Université de Montréal
Autisme et alimentation
par
Michèle Mathieu
Faculté desarts et des sciences Ecole de psychoéducation
Mémoire présenté à la faculté des Études supérieures envue de l’obtention du grade de maîtrise
en psychoéducation option mémoire et stage
Avril, 2006 Grade Conféré o compter du LL ZOO6SEP, ? © Michèle Mathieu, 2006 de
CN
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Ce mémoire intitulé: Autisme et alimentation
présenté par: Michèle Mathieu
a été évalué(e) par un jury composé des personnes suivantes:
Mrne Sylvana Côté, Professeur-adjoint, Faculté des arts et des sciences -École de psychoéducation
président-rapporteur
M. Serge Larivée, Professeur titulaire, Faculté des arts et des sciences-École de psychoéducation
directeur de recherche
Mrne Bryna Shatenstein, Professeure agrégée, Département de nutrition —faculté de médecine codirecteur
Mrne Irène Strychar, Professeur titulaire, Département de nutrition —faculté de médecine Correcteur externe
Résumé
Certains chercheurs ont avancé l’hypothèse qu’un régime sans gluten et sans
caséine pourrait permettre de diminuer les symptômes des enfants atteints d’autisme.
Nous avons procédé à une étude exploratoire dans le but de vérifier des hypothèses quant
au lien entre l’autisme et l’alimentation. Nous avons recueilli, par le biais de
questionnaires administrés aux parents, des données sur les habitudes alimentaires et le
comportement de 46 enfants avec ou sans diagnostic d’autisme (ou d’autre trouble
envahissant du développement). Une comparaison du profil alimentaire des sujets non
autistes et des sujets autistes a été menée (tests T, ANCOVA), dans le but de vérifier si la
fréquence de consommation de 31 produits distinguait les deux groupes. Nous n’avons
relevé aucune différence statistiquement significative quant aux habitudes alimentaires
concernant les produits à forte teneur en gluten ou en caséine. En outre, chez les sujets
autistes, nous avons vérifié, par l’entremise de l’analyse de corrélations, si la
consommation de produits à forte teneur en gluten ou en caséine était associée à la sévérité
des symptômes, tel qu’évalué par le Gilliam Autism Rating Scale (GARS). Nous avons
trouvé que seule la fréquence de consommation de gruau était reliée à un des scores au
GARS.
Abstract
It has been suggested that a diet without gluten or casein could decrease the
symptoms among chiidren with autism. We conducted an exploratory study which sought
to verify certain assumptions on the relationship between autism and food consumption.
Using questionnaires administered to the parents, we collected data on food practices and
behavior among 46 children with or without a diagnosis of autism (or other pervasive
developmental disorder). A comparison of the dietary food profile of the non-autistic or
autistic subjects (T tests, ANCOVA) to establish if the frequency of consumption of
products with strong content of gluten or casein distinguished the two groups did not
detect statisticalÏy significant differences between groups. Among the autistic subjects,
we verified, by analyzing the conelations obtained, whether the consumption of products
with a high gluten or casein content was conelated with the severity of their symptoms,
as assessed by the Gilliam Autism Rating Scale (GARS). Only the consumption of
oatrneal was conelated with the score ofone scale ofthe GARS.
Table des matières Introduction 1 Autisme 2 Problématique 2 Interventions 3 Composantes nutritionnelles 4 Alimentation 4 Troubles digestifs 5
Le régime sans gluten et sans caséine 7
Hypothèse de l’excès des opioïdes 7
Origine de l’accumulation des opioïdes 10
Support empirique au modèle théorique 11
Expérimentation du régime sans gluten et sans caséine 12
Sujet de recherche 19 Objectifs de l’étude 20 Méthodologie 21 Participants 21 Instruments 22 Mesures socio-démographiques 22
Mesures sur l’alimentation 23
Gilliams Autism Rating Scale (GARS) 23
Considérations éthiques 25 Stratégies analytiques 25 Résultats 26 Discussion 29 Conclusion 35 Références 36 ANNEXE V
Introduction
L’autisme est un trouble envahissant du développement qui se manifeste, dès la
petite enfance, par une perturbation grave du comportement. Il s’agit d’une
psychopathologie très éprouvante pour les parents, qui doivent traverser le lourd
processus de l’évaluation diagnostique, accepter les particularités de leur enfant et se
tourner rapidement vers les interventions précoces les plus prometteuses. Depuis
quelques aimées, des interventions alternatives ont fait leur apparition, mais les études
empiriques pour en vérifier l’efficacité demeurent cependant peu nombreuses.
Une des approches qui a éveillé l’intérêt de beaucoup de parents, et plus
récemment de certains chercheurs, est la diète sans gluten et sans caséine (Garvey, 2002;
Knivsberg, Reicheit, Nodland, & Hoien, 1995; Reichelt, Ekrem, & Scott, 1990; White,
2003). Ce régime très controversé apporterait des changements positifs sur le plan du
comportement des enfants atteints d’autisme. Dans le cadre de cette étude, les
connaissances qui ont contribué au développement de la diète et les appuis empiriques
actuellement disponibles seront présentés, dans le but de détenniner, de façon critique,
l’état des connaissances sur la question. Par la suite, dans le cadre d’une étude
exploratoire, deux objectifs de recherche seront poursuivis, soit de comparer le profil
alimentaire d’enfants non autistes avec celui d’enfants qui présentent un trouble dans le
registre de l’autisme, puis de vérifier, chez les sujets autistes, si la fréquence de
consommation de produits à forte teneur en gluten et en caséine est associée à la sévérité
Autisme
Problématique
L’autisme se caractérise par une perturbation importante des interactions sociales,
de la communication et du comportement tAPA, 2000). 11 s’agit d’un trouble
d’apparition précoce, qui entrave le développement normal des enfants et qui entraîne des
déficits ainsi que des anomalies qualitatives du fonctionnement (Rogé, 1999). Les
parents sont généralement les premiers à remarquer certaines particularités chez leur
enfant, dès son jeune âge ou suite à une courte période de croissance normale (Dumas,
2002).
Les symptômes de l’autisme se regroupent sous trois grands registres. La
première sphère du fonctionnement perturbée est celle des interactions sociales. Les
enfants autistes ont de la difficulté à soutenir des échanges avec autrui ainsi qu’à
développer et à maintenir des relations réciproques. L’intérêt limité envers l’autre, le
manque d’ empathie et l’absence d’imitation témoignent de leur capacité restreinte à gérer
l’information sociale (Dumas, 2002). La seconde sphère du fonctionnement altérée est
celle de la communication. On remarque que les enfants autistes ont de la difficulté à
comprendre et à utiliser les signaux et les codes sociaux communs (Rogé, 1999).
L’écholalie ainsi que le manque de rythme, de spontanéité et de synchronisme dans le
langage illustrent bien leurs particularités à ce niveau (Dumas, 2002). La troisième
sphère du fonctionnement affectée est celle des comportements, des intérêts et des
présentent un répertoire comportemental sérieusement limité, qui est ancré dans des
routines et des rituels très rigides tAPA, 2000).
La symptomatologie et l’intensité des, comportements déviants diffèrent souvent
de façon importante d’un enfant à l’autre (Dumas, 2002). Outre les anomalies énoncées,
qui caractérisent les critères diagnostiques de l’autisme, on relève habituellement
plusieurs troubles associés (retard de développement, troubles du sommeil, troubles de
l’alimentation, problèmes dans l’acquisition de la propreté, problèmes moteurs, troubles
émotionnels, troubles sensoriels; Rogé, 1999). On estime aujourd’hui la prévalence de
l’autisme à environ 9 cas sur 10 000, dans une proportion de 4 garçons pour 1 fille. Les
enfants qui ne présentent pas de retard mental sévère affichent généralement un meilleur
pronostic; toutefois, environ 75% des autistes présentent un QI inférieur à 70
(f ombonne, 2001). Sur le plan étiologique, les hypothèses se regroupent principalement
autour de facteurs génétiques, obstétricaux et post-nataux, neurologiques et biochimiques.
Plusieurs questions demeurent toutefois sans réponses (Rogé, 1999).
Interventions
Les interventions en autisme sont de deux ordres : les méthodes conventionnelles
et les méthodes alternatives. Dans le premier cas, trois approches sont particulièrement
utilisées 1 ‘Applied Behavior Analysis (ABA), qui consiste à enseigner aux enfants des
connaissances de base et des stratégies d’apprentissage par le biais d’un modèle stable de
demandes, de comportements et de conséquences; le Treatrnent and Education ofAutistic
favoriser l’autonomie et l’adaptation des autistes en structurant leurs activités et leurs
milieux; puis le Picture Exchange Communication System (FECS), qui vise à inciter, à
l’aide de pictogrammes, la communication et les interactions spontanées des enfants avec
les gens de leur entourage. En plus de ces programmes spécialisés, les autistes
bénéficient souvent de services complémentaires tels que l’orthophonie, l’ergothérapie,
etc. (Dawson & Osterline, 1997).
Depuis quelques années, les méthodes alternatives se multiplient. Parmi celles-ci,
mentionnons la Méthode AZ (Hoff, 2000), qui utilise le médium de la télévision pour
stimuler les apprentissages chez les autistes ou la Communication facilitée (Kerrin,
199$), qui consiste à assister les sujets en leur soutenant le bras pour leur permettre de
s’exprimer par l’entremise d’un ordinateur (pour une critique voir Sénécal, Larivée, &
Richard, 2004). Soulignons aussi certaines approches biomédicales, telles que l’injection
de sécrétine (Molloy, 2002) ou l’administration de vitamines B6 et de magnésium
(Rimland, 19$ 7). Cette nouvelle vague d’interventions, dont le support empirique n’est
souvent pas concluant, cherche à répondre aux besoins de plusieurs parents insatisfaits
des approches conventionnelles.
Composantes nutritionnelles
Alimentation
Beaucoup de parents rapportent que leur enfant autiste présente des difficultés sur
le plan de l’alimentation (Schreck, Williams, & Smith, 2004). Dans son étude, De Meyer
autistes, comparativement à 59% des parents d’enfants sans diagnostic. Les recherches
menées sur le sujet ont permis de relever des habitudes alimentaires atypiques chez les
enfants atteints d’autismes (Ahearn, Castine, Nault, & Green, 2001; Schreck et al., 2004),
celles-ci étant souvent caractérisées par la rigidité et les obsessions (National Autistic
Society, 1991). On remarque, chez celle clientèle, des préférences alimentaires
marquées, une persistance à vouloir toujours consommer les mêmes produits et un refus
catégorique d’une grande variété de nourriture (Aheam et al., 2001; Archer & Szatmari,
1991; Cornish, 199$; Raiten & Massaro, 1986; Schreck et al., 2004). Une sensibilité
accrue à la texture des aliments et un souci excessif porté à leur présentation ont aussi été
notés (Aheam et al., 2001; Comish, 1998; Schreck et al., 2004).
On estime que la prévalence des troubles alimentaires est plus importante chez la
population autiste (Arnerican Psychiatric Association, 1994), mais aucune étude
systématique récente ne permet de cerner de façon rigoureuse l’ampleur et la nature du
phénomène (Aheam et al., 2001). Selon Raiten et Massaro (1986), certains problèmes tels
que le pica ou les pulsions alimentaires seraient paiticu1ièrement fréquents chez eux.
Troubles digestifs
Plusieurs parents affirment que leur enfant autiste présente des troubles digestifs
importants. Par exemple, dans l’étude de Melmed, Schneider, Fabes, Phillips et Reichelt
(2000), 46% des enfants autistes étaient aux prises avec des problèmes de diarrhée
chronique et/ou de constipation, comparativement à 18% chez la fratrie et à 10% chez les
trouvé que 24% de leur population autiste (N=137) avait une histoire de troubles
gastriques. Dans un sondage réalisé par Lightdale, Siegle et Heyman (2001), la moitié
des 500 parents d’autistes interviewés affirmait que leur enfant avait des diarrhées
fréquentes. Un tel constat n’a pas été noté par Black, Kay et Jick (2002), qui ont relevé
que les sujets autistes de leur étude (N= 545), avant de recevoir leur diagnostic, ne
présentaient pas une histoire développementale plus marquée par des problèmes
intestinaux que les sujets du groupe contrôle.
Des chercheurs ont tenté de vérifier si les enfants atteints d’autisme présentaient
des particularités sur le plan digestif. Wakefield et ses collègues (Wakefield, Anthony,
Murch, Thomson, Montgomery, Davies, O’leary, et al., 2000) ont observé des anomalies
du petit intestin chez 93% des enfants autistes chez qui ils avaient pratiqué une
endoscopie. Honrath, Papadimitriou, Rabsztyn, Drachenberg et Tildon (1999), de leur
côté, ont mis en lumière une inflammation du gros intestin chez 70% de leur échantillon.
Les résultats de ces deux études doivent toutefois être nuancés, puisque la population
ciblée était spécifiquement référée en gastro-entérologie.
Compte tenu des lésions observées à ce niveau chez les enfants autistes, des
recherches ont été menées afin de vérifier si cette clientèle était plus susceptible d’être
atteinte par la maladie coeliaque, une affection de l’intestin grêle qui se caractérise par
une intolérance sévère au blé, au seigle, à l’avoine, à l’orge et au sarrasin (Harper, Nisbet,
& Siegert, 1997). Pavone, Fiumara, Bottaro, Mazzone et Coleman (1997) n’ont pas
échantillon. Sur la base de biopsies et d’analyses d’anticorps, plusieurs auteurs sont aussi
arrivés à la conclusion que ces derniers présentaient plutôt une condition médicale
distincte, qu’il faudrait parvenir à mieux définir dans le cadre d’études subséquentes
(Lucarelli, frediani, Zingoni, Ferruzzi, Giardini, Quintieri et al., 1995; Reicheit,
Knivsberg, Nodland, & Lind, 1991; Shaw, 199$).
Le régime sans gluten et sans caséine
Considérant les particularités des enfants autistes sur les plans de l’alimentation et
de la digestion, plusieurs chercheurs ont insisté sur la pertinence d’examiner le trouble
dans une perspective physiologique. Chez les schizophrènes, aussi fréquenmient aux
prises avec des problèmes digestifs, on a noté que des restrictions alimentaires
produisaient des effets bénéfiques non seulement sur la santé physique des patients, mais
aussi sur les symptômes de leur psychopathologie (White, 2003). Inversement, on a
relevé que des sujets normaux pouvaient développer certaines complications
neurologiques et psychiatriques en raison d’intolérances sévères à des produits conmie le
blé (Pavone et al., 1997). Plusieurs des difficultés comportementales et affectives alors
rencontrées pouvaient être diminuées suite à la mise en place d’un régime alimentaire
exempt de céréales (Dohan, 1970; White, 2003).
Hypothèse de l’excès des opioïdes
Des auteurs ont émis l’hypothèse que l’élimination du gluten (blé, avoine, orge,
sarrasin, seigle...) et de la caséine (lait, fromage, yaourt...) de l’alimentation des enfants
dit sans gluten et sans caséine, s’appuie sur la théorie de l’excès des opioïdes. Selon cette
hypothèse, les sujets atteints d’autisme auraient un niveau trop élevé de substances
opioïdes de provenance alimentaire qui serait accumulé dans leur système nerveux
central (Garvey, 2002; Knivsberg, Reichelt, Hoien, & Nodiand, 2002; Knivsberg,
Reicheit, & Nodland, 1999; Knivsberg, Reicheit, Noland, & Hoien, 1995; Reicheit,
Ekrem, & Scott, 1990; Shattock, 1995; Shaw, 199$; Whiteley, Rodgers, Savery, &
Shattock, 1999).
Pour bien comprendre cette théorie, il faut considérer le processus de la digestion.
Les protéines sont de longues chaînes d’acides aminés qui sont habituellement digérées,
en plusieurs étapes, par les enzymes de l’intestin. Elles sont d’abord divisées en courtes
chaînes appelées peptides, pour ensuite être brisées à nouveau pour devenir des acides
aminés qui peuvent être absorbés par les capillaires sanguins de la membrane de l’intestin
et transportés vers le foie (Reichelt et al., 1990). Chez les enfants autistes, deux types de
peptides, les glutéornorphines et les casornorphines, réussiraient à rejoindre le sang en
grand nombre, même si elles ne devraient pas en être capables compte tenu de leur
structure moléculaire (Garvey, 2002). Ces peptides, dérivés des céréales (gluten) et des
produits laitiers (caséine), seraient similaires aux endorphines, hormones sécrétées par
l’hypothalamus qui possèdent les propriétés antalgiques de la morphine (Shattock, 1999).
Leur présence, trop importante dans le sang des sujets autistes, se répercuterait jusqu’au
Les glutéomorphines et les casomorphines sont reconnues tour avoir un effet à
long terme sur le système nerveux central; certains chercheurs attribuent même à ces
substances une capacité d’induction de psychose (Lindstrom, Nyberg, Terenius et al.,
1984). Selon White (2003), les propriétés opioïdes de ces deux peptides, semblables à
celles de drogues comme la morphine, entraîneraient une modification de l’action de
certains neurotransmetteurs comme les monoamines. L’activité et la maturation du
système nerveux central seraient donc affectées (Zagon & McLaughlin, 1927), expliquant
du coup des troubles de la perception, de l’humeur ou des fonctions exécutives (Comish,
2002). Les opioïdes joueraient aussi un rôle au niveau de la réponse au stress et de la
régulation affective (Knivsberg et al., 2002).
Des expérimentations auprès d’animaux mettent en lumière certaines données
intéressantes. Panksepp (1979), un zoologiste américain, a par exemple montré que
l’exposition chronique à des substances opioïdes chez de jeunes animaux suscitait des
comportements semblables à ceux observés chez les autistes. On fait alors référence à
des symptômes tels que la rareté des pleurs, l’insensibilité à la douleur, l’isolement social,
les troubles attentioirnels et les stéréotypies (Institut national de la santé et de la recherche
médicale, 2001). Sun et Cade (1999), pour leur part, ont noté un changement de
comportement chez des rats lorsqu’on leur injecte une substance de la famille des
casomorphines. Les auteurs remarquaient entre autres une baisse de l’activité, une
réduction des interactions sociales et une propension à afficher certaines réactions
Origine de l’accumulation des opioïdes
Trois hypothèses ont été avancées pour expliquer l’accumulation des opioïdes
dans le système nerveux central des enfants atteints autisme. La première suppose que le
dysfonctionnement se situerait au niveau de l’intestin, qui décomposerait difficilement les
protéines des produits céréaliers et des produits laitiers (Waring, Ngong, Klovrza, Green,
& Sharp, 1997). Un manque d’enzymes, une quantité insuffisante d’acide gastrique ou la
présence de parasites intestinaux pourraient expliquer ce phénomène (Garvey, 2002)
La deuxième hypothèse concerne la trop grande perméabilité de la paroi
intestinale, qui permettrait aux glutéomorphines et aux casomorphines, avant même
d’être réduites en acides aminés, de rejoindre le sang et de se rendre au cerveau. Cette
hypothèse a été testée par D’Eufemia, Celli, Finocchiaro, Pacificio, Viozzi, Zaccagnini,
Cardi et Giardini (1996), qui ont administré, par voie orale, des sucres de différentes
tailles moléculaires à des sujets pour suivre leur absorption à travers le système digestif
Ils ont observé que chez 43% des autistes, la pernéabilité de l’intestin était altérée, et ce,
même s’ils ne présentaient pas de troubles gastro-intestinaux apparents. Cette
observation n’a été notée chez aucun sujet du groupe contrôle. Les chercheurs supposent
que des prédispositions génétiques, des infections virales, des maladies ou des
déficiences du système immunitaire pourraient être à la base de ce phénomène
(D’Eufemia et al., 1996; Garvey, 2002).
La troisième hypothèse est que la barrière hémato-encéphalique, dont le rôle est
déficiente chez les autistes, ce qui permettrait aux peptides d’atteindre le système nerveux
central. Selon Garvey (2002), ceci pourrait être causé par des carences alimentaires en
zinc ou en sélénium. L’explication du passage des opioïdes vers le SNC pourrait aussi
représenter une combinaison des trois hypothèses présentées.
Support empirique au modèle théorique
Bien que l’hypothèse de l’excès des opioïdes ne soit pas encore validée
empiriquement, certaines données l’appuient partiellement. Par exemple, au début des
années 70, Goodwin, Cowen et Goodwin (1971) ont administré oralement un gramme de
gluten à des enfants autistes qui avaient des troubles digestifs, mais qui ne répondaient
pas aux critères de la maladie coeliaque. Ils ont observé l’effet de cette substance sur les
ondes produites par leur cortex et ils ont constaté une baisse de l’activité cérébrale. Cette
réaction n’a pas été observée chez la fratrie ou chez les enfants du groupe contrôle,
résultat qui suggère que chez les enfants autistes, le gluten peut atteindre le système
nerveux central et affecter directement son fonctionnement.
Comme la majorité des peptides excédentaires de l’organisme est évacuée par
l’urine, des études ont vérifié si les enfants atteints d’autisme présentaient un niveau plus
élevé que la nomiale de cette substance dans leur urine. Plusieurs groupes de recherche
ont confirmé cette hypothèse (D’Eufemia et al., 1996; Reichelt, Knivsberg, Nodiand, &
Lind, 1994). En raison de la très forte concentration de peptides détectée, on peut
présumer, selon Knivsberg et al. (2002), que leur source est de nature exogène, d’où
Lorsque des peptides ou des molécules de protéines trop grosses traversent la
barrière intestinale, le système digestif stimule la sécrétion de certains anticorps (White,
2003). Des études portant sur celle réaction ont été menées chez les enfants autistes. On
a effectivement relevé une présence anormalement élevée du IgA chez eux, un anticorps
de la famille des immunoglobulines qui réagirait spécifiquement à la caséine et au gluten
(Lucarelli et al., 1995; Reichelt et al., 1990).
Expérimentation du régime sans gluten et sans caséine
Sur la base de l’hypothèse de l’excès des opioïdes, des recherches ont vérifié
l’impact de la modification de l’alimentation sur le comportement des enfants autistes.
Dans une étude de cas menée auprès d’une fillette de 7 ans qui a suivi le régime sans
gluten et sans caséine durant 2 ans, Knivsberg et al. (1999) rapportent de nombreux
progrès. Ils insistent notamment sur les améliorations aux plans de l’intérêt envers
l’autre, de la communication non-verbale, de la créativité et de l’anxiété. Bien qu’il soit
impossible, compte tenu du devis et de la structure de la recherche, de cerner
spécifiquement l’effet de la diète, ces observations illustrent la pertinence d’investiguer à
ce niveau.
Dans une étude exploratoire, Shattock (1995) a réalisé des entrevues individuelles
semi-structurées auprès de 10 parents de jeunes ayant adopté le régime sans gluten et sans
caséine, et tous les parents affirmaient avoir remarqué des effets positifs chez leur enfant.
Pour la moitié d’entre eux, ces transformations étaient apparues moins de 7 jours après le
début de la diète. Au total, 6 parents ont relevé une hausse de la sociabilité, 4 une baisse
communication. De plus, 80% des parents notaient une aggravation presque immédiate
des symptômes autistiques suite à l’absorption de produits contenant du gluten ou de la
caséine.
Ces résultats commandent une certaine prudence. En effet, aucun détail sur la
condition des sujets (ex. âge, durée du régime..) ni sur la méthodologie de la recherche
n’est présenté (ex. durée des entrevues, type de questions...). L’article n’a d’ailleurs pas
été publié dans une revue scientifique. Il est disponible dans le cadre d’un résumé de la
conférence annuelle de l’Université de Durham de 1995 portant sur les troubles
envahissants du développement.
Reichelt et al. (1990) ont rejoint 15 enfants autistes âgés entre 3 et 17 ans dans le
cadre d’une étude plus contrôlée. Ils ont regroupé les sujets selon 4 groupes, sur la base
des peptides retrouvés dans l’urine, et ils ont proposé à chacun un régime supposérnent
adapté à leurs besoins (élimination et/ou réduction de l’apport en gluten et/ou en caséine).
Entre la quatrième et la sixième semaine d’ intervention, une aggravation importante de la
condition des sujets a été remarquée (anxiété, agressivité, agitation...). Cependant, après
un an, les auteurs ont noté des changements positifs importants (augmentation des
contacts sociaux, diminution des comportements stéréotypés et répétitifs, baisse de
l’automutilafion et des périodes de retrait...). Le profil urinaire des sujets s’était aussi
Ces résultats doivent être interprétés avec réserve. En effet, les améliorations
remarquées chez les sujets découlent d’un questionnaire-maison dont la validité n’a pas
été démontrée. Aussi, pour juger des progrès de chacun des enfants, on compare
l’évolution de son comportement durant l’année précédente à celle qui a eu lieu durant
l’expérimentation, sans considérer l’influence de la maturation et sans même avoir
recours à des analyses statistiques. On se réfère aux parents et aux professeurs pour
évaluer les sujets, alors que ces deux sources présentent plusieurs biais potentiels.
Soulignons également que les auteurs proposent aux sujets des régimes différents en
fonction de leur profil urinaire, ce qui rend difficile l’interprétation des résultats. Cette
façon de procéder paraît peu utilisée par d’autres groupes de recherche et les bases
empiriques justifiant son utilisation paraissent discutables (voir aussi Knivsberg et al.,
1990). Notons que certains chercheurs insistent sur l’importance d’abolir complètement
le gluten et la caséine de l’alimentation lors du régime (Garvey, 2002; Shattock, 1995),
alors que l’intervention proposée ici consiste parfois seulement à en réduire l’absorption.
Enfin, le lien de causalité entre les peptides et l’autisme qui est suggéré par les auteurs
apparaît prématuré.
Un groupe de recherche (Lucarelli et al., 1995) a testé durant 8 semaines un
régime sans produit laitier auprès de 36 enfants autistes âgés de 8 à 13 ans; ils ont en
outre éliminé de leur diète des produits auxquels ils réagissaient lors de tests d’allergie.
L’Autistic behavior evaÏuation scale a été administré avant et après cette courte période
et on a noté une amélioration significative des comportements sur 5 des 7 échelles
trouble de concentration). Les auteurs ont procédé à une analyse d’anticorps reliés à
certaines protéines que l’on retrouve dans le lait et les oeufs, en comparant les sujets
autistes à un groupe contrôle. Ils en ont conclu que la majorité des autistes présentait une
réponse inirnuno-allergique modérée.
Une fois de plus, cette recherche comporte des lacunes méthodologiques qui
doivent être considérées. Un instrument de mesure reconnu a été utilisé pour évaluer la
sévérité des symptômes des sujets, mais on y a apporté certaines modifications, sans
spécifier leur nature et sans considérer l’impact possible au niveau de la validité de
l’outil. Les auteurs ne fournissent pas de renseignement quant à la passation de
l’instrument et quant aux qualifications des évaluateurs qui en étaient responsables.
Aussi, en plus des produits laitiers, les chercheurs ont éliminé de la diète de certains
enfants des aliments auxquels ils réagissaient lors de tests d’allergie, sans jamais spécifier
lesquels. Ces failles au niveau de l’information disponible rendent difficile l’appréciation
des résultats et entravent la reproductibilité de la recherche. Enfin, au niveau des
résultats, les auteurs rapportent des moyennes sans préciser la répartition des effets sur les
sujets, alors que des améliorations n’ont pas été notées chez chacun.
Whiteley et al. (1999) ont étudié l’impact d’un régime sans gluten dans un groupe
de sujets âgés en moyenne de 4 ans et dont 22 présentaient un diagnostic de Trouble
Envahissant du Développement. Sur la base d’une entrevue réalisée auprès des parents,
les auteurs ont noté qu’après 3 mois, les enfants présentaient une amélioration de la
concentration de même qu’une baisse de l’agressivité et de l’automutilation. D’autres
améliorations significatives ont été relevées après 5 mois à 3 échelles du Behavior
Surnrnarised EvaÏuation (38E), soit celle de la motricité (t=2,13;p=O,04), de
l’alimentation (t=2,83;p0,O1) et de l’attention puis de la perception et des capacités
intellectuelles (t2,46;p0,02).
À
la fin de la recherche, 5 répondants, dont 4 parents d’enfant autiste, ont consenti à poursuivre les évaluations durant 6 mois additionnels, enretrouvant une alimentation régulière. Selon les informations recueillies par un
questionnaire maison, la majorité d’entre eux notait une régression graduelle du
comportement de leur enfant sur les plans de l’hyperactivité et de l’impulsivité (3/5), des
comportements stéréotypés et de l’agressivité (3/5) puis du langage et de la
communication (3/5).
Ici encore, ces résultats doivent être nuancés. En effet, les enseignants des enfants
ont aussi complété le BSE, toutefois, aucune amélioration significative du comportement
n’a pu être établie sur la base de leur évaluation, même si on a noté, pour certains items,
un accord entre leurs questionnaires et celui des parents. Les auteurs ne spécifient pas si
les enseignants étaient informés de l’intervention en cours auprès des sujets, mais les
parents, de leur côté, en étaient forcément tous avisés. Enfin, comme dans les études
précédentes, les progrès rapportés s’appuient sur des évaluations qualitatives du
fonctionnement des enfants, ce qui paraît plus ou moins fiable.
Knivsberg et al. (1995) ont suivi pendant quatre ans un groupe de 15 enfants
présentaient un niveau élevé de peptides dans leur urine. Plusieurs instruments
standardisés (Diagnosis of Psychotic Behaviour in Chiidren :DIAP, Illinois Test of
Psycholinguistic Abilities: ITPA, C-Raven, TaJjord observation scherne) et un outil
d’observation systématique (Observation ofskiÏÏs needed for pÏay and activities) ont été
utilisés à différents moments de l’étude (pré-test, 6 mois, 1 an, 4 ans). La première
année, tous les sujets sont devenus plus communicatifs, selon le score au DIAP
(z=3,34;p=0,001); les 9 parents qui considéraient que leur enfant avait tendance à s’isoler
et à avoir des comportements bizarres avaient changé d’opinion. On a relevé, selon les
enseignants, une amélioration des 4 échelles de l’Observation ofskilÏs needed for play
and activities, soit de l’interaction sociale (z3,1$;p0,001), de la créativité
(z=3,30;p=0,001), de la compréhension et de l’utilisation du langage (z=3,18;p=0,001) et
des habiletés motrices et sensorielles (z=3,06;p=0,002). Chez les 10 sujets aptes à
réaliser un test d’habiletés linguistiques (ITPA), les auteurs ont remarqué une
amélioration significative des performances après un an (z2,69;p0,007) et après les
trois aimées de suivi (z=2,$3;p=O,005). Une augmentation importante du fonctionnement
intellectuel, tel que rapportée par le C-Raven, a été notée chez l’ensemble des sujets après
1 an (z3,31;p0,O01), les améliorations les plus importantes ayant eu lieu 6 mois après
le début de la diète. Chez les 3 sujets qui ont interrompu le régime, on a enregistré une
baisse importante du score à l’instrument.
Ces résultats semblent concluants, mais conmie dans les études précédentes,
l’absence de groupe contrôle en limite considérablement la portée. Il est donc très
d’une partie des améliorations observées. Celle limite méthodologique est
particulièrement importante à considérer dans le domaine de l’autisme, puisqu’on connaît
seulement partiellement la trajectoire développementale du trouble. On peut donc
difficilement présumer de l’évolution normale d’un individu qui présente ce diagnostic,
surtout si on considère les variations individuelles souvent importantes entre les sujets.
Enfin, à notre connaissance, la seule recherche à comporter un groupe contrôle a
été réalisée par Knivsberg et al. (2002). Lors d’un suivi d’un an, 20 enfants autistes âgés
entre 5 et 10 ans ont été appariés entre eux selon leur âge, la sévérité de leurs symptômes
et leur niveau de développement cognitif De façon aléatoire, un suj et de chaque dyade a
été choisi pour suivre une diète sans gluten ni caséine, tandis que l’autre s’est joint au
groupe contrôle (n10). Des tests standardisés et des observations systématiques ont été
réalisés avant et après l’intervention. Les sujets qui ont adopté la diète ont affiché des
améliorations statistiquement significatives au test de Wilcoxon, sur le plan du repli sur
soi (pO,OO$), des routines et des rituels (p=O,Ol4), de la réponse aux apprentissages
(p=0,046), de la relation envers les pairs Q=0,00$), de l’anxiété (JEO,O2S), de l’empathie
(p=O,O2S3), du contact physique (p=0,046), de la communication (p=O,O46), de la qualité
du contact visuel (p0,046) et des particularités du langage (p0,046), alors que cela n’a
pas été le cas pour les sujets du groupe contrôle. Sur une période d’un an, chez les
enfants suivant le régime, on a remarqué des gains significatifs au Diagnosis ofPsychotic
Behaviour in ChiÏdren, qui mesure les traits autistiques (p=O,OO5), au Leiter International
Illinois Test of FsychoÏinguistic Abilities, qui mesure les habiletés linguistiques
(pO,Ol5). Ces progrès n’ont pas été relevés chez les sujets du groupe contrôle.
Une fois de plus, ces résultats doivent être considérés avec réserve en raison du
petit nombre de sujets. Aussi, à l’instar des autres études, l’entourage était au courant de
l’intervention qui avait lieu auprès des enfants du groupe expérimental, ce qui a pu
engendrer des biais considérables. On peut penser, par exemple, que cette information a
pu altérer la perception des parents ou entraîner certaines modifications de leurs
comportements envers les enfants, ce qui a pu influencer les données recueillies.
Soulignons aussi que les traitements reçus par les sujets parallèlement à l’étude n’ont pas
été considérés, ce qui pourrait pourtant avoir une incidence importante sur leur évolution.
Enfin, conine dans les autres travaux, on veut établir l’effet de la diète mais on omet
complètement de vérifier l’adhérence au traitement (par exemple, à quel point
l’alimentation des sujets est exempte de gluten et de caséine).
Des données rigoureuses manquent donc touj ours pour établir objectivement
l’effet de la mise en place du régime sans gluten et sans caséine pour intervenir sur les
symptômes de l’autisme. Considérant les réserves méthodologiques eu égard aux travaux
réalisés, les résultats recensés doivent donc être considérés avec prudence.
Sujet de recherche
Selon l’hypothèse de l’excès des opioïdes, les produits qui contiennent du gluten
autistes, ce qui les entraînerait à développer une dépendance envers ces aliments.
D’après plusieurs auteurs, l’alimentation très restreinte des enfants atteints du trouble en
témoignerait (Archer & Szatmari, 1991; Comish, 199$; Raiten & Massaro, 1986), de
même que leur besoin excessif de consommer des produits céréaliers et des produits
laitiers (Whiteley et al., 1999), leurs réactions explosives lorsqu’on les en prive (Shaw,
1992) et les comportements extrêmes auxquels ils peuvent avoir recours pour en obtenir
(Whiteley et al., 1999).
Toujours selon l’hypothèse de l’excès des opioïdes, il importe de s’attarder à la
quantité de gluten et de caséine consommée par les enfants autistes, puisque ces
substances auraient un impact direct sur leur fonctionnement. La pertinence de
considérer ce facteur est illustrée par les rapports anecdotiques de parents, qui rapportent
un lien étroit entre le nombre de produits céréaliers et de produits laitiers consomméspar
leur enfant et son comportement (Shattock, 1999; Shattock, 1995; Braffet, 1994;
Goodwin et al., 1971). Les recherche qui étudient les effets de la mise en place de régime
sans gluten et sans caséine sur les symptômes des enfants autistes nous invitent aussi à
nous questionner dans ce sens (Knivsberg et al., 2002; Knivsberg et al., 1995; Lucarelli et
al., 1995; Reichelt et al., 1990; Shattock, 1995; Whiteley et al, 1999).
Objectifs de l’étude
Dans le cadre de cette étude exploratoire, deux objectifs sont poursuivis. Le
premier est de comparer le profil alimentaire d’enfants non autistes avec celui d’enfants
de différences entre les deux groupes au niveau de la fréquence de consonmation de
produits à forte teneur en gluten et en caséine. Le second objectif est de vérifier, chez les
sujets autistes, si la fréquence de consommation de produits à forte teneur en gluten et en
caséine est associée à la sévérité des symptômes autistiques.
Méthodologie
Participants
Quarante-six garçons qui ne suivent pas de régime alimentaire particulier ont été
recrutés pour cette étude. Les 30 sujets qui forment le groupe témoin ne présentent aucun
diagnostique et sont âgés entre 5 ans 9 mois et 12 ans 3 mois (moy. 9.2 ans; e.t.: 2,2).
Les 16 sujets du groupe expérimental présentent un diagnostique d’autisme (n=12), de
trouble envahissant du développement non-spécifié (n=3) ou d’Asperger (n1) et sont
âgés entre 4 ans 6 mois et 11 ans 6 mois (moy. : 7,8 ans; e.t.: 2,2).
Pour rej oindre les parents des enfants du groupe témoin, 150 questionnaires ont
été distribués aux élèves d’une école primaire de Montréal. Nous avons obtenu un taux
de réponse de 15% et aucune relance n’a pu être réalisée dans le milieu. Considérant
qu’il était aussi impossible de contacter les répondants pour obtenir certaines précisions,
3 questionnaires incomplets ont dû être rejetés (n=1 7). D’autres sujets non autistes ont
été rejoints par l’entremise d’un organisme communautaire du même quartier. Des
parents d’enfants utilisant ce service ont été contactés pour participer à l’étude et ils ont
tous consentis à répondre au questionnaire (n=13). Dans 3 cas, nous avons dû contacter
Les parents des enfants autistes ont été rejoints par le biais une annonce placée sur
le forum de discussion du site Internet de la Fédération québécoise de l’autisme. Au
total, 23 parents se sont portés volontaires pour participer à l’étude et ont reçu un
questionnaire par la poste. Suite à deux rappels par courriel, le taux de réponse a été de
78%. Nous avons dû rejeter un questionnaire incomplet, en plus du questionnaire d’un
enfant qui suivait le régime sans gluten et sans caséine.
Instruments
Un questionnaire-maison a été complété par tous les parents. Celui-ci rassemblait
des données socio-démographiques et des données sur l’alimentation de leur enfant. Les
répondants du groupe expérimental ont aussi complété le Gilliam Autisrn Rating Scale
(Gilliam, 1995). Les données recueillies ont été analysées grâce au progiciel SPSS
version 12.0 (Statistical Package for the Social Sciences, Chicago, Il. 2000).
Mesures socio-démographiques
Des informations sur l’âge et la condition physique de chaque sujet ont été
colligées (taille, poids, problèmes de santé, prise de médication, prise de suppléments
alimentaires). Deux indicateurs de la situation socio-économique des familles,
l’occupation (0 : tient maison, prestation d’aide financière, congé de maternité, grève
1 : fréquente l’école, travaille moins de 30 heures semaine, travaille plus de 30 heures
semaine) et le nombre d’années de scolarité des parents (0 : aucune scolarité, 6: études
primaires, 9 : études secondaires partielles, li : études secondaires complétées, 12:
été recueillis. Ces deux échelles socio-démographiques ont été adaptées de Ï ‘Enqïtête
sociale et de santé auprès des enfants et des adolescents québécois — Volet nutrition
(Institut de la Statistique du Québec, 2004).
Mesures sur l’alimentation
Afin de dresser le profil alimentaire de chaque sujet, les parents ont complété une
échelle de fréquence de consommation de 31 aliments (0 aucune fois; 1-2 fois par
semaine; 3-4 fois par semaine; 5-6 fois par semaine; 1-2 fois par jour; 3-4 fois par jour; 5
fois et plus par jour). La grille utilisée a été adaptée de 1 ‘Enquête sociale et de santé
auprès des enfants et des adolescents québécois — Volet nutrition (Institut de la
Statistique du Québec, 2004). Nous avons identifié les produits à forte teneur en gluten
et en caséine selon deux groupes alimentaires du Guide alimentaire Canadien pour
manger sainement (Santé Canada, 1997), soit le pain et les céréales puis le lait et les
produits laitiers. Certaines informations complémentaires sur les comportements et les
préférences alimentaires des sujets ont été recueillies par le biais de questions tirées de
l’Étude auprès des communautés culturelles (Institut de la statistique du Québec, 2002).
Gilliam Autism Rating Scale (GARS)
Le GARS (Gilliam, 1995) est un instrument de mesure qui permet de juger de la
sévérité des symptômes autistiques selon 4 échelles : les comportements stéréotypés, la
communication, les interactions sociales et les difficultés développementales. Il peut être
utilisé auprès de sujets âgés entre 3 et 20 ans. Il a été standardisé auprès de 1092 enfants
une boiine validité concomitante avec l’Autistic Behavior Checklist (Gilliam, 1995). Au
plan de la consistance interne, l’alpha de Cronbach est de 0,96 pour le score total et il
varie entre 0,89 et 0,93 selon les échelles.
Chez les sujets du groupe expérimental, la nature exacte du diagnostic de TED et
la date de son obtention ont été recueillis. Les parents ont complété les 3 premières
échelles du GARS les répondants ont dû estimer la fréquence d’apparition de 42
comportements, à partir d’une échelle de type Likert (0 jamais; 1 rarement; 2 quelquefois;
3 fréquemment). Les scores à chacune des échelles ont été transposés en scores standards
selon les grilles de l’instrument, ce qui a permis de déterminer un Quotient d’autisme
pour chaque sujet. Pour 5 enfants non verbaux, les données sur la conmmnication ne
pouvaient pas être utilisées, donc tel que proposé par l’auteur, le quotient d’autisme a été
calculé à partir de 2 échelles (Gilliam, 1995).
Dans le cadre de cette recherche, nous avons vérifié la consistance interne de
l’instrument. Les coefficients obtenus, bien que moins élevés que dans l’étude de
validation, sont respectivement de 0,75, de 0,73, de 0,84 pour les échelles et de 0,84 pour
le quotient d’autisme, ce qui est satisfaisant. Nous avons relevé certains items corrélés
négativement avec les autres, surtout dans l’échelle de la communication, qui compte
moins d’observations. Nous pouvons supposer que ceci est en partie attribuable à la
petite taille de l’échantillon. Considérant que ces items ne nuisent pas de façon
significative à la consistance interne des échelles et que toutes les informations recueillies
Considérations éthiques
Plusieurs mesures ont été mises en place afin d’assurer le bon déroulement de
l’étude sur le plan éthique. Tous les parents ont signé un formulaire de consentement
éclairé et ils ont été informés des implications découlant de leur participation à la
recherche. Leur collaboration impliquait peu de risques, puisqu’ils ont seulement dû
compléter un questionnaire sur l’alimentation de leur enfant, en plus d’un questionnaire
sur le comportement, pour les sujets du groupe expérimental. Les coordonnées de la
responsable du projet ont été transmises à tous les participants, pour qu’ils puissent entrer
en contact avec elle au besoin. Une attention particulière a été accordée au respect de la
confidentialité. Suite à la compilation des données sur SP$S, toutes les informations
personnelles à propos des participants ont été éliminées. De plus, les résultats de l’étude
sont rapportés en termes de groupe, ce qui rend impossible l’identification des sujets.
Stratégies analytiques
Nous avons procédé à des tests t et à des tests de khi carré afin de vérifier si les
données socio-démographiques recueillies auprès des sujets des deux groupes de
l’échantillon étaient similaires. Nous avons ensuite comparé le profil alimentaire des
sujets non autistes et des sujets autistes par le biais de 31 testst. Nous avons examiné les
corrélations entre la fréquence de consommation des aliments et trois variables socio
démographiques (âge, taille et poids), suite à quoi nous avons procédé à une analyse de
covariance pour 3 produits alimentaires. Enfin, chez les sujets autistes, nous avons
examiné les corrélations entre la fréquence de consonnriation des aliments et les scores au
Résultats
Le tableau I compare les caractéristiques socio-démographiques des deux groupes
de l’échantillon : les sujets autistes sont significativement moins âgés que les sujets
non-autistes (t (44) = 2,0$;
p<O,05),
ce qui explique l’écart au niveau de la taille (t (31) =3,12; p<O,05) et du poids(t (34) = 2,90; p<O,05). Les groupes ne se distinguent pas quant
au niveau de scolarité de la mère (t (44) = 0,54; p>0,05).
Tableau I- Caractéristiques socio-démographiques de l’échantillon (a)
Variables non autistes autistes t (dl) p
moy. e.t. moy. e.t.
Age (années) 9,2 2,2 7,8 2,2 2,08 (44) 0,04
Taille (mètre) 1,4 0,1 1,2 0,1 3,12 (31) 0,004
Poids (lbs) 77,4 26,6 55,9 19,7 2,90 (34) 0,01
Scolarité mère (aimées)a 18,5 21,9 15,5 3,2 0,54 (44) ils
Note Le Test de Levene a été utilisé pour vérifier l’homogénéité des variances a
se référer à l’échelle de la section méthodologie
Le tableau II indique que les sujets autistes présentent davantage de problèmes de
santé (khi carré (1) = 10,87; p<O,O5) et qu’ils utilisent davantage de médication (khi cané
(1) = 7,28; p<O,O5) que les sujets non-autistes. La prise de suppléments alimentaires (khi
cané (1) = 0,70; p>0,05) et l’occupation de la mère (khi carré (1) = 1,96; p>0,05) ne
Variables
Tableau II- Caractéristiques socio-démographiques de l’échantillon (b)
non autistes autistes Khi carré (dl)
% nb nb % p Problèmes de santé 11 37 14 8$ 10,87(1) 0,001 Prise de médication 4 13 8 50 7,2$ (1) 0,007 Prise de suppléments 3 10 3 19 0,70 (1) ns Occupation de lamère a 25 $6 11 69 1,96(1) ns a
mères qui travaillent à temps plein, qui travaillent à temps partiel ou qui vont à Fécole
Le profil alimentaire des sujets des deux groupes est présenté au tableau III. Les
résultats des tests t montrent que les sujets autistes consomment moins fréquemment de
riz (t (2) = 3,41; p<O,O5) et de pizza (t(2) = 3,39; p<O,O5) que les sujets non-autistes. Les
groupes ne se distinguent pas sur le plan de leurs habitudes alimentaires quant aux 28
autres produits testés, incluant les produits â forte teneur en gluten et en caséine.
Nous avons calculé les corrélations entre la fréquence de consommation des 31
aliments ciblés et l’âge, le poids ainsi que la taille des sujets, afin de s’assurer que les
différences socio-démographiques entre les groupes n’interfèrent pas avec les résultats
des tests t. Nous avons noté des corrélations significatives entre la consommation de lait
et le poids (r= 0,48; p = 0,002), la consommation de légumes crus et le poids (r= 0,34; p = 0,03) et la consommation de chips et l’âge (r = -0,35; p = 0,02). Nous avons donc
procédé à des analyses de covariances pour contrôler l’influence des variables âge et
poids dans les comparaisons. L’absence de différences entre les sujets autistes et les
sujets non-autistes a persisté tant pour la consommation de lait (F (1,37) = 0,07; p=O,79),
Tableau III- Fréquence de consonmiation des aliments a
Variables non autistes autistes t (dl) p
moy. e.t. moy. e.t.
Lait 1,7 1,3 1,0 1,4 1,87 (44) ns fromage 0,9 1,1 1,0 1,4 0,16 (42) ns Yaourt 0,6 0,8 0,7 0,9 0,64 (42) ils Gruau 0,2 0,4 0,1 0,2 0,95 (43) ns Céréales 0,6 0,7 0,6 0,5 0,07 (42) ns Painblanc 1,0 1,3 1,1 1,1 0,34 (42) ns Painbrun 0,9 1,2 1,0 1,2 0,42 (44) ns
Pâtes alimentaires 0,4 0,4 0,4 0,3 0,37 (44) ils
Riz 0,5 0,5 0,2 0,2 2,72 (42) 0,01 Légurnescrus 0,9 1,0 0,9 0,9 0,03 (43) ns Patates 0,4 0,7 0,2 0,2 0,83 (43) ns Légumes cuits 1,0 0,8 0,9 0,5 0,14 (43) ns Jusdefruitpur 1,2 1,2 1,6 1,5 0,93 (43) ns fruits 1,1 1,1 1,8 1,6 1,5 0(23) ns Poisson 0,2 0,2 0,1 0,1 1,58 (44) Poulet 0,4 0,3 0,3 0,2 1,41 (44) ns Boeuf 0,4 0,4 0,3 0,2 1,55 (44) ns OEufs 0,2 0,2 0,2 0,2 1,07 (43) ns Légumineuses 0,1 0,3 0,0 0,1 0,90 (42) ilS Charcuterie 0,3 0,4 0,2 0,2 0,74 (44) ilS Aliments congelés 0,2 0,3 0,1 0,1 1,21 (44) ns frites 0,3 0,3 0,3 0,2 0,09 (44) ns Pizza 0,2 0,1 0,1 0,1 2,47 (41) 0,02 Hot-dog, burgers 0,2 0,1 0,1 0,1 1,61 (43) ns Chips 0,3 0,3 0,4 0,4 1,54 (44) ilS Gâteaux 0,9 1,4 1,1 1,3 0,64 (44) ils Chocolat 0,6 1,5 0,3 0,4 1,22 (35) ils Bonbons 0,7 1,4 0,4 0,6 0,90 (44) ns Boissoil 0,8 1,1 0,6 1,2 0,57 (43) ils Liqueur 0,3 0,5 0,1 0,2 1,35 (43) il5 Eau 2,6 1,9 3,3 1,9 1,15 (41) ilS
Notet Le Test de Levene a été utilisé pour vérifier l’homogénéité des variances
a
0,1— 0,3= 1-2 consommations semaine
0,4— 0,6=3-4 consommations semaine
0,7— 0,9=5-6 consommations semaine
1,0— 2,0= 1-2 consommations par jour
Chez les sujets autistes, nous avons examiné les corrélations entre la fréquence de
consommation des aliments et les scores au GARS. Nous avons relevé des corrélations
significatives entre les habitudes alimentaires par rapport à deux produits à forte teneur
en gluten et certains symptômes de l’autisme, soit entre le gruau et le quotient d’autisme
(r 0,52; p = 0,04) de même qu’entre les pâtes et la sous-échelle communication (r =
-0,63; p = 0,04). Nous n’avons observé aucun lien significatif entre la consommation de
produits à forte teneur en caséine et les scores au GARS. Le résultat a été le même en
regroupant tout les produits céréaliers et tout les produits laitiers. Des corrélations
significatives ont été trouvées entre la consommation d’oeufs et le quotient d’autisme (r—
0,53 p = 0,04), entre la consommation de légumineuses et la sous-échelle des
comportements stéréotypés (r —0,52 p = 0,04), entre la consommation de frites et la
sous-échelle des comportements stéréotypés (r 0,50 p = 0,05), puis entre la consommation de
chips et la sous-échelle des comportements stéréotypés (r 0,53 p = 0,04).
Discussion
Le premier objectif de cette étude était de comparer le profil de l’alimentation de
sujets non-autistes avec celui de sujets qui présentent un trouble dans le registre de
l’autisme. Sur les 31 produits testés, les sujets autistes du présent échantillon
consomment moins fréquemment de riz, comme dans l’étude de Cruciani et De Bresillon
(1999), et consomment moins fréquemment de pizza que les enfants non autistes. Nous
n’avons cependant noté aucune différence entre les deux groupes au niveau de la
fréquence de consommation de produits à forte teneur en gluten ou en caséine. Ces
que les enfants autistes présentaient des préférences marquées pour certains types
d’aliments.
Les présentes données ne concordent pas avec la recherche de Ahearn et al.
(2001), qui a montré que sur 30 sujets autistes, un peu plus de la moitié se montraient très
sélectifs sur le plan de l’alimentation, 11 privilégiant les produits féculents qui
contiennent généralement beaucoup de gluten aux fruits, aux légumes ou aux protéines.
Des résultats semblables pour les aliments à forte teneur en caséine ont été trouvés par
Comish (1998), qui a relevé que 13 des 17 sujets autistes de sa recherche consommaient
une quantité excessive de lait, certains allant jusqu’à combler la moitié de leurs besoins
énergétiques avec des produits de ce groupe alimentaire. Whiteley et al. (1999), dans
leur recherche auprès de 100 enfants autistes, ont identifié les céréales et le laitage
comme des catégories d’aliments consommés de façon abusive par les sujets. Dans le
même sens, Cruciani et De Bresillon (1999), sur la base d’un journal alimentaire
complété par les parents, sont arrivés à la conclusion que les enfants autistes
consommaient plus de produits à base de blé, plus de produits de boulangerie et plus de
produits laitiers que les enfants non-autistes de leur échantillon.
Si effectivement les enfants autistes affichent une préférence marquée pour les
produits céréaliers et ou les produits laitiers, il demeure hâtif d’établir un lien de causalité
avec des hypothèses qui découlent du régime sans gluten et sans caséine, conmie la
dépendance aux substances opioïdes. En effet, à ce jour. rien ne permet de cerner les
plusieurs traits inhérents à la problématique même de l’autisme, telle l’importance
accordée à la routine et aux rituels ou les comportements rigides et obsessifs, pourrait
interférer dans les choix alimentaires (Comish, 1998; National Autistic $ociety & Local
Autistic Societies, 1991; Raiten & Massaro; 1926; Schrek et al., 2004). Dans le même
sens, certaines particularités physiologiques souvent rencontrées chez cette population,
comme une sensibilité buccale altérée ou des difficultés motrices orales, pourrait aussi
avoir un impact considérable sur les habitudes alimentaires (Comish, 1998). Rappelons
que plusieurs caractéristiques comme la texture des aliments, leur couleur ou leur
présentation sont recensés dans la littérature comme étant à la base de la sélectivité des
enfants autistes (Ahearn et al., 2001; Comish, 1998; Raiten & Massaro, 1926; Schreck et
al., 2004).
Les résultats obtenus dans le cadre de la présente recherche ne nous permettent
pas de confirmer que les enfants autistes sont plus enclins que les enfants non-autistes à
consommer des produits à forte teneur en gluten ou en caséine. Il est toutefois possible
que nous n’ayons pas détecté certaines différences présentes entre les groupes parce que
nous sommes attardés à la fréquence de consommation des aliments, sans tenir compte
des quantités. Pourtant, il faut considérer qu’un schéma de consommation alimentaire tel
que celui fourni par l’instrument de mesure utilisé aurait dû être assez robuste pour nous
permettre de classifier adéquatement les sujets dans la distribution des données (Institut
Le second objectif de cette étude était de vérifier, chez les enfants autistes, si la
fréquence de consommation de produits céréaliers et de produits laitiers est reliée à la
sévérité des symptômes évaluée par les scores au GARS. Les résultats obtenus ne
plaident pas en faveur des hypothèses proposées par les tenants du régime sans gluten et
sans caséine, puisqu’une seule observation laisse croire que les sujets qui consomment
ces substances en plus grande quantité présentent des symptômes autistiques plus
importants. Effectivement, dans le présent échantillon, seule la fréquence de
consommation de gruau est corrélée avec le quotient d’autisme. Toutefois, contrairement
à ce qui a été suggéré, les enfants autistes qui consomment beaucoup de pâtes sont ceux
qui présentent le plus d’aptitudes au plan de la communication, la relation entre les
variables étant négative. Nous n’avons relevé aucun lien significatif entre la
consommation de produits laitiers et la sévérité des symptômes. Par contre, nous avons
noté que les oeufs, les légumineuses, les frites et les chips sont reliés à certaines échelles
du GARS, ce qui demeure inexplicable selon la théorie proposée par les tenants du
régime.
Considérant le grand nombre de corrélations calculées, il est possible que le
hasard soit responsable de certains des résultats obtenus. Il importe toutefois aussi de
considérer que nous n’avons peut-être pas pu repérer certaines relations présentes entre
les variables à l’étude en raison d’une faible puissance statistique, due au petit nombre
À
l’exception du gruau, les résultats ne nous permettent donc pas d’établir un lien entre la consommation de produits à forte teneur en gluten ou en caséine et la sévérité dessymptômes chez les enfants autistes. Cette conclusion ne concorde donc pas avec les
propos de nombreux parents qui rapportent un lien direct entre quantité de produits
céréaliers et de produits laitiers consommés par leur enfant autiste et son comportement
(Braffet, 1994; Goodwin et al., 1971; Shaftock, 1999; Shattock, 1995). Nous ne pouvons
pas non plus, sur la base de nos données, expliquer les rapports anecdotiques de parents
qui témoignent de la détérioration de l’état de leur enfant suite à des pulsions alimentaires
pour des produits contenant du gluten ou de la caséine (Raiten & Massaro; 1986) ou suite
à la réintroduction de ces aliments dans l’alimentation après une période d’abstinence
(Braffet, 1994).
Il faut envisager la possibilité que seuls certains enfants autistes présentent une
sensibilité au gluten ou à la caséine, ce qui expliquerait, considérant la petite taille de
l’échantillon, que nous n’ayons pas relevé d’effets significatifs. On peut aussi supposer
que la quantité de substance ingérée a un impact différent chez les individus selon leur
fonctionnement biologique, ce qui devient difficile à détecter dans le cadre d’analyses de
groupe. Mentionnons que l’hétérogénéité des sujets du groupe expérimental, tant au plan
de l’âge que du trouble envahissant du développement présenté, a aussi pu contribuer à
masquer certaines relations existantes entre des variables.
Bien que certains auteurs soient d’avis contraire (Lucarelli et al., 1995), il est
produits contenant du gluten ou de la caséine soient très circonscrits dans le temps, ce qui
serait complexe à détecter sur la base d’un instrument de mesure comme le GARS, qui
dresse un portrait global du fonctionnement des sujets. Bien que l’outil utilisé ait été
standardisé et qui1 soit reconnu conuie une mesure valide à utiliser en contexte
d’expérimentation (Gilliam, 1995), il faut spécifier que nous avons dû demander aux
répondants de le compléter seuls à la maison, ce qui a pu engendrer un certain niveau
d’imprécision.
Enfin, les conclusions de cette étude doivent être interprétées avec prudence,
puisque plusieurs limites méthodologiques ont pu influencer les résultats. Nous avons dû
composer avec des contraintes importantes au niveau de l’échantillonnage. Les sujets
étaient peu nombreux et les parents qui ont participé à l’étude se sont proposés sur une
base volontaire, une source de biais potentiels. Notons toutefois qu’en dépit de ces
difficultés, une attention particulière a été portée au contrôle des variables socio
Conclusion
L’objectif de celle étude était de deux ordres, soit de comparer le profil alimentaire
de sujets non autistes avec celui de sujets autistes et de vérifier, chez les sujets autistes, si
la consommation de produits à forte teneur en gluten ou en caséine est associée à la
sévérité des symptômes. Les résultats obtenus ne nous permettent pas d’appuyer la
théorie à la base du régime sans gluten et sans caséine. Bien que certaines recherches
recensées rapportent l’impact bénéfique de cette approche pour intervenir en matière
d’autisme, ses fondements et ses effets restent selon nous à valider.
L’alimentation des enfants autistes est peu documentée dans la littérature et il
apparaît pertinent d’entreprendre des études mieux contrôlées, échelonnées sur de plus
longues périodes et auprès d’échantillons plus importants pour comprendre d’abord les
particularités de celle population. Des recherches ultérieures, ayant recours à des outils
de nutrition standardisés pour colliger des observations fiables, permettraient de mieux
cerner la relation entre l’autisme et l’alimentation, pour ainsi, dans un second temps,
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