• Aucun résultat trouvé

Jongler avec les sens pour contenir l'absurde : modèles interprétatifs de parents d'enfant autiste d'origine haïtienne

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Jongler avec les sens pour contenir l'absurde : modèles interprétatifs de parents d'enfant autiste d'origine haïtienne"

Copied!
138
0
0

Texte intégral

(1)

Jongler avec les sens pour contenir l'absurde:

Modèles interprétatifs de parents d'enfant autiste d'origine haïtienne

Par

Catherine Sigouin

Département de psychiatrie

Université McGill, Montréal

Thèse présentée

à

l'Université McGiII en vue de l'obtention du grade de

Maitre ès sciences (M.Sc.) en psychiatrie

Août, 2004

(2)

Published Heritage Branch

Direction du

Patrimoine de l'édition 395 Wellington Street

Ottawa ON K1A ON4 Canada

395, rue Wellington Ottawa ON K1A ON4 Canada

NOTICE:

The author has granted a non-exclusive license allowing Library and Archives Canada to reproduce, publish, archive, preserve, conserve, communicate to the public by

telecommunication or on the Internet, loan, distribute and sell th es es

worldwide, for commercial or non-commercial purposes, in microform, paper, electronic and/or any other formats.

The author retains copyright ownership and moral rights in this thesis. Neither the thesis nor substantial extracts from it may be printed or otherwise reproduced without the author's permission.

ln compliance with the Canadian Privacy Act some supporting forms may have been removed from this thesis.

While these forms may be included in the document page count,

their removal does not represent any loss of content from the thesis.

••

Canada

AVIS:

Your file Votre référence ISBN: 0-494-06454-4 Our file Notre référence ISBN: 0-494-06454-4

L'auteur a accordé une licence non exclusive permettant

à

la Bibliothèque et Archives Canada de reproduire, publier, archiver,

sauvegarder, conserver, transmettre au public par télécommunication ou par l'Internet, prêter, distribuer et vendre des thèses partout dans le monde, à des fins commerciales ou autres, sur support microforme, papier, électronique et/ou autres formats.

L'auteur conserve la propriété du droit d'auteur et des droits moraux qui protège cette thèse. Ni la thèse ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent être imprimés ou autrement reproduits sans son autorisation.

Conformément

à

la loi canadienne sur la protection de la vie privée, quelques formulaires secondaires ont été enlevés de cette thèse.

Bien que ces formulaires aient inclus dans la pagination, il n'y aura aucun contenu manquant.

(3)

Abstract

Autism, in the manner of any chronic infantile disease, profoundly disturbs family life, generating a search for meaning. This qualitative study aims to explore the construction of interpretative models of the iIIness by Haitian parents of autistic children, living in Montreal. The results suggest that the majority of parents question the cause of their child's affliction and develop an assortment of meanings around this disease, allowing them to contain the feeling of absurdity that overwhelms them when confronted with their child's limitations. In spite of the fact that their experience is deep-rooted in a modern occidental world, the parents more often refer to traditional etiological conceptions of the disease, notably grounded either in humoral theories or in religious explanations, than in the so-called biomedical conceptions largely endorsed by North American clinicians. This study emphasizes the importance of acknowledging cultural representations and suggests tracks for future research.

(4)

Plusieurs personnes ont conbibué de près ou de loin à l'élaboration de cette thèse et méritent d'être nommées ici. Tout d'abord, je tiens particulièrement à remercier ma direcbice et ma

co-direcbice de thèse, Cécile Rousseau

et

Danielle Groleau, qui m'ont suMe tout au long de ma maîtrise. Leur passion contagieuse pour la recherche en tant qu'enrichissement personnel, leur écoute attentive et leur soutien m'ont apporté la détermination et l'énergie nécessaires à l'achèvement de cette thèse.

La

collaboration du CLSC Côte-Des-Neiges et de plusieurs travailleurs sociaux et médecins y oeuvrant a été remarquable. Sans leur support, le recrutement de la majorité des sujets n'aurait jamais eu lieu. Je remercie également tous les intervenants travaillant au sein de différentes institutions, notamment l'école John F. Kennedy et l'hôpital Rivière des Prairies, pour leur aide dans le processus de recrutement et tous les membres de mon comité de thèse pour leurs précieux conseils.

Avoir un enfant autiste demande énormément d'énergie et une patience inouïe. Les parents sont surchargés de travail et j'en suis très consciente, c'est pourquoi je désire exprimer ma sincère reconnaissance envers tous les parents qui ont accepté de participer à cette recherche. Je garde un VÎf souvenir de leur courage et de leur force morale exceptionnelle. Également merci aux informatrices

dés

qui par leurs nombreux conseils et leurs

nches

informations sur la culture haïtienne ont apporté des éléments essentiels à l'analyse des résultats.

Enfin, merci à ma mère, Vania Jimenez, qui m'a soutenue moralement tout au long de ce projet mais surtout, qui m'a transmis son goût viscéral pour la différence et son profond besoin de comprendre et d'apprivoiser l'humain. Cette thèse lui est dédiée ainsi qu'à mon père, Isidore Sigouin, dont la légendaire bonhomie est pour moi une inspiration quotidienne et un modèle qui m'est indispensable.

(5)

Résumé

À l'instar de toute maladie chronique infantile, l'autisme est un trouble qui perturbe profondément la vie familiale et génère une quête de sens. Cette étude qualitative vise à explorer la construction des modèles interprétatifs autour de l'autisme chez des parents d'origine haïtienne vivant à Montréal. Les résultats suggèrent que la majorité des parents s'interrogent sur la cause de l'autisme de leur enfant et développent un amalgame de significations autour de ce trouble, leur permettant de contenir le sentiment d'absurdité qui les envahit face aux limites de l'enfant. Malgré l'ancrage de leur expérience de l'autisme dans un univers occidental moderne, les parents font davantage référence à des conceptions étiologiques traditionnelles de la maladie, fondées notamment sur les théories humorales ou sur des explications religieuses, qu'aux conceptions dites biomédicales généralement endossées par les· cliniciens nord-américains. Cette étude souligne l'importance de la prise en compte de ces représentations culturelles et permet de proposer quelques pistes de réflexion pour les recherches futures.

(6)

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES ... 1

INTRODUCTION ... 3

Pertinence d'une étude auprès de la communauté ha'llienne de Montréal: La sous utilisation des services sociaux et de santé ... 5

L'enfant autiste, sa famille et les seNiœs ... 8

Pertinence de l'approche anthropologique ... 9

Questions de recherche ... 12

CHAPITRE 1 • RECENSION DES ÉCRITS ... 13

1) Présentation dinique du trouble d'autisme ... 14

2) Contexte d'immigration et santé mentale ... 17

3) Représentations socio-culturelles dans la communauté ha'll:ienne à Montréal : ... 20

SUNoI de l'histoire de l'immigration ... '" ... 20

Les systèmes religieux ... 21

Conceptions traditionnelles de la santé et de la maladie ... 23

CHAPITRE Il • MÉTHODOLOGIE ... 28

Définition de la population étudiée ... 29

Processus de recrutement. ... 29

Critères d'inclusion· ... 29

Approche méthodologique ... 30

Analyse des données ... 32

Considérations éthiques ... 33

CHAPITRE III • RÉSULTATS ... 34

Description de l'échantillon ... 35

1) Rapport aux services ... 37

(7)

2

Perception du médecin et des trattements pro~ ... 39

2) Conception de l'autisme ... 42

3) Significations dominantes autour de l'autisme ... 47

Accident ou erreur de la naturel Travail de Dieu : ... 49

Représentations relatives au vaudou ... 51

Colères et

stress

pendant la grossesse ... 56

Autres causes proposées ... 60

4) Soutien social et familial ... 66

5) La religion, porteuse de sens et de soutien ... 70

6) Effets de la maladie ... 74

CHAPITRE IV - DISCUSSION -... 79

1) Les difficultés de l'incompréhension ... 80

2) L'effort de construction d'un sens autour de l'enfant malade ... 82

3) Conceptions populaires et biomédicales: deux mondes qui coexistent sans se superposer ... 87

4) Le recours aux services de santé ... 89

5) Avoir un enfant autiste: une expérience d'apprentissage ... 93

CHAPITRE V - CONCLUSION -... 96

BIBUOGRAPHIE ... 102

APPENDICE A : CERTIFICAT DE CONFORMITÉ ÉTHIQUE ... 114

APPENDICE B: FORMULAIRE DE RECRUTEMENT ... 11 7 APPENDICE C : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 120

APPENDICE D : DONNÉES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES ... 123

(8)
(9)

4

L'autisme fatt partie de l'éventail des Troubles Envahissants du Développement

et

se développe dans les trois premières années de la vie (Fombonne, 1999). Il se tradutt par un déficit dans la oompréhension et la communication sociale réciproque ainsi que par un pattern unique

et

souvent dysfonctionnel de comportements et d'intérêts (IlPA, 1994).

La

présente recherche vise l'étude des modèles interprétatifs de la maladie chez des parents d'origine hanienne ayant un enfant atteint d'autisme, dans le but d'améliorer la qualité des soins et services de santé en favorisant une meilleure communication dinique entre parents et intervenants. Nous entamerons cette section « Introduction» en considérant la pertinence des différents objets de l'étude. Le chapttre suivant sera consacré à la recension d'écrits existant jusqu'à présent sur ce sujet.

Pertinence clinique de la présente étude

Le projet proposé ici se rapporte à un domaine des Troubles Envahissants du Développement pour lesquels la oommunication patient médecin est particulièrement nécessaire à la mise en place d'une intervention précoce. Il rejoint directement une priorité d'action du plus récent document gouvernemental Priorités Nationales de Santé Publique: 1997-2002 (Ministère de la santé et services sociaux, 1997): « Le développement et l'adaptation sociale des enfants et des jeunes )}. Le document mentionne des taux alarmants de problèmes de développement chez les enfants en général. En effet, le nombre d'enfants québécois qui pourraient présenter des retards dans l'une des sphères du développement est estimé entre 10 à 15 %. En 1993, la prévalence des troubles de la parole et du langage chez les enfants de 5 ans étatt de l'ordre de 11 à 16 % et les élèves présentant des difficultés d'adaptation et d'apprentissage représentaient 11 ,3 % des élèves du Québec (Ministère de la santé et services sociaux, 1997).

De façon générale dans le secteur de la petite enfance, on constate une insuffisance dans la continutté des services et dans l'intégration des services sociaux et communautaires, induant des lacunes au niveau de l'intervention auprès des enfants et des parents (Bouchard et Moreau, 1995). En ce qui concerne l'autisme, il est maintenant bien reconnu par les professionnels de la santé qu'un diagnostic précoce, suM d'interventions comportementales intensives, peuvent significativement améliorer la condition de l'enfant, à long-terme, autant au

(10)

niveau de l'accélération du langage que du développement cognitif (Kagan-Kushnir et aL, 2000). Dans ce contexte, il semble essentiel de développer les connaissances qui contribueront

à fadliter une bonne communication dinique entre les parents et l'intervenant et ainsi pouvoir prendre les décisions efficaces le plus rapidement possible.

Au niveau de l'utilisation des services de santé, il semble que la visite médicale ne constitue, pour la majorité de la population, que l'un des multiples recours disponibles et qu'elle soit utilisée avec parcimonie. En effet, la perception de la gravité ou de la chronicité des symptômes d'une maladie est un déterminant primaire de l'utilisation des services (Bibeau & Massé, 1982). Certains symptômes sont perçus comme plus menaçants par certains groupes que par d'autres, et les symptômes pour lesquels on consulte ne sont pas nécessairement ceux qui sont définis comme graves par le médedn. Ainsi, l'optimisation de l'utilisation des services médicaux passe par une compréhension des systèmes de signification des patients en permettant une meilleure sensibilisation à leurs discours et donc le développement d'une véritable alliance thérapeutique (Massé, 1995). Celle-ci permet une intervention et des soins continus, et maximise donc l'efficacité des traitements précoces.

Les effets bénéfiques de la communication des représentations de la maladie entre le patient et le médedn sont également palpables d'un point de vue dinique. Le manque de congruence entre le patient et l'intervenant sur l'étiologie d'un trouble peut obstruer l'efficacité du traitement et l'observance thérapeutique (Foulks et aL, 1986). Un médecin qui comprend la perception de son patient sur ses symptômes et leurs causes aura davantage tendance à travailler en collaboration avec lui et évitera ainsi une surmédicalisation de ce demier (Kleinman, 1980). Une collaboration effective dans laquelle le patient

est

un partidpant actif dans ses propres soins est également garante d'une meilleure adhésion aux recommandations de médicaments par le médedn (Di Matteo et aL, 1994).

Pertinence d'une étude auprès de la communauté ha"ltienne de Montréal:

La sous utilisation des services sociaux

et

de santé

Plusieurs recherches démontrent la faible utilisation par les immigrants des services de santé mentale (Beiser et aL, 1988; Bibeau et aL, 1992; Kirmayer et aL, 1996; ISO, 2002) et ce, malgré

(11)

6

leur gratuité universelle et les politiques d'accessibilité mises de l'avant par le gouvemement. À

Montréal, des efforts d'adaptation des services ont été faits sur le plan linguistique pour permettre une meilleure rommunication avec les usagers de groupes ethniques minoritaires, la banque d'interprètes mise à la disposition des institutions publiques de santé par l'Agence de Développement de Réseaux Locaux de Services de Santé et de Services Sociaux de Montréal en est un bon exemple. Mais la sous utilisation des services par les immigrants permet de croire que ces efforts demeurent insuffisants et laisse entrevoir un éventail de barrières toujours existantes qui limitent l'accès aux services (Gravel & Battaglini, 2000). Ces auteurs distinguent quatre types de barrière: la méoonnaissance des ressources disponibles par les membres de groupes ethniques au Québec, les difficultés dites objectives (déroulant de facteurs éronomiques, géographiques, administratifs

et

linguistiques), les problèmes linguistiques

et

de rommunication et enfin les facteurs liés à la perception et à la culture (tels certains besoins qui sont subjectivement ronstruits en fonction de croyances, de perceptions, de valeurs et de normes sociales qui régissent les attitudes à l'égard de la santé et de la maladie). De plus, certains groupes ethnoculturels sont plus méfiants face aux institutions médicales, ils auraient tendance à ronsulter moins et plus tard que la moyenne, et à moins suivre le traitement proposé par l'intervenant.

La

barrière linguistique est la plus fréquemment évoquées par la plupart des intervenants ceuvrant dans un milieu multiethnique et par la dientèle elle-même. Il faut cependant distinguer les difficultés liées à la ronnaissance des langues officielles de la rom préhension des roncepts. « Le migrant panant la langue du pays d'accueil l'utilisera néanmoins avec les représentations sociales, les références linguistiques et symboliques propres à ses valeurs culturelles ou à sa langue matemel » (Gravel et Battaglini, 2000, p.67).

C'est bien le cas des membres de la rommunauté ha'ttienne nouvellement arrivés au Québec, qui panen~ pour la plupart, français mais en ayant, romme référence linguistique et symbolique, le créole ha'ilien.

La

dientèle ha'llienne en est une particulièrement difficile à rejoindre pour les plufessiûnnels de la santé, de par sa faible utilisation des services médicaux (Bibeau & Massé, 1982; Legault et Fortin, 1996). Il est reoonnu que les mères ha'iliennes montrent peu d'observance face aux reoommandations de type préventif (Renel, 1986).

(12)

Dans une étude effectuée à Philadelphie auprès de 406 enfants ayant reçu un diagnostic d'autisme, les chercheurs ont· trouvé qu'en moyenne, les enfants blancs recevaient leur diagnostic plus tôt que les enfants noirs (Mandell & aL, 2002). Ils conduent en émettant l'hypothèse que ces importantes disparités dans le dépistage précoce et le traitement de l'autisme sont le résultat de différences dans le comportement du médecin selon l'origine ethnique du patient, mais également de conceptions et attentes différentes des familles par rapport au système de santé.

Pour mieux comprendre ces différences culturelles dans le rapport aux services de santé, il est nécessaire de s'attarder sur les divers facteurs qui peuvent influencer le recours à ces services chez la population en question. Dans le cas de la communauté ha"llienne, Laguerre (1981) a dressé une liste de ces facteurs, parmi ceux-ci figurent: le fait de considérer la maladie comme une affaire de famille, toute consultation à l'extérieur constituant une menace à la confidentialité; la crainte des hôpitaux; les problèmes de communication avec les intervenants dus aux divergences de conceptions haïtiennes et médicales de la santé et de la maladie; et le fait que l'adhésion à des prescriptions médicales dépende de l'évaluation que le patient fait de la gravité de son trouble.

Bibeau (1987) s'est penché sur les motifs poussant de nombreux Haïtiens de Montréal à

consulter un médecin d'origine haïtienne, affilié à un établissement à orientation ethnique ha'ilienne. Il regroupe ces motifs en trois points: (1) la possibilité de communiquer

« réellement)} avec le thérapeute; (2) la connaissance par le thérapeute ha"ftien de troubles et de pathologies spécifiquement haïtiennes et (3) les arrangements économiques possibles 1 • L'auteur condut en mettant l'accent sur le fait que l'adaptation des services aux usagers de groupes ethniques minoritaires commence par l'établissement d'une vraie communication avec le patient. Une meilleure connaissance des systèmes étiologiques populaires apparaît donc importante et peut servir de base à l'établissement d'une relation de ronfiance avec cette population et fadliter une continuité des soins.

(13)

8

L'enfant autiste, sa famille et les services

L'autisme est un trouble extrêmement désemparant jX)ur l'entourage du malade, de par la rupture que celui-ci opère avec le monde. Les parents d'un enfant autiste déoouvrent de façon progressive et incertaine les anomalies et handicaps de leur enfant, ils prennent conscience de l'existence d'une différence. Les études empiriques sur l'impact familial d'un enfant handicapé au niveau du développement, mettent en évidence le

stress

chronique que vivent ces familles (Beckman, 1983; Wilton & Renaut, 1986). Cela est d'autant plus vrai dans le cas de l'autisme où l'enfant paraît normal physiquement et souvent même attrayant.

La

nature et le degré du handicap sont, par conséquent, ambigus. Il devient difficile pour les familles de développer des attentes réalistes par rapjX)rt aux capacités et au jX)tentiel de l'enfant.

McCubbin et ses collaborateurs (1982) identifient huit catégories d'épreuves que la famille doit surmonter. Ils notent d'abord les difficultés financières provenant du coût des consultations médicales, de l'hospitalisation, des traitements spécialisés, etc. Une seconde source de

stress

provient des relations émotionnellement tendues au sein de la famille. Les auteurs partent de surprotection, de rejet, les parents ayant moins de temps à consacrer aux autres membres de la famille. Il peut aussi y avoir culpabilisation du parent jugé resjX)nsable d'une transmission génétique lX>SSible du trouble. Troisièmement, les activités et les objectifs familiaux sont inévitablement modifiés. Les opjX)rtunités professionnels et le nombre et la flexibilité des temps libres sont réduits.

La

quatrième catégorie est ce qui touche à la vie sociale de la famille,

c'est-à-dire les réactions négatives des proches, l'embarras par rapjX)rt aux comjX)rtements de l'enfant, qui peuvent provoquer l'isolement social de la famille. Les auteurs remarquent aussi le stress lié au temps passé à promouvoir des soins quotidiens et le temps consacré aux rendez-vous médicaux.

La

sixième

et

septième catégories impliquent les contacts de la famille avec les institutions diniques ou scolaires et rendent compte du stress jX)uvant émerger des traitements médicaux et de la scolarisation de l'enfant. Enfin, la huitième catégorie est le stress psychologique associé au chagrin et à l'inquiétude des parents face à l'avenir de leur enfant.

Les services à la disjX)sition des enfants et des adolescents atteints d'un syndrome autistique sont encore rares (Aussilloux & Livoir-Petersen, 1998), avec des listes d'attentes qui peuvent aller jusqu'à plusieurs mois pour l'évaluation dinique de l'enfant et plusieurs programmes

(14)

spécialisés de réadaptation qui sont encore inabordables pour de nombreuses familles. Les secteurs de pédo-psychiatrie dépendent du ministère de la Santé et sont gérés par les hôpitaux publics. C'est sur les médecins généralistes et les pédiatres que repose la précocité du diagnostic. Leur formation de base est généralement limitée dans ce domaine (Aussilloux &

Livoir-Petersen, 1998), et la prévalence de l'autisme dans la population générale étant relativement faible, ils n'ont que peu souvent l'occasion de se poser la question du diagnostic. Concernant la scolarisation des enfants autistes à l'école maternelle, celle-ci est nettement en augmentation. Le recours aux dasses d'enseignement spécial ou adapté est cependant encore peu utilisé.

Pertinence de l'approche anthropologique

L'établissement d'un partenariat avec les familles d'enfant autiste est une condition centrale à

l'efficacité des traitements (Mullen & Frea, 1995). Cependan~ si l'on transmet un certain nombre d'informations, on sait peu de choses sur la façon dont ces familles construisent le sens autour de la maladie, en particulier dans le cas de familles immigrantes.

De

façon complémentaire aux résultats statistiques de l'épidémiologie, l'anthropologie permet d'identifier et de définir les facteurs culturels liés aux sens de la maladie pour certaines communautés et à l'interprétation qu'en donnent les indMdus. Par son orientation «communautaire », la démarche anthropologique s'inscrit dès le départ dans l'univers des représentations collectives qui prévalent dans la communauté (Corin et aL, 1990). Elle se centre d'ailleurs principalement sur la description populaire des problèmes, plutôt que sur une description scientifique, utilisée généralement par les professionnels de la santé.

Le savoir populaire relié à la santé et à la maladie au sein d'une communauté est un produit résultant d'une réinterprétation syncrétique de différents discours sur la santé. À ce suje~ Massé (1995) fait une mise en garde sur la tendance à voir en ce savoir une forme appauvrie et distordue du savoir médical:

« Il pe savoir populaire relié à la santé et à la maladie] intègre dans un nouveau tout syncrétique aussi bien les informations scientifiques validées que les croyances, les attitudes, les valeurs, les conceptions ou les représentations populaires. Il n'est aucunement réductible à une fraction

(15)

10

du savoir savant qui serait transféré du monde savant au monde profane, pas plus qu'il n'est la

somme des vestiges d'un savoir traditionnel et folklorique transmis à travers les générations }) (Massé, 1995, p. 236).

La sémiotique autour de la santé et de la maladie apparaît d'autant plus importante dans un contexte d'immigration où les interprétations scientifiques ainsi que les interprétations populaires du pays d'accueil se juxtaposent aux interprétations traditionnelles du pays d'origine. Dans ce contexte, un des objets de l'anthropologie est alors d'étudier comment les individus développent un système complexe de représentations dans lequel les différents savoirs qui leur sont proposés sont plus ou moins intégrés.

L'anthropologie médicale a introduit la notion selon laquelle les patients possèdent des modèles explicatifs de leurs symptômes et de leurs problèmes de santé (Kleinman, 1980). Dans son livre «The iIIness narratives}) où il explore la question du sens de la maladie, Kleinman remarque que les professionnels de la santé, dans leur volonté de diagnostiquer quelque chose de quantifiable et d'objectif, ont appris à se méfier des perceptions et des disoours des patients concemant leur maladie et la ou les causes reliées (Kleinman, 1988). Pourtan~ ce sens est une question essentielle pour l'indMdu puisque toute maladie ou infortune requiert au moins une interprétation (Augé, 1984). D'ailleurs, que l'indMdu se reconnaisse ou non comme malade, ses interprétations et son expérience de la maladie seront des facteurs qui pourront influencer le cours de celle-ci. Les attributions de causes émergent spontanément lors d'importants événements de vie et servent à déterminer la signification sociale de l'expérience

et

parfois à

assigner à qui ou à quoi revient la responsabilité morale ou la faute (Kirmayer et aL, 1994). Au niveau des soins de santé, la prise en compte des modèles explicatifs peut donc s'avérer très utile aux diniciens pour établir une alliance thérapeutique qui tienne compte de la oompréhension du patient. Plusieurs recherches ont pu mettre en évidence que lorsque les modèles explicatifs du patient et du médecin divèrgen~ cette situation de dissonance constitue une barrière importante aux soins de santé. Les modèles explicatifs influencent effectivement la oommunication dinique (Hel man, 1986) et l'observance thérapeutique (Hunt et aL, 1989). Certains auteurs soutiennent toutefois que les gens ne se réfèrent pas exdusivement aux modèles explicatifs dans leur représentation de la maladie. Young (1981) déait plutôt trois modes de raisonnement que les indMdus utilisent pour parler des symptômes d'une maladie:

(16)

(1) les modèles explicatifs, basés sur des modèles formels ou informels dérivés de modèles d'explication fondés sur une pensée causale; (2) les prototypes, basés sur les expériences antérieures de soi et/ou des autres leur permettant ainsi de raisonner de façon analogique, à

l'aide d'images et de métaphores, pour comprendre les symptômes ou l'expérience de la maladie elle-même; et (3) les complexes de chaînes, représentations qui permettent au sujet de lier des expériences passées aux symptômes présents de façon métonymique par l'évocation d'un récit composé de séquences d'événements menant aux drconstances courantes, sans toutefois se référer à des relations causales. Il

est

à noter que ces trois formes de représentation peuvent coexister dans le discours des individus (Young, 1982).

L'approche interprétative s'intéresse aux représentations relatives à la maladie en tant que réseaux de signification (Good, 1994). Selon cette approche, il

est

central d'étudier les discours populaires des individus au sujet de la maladie pour avoir accès à leur expérience et au sens que la maladie. prend pour eux. Ce sens, qui joue un rôle oucial dans la façon de vivre la maladie, ne se résume généralement pas à un signifiant unique. Le discours populaire est généralement composé d'un amalgame de représentations intégrant des savoirs provenant de diverses sources d'information. Les systèmes étiologiques bâtis autour d'une expérience sont souvent polysémiques, c'est-à-dire que cette expérience pourra prendre différents sens et évoquer simultanément des représentations diverses qui, de plus, évolueront avec le temps et parfois selon le contexte (Good, 1994).

Plus partiaJlièrement, dans un contexte où la cause d'un trouble n'est pas dairement identifié, comme dans le cas de l'autisme, et que de multiples explications parfois divergentes sont évoquées, la question du sens de la maladie prendra une dimension essentielle pour l'indMdu. David Gray (1995) s'est intéressé aux explications populaires des parents concemant l'autisme de leur enfant. Il considère ces interprétations comme centrales pour l'adaptation psychosodale

des familles à la maladie et pour le

type

de thérapie qui sera utilisé. Dans cette étude menée auprès de 33 parents vivant en Australie (et majoritairement d'origine australienne), il a pu obseNer que les explications des parents reflétaient les modèles interprétatifs biomédicaux dans le sens où ces explications sont multifactorielles et biologiques. Cependant, leurs explications biologiques étaient généralement vagues, se recoupaient et plusieurs, comme l'explication d'un traumatisme à la naissance notammen~ différaient des explications

(17)

12

biomédicales communément acceptées. De plus, l'auteur a pu remarquer une tendance de certains parents à utiliser des explications magiques/religieuses et psychologiques (Gray, 1995).

L'étude de David Gray

est

la seule, à notre connaissance, qui explore les modèles explicatifs des parents d'enfant autiste. Auame recherche, à ce jour, ne s'est penchée sur l'effet de ces modèles explicatifs parentaux de l'autisme infantile sur la communication dinique. L'étude de la construction ou de l'adoption du sens de la maladie chez les parents d'enfant autiste apparaît comme un pas essentiel dans l'amélioration de la relation dinique et du soutien aux parents. Elle s'avère toutefois ardue étant données la nature complexe du trouble et la diversité des univers culturels de référence.

Questions de recherche

1. Quels sont les modèles d'interprétations des parents ha'iliens d'enfant autiste et comment sont-ils construits?

Sous questions :

• Le processus de construction du sens

a. Quelles sont les catégories de sens utilisées par les parents? b. y a-t-il habituellement un sens unique ou une polysémie? c. Quel rôle joue le modèle de la biomédecine?

d. Quelles sont les relations entre les différentes catégories de sens en terme de cohérence, de dominance et de paradoxe?

• Les modes de raisonnement utilisés

a.

Quel est le mode de raisonnement dominant dans le discours des parents? 2. Quel est le rôle des représentations collectives pour les Ha'iliens dans la construction du

sens autour d'un enfant autiste?

3. Les événements pré-migratoires et post-migratoires ont-ils un impact sur les représentations de l'autisme chez les parents haïtiens?

(18)
(19)

14

1) Présentation clinique du trouble d'autisme

Description du trouble

Dans le milieu médical, le psychiatre Leo Kanner, est celui qui, le premier, a identifié et a déait les principaux signes du syndrome de l'autisme. Il avait remarqué, lors de l'observation d'une dizaine d'enfants, que ceux-ci se comportaient d'une manière différente des enfants atteints de retard mental ou de schizophrénie. Ces enfants semblaient portés à s'isoler autant que possible, rejetant ou ignorant tout ce qui pouvait venir de l'extérieur. Ils avaient également des troubles sérieux de langage et une tendance obsessive à vouloir que tout reste à sa place autour d'eux (Kanner, 1955).

Depuis cette première desaiption de l'autisme, le concept a beaucoup évolué et s'est darifié. Pour les professionnels de la santé, l'autisme est le prototype d'un groupe de troubles que l'on appelle Troubles Envahissants du Développement Cet éventail de troubles comprend le trouble autistique, le Syndrome de Rett, le trouble désintégratif de l'enfance, le Syndrome d'ftsperger et les troubles envahissant du développement non spécifié (APA, 1994). L'expression de ces troubles est très variable et dépend, jusqu'à un certain point, du niveau d'intelligence de l'enfant, de ses habiletés langagières, de son stade de développement et de son âge (Gillberg & Billstedt, 2000). Globalement ces troubles se caractérisent par une altération sévère dans les interactions sociales et la communication, verbale et non verbale, par une larune au niveau des jeux créatifs et par un éventail restreint d'intérêts et d'activités. De plus, environ 80% des enfants autistes sont déficients intellectuellement (Fombonne, 1999). Dans la relation entre l'enfant autiste et ses parents, ces caractéristiques se traduisent par une tendance marquée à rester seul et par des contacts visuels très limités. L'enfant autiste initie

très rarement les contacts avec les parents. Ce trouble ne s'améliore guère avec les années. Dans une revue de l'ensemble des recherches publiées, Lotter conduait en 1978 que seulement 5 à 7% des enfants autistes avaient pu s'ajuster relativement bien dans le monde adulte, menant une vie indépendante avec, toutefois, des problèmes résiduels comme, par exemple, une maladresse sociale. Les autres, pour la plupart, avaient mené une vie très limitée

(20)

et environ la moitié a été institutionnalisée (Latter, 1978). Plus récemment, en 1993, Von Knoning et Hagglof ont à leur tour effectué une étude longitudinale, auprès d'enfants autistes, qui proposent des résultats similaires à ceux de Latter (Von Knoning & Hagglof, 1993). Nordin et Gillberg (1998) concluent également, à partir de l'ensemble des études publiées jusqu'à cette date, que la majorité des sujets suivis jusqu'à l'âge adulte (60 à 75%) présentent un très pauvre niveau d'ajustement social avec les années.

Des symptômes de l'autisme apparaissent généralement très tôt dans l'enfance, jusque dans les premières semaines de vie. On obseNe une prépondérance de garçons atteints d'autisme avec un ratio de 3,8 garçons pour 1 fille (Fombonne, 1999). L'autisme infantile est encore relativement peu répandu aujourd'hui. Selon les études de prévalence de ce trouble, il se retrouve, de façon générale, chez 5 enfants d'âge scolaire sur 10 000 (Fombonne, 1999).

Étiologie

Longtemps l'on a au que l'autisme prenait ses radnes dans des facteurs psychologiques tels que le mauvais traitement des parents envers l'enfant. Bruno Bettelheim (1967) formula l'une des théories psychologiques les plus connues à ce sujet. Selon celle-ci, l'enfant qui ressent les sentiments négatifs de ses parents à son égard, prend peu à peu consdence que quoi qu'il fasse, il n'a que peu d'impact sur la réaction de ses parents et ce sentiment de non-contrôle finit par s'étendre à l'ensemble de son environnement. C'est pourquoi l'enfant autiste ne pénètre jamais réellement dans le monde qui l'entoure mais construit plutôt la «forteresse vide» (the

empty fortress) de l'autisme qui le protège de la douleur et de la déception. De même Loo Kanner, dans ses premiers éaits en 1955, décrivait les parents d'enfants autistes comme froids, insensibles, méticuleux, introvertis, distants et très intellectuels (Kanner, 1955). Toutefois, aucune recherche systématique n'a pu confirmer ces impressions cliniques, (Cantwell et aL, 1978). Par la suite, et grâce, en grande partie, au progrès technologique de la sdence médicale, les chercheurs se toumèrent vers la génétique pour tenter de mieux comprendre quel mécanisme biologique pourrait être à l'origine de l'autisme. Les études sur les jumeaux sont celles qui mettent le mieux en évidence la transmission génétique de l'autisme. En effe~ Bailey et ses collaborateurs (1995), trouvent une concordance de 60 à 91 % pour l'autisme chez les jumeaux identiques, comparé à un taux de concordance de moins de 20% chez les

(21)

16

jumeaux fratemels. Une série d'étude sur les jumeaux

et

sur les familles dont un des membres est autiste, suggère que l'autisme est lié à un large éventail de déficits au niveau social et communicationnel (Bailey et al., 1995). Par exemple, la majorité des jumeaux identiques non-autistes de parents non-autistes, ne pouvaient vivre de façon indépendante, garder un emploi stable, ou maintenir une relation de confiance. De plus, la plupart de ces jumeaux identiques non-autistes montraient des déficits dans la communication, comme des retards dans le langage ou dans la lecture. Fombonne (1999), dans une revue de 23 études épidémiologiques sur l'autisme, rapporte que certaines conditions médicales génétiques telle la sclérose tubéreuse, sont fortement associées à l'autisme. Des facteurs neurologiques semblent être impliqués dans les manifestations de l'autisme, l'étude électroencéphalographique précoce de certains enfants autistes montre que plusieurs avaient des lésions organiques au cerveau (Hutt et al., 1964). D'autres types d'examens neurologiques révèlent aussi des signes de lésions chez beaucoup d'enfants autistes (Campbell et al., 1982; Gillberg et Svendsen, 1983).

Malgré ces avancées dans la recherche scientifique autour de l'autisme, il semble qu'il y att encore peu de consensus autour de l'étiologie de l'autisme, en particulier par rapport aux conditions associées à l'apparition du trouble. Ajoutons enfin qu'aucune corrélation n'a pu être établie entre l'apparition du syndrome d'autisme et l'éducation, la profession des parents, leur origine raciale et leur religion (Fombonne, 1999, Davidson et Neale, 1998).

Traitement

Il Y a eu des progrès importants dans l'amélioration des symptômes de l'autisme au niveau de la pharmacothérapie et des trattements de

type

socio-béhavioral. Rappelons d'abord le consensus sur le fatt que plus l'intervention auprès de l'enfant est précoce, plus son état est susceptible de s'améliorer. Les interventions psychosociales précoces sont généralement multidisciplinaires et comprennent des programmes d'intervention directe avec l'enfant, le placement dans un milieu de garde avec d'autres enfants sans trouble particulier (il a été démontré que cette mise en présence de l'enfant autiste avec des enfants normaux a des effets bénéfiques sur ses comportements) et des thérapies comportementales et langagières. Parmi les différents modèles d'intervention directe avec l'enfant, deux sont particulièrement reconnus pour leur effièactté, à savoir, l'analyse appliquée du comportement (l'ASA,

(22)

programme développé par Lovaas en 1987) et la psychothérapie développementale (mise au point par Greenspan en 1997), mais ces programmes sont très mûteux (50 000$ ou plus par année) (Awad, 1999). De plus, tout en étant mmplémentaires dans certains

cas,

les programmes et techniques développés ne sont pas assez mmplets pour répondre à

l'ensemble des besoins de tous les enfants autistes, même lorsque mmbinés de façon créative (Doehring, 2001).

Au niveau des médicaments, la rispéridone (antipsychotique) et les ISRS (antidépresseurs) sont les plus prescrits aux enfants autistes pour leur efficacité respectivement au niveau des mmportements d'agressivité et d'isolement, et pour diminuer l'anxiété et les mmportements obsessionnels. Ces médicaments, en plus d'apaiser l'enfant dans ses mmportements, tendent à le rendre plus réceptif aux interventions psychosociales (Awad, 1999). Malgré ces avancées thérapeutiques, l'autisme reste un handicap sévère, une mndition chronique face à laquelle il

est

absolument nécessaire de trouver des traitements plus efficaces.

2) Contexte d'immigration et santé mentale

Au Canada et au Québec, des études ont dressé un portait global de la santé mentale de certaines populations immigrantes. Une revue de la littérature sur les problèmes de santé mentale chez les populations immigrantes et chez les réfugiés, fut réalisée en 1988 par le Groupe Fédéral de Travail sur

La

Santé Mentale

Des

Immigrants et Des Réfugiés (Beiser et aL, 1988). On y apprend que d'une façon générale, le fait de migrer mmme tel n'augmente

pas

les risques de troubles mentaux mais que ce sont plutôt les mnditions qui se greffent à l'expérience de la migration qui créent un mntexte susceptible de favoriser l'apparition de ce genre de troubles. Parmi cesmnditions, plusieurs furent identifiées mmme ayant un impact nettement négatif sur la santé mentale, dont une mauvaise situation socio-économique personnelle par suite de la migration (on pense par exemple à une déqualification professionnelle), la séparation d'avec la famille, des attitudes négatives de la part de la population d'acrueil et un stress prémigratoire causé par la situation sociale ou politique prévalant dans le pays d'origine. Les résultats du rapport de l'Institut de la Statistique du Québec sur la santé des mmmunautés culturelles suggèrent également que les immigrants ayant un vécu prémigratoire violent

(23)

18

rapportent un niveau moyen de symptômes anxiodépressifs plus élevé et un niveau moyen de satisfaction par rapport à la vie actuelle plus bas que les immigrants récents ne rapportant pas d'expérience de violence (ISO, 2002). Bibeau et ses collaborateurs (1992) parlent d'expériences pivots, constituant des moments dés dans la relation entre la santé mentale et le phénomène migratoire. Ces expériences, tels les pertes, l'isolement, l'inséaJrité et la rupture, peuvent éventuellement se traduire par des symptômes individuels ou sociaux de ma~tre, surtout si la société d'accueil n'arrive pas à compenser ce qui a été perdu.

La

question du lien entre migration et psychopathologie est surtout abordée dans le champ de l'ethnopsychiabie. Id non plus, l'idée n'est pas que la migration cause la psychopathologie mais plutôt que les ruptures véaJes par les familles qui immigrent pourraient agir comme dédencheur de certains troubles (Bibeau et al. 1992).

Le champ de la psychiatrie transculturelle traditionnelle s'est surtout inspiré du modèle d'acculturation élaboré par Berry et coll. (1987) pour tenter de comprendre l'ensemble des changements se produisant lorsqu'un individu entre en contact continu avec une culture différente de la sienne. Berry propose quatre degrés d'acculturation: l'assimilation, l'intégration, la séparation et la marginalisation. Selon ce modèle, plus un individu résiste

à

l'acculturation, favorisant ainsi sa marginalisation, plus il augmente son niveau de stress et les probabilités de développer des problèmes de santé mentale ou physique. Toutefois ce modèle présente un certain nombre de limites dont la plus importante est qu'il propose une explication exdusivement culturelle au processus d'intégration et tient peu compte des nouvelles réalités migratoires à l'ère de la mondialisation. De plus, il fait peu état des effets potentiellement dangereux de l'assimilation, et même de certaines formes d'intégration, sur la santé mentale, notamment le risque d'un trouble identitaire causé par la perte du sentiment d'appartenance à

la culture d'origine (Bi beau et al. 1992).

L'ethnopsychiatrie européenne, pour sa part, conçoit le lien entre migration et psychopathologie d'un point de vue de l'adaptation, c'est-à-dire en mettant l'accent sur les conditions stressantes extemes, mais aussi d'un point de vue de la vulnérabilité. En effet, selon ce paradigme, l'indMdu qui émigre sera inévitablement confronté à des questions essentielles qu'il ne pourra esquiver s'il veut protéger son identité et le rôle de celle-ci dans sa continuité et sa cohérence. André Paradis, dans « Ethnie et folie: visages pluriels de l'anormalité », écrit: « la folie n'existe que par

(24)

où on peut la voir et la nommer» (Paradis, 1992). Elle est en quelque sorte relationnelle, c'est « une expérience globale qui interroge le sens de son rapport affectif et cognitif à l'autre, et par l'autre le sens et le non-sens de son rapport à soi-même ». Elle est donc, en partie du moins, un fait de signifiance, et par conséquent, de culture.

Dans «L'influence qui guérib>, Tobie Nathan explique qu'il ne faut pas se demander en quoi tel symptôme est incohérent, absurde ou destructeur, mais plutôt dans quel univers ce symptôme serait non seulement compréhensible mais absolument nécessaire (Nathan, 1994). Ce sont les éléments composant la tradition (les ancêtres, les parents, leur inconsdent ethnique) qui donnent un sens à la vie de l'enfant, l'insérant dans une filiation et lui procurant une « permanence d'identité» notamment aux moments de crise et de rupture (Kaes, 1979). Il se fait donc une insertion obligatoire dans une double culture. Nathan s'est attardé sur certains troubles psychiatriques tel que le trouble de l'autisme, dans des contextes de migration, c'est-à-dire dans bien des cas, d'exil, de rupture et de perte. Ce trouble témoigne, selon lui, d'un rapport interrompu à une logique signifiante traditionnelle inhérente au pays d'origine et donc d'un manque de cohérence et d'une confusion profonde.

L'apport de l'ethnopsychiatrie se situe donc au niveau d'une compréhension dynamique des processus identitaires qui prennent place au moment de la migration. Cependant, comme dans le cas du modèle d'acculturation, cette compréhension met en place essentiellement deux cultures, reprenant implicitement le contexte migratoire tel que défini jusqu'à ces dernières décennies.

Le phénomène de la globalisation, impliquant des mouvements migratoires et des échanges beaucoup plus répandus et fréquents à travers les différents territoires, amène de plus en plus d'auteurs à repenser la migration. En effet, celle-ci n'apparaît plus comme une relation duale entre deux cultures mais s'inscrit plutôt dans le contexte actuel de la mondialisation qui se concrétise par l'établissement d'un réseau transnational (Appadurai, 2001). L'attention portée sur ce réseau permet de rendre compte des processus identitaires en jeu dans le contexte de la migration. Ainsi, les indMdus, migrants mais aussi non-migrants, développent des appartenances multiples et simultanées en empruntant à différents univers culturels de sens pour élaborer leur propre système de représentation.

(25)

20

Clément et ses collaborateurs (1991) parlent d'ailleurs de l'émergence d'une« identité culturelle située)} dans le sens où les indMdus se définissent davantage par rapport à leur situation territoriale que par rapport à une culture fixe, liée à une pays d'origine. Dans une étude effectuée auprès d'Haniens et d'Haniennes vivant dans la région montréalaise, Clément et al.

(1991) ronstatent des fluctuations inter-situationnelles importantes dans l'affirmation identitaire des sujets. Ils remarquent notamment que c'est davantage lors de situations publiques ou orientées vers des activttés sans ronnotation ethnique que le contact est le plus susceptible d'être positif avec la société d'accueil et qu'il risque d'y avoir une ouverture éventuelle sur le partage plus intime d'identités. Les auteurs conduent en mettant l'accent sur le lien central entre les modes d'acculturation, les attitudes du groupe majoritaire de la société d'accueil et le contexte relationnel entre ces deux groupes (Clément et aL, 1991).

Carlo Ster1in (1987) a porté une attention particulière aux difficultés d'adaptation parentales chez les membres de la communauté hanienne de Montréal, dans les premières années suivant la migration. En effet, selon l'auteur, par le morcellement qu'elle opère au niveau du réseau social et l'éclatement du dispositif traditionnel préventif et curatif, la migration sidère les capacttés parentales et peut agir comme catalyseur de pathologies à présentation psychiatrique dans la communauté hanienne telles que la violence intrafamiliale, la délinquance juvénile ou la mésadaptation scolaire (Sterlin, 1987).

3) Représentations socio-culturelles dans la communauté ha"menne à Montréal:

Survol de l'histoire de l'immigration

Lorsque l'on parle des Hé31liens au Québec, il faut souligner d'emblée que cette communauté n'est pas homogène. En effe~ l'histoire de l'immigration ha'llienne au Canada et au Québec est marquée de différents moments qu'il importe de ronnaître pour mieux saisir les caractéristiques sociodémographiques de cette population. L'immigration ha "l'tienne au Canada ne s'amorce vraiment qu'à partir du début des années 70. Le régime de terreur duvaliériste qui fatt fuir la petite bourgeoisie et les intellectuels, le retour d'Afrique des enseignants haïtiens recrutés au début des années 60 par l'UNESCO, le resserrement des politiques d'immigration aux

(26)

Etats-Unis et la relative tolérance des nouvelles lois canadiennes de l'immigration, sont tous autant de causes expliquant l'émigration ha"l'tienne à cette époque (Morin, 1993). Cette première vague d'immigration correspond, au Canada, à un grand besoin d'une main d'œuvre immigrante. Ainsi de 1968 à 1972, cette vague se caractérise par une population de professionnels hautement qualifiés venant occuper des emplois pour lesquels ils sont activement recherchés. Ils entrent généralement dans les secteurs de l'enseignement

et

hospitalier.

La

seconde vague d'immigration, à partir de 1973, se caractérise par un flux migratoire beaucoup plus dense que la première qui était relativement faible. Les Haïtiens arrivant dans cette période sont généralement moins qualifiés. De plus, jusqu'en 1980, la population féminine est plus nombreuse à entrer au Québec. Dans plusieurs des cas, il s'agit de mères que l'on a fait venir pour s'occuper de la garde des petits enfants et de l'entretien du foyer (Labelle, 1983). D'autre part, avant 1974, les immigrants ha"l'tiens entrent surtout comme indépendants dans la catégorie d'admission. Après 1974, le pourcentage des personnes parrainées ne cesse de s'accroître. Les répercussions sur la composition socio-démographique sont notamment la hausse de l'âge moyen et une baisse du niveau global de la scolarité du flux migratoire.

Les systèmes religieux

Malgré la diversité des pratiques religieuses en Ha"l'ti, il

est

possible de les regrouper en trois grandes catégories: la religion catholique, religion officielle de l'état; les nombreuses confessions protestantes, généralement fondées par des missionnaires nord-américains; et l'amalgame syncrétique de religions ouest africaines et catholiques françaises mieux connu sous le nom de vaudou par les non-halliens2.

Comme le note Brodwin (1996) les frontières entre ces trois religions sont difficilement délimitables. Dans «le Vaudou ha"llien}) Métraux (1958) montre comment, jusqu'à un certain point, plusieurs de ces modèles religieux coexistent dans l'Ha'llien contemporain. Les vaudouisants sont en général catholiques, bien que ce chevauchement soit en contradiction avec la mission que s'est donnée la religion catholique de lutter contre «les pratiques

2 «Quand. au lieu de Vodun - nous prononçons <<VOdou» à la manière occidentale, je pense qu'il y a déjà trahison

(27)

22

superstitieuses associées à un peuple barbare ». Corten (2001) résume bien la situation de la religion catholique dans les années 80 :

« L'Église catholique a pris la place du « civilisé» dans le paroours narratif du «barbare imaginaire ». Dans ce paroours narratif une mission est donnée à l'élite: accepter la civilisation et rejeter la barbarie, ou en tout cas la maintenir très loin» (Corten, 2001, p.59).

Malgré ces efforts, un oonstat reste évident, la culture vaudou fait partie de l'inoonscient oollectif ha'rlien et bien que les transferts d'adhésion et l'instabilité dans les croyances soient ce qui définit le pluralisme religieux en Ha'rli, cette ooexistence de comportements différents ne provoque pas, selon les auteurs, de conflits intérieurs chez l'Ha'ilien (Métraux, 1958; Corten, 2001).

Les religions protestantes émergent en Ha'ln après l'indépendance, dans les premières décennies du XlXe siècle. Le baptisme est enoore aujourd'hui le oourant protestant dominant en Ha'lli avec des membres avoisinants les 200 000 éparpillés dans quelques 1000 temples ou maisons d'adoration à travers Ha'lli (Corten, 2001). Dans son essai « Le protestantisme dans la société ha'rlienne », Romain (1986) parte du pluralisme protestant en Halli. Il souligne que les

sociétés protestantes hailiennes ont en oommun, dans leur grande majorité, «la passion du chiffre et le culte du nombre. Presque toutes méritent d'être appelées oonvertionnistes» (Romain, 1986, p. 285). En effet, beauooup d'adeptes ont préféré la fraternité, le sens de la communauté et de partage bien souvent absents dans les églises catholiques et que ce nouveau modèle religieux propose.

D'autre part, le protestantisme est traditionnellement, oomme Corten le décrit, une société-refuge par rapport à la peur grandissante des « forœs du mal}) dans une population appauvrie et désorganisée. Satan est institué oomme Anti-destinateur, « celui qui envoie une mission pour tromper)} (Corten, p. 73). Avant Corten, Métraux (1958) partait déjà de cette conversion au protestantisme oomme une expression de « contre-sorcellerie )} :

« Beauooup de Vaudouistes sont « entrés dans le protestant» non parce que le vaudou ne répondait pas à leurs besoins d'une religion plus pure et plus élevée, mais au oontraire, parce que, se croyant en butte à la colère des esprits, ils y ont vu un refuge. [ ... ] La oonversion, loin

(28)

d'être le fru~ d'une aise de oonscience, n'est trop souvent que l'expression d'une a-ainte excessive des esprits» (Métraux, 1958, p. 312).

Conceptions traditionnelles de la santé et de

la

maladie

Il est possible de regrouper l'infinie variété des oourants rulturels, dans le domaine de la santé, autour de deux pôles fondamentaux (Helman, 1986; Sterlin, 1993): les rultures anthropocentriques et les rultures oosmocentriques.

- Dans les rultures anthropocentriques (Occident - judéo-chrétien), l'homme est le centre d'un univers imparfa~ qu'il doit oomprendre, maîtriser, transformer et exploiter. Selon cette conception, la maladie est un état de mal-être qui résulte d'une perturbation des fonctions d'un organe et/ou d'un système.

- Dans les rultures oosmocentriques (autochtones, africaines, asiatiques), l'homme n'est qu'une forme partia.Jlière de «oondensation» de l'énergie du Grand Tout Cosmique, et sa préoccupation fondamentale est de se maintenir en synergie harmonieuse avec cette énergie. Selon cette oonception, la maladie est un état de mal-être qui résulte de la perte d'harmonie entre les oomposantes de la personne et/ou entre la personne et un ou plusieurs éléments de son environnement.

Selon leur caractère plutôt anthropocentrique ou plutôt oosmocentrique, les sociétés développent des oonceptions de la maladie et des façons d'y remédier. Selon Ferri (1993), la rulture médicale nord-américaine se caractérise par cinq points :

1) le principe de rationalité scientifique

2) les mesures objectives et les données physico-chimiques 3) le postulat de la dichotomie oorps/esprit

4) l'existence de la maladie en tant qu'entité

5) l'intervention axée sur la personne 1T.alade plutôt que SUi la famille

Cette oonception est dite biomédicale et se fonde sur des facteurs biophysiques, par opposition

(29)

24

la maladie. Cette demière sous-tend la plupart des médecines traditionnelles qui privilégient une approche dite holistique, c'est-à-dire qu'elles tentent de rendre compte d'un problème de santé précis en le réintégrant dans l'ensemble organique, psychologique, spirituel et social du patient.

La conception traditionnelle ha"luenne de la santé et de la maladie s'inscrit dans la catégorie des cultures cosmocentriques. Bien qu'il y ait une intégration du modèle médical modeme au modèle créole, ce demier reste bien ancré dans le système de représentation de beaucoup d'Ha"I1iens. Se référant à la spiritualité vaudou, Sabatier et Tourigny (1990) remarquent d'ailleurs qu'elle ({ imprègne toute la société ha'l1ienne mais à des degrés divers et même parmi les couches sociales non-vaudouisantes qui se tiennent soigneusement à l'écart de pratiques, les indMdus qui consultent occasionnellement le houngan ne sont pas rares» (Sabatier et

Tourigny, p. 26).

Les rites vaudous ont des fonctions de protection, de rassemblement

et

de partage de vie spirituelle. En Ham, le houngan est très important dans la communauté. Grâce à ses connaissances, à ses liens avec le sumaturel et à sa sagesse, il combine le rôle de chef religieux, de guérisseur, de conseiller des âmes et de conseiller juridique. Pour cemer adéquatement la conception ha"luenne traditionnelle de la santé, il

est

donc essentiel de garder

à l'esprit que celle-ci prend surtout racine dans les principes de la religion vaudou.

Le vaudou perçoit la personne comme constituée de 5 éléments: le gvvo-bon-nanj, le kadav-kè, le Jonbraj, le nanm-m et le ti-bon-nanj (Tremblay, 1995). Le gwo-bon-nanj signifie la

personne; lorsque l'enfant naît, il n'est pas considéré comme une personne, c'est la cérémonie du baptême qui en le nommant lui donne des qualités spirituelles qui le fait personne. Le

kadav-kè signifie le corps, c'est-à-dire la partie de la personne qui va se désintégrer à sa mort. Il est exprimé et personnalisé par le gvvo-bon-nanj qui permet au vaudouisant, pendant son

sommeil, de {( voir» le diagnostic, l'étiologie et le traitement à appliquer dans des situations de maladie. Le ti-bon-nanj est le loa (Le. les divinités vaudous) protecteur. Le lonbraj est le double

de la personne qu'on peut voir sur le sol et dont l'éclat est plus ou moins lumineux selon la qualité du gwo-bon-nanj. Enfin, le namn sous-tend tout comme force vitale, il réfère à un

(30)

La notion de santé est traditionnellement signifiée à partir de l'expérience de la maladie. D'une façon générale, celle-ci est une perte ou un dysfonctionnement de l'énergie vitale. Un corps malade est un corps décomposé, démembré ou écrasé. Ces qualificatifs expriment bien la perte de l'énergie vitale et les vaudouisants (même les convertis) vont, dans leur quête de guérison, tout mettre en branle pour retrouver cette énergie. L'art et la science de la manipulation de celle-ci relèvent du pouvoir d'initiés particuliers (houngans / mambos) qui, avec

ou sans pharmacopée, oeuvrent à des fins d'harmonie (voc/un guinin) ou à des fins d'exploitation et de destruction (vodun macaya) (Steriin, 1987). Ces conceptions de la santé et

de la maladie sont influencées par la médecine humorale (dont la pratique s'étend un peu partout dans les Antilles, mais également dans certaines régions de l'Amérique Latine, de l'Afrique du Nord et de l'Asie) qui dassifie la nourriture, les maladies ou encore les médicaments selon l'opposition binaire de chaud et de froid (Helman, 1986). Renel précise que cette dassification ne dépend aucunement de la propriété physique chaude ou froide de l'aliment mais renvoie plutôt au potentiel supposé de la nourriture (ou du médicament) à générer de la chaleur ou du froid sur ou dans le corps (Renel, 1986). Selon cette conception, les émotions peuvent également jouer sur l'équilibre calorifique. Certaines émotions fortes comme la colère sont reconnues pour avoir des effets sur le sang d'un individu. En effet, elles peuvent altérer la qualité et le mouvement du sang dans le corps et donc causer des troubles physiques (Brodwin, 1996). Plus spécifiquement, la colère en réaction à l'agression d'une autre personne affecte immédiatement le sang. Si cette colère n'est pas exprimée, le sang va monter dans le corps et causer divers troubles. Johanne Tremblay, dans son livre « Mère, pouvoir et santé en Ha'lli» (1995), parie également de ce déséquilibre calorifique chez la femme et de ses conséquences potentielles :

«

La

maladie, l'accouchement ou des émotions fortes défont le corps: sa température est débalancée, l'ouverture de la ceinture déséquilibre le mouvement de ses liquides, le sang et le lait matemel incorporent la qualité des émotions, la douleur de l'estomac indique un décentrement énergétique» (Tremblay, 1995, p.122).

Tremblay (1995) propose de dassifier les types de maladies tels que perçus par la culture traditionnelle haïtienne en trois catégories:

(31)

26

- Les maladies bon dye (maladies du bon dieu) ont des causes naturelles. Elles relèvent indifféremment de la médecine oœidentale moderne ou des guérisseurs traditionnels. On pense par exemple aux blessures ou aux infections.

- Les maladies diab (maladies du diable) résuttent d'une intervention cx::cutte maléfique d'un être humain, qui s'effectue généralement par l'intermédiaire d'un bàcà, c'est-à-dire d'un intervenant traditionnel maîtrisant les forces occuttes ou magiques. Par exemple, l'impuissance sexuelle peut-être le résultat d'une intoxication par un bàcà répondant à la demande d'une épouse trompée.

- Les maladies Ioa (maladies des esprits vaudous) ont pour cause un malentendu entre un être humain et un ancêtre ou un Ioa: promesses non tenues, rituels périodiques négligés, résistance à l'appel d'un loa qui réclame sa « monture », etc. C'est dans cette catégorie que se retrouve la plupart des troubles psychiatriques tels que définis par les pays oœidentaux, notamment les syndromes dépressifs, les crises aiguës de

type

psychotique, de même que certaines maladies « congénitales» qui peuvent être le résuttat de ce malentendu. Pour ce

type

de maladies, seuls les tradipratidens houngans sont en mesure d'intervenir pour soulager ces maladies ou les expliquer.

Cette classification des maladies, quoi qu'elle décrive bien la conception traditionnelle des maladies en Ha"lli, est cependant à prendre avec une certaine réserve, étant donné l'hétérogénéité de la sodété haïtienne et la négation par un grand nombre d'Ha'lliens de l'existence de tout esprit vaudou.

Nous conclurons brièvement sur la recension d'écrits en formulant quelques remarques. Ainsi, comme tout migrant, les Ha"lliens venus vivre au Québec portent en eux un bagage cutturel important de conceptions et d'attitudes par rapport à la santé et à la maladie. Leurs rapports aux services de santé seront inévitablement modulés par ces conceptions. Les parents d'origine ha"llienne dont l'enfant reçoit un diagnostic d'autisme vont devoir conjuguer les conceptions singulières et collectives qui les habitent avec les conceptions nord-américaines de la santé et de la maladie et ce, malgré l'écart entre les univers de sens ha"lliens et québécois. Dans un contexte clinique où le modèle biomédical domine, les parents sont amenés à construire un système de sens autour de la maladie étrange et encore largement incomprise qu'est l'autisme,

(32)

trouble de la communication interpersonnelle par excellence. Ainsi, l'ouverture du monde dinique à ce système de sens peut être capitale à l'établissement d'une véritable alliance thérapeutique.

(33)

CHAPITRE Il MÉTHODOLOGIE

(34)

-Définition de la population étudiée

L'échantillon étudié comprend des parents d'origine ha'llienne vivant à Montréal, dont au moins un enfant a été diagnostiqué autiste sune à une évaluation par un médecin spécialiste dans le domaine ou par un psychiatre.

Processus de recrutement

Le recrutement s'est effectué via le CLSC Côte-Des-Neiges.

La

collaboration avec des intervenants du CLSC, oeuvrant auprès d'enfants autistes, nous a permis d'entrer en contact avec les parents de ces enfants. Grâce à la méthode d'échantillonnage par boule de neige, il a également été possible de rejoindre des enfants autistes, qui ne sont pas suivis au CLSC mais qui peuvent par exemple, être inscrits dans une école à dasses spécialisées telle que l'école John F. Kennedy. Dans le but de recueillir davantage d'informations sur la culture hanienne et les représentations de la santé et de la maladie propres à cette communauté, nous avons également rencontré deux informatrices dés ayant une connaissance approfondie de ces questions.

Critères d'inclusion

Échantillon: L'échantillon se compose de 8 parents d'origine haïtienne vivant à Montréal et dont au moins un enfant est atteint d'autisme. Nous nous sommes basée sur le diagnostic posé par le médecin dans le dossier médical de l'enfant comme critère d'indusion pour les sujets de l'étude. Le diagnostic a été posé en suivant l'algorithme proposé par le DSM-IV (Diagnostic and statistical Manual of Mental Disorders) (American Psychiatrie Association, 1994) qui est utilisé par la dinique du CLSC Côte-Des-Neiges pour obtenir le diagnostic des enfants. Ce nombre de sujets quoique restreint est suffisant pour permettre d'apprécier le rôle des représentations culturelles collectives dans la construction des modèles d'interprétations de la maladie et atteindre le niveau de saturation des données, étant donné le caractère approfondie des entrevues effectuées.

(35)

30

Comme la population ciblée dans cette étude étatt très spécifique et restreinte en nombre, plusieurs critères de sélection ont été abandonnés pour rendre le recrutement réalisable. Ainsi un parent d'origine hanienne dont l'enfant a été diagnostiqué autiste

M

le seul critère exigé pour le recrutement. La sélection n'a pu être effectuée selon le nombre d'années passées depuis la migration au Québec ou selon l'âge de l'enfant par manque de participants.

Les informatrices dés sont deux mères d'origine ha"ltienne vivant à Montréal et oeuvrant dans le domaine de la santé publique. Ces femmes n'ont pas d'enfant atteint d'autisme mais leur témoignage et les informations qu'elle nous ont foumies sur la famille, l'éducation et les systèmes de croyances ont épaulé l'analyse des 8 entrevues. Enfin, plusieurs informations concemant le fonctionnement usuel des services de santé offerts à l'enfant atteint d'autisme et aux parents ou les programmes de soutien offerts aux familles, ont été recueillies par le biais de communications personnelles et des entrevues brèves (généralement téléphoniques) avec des travailleurs sociaux ou des médecins de famille travaillant au CLSC Côte-Des-Neiges.

Approche méthodologique

Très peu d'études se sont penchées sur les parents d'enfant autiste. David Gray dans son article « Lay Conception of Autism » (Gray, 1995)

est

un des rares chercheurs à s'être intéressé

à la conception des parents concemant l'autisme de leur enfant. L'auteur n'a cependant pas tenu compte de l'origine ethnique dans ses critères de recrutement. Notre travail s'inscrit donc dans la même perspective que celle de David Gray en prenant, néanmoins, spécifiquement en considération l'appartenance culturelle des parents concernés. Ainsi, nous nous sommes inspirée de son questionnaire mais nous l'avons qualifié, en utilisant notamment des approches inductives et interactionnelles, de façon

à

pouvoir répondre

à

nos préoccupations au sujet de la coloration culturelle du discours.

Pour son étude sur les conceptions populaires des parents concernant l'autisme de leur enfant, Gray a construtt un questionnaire inspiré par le cadre d'analyse des modèles explicatifs de la maladie développé par Kleinman (1980). Les modèles explicatifs englobent cinq aspects de la maladie selon Kleinman : l'étiologie, l'apparition des symptômes, la pathophysiologie, l'évolution de la maladie et son trattement. Cependant, comme Kleinman le précise, seuls les

Références

Documents relatifs

Cette étude vise à évaluer, avec le Beach Center Family Quality of Life Scale, la qualité de vie des familles d’enfants avec un TSA et de la comparer à celles de parents

[r]

[r]

[r]

[r]

[r]

C'est ici que la psychologie individuelle touche à la sociologie. Il est impossible d'acquérir un jugement exact sur un individu si on ne connaît pas la structure des

D ’autre part, il me semble nécessaire d’évoquer l’absence de femmes dans cette étude alors que cette profession reste très féminisée, surtout depuis les années