves queleurs homo-loguesporteursdesvariantesSSetSL.Cependant,riendans ces études,niànotreconnaissancedansaucuneautre,ne permetdeconclurequelesfacteursbiologiquesincriminés jouentunrôleexclusifoumêmeprépondérantdanslesEP primaires assorties delatenceséjaculatoiresinférieures à uneminute.Laréductiondecetteformecertessévère du troubleàundéséquilibreneurochimiquedemeureàl’heure actuelleparfaitementhypothétique.
En cohérence avec la perception d’une EP pri-maire sévère imputable à un déficit bio-constitutionnel, l’utilisation à long terme de molécules sérotoninergiques visantàretarderleréflexeéjaculatoireasouventété pré-sentée comme la seule possibilité de traitement (Althof
et al., 2010; Porst, 2012; Waldinger, 2007). Au moins
trois essais cliniques semblent pourtant démentir le
pro-pos.DeCarufeletTrudel(2006),DeSutteretal.(2002)et
Kempeneersetal.(2012)onteneffettrouvéquedessujets
affectésd’unelatenceéjaculatoireparticulièrementcourte pouvaientégalementrépondrefavorablement àun traite-ment sexo-comportemental.Lesaméliorations sont, ilest vraichezeuxdemoindreampleurqu’ellesnelesontchezles sujetsEPsignalantaprioridesduréesdepénétration supé-rieuresàuneminute(Kempeneersetal.,2012),maiselles n’en sont pas moins présentes. Dureste un constat simi-laire vautégalementpourlestraitementsmédicamenteux
(Waldinger,2007)desortequ’ilapparaîtauboutducompte
queleslatencesinférieuresàuneminutereflètentun gra-dient de sévérité de l’affection, lequel limite, sans pour autant l’anéantir, l’efficacité des traitements quelsqu’ils soient.
En
guise
de
conclusion
Au cours des 10à 15dernières années, de nombreux travaux ont été publiés qui éclairent de manière inté-ressante les tenants biologiques de l’EP. Cela a fait avancerlesconnaissancessanspourautantprétendretout expliquer (Bonierbale, 2013). Dans la foulée, nombreux ont été les essais cliniques portant sur les traitements pharmacologiques dutrouble, enparticulier surles molé-cules inhibitrices de la recapture de la sérotonine. En comparaison, le volume des publications relatives aux aspects psychologiques et socioculturels de l’EP appa-raît dérisoire, les essais cliniques portant sur l’approche sexo-comportementale de la difficulté ne concernent au total guère plus de 1000sujets, leurs résultats sont par-foiscontradictoires,leursméthodesincertainesetsouvent difficilement comparables entre elles (Berner et Gunzler,
2012;Jern,2013;Kempeneersetal.,inpress;Melniketal., 2011). Cette disproportion des informations disponibles mêlée à d’évidents intérêts commerciaux acertainement contribué à attirer l’attention du publicet des cliniciens sur les composantes biologiques et chimiothérapeutiques du problème au détriment de ses composantes psychoso-cialesetsexothérapeutiques.Sansdoutecelaa-t-ilfavorisé laperceptiond’uneEPréduiteàundéficitd’organe.
L’état actuel des connaissances ne permet en défini-tive pasd’affirmer que les formes sévèresd’EP primaires relèventd’un troubleneurobiologique traitableseulement par voie médicamenteuse. On peut tout à fait soutenir l’existence de facteurs bio-constitutionnels susceptibles d’accroître le risque d’EP, la sévérité du trouble, mais force est par ailleurs de reconnaître la grande plasticité dont semble jouir la condition biologique. En matière de tempsde pénétration,lesnormes biologiquess’inscrivent detoutefac¸onendec¸àdesnormessocioculturellesdesorte qu’énormément d’hommes «biologiquement normaux» doivent apprendre à gérer leur excitation adéquatement s’ils souhaitent prolonger leurs coïts au-delà de ce à quoi les dispose leur nature. Et beaucoup y parviennent, avec ou sans l’aide d’un sexothérapeute. La logique n’est pas différente pour les hommes qui présentent a priori des temps de pénétration de moins d’une minute. Les apprentissages adéquats leurs seront peut-être plus difficiles qu’à d’autres, mais pas pour autant impos-sibles.
Deuxstratégiesthérapeutiquessontdisponibles:soitagir parvoiechimiquesurlatransmissionnerveuse,soitfavoriser l’apprentissagedecomportementspropicesàunemeilleure gestiondel’excitationsexuelle.Laquestiondeleurs indi-cationsrespectivesnesemblepaspouvoirêtretranchéesur la base d’une durée a priori de pénétration. On peut du resteparfaitementlesconcevoircommecomplémentaires
(Kempeneersetal.,inpress).
Enraisondesespossibleseffets secondaires,la straté-giemédicamenteuse ne devraiten touterigueur pas être proposéeentraitement depremièreintention,pas même probablement aux hommes qui présentent une latence éjaculatoire inférieure à une minute. Le développement d’instrumentsefficacesd’auto-traitementdevrait opportu-némentrendre plus accessiblel’option sexothérapeutique enpremièreligne(DeSutteretal.,2002;Kempeneersetal.,
2012;Kempeneersetal.,inpress).Parailleurs,dumoment
qu’ils’agisse d’un usageéclairé etpuisque le but est de soulager une souffrance,ilserait dommage des’interdire de recourir aux médicaments en cas d’inefficacité ou d’impossibilitéd’untraitement psycho-sexologique,même lorsqu’onaaffaireàdestempsdepénétrationréputés sta-tistiquementnormaux.Enfin,lacombinaisondesdeuxtypes de traitement gagnerait à être envisagée, en particulier pourcesformessévèresd’EPégalementrésistantesàl’une etl’autreapprocheprisesséparément.Leurseffets syner-giquessemblentétablis(Lietal.,2006;Yuanetal.,2008), maisrestentencorepeuétudiés.
Déclaration
d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.
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