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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Culture en actes et construction de savoirs dans la militance

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND & É. TRIQUET, Actes JIES XXVIII, 2007 1

CULTURE EN ACTES

ET CONSTRUCTION DE SAVOIRS DANS LA MILITANCE

Hugues LETHIERRY IUFM de Lyon

MOTS-CLÉS : MILITANCE — APPRENTISSAGE — UTOPIE — AUTODIDAXIE — TRANSFERT — « CULTURE POPULAIRE ».

RÉSUMÉ : Connaissances (sur soi, sur le monde et les autres), compétences (savoirs, savoir-faire, savoir-être) ne se construisent pas seulement à l’école et dans les apprentissages dits « formels », mais aussi en particulier dans cette culture « en actes » qu’est la militance.

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Une culture s’élabore dans la famille et dans les mouvements sociaux : – les pétitions, par exemple, développent la capacité argumentative ; – les fêtes introduisent les individus dans un ordre symbolique ;

– les grèves peuvent être l’occasion d’échanges réciproques de savoirs. Des savoirs sont en gestation dans la militance :

– par différentes médiations s’opère une « donation de sens » qui implique le fait de « penser par soi-même », parfois contre les slogans. Une « vision du monde », une tentative de « totalisation » de l’expérience s’élaborent ;

– par ailleurs, les militants cherchent à se situer dans le temps et l’espace social au moyen du moindre tract ou en « manifestant » leurs idées. Ils construisent ainsi les cadres sociaux d’une mémoire collective ;

– prise de parole (de Certeau), acte d’écrire (S. Weil), se travaillent au sein des collectifs qui cherchent à agir sur les ondes et à faire et étudier l’actualité tout à la fois.

Des récits de vie sont analysés : ouvrier du livre, sidérurgiste lorrain, élue, militant gay et « nouveaux mouvements sociaux » sont ici interrogés pour élaborer une conception du rôle et des limites de la « militance » dans l’acquisition de connaissances sur l’actuel et l’inactuel (l’utopie).

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QUELQUES PRÉALABLES

Mes propos (comme ceux des années précédentes sur l’histoire de l’éducation nouvelle, l’histoire de la formation des maîtres, l’éducation à l’humour, la mort dans l’éducation) se situent dans un léger décalage par rapport aux interventions des autres groupes. C’est que je suis professeur de philosophie et qualifié en sciences de l’éducation, non didacticien des sciences (j’ai repris mes études après avoir été candidat – victorieux ! – aux municipales il y a trente ans contre mon ministre Haby).

Je pars du constat suivant : en 2006, le nombre de reçus au bac est comparable à celui des autres années alors qu’un long mouvement de grève a eu lieu contre les CPE (contrat première embauche). Certes, de nombreux cours ont été remplacés, mais ne peut-on émettre l’hypothèse que des compétences ont été acquises pendant le mouvement qui ont aidé les lycéens à compenser leurs lacunes ?

C’est que, dans ce cas, une culture en acte se manifesterait dans la « militance », que des savoirs, savoir-faire et savoir-être s’y construiraient.

Pour essayer de le montrer, j’ai recueilli vingt-cinq récits de vie de « militants » dans différents champs d’action, générations, orientation et je les ai classés, commentés, en distinguant :

1– les cas d’autodidaxie et l’éducation populaire ;

2– le caractère transférable ou spécifique des apprentissages ;

3– les « périodes sensibles » (1968, etc.), les « nouveaux mouvements sociaux, la « France invisible ».

(Mon travail est « supervisé » et mon livre préfacé par le politologue R. Mouriaux. L’avant-propos de L. Weber, de la FSU et d’Attac).

Mais il faut d’abord revenir sur les mots. « Militant » vient du latin « miles » qui signifie soldat. Ce mot pourrait alors signifier « humilitant ». Le fait de la lutte est-il incompatible avec l’acquisition de savoir, suppose-t-il toujours simplisme et « manichéisme » ? Rien n’est moins sûr. Même si le « militant », n’étant pas « triomphant », est souvent minoritaire.

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La terminaison du mot « militantisme » peut faire croire à la constitution définitive d’une doctrine fermée. Aussi écrirons-nous le mot « militantisthme » afin d’insister sur les échanges avec d’autres « continents », catégories sociales, disciplines différentes.

Le mot « militance », quant à lui, suppose un savoir au participe présent toujours en train de se transformer, de se restructurer.

Le champ militant est différent du champ « partisan » qui, lui, n’intègre pas toujours les luttes de la vie quotidienne (concernant le travail, l’habitat, l’éducation, etc.) mais se rapporte davantage au travail de l’élu, à la gestion, aux élections et à ce qui s’y rapporte.

1. AUTODIDAXIE ET ÉDUCATION POPULAIRE

Un ouvrier du livre que nous interrogeons, peut, par exemple, devenir un véritable érudit dans le domaine de l’histoire. En militant pour les « 3 x 8 » (huit heures de travail, huit heures de sommeil, huit heures de loisirs et de culture) il s’est appliqué à lui-même la revendication consistant à imposer à l’employeur un temps de travail libre au cours duquel il peut s’instruire, se développer intellectuellement en dehors des contraintes de rentabilité.

C’est pourquoi une philosophe comme S. Weil, à l’époque du Front populaire (et de la guerre d’Espagne à laquelle elle a participé), en travaillant en usine et en animant des grèves, a pu conduire une réflexion sur l’aliénation. La philosophie n’est-elle pas donation de sens, « totalisation » de l’expérience quotidienne ?

Les associations d’éducation populaire le savent. Le fondateur, à Lyon, de la biennale du théâtre pour l’enfance et la jeunesse, s’est formé aux Cemea.

Un Crombecque, par exemple, qui, naguère, dirigea le festival d’Avignon, a d’abord été responsable culturel à l’Unef.

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2. SAVOIRS POLYVALENTS (TRANSFÉRABLES). SAVOIRS SPÉCIFIQUES

En donnant la parole au directeur de la revue « altermondialiste » Silence, nous nous sommes aperçus que certains militants devenaient de véritables « experts », à Attac notamment. Et que les savoirs construits par eux pouvaient être transférés d’une organisation à une autre, ainsi que du champ militant au champ professionnel et personnel.

Ce transfert n’est pas toujours possible dans le cas des militants qui prônent l’« extension du domaine de la lutte » à la vie privée. Dans le mouvement gay, ou dans la mouvance féministe, les militants, en effet, étaient souvent suspectés de diviser les salariés sur des problèmes autres que leurs intérêts généraux. Aussi peinent-ils encore à se faire reconnaître comme tels malgré la réflexion sur soi-même qu’implique leur engagement.

3. PÉRIODES SENSIBLES. NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX (NMS). LA FRANCE INVISIBLE.

Dans une dernière partie nous appliquons, à des terrains d’action actuels ou appartenant à une histoire récente (1968), l’idée d’un apprentissage et d’une culture « vive », c’est-à-dire mise en acte dans la pratique. Ce qui permet au militant de se « rétribuer » en quelque sorte.

68 a constitué, pour certains, une « période sensible » (au sens de Wallon) au cours de laquelle leur « vision du monde » et leur projet de vie s’est restructuré.

Aujourd’hui il est souvent moins question, comme à l’époque de Sartre, d’un engagement total visant la transformation du monde dans son ensemble, que de revendications s’appliquant à un domaine particulier, par exemple les prisons, pour un intellectuel « spécifique » comme Foucauld et ceux qui l’ont suivi.

Dans l’actualité récente, il a été question de ces « sans voix » que constituent les « Don Quichotte ». Les enfants défendus, également, par les « réseaux d’éducateurs sans frontières » : quels savoirs, d’ordre juridique en particulier, se constituent et s’actualisent dans leurs luttes ?

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Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de substituer aux savoirs universitaires ceux acquis sur le terrain de la « praxis » mais de considérer l’interaction qui peut s’établir entre ces deux sphères d’apprentissages, trop souvent séparées.

L’atout des militants, leur « ressource » essentielle est de considérer le réel du point de vue de sa transformation possible et donc des potentialités dont le présent est porteur.

En ce sens il a permis à un R. Debray, à cause de l’expérience de la prison, de ne pas rester (pour reprendre ses termes) « un petit bourgeois entre deux feux et quatre murs ». Mais d’accéder à cette « prise de parole » dont parlait De Certeau (à propos de 68).

Depuis l’affaire Dreyfus (dont les défenseurs, les premiers « intellectuels », se réclamaient du positivisme) jusqu’à la Libération et aux « sixties » (dont les militants se réclamaient souvent du christianisme social ou du marxisme), les idéologies, véhiculées au sein des mouvements sociaux, étaient porteuses d’un idéal d’émancipation par le(s) savoir(s).

Il en va de même, sans doute, des mouvements qui se réclament de l’altermondialisme aujourd’hui (Greenpeace, Acrimed, etc.).

Les questions restent posées à la suite de la discussion :

– quelles conséquences, sur l’apprentissage des enfants, des fréquentes absences familiales des militants, et aussi de la multiplicité de leurs contacts sociaux ?

– un scientifique peut-il se désintéresser des utilisations de ses recherches dans la société où il vit ?

– sortir de son milieu social élargit l’horizon, mais si l’on est militant de père et mère en fils et fille ?

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