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Etude sur la méthode d'analyse du récit de Roland Barthes

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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ÉTUDE SUR LA MÉTHODE DI ANAL YSE DU RÉe IT DE ROLAND BARTHES

'By

Bernard Vidal ,of

A thes i s submi tted to the

Faculty of Graduate Studies and 'Research in partial fulfillment of the requirements

for the deg ree of Mas ter of Arts

\

Department of French Language and Literature McGil1 University, Montreal

o

Bernard Vidal, 1983 March 1983

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(2)

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Notre objectif est d lnalyser selon la méthode de Barthes différents

textes extraits d'oeuv:esl:u~s; éloignées que possible les unes des autres.

Pour cela nous avons choisi un roman de s~rie populaire a. grande diffusion

en France, un texte issu d'un environnement extra-hexagonal, le Québec et

enfin un texte de critique littéraire écrit par Barthes lui-même. Dans

la première partie de notre analyse nous nous sonmes proposé d'éprouver

la méthode et de chercher a. en cerner les po'ints d'achoppement, en

parti-culier celui du travail propre de l'idéologie. S'il était possible, grace

a

la méthode barthésienne, de la repérer aisément dans le texte

paralitté-l

raire, nÇ>us nous sonmes vite rendu compte que les outils critiques qu'il nous avait légués étaient insuffisants pour dénoncer le travail propre

,

de l'idéologie dans un texte dit littéraire. C'est ainsi qu'en faisant

intervenir des notions ultériéures (telle la sociocritique) nous nous

sonrnes efforcé de pall ier les carences de sa méthode (voir son S/Z pour

-le modê-le original), et surtout de voir comment l'inscription idéologique

inconsciente, autre que celle arouée explicit.~ment, peut déformer le projet

initial aboutissant

a

un résultat tout autre que celui escompté au départ

\

par l'écrivain (dans le cas présent Marie-Claire Blais et son ouvrage les nuits de l'Underground). Notre derniêre analyse n'a qu'un but ludique et ironique. 1 /, - - - ---- --

-'.

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(3)

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Our purpose

wa~

to

analYZe/~;ous

narrative segments within the

analytical framework set up by Barthes in his" S/Z. We worked on a

selec-,

-tion of three di$tinct texts inten-tionaHy as different as possible: a ,1

French paral iterature novel , a Quebec l iterary novel and' a text which is

.

.

in fac,t

al

metatext (a cri tic i sm wr itten by Barthes). In chapter l, we

intended to evaluate Barthes' method of analysis for its applicability; more specifically ta bring to light the inherent ideology of the Jtudied

segment. It was relatively easy to retrace it in the first novel but it

became qui,ckly evident that Barthes: methodology could not provide a11 the analytical tools indispensable for a thorough examination of the

....

ideology

autonomousl§·:~.t w~rk

in the second novel (Marie-Claire Blais,

les nu; ts de 11 Undergroundl... Consequent l y, we brought i nto our own work

complementary means of analysis, as developed by var;ous soc~al-crit;cs

"-(such

as

Jacques Dubois, Cl aude Duchet, Phil ippe Hamon ~ etc.), in arder

. ,

to reveal the hidden ideology surreptitiously at W~k in spite of an

other more explicit i'deology expressed by the writer\, Our last analysis

"'-had no other purpo~e than that of playing, applying Bar1;,hes' method on

\ Barthes 1 prose.

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TÀBfE DES MATIERES

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, CHAPITRE 1

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CHAPITRE II

...

• CONCLUSHlN

.

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. .

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. . .

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. .

. .

. . .

.

SUPPLEMENT; ••••• : •••••••• ~ •••••••••••••••• " ••••••••••••••••••• , . ' TEXTES TUTEURS: , . DOSS 1 ER KENNËDY ... . LES NU ITS OE

V

UNDERGROUND ... : •• LE DERNIER DES ECRIVAINS HEUREUX ... . , ~ 1

BIBL l'OGRAPH 1 E

...

\

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\

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p. 1 p • 6 p. 47 p • 108 ,1; " p. 114 p. 12'1 po' 124 p. 128 p. 129 " , ,

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1

Plus d'une d~cennie s'est écoulé depuis la parution du S/Z de Roland

'.

-Barthes., ouvrage dans lequel il atteignait son plus haut {jegré de

systé-matisation et concevait la méthode qui sert d'appui

a

notre Hude. Notre

intention est de reprendre son analyse en quatre temps: premièrement,

/

1

. nous tenterons de nous familiariser avec son travail en interprétant un

texte hautement «1 isible» et conventionnal is~, un roman d'espionnage extrait

d'une série

a

grande diffusion en France, et qui devrait nous permettre une

application facile de sa méthode. Dans un second temps, nous continuerons

.

ce type d'analyse sur un texte cette fois plus contemporain, moins

mallé-able et issu d'un environnement extra-hexagonal,

,J

Québec. Notre

troi-1 • ,

sième,phase sera celle de la récapitulation et de /"évaluation avant de passer, mO par un désir ludique que Barthes lui-même n'eOt pu

désapprou-ver,

a

l'application de Barthes sur Barthes, c'est-A-dire que nous

"","" ana lysero~s un "de ses. textes critiques en 1 e soumettant

a

sa propre méthode.

"lY~"

Pour chacun'e de ces analyses, nous avons suivi la déma'rche

barthé-sienne

a

la lettre, cherchant toujours

a

montrer la pluralité du texte.

Nous avons divisé le «signifiant tuteur)) en lexies, unités de lecture ,

dont le découpage est, selon 1 a recofl111andation de Barthes', empicri que:

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(6)

1

2

La 1 exie comprendra tantOt peu de mots, 'tantôt quelques phrases; ce sera affaire de conmoditê: .. il suffira qu'elle soit le mei lleur espace possible 00 l'on puisse observer les sens; sa dimension, déterminée empiriquement, au juger, dépendra de la densité des connotations, qui est variable selon les moments du texte: on veut simplement qu!â chaque 1 lexie t1 n' y ait au pl us que trois· ou quatre sens a. ~numê.rer.'

Plus succinctement nous pourrions dire que ce sont les connotations ainsi que les «codes» ou «voix» qui ont guidé nos pas dans ce dêcoupage. En effet, la connotation est «la ~oie d'accès a. la polysémie du texte classique, a. ce pluriel limité qui fonde le ~texte classique (il n'est, pas sOr qu'il y ait des connotations dan% le texte moderne)).2

De plus, sémiologiquement, «toute connotation est le départ d'un code» mot clé de la mêthode de Barthes. Généralement, «code» s'entend

-

,

soit cOlTlTle un ensemble de lois, de textes, de conventions fixês dans des recueils et rêglant une norme de fonctionnement (tel le «Code de la rpute»); soit COI1J1le un «système rigoureux de relations structurées entre signes et ensembles de signes», tel le code 1inguistique. 3 Cette défini-tion, elle-même codifiée, ne nous aide guère â saisir celle qu'en donne 'Barthes. Selon lui, le code est ((une perspective de citations, un mirage

de structures; on ne conna1t de lui que des départs et des entrées; les

1- S/Z, p. 20.

-2- ~, p. 14. 3- Le Petit Robert, p. 330. (

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unités qui en sont issues (celles que l'on inventorie) sont elles-m@mes, toujours, des sorties du texte, la marque, le jalon d'une digression

virtuelle vers le reste d'un catalogue ( .• ); elles sont autant d'éclats

de ce quelque chose qui a toujours ~té déjA lu, vu, fait vécu: le code

est le 'sillon de ce déja»).4 On constate aisément que les sèmes princi-Raux «perspective», «m,irage», «digression virtuelle», «éclats», «sillon», .:,possèdent une même connotation, celle de l'éparpillement, de la fuite.

Ce «flou» est en

parfa~t

accord aveC/l'approche bart,hésienne de la

signi-fication: se faisant l'avocat du p.iurisémi$me, il se condamnait, sous

pe.ine d'inconsistance, au plurisémisme: sa définition est «flottante»

par la nécessité de sa théoriè. Quoi qu'il en soit,

J

'exp1 ication de

chacun de ses cinq ((codes» tels qu'il les a établis permettra de mieux circonscrire le sens du mot. En quelques lignes, nous en rappellerons les grands points: .

'.-1) 1 e code herméneutique (que nous marr1uerons des lettres HER.) ,

grou'pe l'ensemble des unités'q.ui

'((O~t,pour

fonction d'articuler de

di-versés manières une qUêst;onl sa réponse, et les accidents variés qui

peuvent ou préparer la question ou. retarder la réponse; ou encore; de

formuler une',énigm.e et d'amener son déchUfrement».

_ 2) Le code sémique (SEM.), inspiré du mot ((sème», l'Uflité du

si-l

, ,

gni fié, râsseml:>l e les él éments connotés. - Toujours selon les indications

" '

. .

,de ~arthes, nous ayons désigné,

a

chaque fois «d'un mot approximatif le . signifié de connotation auquel 1 a lexie renvoie».

-, . , 4- S/Z, p •• 27-28

-, ' 3

-..

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1

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(8)

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3) Le code s~bol iqùe (SYM~) est celui des ensembles reconnaissa-' "bles qui réapparaissent sous diverse~ formes dans le récit, et qui

poin-tent vers les thèmes dominants de l'oeuvre.

4) Le code proaYrétique (ACT.) sera celui des-actions

et

des

com-- - l ,

portements, tels qu'ils sont dé1 il:1érês par le discours. «Comne ces actions s'organisent en suites, on coiffera chaque suite d'un nom générique, sorte

,

,

.-de titre .-de la séquence, et l'on numêrotèra chacun .-des termes qU,i 1 a com-posent».

5) Enfin,

"e

code gnomique (REF.) se mani feste A t'ravers les

énon-"

cês proférés «par une voix-collective, anonyme, dont l'origine est la sapience humaine». C'est un des tr~s, nombreux codes de savoirs

(psycho-" .. 1

logique, physiologique, proverbial, artistique, l,ttéraire, etc.) auxquels tout texte «lisible» ne cesse de se rêférer.5 ,1

Passons maintenant

a

l'ana lyse du ,premier texte: nous avons choisi pour cette tentative un ouvrage de Gérard de Villiers, tiré de la série populaire S.A.S., Dossier Kennedy', publié pour la premiêre"fois èn 1967,

~ ~ ~

soit trois ans avant Sil. Aussi souvent que possible n01,l5, avons cherché

-a

dépasser 1 e découpage du texte tuteur pour a 11 er trouver des poi nts d'ancrage dans d'autres récits _yilliêr:iens: Rendez-vous

a

San Francisco, pub 1 i é en 1966,' et Piège

a

Budapest qui date de 1980. 6

1

5- Sil, pp. 24~ 25, 26~'

-

~ ,

6- Dossier Kennedy, Rendez-vous

a

San Ft"ancisco et Piège

a

Budapest" ont H~ pubi1~s aux Ëd,bons PiSn,

a

Paris aux dates diba ,ndlqu~es.

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Une 'Ill i n

z,i

ne d' ann Iles sêp a re !:don c' le f,em; er de ce, 1; v res du dern i er .

Nous tra~aillerons sur lé premier ch~'pitre de Dossier Kennedy. Notre

, ,

choix est purement arbitraire -quant

a

l'ouvrage considéré, dél ibéré quant

au segment: 1 'inèipit ou ouverture d'un récit four,nissant généralement,

ses'propres normes de'lisibilité. Chaque fois que nous l'avons.jugé

né-cessaire, ~ l 1 instar de Barthes, nous avons effectué une digression

ex-plicative, sorte . d',apart~ 00 nous comentons les «veinules» du sens, ,

c-Iest-a-dire' le fonctionnement d'un code précis. Par exemple, nous

cons-tatero,ns et éfâborerons quelque peu sur l'ampleur qu.efPrend dans le type

. ,

d'ouvrage analysé, le code sémique, dépositaire des codes historique,

exotique, linguistique, psychologique, etc: il y devient le point de

c~nvergence de tout un réseau d'idées reçues, d'idéologêmes, de

stéréo-,t~pes et de -topoi narratifs sans l esque 1 s il semble que 1 e texte auta i t

du mal

a

exister. De plus, il sert d' arti fice de marchéage (1 e

rêfêren-tiaire établ i tune sorte de lien cormnunauta ire chez les lecteurs, et plus

le nombre d' individus - pouvant s l'Y associer est vaste, pl us le chiffre

d'affaires a de chances d'augmenter), d"expédient

a

l'imagination du

narrateur et de référent pour l'idéologie du texteJ

/

7 - Nous jo; gnons

a

1 a toute fi n de notre étude 1 e texte tuteur dans

son intégralité, ainsi que ceux des trois analyses suivantes.

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(10)

.

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CI:IAPITRE ·1

(1)

DOSSIER

KENNEDY

*REF.

Code historique: ce"code prend une expansion remarquable

dans la série

S.A.S.,

agissant dans la plupart des cas comme récupérateur

.J

de "actualitê. Dans ce roman, c'est l'assassinat du pr~sident Kennedy

qutsert de point d'ancrage historique et de d~marreur narratif. Le

mys-tère qui entoure "êv~nement a suscité, et con~inue

a

susciter, nombre

de travaux, rapports, livres ou articles de journaux. Se joignant

a

la

cohorte d'écrivains it)spir~s par le s~jet, M. de Villiers joue, dês. cette

,

lexie, sur un syntagme qui crêé abusivement son rêfêr~nt. En effet, le

",

titre, dépossédé de tout article, affirme péremptoirement, comme s'il se tenait en êtiquette.sur sa/couverture, l'existence d'un tel dossier. Le olecteur, avant même d'entamer l'oeuvre/est victime de l'illusion créée, pensant avoir entre les mains un document inédit, dépositaire de quelques

révélations savoureuses. Le tïtre agit comne un herméneutèm!';~~ forçant

le lecteur

a

s'interroger sur le contenu du livre.1

,.. p

1- En fait de révélations, i l n'yen aura guère: le récit allècherao

notre curiosité, alléguant que le dossier en question dévoile les noms de «ceux dont le rapport Warren n'avait jamais parlé, les vrais coupables» (p . .159), mais néglige de le faire a. son_tour. 'Ce qui est

bien dommage car: «Toutes lés réponses aux questions que l'on s'était

pos~es après le meutre étaient la.»,(p. 159). Toutefois, pour atténuer

notre déconvenue, le texte compati ssant nous rappe 11 era que «mettre en

cause (les coupables), serait' ruiner d~finitivement une certaine image

de l'Amérique aux yeux du monde entier, lU,i Otant.toute prétention au

leadership du monde occidental», (p. 161). Perspe"C!~_ive navrante car

alors Malko n'aurait plus d'employeur et nous, plus de récit. It? _ ~

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(11)

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, 7 -**HER. ,~ ,

.

***SEM. Enigme 1: 1 e mystère Kennedy: pos it i on d J amorce.

Américan,sme: le mot «Kennedy» connote invariablement l'Amérique, mais

\ , ----"l - •

en plus, l'imprévisibilité'de ce pays 00 tout peut arriver, m~me ce que

- ,

le roman va nOlJs_r.-aconter, . Cet-te évocation est importante et nous la

, .

croiserons fréqùemment, ainsi que son contraire, le soviêtisrne. Dossier

T . . . \

Kennedy peut sortir en ,librairie

a

cause de l'intér~t que suscite toujours, l'affaire: intérêt généré~par 'le principe même de l'é_nigm~. Tant que le -mystère de la mort du président américain n'aura pas été percé, subsistera

un topos romanesque riche en possibilités.

( 2) Il

fa

i sa-i t un, temps

a

ne pas mettre un ch i en dehors.

*REF. Code gno~ique: Exemple parfait du fonctionnement de ce '"'code qui tire son existence de l'ensemble des discours, proverbes,

sentences, formules qui sont la base de tout savoir populaire. Le cliché

" ' .

- est dans le ca~ présent 'constitutif de 1 'écriture ~~i, hélas, dépendra souvent de lui. 2 Peut-on imaginer énonc~ ~lus banal pour entamer une narration? La culture occidentale-~ qu'elle soit d 'expression française,' anglaise, allemande ou autre, consi,dêre l'allusion au temps corrme le clich'é

2- Anne Herschberg-Pierrot, «Clichés, stéréotypie et stratégie discur-sive dans le discours .de Lieuvain», Littérature? no 36 (1979), pp. 88-90. «Le cl i ché

et

le stéréotype sont

'a

rel i er ~ ce qu'on nomme les lieux communs, catégôries d'arguments dont le contenu siest figé ,jusqu'a ne plus désigner qu'un certain type' de pensées rebattues ( •• ) On distingue trois attitudes du locuteur

a

1 1 égard des clichés; 1) le cliché démarqué de l'écriture par une série-de signaux ironiques, c'est-a-dire le cliché dénoncé; 2) le cliché in- 1

décidable. Par opposition au mode ironique, nulle instance d'énon-ciation ne vient hiérarchise~ les codes par: un Jugement assumé; 3) le cliché constitutif de 1I

écriture». Ce dernier cas nous inté-resse tout 'particul iêrement. '

1 1 1 /1 ! ,

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pâ~De~cellence de la COJ1lTlOdit~, de la pauvreté d'esprit. (<<Beau temps

aujourd'hui, nlest-ce pas?»');; Ce procédé éculé du discours n'engage en

, ... -: \

8

-rien le locuteur, et ne sert_qu'une fonction phatique. Bien évidemment, si nous avions sous les yeux un récit contestataire, remise en question. des procédés narratifs, l'utilisation d'un tel cliché pourr~it servir une

fonction différente, métatextuelle. Ce qui n"est pas le cf ici: sa

. seule valeur résiderait dans l'opposition Chien-Prince.

Ainsi que le fait remarquer: M. Riffaterre, le cl iché ,pour être re-, , battu n'en est pas moins efficace et «il ne faut pas cènfondre banalité et usure».3 Celui qui nous intéresse ici va prendre foute sa portée

a

ia lecture de la lexie suivante puisqu'il repose ~ur une,anthitêse ani-ma l-honme.

--,(.3) Et encore moins un prince authen~ique.

*SYM. Antithêse de (2): lè cl iché reçoit maintenant toute son expansion. **REF. Code historique: le mot «prince» appartient plus,

,

d~ nos jours,

a

1 'histoire qu'au vécu

(a

quelques rares exceptions près). Terme quelque peu empoussiéré mafs qui, néanmoins, évoqu~ ·toujour,s le fantastique (l'irréel des contes de fées) et les fastes des cours royales.

\

C'est ce dernier aspect qu'il convient de reten\r. ***HER. non-initié au genre S.A.S., qui ne peut savoir encore que ce

Le lecteur prince' E~T le héros de l'histoire, est amené

a

se poser la que.stion «Qui est ce prince,

3- Michael Riffaterre, Essais de stylistique structurale, (Paris, Flanmariqn, 1971), p.

163.

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-1

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(13)

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que fait-il?». Quant àu lecteur initié, il se demandera ce que fait son héros dehors par un temps pareil. Dans les deux cas, la lexie soulève

-'.

c

une interrogation qui amorce.ce que Barthes appelle la «phrase herméneu-tique».4 HER. Enigme 2: . ?

qU,1. pourquoi? ****SYM •

,

Authentisme: appa- , raTt ici le premier indice d'une autre antithèse qui va traverser ~out le récit:. celle de .«1 'authentique» oppos~ 'au «chiqué»; 11 s'agit d'une' _ véritable obsession de la part de la narration de situer axiologiquement

, l~~n, contre l'autre. Dans ce monde manichéen, les bons ce sont les

«vr.a i S), ceux qui ut il i sent des produ its auth~nt i ques . Leur contra,i re,

---les opposants de l'Est, ne fonctionnent que dans un univers composé ~e produits frelatés, faux ou en «simili». L'énoncé nous le rappellera 'constamment: voir én particulier les lexies ( 12 ) et ( 14 ) .

(4) Altesse Sérénissime.

*SEM. Nobilité, aristocratie: ce titre nobi1iaiTe, l'un des plus élevés auxquels puisse aspirer un héritier de sang bleu sert de renfor-cement

a

la lexie précédente. Il évoque de plus le luxe, le faste d'une époque révolue qui, nous le verrons, ne cessera d'être invoquée. En -effet, ~~ rappel nostalgique d'un univers qui n'existe pratiquement plus

autrement que dans les livres, formera une trame idéologique sous-tenda~t'

l'oeuvre enti~re. **SYM. Authentisme. L'énoncé de toutes les distinc-tions et titres de Malko répond

a

une nécessité diêgétique.

4- Roland Barthes, S/Z, coll. Points, Seuil 1970, pp. 91 et 21~

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S' il i!tà:t un peu -ha '

Lze'

~e

1 uxe' 11 "la .'Centra 1 Inte

11;-gence A'gency», Je plus.

b~ofleuron

de l'espionnage américain.

,

, ,

~REF. Code argotique: «barbouze de luxe» con~titue une

modifici-tion de «p6~le de luxe», syntagme figé. L'i~ée de 1ocation sert d'asso~

ciation entre les de~~. Malko, cOl11l1e la prostituée, vend ses serviées'," mais

a

prix exorbitants. 'Ce qui lui conserve une dignité intacte.

Toutefois, seuls les très riches peuvent s'acheter ses services: ces heureux employeurs soht immédiatement identifiés afin que le lecteur ne

-se perde pas en d'inutiles conjectures: les Américains, confirmant l'opinion courante qui veut qu'ils soient riches. Les mandataires,sont donc les possédants. De plus, ce prince, maintenant territor~alisé par rapport

a

la division Est-Ouest, se voit alloué un statut privilégié

a

l'intérieur même du noyau des nantis puisqu'il se joint au «plus beau fleuron». **REF. Code exotique: un grand nombre d'emprunts aux lan-gues' étrangères, essaimés ici et la, prouveront que le narrateur sait ) de quoi il parle, et accompliront une double fonction: ils alimenteront le code exotique d'u~ part, et confirmeront l'authenticité du récit" d'autre· part. ***SYM. Authentisme.

Un des principes structuraux organisateurs commence son travail dès cette ,lexie en opposant l'altesse au barbouze, le prince

a

l'espion" le titre

a

1 largot et le fleuron

a

l lespionnage.

1. - , ' ... '1 ; ! ,

j

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(15)

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l ,

(6)

.

, ,

Telles

~t~ien~les pens~es

moroses

di

son Altesse

S~r~nissime

le Prince Malko, S.A.S. pour ses amis des Services Secrets.

/

*REF. Le code nobiliaire, sa hiérarchie. «Sérénissime» produit

toujours'un certain effet, augment~ d'autant par la répétition qui le légitime; **HER. A la lexie ( 3 ) nous constations', 'ouvertu~e d'une

~

. séquence he,rméneutique. E11 e fut brève pu i sque vo le i l a réponse

a

la

11

-.

'

r pre~iêre interrogation (<<Qui?» Enigme 2: dêvoi lement partiel. ***ACT.

~ Penser: 1: être en ~r~in de. D'emblée nous pénétrons dans 1 'esprit du

"

p,rince, intrusion qui nous rensei'gne sur la paternité de l'énoncé de dé-part (lexie 2). Le lecteur occupe un poste d'observation privilégié,

a

partir de «1 'intlrieur». ****SYM. ~ssence contre existence: la dé-termination, 1 'essence de Malko, lui est attribuée avant son existence.

Il pense, certes, ce qui pourrait prouver son existence, mais

a

quoi pense-t-il? A son essence de p,rince et non ~ une action qui affirmerait son existence. Essentiellement prince, il est ici baptisé. Mom~nt névra.1-gique, car la suggestion verbale du signifiant doit coïncider ~vec les

ca-rac~éristiques du ~ignifié. Comme le remarque Barthes, le nom «permet de

substituer une uni~é nominale à une collection de traits en posant un rapport d' équ i va 1 ence entre les i gne et 1 a SOltllle». 5 Bref, le nom du

héros doit être suffisamment sonore et ferme pour rappeler sa vjrilité, ,

, ,

en même temps que distingué pour cOIlVenir

a

son rang social .. On pourrait remarquer en passant que, si le nom répond plus ou moins

a

l'essence du héros, son verbe par contre, ne semble pas être tout

a

fait

a

la hauteur,

5- S/Z, p. 101.

-• 1

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(16)

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1

J

12

-puisque sa première pensée qui nous soit livrée, se constitued'un cliché

, , 6

parmi les plus ressasses. , l'

(7) tandis qu'il essayait de maintenir sa voiture sur la chaussée. la route Presbourg-Vienne était une vraie patinoire et la gros-se Jaguar Mark 10 zigzaguait sur le bitume enneigé et verglacé.

*REF. Code réal i ste: deux ancrages: 1) l a dés i gna t i on préc i se du chemin et 2) le nom du type de voiture utilisée. Ces deux indlces

au-•

thentijf·ient en même temps qu'ils servent d'effet de réel ou '«informants»~ '/ selon la terminologle de Barthes. **SEM. Richesse. Le statut conféré

par l'automobile: la jaguar, véhicule prestlgieux, connote

immanquable-.ment la richesse. Seuls, la conduisent de rares privilégiés (des princes)

auxquels le lecteur va se joindre l'espace de quelques lignes puisque le

récit le place derrière le volant. ***ACT. Conduire: 1: essayer.

****HER. Dévoilement complet de l'éni~e 2: le nom ainsi que~la desti-nation du conducteur mandaté nous sont dévoilés. Reste la raison de ce

voyage, qui doit ~tre impérleuse pour que Malko tente de se déplacer par un aussi mauvais temps. HER:. énigme 3: Pourquoi? ~ " ,

6-.;

(8) Un blizzard glacé soufflait par brusques rafales. Bien qu'il ne soit'que deux heures, Ma1ko avait été obligé d'allumer ses phares.

A ce propos nous remarquerons que Malko n'est pas le seul aris~ocrate

.du roman à souffrir de déficience verbale. Son amie' Alexandra, Com-" tesse, hautaine et jalouse, n'hésite pas ~ se servir 'pour marquer sa pensée de locutions bien «frappées», hautes en couleurs sinon en re-tenue. Page 61, exaspérée, elle lance

a

celle qu'elle imagine être' une rivale: «Salope,. je vais te crever les yeux .. » et plus loin" page 73: «Tu as envie de faire une partouze? Avec ta poufias~e amé-ricaine?». La distinction n'est pas dans le «verbe» de ces aristo-crates ...

"

C

(17)

c

13

-*SEM. Danger de la- candu'ite, urgence de la course. Cette lexie com-· plète la précédente dans l'évocation de la rigueur des éléments. L'accù-mulation «patinoire», «zigzaguait»,«enneigé». {(verglacé», «blizzard glacé», ~ «soufflait», «brusques rafales» cherche ~ montrer l'ampleur de la temp~te, sans s'effrayer de la redondance ni des clichés.

\

.'

**ACT. Conduire: 2: allumer les phares.

(9) A l'entrée du village, un panneau annonça «Vienne, 32 kilomêtres». *REF. Code

réali~té>

ce panneau indicateur constitue un indice sup-plémentaire du lieu. La narration ne semble pouvoir l'éviter puisqu'il se trouve sur le chemin. Informant qui ne ment pas, dont les'chiffres

minu-tieusement calculés par une administration renforcent l'authenticité en ~

enracinant (littéralement) la fiction dans le réel. SYM. Authentisme et

**SYM. linéarité: un panneau suggère implicitement un embranchément. Or, toute croisée de ch'emins peut provoquer des hésitations, des balance-ments, suivis d'un choix. Rien de tel ici: ce panneau agit comme un déictique, et pointe dans une seule direction, supprimant tout choix pour

,

le héros. La route étant tracée d'avance, il ne peut que la suivre. On ne musarde guère dans les romans de M. de Villiers, tout autant dénués de

dêbat~

intêrieurs et de voies incertaines que ceux de.Fleming.7

,

(10) (Si on ne termine pas dans un fossé», '\;farqua le Prince Malko,

on arrivera

a

temps». ~

*ACT. Penser: déclarer remarquer (résultat de la méditation) **SEM. Danger. ***HER. -Enigme 4: A quelle heure? Quatriêple interrogation im-pliquant u~ impératif de temps. De plus, nous devinons que le prince n'est

,

pas seul (valeur du «on»). Autre question: qui l'accompagne? ****SYM. La lutté contre la montre.

.

7- Umberto Eco, «James Bond: Une cornbinatoi re narrati ve», Conmunications, no 8, 1966, Paris, Seuil, pp. 77

a

93.

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..

(18)

-~---_.-.,---~---~'---, ,

.

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(11 ) En dépit de la clarté qui dissimu1~ient de~

jaune d'or qui virait

14

-i

a t t!!nu!!e. 'il porta it des

~

une t tes te i ntl!e s

yeux p'une couleur extraordinaire: un au vert dans les mauvais moments.

, ,

*SYM. Essence contre exjstence: l'hérofcité du héros. Malko est noble et héros de la même façon: par essence. Ce sont des qualités

onto-.

logiques qui n'ont pas

a

être prouvées. Cette hérolcité se révèle dans ses traits physlques (ses yeux par exemple) ou dans ses dons

(ultra-perception, 'inémoire prodigieuse, aptitude A parler plusieurs langués, f;-~ nesse lui permettant de déjouer tous l'es plans de ses ennemis, en moins de trois cents pages. infailliblement). **REF. Code physiologique: la couleur des yeux trahit une particularité du caractère: le discours po-pu1aire nous en convainc: «yeux bleus, yeux d'amoureux; yeux verts, yeux 'de vipère», etc. En fait, ce qui devait particulariser Malko ne fait que

le rabattre au rang de stéréotype. Seul le, «er» le ~istingue. Il eS,t vrai qu';l ne figure pas dans 1 , / 'expressi~n: yeux or, yeux ••. ? Toutèfois, les ref,l ets verts annoncent un i nd i vi du qu i peut être dangereux, sans êtr.e , venimeux, car ce serait comparer le héros A un serpent, analogie incompa,- ,

tible avec sa fonction et ,son état . .' Heureus~ment, le «jaune d'or» évoque plutdt le félin. La connotation de toutes ces couleurs aboutit A celle d'un animal félinesque, racé, souple, rusé et dangereux, comme tous les félins. ***ACT. coriduire: 3: l~ costume du~ilote. Pourquoi ces lunettes teintées alors 'qu'il lui a fallu allumer ses phrares?

(12) Son manteau de chachemire bleu marine et son costume d'alpaga anthracite lui allaient comme un gant~

*SEM. Elégance, richesse. la perfection est absolue:1 physique'

1

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(19)

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,

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".

- 15

et vestimentaire. Malko se situe résolument hors du commun, tant par ses'dons que par ses goQts et ses moyens. **SYM. Authentisme. Le prince : véritable ne porte que du vêritable cachd~ir~ et alpaga. Particularité

~

) nobiliaire puisque la comtesse Thala von Wisberg ne porte elle-même que de l'authentique: «une robe toute simple de Balenciaga» avec pa~dessus

«un manteau de panthère des Somalies». (pp. 213-14). Par contre, les opposants vivent dans 1'~ peu près. l'ersatz ou le faux. Grëte Grelsky

s'habille avec des robes imprimées (p. 88). Son mari exhibe un manteau qui n'a de vrai que -le col en vison (p. 101)., Quant ~ leur demeure c'est

Q

«une villa assez laide .. noire et silencieuse» et meublée «d'horribles. ) choses FAUSSE RENAISSANCE», (p. 86). Opposition qui divise tout le

ré-cit: le vrai contre le faux, l'authentique contre le «simili».

'1'

***REF. Code gnomique: ((aller cOlllJle un gant». L'arsenal doxolog~que

, est quasi inép~isable. En outre, cette élégance s'impose d'emblée et . prouve la longue famillarité du narrateur et,du héros: bien que ce der-nier soit assis, le lIIarrliteur SAIT que les vatements lui vont «COI1llle un

gant».

J

(13 ) Bien calé dans le siège de cuir fauve, il conduisait avec ~précision et nonchalance en dépit du temps épouvantable.

. *SEM. Assurance vi ril e. La ri gueur de l a tempête ne peut 'pertuber ce gestuaire de la désinvolture, signe de l'efficacité . **REF. Code

.

,

. ' viril: l'holTlTle «po.ss",-è~e sa voitrue» cOl11J1e il pa,ssède la fel11J1e. La '

.

juxtaposition de «p~écision» et de «nonchalance» évoque une at~itude

, ,

institutionnalisée par le gestùaire male: d,êcontractê mais maTtre du

.,

,

véhicule., ***SYM. Le machisme: B;en'évi~emment, la voiture se conçoit

,

..

(20)

---~~-~-~---~---~=---~---~---.'

(

16

-•

comme une représentatl0n de la f~minit~. Malko, incarnation du mythe

~,

t ~,

oppos~, domine sans conteste ses voitures et ses conquêtes qui sont, d'ailleurs, toujours exotiques. Dans le rapport dominant-dominé, la France n1entre pas en jeu: pas d~ R~nault, pas de Peugeot ni non plus de parfaites Yvonnes ou Madelelnes .. Le h~ros n1exerce son charme (et son sexi sme)' que surl.es étrangères.

Cette narrativi ation de la domination a de quoi faire sourire un

.~

habitu~ des pays nordiques o~ un Ca~adie~ qui, chaque hiver, affronte de réelles tempêtes de neige; Empjriquement, if ~ait que la conduite décon-tractée sur le verglas, dans un blizzard de surcro1't: est chose imposs~ble.

Le récit ne s'encombre pas, nous le constatons ici, de scrupules inùtiles

.

-

.

surtOut s'il~ diminuent le prestige du' héros. En outre, un lecteur·non-averti, pe~ tatillon de véracité (en somme, le ,destinataire de ce type de récit) peui fort bien ~avaler» cette incohéren~e. Le récit nia pas ,

~ prouv~r mais ~ répéter la supériorité de Malko par un effet de redon-dance qui force celle-ci dans l'inconsci~nt du lecteur. ****ACT. Con-duire: 4: l'acte lui-même.

(14) Au village de Liezen, les paysans' 1 'appelaient «Hoheit Malko», son «Altesse Malko». , Son chateau, encore A demi détruit, dominait les maisons pe~ntes de l'agglomération.

J

*SEM. Aristocratie. **REF. Code exotique: J lemprunt; et code historique: qui dit noble, dit chateau.

.

.

L'esprit mond~in ne peut conce-vofr une ascendance noble sans qu'elle soit'confirmée par un domaine, une étendue de t~rre, un fief, qui légitiment les prétentions nobiliaires de

l'individu. Cette lexie nous reporte deux siècles en arrière, avant la

,

- ,

(21)

----~---~---~~---(

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17

nug.;~u 4 aoQt, puisque i.e seigneur, Malko en l'occurrrence, possède

cM-teau et serfs, les villageois, qui admettent par leur dMéreJ:lce la validi'-té de ses titres et de sés privilèges. Le «Hoheit Malko» les place en

condition de vassaux, moralement et physiq~em"ent: leur village'est «dominé» par 'la "demeure seigneuriale. Même phénomène pour la ~omtesse qui habite . «dans le XIVe distrjct près du chateau de Schonbrl.(nnn (p. 2t5), da'ns

"

~

«un grand parc» (p. 218) .. Dans son cas, la légitimité repose sur la pro-, ximité avec la résidence des souverains. De toute façon, un château

, .

assoit toujours confortablement l'aristocratie du personnage.

1. LE CODE EXOTIQUE: Les lexies 5, 7, 9, 14 (et 26) nous dévoilent les deux composantes qui, de façon asse'z constante, formeront 1 e code exotique

1

A travers, non seulement Dossier Kennedy, mais toute la série S.A.S.: les emprunts linguistiques et les repères topographiques (les premiers au ni-veau discursif, les seconds au nini-veau narratif).8 Dans un genre dont les

, '

lecteurs attendent action et dépaysement, ils four.nissent un «départ»

1 •

-il1lllédiat et facile, épargnant les longues descriptions détaillées vite ...

\

8- Les emprunts' foi sonnent dans Doss i er Kennedf' Relevons -en que

i

ques-uns: «Korrekt, mein lieber Kamerad» (p.

il );

«Ne pizdi goloubtchik»

(p. 24); «Sehr geehrter Herr Malko» (p. 54); «KUss die hand, Grafin» (p. 80); «you are welcome» (p. 190); etc. ~ Provenant majorita,irement des langues slaves et allemandes, nécessit~ diégétique, ils ponctuent le discours au bon moment.- Les repères topographiques~ non ~ins 1 nombreux, sont soit les noms .exacts.des localités/et des rues (Liezen, Poughkeepsie, Neuwaldegger Strasse, A~nagasse, Wrnzerstrasse, etc.), soit des énumérattons de rues, formant un itinéraire vér:-ifiable sur n'importe quel plan, par ,exemple

a

Washington: «Il remonta Pennsyl-vania Avenue jusqu·a la 17ème rue qu'il prit verS le sud; En passant ensuite le long de la Mafson Blanche, il rattrapa Connecticut Avenue •• • filant A travers le Parc du .Lincoln Memorial, il tr~versa le Memorial Bridge, laissa sur sa droite la masse sombre du cimetière d ' Arlington et prit le freeway le long du Potomac»), (p. 14). .

.

(22)

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18 -'.

insipides

a

qui se moque dJune exaçtitude formelle et se satisfait d'une approximation néanmoins parée dJun air de vraisemblab1e (vraisemblàb~e qui se puise aisément dans un dic~ionnaire bilingue de locutions et dans le plan de la ville, comme le démontr-e la note 8). La fiction

se trouve authentifiée efficace~~nt et économiquement sans faire appel

a

des traits uniques au lieu représenté. A propot du nomiJropre Barthes

0'

remarquait: «C~est, yn 'instru..ment d'échange: il permet de substituer

.

' .

une"unité nonlinale,à 'une ",collection de traits».9 Nous pourrions tenir le

- . -. '.

même langage ~ propos de. 1 l,emprunt et des ~epêres topographiques qûi permettent

. .

"UfIé évo.cation succincte,. mais plausibJe du lieu étranger et qui condensent mervei 11 eusement dans c~tt.e 'opéràti'on exoti sme et réal i

-.

sme~. Un Russe qui

~

jure en russe ou une secrétaire .de l"ambassatie améric{a,ine qui répond «Vou

~ are w~lcome!» font, «vrai» et. cré~nt un'e atn1o.s~hêre

ct:

.vécu indubita~Je pq.ur un lecteur pressé q~i' se soucie .peu" 'de "~'I'~xac~; -t;üde des fa its: une

--abréviatiun cOl11Tle «Vou 1 re wel come» eOt été pl us, conforme au parTer

-.améri-. -.améri-. -.améri-. -.améri-. -.améri-. ~ - h- _ _ , l

.~

cain. Quoi qu'il en soit, le code exotique agira comme poyrvoy.eur du code '

..

.

. '~, :

.

~'

.

(.,. ... -' -

.

,

-.

.

.,

Roia.od Barthes,

jJ].,

p. 101: «La nature économique du-nci~:.,en

r~gime romanes~uE!lrailleurs aussi?l, cle&t

un

instrumènt"dJécRange; il permet de substituer une unité nominale'A uhè .. c'Ollection'"'de traits en posant un rapport dJéquivalence entre le signe et la

sOnlne: clest un artiffce de calcul' q~i fait quia. pri)< égal. la mar-. chandise condensée est préférable a. la'marçhandise volumine~se».

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(23)

(

o 19

-r~a 1 i ste, chacun de ses segments devenant un «opérateur de réel}) .10

Outre ces éléments de base, le code exotique fera aussi intervenir des

(',;

scènes ent i èrè:s' dont 1 a fonct i on ne sera plus de va 1 i der 1 e texte ma i s p1utOt de réamorcer 1,'intéret du lecteur dans les moments de creux narra-tif. Elles s'intégreront et assureront le relais lorsque, le risque passé, il ne reste plus qu'un vide. Il Ces séquences 00 l'étrangéité . pallie la carence de l'action, permettront un déploiement en force de

c

l'idéologie du narrateur par l'intermédiaire de remarques stéréotypées sur 1 es us et coutumes 1 oca les. 12

ID...

Rolànd" Barthes, Introduction

a

l'analyse structurale des récits,

éOlTl1lunicatioris 8, 1966, pp. 10-11: «Les informants sont des

,", données pures, 1l11l1édiatement signifiantes. Ils apportent une

' . conn?issance toute faite; leur fonctionnalité est donc faible,

~ '. "'mais elle' n'est pas non plus nulle: quelle que soit sa «matité»

'. ' .. ', ",-par rapport au reste de , 'histoire, l'informant sert à

authen-, " .0' '" , : tifier' la réalité du référent, ~ enraciner la-fiction dans le réel:

.e~ .. ".'

_-"" -.".

.

". . : • ~ t.-~ \: . ' '; ... ' \ ~

c'est un opérateur réa 1 i ste». Doss i er Kennedy en regorge. Ai ns i ,

chaque fois que le texte nous donne le nom d'un organisme, il

pré-f,re

ia

version originale

a

la française: par exemple, p. 13 «les

:~'-#'-... ~ ~~ .... ~.

..

'.

·colonels au K.G.B. -Komistat Gesoudarstvennoi Bezopasnosti-.» Le :-'K.G.S. est"nous semble-t-il suffisalll11ent célèbre pour qu'il ne soit .'. 'pas né,çessaire d'épeler son nom en entier. Deux pages pl us loin,

Ja narration se tou'rne vers les Américains, p 15: « .. fonctionnaire

d'u National. Security Council.», etc. Bref, le texte cherche

a

nous

montrer qU.'il S9.it de quoi il parle. ,

11-.

lit ....

. .

.'

.'

,

Au ch{lpitre IX,' lorsque l'action s;essouffle quelque peu, (nous" ' sa vons où se' trouye' le doss i er, l es Gre 1 sky sont neutra li sés), l' i

n-cursion en territoir~ tchécoslovaque permet une reprise instantanée

du suspense. De meme, au chapitre XV~ lors de l'épisode des

dervi-ches, tourneurs, Malko, en sécurité dans sa cellule pourrait se

détendre, faveur que lui refuse le texte dès l'ouverture du chapitre: (cUn hurlement satanique ébranla les vieilles pierres humides de la

cellule .. », p. 230d Procédé grossier car ce qui suit n'ajoute rien

a

l'intrigue, si ce n'est de procurer des sensations fortes à base

d'exotisme, seule fonction de l'épisode qui se veut très authenti-que comme en atteste la note de bas de page du narrateur: «Tout cela\est rigoureusement autherytique».

Il suffi t de se reporter' aux deux séquences i ndi quées dans 1 a note ci-dessus pour s'en convaincre.

.

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(24)

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---(15) 'Une fois compl~tement t"estaurê; ce serait l'Iun des plus beaux

de l~ région. ' .,

*SEM. Supériorité: Statut r~solument hors du cortrnun\ de Maike qui

surpasse même ceux de sa classe. **REF. Code historique: valeur du

chateau. Le «restauré» fait écho au Ilencore

a

demi.-détruit» de (14).

La résidence doit être remise en état car ,autrement ce serait asseoir la noblesse.ç1e Malko sur des ruines., Or, on ne. peut justifier.ses

privilê,-ges par des vestigés, signe de décadence: Au contraire, la restauration

".

donne une vigueur.nouvene, une tradition .remise

a

neuf. De plus,

dié-gétique~ent, 1 a reconstruct;~n 'justifie 1 es besoi ns pécuniaires du héros

et la ve~te de ses ser.:'t-ices. Sa corrmercialisation nlappara'tt pas ainsi

motivée pa'r la G-upiditê mais par,l 'amour des vieilles pierres. .} Le passé

justifie le 'présent. En outre la restauration est devenue un «status

symbo 1» en France.

" (16) Mais il yQvait encore beaucoup

j

faire.

*REF. Coqe narratif: intrusion dlauteur. Depuis plusieurs lexies

dêja Malko ne «pense» plus. Un changement de ton noûs avertit icïqulun

autre personnage est impatient' de se glisser dans le texte: le narrateur'

-,' lui-même. Cettelr~flexion qui il' nous lance lui permet de suggérer de

nombreux autres récits puisque plus la restauration sera ambitieuse et

.

coateuse, plus les besoins' financiers du prince justifieront sa

partici-pation aux activit~s de la C.LA; Celles-ci ni êtant pas toujours très

,reluisantes~ i l convenait de déculpabiliser le hêros: slil se joint

a

~ ,

,Iespionnage amêricain, clest pour reconstruire son patrimoine. Or, par

;

qui ce patrimoine a-t-il ~tê dHruit? Par les soviêtiques~ bien sOr.

~ , o. ')

. 1

1· 1 1

f.

-,

J

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(25)

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, '" 21

-.

( . ,

Le cercle est bouclê, les' occupations de Malko devienrtent parfaitement défendab les. .

(17) CI es t pour ses vautours d' entrepreneurs,

'f.. *SEM.' Cupiditê~humaine e~ par opposition la probité du héros.' Malko

n~.Jreut être v~na 1; 1 1 argent ,qu 1 il gagne 'ne xes-te pas-entre ses l11ains ~

, ~ f

-. Façon COITl11; une autre de nous rappeler la noblesse 'ontologique du prince

puisque les aristocr-ates ne «travail'lent)) pas'.

Il.

n'existe guêre de

narra-'~ ,

r i l' _ ~

tiv.isation d'une forme de gagne-petin autre que l'espionnage dans -les

, . .. .. ...

récits -villiêriens. **SYM.~ Mépris" ar"istocra'tique ~e l'argent.

...

(18) que le prince Malko., Margrave de la Basse-Lusace, Martre de l'Ordre de la,Toison d'or, Chevalier ~e droit de l',Aigle noir~ 'Che.va 1 i er, dl honneur et de Dévot; on de 1 'ordre Souvera inde

Malte', pour ne ci~e~ que ses titres. les pl us importants.

, ,

,

*REF. Code historique: les anciens ordres de chevalerie. **S,EM. Distinction, honneur.

II. LE C9DE HISTORIQUE: Pour le narrateur de Dossier Kennedy, le code historique oeuvre ~ deux niveaux. Le premier, le plus expl~cite" consis-te

a

récupérer des fragments d ' actualit,ê pour ensuite en bâtir le rêcit. Dans ce texte, tout découle du meurtre du président Kennedy: le mystêre enveloppant sa mort constitue

un

trésor,de possiblès _nar~at;fs, aussi riche que la guerre froide o~.t la révolte h~Jigroise de 1956 (ces deux derniers "sujet~ étant des morceaux de cnoi x que

,,1

auteur ~e se gêne pas de servir rêchauffês

a

flusieurs reprises). Dans la même veine, lorsque "les relations sino-américaines se détérioren~, apparalt Rendéz":vous

a

~

.

~

(26)

I---~.--~---~~,~---~---..--- ,-,

.

, -J " • 22 -. ,

~-San Francisco (1969.). Plus près de nous, la crise du pétrole et l'ascen-sion de l'ayatollah Khomeini figuren't en bonne place dans l'une des de'rniêres parution Pi~ge à Budapest (deuxiêrl)e trimestre 1980). Cette exploitation de l'actual ité n lest cependant jamais équivoque: tous les nouveaux pi.ons rejoignent leurs prédécesseurs, selon un schéma ri

goureu-,

sement manichéén, dans 1 eurs camps respect; fs.

Si,

a

la 1 imite, ce' premier niveau du c9de ,histor.ique rejoint presque ...

,

le contemporain, le second par contre lui tour-ne ·réso-lument-le dos et

~

.

fait sans cesse appel (lexies 3,6: 14,15, _18, 22~,

'a

des données hfsto-\

r; ques (seigneur

~

cMteau. domestique, fi,ef. titres)' pér,imées

e~

Occident. Ces évocations insistantes, que MUS re'trouvons jusqulau,x toutes dernières

pages du livre, si nous les rassemblons. en faisceau font entendre ce que

-

'

Jacques Dûbois appelle la «parlerie idéologique)) d,e l'auteur. Une

parle-rte 'r~vé l dnt chez' M. de Vi 11 i ers des vues qu i, en plus dl être réact;onna i ...

, ,

-res -ce que démontrera le code dox.ol ogique-, tendent très nettement vers le 1êgitimtsme

a

la Balzac.13 Assez ironiquement, .nous constatons que

,

l'un et l Jautre se ~ont octroyés une particule ~ .laquelle ils ne pouvaient prétendre de par leur na; ssance. pr~ten~n ; nauthentique s' il en fut.

13- Regardons-y de plus près, en simplUiant: chez Balzac, ce lé.giti-misme donne: défense de' la grande pro'pr;êtê, regret de l'ancien 'régime, obsession des titres, mépris pour: le menu peuple lcf. Les

~aysans, en parti cul ier), désapprobation du prê~ent et appréhen'Sion

e l'avenir. Chez de Villiers: défense du chateau, la restaura-tion n'est-elle pas une forme de défense?; regret des valeurs aris-tocratiques, respect de-l a tradi tion, esprit de classe, mépri s' de l'argent, valori~ation de la carriêre dans l~s armes, (Malko étan~­

une sorte de preux chevalier 1 uttant pour la préservation de sa liberté devant l'avance bolchevique),. et finalement, mépris du tra-vail salarié, et des salariés eux-mêiles qui ne figurent pas dans-les textes villiér;ens.

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(27)

/.

(

- 23

Si l'on accepte cette forme de l~gitimisme dans Dossier Kennedy, on . est en droit de le contester au nom des autres rêcits: la même tendance

.',

Si Y retrouve-t-e 11 e? Les deux ouvrages de 1 a série déja mentionnés, l'un

publié en 1966 CRendez;-vous

a

San Francisco), l'autre en 1980 (Piège a Budapest), soit ~ quatorze ans d'intervalle, apportent une réponse inrné-diate. Nous.:y lisons les mêmes rappels, les mêmes obsessions, sous des formes subtiles parfois -surtout lorsque l'action se passe en Californie,

éta~ l~ pl us progressiste des Etats-Unis et qui fournit peu de prise aux

vues pass~istes du narrateur-. Sa vision demeure dans un légitimisme perceptible tout d'abord dans l'insistance de la narratlon sur les titres de Ma lko, ainsi que su~ ses antécédents aristocrati ques. Ensui te, dans l'absence de toute forme de travail autre que l'espio~nage (y compris pour les adjuyants féminins qui appartiennent toujours

a

une caste ou classe aisées); dans les rappels subtils

a

la tradition, (<1'anciemt sous toutes ses formes jouissant d'un statut particulier.14 A croire que le'

~

texte cherche

a

se faire l'apologue des vieilles pierres: très peu

d'imneubles modernes, a part ceux_ de la C.I.A. trouvent droit de v'itê

14- iVoyons

d'~n

peu

~lUS

près ce que nous Ùvrent les

d;ff~rents

textes. Sur l'aristocratié du Prince: «La présence de Malko rehaussait le standing de la C.I.A. Qu'.un prince autrichien dont les anc~tres

avaient guerroyé aux Croisades daignat se mêler ~ ces jeux de mains et de vilains montrait bien que la C.I.A. menait le bon combat», Dossier Kennedy, p. 28. Sur les adjuvants féminins: Ilonga Ungvar est une telTll1e artiste, dessinatrice de mode, ind~pendante et riche, voir Piège ~ Budapest, pp. 46'et 47. Lili Hua est la descendante d'une respectable famille :noble chinoise, voir Rendez-vous il San Francisco, p. 199. Quant ·au roman tuteur de notre analyse, Âlexan-ara et 1 a comtesse, y rempli ssent 1 e même rOl e; chacune appartient il la bonne sociêté""viennoise. Sur la valorisation de l'ancien: la vieille domestique dè la comtes~e «est dans la famille depuis bien

cinquant~ ans»,(p. 219); les vieilles pierres: «les murs étaient

en broiseries brunes, aussi v~i11es que les propriétaires. et le bois des banq,uéttes poli par 1 es mfll ; ons de frottements»~ (p. 104).

(28)

1

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'24

-'.

11ans 1 es espaces cons i dérês . En outre

.

~ lorsque Ma l ko veut' fu i r les

,

.

«aventures» du monde moderne, que ~ait-il? Suivons-le: «Malko eut brus-quement envie de se laver le cerveau. (:.) Le café Havel~a 00 il allait ( .. ) êta it un de ces endro i ts qu'il prêfêra it

a

Vi enne, peut-être le S'eul qui avait gardé le charme un peu désuet de la capitale de la musique et de la nonchalance. Tenu par LIn vieux couple qui semblait immuable( ..

.

h

.15 On ne peut être plus exp1 icite.

(21) MalkQ avait rê!)ssi

a

se tailler une place d'honneur parmi les agents «noirs», gr1ice

a.

sa mêmoire extraordinaire,

a.

son charme et

a

sa chance.

*SEM. Surnature: rtre ontologiquement exceptionnel. Au con~raire

des agents anglo-saxons, Malko nlest pas un adepte de la ruse. Il ne soutient pas la comparaison avec un Smiley (John Le Carrê) pour ce qui est du machiavélisme; de même, lui manque le cOtê spectaculair'e d'un James Bond. Quia cela ne tienne, Ma1ko pallie ces lacunes par sa mémoi-re formidable (qulil nous est ramémoi-rement donné de voir

a.

l'oeuvre), son charme .(i1 est infaillible) et sa chance (don divin lui conf~rar.lt un statut d~;nvulnérabilité, cOlTlTle Achille). A ce propos, on se rêf~rera

a

l'épisode de la 'pase 90, 00 face

a

Ferenczi, Malko devine le 'danger

15- Un comportement analogue se retrouve dans Piêge

a.

Budapest, 00 le héros et son adjuvant (féminin, Dien sOr) se rendent au V6rosmarty, pour un tête

a.

tête: «On se serait cru a Vî~~. Avec son enfi-lade de salles vieillotes, éclairées de lustres somptueux, le salon de thé le plus élégant de Budapest évoquait l'empire austro-hongrois»,(p. 97), c'est nous qui soulignons.

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(29)

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qui le menace Rar le ton de, voix de son adversaire, tout simplement. Ensuite, est-il besoin- de le répéter, cette invulnérabilité garantit ~"

1 1

,

quantité d'autre aventures., **REF. Code chronologique:' b.ref rappel des 'ép'isodes passés.

2.5

lI!. 'L'HEROICITE DE MALKO:' Les lexies 19,21 et 22, sans être véritable-ment rétrospectives tracent néanmoins un bref aperçu des antécédents de Malko, et permettent de situer le personnage. Ses qualités s'énoncent comme allant dè soi: nul besoin de les prouver puisqu'elles sont

inhé-.

-.' , rentes a sa'fQnction de héros ayant survécu a toutes les aventures passées.

'-'La préoccupation de la narration n'est pas celle d'une logique psychologi.-que mais celle d'une contrainte tempore'l1e: il s'agit d'énoncer le plus rapidement possible ses traits caractériels afin de dégager l'espace narratif et de laisser le champ libre

a

l'action.16 Les informations affluent dès l'entrée en scène du héros sans que le récit se soucie de prouver rée 11 ement ce qu'il a vance. 17

16- Nous avons ouvert après coup un des derniers romans de la série: Vengeance romaine paru dans le deuxième trimestre de 1981.

Peut-~tr~ encore plus' que dans Dossier Kennedy y appara'ft cette hat~ d'y Ha1"er les données dt,t héros: l'ênoncê de ses titres const1tue " l'ouverture même du récit. La même intention se retrouve dans Piêg~1

a

Budapest et Rendez-vous A San Francisco.

,17- La lexie 12 en est une preuve: elle nous informe de la tenue vesti-menta;re du Prince. Il serait bien difficile pour un observateur

ingénu de savoir ({si.tlk lui va conme un gant» ou non puisque Malko est assis.

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(30)

" .

..

C'

26,

-La lexie 21 cinstitue

a

elle\ seule une remarquable synthese de ses ta-lents énonCéS; fort dogmatiquement en l'espace de quelques mots. Bien évidemment, entre Ma.lko et le narrateur existe une familiarité de longùe date, bien antérieure

a

ce roman. Il n'est pas besoin pour. le dêmiurge villiérien, qui fait appel aux mythes de la,virilité, de se prouver l'hé-roïcité de Ma1ko: la chance est acquise de droit (contrainte du genre et nécessité commerciale). Si le héros meurt, la série cesse. En outre,

1

dans ce type de littérature, le héros se

si~ue ~

un échelon supérieur de celui de simple actant. Il est une essence dont l'existence (c' est-a-di re , le récit) ne fait que confirmer les traits ontologiques: Malko n',existe pas pour deveni r héros. il l'est de toute éternité et le fU.t même anté-rieurement

a

sa première aventure. Ce déterminisme joue pour chacune de-. :ses caractéristiques. Prenons sa mémoire «extra?rdinairen pour exemple.

Elle constitue une ressource tenue en réser.ve, utile en c'as de besoin, préacquise, et qui slexerce naturel-lement pour le tirer d'un mauvais pas. , , Autrement elle n' influe e~ rien sur sa vie, tel'le une bouée de sauvetage que l'on remise ùne fois' le dange~ écarté. La technicité <du phénomêne importe moins 'que son t;"ésultat.: la survie de Ma1ko. Voyorts d'un peu plus près le fonctionnement de cette mervei11eu,se mach,ine cérébrale. Au chapitre XVI: Malko, traqué par les tueurs du F.S.I. ~t trahi par .son

'\ ' . \

employeur (pense,-t-il) s'est réfugié dans une communauté de· derviches tourneurs. La seule solution qu'il entrevoit alors es.t de ré~cr,ire" de mémoire, le dossier Kennedy: « •• en quelques heures de concentration, il

all ait reconstituer le rapport Kennedy grke

a

sa fantastique mêmo;re».

.

.

(31)

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i7

-. ,

« •• il coiilnença

a

écrire ( .. ) les pages défilaient dans

sa

tate cOl1l11e sJil les a,!,aient connues toute sa vie». Aucun effort ne gêne son

intros-pection~ aucune erreur nJentrave son labeur. Le dossier comporte

plusi-eures dizaines de pages, tache ardue pour une mémoire ordinaire. Celle du Prince sten acquitte avec une aisance tell e qu'on ne prend la peine de nous i nformèr de son achèvement' 'qu' i nc; demment, t roi s j ou rs' plu s' ~ard :

'«cent vingt-cinq heures de tension. Depuis trois jours déj.à il'avait 'terminé 'sa reconstitution. Rigoureus-ement uniforme ct l'orfginar, il en

était sOr». Le lecteur, placé devant 1e fait accompll, ne peut que 's' é,mervei 11er;- il ne doi t surtout pas s'embarrasser de pragmatismes du

genre: a-t-il fait u,nf brouil1on? combien d'heures lui a-t-il fallu? en que lle 1 a'n-gue 1 'a-t-il' rédigé? Cette dernière ques t i on est intéressante car tout porte

a

croire qu'il s'agit de l'anglais, la langue d'origine, le rêdacteurdu rapport étant américain. Alors pourquoi le, narrateur ne nous en i nforme-t-il pas? Pour un germanophone (Mal ko est autrichien) l'exercice représente une difficulté supplêmentaire, donc un éxploit de plus. Evidell1l1ent, le lecteur ne doit pas se laisser aller

a

une analyse trop rigoureuse. Il lui faut au contraire bâillonner ses interrogations: on ne lui demande pas de réfléchir mais de consoll1l1er. Toute dérogation'

a

ce système révèle l'univers villiérien pour ce qu'il est: un chateau de cartes b~ti d' improbabi1 ités et qu i, sapé par ces confrontations, ne tarde pas

a

s'écrouler. Et il en est ainsi de toutes les caractéristiques du héros: charme, force, vi ri lité. Aucun informant psycho 1 og;que ne

vi~nt étayer la véracité du personnage qui, ma par 1 es impératifs de sa mission ne réagit qu'a ses dangers~ inhérents et inmédiats. Une telle

1

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1

(32)

a

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tact i que al) avantage dé débarrasser 1 e texte de toute ,1onguel,lr fIl,a i s aussi l'inconvénient (en est-ce bien un?) de dênuer le personnage de

1

,

toute profondeur psychologique.

,

1

- 28

22 ), Il n'aimalt pas la violence et, dans toute . \ la mesure du

p~ssi-ble vitay d'y ,recourir pour régler ses missions.

"

*REF. Code chevaleresque. Malko n'est pas un tueur, ni une brute sanguinaire, au contraire de certa;n~ de ses adversaires. Il se bat pour (<Ja bonne cause», en cherchant A préserver une certaine dignité huma~ne,

En SOlme, -il est noble et ,chevalerèsque jusqu'au bout de son pistolet. **SEM. Sensibilité. Plus tard,_ le récit nous apprendra que le héros est «sensible»

a

la douleur des autres. Il serait même capable de plain-dre ses ennemis s'ils n'étaient pas si odieux: la mort de chacun des

-Grelsky éveillera en lui des velléités de pitié. (O.K. pp. 88 et 103). SYM. Manichéisme des valeurs: . le pa,cifisme des occidentaux. S'il y a lutte9 c'est parce que les ,espions soviétiques «dérobent» des secrets, «oppriment» des,populations, «torturent» ou ((éliminent». C'est par la. force des choses que Mal ko -entre dans 1 e combat. SYM. Anti thèse. Membre 1: 1 e pac; fi sme occ i denta 1 .

(23) Ce n' éta i t hélas pas toujours poss i b 1 e. Les gens sont si mécrTants.

*REFo' Code 1 i ttéra ire: l e text~

fi

amuse. r Clin d'oeil du

narra-teur

a

son narrataire par intrusion d'auteur. Connivence cOlTJ11encêe dès la lexie 2 et qui se contiruer~ de façon intermittente,

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