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Academic year: 2021

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Submitted on 6 Apr 2021

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THE CENOTAPH

Frank Rambert

To cite this version:

Frank Rambert. THE CENOTAPH. fabricA, École nationale supérieure d’architecture de Versailles (énsa-v), 2018. �hal-03190722�

(2)

LES CONTROVERSES DU MONUMENT THE CENOTAPH Frank Rambert

Texte initialement publié dans le numéro hors-série de la revue fabricA Les controverses du monument, 2018, p. 31 à 40

Londres le 19 juillet 1919,

Il y a foule à Whitehall ce jour-là. Après quatre ans de guerre, les armées victorieuses défilent pour célébrer la signature du traité de paix (28 juin 1919) qui clôt définitivement la Grande Guerre. (Ill. 4) Elles défilent devant un monument fait de bois et de plâtre, une imitation de la pierre. Un monument parmi plusieurs stations qui scandent le défilé. Celui-ci a été dessiné par l'architecte Edwin Lutyens. Dressé à la mémoire des soldats de l'Empire britannique morts à la guerre, THE GLORIOUS DEAD1,

il est un moment particulier dans le temps du défilé, salué par les soldats britanniques et alliés et par leurs chefs.

Placé au milieu de la rue, c'est un monument austère, un "monolithe" sans ornement, sans statue ; une masse blanche qu'accompagnent les couleurs vives de drapeaux des nations de l'Empire qui flottent au vent.

Les armées défilent, saluent, passent, et puis s'en vont…

Après, c'est un autre défilé qui prend le relais : celui des civils, des sans-grades, de ceux qui ont perdu maris, enfants, frères et amis. Aussi celui des infirmes et des estropiés.

Et ce défilé-là est sans fin, immense. Ils sont des milliers ; des centaines de milliers à venir se recueillir au pied du monument pour venir y déposer des fleurs elles-aussi par centaines de milliers, par millions. Et cela dure des jours dans une communion silencieuse et spontanée dont personne n'avait prévu l'ampleur.

Le Cenotaph, puisque c'est là son nom, a eu ce pouvoir imprévisible de transformer une manifestation politique et militaire en une manifestation populaire.

C'est tout un peuple qui se reconnaît autour de ce monument, de celui-ci, d'un seul, qui possède un pouvoir d'attraction inattendu capable de provoquer un moment de sidération collective…

Si la présence de ce monument est une initiative politique, C'est le plébiscite populaire qui l'a désigné ; il en fut sa dédicace et le fit imprescriptible.

Il sera construit en pierre l’année suivante à l'emplacement même qui fut celui du monument provisoire. Au centre de Londres et au milieu de la rue.

L'histoire se fit en bien peu de temps : Edwin Lutyens est pressenti pour réaliser ce monument clef du défilé. Il est déjà familier à la pratique de cet exercice pour avoir réalisé déjà plusieurs monuments2. A

l'époque il travaille aussi au sein d'une équipe d'architectes pour la réalisation des cimetières et des mémoriaux britanniques sur le continent. Il est une personnalité importante du mouvement Arts and Crafts et sa notoriété est grande quoiqu'elle ne dépasse pas le milieu des Arts et de l'aristocratie. Le

Cenotaph va lui donner une aura populaire qu'il n'avait pas encore.

La commande officielle du Cenotaph se fait le 1er juillet 1919. Les plans sont approuvés le 07 juillet. Il ne reste alors plus que 10 jours pour la réalisation du monument avant la cérémonie du 19 juillet ! Néanmoins, un dessin daté du 04 juin précédent laisse à penser que Lutyens avait déjà été approché pour dessiner ce monument, ce qui lui permit sans doute de prendre le temps de la réflexion et explique sa réactivité.

Le jour-même où il reçoit la commande officielle, il dessine pendant un repas avec une amie, Lady Sackville, le Cenotaph dans plusieurs versions possibles : celle d'un guerrier blessé, une autre où le

Cenotaph est surmonté d'une urne porteuse d'un feu sacré. On verra, plus tard, Lutyens envisager la

présence de lions aux angles du monument. Mais ce ne furent là que des conjectures restées sans lendemain, peut-être de celles qu'on a parfois besoin de s'imaginer pour se convaincre de leur inanité.

1

Dédicace inscrite sur le monument. 2

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C'est d'une conversation avec Loyd Georges qu'est née l'idée du cénotaphe dans l'esprit de Lutyens. Lloyd George avait eu connaissance du projet des Français d'ériger un catafalque pour le défilé du 14 juillet 1919. Originairement, un catafalque est destiné à recevoir un cercueil le temps d'une cérémonie. Il a souhaité lui aussi ériger un monument qui soit un point focal du défilé de la paix. Il veut aussi que ce monument soit non confessionnel, afin qu'il s'adresse à toutes les populations du Royaume-Uni et de l'empire multiconfessionnel qui, dans son ensemble a laissé plus d'1100 000 morts dans la guerre. Il a proposé cette idée de catafalque à Lutyens qui a changé le mot pour celui de cénotaphe. Le catafalque est proche de la culture latine et conserve, dans son usage commun, une arrière-pensée religieuse. Le cénotaphe, qui est une tombe sans corps, s'accorde mieux à incarner les valeurs spirituelles d'une manifestation civile. Les politiques et l'architecte s'accordent autour de ce mot afin d'honorer sans distinctions de races, de religions, de classes sociales tous les morts de l'Empire. Le Catholic Herald ne manquera pas, d'ailleurs, de qualifier le cénotaphe de "monument païen qui insulte le Christianisme"3. Le Times écrit du monument que "simple, massif, sans ornement, il dit les qualités

d'une race"4. Les valeurs dominatrices de l'Empire affleurent dans les commentaires mais n'atteignent

pas le Cenotaph qui passe par-delà ces considérations desquelles il se distancie par sa posture.

De la façon la plus visible, par cette masse minérale du corps du monument qui porte le cénotaphe, la pierre dressée nous renvoie aux gestes bâtisseurs les plus archaïques de l'histoire de l'Humanité. Si le monument, travaillé par de subtils retraits qui l'affinent en élévation, nous dit tout ce qu'il y a de savant dans son écriture, il dit aussi son appartenance à une manifestation primitive, un geste premier et essentiel. Les finesses du langage et de la ciselure ne dissimulent pas sa filiation aux gestes originels auxquels il dit sa dette par sa soudaine émergence.

Il y a un avant et un après Cenotaph. Le baptême du peuple marque un point de non-retour.

Le Times du 21 juillet 1919 se fait le porte-parole, deux jours après la cérémonie, de l'idée qui est dans l'esprit de beaucoup, de faire du Cenotaph un monument permanent : " Le nouveau Cénotaphe érigé à Whitehall à la mémoire des “morts glorieux” était au cœur de ce qui était sans doute le moment le plus émouvant de la cérémonie triomphale de samedi. Le Cénotaphe n’est qu’une structure temporaire à laquelle on a donné l’apparence de la pierre ; mais le dessin de Sir Edwin Lutyens est si plein de gravité, d’austérité et de beauté que l’on souhaiterait qu’il soit effectivement construit en pierre et qu’il devienne permanent."5

L'idée émerge que le Cenotaph puisse être LE monument célébrant les morts de la guerre et qu'il puisse être érigé de façon permanente.

Seul un problème se pose, le monument est au milieu de la rue et la question est de savoir si on ne le déplacerait pas pour ne pas gêner la circulation, déjà importante à l'époque dans cette artère principale de la capitale.

Lutyens s'y oppose, il le dit ainsi : "désigné par le salut de Foch et des armées alliées ainsi que par nos hommes et par leurs chefs, aucun autre site ne saurait être pertinent."6

Lloyd George observe que le Cenotaph est devenu un lieu sacré parce qu'il est associé non seulement à la mémoire, mais aussi à l'esprit des morts.

Le 30 juillet, il est décidé de faire du Cenotaph un monument permanent, reconstruit à l'identique à la même place que celle qu'il a occupé pendant le défilé de la paix. (Ill. 3)

Le Times ajoute que "la décision a été prise contre un quelconque changement de place, sa position

3

Alex King, Memorials of the Great War in Britain, London, Blumsbury, 1998, p. 147.

4

Times 11 novembre 1920 5

Times du 21 juillet 1919 6

(4)

actuelle étant porteuse d'une mémoire qui ne pouvait être déracinée."7

Il n'aura pas fallu plus de dix jours pour que le Cenotaph s'impose comme l'incarnation des sentiments qui animent un peuple, sa stature s'impose à tous et son austérité formelle apparaît comme une posture morale. Par son abstraction, il ne donne aucune interprétation de l'événement qui l'a fait naître. La victoire n'est pas le thème du monument.

Par le signe, le Cenotaph s'impose à tous parce qu'il est une puissance d'incarnation, et la puissance du signe seule peut être invoquée pour porter dans le temps et collectivement le message mémoriel qui s'adresse à des temps immémoriaux.

Il est donc reconstruit à l'identique.

Sur trois marches basses émerge la masse rectangulaire qui s'affine en s'élevant par décrochés successifs et irréguliers jusqu'au sarcophage sur lequel est posée une couronne mortuaire. Le monument fait onze mètres de haut environ. Sur chacun des côtés, une autre couronne et une écriture « THE GLORIOUS DEAD » avec une date : « MCMXIV » d'un côté, « MCMXIX » de l'autre8. Chacune des deux faces

porte trois drapeaux de soie.

Lutyens apporte au monument de pierre un raffinement qui nous ramène à un autre monument dont il fut l'auteur deux ans auparavant : la Grande Pierre.

Les britanniques ont établi, pendant toute la durée de la guerre, des cimetières le long de la ligne de front et ceux-ci ne furent jamais déplacés. Aucun corps ne fut rapatrié afin de ne pas marquer de distinctions de race, de religion, de classe sociale, de grade. Dans ces cimetières, pensés comme des jardins clos, deux signes émergent, une croix dessinée par Reginald Blomfield et une Grande Pierre dessinée par Edwin Lutyens.

Cette Grande Pierre est un monolithe posé sur trois marches, elle est faite de trois décrochés successifs et sur une face est inscrite la phrase « THEIR NAME LIVED FOR EVERMORE 9».

On comprend ce que doit le Cenotaph à cette Grande Pierre qui apparaît alors comme la matrice qui l'a fait naître.

La Grande Pierre possède déjà ce que Lutyens va ajouter au Cenotaph : des déformations qui vont faire de ce monument un objet à l'orthogonalité ambiguë. Chacune des verticales du Cenotaph rayonne vers le centre d'une sphère dont le centre est à mille pieds au-dessus de la Terre. Chacune des horizontales est courbée pour coller au périmètre d'une sphère placée à neuf-cent pieds en-dessous du monument. Lutyens donne, pour justifier ces déformations, un argument purement plastique qu'il explique ainsi : "J’ai apporté de légères modifications pour répondre aux conditions que requiert la mise en relief de ses lignes dans de subtiles courbures, la différence est presque imperceptible, cependant suffisante pour lui conférer une qualité sculpturale à laquelle des blocs de pierre rectangulaires ne peuvent prétendre." On pourrait se contenter de l'argument plastique ; cependant, on ne convoque pas à la légère la musique des sphères.

Il semblerait que Lutyens nous invite, par ce geste peu visible, à une méditation qui échappe à la pensée religieuse sans pour autant se soustraire à la puissance d'une considération métaphysique qui ne manque jamais d'affleurer quand il est question de nos êtres, de la valeur et du sens de nos existences et que pour dire cela, le visible indexe l'invisible. (Ill. 2)

Le monument est blanc immaculé… pourtant Lutyens aurait bien vu les couronnes en pierre verte, une idée qu’il a ensuite abandonnée.

Les politiques auraient bien vu des soldats de bronze aux angles… Lutyens a refusé. Lutyens voulait des drapeaux pétrifiés et peints… les politiques ont refusé.

En fin de compte il ne reste que ce monolithe en pierre de Portland, immaculé, défait de tous les artifices qui lui eussent enlevé la distance que lui confère son abstraction. Seules restent la lumière et les ombres portées, pour révéler les quelques gravures et les reliefs qui se concentrent plus sur le sarcophage que sur le massif lui-même.

7

Times du 31 juillet 1919 8

Après la deuxième guerre mondiale, les dates MCMXXXIX et MCMXXXXV seront ajoutées sur les deux faces principales. 9 "Leurs noms vivent à jamais". À noter que le mot "nom" est au singulier avec un pronom au pluriel. Il s'agit là d'un pluriel de majesté.

(5)

Contrairement à ce qu'en dit Lutyens, les drapeaux de soie apportent au monument, par leurs couleurs et leurs mouvements, la dimension familière d'un drapé dans le vent qui contraste heureusement avec l'austérité de sa stature sans pour autant la contredire.

Le Cenotaph est inauguré le 11 novembre 1920, le jour même où est inhumé à Westminster Abbey le soldat inconnu. Dans les trois jours qui suivent son inauguration, ce sont à nouveau plus de 400 000 personnes qui se recueillent devant lui.

Alors, pour qu'un monument aussi peu démonstratif que celui-ci ait une puissance d'évocation aussi forte et une capacité à mobiliser l'attention et l'affection de centaines de milliers de personnes, il faut bien qu'il porte en lui les raisons d'un engouement collectif, que le temps ne dément pas, et qui transcende les différences sociales et religieuses.

La tombe vide est la première raison à cette affection portée au monument. Les corps des soldats britanniques morts à la guerre ne sont pas ramenés à la terre natale. Morts à l'étranger, comme le sont et le seront tous les soldats de l'Empire, ils restent à jamais enterrés là où ils sont tombés. Alors le

Cenotaph devient le réceptacle de tous les corps absents. Unique, il appartient à tous. Vide, chacun peut

le faire sien le temps d'un recueillement.

La présence physique d'un cercueil est une puissance d'évocation considérable. Notre imagination seule en fait le réceptacle d'un corps auquel on ne peut donner aucune figure. Voudrait-on l'ouvrir, pousser la dalle, qu'on serait déçu de n'y rien trouver alors même qu'on le sait déjà parfaitement vide. Par la mise en scène du tombeau, la possibilité d'un corps devient le corps lui-même et avec lui, la possibilité d'accomplir les gestes du deuil qui ne peuvent s'accomplir que pour le défunt qu'on a reconnu comme étant le nôtre. Mais c'est une autre histoire, celle des familles, des amis, des amants d'un défunt dont la présence devient palpable par la voie détournée qui serait celle d'une dernière photographie, d'un dessin d'enfant, d'un jouet oublié, d'une dernière lettre…

Une tombe vide pour signifier l'absence.

La puissance de la géométrie est considérable dans l'esprit des hommes. Elle l'accompagne dans tous ses actes depuis les origines. Elle est le premier geste de dénaturation, d'artificialisation du monde dans lequel l'homme évolue. Elle est une puissance de protection dans le monde dans lequel nous évoluons, trop vaste et trop incertain, plaçant l'homme et ses édifices dans le monde, elle est un lien dans le même temps physique et spirituel.

Une géométrie secrète mais palpable se manifeste dans le monde. L'architecte, depuis longtemps, observe cette géométrie, il l'a réduite à des figures simples et abstraites : triangles, carrés et autres polygones… Le cercle. Des figures originelles dont il fait usage, dont il fait une écriture, une discipline, une conscience. La géométrie a toujours été pour l'architecte l'outil privilégié qui fait le lien entre le rationnel et l'irrationnel.

C'est elle qui fait la stabilité et la puissance d'incarnation du Cenotaph.

Elle se manifeste de deux manières : par la masse qui impose sa présence aux arêtes vives et qui porte le cénotaphe depuis le sol jusqu'à l'inaccessible.

Et puis il y a l'invisible. Ces déformations apportées à la géométrie du monument. Ces déformations si fines qui font jouer au monument la musique des sphères.

Edwin Lutyens n'est pas un grand mystique. Ce n'est pas une force qui l'a animé. Son épouse, Lady Emily, l'était, très emprunte de théosophie. S'ils ne se sont pas toujours très bien entendus, être peut-on voir dans cette déformatipeut-on apportée à la Grande Pierre et au Cenotaph une marque d'influence inspirée par Lady Emily. En tout cas, celle-ci n'a jamais caché son admiration pour la Grande Pierre alors qu'elle était assez peu encline à faire des compliments à l'œuvre de son époux.

Une chose a toujours tenu Lutyens à distance du bavardage, c'est son peu de goût pour la polémique et la controverse. On le voit plus volontiers se mettre à l'écoute du doux murmure de la géométrie, et 'est par les valeurs propres à sa discipline qu'il a construit une réflexion sur son métier en dehors de tout discours politique, religieux ou corporatiste.Ces conditions sont contraires à toute idée qui sert la mémoire, elles ne font que mettre un édifice dans des conditions temporelles qui le rattachent trop précisément à une époque qui nécessairement va s'éteindre. Cela ne contribue pas à mettre, pour un édifice mémoriel, la distance nécessaire au temps pour qu'il puisse se l'approprier et pour que les hommes d'un futur lointain en saisissent la profondeur à défaut d'en connaître la signification.

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Enfin, il y a l'inaccessible, et peut-être est-ce là le vrai génie de ce monument que de proposer à l'hommage de la foule un cercueil, objet connu de tous qui parle du corps, et de le mettre hors de portée des hommes.

En mettant l'objet de dévotion hors de portée, c'est tout le pathos qui l'accompagne qui est mis à distance.

Par la distance mise entre les hommes et l'objet, celui-ci n'offre plus la possibilité d'être un objet de fétichisme.

Proposer et, dans le même temps, mettre à distance ce qui pourrait faire l'objet d'un culte, c'est transformer le comportement de la foule qui se présente. C'est surtout transformer un geste de lamentation en un geste de rituel. Et c'est la valeur même d'un mémorial que d'être le lieu disponible du rituel. Il le rend possible.

Si le Cenotaph a une part inaccessible, il en propose une autre, cette fois, parfaitement accessible. Ce sont les trois marches qui le font émerger. Ces trois marches marquent le territoire du monument, elles sont la distance qui lui est nécessaire pour pouvoir émerger, apparaître. Une distance d'apparition. Mais ces trois marches sont aussi la part accessible du monument, on n'y pénètre pas impunément certes, c'est un territoire consacré, mais c'est bien cette part du mémorial que la foule peut s'approprier, le territoire sur lequel elle peut accomplir le geste d'amour, de deuil, de contrition. À la part inaccessible du monument doit répondre en écho une part accessible que l'on peut s'approprier, et dans le rituel de la procession anonyme où chacun se perd pour ne faire qu'un, il y a ces marches blanches sur lesquelles alors peuvent être déposés par chacun la fleur, le bouquet, le mot dédiés. (Ill. 1)

Un objet de désir inaccessible, une géométrie de l'invisible, une figure de l'absence.

De cela peut nous parler un monument quand il s'adresse à une communauté qui doit affronter le deuil et la mémoire d'un événement terrible. Et peut-être, plus l'événement est grave, plus la communauté est grande, plus le monument devra être dans la retenue, la distanciation et l'abstraction pour conserver, dans l'inclémence du temps, sa puissance d'incantation.

(7)

Frank Rambert notice biographique

Architecte DPLG, docteur en architecture, professeur aux écoles d'architecture.

Par son travail de praticien, comme par celui d'enseignant, il s'attache aux thèmes qui lui sont chers : la mémoire, l’histoire, le potentiel d’incarnation qu’ont les objets et les lieux, et puis la conviction que l’architecture est une discipline littéraire. Cela est dit dans un livre : jardins de guerre, MétisPresses éditeur, prix du livre 2015 de l'Académie d'Architecture.

BIBLIOGRAPHIE

A.S.G. Butler, The architecture of Sir Edwin Lutyens,Volume 3, London, Country Life & Scribners, 1950. Andrew Crompton, The secret of the Cenotaph, AA Files n°34, 1999, pp. 64 à 67.

Allan Greenberg, Lutyens Cenotaph, Journal of the Society of Architectural Historians,, n°XLVIII, 1989, p. 5 à 23 Christopher Hussey, The Life of Sir Edwin Lutyens, London, Country Life, 1950.

Edwin Lutyens, The Letters to his Wife, Lady Emily, London , William Colins Sons & Co Ltd, 1985 Frank Rambert, Jardins de guerre, Genève, Éditions MétisPresse 2014

RÉSUMÉ

28 juin 1919. Après quatre années d'une guerre qui a fait quelques 10 millions de morts, les nations belligérantes signent un traité de paix. Les Britanniques, pour l'occasion, font défiler les troupes alliées à Londres le 19 juillet suivant. Les armées saluent sur leur parcours un monument de bois et de plâtre érigé pour la circonstance et qui prend la forme d'un cénotaphe. Les armées passées, c'est la foule des anonymes qui défile à son tour et qui dépose au pied du Cenotaph des fleurs par centaines de milliers, par millions. Cet édifice modeste devient en un jour le point de fixation du deuil national. Mais la simplicité de ce monument n'est qu'apparence. Il en raconte beaucoup pour peu qu'on écoute avec un peu d'attention le doux murmure de la géométrie. Celle-ci nous raconte alors l'absence, l'invisible… l'inaccessible.

Légendes – de haut en bas et de gauche à droite

1- Le Cenotaph dans sa version en pierre – Carte postale non datée.

2- Dessins de l'élévation de la Grande Pierre, du Cenotaph et schéma des déformations – Butler, tome III, planches 64, 65, 69 3- Le Cenotaph dans son site – Carte postale non datée.

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