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Le thème de l'oeuvre lyrique de Théophile de Viau

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Academic year: 2021

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f 1 1 1 , i ~ ABSTRACT Name of Author Tit1e of thesis Department Degree Marie-France Arnaud

Le Thène de l'eau dans l'oellvre lyrique de Théophile de Viau French

X.A.

A une époque où l'on exalte une architecture, aux reliefs t011l"ll1entés et extravagants, où l'on met en sCŒle l'ill.asion de la

vie, où lIaristocratie cède à la mode de l'artifice, où la poésie se voit assllj ettie à toutes ses fantaisies, l'eau appara1t comme l'é1ément privilégié d'une vision dissimŒ1ée et déformée de la

Réalité.

Théophile, poète de C011r, se laissera prendre au. jeu des eat1X et répondra ainsi à l

'esthétique des poètes de son temps. Hais

i l demearera, tout de m&le, en marge de ses contemporains, car, sen-sibilisé, dès. son enfance, a11% beautés de la campagne, i l vouera à

la Nature un amour sincm-e et profond.

n

saura, hélas! trop rare-ment, entrevoir la poésie qui sourd des choses, la rba-ie qui Ddt de la contemplation d'une eau calme et translD.cide.

(2)

Marie-France .Arnaud

Department of French Language and Litera.ture

(3)

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' LE TBEME DE L'EAU DANS

L'OEUVRE LIRIQUE· DE THEOPHILE DE VIAU

MARIE-FRANCE ARNAUD

A thesis

submitted to

the FaClllty of Graduate Studies and Research HcGill UnivEIr'sity,

:in partial fulfUment of the requirements

for the degree of

Department of French

Langaage' and Literatare

~" Master of Arts

1

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llari.e-FrazIce- 19'71 -

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(4)

Pages IB!RODUCT.ION •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 1 CHAPITRE l CIWT.l'RE

n

CHAPITRE

ru

Le Spectacle de l'eau ••••••••••••••••••••••••••••

Les Etendues d'eau.

Les Qaalités de II eau.

Le ~ole de l'eau ••••••••••.•••••••••••••••••••

La }Vthologie et II Invitation onirique.

Le Hiroir, centre de correspondances· cosmiques.

La Poésie de lleau

.•...•..•...

Poésie des eaux, Poésie amoureuse et

Poésie officielle. Poésie autbentiqae de lleau.

11

21

COliCI.lJSIOB ••••••••••••••••••••••••••••••••• • '... •• ••••••••••• 67

BIBLIOGRAP.BIE •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

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INTRODUCTION

Avant de procéder à l'étude du tbse de l'eau dans l'oeuvre lyrique de TbéophUe de Viau, nO?lS nous proposons de considérer les

anté-cédents de ce thœle cbez des po~tes et peœears du si~c1e précédent: . ainsi serons-nous à m@me de mieux juger: de l'approcbe qu'en fera

Théo-pille. Nous nous pencberons successivement sur Montaigne, Ronsard, Desportes; et ne nég1igero!is pas non plus les variantes de ce tb_ cbez Agrippa d'Allbigné.

C'est un lieu CODIIIIllD. que de vouloir exprimer l'inconstance du.

monde et de.la. nature bnmaine par des comparaisons et des métaphores de

l'eau. Cependant i l nous appartiendra moins d'évaluer l'originalité de

ces auteurs - dans le cas présent, Montaigne - que de voir, à travers les caract~es que nous re1~verons dans leurs oeuvres, l'évolution du

tb~e développé.

Cbez Montaigne, pour qui i l existe une étroite corréla.tion entre l'univers sensible et le monde des idées, l'élément concret sert de

support à la pensée. Pour nalS suggérer son aperception métapb;ysique

de l'uniTers, en termes "instabilité et de fuite, i l puisera la matiBe

de ses images dans "le corps-m@me-de la mobilité" (1): l'eau.

(6)

He Baraz note qu'elles "ne sont pas bien fréquentes dans les Essais, !

part les cas oà (justement), ccmme dans De l'inCDllStance de nos actions et dans De la vanité, elles sont appelées par le t h . central CÙ1

chapitre" (1) • Celui pour qui n (la) Nature

pr~c~de

(. • .) de l'in-constancell (2 ), pour qui Ilia vie est un mouvement inégal, iiTégulier

et maltiformell (3 ), élaborera le tNme du "tout change" (4),! travers le symbolisme des

eaux

en mouvement.

n

associe le cara~e fugitif de la vie à l'écœ1ement incessant de 11 eau: "Et; nous, et nostre

juge-ment et toutes choses mortelles, vont coulant et rœlant sans cesse". lIJous n'allons pas; - cHra-t-il encore - on nœs emporte, comme les cboses qui flottent, ores doucement, ores avecques violence, selon que l'eau est ireuse ou bonasse" (5): en ce cas, "l'inconstance de

l'bomme mallifeste sa subordiœtion 1 l'égard de la nécessité univer-selle" (6). Le temps, qui porte tout sal1S retour, lui appara1t "comme

(1) Me Baraz, t l . e et la connaissance selon Montaigne (Paris:

José Corti, 1968), p. 79.

(2) E. Mal"cu, Répertoire des idées de HontajgllB (Genh'e: Droz

1965),

p.

648

0

(3) ~.

(h) J. Rousset, La. Littérature de 11!ge baroque en France (Paris:

José Corti, 1963), p. 230.

(5) E. Jof.arcu, op. cit. p. 6h3 - p. 628. (6) Mo Baraz, op. cit. p. 79.

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en ombre, avec la matière coulante et f'luante tousjous ••• Il (1) • Et

pOUl' qui voudrait saisir llessence de son ~, Montaigne de dire que "ce sera ne plus ne moins que qui voudroit empoigner l'eaull : ainsi eçrme-t-:i.l le symbole d lune réalité insaisissable, qui écbappe à 11 entendement humain. Les eaux impétueuses du torrent lui pet"lllettroDt

de définir llambition dévastatrice de la passion bamaine; de mêne q:J.e les "pointes d l eau fine rejaillies d'un fond... lmonneuxll , le œractàre fallacieux de nos ~.actions publiques". - Ce motif montaignien n'est que .. llesquisse du thème éminemment baroque de l'impossibilité de IIfonder- un

jugement constant et unifol'Jlle" (2) SUl' l'homme. Le Bernin ne répond-i1

~

pas à. Montaigne, en disant: "L'homme n'est jamais semblable à lui-mêlte que lorsqu 1 i l est en mouvement" (3) et ne repr~d.-il pas sa définition

de llhomme lldivers et ondoyant"

(4h

Nous retrouverons chez Ronsard ce m@me recoars A 1 'image des

eaux coulantes poar expr:imer la fuite irrémédiable du temps et l' essence mobile de l'univers, lorsqu'il écrit dans son ~e de la mort:

(1) E. M:lrcu, op. cit. p.

6b3.

(2) E. Marcu, op. cit. p.

6b3 -

p. 90 - p. 62$. (3) J. Rouss~, op. cit. p. u8.

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Mais, tout ainsi que llonde aval des ruisseaux fuit, Le pressant coulemeuli de llautre qui la suit,

Ainsi le temps se coule, ••• Tout coule comme une eau. (1)

Avec dl AIlbigné, cette .intuition dlun monde en variation perpé-tuelle l'amènera à privUégier les métamorphos·es de lleau, ses lldébords ll, déluges et inondations.

n

nous donne une image renversée de llunivers oà cette force de la nature devient "llinstrument de la.puissance divine" (2), repreœnt ainsi le thse biblique du châtiment par les eaux. La nature enti~e est menacée de destruction, d'engloutissement: ce renversement des rapports normaux du Cosmos :impose à la conscience

la devise de lléternel bouleversement des choses. Rien ne dure: c'est

â travers un retour au chaos que d lAJ1bigné exprime sa conscience du mou-vament sans fin de llunivers.

n

fera participer les eaux à un anlmisme universel, elles expr:imeront leur col~e contre la violence humaine qui

les a souillées:

Pourquoi, diront les eaux,

Cbangeâtes-vous en sang l'argent de nos ruisseaux. (3 )

D'AJ1bigné n'en a pas pour autant ignoré la beauté des "ruisseaux dedans

(1) Ronsard, Oeuvres complètes, Tome

n

(Paris: Gallimard, Bibliothçe de la Pléiade, 1950), p. 288.

(2) H. Weber, La Création poétique au XVIe siAcle en France

(Paris: Nizet, 19.55), p. 687. (3) Cité par H. Weber, ibid. p. 633.

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-5-les verdes prees" (1), ni refusé de céder à l'attrait d'une poésie pétrarquiste, o~ la passion de l'amant devient l'eau fertilisante du

jardin auquel i l compare son amour: "Mes yeux ,l'arroseront et seront sa fontaine"

(2).

Ainsi sommes-nous amenés à considérer les images légu.ées par ce

thbe à la poésie amoareuse de la. Pléiade. Desportes dénoncera la

ver-satil.ité de sa belle dont rien ne peut égaler les cbangements par l''t\r-perbole suivante: "La marine est plus arr@tée" (3). De mêne Ronsard de nOllS dire "que clest voulo:ir peindre en l'onde" (4), que c'est donc

vanité et présomption que de voulo:ir confier son amour à la. cruauté de

la femme a:imée. LI image du naufrage sera associée à 11 échec du

soupi-rant alors que celle du port soulignera le succ~s amoureux. Desportes

les réunit en ces vers:

Ce nouv~u, fier de mon dommage Aussit6t se trouve en naufrage

Et me voit au port tout content. (5)

(1) Agrjppa d'Aubigné, Oeuvres (Paris: GalJillN"d, Bibliotb~e

de la. Pléiade, 1969), p. 27.

(2) M. Allem, Antbologie poétique fra!!Çaise,

m,

Tome II (Paris:

Garnier. F1amDarion, 1965), p. 378.

(3) Me IDem, op. cit. Tome II, p. 263. (4) Me Allem, op. ci~ Tome l, p. 289. (5) M. Allem, OP. cit. Tome II, p. 263.

(10)

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La mer agitée ne sera pas sans analogie avec les tourments que souffre l'amant désespéré:

La- mer qui gronde et se courrouce N'écume point en tant de nots, Comme je portais dans la tête, furant l'amoureuse tempête,

D'oragellX tourbillons enclos. (1)

Nous :savons la place que les poètes du me siècle ace~rdaient à la

nature, dans l'expression de lears sentiments. Ainsi rivières et fleuves

deviendront-ils les confidents des poètes. L'appel lyrique de Ronsard,

dans les vers suivants, constitue une formnle consacrée à l'époque:

RiVages torts et sœrces ondoyantes, •••

Je VOllS supply, •••

••• , rivages et fontaines, (2)

••• , dites-le lny' ~r moy.

Les eaux sont alors chargées d'un message amOl1rellX. Une comparaison fort prisée également est ce1.1e des pleurs allX eaux d'une rivière:

"L'eau, sort de mes yellX camae un grand ruis:Jeau" (3). Ces larmes qui proviennent de la passion contrariée de l'amant conduisent les poètes à chérir l'antithèse du "feu. qui se nourrit dans l'eau" (4):

(1) M. Allem, op. cit. Talle II, p. 272. (2) Ronsard, op. cit. TCIIle l, p. 29.

(3) C. Rizza, "Persistance et transformation de l'infiuenee italienne

dans la poésie française de la première moitié du mIe

Siècle", XVIIe Si~e, nO 66-67, 1964-65, pp. 32-3.

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Hélas, vous le vo,yez Je suis et m'en desplait

Trop petit Océan pour si grande lumiâ-e, d'écrire Desportes (1).

TI ne nous faut pas négliger cependant la poésie qui a pu na1tre de la contemplation des eaux. Le ruisseau, la fontaine, que Ronsard et Desportes ont chantés, s'insâ-ent dans un décor palen, deviennent un

élément de paysage apprécié pour sa fra1chear, ses "doux-son(s)", et sa beauté naturelle; pour les bienfaits qu'il prodigue au solitaire, à celui qui recherche loin de la cour, "loin du. tumulte et du bruit popula:ire", un lieu de r@verie,de-jouissance épicurienne et de méditation. Desportes rend gr€ce aux "déités sacrées/des eaux!', Ronsard ame "le cours suivi d'une longlle

~ivià-e"

(2), et le doux

~laisir

que lui procure la p@che •••

M:iis voici un' fragment de poème oa le spectacle des eaux coulantes,

d'11Ile nature :ilmm1able, provoque chez Ronsard un sent1ment de mélancolie devant la précarité de son @tre:

(1) C. Rizza, IIPersistance et transformation de l':influence italienne

dans la poésie française de la premiâ-e moitié du XVIIe Si~cle", XVIIe Si~cle, nO 66-67, 1964-65, pp. 32-3. (2) Me Allem, op. cit. Tome II, p. 267 - p. 265 - p. 266.

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-8-Ondes, sans fin ValS promenez

Et vous menez et ramenez

Vos flots d'un cours qui ne séjourne;

Et mOl sans fa:1re long sejour Je m'en vais, de nniet et de joar,

.Au lieu d'où plus on ne retourne. (1)

Ces eaux sero%Iti aussi l'objet de réminiscences ntYtbolggiques. Tout un peuple de Dieux dont la présence non seulement les anoblit mais encore les rend plus fa.:m;li~es à l'homme et plus conformes au monde désiré

par le po~e, 1 habiteront.

Al.lmentant les symboles d'inconstance et d'instabilité, four-nissant des sges à une thématique de l'amour et de la œture, l'eau fera na1tre une r@verie semblable chez Théophile, différemment orientée cependant. Car à une époque o~ l'on portait un intér@t plus profond

aux beautés de la nature, Théophile et ses contemporams éprouvaient pour l'eau un attrait magique. IIPas de' pay'sage sans eau" (2): telle était la devise du temps. Les jardiniers louaient les flressources infi-niesll des fontaines et pièces d'eau Pen matim-e d'ornementation".

Boy"ceau ne disait-il pas dans son Traité du Jardinage, en parlant des ruisseaux: "cette vivacité et mouvement semblent astre II esprit plus vivant des jardinsll; il suivait.en cela les préceptes dlAndré Mollet,

(1) Ronsard, op. cit. Tome l, p.

544.

(2) J. Rousset, op. cit. p.

ru.

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qui avait introdait dans les parcs "les fontaines, parterres à eaux, canaux et ruisseaux" dont llagencement, et les ornements qulon Y' ajou-tait - arrlmau et divinités polychromes - "(formaient) le jard:in de plaisir parfaictu• ns se donnaient donc pour tâche non seulement dl imiter mais de perfectionner la nature et de recréer ainsi, au sein des villes, tous les agréments "dlune retraite délicieuse" (1) à

l':ima.ge d'un décor champêtre aux aspects a_bles. Ainsi que nous l'in-dique Me Rousset (2), les

~ands

prenaient un plaisir toujours plus vif pour les fêtes navales qui s 1 accompagnaient de tœtes les fi.:,CPUres mythologiques de li eau; et les scénographes tentaient d l introdaire 11 eau sous toutes ses formes, au théâtre. Mlle Mic Cann nous signale également,

à travers

mamts

exemples, la source :infinie de plaisirs que prodiguait un cours d'eau aux romanciers de li époque. En matière de poésie, li eau est "centre de métaphores et de métamorphoses" (3), elle ne pouvait que fasciner une génération qui tendait vers une vision de la réalité

à travers tout un réseau d'éléments imaginaires, génération en quête de merveilleux. Alors que l'avenir apparaissait sous de meilleurs auspices,

(1) Ces différentes citations sont empruntées à:

Mlle G.L. !tic Cann, Le Sentiment de la nature en France dans la première moitié du XVIIe si~le (Paris: 1926),

pp.

h():lJ.

(2) cf. J. Rousset, LIIntérieur et llExtérieur (Paris: José Corti, 1968),

pp. 184-5.

(3) E. Micba8l.sson, IIJ,lllau, centre de métaphores et de métamorphosesn, Orbis Litteraram, XIV, 1959.

(14)

cette société mondaine affectioDDait tout partical.im-ement -les pemtares idéalisées de la. vie rustique - 1'on peut en juger par ].a faveur dont jouissait L'Astrée - et n'appréciait qu'une nature apprivoisée, façonnée

par 1 : homme. Le po~ se co~ormera aux go4ts de son époque, 11 eau

représentera p01Jr lui une ~ie d'acc~ à un univers masqué, séduisant par

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le. fait qu'U mit d'un débridement de forces :imaginatives qui surpren-nent et dépaysent consta:lDent le lectear.

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Toutes les références à Théophile, qui apparaissent entre parentbèses dans le corps de la rédaction, sont

(tirées de l'édition critique, avec introduction et commentaire par Jeanne Streicber.

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CHAPITRE l LE SPECTACLE DE L'EAU

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LES ErENDms D*EAU

Chez Théophile, 11eau sera 110bjet d'une peinture, d'une suite

de tableaux quant à ses aspects les plus variés, allant dll plan réel ail plan imaginaire. NOlls pOlU'Tions noas demander en premier 1iell qlle1-les sont qlle1-les étendlqlle1-les d l eall qui composent ses paysages.

Nolls ferons en ce sens llne première observation; la nette pré-férence du poète pOllr les "eallX dcuces" ~r opposition aux "eaux saléesll

,

où i l ne voit qu lun spectacle d Ibostilité - ce qui semble être une

cons-tante dans la poésie de cette époque. En effet les images de la mer et de l'océan nous en évoqllent tOlljours l'aspect agité. ~es étendues dl eall

restent secollées de tempêtes terrifiantes; Théophile donnera dans le gol1t baroque du chaos, du pbénomène grandiose et surnaturel; i l écrit, en sladressant à l'biver:

Car eusses ta porté l' abysme, Jusques où nous levons les yenx,

Et dlun desbord prodigienx

Trempé le ciel jusqa'à la cime,

(I, 37).

n

en parle également en ces termes: -"la mer saavage" (II, 192), "cet element si barbar.e" (I, 186). DI1 fait de son éloignement, de sa

situation à llextérieur des terres, la mer demeure mal comme et ne

cadre pas avec l'univers quotidien et familier du poète; elle n lappar_

(18)

avait contribué à faire apprécier tons las charmes et dont seront

tribu-taires toute une autre génération de poètes et romanciers. Théophile

garde de la mer l' iniage d'une puissance que l 'homme ne peut dompter, i l

est encore en proie à la peur primitive de l'immensité de l'océan et ne

peut en saisir l'infinie grandeur.

n

ne craindra pas de reprendre

tou-tes les exagérations poétiques

à

la mode: les tableaux des tempêtes et des naufrages auxquels s'exposent lino chers et mattelots Il. -Voilà que

~ •• Mille niatelots,

Ne rencontrent que des tombeaux, (I,

36).

Les nochers ont trouvé le port,

Sur les rochers de leur naufrage. (I, 46).

L'image de la mort passe au travers des flots,

Dans les coeurs endurcis des plus fiers matelots. (I, 74).

CI est le spectacle du néant de l 'homme en face de celui qui règne sur les flots. Car i l nous est présenté, cet élément, sous les traits traditionnels de Neptune, lIeffroyable" (I, 74), 'escumant' et gron-dant, faisant gémir "toute la terre" (I, 74).

n

y est fait allusion

à la divinité marine, Thétis dans l'ode Sur une tempeste, toujours dans le même esprit de la cruauté et de la violence des eatlX. CI est surtout l'inconstance des flots, leur sournoiserie qui fournit un thème à Théo-phile: même au fort de la bonace, dont il ne nous parle que pour mieux traduire la tra1trise de 11 élément, IlPar un silence affreux ce trompeur nous menace" (I, 74).

n

s'écrie devant le soulèvement des nots, après une brève accalmie - où i l sacrifie à l' œge des traditionnels

(19)

o

Alcyons - : "Dieux que la (mer) est infidele!" (l, 126) (1). Elle lui suggèrera, en outre, une série d'images conventionnelles dont la naissance de Vénus, le déluge que vit Deucalion, le monstre Scylla ainsi que certaines pièces poétiques où "(L)'Ocean est doux comme les

eaux d']llphratell (l, 179) - éléments dont nous étudierons la valeur

plus avant.

Comment donc pourrions-nous dire que Théophile avait lIun goftt marqué pour la mertl , ainsi que le fait Y.LIIle Mac Cann dans son volume sur Le Sentiment de la nature en France?

n

a saris aucun doute apprécié.

IIL'océan, ses vagues, son calme, ses rivages" (2), mais il n'en laisse rien paraître dans son oeuvre.

n

peint plutôt, pour reprendre l'ex-pression de M. Lebègue, "les yeux rixés sur l'Odyssée et llEnéide" (3)

n

est loin d'égaler Saint-AllIant et Tristan L'Hermite qui ont su nous brosser de la mer des tableaux réalistes, empreints d'un certain pitto-resque local. La mer, cette masse

••• Qui void les deux Poles

Dont se mesure l'Univers, (II, 123)

où les neuves se trainent et se perdent, n'a fait de Théophile qu'un

(1) J. Streicher cite: tlDieux que la mort est infide1e! ", en accord avec les oeuvres publiées en 1621. Celles de 1622-23=:26

comportant "la mer". (2) Mlle G.L. M;;l.c Cann, op. cit. p. 108.

(3) R. Lebègue, "Quelques thèmes de la poésie ~que au temps de

(20)

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"poète de cabinet".

n

nia pas su, en ayant vu la mer, apprécie!:' les

beautés particulières de cet élément.

n

faut croire qu'en cela, notre

poète restait fidèle aux gollts de ses contemporains qui ne pouvaient s'émouvoir devant les spectacles grandioses et impressionnants. -- Elle restera même bien longtemps dans 1'esprit des gens, un lieu lié à un sentiment d'horreur; Madame de Sévigné nous rapporte l'effroi que lui inspirait cet endroit où lion j etait les personnes mordues par des chiens enragés (1) •.

Ce sont surtout les cours d'eau irriguant l'intérieur des te!:'Tes, ceux des parcs et des jardins, qui jouiront chez Théophile d'une certaine faveur. S'inscrivant dans un décor riant, à la mesure de l'homme, ils seront une source dl inspiration plus personnelle.

n

golltera les char-mC3 et la rêverie qui naissent de ces eaux coulantes et paisibles.

"La fiere cheute des torrents" (n, 216): c'est là le seul détail qulil nous donne de ces eaux turbulentes; il ne comporte pas d'intérêt particulier. Théophile ne semble pas avoir pris p1ais:ir à nous décrire, ainsi que certains de ses contemporains, des eaux po1y-morphes, non plus que des cascades, chutes et eaux en mouvement. Les

sources sont peu citées, à peine trois fois, pour désigner "Les sources

(1) Remy de Gourmont, Promenades littéraires ne Série (Paris: Société du Mercure de France, 1906), p. 163.

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,---de Fontainebleau" (II, 8), pour évoquer "L'eau (qui) ,---de sa naturelle source" (II, 42), se ramifie par la suite en ruisseaux; et finalement celle où vit la Na.!ade (1).

L'observation des abords des ruisseaux et des rivières a valu à Théophile de très belles images qui mettent en valeur son talent d'animalier, et qui nous précisent, en outre, la technique descriptive du poète - qu''-,O.·"deMourgues qualifie de "vision m.Yope" (2).

n

portera en effet ses re~rds sur un objet particulier et tentera d'en peindre les détails avec minutie. Ainsi le tableau du cerf se mirant dans l'eau, celui du héron qui

••• Contemple au bord des ruisseaux La bize contre sa coustume,

Soufner la neige sur les eaux, (l,

35) •

.

Les ruisselets prodiguant leurs eaux fertilisantes aux prés et donnant pâture aux animaux; leur fond clair où Théophile peut obser-ver les "cailloux bigarez" et "l'herbe y (croissant) jusqu'à leur gra-vier" (II, 42); leurs murmures, ont :cetenu l'attention du poète.

n

nous faut remarqqer que Cl est souvent par ces détails que le poète nous

suggère le pas~age des saisons: le renouveau, par la fonte des glaces,

l'été, par "(les) rivages ( • • • ) verdissans" (II, 42) des ruisseaux,

(1) ,cf. la Solitude, 1ère Partie, p. 17.

(2)

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de Mourgues, Metaphysica1, Baroque and Precieux Poetry

(22)

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. l'alltomne, par IIles flleilles sechesll courant sur Ille front de l'eall"

(II, 165), l' hiver, par lita nassaille (= nacelle) attendant le flllXlI

et les poissons "Enchassez en l'argent de l'onde." (I~ 35-6).

n

ne retiendra pas les "jaillissanent(s) et retombée(s), (les) bonds et rIlptures" (1) des fontaines; il s'éprendra se\llement de lellr sllrface colorée et l:impide où se jOlle le reflet. Elles sont l'élément de décor d 'Iln jardin 011 d 'Iln parc:

NOlls estions dans ün cabinet

Encèint de fontaines et d'arbres, (II, lç;2).

Théophile ne manquera pas cependant de se remémorer Peall d'Hypocrène

et la fontaine de Castalie.

Les fleuves demeurent inséparables des images conventionnelles de la mort; nOlls trollvons fréquetllllent des allllsions ail IIfleu.ve des morts" (l, 24), allX "flellves des tenebres"

(n,

224), ail "Cocite"

(n,

72)

et aux IIflet1ves sombresll

(n,

8) de l'enfer. Théophile reprendra de m@me

le nom d'autres flellves fabuleux tels le Gange, le Tage, le Pactole dont nOlls verrons pllls tard la signification.

Ce COIlrS d'eau, sous le nom de Garonne et de Lot, appartiendra dès lors à son terroir et Théophile d'en évoquer des scènes d lun cer-tain pittoresqlle.

n

nous lègue une seille :image sur le pêchear qlllil a

(1) J. Rousset, La Littérature de l'âge baroque en France

(23)

peut-être aperçu sur les bords de son fleuve natal. Peinture d'un homme au labeur acharné, de condition misérable:

(Ce) peschear en se morfondant Passe la nuit dans ce rivage, Qu'il croit estre plus abondant . Que les bords de la mer sauvage.

n

vend si peu ce qu'il a pris Qu'un teston est souvent le prix Dont il laisse vuider sa nasse,

Et; la quantité du poisson Deschire par fois la tirasse

Et n'en paye pas la façon. (II, 192).

Une autre évocation, digne d'intérêt, tirée de ses sruvenirs, celle des cris des mariniers rEmontant le

fieà.ve:

Et j 'orray plaindre les graviers,

Et repartir l'escho du fiElllve

Aux injures des mariniers.

(n,

192).

Ce sont là des éléments qui dénotent chez Théophile un intérêt plus profond pour un certain réalisme dont nous verrons plus tard la valeur. La. Garonne, ctest le souvenir d'un paysage fertile et généreux; de "prez" libéralement arrosés par de "petits ruisseaux", bordés de "saules espais"; de "longs promeno:irs" (II, 25-8); des nes. Les abords du fleuve sont bienfaisants et paisibles.

La description du "fleuve Loir" lui vaut de même des 1mges

précises et non sans un certain pittoresque. S'il y associe la rêverie

mélancolique et solitaire d'un amant, il nous foarnit une peinture de

l'arrière-saison et le détail de l'onde qui "Souffre sans mnrmurer le fardeau des carosses" (II,

n),

de " ••• ces publiques eaux/Dont le dos nuict et jour est chargé de bateaux" (II, 74): allusion au commerce

(24)

(J

fluvial.

n

y a donc chez Th~ophi1e, de temps à autre, des échappées sur la vie réelle. Le sent:iment qu'il a de la nature le pousse hors des sphères régies par le beau style et élargit ainsi son champ visuel au-delà des fades conventions.

n

nous reste à considérer les eaux stagnantes: marais et

maré-cages, répugnants "{d' )humidité" (l, 135), qui restent liés, pour

Théo-phile, à l'hostilité de la nature. Lorsqu'il nous évoque les forêts

mys-térieuses où Diane "(Erre) aux sombres marescagesll (l,

14),

ou qu'il

nous décrit l'hiver - très peu en faveur chez lui - pendant lequel

"Les champs ne sont que des marests"::{I, 35), par conséquent symboles de stérilité, il s'agit toujours d'un cadre fort peu apprécié du poète.

Quel sort réservera-t-il à l'étang, qui est en fait une eau

stagnante?

n

sEmble très favorable au spectacle des eaux tranquilles

de celui du parc de ChantilJ.y.

n

nous faut donc réserver une place à

part à cette étendue, qui ne saurait figurer dans la catégorie

précé-dente. M. Steele écrit qu"'à l'époque des illustres Bergers", il existe une

po~sie

"des pièces d'eau, des étangs" (l), car leur surface

miroi-tante sera uncprélude à l'observation des phénomènes de la réflexion de

la lumière. '{Ce) goat pour les eaux transparentes", silencieuses, paisi-bles "s'accompagne d'un goat plus général poar la solitude" (2) • Le

(l) A.J. Steele, "Aspects de la poésie de l'eau au XIDe siècle", CAIEF, lt'

6, 1954,

p.

57.

(25)

o

poète y trouvera une retraite sent:imenta1e et pourra "se livrer à la rêverie gratuite" (1). Cette eau ca.lm.e qui dort, "majestuell(se)" (II, 147), au sein d'une nature sereine sera a:imée pour la fraîcheur qu'elle prodigue alentour et sllggèrera au poète les tableaux charmants des "amours Il au bain et des ébats gracieux des Na!ades... Ce sera un

lieu d'élection pour la spéculatliôn mythologique et la recherche. d'une

autre ouverture sur la réalité. C'est dans cet étang de La Maison 'de Silvie que nous trouverons le sens de la rêverie de l'eau chez Théophile.

liA l' :image de l' eau jaillissante et fuyante, symbole de la vie en mou-vement", i l a préféré "celle de l'eau dormante et miroitante" (2) qui a la vertu de susciter l'imagination par les inf:imes variations qu'elle peut subir.

(1) A.J. Stee1e, art. cité. p.

63.

(2) R. Lebègue, art. cité. p. 21.

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(26)

C)

LES QUALITES DE L'EAU

Après avoir analysé la nature des eaux, nous nous proposons maintenant de considérer leurs qualités. Nous ne pouvons pas parler

d'une appréciation des couleurs et des nuances chez Théophile. Ce poète

oJ

n'a rien du regard d'un coloriste.

n

n'y aura pas, à proprement parler,

d'adjectifs de couleur, i l puisera la matière de ses coloris dans la

gamme des métaux et des pierres précieuses. La seule couleur,

claire-ment indiquée, est le rouge, que le poète associe au sang: "Et le sang fit rougir la Loire" (l, 169) - :image chère aux poètes des guerres de

religion. Dans le fait qu'il n'abstrait pas la couleur de la matière,

qui rest~ ainsi étroitement associée à l'objet, nous reconnaissons

qu'il sacrifie à la mode du temps: à l'imitation de la somptuosité et de l'éclat des décors intérieurs où l'on prodiguait "marbre, or, argent, pierres précieases"; tels seront les éléments de la palette de Théophile.

La valeur de ces métaux en fait un facteur d'embellissement.

n

nous évoquera "l'argent de l'onde" (l, 36), "deux ruisseaux d'argent" (II, 141), où le métal donne non seulement une indication de couleur

-en ce cas le blanc éclatant - mais suggère encore l'idée d'une parure.

Le cristal traduira de préférence à.a transparence de la surface d'une fontaine: ainsi écrit-il,II{Le) beau cristal de nos fontaines" (II, 119); pais, "ce cristal !ondu" (II, 165), :image assez séduisante que l'on peut

(27)

rapprocher du "crys~l liquide" de Tristan. La pierre préciet.1se ne sert

plus ici d'ornement, elle "se fait" eau, en lui prêtant sa qualité de limpidité, autrement dit l'eau s'identifie à llobjet concret. Le rap-port entre le substantif et l'épithète pea.t mieux Si expliquer si l'on

sait qu'au XVIIe siècle le cristal était considéré, :pa.r les savants, comme de l'eau congelée. Les i'ontaines sont sOIlvent "toutes peintes d'azur" (l, 181) - couleur, comme le remarque B.T. lhbois qui désigne rarement le ciel (1)

~

ou bien "peintes des

~ons

du jour" (l, 181). Notre poète semble préférer dans le second cas délimi:ter les zones de

lumière plutat que de poser les couleurs.

n

noas précise par son voca-bulaire l'aspect pictural de sa description: art décoratif perçu en i'onction du plaisir qU'il peut apporter à l'oeil.

Théophile s'est plu à observer la réflexion sur les eaUX:

l'étang de Chantilly prendra "l'esclat dlune coal.ea.r d'yvoire" (TI, 149)

au passage des n Amours" - en ce cas également il. cbercbe la matière noble et 11 eau devient substance absorbante; le soleil. fera luire de l'or sur le Tage, "(Couvrira) l'azur d'une rivière / Des richesses de

l'Orientn (TI, 205), et sèmera ses "teinturesa sur lIJ.es petits flots

(1) cf. E.T. Dabois; "Some Aspects oi' Baroque Landsca.pe in French Poetry oi' the Early Seventeentb Centu...,y", The Journal of Aestbetics and Art Criticism, vOï: 19, 1960-61, p. 257. 1 1 ! i t

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de verre" (II, 167), où ce ·nouvel élément concret, symbole de la fragi-lité et de l'apparence changeante, ne peut pas miel1X exprimer, en même temps que le miroitement, le glissement rapide, instable et infini de la lumière. Nous serions donc en droit de nous attendre à trouver les tons renétés par les "beaux rivages verds" (II, 214) des ruisseaux, mais nous notons que Théophile pc;>rte" un intérêt plus grand à l'éclat, aux j eux de la lumière qu'aux notations précises de la nuance colorée.

n

ne s'est pas engagé dans la voie des appréciations directes de la sensibilité; il ne décèle pas l'intensité et les variations des teintes. Lecpaysage environnant ne penchera sur les eaux que son ombre, et".·'Théo-phile de se plaire à imiter le "chiaroscuro" des peintres italiens:

Les rayons du jour esgarez,. Parmi des ombres incertaines Esparpillent les fel1x dorez

Dessus l'azur de ces fontaines. ·(II, 165).

Nous voyons à travers les divers éléments de sa description, à

savon- le recours à la pierre précieuse~- qui n'est pas excessif chez

Théophile comparativement à Tristan ou Saint-Amant: ceux-ci raffinent

à l'excès l'expression des couleurs et chérissent particulièrement les

objets brillants - et la technique du tlchiaroscurotl , la rivalité qu'il peut exister, à l'époque, entre la poéSie et la peinture. La poéSie

cherche à :imiter, à égaler même l'esthétique des peintres.

Saint-Amant en parlera lui-mêne comme d'une tlpeinture parlante", Théophile multipliera à dessein les termes de tableau et de peinture dans la

(29)

o

désignation d'un poème. n trempera sa plume au "Pactolell (II, 22),

\I(passera) des crayons dorez ll (II, .137) sur tcnt ce qu'il a de plus . cher. En suivant le faI:leux précepte d'Horace, lIut pictura poesisll , les

poètes ont décrit la nature, lès eaux, indirectement, par l'intermédia~e

d'éléments qui leur faisaient perdre contact avec la réalité et qui exaltaient en eux le goQt du spectacle et du Beau.

Pour ce qui est de la texture de l'eau, nous relevons l'expres-sion lice crespe sombrell , appliqué à l'étang de Chantilly, où à l'idée

1

de couleur, de profondeur s'allie celle de texture. L'étoffe - choisie

pour sa richesse - se prête bien à l'::image d'une surface:J.isse, et légère. Elle répond bien à sa fonction d'anoblissement des eaux où se baigneront "mill'amoursff • Théophile cherche à définir des secteurs lumineux, dont les rapports sont basés sur le contraste, lorsqu'il

écrit: lins brillent dans ce crespe sombrell (II, 149). A la lumière

sc:intillante évoquée par le verbe et ses sonorités, se fond le motif d'une ombre mystérie1se, d'un silence profond des eaux.

L'image de Il (la vitre liquide) Il (II,

142),

l'association du solide et

du fluide,n' est pas pur hasard, cette antithèse entra1ne la notion d'une eau habitée par des êtres marins. LI eau pour Théophile, c'est l' Il

(élé-ment moite)1I (l, 36), llhumide"; il lui opposera l'eau sèche, sans llhumi_

dité, DY" poixll (II, n) quand elle sera durcie·par l'hiver. Le

(30)

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ou ''mur de glace" (l, 36), dont " ••• tous les flots (étaient) transformez en marbres" (II, 71). Ces exemp1~s nous permettent d'insister une fois de plus sur le vocabulaire concret du poète, qui recherche dans la matière un symbole de dureté, d'opacité, d'immobilité parfaite, pour nous représenter l'eau gelée. L'eau· se pétrifie en accord avec les éléments qui l'environnent, s'incorpore à eux. Dans le dernier cas, la froideur ainsi que la coulellr de ].a glace sont empruntéesà l'ornemen-tation des édifices. Notons cette image empruntée au règne végétal, celle des "escorces dureS" (II, 165) des ruisseaux, unique dans la poésie de Théophile.

n

comparera les flots à une ''molle littiere"

(II, 141), il écrira "les ondes moles" (II, 123) où l'épithète suffit à nous suggérer la texture.

Quant aux vocables relatifs aux bruits de l'eau, ils demeurent assez restreints: ''bruicts'', ''murmures'' et peut-être un élément plus rare "roulemens". Ce sont surtout les sonorités des vers que Théophile

a su ma1triser. Ainsi la reprise des 'r' liquides reproduira la

mé1o-die des eaux en harmonie avec le cri de l'an:ima1 et ressortira d'ilIle manière insistante par contraste avec le silence du lieu, très bien

évoqaé par les sifflantes:

Dans ce val solitaire et sanbre,

Le cerf qui brame au bruict de l'eau, (l, 16). La. répétition des Ir' produit un effet analogue, dans les vers

(31)

sui-vants: "Si les ruisseaux en murmurant ••• " (II, 140); liCes murmurans ruisseaux. Il (II, 207).

Le bruit musical et agréable des fontaines sera ainsi rendu: .( ••• ) les paisibles roulement

Du beau crystal de nos fontaines. (II, 179)~

Le glissement des "s" n'est pas sans exprimer la délectation du poète pour la ligne onduleuse de la musique des eaux: "Ouyr comme en songeant la course d'un ruisseau," (l, '12).

Cette première approche du thÊme de l'eau nous a permis de constater une prédilection, chez Théophile, pour les eaux claires et translucides. Nous n'avons,en effet, rencontré aucun passage, dans nos lectures, relatif à la description d'eaux sales ou troubles.-Notons cependant les images correspondant au bourbier et auxquelles le poète convie le sens moral traditionnel. Pas d'eaux noires égale-ment, il réservera cet épithète à la malice de la nature humaine où à

l'obscurité pénible des liaxx clos, et préférera la notion d'eaux

sombres. Mêne en nocturne - dans l'ode ID de La Maison de Silvie

-la lumière prédomine.

Retenons enfin l'importance toute particulière qu 1 il donne

aux eaUX dormantes, eaux des parcs et des jardins, ornées de figures mythologiques, miroirs où entrent en conflit dans un décor enchanteur les divers éléments de la nature; seuil d'une rêverie cosmique. Eaux

(32)

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.

créatrices dlune infinité dlimages, dlun spectacle dont i l nous appar-tient d'étudier maintenant les divers s,y,mboles.

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CHAP.ITRE II LE SYMBOLE DE L'EAU

(34)

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LA MYTHO~IE ET L'INVITATION ONIRIQUE

La. lt\,Ythologie de l'eau est abondament représentée dans les poèmes de Théophile. Tributaire des poètes de la Pléla.de, i l

y

recher-chera, tout d'abord, une forme d'expression, un style échappant au vulgaire. Cette attraction pour le langage lt\,Ythologique traduit chez ce poète une' volonté dl intensité dans 11 expression; du sublime; de

l'exceptionnel.

n

en viendra dans sa poésie dynastique ou dans sa

poésie galante à un style de louange POlllPeux et artificiel, â une

exa.lta~ion outrancière des sentiments; reprenant ainsi tous les poncifs

littéraires du temps. Théophile se veut bien-disant,' et se plie par

là-m&te à l'usage et aux exigences de la liBelle Cour".

Pour louer la valeur insigne de son protecteur, notre poète a recours à ce héros des mers, Enée, dont i l nous parle en ces termes:

Et les lasches accens d'une voix estonnee Ne t 10nt point faict gémir comme faisoit AEnee,

Bien que moins rudement Neptune l'assaillit, (l, 74).

Dans le m&te ordre dl idées, i l écrira ce vers à l'intention de son ami

poète Tristan, partant alors en voyage: IIThetis ne frapera ta nef qu1en la flatant," (l, 127). S'adressant au "Royll,

Neptune resjoay de vos succez heureux,

Rendit de vostre nom tous ses flots amoureux, (I, 174). Les Princes de la Cour seront déSignés sous le nom de "Nautonniers ll devant lesquels " ••• les vagues s timmilient/Par tous les lieux de

(35)

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L'onde où (ils veillent) passer." (l, 179).

n

se pla.!t à recréer cette atmosphère d'irréalité dans "Les Princes de Cypre::.;" où 11 cherche à

eXpr:imer la soumission des princes· révoltés par une transposition de la réalité. dans une spnère fabuleuse.

Les trois nea.ves "qui roulent de llor", le Gange, le Tage et le Pac-tole lui fourniront les images suivantes où Théophile se fera "poète de 11 extériorité" •

n

dh-a an Comte de Candale: "Est:illle ton mérite 11 vaut miea.x que le Gange." (l,

l2).

Dans une élégie à Cloris:

Ma. passion destine une oea.vre à ta lo!ange

Qui te doit plaire mieux que les tresors du Gange, (n,59).

n

écrira. encore:

TIl verras une plume au Pactole se teindre,

Et dlune lettre dlor graver selon mes voea.x

Hon ame entrel.assee avecques tes cheveax. (II, 22).

n

ne renoncera pas, dans Sa poésie amoureuse, à tous les

lieux cammms relatifs à la passion délirante de l'amant. La barque

des enfers, la figttre du Grand Nautonnier abondent principalanent dans la première partie de son oeuvre.

La Se:ine est 11 Acberon,

••• Et chaque boume Charon. (l, 153).

Halade au lict dl où je ne sors Je songe que je vois la Parque, Et que dans une mesme barqa.e

(36)

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Blois est l'Enfer pour 11101', le lDire est le Cocite:

Je ne suis plus vivant si je ne ressuscite. (II, 72).

La divinité née des eaux, Vénus, devient pour lui le symbole de l'infi-délité ainsi qu':U appara1t dans ces vers:

Llinfidelité me desplaist,

••• Or Venus si ton doux nambœu Fast venu d'ailleurs 'que de l'onde,

Sans doute il'eut eSté plus beau. (l, 21).

Mlis cette déesse fera aussi de Théophile ce "courtisan qui natte poar subsister Il ; s'adressant aux "Reynes":

La beauté qui 1I1e fit aymer Me destina Reyne des ames,

Et me dist que j e .ceder~is

A vos yeux qu' elle.a faict mes Rays.

Et parlant du solell,

-LI estonnem:ent- qu'il' eut aux Cieux,

Lors que je me levay de l'onde, Je le ressens devant vos yeux,

Qui sont les plus beaux yeux du monde: (l, 117).

Une fois de plus, i l se prête à un style sophistiqué et mondain.

n

n'hésitera pas à se comparer à Jason afin d'exprjm~ à sa dame la

fidélité de ses sentiments et la tenacité de ses voeux, malgré '''ce monde de poursuivans" qui l'entoure:

Ce renommé Jason n'eust jamais eu sa proye

Sill eust craint la mer rq les vens. (l, 170). Citons encore ces vers:

Si je voyais le jœr que veit Deucalion,

(37)

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••• Je verrois ces dangers 'avecques moins d l emmy'

Qa.e les maux, violents, qa.e.. je sollffre auj.Qurd~buy,

Pour un mauvais regard que m1a donné mon Ange, (l, 32).

La ~hologie de l'eau ne se bornera pas à cette poésie

con-ventionnelle. Nous retrouverons dans ses PSY'sages une rêverie

mytholo-gique étroitement associée à la poésie naturelle des eaux. Théophile

semble cependant se rallier aux théories poétiques de Du Bellay"

-ce dernier urecommandait(par exanple)aux poètes dl écrire: 'Depuis ceux

q1li voient premiers 'rougir l'aurore, jusques là. où Thétis reçoit en ses 1 ondes le fils dl Bypérion1 , pour dire (simplanent): 'depuis l'Orient

jusques à 'llOccident' Il (1) - dans l'usage fréquent de l'allégorie du

char d'Apollon ~u cours de ses descriptions des levers et des couchers

de soleil, qu'il fige ainsi sur un socle ornemental; son ode Le Matin débute sur ces mots:

Et; le soleil lassé de boire,

Commence son oblique tour. Les chevaux au sortir de l'onde,

De flamme et de clarté couverts,

La bouche et les naseaux ouverts,

Ronflent la lumièr.e du monde. (l, 13).

Au début de l'ode II de La Maison de Silvie, il écrit:

(1) P. .Alboay, ~hes et JVthologie dans la littérature française

(38)

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Un soir que les nots mariniers Apprestoient lear molle littiere

Aux quatre "rouges lmonniers

Qui sont au joug de la. lmniere (II,

lhl).

Pouvons-nous dire, ainsi que le fait H. steele - quant à

l'époque contEmporaine de Théophile - , que "l'expérience de la nature", nous précisons l10bservation des eaux, est souvent "contrariée et

déformé"en par un;;jeu perpétuel de l1esprit? (1) En d'autres mots, i l

semblerait ql1~ la m;y"thologie place un écran entr e l'bomIIle, le poète

et la nature. Nous allons nous pencher sur la. fonction que lui attribue Théophile. Se réSlllllera-t-elle à un "ccmplexe de eulture": IIsemali-sation toute visuelle, artificielle, pédante" de l' eau, "évocation plus ou moins livresque des na!ades et des D3JIlPhesa , tels sont les pro~

pos de M. Bachelard (2) •

Dans une suite d • odes intitulée La !faison de SUvie, Théophile, U est vrai, sacrifiera à °la folie pa!ezme". Les div1nités matines font leur entrée successive dans ce parc de CbautUly' dont le poète célèbrera la. paisible beauté.

n

est juste de penser que ces Tritons, . Na.!ades et autres babitants des eaax peavent ni &tre que de simples

"ornements inoffensifs et surannés" (3) • Ces représentations ne

cons-(1) A.T. Steele, art. cité. p. 67.

(2) G. Bachelard, L'Eau et les r@Ves (Paris: José Corti, 1960), p.

48.

(3) J.C. Payen &: J.P. Cbauveau, La poésie française des origines à 1715 (Paris: Armand Colin, Coll. U, 1968),

(39)

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tituent pas un élément original dans la poésie des eaux chez Théophile. Ses prédécesseurs ont illustré abondamment cette vision de la nature mêlée aux souvemrs de l'Antiquité. L'on peut ne voir, dans cette perception des choses, qu'une tentative de recréer la réalité, d'en transgresser les lirdtes, en la divinisant et par là-m&te en la cOlllblant des plus riches atours. Riviâ-es, sources et étangs seront une 'occasion de rêve et de beauté 1, ils seront soumis à une idéalisation et seront dotés de puissance onirique.

Ici, la vision des Tritons '''An travers leurs vitres liquides,"

(n,

14a),

celle des Na!ades,

Là, les Amours "(Faisant) la. guerre aux Nereides, Il

(n,

149),

Melicerte et Sc,ylla.

Antant dl"éléments conviant l'animation! un décor, ou s~lement person-nifiant le mouvement du spectacle des eaux; autant d'éléments pouvant dé-payser, surprendre et séduire le lecteur.

Cependant, si ces images donnent l'impression de surcharger une

pi~ce d'eau, si elles ne résultent pour certains que de l' mtation des

~rnements arcbitecturaux des jardins, elles auront; cependant une vertu

particulière, chez Théophile, si nous les replaçons! l'intérieur du

poème et ne nous contentons pas de les citer hors de leur contexte. L'allusion lIUtbologique gagne en éclat et ~ beauté, quand elle se mêle étroitement et habilement au plan réel de façon! produ1re le choc

de deux univers. Par cette interdépendance des deux plans nait la

(40)

o

Da~ llode La Solitude, Théophile jouera du contraste: i l

f~a entrer en sc~e le cerf, notation réaliste ~is'. la Na.!ade, élé-ment imaginaire.

n

revivifie le réel en assoc:iant le 'I!l11rmU1"e des

eaux au chant de la na!a.de. Le heurt de ces deux strophes, aux

carac-tères opposés, nous définit une caractéristique de sa peinture: la

technique impressionniste grâce à laquelle, par touches successives,

i l réussira à former autour de tout paysage cette atmosphère noue qui

est le propre du r~e.

Dans cette même pièce, appara1tront deux images où lleau

dis-pense le désir d1un jeu:

Si tu mottilles tes doits d'yvoire Dans le crystal de ce ruisseau, Le Diea. qui loge dans ceste eau,

AymeJr8. s 1 il en ose boire. (l, 21).

/

Suivons l.\!.image en expansion; 11 encba.~entent des "doits d Iyvoire" au crystal de ce ruisseau" puis au Dieu de l'Onde.

n y

a un agrandisse-ment de 11 image, une cohabitation progressive de deux réalités dont la

prendère, par le principe de l'entbellissentent - il s'agit ici d'un

recours à la matière noble de la pierre préCieuse - annonce la seconde.

La d.euxi~e ode de La Maison de Silvia insiste de même sur

l'in-trusion, ici brutale, dn 1I.1.Vthologique, et sa fusion avec le réel;

Théo-pbile nens dit:

Je panchois mes yeux sur le bort

D'un lict où la Naiade dort (II,

142).

(41)

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-34-L'art de Théophile est, avant tout, "de nous proposer une évasion heureuse" (1).

n

sait créer une rêverie cbarmante et agréable.

n

nous présente ainsi l'étang de Cbantil.ly:

Un estanc dort là tout auprès,

ca

ces fontaines violentes Courent, et font du bruit exprés Pour esveiller ses vagues lentes.

Lay d'tm maintien majestueux .

Reçoit l'abord ~~etueux

De ces Na!.ades vagabondes, Qai dedans ce large vaisseau Confondent leur petit raysseau

Et ne discernent plus ses ondes (II" 147).

Les déesses sont alors associées aux nots des ruisseaux qui s' écoulent dans l'étang. L'élément réel du paysage, les mouv9!'l!ents puis le ~lnte·

retrouvé des eaux, se fond avec l'image de ces êtres lIIM'ins. Voici un autre exemple oa Théophile convertit l':bItage perçue en un l'lotir

lTI;1tho-logique, qui ajoute quelque agrément au spectacle:

Là Melicerte, en un gazon

Frais de l'estanc qui l'environne, Fait aux Cygnes une maison

Qai luy' sert aussi de couronne (II, 147).

S'il nous parle du Monstre Scylla, c'est pour mieux nous faire sent:h- la douceur paisible de ce parc. Dans ce cas également, Théophile nous dépeindra dans la lI\@!I!e strophe deux tableaux: celui des oiseaux,

(42)

o

et de

(Qui) nlont ja!!IB.is veu leurs couvees Souler les sanglants appetits

Du serpent qui les a trouvees, Ce 1IIons~e •••

••• qui dlun gosier gemissant Faitt tOlllber llame dn passant

Dedans llembusche de ses larmes (~, 148), dont le rapprochement inattendu ni est pas sans créer la surpriSe, 11 étonnement, ainsi qu lune certaine délectation :intellectuelle chez le lecteur. Cette succession de tableautins, ce passage.dlun objet â un autre, cette pëinture pointilliste en m&te temps qu 1 Us créent le . pittoresque, tournent l'être tout entier vers un monde que t'on désire

cbangeant, instable, et sans cesse renouvelé.

Le tableau des AlIlours au bain, p011r citer un dernier exemple,

par la simplicité du ton, par la notation de déta:i1s concrets ne nous donne-t-:i1 pas, malgré la fiction poétique, llillusion du vrai:

La gazon garde quelques fojs Le bandeau, l'arc et le carquois 1;1e mill 'amours qui se despofüllent Al' ombrage de ses roseaux

Et dans 11 bulItidité des eaux

Trempent leurs jeunes corps qui b.of1111ent. L'estanc lear preste sa fraischeur,

La Na!a.de leur verse à boire

(n,

148). Encore une fois, nous insistons sur la fluctuation des deux

plans: réel et i.onag:imire, qui prodigue aux eaux un cbarl!le 'fII8.gique et qui nous amène â penser que l'allusion ,qtho1ogique n'est pas pur orne-1!lent (1). S'il trahit souvent la pri."II&uté dn décor, i l i."IIPlique la

(1) sauf dans les cas cà elle s'inscrit dans le cadre d'une poésie officielle: dans Les Nautonniers, principalement.

(43)

o

corrélation de deux visions et sait s'incorporer au paysage.

n

ne fait aucun doute que l'allusion au "jeune cocherll, "Qui fit jadis

brasler. le monde." (II, 149), semble une surcharge au poème mais nous verrons plus tard que Théopb:lle ménage, par ce b:iais, l'entrée de "Cycnus" dont nous étudierons l'interprétation qu'il en donne.

(44)

o

LE KmOm, CENTRE DE CORRESPONDANCES COSlfiQUES

Me Rousset souligne dans son ouv.rage L'Intérieur et L'Extérieur,

la faveur dont jouissait le mlroir ~s l'ornementation des jardins, dès

les premières années du siêcle. L'on tentait, par 1 ~agencement ingénieux

de miroirs, de capter èt d 1 amplifier le mouvement des ealIX, de Iim1lt~lier"

à llinfini "les points de we" de façon Il rendre 1'illDsiDn d'un décor féérique; ou bien de donner "une vision récapitulati..eD d'une piêce d'eau.

Ainsi le miroir joue-t-il le r61e de "redoublement décaratif'l.

n.

~"-bolise également une surface où s 1 entrem~lent des jeux d'illusion, où se

de~e "l'apparence insaisiâsable" d'un univers en perpétu.el. mouvement. Cette tentative de restructuration du décor ambiant - Il l'aide

dlun artifice - se retrouve chez les po~es qui décœvrent en l'eau

dormante "le creuset d lune nouvelle création" (1); fis Y transposeront

\

leur vision de l'univers dans un registre particulier à 1ear perception

des choses. Quelle sera la première ~onction du

moir

des eaux?

n

donnera "un raccourci de tous les Elements" (2), oà le pœt;e telrtera, peut-être,. de cerner l'idée d'une réalité supérieure. De par sa. surface

(1) 'fous ces exemples sont tirés de:

J. Rousset, L'Intérieur et LIExtérieur (Paris: José Cart!, 1968),

pp. 200-20h. (2) Jo Rousset, op. cit. p. 205.

(45)

10

1

1 1 1

t

10

1

1

-38-transparente et limpide, l'eau deviendra créatrice d'images. Seront-elles révélatrices d'une anomalie des structures et des apparences du

monde? Théophile insistera-t-il sur le P011voir déformant du lIdroir? Les eaux de ses paysages recueilleront "l'ombrelt des objets alentour; elles reflèteront l'immobilité paisible' d'un monde qu'elles pancalisent alors qu'elles en assimilent les divers attributs. Substances absorbant les éléments, elles les c011leront en lear univers fluide et leur rendront une :image enrichie de ses qualités propres: l'eau IIFait pendre le crystal des roches et des bois, Il

(n,

71). Le paysage vit

alors en symbiose. La réflexion de la lune sur les flots a valu à

Théophile une très belle image - vivaiite, non seulement par le rappro-chement séduisant des plans mythologique, astrologique et réel, mais

encore par l'aspect mouvant du reflet, que nous suggm-e le motif du bain. Diane quitte son Berger

'Et s'en va lA-dedans nager

Avecques ses estoilles nuês.

(n,

149).

t'eau sera dotée, en outre, de la faculté d'animer un élément.

Théophile nous dit aimer ces " ••• miroirs flotants/

ca

l'objet change tant de place,"

(n,

1la.): le poète se laisserait ainsi portér

par le bercement du reflet. Agttéés du moindre souffie, les ondes dans~,

Et font danser tout à l'entour

t'ombre des roseaux et des saules. (II, 149). De ces échanges - le paysage offrant son mage à l'eau qui lni pr@te à

son tour le mouvement qui l'anime - mit une :interdépendance, une parti-cjpa.tion des deux éléments du décor. TI:r a prolongation, harmonisation

(46)

-o.

.

()

1 .

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dlun univers dans l'antre, et 1 1idée dlune vie secrète au sem de l'unité

créée.

Les créatures aimeat à l' contempler leur :image: le miroir des

eaux devient une invite an dédoab1ement~ puis au narcissisme. Le

dou-b1e reflété reste cependant inoffenSif, en ce sens qu'fi ne gagne pas

son entière autonœie - nous songeons à 11 image da rossignol de Cyrano

de Bergerac qui, use mirant dans 1leau" croyait rry apercevoir un rivaJ." (1)_ Chez Théophile,

Le cerf •••

Pancbant ses yeu dans un ruisseau,

S'amnse à ·regardèr son ombre. (1,"16),

.

-étonné,peut-3tre, par cette fantaisie des eaux, par son image

insai-sissab1è, iilcompréhensib1e. Se donnant a:insi à 1ear miroir, le cer:t symbolise la complicité deS &tires et des choses. L'eau qui reflète

1la~ence .de ce qŒi n'est pas elle, représente une possibili:té d'écbap- .

par à la destinée physique, à la pesantear. Elle slalourdit d'ombres,

de fOl'2lles ilIIIIatérie1les qui trahissent une approche de l'~e invisible de l'univers.

Le fait que l'anima' "slaDlllse" (2) est davantage révélatear d1une séduction de l'image que de ce qu'elle peut :impliquer d'illnsoire.

(1) E. Micba!lsson, art. cité. p. 137.

(2) ns'amnsen est pris dans le sens de ~s·occnpen.

(47)

---~~~---

-40-Le miroir des eaux, oeil de la nature, rend compte de la Beauté, de l'Amour qui .sourd de l'union des choses; nous n'y trouvons pas la préoccupation de la fugacité de l'·image. Théophile~. écrira dans san Elégie l une Dame, qu'il veut 'employer toute une heure à (se) mirer dans l'eau," (l, 12).

n

y a, sans aucun doute, dans ce vers beaucoup plus que le seul désir de

se vojr; le po~e semble Vouloir affirmer sa volonté d'échapper l la so-ciété. L'impression que nous laisse ,Théophile n'est autre que "la con-quête du calme If '(1), que l'attitude rêveuse d'un poète jouissant de son état de liberté ~nquise. Ce profond désir de retour sur soi, pour mieux

faire abstraction du reste du monde, se limite au plaisir d'accéder l une certaine authenticité, de se vouloir renet de l'univers. L'homme cherche

à se déf1nir par rapport au monde, i l cherche à se l'apprOprier et pour ce faire, i l en épie les signes, les images afin de créer cette apparte-nance sereine et volonta:tre au Cosmos.

Théophile ne se méfie pas du double, du renet trompeur: Si

Mon-taigne a perçu, dans cet élément fluide et mouvant, le ca.ractàre épbém~e

de toutes choses terrestres, Théophile nous l8l"a1t exprimer, au

contrair9,

le sentiment d'une nature immuable, malgré les apparents changements qu'elle peut sub:ir. L1univers projeté dans l'eau est fait d'ombres fugaces, de

de l'éparpillement momèntané de la lumière; notre poète en retiendra

(1) G. Bachelard, L'Eau et les rêves (Paris: José Corti, 1960),

(48)

o

-41-surto\lt le caractère d'écœnges, momentanés sans doute, mais suffisants· pour lui découvrir la vérité de l'jnstant qui passe, dans lequel fi trouve l'éternité des choses. En considérant la révélation d'une parcelle de

temps, sans cesse différemment renouvelable, i l a la certi:eude d'un fait: sa présence. Dans ces mlroirs se joue l'amalgame des éléments jusqu'à une dissolution totale en une grande unité. Les vers suivants nous

ren-dent compte des correspondances de la nature que le poète cherche à

ex-pr:imer: nous parlant du s·oleil sur les eaux, il écrit: Son or dedans l'eau confonda.,

Avecques ce cristal fondu Mesle· son teint et· sa nature, Et;. seme son esclat mouvant Comme la branche au gré du vent

Efface et 1I\8.l"que sa peinture. (II,

165).

Son don visuel saisit ici la vivacité, le mouvement des éléments. Le

rapprochement des mots dans "son esclat mouvant", n'est pas sans pro-duire un effet de délectation et de fascination pour lloeil en même temps qu'il traduit·.l'interpénétration de la lumil!re et da. mouvement.

n

ne s'aventurera pas cependant aussi loin que le Père L~oyne

ou Du Bartas qui. affectionnaient les rapports inédits et se plaisaient à décrjre la confusion des êtres, insistant de la sorte sur les méta-morpboses constantes qui sont le propre de la nature de notre univers.

IILes êtres ambigul!s" (1), intermédian-es: ainsi lImage de l'oiseau

(49)

o

na.geant dans les forêts ou celle du poisson volant dans les cieu, ne toucheront pas la sensib:ilité de Théophile; non plus que la. séduction d'une description "conceptiste" des eaux, dans une optique pur.ment littéraire - M. Micba8lsson cite à ce propos le pont de Georges de Sœdéry. Ce gottt. de l' illusion, du tranpe-l'oeil, "ce plaisir de l'incertitude (et) du quiFOquOu (1) n'ont pas droit de cité dans

ses poèmes: aucune hésitation pour lui à discerner le "vrai (de)

l'imité" (2), idée qui a- fasciné nombre de poètes dont Saint-Amant,

da~ son pose, La Solitude~ où il est dit sur le miroir d'une eau:

Le . soleil s'Y' fait si bien voir,

y contemplant son beau visage,

QIl' on est quelque temps à savoir Si c'est lui-mke, ou son image,

Et; d'abord il semble à nos Y'6IlX

QI1 'il s'est laissé tœber des ciœx. (3)

Le miroir des eaux offre donc à Théophile, non pas une disloca-tion des formes de l'univers ni l'image d~ leur instabilité; i l est lié chez lui à une viSion sereine de la nature. Pourvoit-::U la réalité d'un dou-ble idéalisé? Certes non. Son intention n'est autre que de le

subor-(1) J. Rousset:, L'Intérieur et l'Extérieur (Paris: José Corti, 1968), p. 204.

(2) Idem.

(3) H. Allem, Antbologie=érî:e fran~e, XVII, Tome l (Paris:

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