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Favoriser l’inclusion numérique en lycée professionnel : un enjeu éducatif et pédagogique

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01680273

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01680273

Submitted on 10 Jan 2018

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Favoriser l’inclusion numérique en lycée professionnel :

un enjeu éducatif et pédagogique

Nour Bousmah

To cite this version:

Nour Bousmah. Favoriser l’inclusion numérique en lycée professionnel : un enjeu éducatif et péda-gogique. Education. 2017. �dumas-01680273�

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Master « Métiers de l'Enseignement, de l'Education

et de la Formation »

Mention second degré

Parcours : Documentation

Favoriser l’inclusion numérique en lycée

professionnel : un enjeu éducatif et

pédagogique

soutenu par

Nour Bousmah

le 19 mai 2017

en présence d’un jury composé de :

Evelyne Montel-Roux

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Table des matières

Table des matières ... 2

Introduction ... 3

1. Le numérique en éducation prioritaire ... 5

1.1. Les difficultés liées au numérique ... 5

1.2. Les inégalités sociales et scolaires ... 8

1.3. La fracture numérique ... 11

2. La place du numérique à l’École... 15

2.1. L’impact du numérique sur les apprentissages ... 15

2.2. L’importance du projet pédagogique ... 18

2.3. La transmission d’une compétence transversale ... 20

3. Les actions pédagogiques et éducatives ... 23

3.1. Les solutions structurelles ... 23

3.2. Les dispositifs pédagogiques privilégiés ... 27

3.3. L’organisation des apprentissages et l’aide au travail personnel ... 31

Conclusion ... 34

Références bibliographiques ... 35

Résumé ... 41

Abstract ... 41

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Introduction

L’introduction des technologies numériques est un événement majeur qui a modifié en profondeur nos pratiques en matière d’information et de communication. Le numérique est ainsi devenu un fait social, sinon total, du moins incontournable qui se présente comme un défi à relever pour l’École. En effet, l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) se heurte à de nombreuses difficultés auprès des publics scolaires. Nous adhérons ainsi à la déclaration de la Ministre de l’Éducation nationale de l’Enseignement supérieur et de la Recherche selon laquelle « l’enjeu de l’avenir numérique que nous construisons ensemble, c’est qu’il ne se fasse jamais en aggravant des inégalités et des fractures » (Vallaud-Belkacem, 2016b).

Notre étude interroge les usages numériques des élèves inscrits dans une filière industrielle de l’enseignement professionnel, leurs difficultés éventuelles et les logiques inhérentes à leurs pratiques. Nous mesurons le niveau de maîtrise des élèves afin de définir des leviers permettant d’améliorer l’apprentissage des compétences numériques.

La réflexion autour de cette problématique émerge à l’occasion d’une affectation en qualité de fonctionnaire stagiaire en documentation au sein du lycée des métiers René Caillié. Ce lycée professionnel du onzième arrondissement marseillais forme les élèves dans le secteur industriel, et plus particulièrement dans les métiers du bâtiment, des travaux publics et de la topographie. L’établissement accueille différents niveaux scolaires de la voie professionnelle : une classe de troisième préparatoire à l’enseignement professionnel dite « 3e prépa-pro », cinq sections de classes préparatoires au certificat d’aptitude professionnelle (CAP), sept sections de baccalauréat professionnel, et une section préparant au brevet de technicien supérieur (BTS).

Le numérique sera abordé dans sa dimension transversale sans aucunement nous limiter à ses aspects techniques. On différenciera également le champ du numérique de celui de l’information-documentation, même si les deux partagent nécessairement des préoccupations communes. On envisagera ainsi le numérique en tant que spécialiste de l’information-documentation mais aussi en qualité de professionnel de

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l’éducation. Ce positionnement permettra de définir les compétences communes à tous les professeurs et les compétences spécifiques aux professeurs-documentalistes qui peuvent être mobilisées dans la transmission des compétences numériques aux élèves.

Les difficultés des élèves dans le domaine du numérique feront d’abord l’objet d’un constat. On tentera d’en identifier les origines, les causes mais aussi les implications afin de cerner au mieux l’étendue du problème. Les enjeux liés au numérique éducatif seront ensuite analysés de manière à identifier le rôle des TIC dans les apprentissages et définir le contenu des compétences numériques. L’objectif sera enfin de déterminer quelles sont les solutions pédagogiques et les actions éducatives en mesure de faire progresser les élèves en difficulté.

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1. Le numérique en éducation prioritaire

À partir du constat réalisé dès la rentrée scolaire et de l’étude diagnostique qui en a suivi, nous avons tenté d’identifier au mieux les difficultés rencontrées par un grand nombre d’élèves dans l’exécution de tâches numériques relativement simples. Tout au long de l’année, nous avons relevé ces difficultés pour tenter d’en faire l’analyse. La connaissance du niveau de compétence attendu à la sortie du collège nous a mis sur la piste de difficultés structurelles et généralisées au sein du public de l’établissement. Une majorité d’élèves est concernée par ce problème. Les différents travaux de recherche consultés dressent un constat similaire au nôtre : les difficultés identifiées sont inhérentes aux compétences visées, mais aussi spécifiques au public concerné. L’admettre, c’est déjà le comprendre : les difficultés de ces élèves semblent être le résultat d’inégalités d’apprentissage des compétences numériques.

1.1. Les difficultés liées au numérique

Être connecté permet aujourd’hui d’être intégré socialement, de communiquer, de s’informer et d’être contemporain de son époque. Il existe pourtant une quantité non négligeable de citoyens pour qui la maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC) est problématique. Il faut, avant tout, parvenir à caractériser et identifier ces difficultés. Dès 1999, Lionel Jospin soulevait le problème de l’ « illectronisme », craignant y déceler une nouvelle forme d’illettrisme. Le Premier ministre espérait d’ailleurs faire de l’École le rempart contre ce nouveau fléau (Jospin, 1999). Selon l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), 15% de la population française serait aujourd’hui touchée par cet illettrisme numérique (ANLCI, 2016).

Dans cette configuration, on a momentanément cru que les jeunes générations bénéficiaient d’un avantage considérable en ce qu’elles étaient contemporaines de ce nouveau paradigme. Les jeunes nés dans un environnement numérique, surnommés digital natives, seraient plus aptes à maîtriser les compétences numériques que ceux dont l’apprentissage s’est révélé être une pénible migration du vieux monde analogique au nouvel univers numérique.

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Popularisé par Marc Prensky (Prensky, 2001), le terme de digital natives s’est avéré être un concept à faible valeur heuristique car il occultait le processus d’apprentissage et l’acculturation technologique que constitue le passage d’une pratique inconsciente à un usage conscient (Cerisier, 2016; Collin, 2016; Cordier, 2016b).

Si la recherche en sciences de l’information et de la communication a depuis longtemps permis de déconstruire ce mythe, il continue de résonner de manière tenace dans la société et dans l’institution scolaire. On touche ici du doigt le problème des implicites scolaires et des pré-requis excessifs : certaines compétences numériques sont supposées acquises voire innées et ne font l’objet d’aucune attention de la part de la communauté éducative. Inéluctablement, ces implicites sont de plus en plus nombreux lorsqu’on progresse dans les cycles, alors que les dispositifs sont de moins en moins dédiés à l’acquisition ou la consolidation de ces compétences.

La mise en œuvre irrégulière du Brevet informatique et internet (B2i) à partir de 2000 n’a pas réellement permis d’unifier dans un référentiel commun et généralisé l’ensemble des compétences attendues à chaque stade de la scolarité. Son abandon progressif témoigne du relatif échec du dispositif. Gageons que le prochain dispositif – le PIX, institué dès la rentrée 2017 – aura une fortune plus heureuse. La description de sa fonction dans la circulaire de rentrée indique la volonté d’inscrire les compétences numériques dans une perspective curriculaire liée aux enseignements, ce qui pourrait les rendre incontournables : « Les connaissances et les compétences numériques, présentes dans les programmes de tous les cycles, seront rassemblées et organisées, de façon progressive et par grands domaines, dans un cadre de référence des compétences numériques, couvrant la scolarité obligatoire ainsi que le lycée » (Vallaud-Belkacem, 2017).

Admettant que les difficultés liées au numérique n’épargnent pas les jeunes générations, certains chercheurs et professionnels de l’éducation ont cru pouvoir imputer ce problème au manque d’équipement des familles et des établissements. Cette explication univoque laissait supposer que l’immersion dans un environnement numérique pourrait permettre de régler les difficultés des élèves. Elle prétendait

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également rendre compte des inégalités qui peuvent exister entre des groupes d’élèves plus ou moins équipés donc plus ou moins compétents.

Les chercheurs s'accordent aujourd’hui à dire que le taux d'équipement est relativement important. La question de l’accès à internet est aussi en passe d’être résolue : en France, 4.1 points séparent les élèves de milieu favorisé et ceux de milieu défavorisé en ce qui concerne l’accès à internet, lorsque l’écart moyen des pays de l’OCDE est de 13.4 points (OCDE / PISA, 2015). Comme nous allons le voir, les difficultés semblent d’abord se loger dans les usages. Elles sont notamment dues à la complexité de l’architecture numérique de l’information, sur internet en général et les réseaux sociaux en particulier (Jehel, 2016).

Contrairement à l’explication relative à l’équipement qui nécessite seulement une diffusion massive des TIC, celle relative aux usages introduit la problématique des apprentissages, et notamment des usages pédagogiques qui pourraient être développés grâce à ces équipements. L'utilisation des TIC en classe est longtemps demeurée marginale (Thibert, 2012). En 2012, le rapport de l'IGEN concernant le suivi du plan DUNE signalait le relatif échec de ce plan pour le développement des usages du numérique à l'école, lancé deux ans auparavant (IGEN / IGAENR, 2012). Qu'en est-il aujourd'hui ? Les TIC sont-ils utilisés dans un contexte pédagogique ? Si le taux d’utilisation a progressé concernant certaines pratiques professionnelles, il demeure faible pour d’autres. Les enseignants utilisent majoritairement les TIC en dehors de la classe pour effectuer des tâches administratives ou pour préparer leurs cours. Si 78% des enseignants déclarent utiliser les TIC au moins une fois par semaine pour monter des séances pédagogiques, le résultat chute à 35% lorsque les activités impliquent une manipulation de la part des élèves. L’opinion du corps enseignant sur les TIC a pourtant évolué positivement ces dernières années : il se déclare moins réticent qu’auparavant dans les usages et un relatif consensus s’est établi sur les bénéfices relatifs aux apprentissages. Il reste néanmoins une série de facteurs dissuasifs et de limites imposées par une trop faible maîtrise de l’outil par les enseignants.

Au Lycée René Caillié, et malgré l’équipement d’une majorité de salles de cours, les usages pédagogiques des TIC sont relativement peu fréquents, excepté dans les filières où leur utilisation est incontournable (filière topographie, par exemple). Nous

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rejoignons ainsi le constat de Rémi Thibert selon qui l'usage pédagogique des TIC reste, encore aujourd’hui, très limité (Thibert, 2012). Ce constat n'est pas propre à la France et se vérifie également à l'échelle européenne : le rapport Eurydice a montré que nos voisins peinent également à promouvoir les pratiques numériques et à utiliser des solutions pertinentes (Eurydice, 2011).

Dans ce contexte, les difficultés rencontrées par les élèves dans le domaine du numérique ont peu de chance d’être surmontées à l’École. D’autant que le contexte scolaire semble avoir une influence plus ou moins positive sur les apprentissages.

1.2. Les inégalités sociales et scolaires

Si les adolescents n’ont pas des compétences innées et que les solutions pédagogiques au problème de l’illectronisme sont difficiles à mettre en œuvre, il n’en demeure pas moins que ces difficultés sont plus ou moins prégnantes en fonction du contexte scolaire. Les nombreuses études concernant les pratiques numériques et informationnelles des adolescents ont souvent tendance à les constituer en groupe homogène et à lisser les difficultés sur l’ensemble du groupe générationnel (boyd, 2016; Cordier, 2016a), ce qui n’est pas toujours le cas (Fluckiger, 2016). Un constat supplémentaire s’ajoute donc au précédent : les difficultés rencontrées par les élèves sont renforcées par le contexte scolaire spécifique dans lequel elles s’inscrivent. Les problématiques liées aux inégalités scolaires sont au cœur des politiques éducatives depuis plusieurs années. Des dispositifs de réussite scolaire aux réseaux d’éducation prioritaire, les mesures se succèdent pour tenter de résorber des inégalités devenues endémiques. Bien entendu, les difficultés scolaires peuvent être expliquées par une multitude de facteurs relativement indépendants les uns des autres. Les enquêtes sociologiques montrent néanmoins que les facteurs socio-économiques sont prépondérants. En France, l’articulation entre inégalités sociales et éducatives reste très élevée comparativement aux autres pays de l’OCDE (Cnesco, 2016). L’importance du phénomène est telle que l’institution scolaire reconnaît désormais que les politiques éducatives doivent « tenir compte du poids des déterminismes économiques et sociaux » (Vallaud-Belkacem, 2016a). On remarque par ailleurs que les difficultés sont territorialement localisées, comme l’indique la circulaire de rentrée 2017 qui entend lutter « contre les inégalités sociales

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et territoriales » (Vallaud-Belkacem, 2017). Ainsi, les facteurs sociaux, économiques et territoriaux semblent conditionner en grande partie la réussite scolaire.

Le manque d’efficacité des politiques éducatives en matière de résorption des inégalités a récemment été admis par l’institution scolaire à l’occasion de la publication du rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire sur les inégalités sociales et migratoires (Cnesco, 2016). Le Cnesco officialise ainsi l’échec du processus historique d’unification et de démocratisation du système scolaire français dans la mesure où il montre que l’école tend à amplifier les inégalités. Le rapport, qui soulève des inégalités de traitement entre les élèves, est sans appel : « l’école française donne moins à ceux qui ont moins » (Cnesco, 2016). On constate ainsi que les élèves en éducation prioritaire acquièrent seulement 35 % des compétences attendues à la fin du collège. Plus grave, on remarque que l’orientation des élèves peut être décidée en fonction de critères purement sociaux, indépendamment des résultats scolaires : à niveau égal, un élève de milieu social favorisé a deux fois plus de chances qu’un élève des classes défavorisées d’être orienté dans la voie générale.

Hormis quelques filières qui demeurent sélectives, la problématique de l’enseignement professionnel est aujourd’hui complètement liée à celle des inégalités sociales en milieu scolaire. Le dernier rapport de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre que le choix de l’orientation en voie professionnelle est fonction de la catégorie socio-professionnelle des parents. À titre d’exemple, en 2015, 44% des bacheliers enfants d’ouvriers ont obtenu un baccalauréat professionnel, 22% un baccalauréat technologique et 34% un baccalauréat professionnel. La même année, seuls 9% des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures obtenaient un baccalauréat professionnel, 14% un baccalauréat technologique et 77% un baccalauréat général. Il faut également noter que 60% des bacheliers dont l’origine sociale n’est pas renseignée obtiennent un baccalauréat professionnel : cet indicateur n’est pas anodin quand on sait que l’incertitude de l’origine sociale embrasse en réalité une multitude de situations généralement précaires pour les élèves concernés (MENESR, 2016b). La sortie des lycées et lycées professionnels de la carte de l’éducation prioritaire laisse supposer que les problèmes des établissements auparavant concernés par

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ces dispositifs sont désormais résolus. Par ailleurs, les spécificités des établissements et les difficultés de leur public ne sont plus aussi aisément identifiables. Néanmoins, les données statistiques recueillies dans les fiches établissements permettent d’établir un constat assez fin des difficultés auxquelles nos élèves sont éventuellement confrontés, comparativement aux moyennes académiques et nationales.

Au lycée René Caillié, un nombre important d’élèves éprouve des difficultés sociales et scolaires. L’établissement était auparavant inscrit en zone d’éducation prioritaire (ZEP), puis dans le réseau de réussite scolaire (RRS). Les difficultés scolaires rencontrées par les élèves sont elles-mêmes disparates : on constate des écarts d’âge importants au sein d’une même classe, certains élèves sont en échec scolaire et d’autres n’ont été que peu scolarisés auparavant. L’établissement accueille de nombreux mineurs isolés et d’élèves primo-arrivants dont certains vivent en foyer d’accueil. Les situations sociales les plus délicates concernent les élèves de CAP : 35% d’entre eux n’ont aucun parent référencé dans la fiche élève. L’établissement accueille de nombreux élèves étrangers, lesquels ont souvent des difficultés dans la maîtrise de la langue. Cette diversité de nationalités concerne surtout les classes de CAP (13 nationalités recensées en 1ère année de CAP) et, dans une moindre mesure, les classes de Bac Pro (6 nationalités en 2nde). Les problèmes concernant la maîtrise de la langue sont plus larges et rendent nécessaire l’organisation d’entretiens de positionnement dès la rentrée scolaire. Certains élèves ont déjà été diagnostiqués « dys » lors de leur cursus antérieur mais d’autres ne le sont que trop tardivement. Le taux d’absentéisme est relativement élevé et les retards sont fréquents. Si certains sont imputables aux difficultés relatives aux transports en commun, ils témoignent surtout d’un manque de motivation de la part des élèves concernés.

Comme l’a montré Aziz Jellab dans sa Sociologie du lycée professionnel, il existe bien une hiérarchie des filières au sein de l’enseignement professionnel entre le tertiaire et l’industriel, d’une part, et au sein même des filières industrielles, d’autre part (Jellab, 2008). Le taux de pression relativement faible dans les filières du bâtiment et des travaux publics rend possible l’occupation des places vacantes par les élèves avec les dossiers scolaires les plus difficiles, ainsi que les élèves pour qui l’accueil en établissement correspond davantage à un processus de resocialisation

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qu’à un projet scolaire motivé. Les orientations subies sont nombreuses et les différentes vagues d’affectation acheminent des élèves de moins en moins motivés par les formations.

Les répercussions du contexte scolaire sur les résultats sont nettes : bien que les taux de réussite au CAP soient globalement satisfaisants, ceux du brevet et du baccalauréat sont bien en deçà des moyennes nationales. Ces deux certifications sont d’ailleurs celles qui impliquent le plus la maîtrise de compétences numériques.

1.3. La fracture numérique

Les difficultés scolaires dont témoignent les élèves de ce type d’établissement concernent également le domaine du numérique. On constate ainsi une fracture numérique en fonction des caractéristiques sociales, économiques et territoriales. Cette fracture vient mettre à mal une seconde fois le mythe des digital natives puisqu’on remarque que certains jeunes sont davantage « natifs », c'est-à-dire initiés, que d’autres en ce domaine.

Différentes recherches menées ces dernières années montrent l’existence d’une corrélation forte entre les catégories sociologiques classiques et le niveau de compétences numériques : ces dernières sont ainsi fonction de l’âge, du niveau de revenu et de diplôme. Les inégalités de compétences numériques et informationnelles recoupent ainsi les inégalités sociales et culturelles (Brotcorne & Valenduc, 2009). Concernant plus spécifiquement les publics scolaires, on observe bien évidemment une répercussion des indicateurs socio-économiques du foyer sur le niveau de compétence.

Il faut cependant remarquer que les inégalités éducatives liées au numérique sont de moins en moins liées à l’équipement. La fracture numérique au regard de l’équipement ou de l’accès à internet s’est progressivement résorbée, même si les foyers les moins équipées demeurent toujours les plus fragilisées socialement. Dans les familles des milieux populaires, la distribution de l’équipement se fait souvent en faveur des enfants, ce qui conduit au phénomène paradoxal selon lequel ces élèves sont en moyenne plus équipés et bénéficient plus souvent d’un poste connecté dans leur chambre que leurs camarades de milieu aisé. À titre d’exemple, les élèves de 6e

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et de 5e scolarisés en réseau d’éducation prioritaire sont 86% à posséder un téléphone portable. Parmi eux, 94% possèdent un smartphone (AFEV, 2016).

Si les inégalités persistent, elles se situent donc au niveau des usages : dès le début des années 2000, des chercheurs ont remarqué l’apparition d’une fracture de 2e

degré concernant les inégalités d’usages ou d’accès à l’information (Hargittai, 2002). Il suffit de réaliser une typologie des usages numériques des adolescents pour se rendre compte de l’écart existant entre ceux qui ont des usages exclusivement ludiques et ceux qui parviennent à avoir des « usages créatifs et utiles » (Barbin, Bourgeois, & Siœn, 2016, p. 177). Cette différence pose d’autant plus problème que l’appropriation des compétences non-ludiques est plus difficile. Par ailleurs, il semblerait que le partage entre usage ludique et usage à visée pédagogique dépend du capital culturel des foyers. Les compétences transversales liées à l’utilisation des TIC sont ainsi mieux appréhendées par les élèves qui évoluent dans un environnement culturel privilégié (Rideout, Foehr, & Roberts, 2010). Plus inquiétant, parmi les variables individuelles, culturelles et socio-économiques qui conditionnent les usages numériques des jeunes, ce sont les dernières qui sont prépondérantes (Collin & Karsenti, 2013).

Les inégalités s’enracinent principalement dans les usages numériques extrascolaires qui sont hétérogènes (Collin, 2016). On remarque ainsi que les élèves ont un socle assez restreint d’usages communs puis une gradation d’usages et de compétences qui élimine progressivement les élèves les moins favorisés (Livingstone, Haddon, Görzig, & Ólafsson, 2011). Cette configuration s’explique par les inégalités d’accompagnement dans les usages. L’enquête INEDUC montre par exemple que l’encadrement des pratiques numériques des adolescents au sein de la cellule familiale est fonction de leur milieu social (Le Mentec & Plantard, 2014). Les enfants des classes populaires, relativement bien équipés, sont moins bien accompagnés pour prendre en main l’outil et en faire un usage responsable. Lorsque l’enfant navigue seul dans sa chambre sans contrainte horaire, il ne fait pas le même apprentissage qu’un enfant dont la session internet est effectuée dans le salon et limitée dans le temps. Pour 54% des collégiens scolarisés en éducation prioritaire, il n’y pas de limite temporelle à l’utilisation des équipements numériques (AFEV, 2016). Le contexte spatio-temporel dans lequel s’inscrivent les pratiques numériques adolescentes est donc propice à faire émerger des inégalités éducatives.

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Partant du constat que les inégalités liées au numérique persistent dans le temps, de nombreuses recherches ont tenté de définir plus finement l’objet des difficultés rencontrées par les jeunes de milieu social défavorisé. Si le déterminisme du milieu social sur les usages du numérique concerne les pratiques, on observe qu’il s’exerce encore plus fortement du point de vue des connaissances mobilisées pour analyser la pertinence des contenus en ligne (Cerisier, 2016). Aussi, la fracture qui en découle est plus importante que celle relative à l’analyse des contenus traditionnels. Ce déterminisme est propre à générer des inégalités en milieu scolaire lorsque les élèves sont amenés à réaliser la sélection de contenus par leurs propres moyens, dans le cadre d’un exposé par exemple (Wei & Hindman, 2011).

Une enquête récente de la DEPP montre que les compétences des jeunes en lecture sur support numérique sont liées à leur indice de position sociale1 : on constate qu’il existe un échelonnement des scores des établissements en matière de lecture sur support numérique en fonction de leur IPS moyen. Par ailleurs, on remarque que les élèves en éducation prioritaire sont surreprésentés dans les groupes à faible niveau de compétences et sous-représentés dans les autres groupes (MENESR, 2016a). On observe finalement que la fracture se décline en plusieurs niveaux liés à l’équipement (niveau 1), aux usages (niveau 2), aux interprétations (niveau 3) et à la socialisation (niveau 4). Pascal Plantard, anthropologue des usages des technologies numériques, estime dans ce contexte que « la fracture ne se réduit pas, elle se déplace » (Plantard, 2013).

Le quatrième niveau de fracture concernant la socialisation construite à partir des usages du numérique a justement été identifiée dans le cadre d’une enquête sur les inégalités éducatives menée auprès d’un échantillon de lycéens de l’agglomération rennaise. Pascal Plantard et Mickaël Le Mentec ont ainsi mesuré une différence d’usage des réseaux sociaux significative entre les lycéens ultra-connectés du centre-ville et ceux du lycée professionnel de la périphérie qui utilisent sporadiquement les réseaux sociaux dans le but d’y faire des rencontres heureuses (Le Mentec & Plantard, 2014).

1 L’IPS permet de caractériser la proximité du milieu familial de l’enfant au système scolaire. Il est plus

précis que le seul indicateur lié aux professions et catégories socioprofessionnelles car il intègre aussi des éléments qualitatifs liés au capital culturel ou à l’implication des parents dans la scolarité des enfants

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Considérée dans son aspect le plus extrême, la fracture relative à la socialisation révèle une forme d’exclusion numérique liée au sentiment d’isolement : il met ainsi en exergue l’incapacité à sociabiliser dans un environnement numérique et indique la nécessité de développer un numérique plus « inclusif ». Cette analyse est précieuse lorsqu’on cherche à comprendre les difficultés rencontrées par un nombre important de « mineurs isolés » au sein d’un établissement scolaire.

La situation se complique davantage lorsqu’on prend en considération les problématiques migratoires qui deviennent de plus en plus prégnantes. Cet état de fait marque le retour de la figure du digital native par son négatif conceptuel : le

digital immigrant. L’invalidité de la thèse de Prensky nous permet ainsi de réinvestir

le concept de digital immigrant avec une interprétation beaucoup plus littérale, dans un contexte géopolitique de plus en plus marqué par les migrations de populations. Cette figure conceptuelle, originairement utilisée pour désigner les individus qui n’appartenaient pas au groupe des digital natives en raison de leur âge, pourrait être réinvestie pour désigner les élèves dits « primo-arrivants » et, plus globalement, les élèves n’ayant pas bénéficié de l’apprentissage des compétences numériques lors d’un parcours scolaire linéaire et conventionnel. Il s’agit, par exemple, des élèves de lycée professionnel qui n’ont pas obtenu le Diplôme national du brevet au sein duquel les compétences numériques sont évaluées.

Fort de ce constat, l’enjeu de l’École est désormais d’accompagner les élèves en difficulté dans l’apprentissage des usages numériques. « Le numérique et la réduction des inégalités » était d’ailleurs l’un des objets de la Concertation nationale sur le numérique pour l’éducation en 2015. À cette occasion, deux questions ont été posées aux acteurs du milieu éducatif : « Quels moyens faut-il mettre en œuvre pour réduire la fracture numérique ? Quelles sont les conditions pour que le numérique contribue à la réduction des inégalités ? » (MENESR, 2015). Les deux questions sont évidemment liées, mais ont des implications réciproques : dans le premier cas le numérique est l’objet d’inégalités à résoudre, dans le second il est présenté comme la solution. Cette bivalence invite à questionner la manière dont l’École peut se saisir de cet enjeu afin d’œuvrer pour la réduction des inégalités.

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2.

La place du numérique à l’École

À partir du constat réalisé au sein de l’établissement et dont la généralisation est permise par les acquis de la recherche, il devient nécessaire d’analyser les conditions de possibilité d’un apprentissage des compétences numériques qui permette à tous les élèves de surmonter leurs difficultés. On interroge parallèlement l’intérêt réciproque que peut avoir l’utilisation des TIC dans le domaine éducatif, et notamment dans l’apprentissage des fondamentaux. L’enjeu est de comprendre le rôle que peut avoir le numérique dans la réduction des inégalités scolaires et, espérons-le, des inégalités sociales.

2.1. L’impact du numérique sur les apprentissages

L’institution scolaire promeut depuis de nombreuses années le numérique en tant que technologie capable de résorber les inégalités. La loi d’orientation sur l’éducation de 1989 estime déjà que les TIC peuvent être mises au service des élèves « qui courent un risque d’échec scolaire » (République française, 1989). Cette idée selon laquelle le numérique aurait un impact positif sur les apprentissages se trouve au fondement des politiques éducatives depuis l’émergence des TIC à l’École. Selon Najat Vallaud-Belkacem, « le numérique est un levier majeur pour nous permettre d’atteindre les principaux objectifs de notre politique éducative : la réduction des inégalités scolaires, culturelles et sociales » (Vallaud-Belkacem, 2015). Il reste toutefois à déterminer les conditions dans lesquelles le numérique agit effectivement comme levier, car le lien de cause à effet n’est pas si évident qu’il n’y paraît.

Le dernier rapport PISA spécifiquement consacré au numérique éducatif indique que les TIC ne sont pas utiles dans la lutte contre les inégalités, ou plutôt qu’ils ne sont pas encore utiles dans la mesure où l’institution scolaire n’a pas pleinement développé les approches permettant d’en bénéficier. L’enquête n’a pas permis de mesurer une différence significative sur les résultats scolaires entre les pays de l’OCDE qui utilisent massivement les TIC et ceux qui en font un usage parcimonieux (OCDE / PISA, 2015). Les recherches menées ces dernières années autour de l’influence du numérique sur les apprentissages semblent s’accorder à dire que

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l’impact est relativement faible voire inexistant2

. Le consensus autour de cette analyse a été interprété comme un invariant structurel connu sous le nom de syndrome NSD (no significant difference, c'est-à-dire « pas de différence significative ») : l’impact du numérique sur les apprentissages serait nul et non avenu (Thibert, 2012).

Pire encore, des recherches suggèrent que le numérique pourrait, en certaines circonstances, avoir un effet négatif sur les apprentissages et contribuer à renforcer les inégalités éducatives. Le rôle ambivalent des TIC dans la formation des élèves est perçu dès 1984 par François Boule, dans un dossier de l’association Enseignement Public et Informatique. Selon lui, « rien ne permet de penser a priori que l'informatique est un bien en soi, réducteur des inégalités et porteur de novation. C'est un outil qui peut avoir ces effets favorables, ou bien, si l'on n'y prend garde, les effets inverses » (Boule, 1984). Des auteurs plus sceptiques dénoncent quant à eux l’imposture des discours selon lesquels l’École numérique est une École plus inclusive. Ils préconisent que l’éducation numérique se fasse seulement à partir du lycée et de manière purement théorique, c'est-à-dire sans écrans (Bihouix & Mauvilly, 2016).

Sans rejoindre cet extrême, il est néanmoins possible de conduire une analyse plus fine de ce qu’implique un apprentissage des compétences numériques au sein du système éducatif. Cette réflexion pourrait être salutaire mais reste difficile à mener : les critiques et modérations des chercheurs ont longtemps été inaudibles car considérées comme technophobes (Collin, 2016).

Il convient d’abord de déconstruire les discours concernant l’impact supposé unilatéralement positif du numérique sur les apprentissages. Le travail historiographique autour du concept de « fracture numérique » permet d’en saisir la charge idéologique, qui se mesure à l’aune de son emploi récurrent dans les discours politiques des vingt dernières années, d’abord aux USA puis en France. L’OCDE et les gouvernements successifs identifient par là un problème social – la fracture – dont le remède ne serait autre que l’accélération de cette même numérisation (Plantard, 2016).

2

Les méta-analyses, qui compilent les résultats et données de différentes enquêtes, convergent vers ce résultat (Thibert, 2012).

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L’analyse de ces discours a abouti à l’identification d’un « paradigme de l’impact » qui désigne l’impact positif que le numérique aurait supposément sur les situations d’apprentissage (Collin, 2016). Le numérique est ainsi envisagé unilatéralement comme vecteur de réussite scolaire et comme catalyseur de progrès.

Le problème de ce paradigme est qu’il empêche d’identifier clairement les sources des inégalités, donc de trouver des solutions adaptées aux enjeux. Il interdit également de comprendre que le numérique éducatif peut, en certaines circonstances, renforcer les inégalités. On remarque ainsi que les difficultés résistent aux politiques de diffusion massives du numérique lorsque ces dernières ne sont pas conduites par une réflexion plus fine des niveaux qui structurent les inégalités.

Selon Anne Cordier, la distance qui sépare l’idéal égalitaire lié à l’émergence du numérique et la réalité à l’œuvre dans la société actuelle fait apparaître son rôle dans la reproduction des distinctions sociales (Cordier, 2016b). La thèse bourdieusienne est ainsi actualisée par l’intégration des TIC comme nouveau dispositif socio-technique sur lequel s’ancrent les inégalités. On pourrait aussi parler de l’apparition d’un « capital numérique » tant les jeunes semblent aujourd’hui hériter de répertoires de pratiques (Cordier, 2016c). En tout état de cause, l’observation des distinctions produites ou accentuées permet de déconstruire le discours idéologique sous-jacent dans la promotion des politiques publiques en faveur du numérique, dans l’objectif de trouver des solutions moins dogmatiques et plus efficientes. Se dessine également, en creux, la nécessité de prendre en compte la multiplicité des contextes au sein desquels les pratiques d’apprentissage digitales peuvent émerger, y compris les contextes informels ou invisibles de l’institution scolaire.

Le paradigme de l’impact présente également des limites dans le cadre des études qui cherchent à mesurer l’efficacité du numérique sur les résultats scolaires. Les analyses d’impact sont souvent biaisées car la seule variable considérée est celle de l’intégration des TIC en dehors de toute considération sur le contexte social et scolaire. Par ailleurs, elles se fondent uniquement sur les résultats scolaires quantifiables lorsque les compétences en jeu ne font pas toujours l’objet d’une notation. Dans la mesure où les évaluations conservent encore une forme relativement traditionnelle, il est difficile de percevoir une évolution ou un impact significatif (Thibert, 2012).

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2.2. L’importance du projet pédagogique

Le dépassement du paradigme de l’impact permet de recentrer la réflexion sur les inégalités à identifier afin de définir plus précisément le rôle que les apprentissages peuvent avoir dans leur réduction. Plutôt que d’attribuer au numérique des qualités censées résorber les inégalités induites par son introduction – ce qui constitue ni plus ni moins une nouvelle forme technophile de « pensée magique » (au sens de Lévy-Bruhl) –, il paraît plus réaliste aujourd’hui de tenter de réduire les inégalités par des pratiques pédagogiques adaptées. En effet, le paradigme de l’impact a conduit à une forme d’essentialisation du numérique, occultant du même coup le rôle que les acteurs de la communauté éducative avaient à jouer. Il paraît de plus en plus clairement que la réussite du numérique éducatif – mais aussi son échec, le cas échéant – repose sur les acteurs capables de le mettre en œuvre.

Il convient, autrement dit, de recentrer la focale sur l’action pédagogique des formateurs qui ont un rôle prépondérant à jouer. La connaissance approfondie des difficultés et entraves rencontrées par les élèves doit nous permettre de déployer des pratiques différenciées et ciblées. Le rôle primordial de l’école et sa responsabilité dans la réduction de la fracture numérique est mis en avant par de nombreux chercheurs, pour qui l’institution scolaire est garante de l’équité sociale en matière d’éducation au numérique, au sein d’un cadre normé – l’École de la République – et en lien avec l’ensemble des apprentissages. Selon Jean-François Cerisier, l’École doit faire face à cet enjeu « non seulement en intégrant les techniques numériques aux activités d’apprentissage mais en organisant un enseignement explicite s’adressant à tous les élèves » (Cerisier, 2016, p. 15). Le fait que les compétences numériques ne fassent pas l’objet d’un enseignement spécifique est effectivement considéré comme un « facteur bridant » (Thibert, 2012). Cette absence est jugée contradictoire avec la mise en place de dispositifs d’évaluation des compétences comme le B2i (Fluckiger, 2016).

En l’état, c’est au niveau de l’intégration du numérique dans les contenus d’enseignement que des progrès peuvent être réalisés. La manipulation des TIC par les élèves lors de séances pédagogiques reste une modalité incontournable d’apprentissage des compétences numériques. Le rapport Fourgous identifie quatre

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stades d’intégration des TIC par les enseignants : la découverte, l’adoption, l’appropriation et la création. On constate que les pratiques numériques des enseignants relèvent majoritairement des deux premiers stades, alors que les deux derniers sont les plus importants car ils concernent l’intégration pédagogique et l’utilisation innovante (Fourgous, 2010). En l’état, il est certain que l’influence positive des TIC sur les apprentissages et les résultats peine à être perceptible (Thibert, 2012). La formation des professeurs et personnels d’éducation demeure sans doute insuffisante et centrée sur la technique plutôt que sur la pédagogie (Charlier, 2010). Ils sont ainsi plus de la moitié à déplorer « une formation inexistante ou insuffisante à l’utilisation pédagogique du numérique » (MENESR, 2016c).

Le fait de recentrer la focale sur la pédagogie permet aussi de déconstruire l’argument selon lequel l’utilisation des TIC permet de mobiliser et de motiver davantage les élèves. Les recherches sur les facteurs de motivation en contexte de scolaire montrent clairement que le numérique n’est pas intrinsèquement motivant en tant que support (Cordier, 2016a). La motivation ne peut venir que du scénario et de la manière dont l’élève perçoit son implication dans l’activité (Viau, 2009).

On identifie ainsi deux écueils à éviter : celui de l’inertie et celui de la technologie. Dans un cas, les TIC sont utilisées comme supports de contenus dans un cadre disciplinaire inchangé. Il ne peut y avoir aucune amélioration significative des apprentissages s’il s’agit simplement de numériser des activités réalisées précédemment de manière analogique (Sanchez, 2012). L’enjeu est de renouveler les dispositifs didactiques grâce à ces outils et leurs potentialités. Dans l’autre, les apprentissages sont centrés sur la technique sans aucun lien avec les contenus d’enseignement. Les recherches en science de l’éducation montrent que les dispositifs inter et transdisciplinaires, ainsi que les pédagogies dites « actives », semblent plus enclins à tirer avantage du numérique (Poyet, 2011). C’est la raison pour laquelle l’apprentissage des compétences numériques ne peut se limiter à sa dimension technique. Les formateurs ont pour objectif de développer un usage critique des technologies, afin que la maîtrise des outils devienne une véritable maîtrise sur les outils (Cordier, 2016c).

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2.3. La transmission d’une compétence transversale

Envisager les apprentissages numériques comme des compétences transversales à transmettre aux élèves permet d’échapper à l’alternative entre la technologie et l’inertie. Ces compétences, même si elles ne sont pas prises en compte dans les études d’impact car elles sont plus globales et moins tangibles que d’autres, ont pourtant leur importance pour permettre aux élèves d’évoluer dans l’environnement informationnel qui fait partie intégrante de la société.

En effet, les usages numériques sont bien souvent corrélés à des compétences transversales utiles – parfois même, nécessaires – à la vie sociale, citoyenne et professionnelle. On pense d’emblée aux dimensions légales et juridiques de la culture numérique : en ce domaine, les apprentissages formels sont incontournables car ces aspects ne sont presque jamais évoqués en dehors de l’institution scolaire. A

contrario, l’éducation aux bons usages et la sensibilisation aux risques liés à internet

entraine un véritable clivage entre les adolescents qui bénéficient ou non d’un accompagnement familial. Ainsi, les collégiens les plus conscients des risques liés à internet sont ceux qui bénéficient d’une forme de contrôle parental sur leurs activités (AFEV, 2016). En ce domaine, l’École a un rôle préventif à jouer pour permettre aux élèves d’éviter les risques et de naviguer sereinement sur les réseaux sociaux.

L’apprentissage des compétences numériques est surtout une exigence pour l’inclusion sociale. Les auteurs de l’enquête INEDUC ont, par exemple, pris le parti de définir les usages numériques par un nouveau paradigme qui devient la clef de compréhension des enjeux soulevés : l’usage est défini comme un « ensemble de pratiques socialisées », dans la mesure où les pratiques – lorsqu’elles sont partagées – créent de nouvelles normes autour desquelles se fonde la sociabilité. Cette définition a permis, en creux, de découvrir l’existence d’un facteur d’exclusion numérique lié au sentiment d’isolement. Mickael Le Mentec préconise d’y faire face en abordant les TIC dans leur capacité à créer et favoriser du lien social, afin que l’e-inclusion puisse aboutir à une véritable l’e-inclusion sociale (Le Mentec, 2016).

La maitrise de compétences numériques n’est pas seulement une exigence pour éviter l’exclusion. Elle peut inversement conduire à un renforcement réel du pouvoir d’agir des individus. Cette thèse est notamment défendue par la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) qui a tenté de définir les conditions de possibilité

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d’un empowerment des individus lié à l’usage du numérique. Cette augmentation du pouvoir d’agir, corrélatif d’une réduction des fractures économiques et sociales, ne peut être effective que si l’usage du numérique conduit à un renforcement de l’estime de soi et du lien social, une meilleure capacité à interpréter l’information pour se l’approprier cognitivement et une capacité à créer, produire et « fabriquer » des contenus. La réunion de ces conditions dépasse donc la question des équipements et de la technique pour engager celle d’un « environnement d’apprentissage collectif » qui rende favorable l’acquisition d’une méta-compétence : l’apprendre à apprendre dans un environnement numérique (Marchandise, 2016, p. 9).

Cette analyse est partagée par le Conseil national du numérique qui préconise la transmission d’une « littératie numérique » définie comme « aptitude à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses compétences et capacités » (Conseil national du numérique, 2013). La littératie numérique recouvre donc en réalité un spectre relativement large de compétences dont l’acquisition est susceptible de constituer un levier d’inclusion.

Les usages numériques impliquent des compétences sociales qu’il est important de transmettre aux élèves, si la pédagogie nous le permet. De ce point de vue, les possibilités offertes par le numérique en matière de travail collaboratif méritent d’être exploitées davantage. Le fait que le numérique facilite les pratiques horizontales est positif du point de vue de l’apprentissage car les élèves sont plus actifs. En ce domaine, la mixité sociale en milieu scolaire reste incontournable tant elle constitue le terreau d’une société inclusive : les compétences numériques sont souvent acquises auprès des pairs, par mimétisme, avant d’être consolidées en classe.

Le numérique a aussi modifié en profondeur notre rapport au savoir et à l’information. Si les recherches les plus sceptiques insistent sur le fait que les TIC ont altéré nos capacités de concentration, on s’attachera plutôt à prendre acte de l’extension prodigieuse du champ de l’information et de la communication. En effet, la masse d’information disponible s’est démultipliée et sa circulation est de plus en plus rapide. Dans le rapport de 2005 intitulé Vers les sociétés du savoir, l’UNESCO met en avant la notion d’ « apprenance » – traduction de learning – comme compétence transversale permettant la recherche, l’analyse et la critique de l’information dans la

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société numérique : c’est donc potentiellement une méta-compétence qui mobilise notre capacité à apprendre dans un environnement informationnel (UNESCO, 2005). Dans cette perspective, l’enjeu n’est plus de mesurer l’effet du numérique sur des apprentissages qui peinent à s’adapter à la nouvelle configuration du savoir, mais de faire évoluer les formes d’apprentissage pour qu’elles y coïncident. Par conséquent, il devient nécessaire de développer le sens critique des apprenants (Thibert, 2012). L’évolution des outils et des supports info-documentaires dans les établissements est un exemple d’adaptation à ce nouveau contexte qui mériterait d’être suivi par toute l’institution. En intégrant les TIC dans la politique documentaire, les professeurs-documentalistes rendent visible une nouvelle organisation du savoir au sein même de l’espace scolaire (Bassy, 2011; Devauchelle, 2012). Au lycée René Caillié, par exemple, l’élaboration d’une bibliothèque numérique, organisée et structurée, a permis de favoriser l’accès des élèves à la lecture sur support numérique. Les ressources proposées aux élèves à travers le portail documentaire ont également été enrichies. L’objectif n’est pas de remplacer l’imprimé par le numérique car on sait que les pratiques informationnelles des jeunes demeurent résolument multimédiatiques. L’intégration des ressources numériques correspond simplement au constat suivant lequel l’activité de recherche d’information passe de plus en plus souvent par le numérique (Cordier, 2016a).

Les professeurs-documentalistes offrent surtout aux élèves un accompagnement dans l’usage des TIC dont ils ne bénéficient pas forcément à l’extérieur de l’établissement. En effet, les compétences transversales font souvent l’objet d’apprentissages informels auprès de la famille ou des pairs. Du point de vue de l’institution scolaire, il pourrait être utile de les formaliser afin de les enseigner et les évaluer, à l’instar de ce qui est progressivement fait pour l’éducation aux médias et à l’information. Outre le bénéfice intrinsèque qu’une telle formalisation pourrait avoir sur la lisibilité des contenus d’enseignement, on pourrait espérer, à moyen terme, pouvoir mesurer l’efficacité des actions éducatives sur ce domaine transversal. Dans cette perspective, les études d’impact pourraient réellement évaluer et accompagner les politiques éducatives dans le domaine du numérique.

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3. Les actions pédagogiques et éducatives

Forts du diagnostic selon lequel il existe une fracture numérique en milieu scolaire et conscients des enjeux relatifs à l’acquisition des compétences qui font parfois défaut aux élèves, nous poursuivons la réflexion pour tenter de définir des stratégies de remédiation efficaces à ce problème. En ce sens, l’affirmation d’Anne Cordier selon laquelle la communauté éducative a « un rôle à jouer dans la réduction des inégalités cognitives et sociales engendrées, ou accentuées, par le numérique » nous semble évidente (Cordier, 2016b, p. 33).

3.1. Les solutions structurelles

Le constat et l’analyse de la fracture numérique qui affecte de nombreux élèves de l’enseignement secondaire en France exige de penser les solutions à une échelle relativement globale et d’un point de vue structurel : l’équipement, la mise à disposition de ressources pertinentes, l’expérimentation des dispositifs, la formation des enseignants et les partenariats sont autant d’éléments nécessaires à la réussite des projets pédagogiques.

L’équipement et les outils : Dans une certaine mesure, il semble évident que des

moyens méritent d’être investis dans les établissements et les territoires les plus touchés par la fracture numérique. Les chercheurs du projet INEDUC préconisent par exemple de concentrer les efforts des politiques publiques non plus sur l’équipement systématique de tous les collégiens mais sur les solutions qui prennent en compte les enjeux territoriaux. Ainsi, le Plan numérique pour l’École pourrait être mis en pratique de manière prioritaire dans les territoires les moins favorisés de manière à créer des établissements connectés en zones rurales et en zones urbaines sensibles (Plantard, 2016). Si les inégalités ont tendance à se reporter des équipements sur les usages, l’accès aux TIC demeure un préalable pour engager toute action pédagogique. En ce sens, le taux d’équipement relativement élevé des lycées professionnels (1,8 élève par ordinateur) comparativement aux LEGT (2,4 élèves par ordinateur) et aux collèges (4 élèves par ordinateur) constitue un atout considérable (MENESR, 2016a). Le lycée René Caillié est d’ailleurs mieux équipé que la moyenne nationale des LP avec 1,795 élève par poste.

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Les terminaux mobiles, dont l’usage peine à être admis en milieu scolaire, peuvent s’avérer très utiles aux élèves. On sait désormais que la mobilité est incontournable dans les pratiques informationnelles de jeunes (Cordier, 2016a). Parfois mieux maîtrisés que les équipements fixes, les smartphones rendent possible une recherche d’information instantanée. Les élèves évitent ainsi l’attente du démarrage des postes et les étapes d’identification qui peuvent constituer des barrières techniques et symboliques. On citera le cas des élèves en FLS qui utilisent régulièrement les outils de traduction sur leurs smartphones pour exprimer une idée ou comprendre une consigne.

Le recours régulé à la pratique du Bring your own devices (BYOD) peut bénéficier à la classe, même auprès d’élèves socialement fragilisés. L’augmentation du taux d’équipement pourrait permettre d’atteindre une quantité suffisante de smartphones pour l’ensemble de la classe. Certaines expérimentations ont montré que le partage d’un même équipement rend possible une initiation par les pairs (Lagaillarde, 2016). Le BYOD permet aussi à des publics peu autonomes de bénéficier des effets positifs de la pédagogie inversée : les élèves peuvent faire des recherches documentaires en classe de manière instantanée pour prendre part à la construction des apprentissages. Ainsi, on est assuré que tous les élèves réalisent la tâche, avec des possibilités d’archivage et d’éditorialisation non négligeables.

Au sein de l’établissement, l’Environnement Numérique de Travail (ENT) peut devenir le support de projets pédagogiques ou recenser des ressources pertinentes dans le contexte local. On remarque néanmoins que les ENT sont majoritairement consacrés à des tâches administratives en lien avec la vie scolaire et peu utilisés en tant que dispositif pédagogique, même si la dernière enquête nationale d’évaluation des usages des ENT indique une nette amélioration dans ce domaine (MENESR, 2016d). Au lycée René Caillié, un plan de formation vient d’être lancé afin d’intégrer l’utilisation de l’ENT dans le dispositif d’aide au travail personnel. L’objectif est d’améliorer l’efficacité de l’aide proposée aux élèves par l’intégration de sites collaboratifs au sein de l’ENT.

Les ressources : La mise à disposition de ressources pertinentes reste indispensable

pour les élèves comme pour les enseignants. Ces derniers ont souvent un rapport doublement problématique à leur utilisation dans un cadre pédagogique : d’une part,

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la profusion des ressources peut entraver l’accès aux contenus les plus pertinents, d’autre part, un manque d’information sur la disponibilité de ces ressources empêche leur utilisation. À titre d’exemple, 24% des enseignants de LP déclarent ne pas savoir si l’EPLE met à leur disposition des ressources numériques. On note également une méconnaissance répandue des bases de ressources pédagogiques, à l’exception des sites académiques et des portails disciplinaires Éduscol (MENESR, 2016c). Pour mieux les recenser, le nouveau moteur de recherche des Ressources Numériques pour l’École Myriaé devrait être d’un recours précieux, si tant est que cette méta-ressource soit connue et utilisée3.

En ce qui concerne les ressources proposées aux élèves, la sélection doit être réfléchie en amont pour correspondre à leurs besoins. Les contenus éditorialisés, c'est-à-dire les ressources conçues par des éditeurs publics ou privés, sont souvent gages de qualité. En ce domaine, on remarque que le nombre de ressources éditoriales pédagogiques en ligne par établissement reste limité : la majorité des lycées professionnels propose une à quatre ressources éditoriales pédagogiques en ligne (MENESR, 2016a).

La diffusion des ressources peut être rendue plus efficiente par l’action des membres de la communauté éducative. L’aide au travail personnel étant la pierre angulaire du projet d’établissement du lycée René Caillié, on peut estimer que la mise à disposition de ressources numériques aux élèves constitue une contribution importante du professeur-documentaliste à la réalisation de cet objectif. Il a ainsi été décidé d’implémenter un outil de veille informationnelle et de curation de ressources à destination des élèves. Le professeur-documentaliste s’est engagé à collecter, traiter et diffuser les informations et ressources pertinentes en fonction du public visé grâce au portail Netvibes intégré au portail documentaire. Le portail recense des ressources pédagogiques et éducatives pour les élèves, des informations sur l’orientation ou la recherche de stages, des informations institutionnelles ou encore culturelles. Conçu pour répondre et s’adapter au besoin d’information des élèves, cet outil de veille et de curation a l’avantage d’être évolutif et modulable. Il peut ainsi être modifié en fonction de l’évolution des besoins et, surtout, des retours et des remarques suggérés par les utilisateurs.

3 Myriaé est un portail public présentant de l’information sur les Ressources Numériques pour l’École,

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Il est réjouissant de constater que des ressources spécifiques à la voie professionnelle commencent à être produites par l’institution scolaire. Le projet École, Numérique et Industrie, piloté par le réseau Canopé, devrait proposer à la rentrée 2018 une plateforme de ressources numériques pour la diffusion de la culture technique et industrielle4.

L’expérimentation : L’expérimentation des dispositifs pédagogiques est un autre

élément qui pourrait améliorer l’efficacité des politiques éducatives. Depuis 2015, le dispositif e-FRAN (espaces de formation, de recherche et d'animation numérique) permet, grâce à des investissements conséquents, de financer des projets dans le domaine du numérique éducatif. Ces projets sont d’abord inscrits dans une cadre territorial car portés par des acteurs locaux. Ils constituent une phase d’expérimentation préalable qui a vocation, si elle est concluante, à être généralisée. La logique ascendante proposée par e-FRAN pourrait permettre de faire avancer plus rapidement les connaissances relatives à la performance des pratiques d’enseignement liées au numérique.

La transposition de ce dispositif au contexte de l’enseignement professionnel, grâce à la plateforme ProFan, permet aux lycées professionnels de bénéficier de projets numériques innovants plus expressément liés aux métiers. En cours d’expérimentation depuis 2016 dans dix académies pilotes, le dispositif ProFan doit être généralisé à la rentrée 2017.

La formation des enseignants : La réussite des projets pédagogiques permettant de

mobiliser des compétences numériques dépend en grand partie des acteurs qui les mettent en œuvre. Par conséquent, la problématique de la formation des formateurs demeure essentielle. En ce domaine, la formation continue des enseignants est d’autant plus importante qu’elle concerne des savoirs et des compétences affectés par une évolution rapide. C’est la raison pour laquelle le Référentiel des compétences professionnelles incite chaque membre de l’équipe pédagogique à « intégrer les éléments de la culture numérique nécessaire à l’exercice de son

4 « Le projet École, Numérique et Industrie a pour ambition d’établir une coopération entre les

professionnels de l’industrie et ceux de l’éducation autour d’une plateforme de ressources numériques qui met en valeur des réalisations ou des objets industriels » : http://eni.crdp-paris.fr/

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métier » (MENESR, 2013). Le développement des parcours M@gistère peut contribuer à développer et actualiser ces compétences.

Les partenariats : L’ouverture de l’établissement sur l’extérieur peut compléter avec

succès le travail des équipes pédagogiques si les actions sont bien coordonnées. La liaison avec les parents, les réseaux associatifs et les partenaires institutionnels est primordiale. Le diagnostic personnalisé de compétences réalisé au sein des classes d’entrants pourrait être complété par un questionnaire destiné aux parents afin de connaître leurs besoins et leur proposer une aide adaptée. La mise en relation avec une structure existante pourrait éventuellement bénéficier aux publics en demande. Un partenariat conclu entre des structures extra-scolaires sélectionnées pour leur sérieux et l’établissement serait bénéfique aux élèves et aux parents qui en ressentent le besoin. Il faut, en amont, rencontrer les responsables des structures pour mieux connaître leurs différentes actions et passer éventuellement un contrat d’engagement réciproque. La complémentarité de l’institution scolaire avec les acteurs de terrain peut être coordonnée à l’intérieur de l’établissement par une personne ressource identifiée pour son rôle prescripteur.

À l’heure actuelle, les structures les mieux indiquées semblent être les Espaces Publics Numériques (EPN) dont l’objectif est clairement de renfoncer la cohésion sociale autour des enjeux du numérique (Barbin, Bourgeois, & Siœn, 2016). Les EPN labellisés « Point Cyb » et pilotés par le réseau Information jeunesse (IJ) conviennent particulièrement à l’accueil de publics scolaires. Ces espaces ont les qualités idoines pour développer les compétences transversales liées au domaine du numérique.

3.2. Les dispositifs pédagogiques privilégiés

La mise en œuvre du numérique éducatif doit répondre à un projet pédagogique cohérent et réfléchi pour être pertinent (Davidenkoff, 2014). Par ailleurs, l’élaboration de tout projet pédagogique exige de définir en amont les objectifs et compétences visées par le dispositif d’enseignement. Ce travail est d’autant plus nécessaire concernant les compétences numériques dans la mesure où les apprentissages informels peuvent interférer avec les apprentissages formels.

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Concrètement, de nombreux dispositifs existants peuvent être investis pour travailler ces compétences. On insistera sur le fait que la taille des groupes joue un rôle hautement incitatif ou dissuasif chez les enseignants. Lors de l’enquête PROFETIC 2016, 73% des enseignants interrogés ont déclaré que la taille du groupe peut constituer un frein à l’usage du numérique en classe, ce qui constitue le premier facteur dissuasif invoqué (MENESR, 2016c). Les activités pédagogiques réalisées au cours de l’année au Lycée René Caillié ont permis de vérifier positivement ce constat : nous avons systématiquement pris en charge des demi-groupes ou des groupes restreints (moins de 15 élèves) lorsque l’activité nécessitait la manipulation des outils numériques.

À tous les niveaux de la scolarité, les heures d’accompagnement personnalisé peuvent être investies pour travailler des compétences disciplinaires à l’aide des TIC. Le format du dispositif rend possible une pédagogie différenciée qui va permettre à chaque élève d’exprimer ses besoins et de progresser à son rythme dans la réalisation des tâches numériques.

Les séances d’accompagnement personnalisé effectuées auprès des élèves de 1ère

en baccalauréat professionnel ont permis d’expérimenter une forme de pédagogie active. La découverte puis l’usage d’outils numériques et une méthodologie transdisciplinaire ont réussi à consolider les acquis de l’enseignement général de manière créative. Il a d’abord fallu définir les besoins du groupe et préciser les points des programmes de l’enseignement général qui méritaient d’être approfondis. Des ressources adaptées ont ensuite été sélectionnées dans le but de réaliser des productions numériques. Les productions réalisées ont permis de valoriser les connaissances acquises et les compétences mises en œuvre. Les ressources numériques ont suscité un certain intérêt car les élèves ont mesuré leur utilité à la fois en milieu scolaire, dans le monde professionnel et dans le domaine des loisirs. À l’occasion d’une séquence sur l’identité numérique professionnelle, les élèves ont appris à s’inscrire sur un réseau social professionnel, à rechercher un emploi sur internet mais aussi à distinguer l’identité personnelle de la présence numérique. En lien avec le programme de géographie, les élèves ont utilisé une carte géographique numérique pour positionner des repères, tracer des lignes, mesurer des distances et des aires. Le programme d’éducation morale et civique a permis de travailler sur les

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enjeux de l’information en ligne pour la citoyenneté. Les élèves ont appris à naviguer sur les sites d’actualités et à utiliser une carte mentale numérique pour analyser des articles de presse. Les productions des élèves ont fait l’objet de publications sur des espaces numériques publics et privés.

Le bilan de cet atelier numérique en accompagnement personnalisé est globalement positif, même s’il a fallu un certain temps d’adaptation pour que l’ensemble des élèves présents soient impliqués. Le format – séances d’une heure – est assez contraignant pour la mise en activité sur un environnement numérique. Il semblerait plus pertinent de dispenser des séances de deux heures tous les quinze jours. Le principal problème reste celui de la motivation de certains élèves en l’absence de notation. On pourrait imaginer une forme de bonification liée au degré d’implication dans ces dispositifs, plutôt qu’au résultat obtenu car tous les élèves ne partent pas du même niveau dans la maîtrise de l’outil.

Le dispositif d’enseignement général lié à la spécialité (EGLS), propre aux lycées professionnels, peut également être investi pour travailler des compétences numériques avec les élèves. L’objectif du dispositif est de participer à la professionnalisation des élèves par des activités pédagogiques qui peuvent être réinvesties dans l’enseignement professionnel, lors des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) ou, plus tard, dans le parcours professionnel. En règle générale, la priorité des professeurs en charge de cet enseignement est la recherche de stage et le travail des compétences orales élémentaires qui permettent de s’adresser à une éventuelle structure d’accueil, autant de compétences qui font souvent défaut aux élèves. Si bien que peu de séances semblent consacrées à la restitution des PFMP, notamment à la mise en forme numérique du rapport qui est pourtant exigée. Les rapports d’activités sont généralement rendus sans que leur production ait fait l’objet d’un suivi particulier en EGLS.

Il a néanmoins été possible de travailler en collaboration avec les enseignants en charge de l’EGLS sur la préparation et la restitution du rapport d’activité. Une première séquence a eu lieu avec les élèves de 2nde Bac Pro qui terminent l’année scolaire avec un stage de trente jours à la suite duquel ils partent en vacances d’été. C’est le premier stage auquel ces élèves sont invités à participer dans leur cursus de préparation au baccalauréat professionnel, et le rendu du rapport d’activités est

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