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MANAGEMENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET ARTICULATION DES ÉCHELLES TERRITORIALES

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Academic year: 2021

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Submitted on 15 May 2019

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MANAGEMENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ET ARTICULATION DES ÉCHELLES

TERRITORIALES

Michel Casteigts

To cite this version:

Michel Casteigts. MANAGEMENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET ARTICULATION DES ÉCHELLES TERRITORIALES. COLLOQUE DEVELOPPEMENT DURABLE ET TERRITOIRE, Jun 2004, Chateauroux, France. �halshs-02130391�

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Colloque Développement durable et territoires

Forum international du développement durable de l'Indre

Chateauroux – 25 et 26 juin 2004

Management du développement durable et articulation des échelles

territoriales

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Michel CASTEIGTS

Haut fonctionnaire au Développement durable pour le ministère de l'Intérieur Professeur associé à l'Université de Pau et des pays de l'Adour

Bien que haut fonctionnaire au développement durable pour le ministère de l’Intérieur, ce n’est pas à ce titre là que j’interviens devant vous. Professeur associé à l’université de Pau, je travaille sur les problématiques de management territorial et notamment sur le management du développement durable dans des logiques territoriales. C’est beaucoup plus un aperçu de mes résultats de recherche que la parole officielle du ministère de l’Intérieur que je vais vous présenter.

Mon propos va s'efforcer de se caler précisément sur la question qui nous est posée dans le programme du colloque: «Les outils de gestion des territoires actuellement disponibles sont-ils

adaptés pour assurer une démarche de développement durable?» Quand on veut mener, à une

échelle qui reste à définir, dans un cadre institutionnel qui reste à définir, une démarche de développement durable, comment s’y prendre? Habituellement, les règles de management s’appliquent à des objets institutionnellement et thématiquement à peu près homogènes. Dans une entreprise, on fabrique des voitures ou on fabrique de l’électronique. Même si, par le passé, des diversifications hasardeuses ont conduit les mêmes entreprises à fabriquer les deux, aujourd’hui, elles ont généralement décidé de se recentrer sur leur métier d’origine. Pour ce qui est des collectivités locales, elles gèrent des activités diverses mais dans un cadre territorial défini et restreint. Or le développement durable est quelque chose qui échappe à ces catégories traditionnelles, qui échappe à cette homogénéité fonctionnelle, qui échappe à cette unité institutionnelle. Il implique donc un management nécessairement différent, un management selon d’autres règles.

Le thème général de notre colloque, Développement durable et territoires, reprend le titre de la très remarquable revue électronique que je recommande à votre lecture, d’autant plus qu’elle est gratuite et immédiatement disponible sur Internet (ceci est libre de toute publicité). Jusqu'ici, on a parlé surtout de l’apport du développement durable aux dynamiques territoriales. Je vais plutôt poser mon propos à rebours, en m’interrogeant sur la pertinence du cadre territorial pour assurer la régulation des démarches de développement durable, car la relation territoire et développement durable est effectivement réciproque.

Il faut revenir d'abord sur la question d'une définition formelle du développement durable, qui a été évoquée à plusieurs reprises depuis ce matin. Ce problème de définition est récurrent. Je m’occupe de veille juridique sur le développement durable et connais bien une des questions existentielles que se posent un certain nombre de praticiens du droit : comment peut-on déterminer la portée juridique d’un concept que l’on n’a pas au préalable juridiquement défini ? Je leur réponds toujours que depuis la Révolution française, nous mesurons l'immense portée juridique de la notion de liberté et pourtant aucun texte juridique ne la définit précisément: c’est une notion philosophique et sociétale. 1 Transcription d’une conférence prononcée sur invitation des organisateurs du colloque.

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Cela n'empêche pas les tribunaux d'annuler des décisions sous prétexte qu'elles contreviennent aux principes de liberté du commerce, de liberté du droit de grève, de liberté de la presse ou de libre administration des collectivités locales. La notion de liberté a irrigué toute la pensée politique et juridique française sans qu’aucun texte juridique ne donne une définition générale de la liberté. Ce que le droit décrit, ce sont des applications particulières du principe de liberté à des situations concrètes. Il faut se résigner qu’il en aille de même avec le développement durable, même si on nous annonce sa constitutionnalisation prochaine. Et il en ira de même: il ne faut pas attendre que le développement durable soit parfaitement défini pour le mettre en œuvre, il faut attendre de l’avoir mis en œuvre pour avoir une petite chance, un jour, de le définir correctement.

La question des échelles territoriales ayant déjà été introduite, je vais organiser mon propos en deux étapes : tout d'abord examiner en quels termes se pose la problématique des échelles territoriales du développement durable, puis analyser quelles en sont les conséquences sur la coordination des démarches concernées.

1- La problématique des échelles territoriales du développement durable

1.1- Développement durable et complexité

Ce matin, un exposé très intéressant a montré qu'il y avait un emboîtement tout à fait fascinant de l’inventaire des sols, de la parcelle jusqu’au territoire national. C'est une excellente illustration de la question des échelles territoriales. Un autre exposé, ce matin encore, a montré une image des zones hydrogéologiques à différentes échelles et ces cartes avaient à peu près la même forme. C’est que les mathématiciens appellent des objets fractaux. Il est pertinent de considérer que la question des échelles territoriales, c’est exactement cela : les mêmes problèmes se posent dans les mêmes conditions aux différentes échelles, à ceci près qu’il y a une interaction permanente entre les niveaux. Cela introduit, dans la gestion des phénomènes, une source d'extraordinaire complexité. Cette question des échelles pose évidemment la question du développement durable comme processus territorial. Je reviens à la définition du territoire qui a été donnée tout à l’heure: «

Qu’est-ce qu’un territoire ? C’est un espaQu’est-ce socialisé. » Les pratiques collectives qui permettent la

socialisation de cet espace peuvent être de nature extrêmement différente. De façon générale, cette socialisation se traduit par une rencontre, un dialogue et des interactions incessants – j’aime beaucoup ce terme d’interaction car il rend compte de la dimension systémique des phénomènes – entre activités économiques et activités non économiques, entre échanges marchands et gestion des biens collectifs. C'est dans ce processus, où se joue la territorialisation de l'espace, que nous retrouvons la logique du développement durable. Car le développement durable nous impose précisément d’organiser en permanence des arbitrages, des transactions entre marchand et non marchand, entre biens individuels et biens collectifs, entre économique, social et environnemental. Cela, nous ne savons pas le faire dans des logiques purement institutionnelles. On nous a appris qu’il y avait des collectivités publiques pour gérer les biens collectifs, qu’il y avait des entreprises pour gérer les activités marchandes etc. Tout une construction intellectuelle, politique et scientifique nous a amené à diviser les réalités complexes pour mieux les comprendre et les gérer: l’économique n’est pas le social et dans l’économique, on subdivise, l’économie de ceci n'obéissant pas aux mêmes règles que l’économie de cela, et on sous-subdivise entre économie de la décision et économie de la production, économie institutionnelle et économie non institutionnelle... Et voilà que le développement durable nous oblige aujourd’hui à remettre tout cela ensemble, parce que le non-institutionnel interfère avec l’institutionnel, parce que que l’économique réagit avec le social, que le tout se situe dans des enjeux environnementaux...

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d’une complexité extraordinaire, qui nous paraît d’autant plus extraordinaire que nous avons tout fait jusqu’à maintenant pour l'évacuer scientifiquement. C’est la principale raison des difficultés de trouver un ancrage universitaire au développement durable, thème dont on a parlé en aparté plusieurs fois depuis ce matin. Le développement durable suppose que l’on mette ensemble des sciences dures et des sciences molles. Dans les sciences dures, il faut faire travailler ensemble des physiciens, des biologistes, des spécialistes des sciences de l’ingénieur et des sciences de l’information. Puis il faut faire travailler tous ceux-là avec des sociologues, des économistes, des gestionnaires et des juristes... Mais comment y retrouver ses petits ? Que va dire le Conseil National des Universités? Que va dire le CNRS? Que vont dire ces institutions académiques dont la vocation est, dans la plus pure tradition cartésienne, de segmenter à l'infini la complexité du réel pour la réduire à des composants élémentaires et homogènes? Et comment les évaluateurs pourront-il évaluer, eux dont le métier est d'évaluer de façon complexe ce qui est simple mais qui n’ont jamais appris à évaluer simplement ce qui est complexe. On est bien dans un bouleversement conceptuel complet et il ne s'agit pas seulement des concepts en eux-mêmes mais des catégories dans lesquelles nous avons l’habitude de les ranger, ce qui est beaucoup plus déstabilisant.

1.2- Le développement durable, un objet territorial à échelles multiples

Cette complexité, que les logiques institutionnelles ont tant de mal à prendre en compte, fait du développement durable un objet éminemment territorial. Dans sa formulation diachronique, intergénérationnelle, le développement durable est un modèle de développement qui concilie les besoins des générations à venir avec la satisfaction des besoins des générations actuelles, selon une formulation proche de celle du Rapport Bruntland en 1987. La notion de modèle de développement est ici à prendre au sens d'ideal-type que lui donne en général les théories économiques, mais c'est également une référence pertinente pour penser l'action publique. Dans un second temps, particulièrement après la conférence de Rio en 1992, on en a tiré des conséquences synchroniques en précisant que le développement durable implique un équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental. Quand on dit « équilibre », il ne s'agit pas simplement d' un équilibre statique, d'une juxtaposition, mais bien d'un équilibre dynamique. Cela suppose que l’on crée des interactions systémiques permanentes entre champ économique, champ social et champ environnemental. Il faut pour cela que quelque chose « fasse système ». Nous avons vu plus haut que les logiques institutionnelles s'y opposent. C'est donc au territoire qu'il appartient de « faire système ». La difficulté en la matière est que, dans ces différents champs, l’échelle territoriale des phénomènes n’est pas la même.

La science économique a abandonné pendant très longtemps la réflexion spatiale et donc la notion d’échelle territoriale des processus. Les économistes se sont progressivement habitués à raisonner de façon de moins en moins spatialisée, voire plus spatialisée du tout comme dans certaines versions du modèle standard cher aux théoriciens néo-classiques. Cela ne résiste évidemment pas à l'épreuve des faits. Une décision économique parfaitement localisée - savoir si l’on ferme une usine ou si on ne la ferme pas, si on licencie ou non – est liée à des facteurs qui se jouent sur une multitude d'échelles, du fonctionnement du marché local du travail à l’évolution mondiale des cours des monnaies: ce sont tous ces éléments disparates qui déterminent la compétitivité d’une usine installée en Bourgogne par rapport à une usine installée à Singapour pour fabriquer les mêmes composants électroniques. Même en restant dans un domaine strictement économique, la question des échelles territoriales doit donc impérativement être revisitée par la théorie.

Si on sort du champ économique et qu’on prend en compte les phénomènes environnementaux et les dynamiques sociales, le jeu des échelles territoriales devient de plus en plus complexe. Cette complexité de la notion d’échelle est aussi liée au fait qu’on a des échelles de plusieurs natures: il y a l’échelle des phénomènes, il y a l’échelle des processus et il y a l’échelle des actions. Je prends l’exemple du réchauffement climatique qui est un phénomène à l’échelle planétaire. Les processus qui lui donnent naissance se déroulent à des échelles multiples, parfois continentales, comme par exemple l’industrialisation de la Chine et ses conséquences sur la production de gaz à effet de serre.

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Sur le plan des actions, on change totalement d'échelles. Certaines relèvent de décisions internationales, comme les standards de consommation des véhicules automobiles, mais on a aussi des échelles d’actions très restreintes : il faut agir sur tel ou tel complexe industriel, à tel ou tel endroit endroit. Non seulement les échelles territoriales sont multiples mais pour un même phénomène, pour un même objet, l’échelle des processus est différente de l’échelle des phénomènes qui est elle-même différente de l’échelle des actions.

Pour compliquer encore les choses, il ne suffit pas de prendre en compte les échelles spatiales. Il faut aussi penser aux échelles temporelles parce qu’on retrouve là la dualité synchronique et diachronique du développement durable, qui ne peut se penser que dans sa double dimension spatiale et temporelle. Or il n’y a pas de coïncidence entre grandes échelles au sens spatial et grandes échelles au sens temporel. On a quelques fois des phénomènes qui sont à grande échelle au sens spatial sur des périodes extrêmement courtes : par exemple, après l’explosion de Tchernobyl, son nuage radioactif a eu une échelle spatiale pratiquement planétaire, sur un intervalle de temps extrêmement court. Par contre, la pollution de nappes phréatiques par des métaux lourds a une échelle spatiale beaucoup plus restreinte et une échelle temporelle de l'ordre des siècles. Il n'y a donc pas une relation univoque entre échelle temporelle et échelle spatiale.

2- Conventions territoriales et management du développement durable

2.1- Les enjeux du management du développement durable

Dans ces conditions, comment manager le développement durable? Manager, c’est à la fois concevoir, organiser et piloter des actions collectives. C’est la définition aujourd’hui retenue par l'épistémologie des sciences du management qui sont sorties du champ de la seule entreprise pour raisonner en termes d’action collective. Or le développement durable pose des questions particulières étant donnée l’hétérogénéité de ses processus. Nous avions l’habitude jusqu’à maintenant de catégoriser la gestion des actions collectives, en mettant d’un côté, celui de la coordination par le marché, toutes les activités faisant l'objet d'échanges marchands, et d'un autre celles qui relevaient d'une régulation publique. Au moment des grandes illusions de la planification collective, certains ont essayé de soumettre les échanges marchands à une régulation publique, avec le succès que l'on connaît.

Faire une planification du développement durable est totalement illusoire étant donnée la complexité des phénomènes mis en jeu. Nous n’avons et nous n’aurons jamais aucun modèle susceptible de rendre compte correctement de cette complexité, de servir de support à quelque processus global de planification que ce soit. Quant au marché, il est tout aussi incapable d’assurer une régulation globale du développement durable étant donnée la place, dans une telle démarche, de biens collectifs ne donnant pas lieu à échanges marchands. Mais le rôle du marché est surtout limité par la dimension intergénérationnelle du développement durable. On voit mal comment les générations futures pourraient aujourd'hui faire valoir quelque titre de propriété que ce soit sur quelque marché que ce soit. La défense des intérêts des générations futures ne relève manifestement pas d’une coordination marchande, mais d'une régulation publique.

Que faire face au caractère doublement inopérant de nos outils traditionnels, inopérant quant à la nature des processus, inopérant quant aux échelles territoriales auxquelles ces processus doivent être gérés? La disqualification de nos catégories mentales habituelles et des cadres conceptuels dans lesquels nous concevons traditionnellement nos moyens d'action nous oblige à inventer du nouveau. Inventer du nouveau, cela veut dire concevoir des modes de coordination de l’action collective et d’élaboration des démarches communes qui ne se jouent plus sur le registre de la juxtaposition de décisions individuelles logico-rationnelles, mais qui ne soient pas non plus l'expression tout aussi logico-rationnelle de la volonté d'acteurs institutionnels. Pour dégager des stratégies cohérentes

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dans des systèmes d'une telle complexité, il est nécessaire de mettre en œuvre des modes de coordination qui ne nécessitent pas une connaissance exhaustive de l'ensemble des paramètres, dans tous domaines et à toutes échelles, et qui ne relèvent pas de l'autorité d'une instance centrale omnisciente et omnipotente. Il s'agit au contraire de laisser aux individus et aux groupes sociaux leur capacité d'initiative, malgré la connaissance très imparfaite qu'ils ont de la réalité des problèmes, en comptant sur la capacité d'auto-organisation de la société, et notamment sur les mécanismes d'apprentissage collectif, pour garantir les cohérences nécessaires. En d'autres termes, le management du développement durable repose essentiellement sur ce qu'on appelle de façon un peu abstraite des processus cognitifs.

2.1- Conventions territoriales et management du développement durable

Je vais présenter très brièvement ce que l’on appelle la théorie des conventions, car elle me semble être un cadre particulièrement pertinent pour penser le management du développement durable. La théorie des conventions est née précisément du constat que l’économie de marché fonctionnait alors même que ses postulats n'étaient pas réunis. L'optimisation par le marché suppose notamment que les échanges soient transparents, c'est à dire que les agents économiques soient parfaitement informés sur les qualités et les prix de tous les produits concurrents. Tel n'est évidemment pas le cas.

Vous-mêmes, vous allez parfois faire vos courses sur un marché forain. Vous achetez des pommes ou des poires. Vous ne faites pas préalablement d'analyses physico-chimiques vous vérifier si pommes ou poires sont comestibles. Vous ne faites pas davantage une comparaison systématique de l'ensemble des prix pour mesurer l'attractivité du marché par rapport aux grandes surfaces. En outre, il n’y a dans le contrat d’achat que vous passez avec votre marchand de pommes ou votre marchand de cerises aucune garantie écrite. Si vous allez malgré tout sur le marché acheter vos pommes et vos poires, c'est que les échanges y sont régis par un certain nombre de règles auxquelles tout le monde se rallie, même si elles restent largement implicites. Ces règles du jeu non écrites, mais connues et respectées de tous, ce sont des conventions, au sens de la théorie du même nom. Ces conventions partagées permettent des décisions rationnelles et des échanges confiants, quand bien même ne sont réunies ni les conditions objectives d'un choix rationnel (notamment une information parfaite) et ni celles d'une relation confiante (en particulier une bonne connaissance du partenaire).

Les phénomènes qui se situent dans une logique de développement durable ne peuvent être régulés que sur ce registre. Un processus ou une stratégie de développement durable ne peut aboutir que si l’ensemble des acteurs qui contribuent à la démarche partagent un certain nombre de conventions implicites, un certain nombre de représentations communes qui vont rationaliser leurs comportements quand bien même ils n’ont pas une connaissance pure et parfaite, ni même imparfaite de l’ensemble des processus. Et puisqu'en matière de développement durable ce sont les territoires qui « font système », c'est sur le registre de la relation aux territoires, dans l'articulation de leurs échelles, que vont s'instaurer les conventions déterminantes en matière de développement durable. Les conventions territoriales, ce sont les conventions qui font que l'appartenance à un territoire détermine l'adhésion à un ensemble de représentations et de règles du jeu. C'est parce qu'ils partagent ces conventions que les acteurs d'un même territoire ne se comportent pas de la même façon que ceux d'un autre. Ces conventions territoriales, qui fondent l’adhésion des acteurs à la territorialité, ne sont pas de même nature en Bretagne, dans l’Indre ou en Alsace . Elles n'ont ni le même enracinement culturel ni les mêmes manifestations collectives. Elles déterminent des modalités différentes d'ouverture au monde et de solidarité avec d'autres territoires. Elles jouent à des échelles et sur des thèmes spécifiques. Elles procèdent de systèmes de valeur particuliers, qu'elles contribuent à adapter et à perpétuer.

C'est dans ce paysage que vient s'inscrire le dispositif de management du développement durable. Un management sans manageur, puisque nul ne peut prétendre au statut de deus ex machina, définissant le bien commun et régissant l'action de chacun. Un dispositif où c'est le territoire

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lui-même qui émerge comme acteur collectif au delà de la diversité de ses parties prenantes. Un paysage modelé par la convergence progressive des représentations de chacun dans un lent processus d'apprentissage collectif.

Cela nous conduit, en conclusion, à nous interroger sur ce fabuleux concept de développement durable dont je rappelle qu’en 1972, sous le terme d’éco-développement, il était un outil de pacification idéologique entre écologistes purs et développementalistes au moment de la conférence de Stockholm. Ensuite, il est resté une référence essentiellement idéologique, dans ses premiers balbutiements de 1980 à 1990, avant d'être reconnu d’un seul coup comme norme d’action publique lors de la conférence de Rio en 1992, puis de devenir, avec le traité d’Amsterdam d’abord, le projet de constitution européenne et la Charte de l’environnement ensuite, un objet juridique à part entière. Voilà donc une notion qui est passée en quelques années du champ idéologique au champ juridique. Cela n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas eu de façon sous-jacente, très largement inconsciente, une adhésion progressive d’une part croissante de l'opinion à un certain nombre de représentations communes, s’il n’y avait pas eu remodelage de l’imaginaire collectif et création de conventions autour de ces notions et de ces valeurs. Cela nous amène à revenir à la question initiale«Est-ce que les outils de gestion du territoire actuellement disponibles sont pertinents?» La réponse est simple: qu’importe l’outil dans sa dimension procédurale, qu’il s’agisse d’une charte, d’un projet d’agglomération, d’un Schéma de cohérence territoriale, d’un Plan local d'urbanisme ou d'un Agenda 21, la procédure n’est pas importante. Ce qui compte c'est le processus qui va permettre aux acteurs de mutualiser leurs représentations du monde, de passer des compromis, de nouer des transactions territoriales, en d’autres termes, de rendre actives et agissantes un certain nombre de conventions partagées.

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