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Manuscrits enluminés "autour d'Hildegarde"

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Manuscrits enluminés ”autour d’Hildegarde”

Florentine Mütherich

To cite this version:

Florentine Mütherich. Manuscrits enluminés ”autour d’Hildegarde”. Cahiers du CRATHMA (Centre

de recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge), Université de Paris X-Nanterre, 1987,

Actes du colloque ”Autour d’Hildegarde”, V, pp.49-61. �hal-03038877�

(2)

MANUSCRITS ENLUMINÉS 'AUTOUR DE H IL D E G A R D E '

Une exposition de manuscrits présentée il y a une vingtaine d ’années, porta le titre de «Aere perennius» 1 , et c’est un tel «monumen- tum aere perennius» q u ’un m anuscrit a érigé à la mémoire de la reine Hildegarde. Si son nom est a ujou rd ’hui fam ilie r non seulement aux historiens, mais aussi à ceux qui s’occupent de l ’a rt du Moyen Age, c ’est parce q u ’il est ins­ c rit dans un des plus fam eux manuscrits parmi ceux, qui nous soient parvenus de cette époque. C ’est l ’évangéliaire de Godescalc2 , écrit entre 781 et 783 à la cour de Charlemagne par un fam ulus, un serviteur du roi, comme l ’indique le poème de dédicace3 :

Hoc opus eximium Franchorum scribere Carlus Rex pius egregia HUdgarda cum coniuge iuss/t.

L ’œuvre se montre digne des destinataires royaux. La riche décoration ornementale et figurative en est tém oin : matériaux précieux, parchemin pourpre, lettres calligraphiques en o r et en argent, encadrements garnissant les pages, ornements des initiales et su rto u t six m i­ niatures en pleine page au début du texte (voir ci-dessus, p. 00).

Cette décoration de l ’évangéliaire de Go­ descalc est bien connue4 ; il s u ffit de rappeler que, dans l ’histoire de l ’art, ces ornements in d i­ quent l ’abandon du répertoire d ’animaux et de feuillages d o n t s’é tait servi le V ille siècle, q u ’ils signalent son remplacement par des formes géo­ métriques, abstraites, ou des rinceaux classi­ ques, et enfin que la décoration figurative — les miniatures de la Fontaine de Vie, des quatre évangélistes et du Christ — renouent avec les tra dition s de l ’art fig u ra tif de la Basse A n tiq u i­ té, avec le style illusioniste de figures trid im e n ­ sionnelles placées dans la profondeur de l ’espa­ ce. Que Godescalc et ses collaborateurs n ’aient pas toujours com plètem ent réussi à atteindre ces objectifs, q u ’il y a it des erreurs, des mala­ dresses, ne change en rien l ’im portance du principe et du programme que nous reconnais­ sons dans les pages de ce livre, cet «opus exi­ m ium », comme Godescalc le nomme dans ses vers, conscient, se m b le-t-il, lui aussi, que c’était bien une production extraordinaire q u ’il avait créée selon l ’ordre du roi.

L ’évangéliaire présente une valeur extra­

ordinaire pour l ’histoire de l ’art, puisqu’il mar­ que le début de ce que nous appelons la «Re­ naissance Carolingienne». Sa place à la charniè­ re de deux époques permet de le considérer de deux points de vue : celui du fu tu r et celui du passé. Le fu tu r, c ’est l ’apparition brillante de l ’art carolingien, d ’abord l ’ École de la Cour de Charlemagne, q u ’instaure cette série de manus­ crits somptueux d o n t l ’évangéliaire de Godes­ calc est le premier. Le passé, ce sont les quinze années qui s’étaient écoulées depuis l ’accession de Charlemagne à la royauté, c’est-à-dire les années qui nous occupent ici : l ’époque «autour de Hildegarde». L ’évangéliaire de Godescalc marque la fin de la vie de la jeune reine. C’est la date de sa m o rt, en 783, qui donne un terminus ante quem pour le manuscrit d o n t elle avait o r­ donné la confection avec le roi, cela après 781, année du voyage en Italie m entionné dans le poème de dédicace. La désignation «autour de Hildegarde», concerne donc l ’histoire de l ’enlu­ m inure au cours des douze années q u ’Hildegar- de passa à la cour, et, si l ’on veut, les treize an­ nées antérieures, dès sa naissance en 758. «A u­ to u r de Hildegarde», c ’est l ’Alémanie de son enfance, ce sont les palais de la cour royale, d ’une cour itinérante qui suivit le roi jusqu’au Sud de la France et jusqu’à Rome, mais qui avait aussi des demeures favorisées comme Hers- tal, Diedenhofen, Metz, ou W orm s5 . Dans ce cadre chronologique et géographique, il faut chercher le chem inement au terme duquel se trouve l ’œuvre de Godescalc. La signification de ce chem inement ne peut être démontrée de manière plus instructive, que par la comparai­ son des miniatures de l ’évangéliaire avec celles de l ’autre m anuscrit du V ille siècle pourvu

(1) Aere Perennius. Exposition Staaiiche B iblioth ek Bam ­ berg 19 53.

(2) Paris, B ibliothèque N ationale, Nouv. acq. lat. 1 2 0 3 ; cf. Kar. M m . Il, p. 22 ss., pl. 1 ss. — V . ci-dessus p. 0 0 , J. V E Z IN , Les Livres dans l'entourage de Charlemagne et d ’Hildegarde.

(3) M on. G erm . Hist. Poet. Lat. I, p. 9 4 s. (4 ) Kar. M in. I l , p. 22 ss.

(5) A . G A U E R T , Zu m Itinerar Karls des Gro(3en, Karl der Grope I, Düsseldorf 1 9 6 5 , p. 3 0 7 ss.

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d ’une décoration semblable et que nous rencon­ trons au début de cette période : les Évangiles de Gundohinus à A utu n , datés de 754 6 . La tâ­ che était comparable à celle de Godescalc : ici aussi, des scribes et peintres francs devaient reproduire des images du Christ et des quatre évangélistes repris d ’un modèle plus ancien, mé­ diterranéen, lui-m êm e d iffé re n t de celui dont le peintre de l ’évangéliaire de Godescalc se servit presque trente ans plus tard, mais représentant, comme l ’autre, la tra d itio n de l ’art de l ’antiq u i­ té ta rd iv e 7 . Cependant ce que le peintre des évangiles de G undohinus peut o ffr ir n ’est q u ’ une faible im ita tio n , une copie insuffisante qui n ’a pas compris les moyens d ’expression a rtisti­ que du modèle. La qualité médiocre de ses illus­ trations correspond à celle des initiales et de l ’écriture ; la manière d o n t une grande composi­ tio n de l ’a rt antique, le Christ trônant entre deux anges, se trouve répétée ici en une expéri­ m entation que tente une main incompétente et mal entraînée, est une dém onstration de la dé­ cadence don t souffre l ’a rt fig u ra tif dans cette période. Le résultat n ’est pas très d iffé re n t de celui du peintre de Corbie, qui au début du VI Ile siècle, a tenté de décorer le texte de son manus­ c rit par un p o rtra it de saint Jérôme 8 . On com ­ prend que les miniatures des évangiles de G un­ dohinus sont, comme cette figure de saint Jérô­ me, des œuvres sans conséquence, et que ni l ’une ni les autres n ’o n t eu d ’influence sur leur époque. Au manque d ’instruction, de discipline et de qualité qui caractérise le style des évangi­ les de Gundohinus, il fa u t ajouter, comme W il­ helm K oehler9 l ’a constaté, le manque total d ’un principe cohérent. Or ce sont précisément des différences, qui distinguent le manuscrit de Gundohinus de celui de Godescalc.

Que s’est-il donc passé pour q u ’on parvien­ ne de l ’un de ces deux manuscrits à l ’autre, pour q u ’on arrive de Gundohinus à Godescalc? Que s’est-il donc passé «autour de Hildegarde» ? Nous ne connaissons que la m oitié de la répon­ se, c ’est-à-dire que nous savons la raison de cette transform ation fondam entale, sa force m otrice : la politiqu e de réform e de Charlema­ gne. Pour la réaliser dans la vie intellectuelle, spirituelle et religieuse, il fa lla it des livres : des livres pour l ’école et pour l ’église, des livres avec de bons textes, des manuscrits corrigés,

«bene em m endati», écrits par des scribes ex­

perts, exécutés soigneusement, «cum o m n i d ili-

gen tia » pour q u ’ils soient dignes de servir à la

liturgie, «ad missarum sollem pnia» suivant les termes de V A dm onitio General is 10. Godescalc appelle le roi dans son poème «studiosus in arte

H brorum », et son évangéliaire peut dém ontrer

ce que Charlemagne com prenait, quand il demandait «omnis diligen'tia».

On devait donc, à la cour carolingienne, s’intéresser à la production de manuscrits qui correspondissent aux ordres du roi. Mais nous sommes ici en présence d ’un des problèmes les plus graves et les plus d ifficile s de l ’histoire de l ’art, celui des origines de l ’École de la Cour de Charlemagne. Nous ne possédons pas avant l ’évangéliaire de Godescalc un seul manuscrit enluminé qui puisse être attribué à un atelier travaillant à la cour ou qui en soit même con­ tem porain. Des sources littéraires nous trans­ m ettent des mentions de livres, perdus, mais eux aussi n ’o ffre n t aucune p rise 11. Nous con­ naissons un manuscrit de la Vita sancti Lamber-

ti, écrit en or, avant 784, qui était l ’œuvre d ’un

«aurigraphus» Godescalcus, diacre de l ’église de Liège : on est ju stifié d ’id e n tifie r celui-ci avec le scribe de l ’évangéliaire, écrivant, ici aussi, en or, mais pas un m o t n ’indique une d é c o ra tio n 12. Un m anuscrit sûrement attesté pour avoir été é crit à Worms, en 780, par un membre de la cour, Adam , famulus du roi comme Godescalc, contenait la Grammaire de Diomède, certaine­ ment dépourvu de d é co ra tio n 13. On peut ad­ m ettre que le psautier qui selon la tra d itio n avait appartenu à la reine Hildegarde et que Charlemagne donna en sa mémoire à Saint- D enis14, avait été p ro d u it à la cour. « Litte ris aureis scriptum », il peut avoir été un manuscrit enluminé comme une dizaine d ’années plus tard deux autres psautiers décorés : celui,

au-(6 ) A u tu n , B ibliothèque M unicipale Ms. 3 ; E .H . Z IM M E R - M A N N , V orkarolingische M in iaturen. Berlin 1 9 1 6 pl. 7 8 -8 4 .

(7 ) Pour le m odèle du codex Gundohinus cf. L. Nees, The illustrations o f the Gundohinus gospels. Diss. Harvard U niversity 1 9 7 7 (sous presse).

(8 ) Leningrad, B ibliothèque S a ltik o ff-Schedrine, Ms. Q .v .l. N ° 13, fo l. 3v ; Zim m erm an n , 1 ,c. pl. 8 8 b .

(9 ) W. K O E H L E R , Buchmalerei des frühen M ittelalters. Fragm ente aus dem Nachla/3. Ed. E. K itzinger, F. M üthe- rich. M unich 1 9 7 2 , p. 100.

(1 0 ) M on. G erm . Hist. C apit. I, N ° 22 , p. 5 3 ss. (1 1 ) M o n . G erm . Hist. Poet. Lat. I, p. 8 7 ss.

(1 2 ) M o n . Germ . Hist. Script, rer. M erovingicarum V I , Passio- nes vitaeque sanctorum aevi M erovingici, ed. B. Krusch- W. Levison. H a n n o v e r-Leipzig 1 9 1 3 , p. 4 0 6 . R. W itte , Catalogus Sigeberti Gemblacensis m onachi de viris illus- tribus. B e rn -F ra n k fu rt 1 9 7 4 , p. 87 . B. Bischoff, Die H o fb ib lio th e k Karls des Gro(3en, M ittela lterlic h e Studien I I I , S tu ttg a rt 1 9 8 1 , p. 1 5 9 s.

(1 3 ) M o n . G erm . Hist. Poet. Lat. I, p. 93 .

(1 4 ) L. D E L IS L E , La vraie chronique du religieux de S ain t- Denis, Journal des Savants 1 9 0 0 , p. 6 1 3 , 6 1 7 . V E Z IN , ci-dessus, p. 00 .

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jo u rd ’hui à Vienne, que le scribe Dagulf écri­ v i t 15 et l ’autre, perdu que son élève Deodatus «scripsit et ornavit» 16.

Il nous reste donc seul l ’évangéliaire de Godescalc pour docum enter l ’existence d ’une école d ’enlum inure à la cour au temps d ’Hilde- garde. Si l ’on cherche hors de la cour des traces que Godescalc et ses collaborateurs pourraient avoir laissées, c ’est dans l ’écriture de quelques manuscrits de la région rhénane et lorraine, entre Metz, Wissembourg et Lorsch q u ’on a reconnu leur in flu e n c e 17. Il s’agit là de la ré­ gion autour de Worms, où il fa u t chercher la cour dans ces années et où existent, outre le voisinage géographique, encore d ’autres rela­ tions avec l ’entourage du roi. A Wissembourg, elles s’e xpliquent par la personne d ’ Erember- tus, en même temps évêque de Worms et abbé du m onastère18. A Lorsch on trouve Richbod, élève d ’A lcuin 19, et Metz a pour évêque Angil- bert, chancelier de Charlemagne, autour duquel Wilhelm Koehler a assemblé un p e tit groupe de manuscrits m on tran t des relations avec l ’écri­ ture de Godescalc 20.

Ces œuvres, plus tardives que celle de Go­ descalc, co nfirm e nt le rôle central de la cour dans l ’histoire de l ’écriture carolingienne. Mais quant à leur décoration, la situation est bien différente. Les formes modestes des manuscrits de Wissembourg ne perm ettent pas de compa­ raison. A Lorsch, on trouve des initiales com ­ posées d ’anim aux, d ’oiseaux, d ’entrelacs mon­ tra n t des influences insulaires21. Seul Metz o ffre aussi des traces d ’une influence des éléments décoratifs de Pévangéliaire. On utilise encore le répertoire habituel de l ’époque, mais il est déjà, plus ou moins, lim ité aux entrelacs tandis que régressent les m otifs d ’animaux et de poissons, fa it d ’autant plus sig n ificatif, q u ’il s’accompa­ gne de l ’existence, rare, il est vrai, mais claire­ ment démontrée, de formes qui appartiennent au vocabulaire ornemental de Godescalc22 : dans les Tables des Canons de la grande Bible 23 — perdue comme les autres manuscrits de ce p e tit groupe depuis la dernière guerre — appa­ raissent les petits carrés ornementés qui sont, eux-mêmes, un des m otifs caractéristiques de la décoration de Godescalc, dessinés aussi avec un peu d ’or. Mais comme dans l ’écriture, ces reflets ne peuvent pas expliquer les formes de leur source. L ’évangéliaire de Godescalc reste pour nous un phénomène isolé «autour d ’H il- degarde».

Si du cercle de la cour et de ses environs on se tourne vers le pays natal d ’Hildegarde, on se souvient s u rtou t de l ’aide et du soutien q u ’ elle donna à l ’un des monastères alémaniques

d o n t le nom se rangera parmi ceux des centres les plus fameux dans l ’histoire de l ’enluminure du Moyen Age : la monastère de Reichenau24. Mais la célébrité de Reichenau remonte à une époque plus tardive et les débuts modestes de l ’école n ’apparaissent même pas avant les der­ nières années du V ille siècle25. La même situa­ tio n se présente ailleurs. Le fam eux codex «Rachio» de Strasbourg ne date que de 7 8 8 26 ;

à Saint-G all, on trouve des manuscrits du temps d ’Hildegarde, mais avec un simple décor provin­ cial, comme les livres des Prophètes et un Gré­ g o ire 27, où rien n ’annonce encore l ’importance fu tu re de l ’école, ni aucune trace d ’influence de la cour. L ’Alémanie n ’o ffre rien qui puisse être mis en relation avec l ’art de Godescalc, ou mê­ me lui être comparé.

Négative est même la réponse, si nous éten­ dons la notion «autour d ’Hildegarde» encore plus loin : au royaume don t elle était reine. On y rencontre des scriptoria et ateliers tels que Corbie, Laon, ou Chelles, pour ne nommer que les centres les plus im portants. On y avait essayé, il est vrai, d ’arrêter le déclin et de m ettre un terme au désordre et à la barbarie du V ille siè­ cle pour produire des manuscrits de bonne qua­

ds) Kar. M in . Il, p. 4 2 ss„ pl. 3 1 - 3 2 . Der Goldene Psalter. «D ag uld -P salter». Vollstàndige Faksim ile-Ausgabe im O rgin alfo rm at von Codex 1861 der Osterreichischen N atio n a lb ib lio th ek . K om m entar K. H O L T E R , Graz 1 9 8 0 ; cf. p. 54 ss„ 7 3 ss. sur les notices légendaires des X V e e t X V I le siècles postulant une relation du psautier avec la reine Hildegarde, impossible pour les raisons chronologiques.

(1 6 ) M o n. G erm . Hist. Poet. Lat. I, p. 9 2 s. Pour le te xte cor­ rect du poèm e cf. L. DE L IS L E , N otice sur un manuscrit de l'église de Lyon du temps de Charlemagne, Notices et E xtraits des manuscrits de la Bibliothèque N ationale et autres Bibliothèques 3 5 , 1 8 9 7 , p. 8 4 0 s.

(1 7 ) B. B IS C H O F F , Panorama der H andschriftenüberliefe- rung aus der Z e it Karls des Groj3en, M ittela lterlic h e Stu- dien I I I , S tu ttg a rt 1 9 8 1 , p. 6. Id em , Lorsch im Spiegel seiner Handschriften. M unich 1 9 7 4 , p. 26.

(1 8 ) E .A . L O W E , Codices L atin i A ntiqu iores, Suppl. O xfo rd 1 9 7 1 , p. 2 9 , 1768. (1 9 ) B IS C H O F F , Lorsch, 1.c. (2 0 ) Kar. M in . li t , p. 97 ss. (2 1 ) B IS C H O F F , Lorsch, 1.c. (2 2 ) Kar. M in . I l l , pl. 50 , 51. (2 3 ) Ib id ., pl. 51.

(2 4 ) Jahrbücher des Deutschen Reiches unter Karl dem Gros- sen, hgg. von S. Abel -B. Simson, 2. A u fl. Leipzig 18 88, S. 48 2 .

(2 5 ) B IS C H O F F , Panorama, 1 .c., p. 21 s.

(2 6 ) O . H om burger, Ein vernichtetes D enkm al merowingis- cher Buchkunst aus frühkarolingischer Z e it, Festschrift R .H . Hahnloser, Basel 1 9 6 2 , p. 1 8 5 ss.

(2 7 ) S t G all, S tiftsb ib lio th e k, Ms. 4 4 , C L A V I I , N ° 8 9 9 ; Ms. 11, C L A V I I , N ° 8 9 6 .

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lité, bien écrits et même décorés28. Nous con­ naissons les moyens différents et changeants d o n t on usait, variant non seulement d ’un mo­ nastère à l ’autre, mais parfois d ’un groupe à l ’autre en un même lieu. Vers le milieu du V ille siècle, des œuvres comme la fameux Sacramen- taire gélasien de Chelles à la Bibliothèque Vati- cane29, le saint Augustin de Laon de la B ib lio ­ thèque Nationale 30 ou l ’Ambroise écrit pour l ’abbé Leutcharius de C o rb ie 31 avaient été le f r u it de ces e fforts ; ils présentent, avec leur décor de feuillages et d ’animaux, l ’enluminure précarolingienne dans sa meilleure form e. Mais ce niveau ne se m a in tin t pas, et dans la période qui nous intéresse, entre 770 et 780, on trouve à Laon comme à Chelles des œuvres médiocres, comme, exemple caractéristique, les évangiles de la Bibliothèque de M ontpellier provenant de Chelles32. C’est seulement à Corbie sous la d i­ rection de l ’abbé Maurdramnus 33 que l ’on con­ tinue de produire des manuscrits im portants. Leur écriture présente une minuscule particu­ lière, et leur décoration a remplacé les feuillages exubérants des manuscrits du temps précédent par des formes graphiques fermes et sobres, en un genre qui durera jusqu’au début du IXe siè­ cle. L ’œuvre corbéenne la plus im portante de cette décade est l ’édition de la grande B ib le 34 d o n t cinq volumes nous sont parvenus, entre­ prise ambitieuse qui permet au vocabulaire nouveau de se déployer amplement. Mais ces m otifs ornementaux des manuscrits de l ’abbé Maurdramnus appartiennent à la tra d itio n pré­ carolingienne, et caractéristique est, alors, l ’ab­ sence d ’illustrations figuratives. Même lorsqu’il s’en trouve, plus tard, comme dans le psautier d ’A m ie n s35, faisant partie d ’ensembles orne­ mentaux, elles seront liées aux formes graphi­ ques des initiales, telles que nous le connaissons dans l ’art insulaire. Durant cette période, un peu avant et autour de 780, c ’est le Sacramen- taire de Gellone, attribué à M eaux36, qui pré­ sente ce système ornemental, consistant à lier la figure à la form e graphique de l ’initiale, dans maintes variations. Cette dissolution et cette annulation des catégories différentes d ’orne­ m ent et d ’image, q u ’on perçoit aussi dans les évangiles de Flavigny où les figures sont placées dans l ’architecture de l ’arcade37, s’oppose clai­ rement aux principes régissant les miniatures de l ’évangéliaire de Godescalc qui, elles, présentent la figure humaine de plein d ro it.

Même si l ’on considère l ’autre centre où — presque en même temps que Godescalc — on s’apprête à produire des manuscrits enluminés destinés à un prince, on se trouve dans une sphère artistique q u ’on ne peut appeler que

«pré-carolingienne». A u-de là des frontières, en Bavière le fameux psautier du duc Tassilo au­ jo u rd ’hui à M o n tp e llie r38 écrit avant 788, l ’an­ née de la chute du duc, com porte les deux fig u ­ res du Christ et de David, qui, elles aussi, restent linéaires, plates, sans le modelé des miniatures de Godescalc. Vu d ’ici l ’évangéliaire carolingien est — encore une fois — une œuvre isolée, e xp li­ cable dans sa raison d ’être, mais sans parallèle dans l’ensemble des manuscrits contemporains des écoles du Nord. Le fa it que le peintre des miniatures se soit servi de modèles de tra dition antique ne fo u rn it pas d ’e xplication à l’accom­ plissement artistique, car il en était de même des figures du codex Gundohinus et de celles du psautier de Tassilo : mais les résultats sont fondam entalem ent différents.

Cet isolement de l ’œuvre de Godescalc est une des raisons, pour lesquelles les modèles de ses enluminures sont d ’un intérêt particulier. Ils o n t été le sujet de beaucoup d ’hypothèses. L ’ac­ cord général q u ’ils vin re nt d ’ Italie se résoud à des propositions différentes faisant référence d ’une part à des œuvres plus anciennes, et d ’au­ tre part à l ’art contem porain représentant une tra d itio n toujours vivante de l ’art gréco-ita­ lie n 39. On a mis en parallèle des enluminures de (2 8 ) J. H U B E R T , J. P O R C H E R , W .F. V O L B A C H , L'E urop e

des Invasions. Paris 1 9 6 7 , p. 165 ss.

(2 9 ) Rom , Biblioteca V aticana, Reg. lat. 3 1 6 . U. Z IE G L E R , Das Sacram entarium Gelasianum Bibl. V a t. Reg. lat. 3 1 6 und die Schule von Chelles, A rchiv fü r Geschichte des Buchwesens X V I , 1, 1 9 7 6 .

(3 0 ) Paris, Bibliothèque N ationale, lat. 1 2 1 6 8 ; L ’Europe des Invasions, p. 1 78 s.

(3 1 ) Leningrad, Bibliothèque S a ltik o ff-Schedrine, Ms. Lat. F. v. I. N ° 6 ; Catalogue Karl der Gro|3e, N ° 4 0 7 , p. 24 6. (3 2 ) Ziegler, I.e ., c. 3 4 ss.

(3 3 ) W. K O E H L E R , Buchm alerei, I.e ., p. 9 5 ss. (3 4 ) Ib id ., p. 96.

(3 5 ) Am iens, Bibliothèque M u nicipale, Ms. 18 ; L ’E urope des Invasions, p. 195 ss.

(3 6 ) Paris, B ibliothèque N ationale, lat. 1 2 0 4 8 ; B. T E Y S S E - D R E , Le Sacram entaire de G ellone et la figure humaine dans les manuscrits francs du V i l l e siècle. Toulouse 1 9 5 9 . C .L .A . S up pl. NO 6 1 8 .

(3 7 ) A u tu n , Bibliothèque M unicipale, Ms. 4 ; V . L'E urop e des Invasions. Paris 1 9 6 7 , p. 192.

(3 8 ) B. B IS C H O F F , Die südostdeutschen Schreibschulen und Bibliotheken in der K arolingerzeit II. Wiesbaden 1 9 80, p. 16 s. F. U N T E R K IR C H E R , Die Glossen des Psalters von Mondsee. Spicilegium Friburgense 2 0 . Freiburg 1 9 7 4 . P.E. S C H R A M M , F. M U T H E R IC H , Denkm ale der deutschen Kônige und Kaiser I 2 . München 1 9 8 1 , N r. 7, S. 11 6 , 4 7 8 .

(3 9 ) A . B O E C K L E R , Die Evangelistenbilder der Adagruppe, M ünchner Jahrbuch der bildenden Kunst 3 .F ., 3 / 4 , 1 9 5 2 /5 3 , p. 121 ss. E. R O S E N B A U M , The Evangelist portraits o f the Ada School and th eir models. A rt Bulle­ tin 38. 19 56, p. 81 ss. C f. aussi H. B E L T IN G , Problème der Kunstgeschichte Italiens im F rü h m itte la lte r, Fruh- m ittelalterliche Studien I, 1 9 6 7 , p. 9 8 ss.

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manuscrits tels que celui des Homélies de saint Grégoire à Verceil, originaire de N onantola40, ainsi que les portraits des Pères de l ’Église dans l ’Homéliaire de l ’évêque Egino de V érone41 . Mais, de nouveau, ces manuscrits datent des alentours de 800 ; or l ’œuvre carolingienne les précède chronologiquem ent. L ’enlum inure ita­ lienne n ’offre, durant cette période autour de 780, rien qui puisse avoir été la source des m i­ niatures de Godescalc ou même un parallèle. C ’est p lu tô t dans la peinture murale q u ’on repè­ re des relations. Des fresques comme celles du collatéral de Santa Maria A ntiq u a à R om e42, datables du 3e quart du V ille siècle, attestent que le style que nous rencontrons dans les m i­ niatures carolingiennes existait déjà en Italie. Il est p ourtant d iffic ile d ’imaginer que les Caro­ lingiens aient étudié des peintures murales pour les reproduire dans les miniatures de leurs ma­ nuscrits ; de plus, le programme de l ’évangéliai- re requiert comme source une tra d itio n spécifi­ que de manuscrits enluminés, évangiles comme nous les trouvons dans les derniers siècles de l ’A n tiq u ité 43. La Fontaine de Vie appartient à l ’ illustra tio n des Tables de Canons de l ’art grec et syriaque44, et les portraits du Christ et des quatre évangélistes fo n t partie d ’un programme iconographique existant au moins dès les V ie et V ile siècles et reflété dans les manuscrits du haut Moyen A ge 45. Il fa u t donc se résigner à la conclusion que les miniatures de Godescalc sont dérivées d ’un manuscrit représentant un style qui, fr u it de l ’art gréco-italien des siècles écou­ lés entre l ’A n tiq u ité et le Moyen Age, se mani­ feste aussi dans l ’art italien du V ille siècle et y perdure jusqu’au IXe dans des variations m u lti­ ples. Mais quelle fu t la phase précise de ce style qui a fo u rn i le modèle au peintre carolingien ? La question reste ouverte.

A la Cour de Charlemagne, le style q u ’ex­ prime l ’évangéliaire de Godescalc ne bénéficia pas d ’une longue durée. En effet, il disparut avec l ’évangéliaire, et les manuscrits plus tardifs de l ’École de la Cour m on tren t des éléments tirés d ’autres sources46. Ce qui durera cepen­ dant, c ’est plus q u ’un style, c ’est le programme pictural manifesté dans l ’évangéliaire, program­ me né de la conviction que l ’art antique o ffre, pour la peinture aussi, la «Norma R ectitud i-

nis»*7 que Charlemagne voulait voir réalisée par

ses réformes.

Mais c’est ici, dans la succession et la c o n ti­ nuation que trouva, à la cour de Charlemagne, l ’œuvre figurative de Godescalc que se pose une autre question. Nous affrontons le fa it étonnant que les deux manuscrits qui nous sont parvenus de l ’École de la Cour dans la suite de notre

évan-géliaire, le livre d ’évangiles de Saint-M artin-des- Champs à la Bibliothèque de l ’Arsenal48 et celui de Trêves49, ne contiennent q u ’une déco­ ration ornementale, ainsi que le troisième ma­ nuscrit, qui, déjà, date des abords de 795, le psautier du scribe Dagulf à Vienne 50. Mais un peu plus tard, le programme fig u ra tif de Godes­ calc apparaît de nouveau, enrichi, augmenté, transformé, monumentalisé. Il se développe dans la suite fameuse des livres d ’évangiles de Londres, d ’A bbeville, de Soissons et de Trêves, se term inant avec le Codex aureus de Lorsch 51. Ce que nous trouvons dans ces manuscrits, c ’est un répertoire ornemental qui combine parfaite­ ment les inspirations de l ’art antique et celles des grands manuscrits insulaires. Il insère les grandes lettres, inventions des artistes irlandais et anglo-saxons des V ile et V ille siècles, dans les nouvelles structures des pages ornementales avec leur décor d ’origine classique. L ’invention novatrice se m ontre dans les riches formes des Tables des Canons, où les simples arcades des premiers manuscrits o n t été remplacées par des architectures somptueuses. Elle se manifeste dans les grandes com positions qui accompa­ gnent les textes des prologues comme celle du «Plures fuisse» des évangiles de Soissons, illus­ tra n t les vers de l ’Apocalypse cités dans le pro­ logue, la description de la grande vision de l ’A doration de l ’Agneau 52. Mais le sujet central de ces livres d ’évangiles sont les portraits de leurs auteurs que l ’École avait représenté dès ses débuts. Dans les variations toujours nouvel­ les sur des types divers que l ’art chrétien avait développé dans les siècles précédents53, ils pré-(4 0 ) V ercelli, Bibiioteca Capitolare Ms. C X L V I I I , Catalogue

Karl der Gro/3e, 1 9 6 5 , N ° 4 6 2 , p. 2 8 4 s.

(4 1 ) Berlin, Deutsche S taatsb iblio thek, Phill. Ms. 16 76. Ibid. N ° 4 5 9 , p. 28 2 .

(42) P. R O M A N E L L I, P.J. N O R D H A G E N , Santa M aria A n t i­ qua, Rom e 1 9 6 4 , pl. 4 2 - 4 3 , p. 4 5 .

(4 3 ) K. W E IT Z M A N N , S patantike und frühchristliche Buch- m alerei, M unich 1 9 7 7 , p. 8 8 ss.

(44) C. N O R D E N F A L K , S patantike K anontafeln. Gôteborg 1 9 3 8 , p. 1 0 3 ss.

(4 5 ) W. K O E H L E R , Buchmalerei 1 .c .,p . 112 ss. (4 6 ) Ibid.

(4 7 ) J. F L E C K E N S T E IN , Die Bildungsreform Karls des Gros- sen als V e rw irk lic h u n g der N orm a Rectitudinis. Freiburg 1953.

(48) Paris, B ibliothèque de l'Arsenal 5 9 9 ; Kar. M in. Il, p. 29 ss., pl. 1 3 -1 9 .

(4 9 ) Trêves, S ta d tb ib lio th e k , Ms. 2 2 ; ib id., p. 34 , pl. 2 0 -3 0 . (5 0 ) V ien ne, N a tio n a ib ib lio th e k , cod. 1861 ; ib id ., p. 4 2 ss.,

pl. 3 1 , 3 2 ; cf. n. 15.

(51) Ib id ., p. 4 9 ss., pl. 3 3 ss.

(52) Ib id ., pl. 6 7 ; cf. aussi pl. 6 8 , 104 b. (5 3 ) K O E H L E R , Buchmalerei 1 .c .,p . 1 1 2 ss.

(7)

sentent aussi le développement stylistique de l ’école, où la figure humaine gagne de plus en plus de liberté, de poids, de volume et de vie, jusqu’aux figures monumentales des évangélis­ tes de Trêves54. Cependant, à travers toutes ces transform ations et ces développements, on n ’oublie pas les débuts de l ’école, les formes offertes par Pévangéliaire de Godescalc. On y retourne, on s’en sert, on répète ses structures et ses com positions : les pages encadrées, écrites en deux colonnes, les m o tifs du répertoire orne­ mental. On présente non seulement le program­ me de quatre portraits d ’évangélistes, mais on répète — à côté de types nouveaux — la figure même d ’un des évangélistes de Godescalc, le saint Marc, une figure caractéristique qui se dé­ tourne vers son sym bole55. Nous la rencontrons de nouveau dans les évangiles de Soissons, de Trêves et de Lorsch56, et, malgré les change­ ments dans l ’arrangement de la page, on n ’hési­ te pas à adapter, parfois d ’une manière un peu forcée, la figure ancienne et son mouvement à la com position nouvelle de l ’arcade qui encadre l ’évangéliste et place le symbole dans la lunette. Le m eilleur exemple de ces reprises des com po­ sitions de l ’évangéliaire de Godescalc dans les manuscrits plus tardifs de l ’École de la Cour nous est o ffe rt par la m iniature de la Fontaine de Vie dans les évangiles de Soissons57, reprise qui nous m ontre en même temps le développe­ ment qui s’est p ro d u it : la transform ation de la m iniature par la grande coulisse architecturale du fond comme par la vue d ’en haut, qui permet de m ontrer la form e octogonale de la piscine avec l ’eau. Ce sont ces éléments qui donnent à I la com position la m onum entalité caractéristique ce q u ’on a appelé le «style Charlemagne».

Le thème le plus im p o rta nt cependant, commun à l ’évangéliaire de Godescalc et aux manuscrits plus tardifs de l ’école, c’est celui de l ’image du Christ. L ’évangéliaire le présente trô ­ nant, bénissant58, et tel on le retrouve dans l ’ initiale Q des évangiles de Soissons59. L ’image dans la lunette d ’une des Tables de Canon du manuscrit le m ontre debout, avec la croix sur l ’épaule60. Il est représenté de nouveau assis, avec les trois fois quatorze générations, dans le Codex aureus de L orsch 61, où il apparaît une seconde fois, dans la grande page au commen­ cement de l ’évangile de M atthieu, en Majesté, entouré d ’anges et des symboles des évangélis­ te s 62.

Toutes ces répétitions de sujets qui se tro u ­ vent déjà dans l ’évangéliaire de Godescalc dé­ m on tren t clairem ent l ’unité de l ’école dans son art fig u ra tif, malgré l ’in terro m ptio n dont celui- ci semble avoir so uffe rt quelques temps entre

783 et 795, date des trois manuscrits sans ima­ ges. Il serait tro p facile d ’a ttrib u e r cette lacune aux hasards de la conservation de manuscrits, car la période entre 783 et 795 nous o ffre assez de raisons qui pourraient expliquer le manque des manuscrits avec décoration figurative.

Un premier argument se présente dans la situation de la cour après la destruction du pa­ lais de Worms et le départ de Charlemagne à la guerre contre les Avares63 : de telles circonstan­ ces devaient réduire les scribes et les peintres à des possibilités limitées, les exposer aussi à des influences différentes, les priver de la présence de peintres comme celui de l ’évangéliaire de Godescalc, assez de raisons qui e xpliquent l ’in ­ te rru p tio n du programme fig u ra tif dans la dé­ coration des manuscrits.

Un deuxième argument qui s’y o ffre c ’est la grande discussion du sens et du rôle de l ’ima­ ge, qui s’enflamma en réaction aux résolutions du concile de Nicée, proclam ant la ré introduc­ tio n des images après la querelle iconoclaste. La réponse négative et rigoureuse des Carolingiens fu t donnée en 791 par les L ib ri C a ro lin i54, confirm ée en 794 par la synode de F ra n c fo rt65. Ces déclarations se rangent donc entre l ’évangé- liaire de Godescalc et les œuvres datées d ’après 795, donc entre les miniatures de Godescalc et celles des grands livres d ’évangiles, entre la pre­ mière image du C hrist et celles des évangiles de Soissons et de Lorsch. C ’e st-à-dire que les L ib ri C arolini sont contemporains de la phase de l ’École de la Cour qui ne nous est connue q u ’à travers des manuscrits sans illustrations figura­ tives, comme ceux de la Bibliothèque de l ’Arse­ nal et de Trêves. On serait donc ju stifié de se demander s’il existe une relation entre ces deux

(5 4 ) Kar. M in . I l , pl. 9 4 -9 7 . (5 5 ) Ib id ., pl. 2a. (5 6 ) Ib id ., pl. 8 3 9 4 106a. (5 7 ) Ib id ., pl. 4 a , 68 . (5 8 ) Ib id ., pl. 3 b . (5 9 ) Ib id ., pl. 86 . (6 0 ) Ib id ., pl. 76. (6 1 ) Ib id ., pl. 1 0 4 b . (6 2 ) Ib id ., pl. 10 5a. (6 3 ) G A U E R T , 1.c. (note 5).

(6 4) Libri Carolini sive Caroli Magni C apitulare de im aginibus M o n. G erm . Hist. Legum sectio I I I , Concilia to m . Il, suppl. ed. H. Bastgen. H a n n o v e r-Leipzig 19 24. F. M Ü - T H E R IC H , I Libri C arolini e la M in iatura Carolingia, A tti del X V I I I Convegno di Studi sulla S p iritu alita me- dievale. C ulto Cristiano e Politica Im périale Carolingia, T o d i 1 9 7 7 , p. 2 8 3 ss.

(6 5 ) M o n . G erm . H ist. Legium sectio I I I . Concilia I I , 1, ed. A . W eom inghoff. H a n n o v e r-Leipzig 1 9 0 9 , p. 185.

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phénomènes, si l ’absence de représentations figuratives est due aux L ib ri C arolini, si leurs idées exercèrent une influence décisive sur la m iniature carolingienne, de la même façon que l ’on a essayé de discuter l ’origine carolingienne de la représentation du Christ dans la mosaïque de la coupole d ’A ix -la -C h a p e lle , la croyant incom patible avec les idées des L ibri C a ro lin i66. Pour les L ib ri C arolini, une image est une œuvre humaine, la création de l ’artiste, elle est «ornamentum» ou «memoria rerum gestarum» ; au sens religieux elle est sans valeur67. S’il existe des exceptions à ces durs jugements, ce ne sont que les vases sacrés de l ’autel et les images créés suivant l ’ordre de Dieu lui-m êm e : le serpent d ’airain et avant to u t, l ’Arche d ’A llia n ce 68, pas les images des saints ou celles du Christ.

Même si les L ib ri Carolini n ’ interdisent pas les images, s’ils ne sont pas des iconoclastes selon leur devise Nec cum illis frangimus, nec

cum istis adoramuse9, il est clair aussi q u ’ils

n ’encouragent pas la production d ’images reli­ gieuses, même pas comme l ’enseignement pour les illettrés selon le m ot fam eux de Grégoire le Grand : «quo d legentibus scriptura, hoc id io tis

praestat p ictu ra cernentibus» 70.

Nous n ’avons pas de texte comparable aux L ib ri Carolini qui explique com m ent on com ­ prenait les images des manuscrits de l’ École de la Cour. Mais nous pouvons renvoyer aux e x p li­ cations symboliques que Godescalc donne dans ses vers71 pour d ’autres parties de son manuscrit. Parlant des matériaux précieux utilisés, la pour­ pre du parchemin et l ’or des lettres, il d it q u ’ils sym bolisent le royaume céleste qui s’ouvre par le sang rouge du Christ, que les paroles de Dieu rayonnant dans la splendeur de l ’or prom ettent la Vie éternelle, comme la pourpre l ’acceptation des offrandes du m artyre, et l ’or et l ’a rg e n tfo n t allusion aux mérites de la vie virginale et conju­ gale. Des explications comme celles-ci sont bien différentes du ton des L ib ri C arolini, pour les­ quels une œuvre d ’art n ’est rien q u ’un objet fa it de bois, de couleur et de cire 72. Et lorsque les scribes carolingiens donnent déjà des explica­ tions symboliques comme celles-ci au parche­ min et aux lettres de leurs manuscrits, ils d oi­ vent avoir été d ’autant plus engagés à compren­ dre les images selon un sens sym bolique aussi. Il est donc très im p o rta nt que nous retrouvions les mêmes idées plus tard, avant 795, dans le poème, que le scribe Dagulf ajoute au psautier que Charlemagne lui fa it écrire pour le pape73. Il parle des lettres en or comme de porteurs de mots d ’or, qui sont promesses des royaumes de la Vie éternelle. Donc, il ne semble pas q u ’il faille accepter une influence déterminante des L ib ri C arolini sur l ’École de la Cour, effectuant des changements fondam entaux de leur concep­ tio n du m anuscrit décoré. Et la parole des te x ­ tes et poèmes est confirm ée dans l ’œuvre des peintres. Les images du Christ représentées dans

l ’évangéliaire de Godescalc et de nouveau dans les évangiles de Soissons et de Lorsch sont les meilleures preuves que rien n ’a pu les bannir de la place que l ’art carolingien leur avait donnée avec son premier grand document.

Mais quelle que soit l ’explication qu’on veuille accepter, demeure le fa it : la force qui se m anifestait dans la création des images de l ’évan- géliaire de Godescalc était si grande q u ’elle sur­ vécut ta n t aux d ifficu lté s extérieures qu’aux attaques idéologiques. C’est ici que se dévoile l ’importance prim ordiale de l ’évangéliaire en tant que docum ent historique : le fa it q u ’il an­ nonce, autorisé par les noms de Charlemagne et d ’Hildegarde, une idée irrésistible, invincible, celle de la Renaissance Carolingienne, qui devait déterm iner l ’art du Moyen Age.

Il n ’y a guère de preuve plus irréfutable du rôle des manuscrits produits à la cour de Char­ lemagne pour le Moyen Age, que la manière d o n t le jeune art ottonien s’en servit, quand il renoua les fils déchirés par les catastrophes qui avaient accompagné la fin de l ’ Empire C arolin­ gien : on recommence — à Fulda comme à Rei- chenau — en répétant les formes et les composi­ tions des manuscrits de l ’ École de la Cour de Charlemagne74. Tel est le sens de l ’ image du C hrist dans l ’évangéliaire de Géro de Cologne75 : à travers le Codex aureus de Lorsch q u ’elle copie, elle rappelle les origines d ’un dévelop­ pement qui avait commencé «autour d ’Hilde­ garde».

Florentine M Ü TH ER IC H (6 6 ) H. S C H N IT Z L E R , Das Kuppelm osaik in der Aachener

P falzkapelle, Aachener K un stb lâtter 29 , 1 9 6 4 , p. 17 ss. H. S C H R A D E , Zu m Kuppelm osaik der Pfalzkapelle und zum Th eo derich -D en km al in Aachen, Aachener Kunst­ blâtte r 30 , 1 9 6 5 , p. 25 ss. W. G R A P E , Karolingische Kunst und Ikonoklasmus, Aachener Kunstblâtter 4 5 , 1 9 7 4 , p. 4 9 ss. F. M Ü T H E R IC H , Libri Carolini, I.e ., p. 2 9 7 s.

(67) Libri C arolin i, 1 .c., passim.

(68) Libri C arolin i, 1.C., p. 91 s., 42 ss., 34 ss., 44 ss., 85 s. (6 9 ) Libri C arolin i, 1 .c., p. 6.

(70) M on. G erm . Hist. Epistola II, p. 27 0 .

(71) M on. G erm . Hist. Poet. Lat. I, p. 9 4 s.

(72) Libri Carolini, p. 13 s., 21 4.

(73) M o n. G erm . Hist. po et. lat. I, p. 91 .

(74) W. K O E H L E R , Die Trad itio n der Adagruppe und die Anfânge des ottonischen Stils in der Buchm alerei, Fest­ schrift Paul Clem en, Düsseldorf 1 9 2 6 , p. 2 5 5 ss. A. B O E C K L E R , Der Codex W ittekindeus, Leipzig 19 38. (7 5 ) A . S C H M ID T , Die M in iaturen des G erokodex, Leipzig

19 2 4 .

T IT R E S A B R É G É S :

Kar. M in . I l : W. K O E H L E R , D ie karolingischen M in iatu ren II. D ie Hofschule Karts des Grossen, Berlin 1 9 5 8 .

Kar. M in . I l l : W. K O E H L E R , D ie karolingischen M in iatu ren III D ie G ruppe des W iener Krônungsevangetiars. M e tze r Hand-schriften, Berlin 1 9 6 0 .

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Évangéliaire de Charlemagne, dit aussi de Godescalc, Paris, B.N., ms. n. acq. lat. 1203.

Fig. 1. - Évangéliaire de Charlemagne, Saint Matthieu, fol. 1 r°.

Fig. 2. - Évangéliaire de Charlemagne, Saint Marc, fol. 1 v°.

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