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L'approche expérientielle dans l'adaptation d'une intervention infirmière visant à augmenter les autosoins dans un contexte d'insuffisance cardiaque

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Academic year: 2021

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L’approche expérientielle dans l’adaptation d’une

intervention infirmière visant à augmenter les autosoins

dans un contexte d’insuffisance cardiaque

Mémoire

Karyne Duval

Maîtrise en sciences infirmières - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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L’approche expérientielle dans l’adaptation d’une

intervention infirmière visant à augmenter les autosoins

dans un contexte d’insuffisance cardiaque

Mémoire

Karyne Duval

Sous la direction de :

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Résumé

L’insuffisance cardiaque (IC) est un syndrome qui entraîne des conséquences graves autant pour la société que pour les patients qui en sont atteints. Afin d’éviter les épisodes de décompensation fréquents chez les IC qui affectent directement leur pronostic et leur qualité de vie, ceux-ci sont invités à réaliser des autosoins au quotidien. Or, ces autosoins ne sont que peu ou pas effectués. Dans le but d’augmenter l’adhésion à ces comportements essentiels, nous avons adapté la stratégie de l’activation de l’intention pour en faire une intervention infirmière destinée aux infirmières qui œuvrent auprès des patients atteints d’IC. Pour nous assurer de son acceptabilité et de sa faisabilité en milieu clinique, nous avons réalisé l’approche expérientielle proposée par Sidani et Braden (2011), qui somme la population cible de participer au développement de l’intervention afin qu’elle soit en adéquation avec leurs réalités. Ainsi, le but de cette étude était de réaliser l’approche expérientielle dans l’optique de comprendre le problème des autosoins et les besoins d’adaptation de l’intervention infirmière basée sur l’activation de l’intention pour augmenter les comportements d’autosoins des patients IC. Des entrevues semi-structurées ont été effectuées individuellement auprès de sept patients et sous forme d’entrevues de groupe auprès de huit infirmières. Les résultats montrent que les autosoins sont difficiles pour les patients et qu’en adéquation avec la théorie spécifique des autosoins en IC de Riegel et. al (2016), l’activation de l’intention a le potentiel de contribuer à résoudre ce problème. De plus, cette intervention a été bien reçue par les patients et par les infirmières, à condition d’y apporter des changements tels que de réduire le temps de l’intervention et de choisir le bon moment pour l’effectuer. Ces résultats démontrent l’importance de l’approche expérientielle dans le développement d’interventions infirmières et des recommandations pour de futures recherches ont également découlé de nos résultats.

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Abstract

Heart failure (HF) is a syndrome that has serious consequences for both the patients and society. To avoid frequent decompensation episodes that directly affect HF patients’ prognosis and quality of life, they are encouraged to perform daily self-care. However, these self-care behaviors are little or not done. In order to increase adherence to these essential behaviors, we have adapted the implementation intentions strategy for nurses who work with HF patients. To ensure its acceptability and feasibility in a clinical setting, we realized the experiential approach proposed by Sidani and Braden (2011), in which the target population participates in the development of the intervention so that it is in adequacy with their realities. Thus, the purpose of this study was to carry out the experiential approach in order to understand the problem of self-care and the adaptation needs of the nursing intervention based on the implementation intentions strategy to increase the behaviors of self-care in HF patients. Semi-structured interviews were conducted individually with seven patients and in a focus group with eight nurses. The results show that self-care is difficult for patients and that, in accordance with Riegel's situation-specific theory of HF self-care (Riegel et al., 2016), implementation intentions can respond to this problem. Furthermore, this intervention was well received by patients and nurses, provided that changes were made to it, such as reducing the time of the procedure and choosing the right time to perform it. These results demonstrate the importance of the experiential approach in the development of nursing interventions and recommendations for future research were also derived from our findings.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vi

Liste des abréviations et acronymes ... vii

Remerciements ... ix

Avant-propos ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 - Problématique de recherche ... 2

Chapitre 2 – Recension des écrits ... 5

2.1 L’insuffisance cardiaque ... 5

2.2 Les autosoins dans le contexte de l’IC ... 6

2.3 L’adoption de comportements liés à la santé ... 7

2.3.1 L’écart (« gap ») intention-comportement ... 8

2.4 La stratégie de l’activation de l’intention ... 9

2.4.1 Plans d’action, plans de coping et activation de l’intention ... 9

2.5 L’approche de Sidani et Braden (2011) dans le développement d’interventions infirmières ... 11

Chapitre 3 – Cadre théorique ... 15

3.1 Développement de la théorie spécifique sur les autosoins dans un contexte d’IC ... 15

3.1.1 Recherche sur les autosoins dans la littérature ... 15

3.1.2 Développement de la théorie ... 16

3.2 Propositions théoriques de la théorie spécifique des autosoins en IC ... 18

3.3 Révision de la théorie ... 19

3.3.1 Nouvelles propositions théoriques ... 21

3.4 Lien de la théorie spécifique des autosoins en IC avec la stratégie de l’activation de l’intention ... 21

3.5 La théorie spécifique des autosoins en IC et le modèle proposé par Sidani et Braden (2011) ... 23

Chapitre 4 – Objectifs ... 25

Chapitre 5 – Méthodologie, résultats et discussion ... 26

2.1 Résumé ... 26

2.2 Abstract ... 26

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Conclusion ... 54

Bibliographie ... 56

Annexe A – Formulaire de consentement pour les patients ... 61

Annexe B – Formulaire de consentement pour les infirmières ... 68

Annexe C – Guide d’entrevue auprès des patients ... 75

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Liste des figures

Figure 1 - Modèle conceptuel qui englobe les comportements de maintien et de gestion (séparés en cinq

stages) des patients devant réaliser des autosoins ainsi que la confiance qui modère les résultats. Figure traduite avec la permission de Wolters Kluwer Health, inc.: [Riegel, B., & Dickson, V. V. (2008). A situation-specific theory of heart failure self-care. Journal of Cardiovascular Nursing, 23(3), 190-196.

doi:10.1097/01.Jcn.0000305091.35259.85, https://journals.lww.com/jcnjournal/] ... 17

Figure 2 - Composantes de la prise naturaliste de décisions. Figure traduite avec la permission de Wolters

Kluwer Health, inc.:[Riegel, B., & Dickson, V. V. (2008). A situation-specific theory of heart failure self-care. Journal of Cardiovascular Nursing, 23(3), 190-196. doi:10.1097/01.Jcn.0000305091.35259.85,

https://journals.lww.com/jcnjournal/] ... 18

Figure 3 – Prise naturaliste de décisions en lien avec la définition revue des autosoins, en incluant le concept

de perception des symptômes. La situation est influencée par la personne, son problème et son

environnement et le passage à l’action (réaliser les autosoins) est, quant à lui, influencé par les expériences, les connaissances, les compétences et les valeurs des patients. Figure traduite avec la permission de Wolters Kluwer Health, inc.: [Riegel, B., Dickson, V. V., & Faulkner, K. M. (2016). The Situation-Specific Theory of Heart Failure Self-Care: Revised and Updated. Journal of Cardiovascular Nursing, 31(3), 226-235.

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Liste des abréviations et acronymes

AHA American Heart Association

ESC European Society of Cardiology

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« Je ne suis qu’un, mais je suis. Je ne peux pas tout faire, mais je peux quand même faire quelque chose. Et parce que je ne peux pas tout faire, je ne refuserai pas de faire quelque chose que je peux faire. » Edward Everett Hale

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Remerciements

Lorsque j’ai décidé de débuter mes études de deuxième cycle, j’ignorais que j’étais sur le point de m’embarquer dans une épopée qui s’est avérée ardue, mais surtout, pleinement enrichissante et gratifiante. Plusieurs personnes ont contribué à l’aboutissement de ce projet que je ne puis passer sous silence.

Premièrement, je tiens à remercier la personne qui a accepté de me prendre sous son aile, ma directrice de maîtrise, sans qui ce projet n’aurait pas été possible. Merci, Maria Cecilia, pour les longues heures de travail assidues que tu as consacrées à la complétion de ce mémoire. Merci pour tes conseils, ta bienveillance, ta disponibilité, les fous rires partagés, ta générosité et la passion dont tu fais preuve à chaque instant envers la recherche, l’enseignement et tes étudiants.es. Tu es une source d’inspiration constante pour la chercheuse novice que je suis.

Merci à ma mère, Chantal. Tu m’appuies inconditionnellement dans tous mes projets, même les plus fous, et tu m’inspires à devenir une personne meilleure, à tous les niveaux, chaque jour. Merci à ma mamie, Huguette. Ton hospitalité sans limites lorsque je ressentais le besoin de me reposer, rire et prendre un peu de distance avec ma vie et mes études effrénées à Québec m’a grandement aidé. J’apprécie chaque instant passé avec toi. Merci à Jack, Alex et Tommy. Votre appui m’est d’une importante capitale et je chéris chaque moment passé en votre compagnie. Merci à ma marraine, Tata, qui a cru en moi jusqu’à son dernier souffle.

Merci à ma famille et mes amies proches qui comprennent l’importance que revêt ce projet pour moi et qui me pardonnent d’avoir été moins présente lors des étapes cruciales de sa réalisation. Un merci particulier à Marie-Eve, qui agit à titre de sœur et de confidente pour moi. Ton attitude terre-à-terre me ramène à ce qui est important, jour après jour. Un merci particulier à Prince Arthur, Coconut, Sherlock et Spartacus, pour toutes les heures de zoothérapie qui m’ont été bénéfiques du début à la fin de ce grand projet.

Un merci énorme à mes collègues, le dream team des soins critiques, qui me poussent à continuellement approfondir mes connaissances académiques et mes compétences en enseignement.

Finalement, merci aux organismes subventionnaires qui m’ont attribué des bourses, allégeant le fardeau financier et me permettant ainsi de me consacrer à la complétion de mes études de deuxième cycle. Merci donc au Réseau de recherche en interventions en sciences infirmières du Québec (RRISIQ), à la Fondation Francis & Geneviève Melançon ainsi qu’à l’Ordre régional des infirmières et infirmiers de Chaudière-Appalaches (ORIICA).

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Avant-propos

Ce mémoire en est un avec insertion d’articles. Le chapitre 5 (Méthodologie, résultats et discussion) contient un article intégral anglophone intitulé « An experiential approach to adapt the strategy of implementation intentions

to increase self-care behaviors for heart failure patients ». Cet article présente la méthodologie utilisée lors de

cette étude, les résultats ainsi que la discussion, et bien qu’il résume également une partie de la problématique et de la recension des écrits, ces éléments sont approfondis dans les premiers chapitres traditionnels qui composent ce mémoire.

Le manuscrit a été soumis pour publication à la revue Journal of Clinical Nursing et j’en suis la principale auteure. Les coauteures sont ma directrice de maîtrise, Dre Maria Cecilia Gallani, professeure titulaire à l’Université Laval, Dre Sylvie Cossette, professeure titulaire à l’Université de Montréal, et Julie Francoeur, infirmière praticienne spécialisée en cardiologie à l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval. Pour compléter cet article, j’ai réalisé toutes les étapes préalables à sa rédaction, soit la recension des écrits et l’analyse du cadre théorique, présentées dans les premiers chapitres de ce mémoire, en plus de la création des guides d’entrevue, de la collecte des données et de leur analyse. En tenant compte des commentaires de ma directrice de maîtrise, j’ai entièrement rédigé l’article. Présentement, l’article est en évaluation entre les mains des éditeurs de la revue Journal of Clinical Nursing.

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Introduction

L’insuffisance cardiaque (IC) est un syndrome très répandu qui provoque des dépenses de santé faramineuses au Canada (Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, n.d.) en raison, entre autres, de fréquentes hospitalisations, et réhospitalisations, des patients qui en sont atteints. Il est primordial pour ces patients d’intégrer des stratégies à leur quotidien pour tenter de prévenir les épisodes de décompensation de leur état qui représentent l’une des principales causes d’hospitalisation. Une de ces stratégies est de réaliser des autosoins, cependant la littérature scientifique démontre que les patients atteints d’IC réalisent peu ces autosoins. Ainsi, dans le cadre de ce projet de maîtrise, nous avons adapté une intervention infirmière en nous basant sur une stratégie psychoéducative, l’activation de l’intention, dans le but d’optimiser les autosoins chez les patients atteints d’IC. Or, afin de nous assurer de l’acceptabilité et la faisabilité de cette intervention dans les milieux cliniques, nous avons entrepris une approche expérientielle, selon l’approche structurée proposée par Sidani et Braden (2011), avec des infirmières et des patients issus d’un contexte d’IC, leur permettant de participer de manière active à l’élaboration de l’intervention pour qu’elle se colle bien à leur réalité et à leurs contraintes.

Dans ce mémoire, la problématique des autosoins dans un contexte d’IC sera tout d’abord exposée dans le chapitre 1. Par la suite, les concepts essentiels à la compréhension de ce phénomène complexe et de la solution proposée seront définis de manière détaillée au sein du chapitre 2, notamment l’IC, les autosoins, les comportements liés à la santé, la stratégie de l’activation de l’intention et l’approche de Sidani et Braden (2011). Suivra ensuite le cadre théorique utilisé au sein de cette recherche, soit la théorie spécifique des autosoins dans un contexte d’IC, qui sera éclaircie et analysée en lien avec l’intervention proposée dans le chapitre 3. Pour ce qui est du chapitre 4, nous définirons les objectifs précis de ce projet d’étude. Finalement, nous vous présenterons un article scientifique qui a été soumis au Journal of Clinical Nursing, qui englobe notre méthodologie, nos résultats et notre discussion suite à l’approche expérientielle et nous terminerons avec une conclusion qui résumera les résultats saillants de notre recherche et proposera des pistes de recherche pertinentes pour l’avancement de la science infirmière.

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Chapitre 1 - Problématique de recherche

L’insuffisance cardiaque (IC) est un syndrome répandu et dévastateur en Amérique du Nord (Blair,

Huffman, & Shah, 2013) dont l’incidence augmente drastiquement avec l’âge et qui provoque le décès

de plus de la moitié des patients dans les cinq ans suivant le diagnostic (Institut de cardiologie de

l’Université d’Ottawa, n.d.). Selon l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, il s’agit de l’affection

la plus courante et la plus couteuse au Canada, les soins hospitaliers seuls s’élevant à plus de dix

milliards annuellement. Sachant que le vieillissement de la population canadienne continuera de

s’accentuer au cours des prochaines décennies (Statistique Canada, 2016), il est ainsi possible de

déduire que l’IC perpétuera ses dommages auprès d’un nombre toujours plus grand de victimes.

Les patients qui souffrent de ce syndrome présentent des taux alarmants de réhospitalisations, et ce, malgré les avancées majeures des dernières années dans le domaine de la gestion de l’IC chronique (Nancy M. Albert, 2016; Canadian Heart Failure Network, 2012; Gheorghiade, Vaduganathan, Fonarow, & Bonow, 2013; D. S. Lee et al., 2004). De plus, ceux qui se font hospitaliser présentent un pronostic nettement inférieur aux patients qui réussissent à gérer leur IC en demeurant à la maison, sans hospitalisation. La principale cause de réhospitalisation chez ces patients est la forme congestive de l’IC qui se manifeste sous forme de dyspnée, de distension des veines jugulaires et d’œdème aux membres inférieurs (Gheorghiade et al., 2013). Il est important de mentionner qu’à la suite d’un épisode de décompensation aigüe d’IC (de l’anglais acute decompensated

heart failure), les patients ne parviennent pas à retrouver la même réserve physiologique qu’ils avaient

préhospitalisation, et, par conséquent, ils expérimentent de nouveaux déficits fonctionnels, des troubles émotionnels et un état d’insatisfaction généralisé qui affectent négativement leur qualité de vie qui font en sorte qu’ils sont malheureusement plus à risque de vivre d’autres épisodes de décompensation (Givertz & Colucci, 2013; Libby & Braunwald, 2008; Naylor et al., 2004). Il est donc primordial de prévenir les décompensations cardiaques et l’infirmière clinicienne joue un rôle majeur dans la prévention de celles-ci lors de leur suivi auprès de patients IC (N. M. Albert et al., 2015).

Pour prévenir une décompensation aigüe de leur état et ainsi diminuer le nombre et la durée de leurs hospitalisations, les personnes atteintes d’IC doivent adopter des stratégies tels la prise de médication, le monitorage étroit de signes et symptômes, la mise en place d’un réseau social aidant, le traitement des comorbidités ou bien l’amélioration de la communication avec les professionnels de la santé (Ziaeian & Fonarow, 2016). Effectuer quotidiennement des autosoins est d’ailleurs l’une des stratégies-clés permettant d’atteindre ces buts (Buck et al., 2015; Gheorghiade et al., 2013; Jaarsma, Abu-Saad, Dracup, & Halfens, 2000; C. S. Lee et al., 2013; Riegel et al., 2009). Ceux-ci sont des actions quotidiennes qui contribuent à effectuer un suivi plus

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étroit de l’évolution de l’IC et à maintenir la santé et qualité de vie des individus qui en sont atteints (da Conceição, dos Santos, dos Santos, & da Cruz, 2015; Riegel et al., 2009). Ainsi, malgré le caractère dégénératif et irréversible de l’IC, les autosoins font en sorte que les patients n’ajoutent pas des facteurs normalement contrôlables qui risquent de provoquer des épisodes de décompensation, tels que de consommer trop de liquide et/ou de sel ou d’oublier de prendre un diurétique.

Afin de bien cibler les interventions permettant d’améliorer l’adoption de ces comportements quotidiens, les autosoins doivent être mesurés et c’est dans cette optique que des échelles de mesure comme la European Heart Failure Self-Care Scale ont été élaborées. Se peser chaque jour, privilégier une alimentation faible en sel, réaliser de l’exercice physique, restreindre l’apport liquidien quotidien et prévenir son médecin ou son infirmière en situations opportunes sont des autosoins mesurés par cette échelle (Jaarsma, Stromberg, Martensson, & Dracup, 2003). De plus, cet outil de mesure vise à favoriser la prise en charge autonome des patients afin de cibler les comportements de la santé à adopter dans le but de les outiller pour maximiser leur qualité de vie (Jaarsma et al., 2003).

Malheureusement, il est démontré dans la littérature qu’il y a une très faible adhésion à la prise en charge des autosoins par les patients, pourtant essentielle dans le maintien de la stabilité de condition clinique et de leur qualité de vie (Carlson, Riegel, & Moser, 2001; Jaarsma et al., 2000; Jaarsma et al., 2013). Effectivement, plusieurs barrières peuvent s’ériger et rendre difficile l’adoption de ces comportements d’autosoins (Granger, Sandelowski, Tahshjain, Swedberg, & Ekman, 2009; Mead, Andres, Ramos, Siegel, & Regenstein, 2010; Rodriguez, Appelt, Switzer, Sonel, & Arnold, 2008). Considérant qu’un manque de rigueur dans le maintien des autosoins est ce qui provoque la plupart des réhospitalisations chez les IC (Riegel et al., 2009) et que le nombre d’admissions hospitalières pour cette maladie représente environ 2,5 % de toutes les hospitalisations au Québec (Daigle, 2006), il est possible de conclure à l’existence d’un réel problème quant au taux d’adoption des autosoins chez ces patients.

Afin de maintenir la qualité de vie chez les patients atteints d’IC, de diminuer leur risque de décompensation et leur taux d’hospitalisations et de les accompagner adéquatement dans leur expérience de maladie chronique, les comportements d’autosoins doivent être encouragés, renforcés et facilités, et ce, conformément aux recommandations officielles de la American Heart Association (White, Kirschner, & Hamilton, 2014), la European Society of Cardiology (Dickstein et al., 2008), ainsi que la Canadian Cardiovascular Society (Howlett et al.).

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Dans la littérature, on retrouve la description de différentes interventions infirmières visant l’optimisation de la pratique d’autosoins. Par contre, une révision intégrative a soulevé le fait que des modèles ou cadres théoriques pour guider le développement de ces interventions n’ont été utilisés que dans la moitié des 42 études recensées seulement (Boisvert et al., 2015). En ce qui a trait aux changements de comportement liés à la santé, la stratégie basée sur la théorie connue comme activation de l’intention a été démontrée comme étant efficace dans différents contextes en plus d’être simple et pratique. Son utilisation dans le contexte de l’IC, par contre, n’est pas connue.

Pour augmenter le potentiel d’efficacité ainsi que l’application ultérieure de l’intervention dans la pratique clinique, Sidani et Braden (Sidani & Braden, 2011) recommandent une séquence de phases pour le développement ou l’adaptation d’une intervention infirmière. L’une des étapes suggérées est l’approche expérientielle, qui vise à prendre en compte les opinions et les suggestions de la population cible, ce qui permet d’augmenter l’acceptabilité et la faisabilité d’une telle intervention en milieu clinique.

Ainsi, dans une perspective de proposer une intervention infirmière basée sur la théorie, mais plus susceptible d’être efficace et reproductible dans le monde réel de la pratique clinique pour réduire les taux alarmants d’hospitalisations et maintenir la qualité de vie chez les IC, cette recherche a eu pour but d’adapter une intervention psychoéducative basée sur la stratégie de l’activation de l’intention selon les étapes proposées par Sidani et Braden (Sidani & Braden, 2011) de manière à en optimiser l’acceptabilité, la faisabilité ainsi que l’efficacité. Celle-ci, basée sur la stratégie de l’activation de l’intention, a le potentiel d’améliorer directement l’adoption des autosoins et prévenir des réadmissions hospitalières qui demeurent couteuses autant pour le patient et ses proches que pour la société.

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Chapitre 2 – Recension des écrits

2.1 L’insuffisance cardiaque

L’IC est un syndrome caractérisé par une multitude de signes et symptômes tels la dyspnée, l’œdème des membres inférieurs, la fatigue, la pression jugulaire augmentée et les crépitants pulmonaires qui sont causés par une anormalité cardiaque fonctionnelle ou structurelle résultant en un débit cardiaque réduit ou une élévation des pressions intracardiaques (Dickstein et al., 2008; Yancy et al., 2013). L’identification de la cause sous-jacente à l’IC est primordiale pour les approches thérapeutiques, puisque la pathologie détermine le traitement à mettre en place, que ce soit un remplacement de valve cardiaque ou la mise en place d’une thérapie médicamenteuse spécifique dans le cas d’IC avec fraction d’éjection réduit (Dickstein et al., 2008).

En plus des nombreux symptômes physiques invalidants, les patients souffrant d’IC sont sujets à développer des troubles émotionnels graves comme la dépression et l’anxiété (Newhouse & Jiang, 2014; Vongmany, Hickman, Lewis, Newton, & Phillips, 2016) ce qui a pour conséquence d’empirer les atteintes physiologiques et le nombre de décompensations de leur état menant à de multiples hospitalisations. D’ailleurs, l’IC représente l’une des maladies les plus couteuses au système de santé des pays développés, les soins de santé liés à ce syndrome représentant de jusqu’à 2% de tous les coûts liés à la santé (Liao, Allen, & Whellan, 2008). De manière globale, il est estimé que les coûts associés directement ou indirectement à l’insuffisance cardiaque dépassent les 108 milliards annuellement et que ce chiffre continue d’augmenter en raison du vieillissement de la population (Cook, Cole, Asaria, Jabbour, & Francis, 2014).

Puisque les patients présentent autant de signes et de symptômes, plusieurs aspects de leur vie personnelle se trouvent directement affectés, ceux-ci devenant victimes d’une perte excessive de leur qualité de vie. La perte de qualité de vie est si prédominante chez cette clientèle que de nombreuses échelles ont été mises au point afin de la mesurer, tels le Chronic Heart Failture Assessment Tool, le Minnesota Living with Heart

Failure Questionnaire et le Chronic Heart Failure Questionnaire (Garin et al., 2014). Ces patients dénotent

effectivement d’importantes conséquences négatives, entre autres sur leur sommeil, sur leurs activités avec leurs proches, sur leurs capacités de concentration, sur leur vie sexuelle et affective, sur leur travail et sur leurs loisirs et ceci mène à un isolement social accentué qui affecte autant les patients que leurs proches (Bilbao, Escobar, Garcia-Perez, Navarro, & Quiros, 2016).

Ainsi, l’IC entraîne des conséquences néfastes tant chez les patients que chez leurs proches et à la société. Les acteurs sur tous les plans seraient avantagés par l’amélioration de la prise en charge des patients permettant de réduire les hospitalisations et d’augmenter leur qualité de vie. Pour ce faire, plusieurs traitements

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existent selon le niveau de prise en charge de la maladie. Par exemple, il est possible d’agir à titre préventif pour éradiquer des facteurs de risque comme l’obésité, l’hypertension et le diabète tout comme il est possible de traiter un cas de décompensation aigüe avec des approches chirurgicales et pharmaceutiques d’urgence (Ponikowski et al., 2016). Au sein des traitements médicaux extrêmement variés et complexes, incluant la prise d’une imposante médication, la pose d’un cœur mécanique ou d’un dispositif portable de défibrillation et le traitement des nombreuses comorbidités, il demeure une intervention qui ne soit ni médicale, ni chirurgicale, ni pharmaceutique, qui a fait ses preuves (Ponikowski et al., 2016). Cette approche en est une multidisciplinaire qui vise à assurer chez les patients IC l’adoption de comportements d’autogestion de la maladie, soit des autosoins, afin de prévenir les épisodes de décompensation menant à des hospitalisations et de diminuer la mortalité (Ponikowski et al., 2016).

2.2 Les autosoins dans le contexte de l’IC

Les autosoins sont fondamentaux pour maintenir une stabilité physique et émotionnelle adéquate ainsi que pour prévenir et gérer les maladies chroniques (Riegel et al., 2017). Ceux-ci sont définis comme étant un procédé de prise de décision qui adresse la prévention et la gestion d’une maladie chronique et ayant comme concepts principaux des éléments de maintenance, de surveillance et de gestion(Riegel et al., 2017).

À titre d’exemples, les autosoins peuvent inclure, dans le cas de patients atteints d’IC, de cesser de fumer, de perdre du poids, de faire de l’activité physique, de s’informer à propos de leur condition de santé, de diminuer la consommation d’alcool, de prendre leur médication telle que prescrite, de connaître les signes et symptômes à surveiller, de mesurer quotidiennement leur pression artérielle ou encore de réduire la quantité de sodium dans leur alimentation (Nancy M. Albert, 2016; Riegel et al., 2017). Une échelle, nommée European

Heart Failure Self-Care Behaviour Scale, a été créée dans le but de mesurer les comportements d’autosoins

pour faciliter le suivi de l’adoption ou de la modification de comportements d’autosoins chez cette clientèle (Jaarsma et al., 2003). Au départ, cet outil comportait 12 items, mais elle a été réduite à neuf items suite à sa révision, car les auteurs se sont rendu compte que trois des items originaux n’étaient pas des autosoins réalisés de manière consciente par les patients, mais des actions qui résultaient tout simplement de l’aggravation de certains symptômes (Jaarsma, Arestedt, Martensson, Dracup, & Stromberg, 2009). Ainsi, les neuf autosoins qui découlent de cette échelle sont de se peser chaque jour, de faire de l’activité physique, de restreindre sa consommation de sel et de liquides, de prendre adéquation sa médication et de contacter un professionnel de la santé si des signes et symptômes de décompensation surviennent tels un essoufflement plus important, une prise de poids non négligeable, de l’œdème aux membres inférieurs et de la fatigue (Jaarsma et al., 2009).

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La promotion des autosoins est d’ailleurs l’une des recommandations officielles de l’American Heart

Association (Yancy et al., 2013). Effectivement, ce guide recommande vivement la mise en place d’un

programme de promotion et d’enseignement infirmier sur les autosoins pour les patients atteints d’IC qui se retrouvent tous dans la European Heart Failure Self-Care Behaviour Scale. Selon l’AHA, ces autosoins sont déterminants dans la réduction des réhospitalisations ainsi que dans la baisse de mortalité. Les lignes directrices publiées par l’ESC (European Society of Cardiology) quant aux autosoins présentent par contre un peu plus de retenue. Selon les recherches de l’ESC, il n’existerait pas de preuves selon lesquelles les autosoins réduiraient la mortalité et la morbidité ni même que ça améliorerait la qualité de vie des patients (Ponikowski et al., 2016), à l’exception de l’instauration d’une gestion multidisciplinaire, de l’activité physique et de la surveillance des signes et symptômes pour améliorer leur capacité fonctionnelle et diminuer le nombre d’hospitalisations liées à la décompensation cardiaque. Ils recommandent tout de même les autosoins, même si cela est fait de manière plus modeste. Il est donc évident que les autosoins occupent une place prédominante dans la gestion de l’IC.

Il est ainsi indiqué de promouvoir les autosoins chez les patients IC pour maintenir leur qualité de vie, et ce, en plus de leurs traitements et suivis médicaux usuels. Bien que les approches thérapeutiques soient nombreuses et complexes, les autosoins demeurent au cœur de la responsabilité des patients et des infirmières en charge. Une intervention qui assure la promotion de ces comportements d’autosoins est tout indiquée pour rétablir la qualité de vie de ces patients, pour diminuer le nombre d’épisodes de décompensation et d’hospitalisations associées ainsi que pour restreindre les dépenses gouvernementales faramineuses liées à la santé.

2.3 L’adoption de comportements liés à la santé

Les comportements liés à la santé constituent, avant tout, des actions qui demeurent observables et qui comportent des effets non négligeables sur la santé d’un individu, par exemple, l’adoption des différents autosoins chez les IC, qu’ils soient néfastes ou bénéfiques (Godin, 2012). Malgré la connaissance de l’importance de l’adoption de certains comportements liés à la santé, ainsi que la multitude d’outils accessibles aux professionnels et aux patients, plusieurs ne réussissent pourtant pas à adopter de tels comportements. Si le seul facteur lié à la modification d’habitudes de santé était de connaître les répercussions qu’entraînent celles-ci sur leur bien-être et leur qualité de vie, les changements seraient plus facelles-ciles à adopter pour la majorité des gens. L’approche privilégiée ne se résumerait alors qu’à de l’enseignement et cela porterait fruit. Or, la réalité est tout autre. Avant d’être des comportements strictement liés à la santé, ceux-ci sont sociaux, culturels et

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enracinés profondément dans la vie de chaque humain, que ce soit de faire usage du tabac, de se protéger lors de relations sexuelles, de conduire ou non après avoir consommé de l’alcool, de s’entraîner physiquement ou de surveiller étroitement son alimentation (Godin, 2012). Il ne serait d’ailleurs pas saugrenu de dire qu’il n’existe pas de comportements de santé, mais strictement des comportements sociaux que des preuves scientifiques lient avec la santé (Godin, 2012). De plus, plusieurs comportements deviennent des habitudes, soit des comportements générés machinalement dans un contexte spécifique. Cela explique en partie pourquoi une intervention de première génération, c’est-à-dire une intervention basée strictement sur l’enseignement et qui a comme prémisse que de connaître les risques et les dangers pour la santé est suffisant pour changer de comportement, est une approche souvent insuffisante et inadéquate (Godin, 2012).

2.3.1 L’écart (« gap ») intention-comportement

La plupart des théories sociocognitives préconisent que l’intention (ou la motivation pour agir) est le principal déterminant du comportement. En d’autres mots, la puissance du désir de changement de l’individu prédira s’il sera en mesure d’apporter un changement de comportement ou non. Cependant, dans la réalité, il est observé que même les individus motivés et bien intentionnés ne réussissent à modifier leurs habitudes que dans moins de 30% des cas (Gollwitzer, 1999). Ces clients spécifiques sont la cible précise de l’intervention infirmière de cette étude : comment amener les gens atteints d’IC à adopter des comportements d’autosoins, lorsqu’ils sont motivés à entreprendre ceux-ci, mais incapables de les intégrer à leur quotidien malgré tout?

Dans la littérature, il existe de nombreux articles révélant une grande disparité entre le nombre de gens ayant l’intention d’adopter ou de modifier un comportement lié à la santé et ceux réussissant à le faire réellement (Larsen et al., 2018; Pfeffer & Strobach, 2017; Vasiljevic, Ng, Griffin, Sutton, & Marteau, 2016), ce qui est communément nommé l’écart (ou le gap) entre l’intention et la réalisation du comportement. Les raisons pour lesquelles ces individus, les abstinents enclins (de l’anglais, inclined abstainers), ne réussissent pas à traduire leur motivation en action sont multifactorielles. Elles peuvent provenir, entre autres, du fait qu’ils oublient de réaliser les comportements prévus ou qu’ils font face à des opportunités alternatives plus attirantes qui les distraient de leur but (Hagger & Luszczynska, 2014). Pour ce qui est des individus qui ne sont pas motivés à adopter ou modifier un comportement (les abstinents non enclins, ou les uninclined abstainers), plusieurs recherches se penchent sur l’augmentation de leur motivation, mais ce ne sont pas des approches qui permettent de réduire le gap entre l’intention et l’action pour les patients enclins qui souhaitent déjà atteindre des buts de santé, sans y parvenir.

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2.4 La stratégie de l’activation de l’intention

Une des façons privilégiées pour réduire l’écart observé entre l’intention et l’action est d’utiliser la stratégie de l’activation de l’intention, ou implementation intentions, en anglais, une méthode fortement individualisée qui implique qu’un individu identifie ses propres objectifs en termes de comportement ainsi que les moyens pour y parvenir. Puisque, selon Gollwitzer (1999), la présence d’une motivation positive seule ne suffit pas à apporter des changements du comportement, il faut mettre en place des moyens afin d’implémenter des mécanismes permettant d’activer cette intention et pousser la personne à transiger vers une atteinte des objectifs lorsque des barrières se dressent à la réalisation de ces buts. Hagger et al. (2014, 2016) apportent un éclairage sur les études utilisant cette intervention. Ces auteurs ont défini que l’activation de l’intention est une forme de planification qui spécifie une condition critique (un signal) liée à une réponse comportementale visant l’atteinte d’un comportement. Cette définition permet de distinguer l’activation de l’intention qui se présente sous la forme « si… je » des plans d’action plus imprécis et globaux qui consistent à spécifier les composantes « où, quand, comment ». L’activation de l’intention permet d’anticiper les barrières potentielles au comportement et donc de planifier des stratégies pour surmonter les barrières et implémenter le comportement prévu dans les plans d’action.

2.4.1 Plans d’action, plans de coping et activation de l’intention

De nombreuses théories suggèrent que la mise en action de l’intention (l’activation de l’intention) se fait à une étape séparée de celle de la formation de l’intention et ce sont les procédés post-intentionnels qui détermineraient la mise en action réussie des objectifs (Hagger et al., 2016). Les individus augmenteraient la réalisation de l’action déterminée lors de la phase post-intentionnelle avec des composés tels que des plans (Hagger et al., 2016). En d’autres mots, la formation de l’intention est nécessaire au développement de procédés post-intentionnels comme le développement de plans d’action, de plans de coping ou de l’activation de l’intention qui entrainent la réalisation d’une action souhaitable (Hagger & Luszczynska, 2014).

Les concepts de plans d’action, de plans de coping et d’activation de l’intention partagent de nombreuses caractéristiques communes, mais diffèrent légèrement. Il n’existe pas de consensus sur la façon dont l’élaboration de plans d’action est conceptualisée ou opérationnalisée dans la littérature (Hagger & Luszczynska, 2014). De manière générale, les plans d’action peuvent être très vagues et se concentrer sur une perspective très élargie, prenant en compte des signaux complexes et variés, le temps et l’environnement, qui déclenchent l’action et permettent l’atteinte d’objectifs plus vagues (Hagger & Luszczynska, 2014). Les plans d’action sont principalement composés des éléments suivants : le « comment le comportement devrait être

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fait », le « quand » et le « où » (Hagger & Luszczynska, 2014). Les plans de coping, quant à eux, sont des plans d’action visant essentiellement à maintenir un comportement devant des situations impromptues ou des obstacles qui surgissent lors de l’adoption ou la modification du comportement (Hagger et al., 2016).

L’activation des intentions, quant à elle, est très proche de la formation de plans d’action, même que plusieurs articles les utilisent parfois à titre de synonymes (Hagger & Luszczynska, 2014). Cependant, elle est plus spécifique, autant dans sa définition que dans son opérationnalisation. Définie comme des plans « si …, je », l’activation de l’intention permet de forger un lien étroit entre une situation critique et une réponse comportementale dirigée vers l’atteinte des objectifs identifiés (Hagger et al., 2016). En concordance avec l’idée que l’activation des intentions se réalise dans la phase post-intentionnelle selon la théorie des phases de l’action, une fois que l’intention de modifier ou d’adopter un comportement « z » est bien établie, il suffit de déterminer un signal « x » qui va engendrer une réponse comportementale « y » permettant l’atteinte du comportement final « z » préalablement défini.

L’activation de l’intention est efficace lorsque des patients tentent d’instaurer ou de maintenir la poursuite d’objectifs de comportement. Ainsi, il ne s’agit donc pas que de définir les « quand », « où » et « comment » inhérents aux plans d’action, mais de viser le « si …, je » (Verhoeven, Adriaanse, de Vet, Fennis, & de Ridder, 2014). Le « quand, où, comment » se heurte à tellement d’embuches dans le quotidien que la méthode du « si…, je » permet au patient de définir à l’avance ses propres mécanismes de défense en réponse à des situations s’avérant inattendues (Gollwitzer, 1999), agissant par le fait même à titre de plans de coping. Devenir plus conscients des signaux ou des situations à risque et connaître d’avance la manière d’y répondre permet aux patients de prendre des décisions sans délibération consciencieuse qui pourrait mener à une mauvaise prise de décisions (Hagger & Luszczynska, 2014). Dans le cas des autosoins en lien avec l’IC, l’activation des intentions pourrait se traduire ainsi : « si telle situation problématique survient, je ferai ceci afin d’être en mesure de réaliser mon autosoin ». Cette approche engage profondément l’individu à répondre à des situations personnelles d’une manière spécifique et, ainsi, l’activation de l’intention soutient l’atteinte du but pour laquelle l’individu est motivé.

L’activation de l’intention, par sa simplicité relative d’utilisation et son efficacité démontrée, est l’une des techniques les plus utilisées et citées dans les recherches axées sur les interventions sur les comportements liés à la santé (Hagger et al., 2016). Cependant, bien que des effets positifs aient été attestés à de multiples occasions, il existe une hétérogénéité dans les résultats de recherche, certaines études démontrant même que l’activation de l’intention n’aurait aucun effet sur l’adoption d’un comportement lié à la santé (Hagger & Luszczynska, 2014; Hagger et al., 2016). Cette disparité observée dans les résultats est probablement

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inhérente à l’explosion naissante de la recherche dans le domaine de l’activation de l’intention, ce qui aurait entraîné la publication de recherches de moindre qualité méthodologique ainsi qu’une variation non négligeable dans les définitions et méthodes d’opérationnalisation de cette technique. Tout ceci rend ainsi difficile l’évaluation systématique des effets de l’activation de l’intention (Hagger & Luszczynska, 2014; Hagger et al., 2016) et démontre le besoin d’une planification plus stratégique dans l’adaptation de cette intervention dans différents contextes, surtout quand on pense à la transférabilité de cette intervention du contexte de la recherche vers la pratique clinique quotidienne auprès de patients atteints d’IC.

Selon certains auteurs, comme Sidani et Braden (2011), la proposition ou l’adaptation d’une intervention requiert une démarche systématique pour assurer son utilisation dans la pratique clinique ainsi que son potentiel d’efficacité, comme il sera présenté dans la section suivante.

2.5 L’approche de Sidani et Braden (2011) dans le développement

d’interventions infirmières

Pour le développement d’une intervention infirmière, Sidani et Braden (2011) proposent une démarche systématique et logique, mais flexible, ayant pour but d’assurer la qualité et le succès de l’implantation d’une telle intervention. Suivre les étapes proposées par ces auteures augmente les chances de concevoir des interventions infirmières qui sont acceptables par la population cible, ici les patients et les infirmières, et faisables dans un contexte clinique.

La méthode générale de Sidani et Braden (2011) se décline en quatre phases générales, soit le développement de l’intervention, la conception du manuel d’instruction, la réalisation d’études ayant pour but d’évaluer l’acceptabilité, la faisabilité et l’efficacité de l’intervention et, finalement, l’implantation dans la pratique.

Phase 1 – Développement de l’intervention. Dans cette première phase, il s’agit de développer ou

d’adapter une intervention jugée optimale pour améliorer le problème en cause. Cette phase comporte deux étapes globales qui sont d’obtenir une compréhension approfondie du problème et de définir la proposition de l’intervention en soi. Ces étapes sont, à leur tour, déclinées en approches empiriques, théoriques et expérientielles. Ce projet de recherche se concentre sur l’approche expérientielle de la compréhension du problème et de l’adaptation de l’intervention.

La compréhension détaillée du problème à résoudre, qui est une condition existante que des patients présentent et qui demande à ce qu’on y remédie, est le point de départ dans la conception d’une intervention

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selon Sidani et Braden (2011). Dans ce cas-ci, la non-adhérence aux autosoins de patients atteints d’IC est le problème à résoudre. Les approches théorique et empirique de la compréhension du problème ont été résumées précédemment au sein de la problématique et de cette recension des écrits. Les résultats de l’approche expérientielle pour comprendre le problème seront présentés au chapitre 5.

Une fois que le problème est bien défini, il faut développer ou adapter une intervention pour contribuer à améliorer ce problème. Ici, il s’agissait d’adapter la stratégie psychoéducative de l’activation de l’intention pour les infirmières œuvrant auprès de patients souffrant d’IC afin d’optimiser leurs autosoins. C’est à cette étape que les éléments de l’intervention sont peaufinés, tels que la façon dont l’intervention sera réalisée, la « dose » de celle-ci ainsi que les effets prévus sur les résultats. Pour ce faire, deux approches sont utilisées : déductive et/ou inductive. Bien que les deux approches possèdent le même but, soit celui de mieux comprendre le problème et de spécifier les composantes de l’intervention pour y faire face, elles remplissent leur rôle de façon différente tout en demeurant parfaitement complémentaires.

L’approche déductive est basée sur la théorie, normalement une théorie à spectre moyen ou spécifique, et permet de développer des interventions appropriées, efficaces et sécuritaires. Cette démarche facilite l’identification des mécanismes et des éléments qui composent l’intervention pour faire en sorte qu’elle réponde adéquatement au problème énoncé, qu’elle demeure consistante et qu’elle puisse gérer et/ou prévenir le problème avec le moins d’effets néfastes possible. L’approche inductive, quant à elle, est expérientielle et se base sur l’apport ou les commentaires de la population cible, soit les patients et les professionnelles de la santé qui interviennent dans leur pratique clinique. Pour mettre en œuvre cette approche, les chercheurs réalisent des entrevues semi-structurées durant lesquelles ils obtiennent les opinions de leur population cible sur les éléments des interventions qui leur sont proposées. Cette étape est primordiale pour augmenter l’acceptabilité de l’intervention dans la pratique.

Dans cette étude, l’approche déductive, qui porte sur la stratégie de l’activation de l’intention, a été présentée dans la section 2.4 lorsque les bases théoriques de cette intervention ont été discutées. L’approche inductive (expérientielle) de l’adaptation de cette stratégie d’intervention est un objet d’investigation et les résultats seront présentés au chapitre 5.

En ce qui a trait à l’approche empirique de l’adaptation de l’intervention, il est à noter que les travaux de Hagger et al. (2014, 2016) présentent quelques recommandations très utiles pour le mode de livraison ainsi que pour les éléments à tenir compte dans les études visant à évaluer l’efficacité de cette intervention. Effectivement, en plus de spécifier les composantes de l’intervention, les auteurs ont proposé de nombreuses

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recommandations sur les besoins de recherche sur l’activation de l’intention. Entre autres, ils suggèrent de fournir des protocoles d’intervention clairs et complets, de réaliser des mesures de fidélité et de valider pour qui et pour quels comportements la planification selon l’activation de l’intention fonctionne et de réaliser des études randomisées contrôlées afin d’évaluer l’effet de l’activation de l’intention sur les comportements liés à la santé.

L’approche expérientielle dans le dessein d’une intervention, quant à elle, est fondamentale pour éviter la proposition de stratégies présentant un faible taux d’acceptation par les patients et d’applicabilité dans le contexte réel de la pratique infirmière. Ainsi, afin de ne pas ajouter une énième intervention qui ne sera pas utilisée de façon optimale par les infirmières, cette étude vise à obtenir la perception des patients et des infirmières sur la pertinence et les besoins d’adaptation de l’intervention basée sur l’activation des intentions pour optimiser la pratique d’autosoins par les patients atteints d’IC.

Phase 2 – La conception du manuel d’instructions. Dans cette seconde phase, il s’agit

d’opérationnaliser l’intervention dans un manuel d’instructions qui détaille les ressources matérielles et humaines nécessaires pour délivrer l’intervention. Cette étape facilite grandement l’implantation éventuelle ainsi que la mesure de la fidélité lors de recherches futures en assurant l’homogénéité de l’intervention. De ce fait, cette étape permet de fournir des protocoles d’intervention clairs et complets, qui est l’une des recommandations soulevées par Hagger et Luszczynska (2014).

Phase 3 – Mesure de l’acceptabilité, la faisabilité et l’efficacité de l’intervention dans un contexte expérimental. Le but de cette troisième phase est de prouver la causalité entre l’intervention et les résultats

obtenus quant à l’objectif de départ, démontrant de ce fait même que les changements obtenus sont réellement causés par l’intervention et non pas par des facteurs externes. Dans cette phase, l’intervention est évaluée dans des conditions idéales, dans lesquels les facteurs qui peuvent influencer les résultats sont réduits au maximum. Les essais contrôlés randomisés sont les devis les plus utilisés à cette étape et ils permettent d’évaluer l’effet de l’intervention et de réaliser des mesures de fidélité tout en validant également pour qui et pour quels comportements la planification selon la stratégie de l’activation de l’intention fonctionne le plus, répondant du même coup à d’autres recommandations de recherche de Hagger et Luszczynska (2014).

Phase 4 – Implantation dans la pratique. La dernière phase proposée par Sidani et Braden (2011)

permet de mesurer l’efficacité de l’intervention dans un milieu pratique. Il s’agit de déterminer l’effet de l’intervention dans un contexte clinique réel caractérisé entre autres par la variabilité des clients et des intervenants, de l’environnement clinique, des composantes de traitement et de l’importance accordée à l’intervention dans ces milieux.

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En conclusion, toutes ces phases sont essentielles pour proposer une intervention pertinente, efficace et faisable dans le contexte réel de la pratique clinique. Ce projet de maîtrise considère la phase d’approche expérientielle autant au niveau de la compréhension du problème que pour l’évaluation de la pertinence de la stratégie de l’activation de l’intention comme intervention infirmière à être posée par les infirmières œuvrant auprès de patients atteints d’IC pour optimiser leur pratique d’autosoins.

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Chapitre 3 – Cadre théorique

Lorsque des autosoins sont énoncés, une des premières théories qui vient à l’esprit est la théorie d’Orem sur les autosoins, qui a été proposée comme modèle conceptuel en sciences infirmières il y a plus de deux décennies (Wagnild, Rodriguez, & Pritchett, 1987). Or, cette théorie, bien qu’abordant les autosoins en profondeur, comporte de nombreux éléments obscurs et est plutôt difficile à traduire en pratique clinique (Riegel & Dickson, 2008). Par contre, le fait que les patients puissent s’engager dans leurs soins demeure un concept fortement apprécié des infirmières (Riegel & Dickson, 2008).

3.1 Développement de la théorie spécifique sur les autosoins

dans un contexte d’IC

Riegel et Dickson (2008) sont venues à la conclusion qu’une théorie spécifique à une situation, soit celle des autosoins dans le contexte spécifique de l’IC, serait tout indiquée pour les infirmières œuvrant auprès de patients atteints d’IC puisque les théories à spectre moyen ou, encore, les grandes théories comme celle d’Orem, sont plus abstraites et trop vagues, tentant d’articuler un nombre trop important de phénomènes (Riegel & Dickson, 2008). Suivant l’approche de Im et Meleis (Im & Meleis, 1999) pour le développement de théories spécifiques à une situation, Riegel et Dickson (2008) ont développé la théorie spécifique sur les autosoins en IC afin de se concentrer sur cette situation précise seulement, qui est plus concrète, moins abstraite, et ainsi davantage utilisable par les infirmières.

Pour ce faire, elles se sont basées sur les trois éléments nécessaires pour créer une théorie spécifique à une situation tel que fournis par Im et Meleis (Im & Meleis, 1999) qui sont la perception des infirmières, un lien clair et direct entre la théorie, la recherche et les pratiques cliniques, ainsi qu’un schème conceptuel basé sur, entre autres, un raisonnement abstrait ou un dialogue avec des collègues, des étudiants ou des participants de la recherche (Riegel & Dickson, 2008).

3.1.1 Recherche sur les autosoins dans la littérature

Une première recherche sur Pubmed leur a révélé de nombreuses théories spécifiques qui ont contribué à cimenter leur compréhension des autosoins. Les autosoins sont une activité qui fait partie intégrante de la vie du patient, mais ils ne peuvent pas être réalisés adéquatement sans le support des cliniciens (Riegel & Dickson,

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2008). Selon Riegel et Dickson (2008), les infirmières aident les patients à interpréter leurs symptômes, à établir des priorités et à prendre les bonnes décisions quant à leur maladie.

Au travers leurs recherches, ces auteures ont mis en évidence l’usage d’une multitude de synonymes aux autosoins dans la littérature, comme autogestion, automonitorage ou autorégulation, et cette terminologie est déroutante pour les professionnels et les chercheurs qui veulent approfondir leurs connaissances sur les autosoins (Riegel & Dickson, 2008). Ainsi, l’une des priorités de Riegel et Dickson a été de définir le concept d’autosoins. Voici la définition à laquelle elles sont parvenues : « [les autosoins constituent] un processus de prise de décisions naturalistes impliquant le choix de comportements qui maintiennent la stabilité physiologique (comportements de maintien) et la réponse aux symptômes lorsqu’ils se manifestent (comportement de gestion) [traduction libre] » (Riegel, Dickson, & Faulkner, 2016).

3.1.2 Développement de la théorie

Pour parvenir à cette définition qui est l’une des assises principales de leur théorie, les auteures se sont basées sur un modèle conceptuel qu’elles avaient déjà créé auparavant. Les éléments-clés de ce modèle préliminaire étaient les comportements de maintien et de gestion. Les comportements de maintien reflètent les comportements visant à maintenir une stabilité physiologique et intègrent le monitorage des symptômes et l’adhérence au traitement (Riegel & Dickson, 2008). Les comportements de gestion, quant à eux, peuvent être catégorisés en cinq stages distincts, en accord avec la définition de Wilde et Garvin (Wilde & Garvin, 2007) qui s’articulent comme suit : reconnaitre un changement, évaluer le changement, décider d’agir, implémenter une stratégie de traitement et évaluer le traitement implémenté (Riegel & Dickson, 2008). Ce modèle conceptuel est illustré à la Figure 1.

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Figure 1 - Modèle conceptuel qui englobe les comportements de maintien et de gestion (séparés en cinq

stages) des patients devant réaliser des autosoins ainsi que la confiance qui modère les résultats. Figure traduite avec la permission de Wolters Kluwer Health, inc.: [Riegel, B., & Dickson, V. V. (2008). A

situation-specific theory of heart failure self-care. Journal of Cardiovascular Nursing, 23(3), 190-196. doi:10.1097/01.Jcn.0000305091.35259.85, https://journals.lww.com/jcnjournal/]

Aux comportements de maintien et de gestion basés sur leur modèle conceptuel antérieur, Riegel et Dickson (2008) ont ajouté deux composantes majeures pour constituer leur théorie sur les autosoins dans un contexte d’IC. La première composante repose sur le raisonnement et la capacité de pensée critique du patient à prendre des décisions éclairées quant à leurs symptômes. C’est ce qui a amené les auteurs à se rapprocher du concept de prise de décision naturaliste. Les auteurs affirment que cette façon de prendre des décisions reflète davantage le procédé par lequel les gens prennent des décisions dans la vraie vie. Effectivement, en situation réelle, les gens prennent des décisions dans des contextes complexes et variés soumis à une multitude de contraintes et d’incertitudes et cela influence directement leur capacité à prendre des décisions raisonnées (Riegel et al., 2016). Par exemple, au restaurant, comment un patient choisit-il son repas si les informations nutritionnelles sont incomplètes? Si un patient a d’autres priorités, par exemple un rendez-vous extrêmement important, se pourrait-il qu’il décide de retarder la prise de son diurétique pour ne pas ressentir l’envie d’uriner au milieu de ce rendez-vous? Ainsi, cette prise de décision naturaliste prend en compte les enjeux réels de la vie des patients et est caractérisée par quatre éléments qui sont de se concentrer sur le processus plutôt que sur le résultat, d’utiliser des règles de décision qui correspondent à la situation et à l'action, de laisser le contexte influencer la prise de décision et de se baser sur des informations pratiques disponibles sur le moment (Riegel & Dickson, 2008). Pour que les patients puissent prendre des décisions naturalistes, ils doivent développer une expertise afin de visionner une action et anticiper les résultats. Les facteurs qui influencent le plus leur capacité

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à prendre de telles décisions sont leurs connaissances, leur expérience, leurs compétences et leurs valeurs, comme illustré à la Figure 2 (Riegel & Dickson, 2008).

Figure 2 - Composantes de la prise naturaliste de décisions. Figure traduite avec la permission de Wolters

Kluwer Health, inc.:[Riegel, B., & Dickson, V. V. (2008). A situation-specific theory of heart failure self-care.

Journal of Cardiovascular Nursing, 23(3), 190-196. doi:10.1097/01.Jcn.0000305091.35259.85,

https://journals.lww.com/jcnjournal/]

La seconde avancée majeure par rapport au modèle conceptuel réside dans le concept de la confiance qu’ont les patients à accomplir leurs autosoins. Dans leur premier modèle conceptuel, la confiance était une composante importante intégrale de celui-ci alors qu’elle devient, dans cette théorie, un simple médiateur ou un modérateur de la relation entre les autosoins et les résultats (Riegel & Dickson, 2008).

3.2 Propositions théoriques de la théorie spécifique des autosoins

en IC

Quatre propositions théoriques forment la base de la théorie spécifique des autosoins dans un contexte d’IC (Riegel & Dickson, 2008), tels que voici :

1. Reconnaitre les symptômes est d’une importance capitale pour gérer avec succès les autosoins ;

2. Les autosoins sont influencés par les connaissances, l’expérience, les compétences et les valeurs des patients ;

3. La confiance modère l’influence des autosoins sur les résultats ; et

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La seconde proposition reconnait l’influence de quatre facteurs personnels sur la réalisation des autosoins. Les connaissances du patient sont un important déterminant dans la réalisation de certains autosoins et réfèrent à toute l’information pertinente qu’il est capable de se souvenir et des informations apprises par le passé (Riegel et al., 2016). Par exemple, cela peut inclure toutes les connaissances qu’un patient possède en ce qui a trait à la reconnaissance des signes et symptômes, à la prise de différentes mesures comme la tension artérielle et le poids, ou aux indications de la thérapie médicamenteuse. L’expérience est décrite comme ce qui permet de construire ses connaissances et ses compétences suite à une exposition à un phénomène. Un patient qui a vécu une hospitalisation suite à une décompensation de son IC a une expérience différente d’un patient qui n’a jamais vécu une telle décompensation et cela peut grandement influencer ses décisions. Les compétences, quant à elles, sont l’habileté à utiliser ses connaissances facilement et de manière efficace pour réaliser avec succès un autosoin (Riegel et al., 2016). Tous les patients ne possèdent pas les mêmes compétences, qu’elles soient intellectuelles ou physiques. Finalement, les valeurs peuvent être définies de manière générale comme des préférences personnelles quant à un cours d’action approprié face à une situation qui reflète son sens du bien et du mal (Riegel et al., 2016).

3.3 Révision de la théorie

En 2016, une révision de la théorie a été publiée afin d’accentuer l’importance de certains éléments et d’ajouter des concepts ainsi que des propositions. Premièrement, la définition des autosoins a légèrement été modifiée. Auparavant, elle se concentrait sur les choix qui maintiennent une stabilité physiologique en lien avec des comportements de gestion et de maintien via un processus naturaliste de prise de décisions. La nouvelle définition devient plus axée sur le fait que la reconnaissance des symptômes est primordiale et que tout ce qui englobe les comportements d’autosoins est influencé par ce processus naturaliste de faire des choix : « les autosoins sont définis comme un processus de décision naturaliste qui influence les actions qui maintiennent la stabilité physiologique, facilite la perception des symptômes et oriente la gestion de ceux-ci [traduction libre] » (Riegel et al., 2016).

Trois différences entre les deux versions de la théorie peuvent être soulevées. En premier lieu, il y a émergence d’un nouveau concept, soit celui de la perception des symptômes. Les sensations physiologiques sont considérées comme des symptômes si celles-ci sont anormales (Riegel et al., 2016). Puisque plusieurs patients atteints d’IC ont de la difficulté à cerner et identifier leurs symptômes, et qu’en plus ils en ressentent un grand nombre, les auteures ont jugé important de l’incorporer à la théorie. Ainsi, la perception des symptômes devient un construit essentiel aux autosoins, puisque les patients exécutent leurs comportements de maintien

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habituel et ce n’est que lorsqu’ils reconnaissent un ou plusieurs symptômes qu’ils décident de réaliser un comportement de gestion qu’ils jugent approprié en lien avec le ou les symptômes constatés (Riegel et al., 2016).

En second lieu, une distinction a été soulevée quant aux comportements autonomes et ceux qui sont encouragés par les professionnels de la santé. Chaque comportement, qu’il soit de maintien ou de gestion, a une composante autonome et une composante consultative avec un professionnel (Riegel et al., 2016).

En troisième et dernier lieu, la dernière révision apportée à cette théorie est d’intégrer de manière plus centrale la prise de décision naturaliste. Les éléments de personne, d’environnement et de facteurs reliés au problème sont influencés par les connaissances, les compétences, les expériences et les valeurs de la personne en cause (Riegel et al., 2016). Ainsi, bien qu’un patient puisse assurer normalement ses autosoins de maintien, il peut y avoir des facteurs qui viennent influencer sa capacité à prendre de bonnes décisions et cela influence directement la réalisation des autosoins. Le processus naturaliste de prise de décisions (voir la Figure 3) prend en compte le fait que les décisions prises dans la vraie vie le sont dans des contextes variés d’insécurité et de contraintes et il est donc très difficile de prévoir les décisions qui seront prises. Cela explique en grande partie pourquoi plusieurs patients prennent des décisions inconsistantes en lien avec leur IC (Riegel et al., 2016).

Figure 3 – Prise naturaliste de décisions en lien avec la définition revue des autosoins, en incluant le concept

de perception des symptômes. La situation est influencée par la personne, son problème et son environnement et le passage à l’action (réaliser les autosoins) est, quant à lui, influencé par les expériences, les connaissances, les compétences et les valeurs des patients. Figure traduite avec la permission de Wolters

Kluwer Health, inc.: [Riegel, B., Dickson, V. V., & Faulkner, K. M. (2016). The Situation-Specific Theory of Heart Failure Self-Care: Revised and Updated. Journal of Cardiovascular Nursing, 31(3), 226-235.

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3.3.1 Nouvelles propositions théoriques

Suite à la publication de la théorie originale en 2008, dans laquelle quatre propositions avaient été présentées, la liste des propositions a été étendue à huit et a été raffinée, chacune des propositions pouvant d’ailleurs être testée, ce qui ajoute de la validité à cette théorie. Les nouvelles propositions sont :

1. Les comportements d’autosoins sont influencés par des facteurs uniques ;

2. Les groupes de symptômes physiques et émotionnels influent sur les autosoins de manière unique et importante ;

3. Les décisions concernant les autosoins peuvent être conscientes ou subconscientes. Les décisions conscientes et subconscientes reflètent les choix dictés par l'interaction de facteurs liés à la personne, au problème et à l'environnement ;

4. Les comorbidités réduisent la capacité des patients atteints d'IC à différencier la cause de leurs symptômes et nuisent à l'auto-efficacité en matière d’autosoins ;

5. L’auto-efficacité liée aux autosoins sert de médiateur et/ou modère la relation entre les prédicteurs des autosoins, les autosoins de maintien la perception et la gestion de symptômes, et/ou résultats-patient. Une auto-efficacité plus élevée en lien avec les autosoins est associée à de meilleurs autosoins et à de meilleurs résultats d'IC ;

6. Des niveaux modérés à élevés d’accomplissement d’autosoins sont nécessaires pour améliorer les résultats reliés à la gestion de l’IC ;

7. À mesure que l'auto-efficacité des autosoins augmente, les comportements d'autosoins autonomes augmentent également ; et

8. La maîtrise des autosoins de maintien précède la maîtrise de la perception des symptômes, qui précède les comportements de gestion des symptômes. Autrement dit, les autosoins semblent être un processus linéaire allant du maintien à la perception des symptômes à la gestion de ceux-ci. La gestion des symptômes est le comportement le plus élevé et le plus raffiné en matière d’autosoins et c’est celui qui nécessite le plus de connaissances et de compétences.

3.4 Lien de la théorie spécifique des autosoins en IC avec la

stratégie de l’activation de l’intention

Tel que vu précédemment, l’intervention infirmière utilisée dans le cadre de ce projet de recherche découle de la stratégie de l’activation des intentions en incitant les patients à identifier les obstacles qui se dressent contre la réalisation de leurs autosoins ainsi que les moyens à mettre en place pour y faire face. Sous la forme « si…,

Figure

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