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Induire des incitatifs économiques auprès des producteurs Haïtiens d'arachides pour réduire les aflatoxines

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Phendy Jacques, 2019

Induire des incitatifs économiques auprès des

producteurs Haïtiens d'arachides pour réduire les

aflatoxines

Mémoire

Phendy Jacques

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Induire des incitatifs économiques auprès des

producteurs Haïtiens d’arachides pour réduire les

aflatoxines

Mémoire

Phendy, Jacques

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Ce travail visait à quantifier monétairement l’incitatif qui pousserait les producteurs d’arachides du département du Nord d’Haïti à mettre en œuvre un ensemble de pratiques post-récoltes visant à réduire le risque de contamination aux aflatoxines. Par conséquent, à l’aide d’un mécanisme BDM inversé, le consentement à recevoir des producteurs a été déterminé. De plus, l’effet de l’utilisation d’une bâche de séchage sur la teneur en aflatoxines des arachides produites a été mesuré ainsi que l’influence d’un accès à un marché conditionné sur le consentement à recevoir des producteurs et sur la qualité des arachides produites. Les résultats ont révélé que l’accès au marché a eu un effet significatif sur la prime demandée par les producteurs cependant, il n’a pas eu un impact significatif sur la qualité des arachides alors que c’était le cas pour l’accès à une bâche de séchage. Parallèlement, le consentement à payer des consommateurs de beurre d’arachides du secteur formel a été aussi évalué pour un produit attesté de qualité. La détermination du consentement à payer supplémentaire des consommateurs pour du beurre d’arachides attesté de qualité a montré que cette prime suffirait amplement pour inciter les producteurs à agir. Donc, une solution de marché est plausible pour le contrôle des aflatoxines sur ce segment précis du marché.

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iv

Abstract

This work aimed at quantifying monetarily the incentive that would urge peanut producers in the Northern department of Haiti to implement a set of post-harvest practices to reduce the risk of aflatoxin contamination. Therefore, using an individual inverted BDM mechanism, the willingness to accept of producers has been determined. In addition, the effect of the use of a drying tarpaulin on the aflatoxin content of the peanuts produced was measured as well as the influence of access to a market conditioned by the willingness to accept of producers and the quality of the peanuts produced. The results revealed that market access had a significant effect on the premium demanded by producers, however, it did not have a significant impact on the quality of peanuts while this was the case for the access to a drying tarpaulin. At the same time, consumers' willingness to pay for peanut butter in the formal sector has also been assessed for a certified quality product. The determination of consumers' additional willingness to pay for quality certified peanut butter has shown that this premium would be enough to encourage producers to act. So, a market solution is plausible for aflatoxin control in this segment of the market.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des sigles ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre I. Problématique ... 2

Chapitre II : Cadre théorique et revue de littérature ... 10

2.1. Cadre théorique ... 10

2.2. Revue de littérature sur le consentement à payer ... 12

2.2.1. Consentement à payer ... 12

2.2.2. Le consentement à recevoir (CAR) ... 13

2.2.3. Les méthodes d’élicitation du CAP ... 14

2.2.3.1. Les méthodes de préférences déclarées ... 15

2.2.3.2. Les méthodes de préférences révélées ... 17

2.2.4. Choix de méthodes d’élicitation de la valeur ... 19

2.2.5. La méthode d’évaluation contingente et les biais associés... 20

2.2.6. Les enchères incitatives, outils de l’économie expérimentale ... 23

2.2.6.1. Les enchères de Vickrey ... 24

2.2.6.2. Le mécanisme Backer, DeGroot et Marschak (BDM)... 25

2.2.7. L’utilisation des méthodes expérimentales auprès des producteurs agricoles 26 2.2.8. Les hypothèses de travail et leur justification ... 27

Chapitre III. Méthodologie ... 30

3.1. Taille de l’échantillon des producteurs ... 30

3.2. Choix des producteurs ... 31

3.3. Les différents groupes de participants ... 31

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vi

3.4.1. Déroulement des pratiques d’enchères (les essais à blanc) ... 33

3.4.2. Déroulement de la vraie enchère ... 36

3.5. L’échantillon des consommateurs... 39

3.6. Taille de l’échantillon de consommateurs ... 40

3.7. Les outils de collecte ... 41

3.8. Collecte d’échantillons d’arachides et procédures des tests d’aflatoxines ... 42

3.9. Les procédés d’analyse ... 42

Chapitre IV : Les résultats ... 45

4.1. Incitatif nécessaire aux producteurs pour l’adoption des bonnes pratiques post-récoltes. ... 45

4.2. Consentement à payer pour du beurre d’arachides respectant les normes d’aflatoxines ... 60

4.3. Discussion sur l’adéquation entre le CAP des consommateurs et la prime demandée par les producteurs... 71

Conclusion ... 73

Bibliographie ... 76

Annexe A : Formulaire de consentement verbal (producteur) ... 83

Annexe B : Questionnaire socio-économique destiné aux producteurs ... 86

Annexe C : Formulaire de consentement destiné aux consommateurs ... 89

Annexe D : Questionnaire du consentement à payer destiné aux consommateurs ... 91

Annexe E : Tests statistiques entre les variables caractéristiques des deux groupes de producteurs ... 94

Annexe F : Tests statistiques entre les variables caractéristiques des deux groupes de consommateurs. ... 95

(7)

vii

Liste des tableaux

Tableau 1. Répartition de l’échantillon par sexe ... 30

Tableau 2. Description des groupes des participants ... 32

Tableau 3. Les variables de la régression et les signes attendus ... 44

Tableau 4. Statistiques descriptives des variables pour l’ensemble de l’échantillon. ... 47

Tableau 5. Les résultats des tests de comparaison de moyenne ... 51

Tableau 6. Régression logistique des mises des producteurs (n = 100) ... 52

Tableau 7. Régression logistique de la qualité des arachides (n = 93) ... 54

Tableau 8. Comparaison du niveau d’aflatoxines dans les arachides entre le groupe G1 et [G2 et G3] ... 57

Tableau 9. Comparaison de moyenne d’aflatoxines entre les producteurs IF ayant reçu ou pas une bâche ... 58

Tableau 10. Comparaison du niveau d’aflatoxines des arachides des producteurs ayant ou pas une bâche ... 59

Tableau 11. Caractéristiques de l’échantillon par groupe (intensité informationnelle) ... 61

Tableau 12. Statistiques descriptives du consentement à payer ... 63

Tableau 13. Analyse bivariée du consentement à payer des consommateurs en fonction des variables de contrôle ... 65

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viii

Liste des figures

Figure 1. Démonstration graphique du CAP et du CAR ... 11

Figure 2. Les méthodes de détermination du consentement à payer (CAP) ... 15

Figure 3. Description schématique du mécanisme BDM inversé ... 26

Figure 4. Illustration des règles de décision des pratiques d’enchères ... 34

Figure 5. Mécanisme de fonctionnement du BDM inversé individuel ... 38

Figure 6. Distribution des mises des producteurs ... 46

Figure 7. Répartition de l’échantillon selon le genre et le groupe de producteurs ... 48

Figure 8. Les mises des deux (2) groupes ... 50

Figure 9. Répartition des CAP des consommateurs dans l’échantillon ... 63

Figure 10. Le consentement à payer par catégorie d’âge ... 66

Figure 11. Consentement à payer en fonction du nombre d’enfants ... 67

Figure 12. Le CAP en fonction l’emploi ... 68

Figure 13. Niveau d’études et consentement à payer ... 69

Figure 14. Nuage de points du CAP en fonction du niveau d’information ... 70

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ix

Liste des sigles

AFB1 : Aflatoxines du type B1 AFB2 : Aflatoxines du type B2 AFG1 : Aflatoxines du type G1 AFG2 : Aflatoxines du type G2 BDM : Becker, DeGroot et Marschak CAP : Consentement à payer

CAR : Consentement à réservoir

CISA : Conseil Interministériel de la Sécurité Alimentaire CNSA : Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire E. U : États-Unis

FAMV : Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire FAO : Fonds des Nations Unies pour l’Agriculture FEWS NET : Farming Early Warning System Network

FIDA : Fonds International de Développement Agricole

GHESKIO : Groupe Haïtien d’Étude du Sarcome de Kaposi et des Infections Opportunistes

HTG : Gourde haïtienne

IAEA : International Atomic Energy Agency

IARG : International Agency for Research on Cancer IFF : IF Foundation

IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et de l’Informatique

MARNDR : Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement

OGM : Organisme génétiquement modifié OMS : Organisation mondiale de la Santé

OPDQ : Ordre Professionnel des Diététistes du Québec PAM : Programme Alimentaire Mondial

PISESC : Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels Ppb : Partie par milliard

RGPH : Recensement général de la population haïtienne SDAM : Score de la Diversité Alimentaire des Ménages

TM : Tonne métrique

USD : Dollar américain

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x

Je dédie ce travail à mon défunt père, Vilgar Jacques, qui s’est éteint en juillet 2017 et qui n’a pas pu me voir franchir cette étape importante de ma vie professionnelle. Il serait tellement fier, que son âme repose en paix.

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xi

Remerciements

Je tiens à remercier un ensemble de personnes qui ont rendu possible ce travail, tout d’abord je remercie Dieu de m’avoir donné la santé, l’intelligence et la persévérance nécessaire pour arriver au bout de ce cheminement.

Un remerciement spécial au Programme Canadien de Bourses de la Francophonie (PCBF) qui a financé mes études. Un grand merci aussi au projet AFLAH de l’Université Laval financé par le CRDI qui m’a accueilli en Haïti pour mon travail de recherches et qui a financé en partie ma recherche. Un merci spécial aux responsables et au personnel d’IF Foundation, en particulier Edlyne CANGE, Erminth JEAN PIERRE, Jacques JOSEPH qui m’ont accompagné durant la collecte de données

Je remercie mon directeur de recherche, Maurice DOYON, qui m’a accompagné tout au long de cette expérience qui a été très instructive. Je remercie également les responsables de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire de l’Université d’État d’Haïti, les professeurs, en particulier Alix DAMÉUS, Jean Adony CÉSAR, Frantz SUPRÊME.

Je tiens à remercier d’une façon particulière ma tendre et courageuse épouse, Midley BRUTUS, qui m’a soutenu tout au long de mes études et toute ma famille pour tous leurs supports.

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Introduction

Le problème de la salubrité alimentaire ou de la sécurité sanitaire est un enjeu majeur de sécurité alimentaire. Une grande partie de la population mondiale est exposée à un ensemble d’aliments intoxiqués par des toxines diverses, dont l’aflatoxine. Cette situation est responsable de plus de 420 000 cas de décès en 2010 d’après l’Organisation mondiale de la Santé (2015). Cette problématique concerne surtout les pays en voie de développement comme Haïti. Dans ce pays, la filière arachide, qui est particulièrement exposée aux aflatoxines, se retrouve depuis quelques années sous les feux de projecteurs à cause des taux très élevés d’aflatoxines retrouvés dans les arachides et les produits dérivés en particulier le beurre d’arachides. Par ailleurs, cette filière est d’une grande importance pour le secteur agricole, car plusieurs dizaines de milliers d’acteurs en tirent un revenu. D’un autre côté, les arachides et les produits dérivés sont très appréciés par les consommateurs haïtiens et ils jouent un rôle important dans leur sécurité alimentaire, particulièrement des enfants.

Les différents travaux réalisés depuis la découverte des aflatoxines dans les années 60 ont mis en place des méthodes de luttes efficaces pour le contrôle des aflatoxines. Parmi ces dernières, il y a les pratiques post-récoltes : le tri visuel des arachides suivant un protocole, l’utilisation de bâches pour le séchage et l’entreposage dans des sacs appropriés qui ont fait leurs preuves dans des pays où les producteurs n’ont pas accès à des technologies couteuses. Cependant, pour l’adoption effective de ces bonnes pratiques, le marché doit suffisamment valoriser la qualité pour inciter les agriculteurs à agir. Aussi ce travail, à l’aide d’une approche expérimentale, vise à déterminer la prime minimum nécessaire à l’adoption de ces pratiques par les producteurs haïtiens d’arachides. Parallèlement, nous avons sondé les consommateurs de beurre d’arachides du secteur formel en vue de déterminer leur consentement à payer pour un produit attesté de qualité.

Ce travail est organisé en quatre chapitres, le premier présente la problématique des aflatoxines en Haïti, le second aborde notre cadre théorique et une revue littérature ; le 3e chapitre traite de la méthodologie de recherche. Les résultats sont ensuite présentés, analysés et discutés au chapitre 4 et le travail se termine avec les conclusions.

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Chapitre I. Problématique

Le droit à l’alimentation est un droit universellement reconnu, ceci depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 en son article 25 (Golay & Özden, 2006). Et ce droit a été consacré et doté d’une valeur juridique contraignante dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) adopté en 1966 (Collart Dutilleul, 2013; Golay & Özden, 2006). Pourtant, l’accès à une alimentation en quantité et de qualité demeure un défi dans bon nombre de pays à faible revenu. Aussi, pas moins de 815 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire chronique en 2017 dans le monde (FAO, FIDA, OMS, PAM, & UNICEF, 2018). En Haïti, la faible productivité de la production nationale, le faible niveau de revenu de la population et la vulnérabilité du milieu ne permettent pas aux ménages d’avoir accès à une alimentation de qualité, qui leur permettraient d’avoir un niveau de sécurité alimentaire acceptable (FEWS NET, 2014). Aussi, la sécurité alimentaire, qui pour être atteinte nécessite à la fois la disponibilité alimentaire en qualité et en quantité ; l’accessibilité alimentaire physique et économique ; la stabilité et l’utilisation adéquate des aliments, demeure une des priorités pour Haïti. La dernière dimension de la sécurité alimentaire, l’utilisation, porte sur la façon dont l’organisme humain optimise les différents nutriments présents dans les aliments (FAO, 2008). Elle dépend à la fois de la santé de l’individu et de la qualité des aliments que ce soit sur le plan nutritionnel ou sur le plan de la sécurité sanitaire (food safety) des aliments. Le score de diversité alimentaire des ménages (SDAM) qui est un indicateur de qualité alimentaire prenant en compte la variété des aliments consommés au sein d’un ménage (Gina & Terri, 2013) est souvent utilisé par des chercheurs et des institutions nationales travaillant dans le domaine de la sécurité alimentaire. Une étude réalisée dans le département de la Grand'Anse en Haïti a trouvé un SDAM de 6 (Pauzé, 2015) sur une échelle de 12 (Gina & Terri, 2013), ce qui témoigne d’un faible niveau de diversité alimentaire pour cette partie de la population. En plus, les aliments qui ne sont pas consommés sont ceux qui sont généralement les plus riches en nutriments, ce qui pousse Pauzé (2015) à conclure que la qualité de l’alimentation des ménages haïtiens est faible en se basant sur cet indicateur. Cependant, la diversité alimentaire n’est qu’une dimension de la qualité alimentaire, la

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salubrité ou l’innocuité des aliments consommés est tout aussi importante, mais elle est très peu mesurée.

L’innocuité alimentaire « englobe toutes les mesures à prendre afin d’éviter les risques relatifs à une éventuelle toxicité des aliments » (OPDQ, 2004, p.4). Les enjeux liés à cet aspect ne sont pas négligeables, l’Organisation mondiale de la Santé (2015) a identifié 31 agents, dont l’aflatoxine, qui sont responsables des maladies d’origine alimentaire. En 2010, ces agents pathogènes ont provoqué 600 000 cas de maladies et 420 000 décès à travers le monde (World Health Organization, 2015).

En Haïti, il y a un manque, voire même une absence de contrôle de qualité des aliments consommés par la population (CISA & CNSA, 2009). Près de 80 %, des aliments consommés dans ce pays ne passent aucun contrôle de qualité (Alterpress, 2014) et leur commercialisation est assurée, en grande partie, par de petits commerçants. Cette situation constitue un environnement idéal pour la mise en circulation de produits insalubres. Et de fait, un ensemble de produits alimentaires insalubres sont commercialisés et consommés, ce qui peut entrainer de graves problèmes de santé publique. Cette situation peut engendrer non seulement une augmentation des dépenses en santé, mais aussi peut avoir des conséquences sur la capacité actuelle et future de la population à produire des richesses. L’une des menaces actuelles qui planent sur ce pays est la contamination de plusieurs denrées par les aflatoxines qui sont une toxine produite par des champignons microscopiques du sol.

Les aflatoxines sont produites principalement par quelques souches d’Aspergilus flavus et d’Aspergilus parasiticus. Ces mycotoxines se déclinent en 4 types : aflatoxines B1 (AFB1), aflatoxines B2 (AFB2), aflatoxines G1 (AFG1) et les aflatoxines G2 (AFG2) (FAO & OMS, 2004). Les AFB1 sont prédominantes et sont les plus dangereuses. Si elles ne sont pas présentes dans un produit, généralement les autres types ne le sont pas non plus (FAO & OMS, 2004). Les aflatoxines ont été découvertes pour la première fois en Grande-Bretagne en 1960 par suite d’une contamination mortelle de dindes par des tourteaux d’arachides (Martin, Ba, Dimanche, & Schilling, 1999). Un ensemble de produits agricoles sont exposés à la contamination aux aflatoxines, cependant, l’une des denrées agricoles les plus affectées

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est l’arachide (FAO & OMS, 2004; Martin et al., 1999) et elle est aussi l’une des denrées les plus exposées dans les pays à climat chaud(Filbert & Brown, 2012) comme Haïti. Dans ce pays, cette filière est pourtant très importante, environ 130 000 producteurs et des milliers d’autres acteurs y travaillent, ce qui leur permet d’avoir une source de revenus (Paul, Delva, & Philizaire, 2017). Elle est aussi une source de protéines très consommée par les Haïtiens, jouant ainsi un rôle important dans la sécurité alimentaire (Paul et al., 2017).

La production d’arachides communément appelées « pistaches » en Haïti est à la fois une culture vivrière et de rente, qui constitue la principale culture oléagineuse du pays (Delva & Paul, 2015). Sa production est estimée à 17 767 tonnes métriques (TM) en 2016 et est cultivée au niveau des dix (10) départements du pays (MARNDR, 2016). La superficie récoltée en 2016 est évaluée par le Ministère de l’Agriculture (2016) à 37 867 ha, soit une diminution de 25 % par rapport à 2008 (Van Vliet, Pressoir, Marzin, & Giordano, 2016). La plus grande part de cette production est assurée durant la campagne agricole du printemps, soit 37 % ; pour les campagnes d’hiver et d’automne, des parts de 32 % et 31 % ont été respectivement enregistrées (MARNDR, 2016). Toujours d’après le Ministère de l’Agriculture, le rendement national en 2016 est évalué à 0,47 TM/ha, le département du Nord a été parmi les plus performants avec un rendement de 0,61 TM/ha, alors le rendement mondial est de 1,73 TM/ha (USDA, 2018). La production brute d’arachides en valeur est évaluée à 20 millions de dollars américains (USD), cependant la transformation agro-industrielle en beurre valorise cette production à plus de 40 millions d’USD (Van Vliet et al., 2016). La production nationale étant inférieure à la demande locale, une partie des arachides et du beurre d’arachides consommés en Haïti sont importés de la République dominicaine et des États-Unis (Paul et al., 2017). Cependant, ces importations sont faibles et sont estimées en moyenne à 83 TM/an d’arachides pour la période de 2006 à 2016 et à 17 TM/an en moyenne de beurre d’arachides entre 2014 et 2016 (FAOSTAT, 2018). La commercialisation de l’arachide en Haïti est réalisée principalement sous la forme de beurre d’arachides (localement connu sous le nom de « mamba ») et de cacahouète, elle est aussi utilisée dans la préparation d’un alicament connu sur le nom de « medicamanba » utilisé dans la lutte contre la malnutrition infantile (Delva & Paul, 2015).

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En 2015, une étude a été réalisée par des chercheurs de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) sur un ensemble d’échantillons d’arachides prélevés sur des parcelles au niveau des communes d’Anse-à-Galet et de Pointe-à-Raquette et sur des échantillons de beurre d’arachides de marque locale vendus dans les supermarchés de Port-au-Prince. Cette étude a révélé que : pour les arachides en coque examinées, 69 % avaient une teneur en aflatoxines supérieure à 20 ppb (parties par milliard) ; 45 % des échantillons d’arachides décortiquées analysés accusaient un taux d’aflatoxines supérieur à 150 ppb et pour les échantillons de beurre d’arachides analysés, collectés dans les supermarchés, la totalité avait une teneur en aflatoxines supérieure à 150 ppb (Delva & Paul, 2015). Alors que le seuil américain (Filbert & Brown, 2012) et canadien (Santé Canada, 2015) pour les aflatoxines totales est de 20 ppb, moins exigeant que la Commission du Codex Alimentarius qui propose un seuil maximum de 15 ppb (Codex Alimentarius, 2015). L’échantillon témoin de Delva et Paul (2015), qui provenait d’une marque de beurre d’arachides importée accusait, quant à lui, un taux inférieur à 9 ppb. Donc, plus on avance dans la chaine de valeur ou plus on s’éloigne du champ, plus le taux moyen d’intoxication semble être élevé. Une précédente étude conduite en 2009 et 2010 avait relevé, quant à elle, des taux d’aflatoxines supérieurs à 20 ppb dans près de 89 % des échantillons de beurre d’arachides analysés avec des niveaux record pouvant atteindre jusqu’à 799,8 ppb(Filbert & Brown, 2012). Si ces études ont été conduites sur des échantillons de beurre d’arachides produits plus ou moins formellement, la grande partie de la production de beurre d’arachides, estimée à 80-90 % de la production (Alterpress, 2014), est assurée par des petits ateliers artisanaux de manière informelle, sans connaissances des normes de qualité, donc les niveaux de contamination sont potentiellement plus élevés que ceux rapportés par ces études.

Une étude médicale conduite par le GESKIO (Groupe Haïtien d’Étude du Sarcome de Kaposi et des Infections Opportunistes) en 2011 a permis d’établir une relation claire entre la consommation de produits arachidiers et la présence d’aflatoxines dans le sang pour 76 % des cas étudiés (Schwartzbord et al., 2014). Deux ans plus tard, dans une autre étude, le dosage d’aflatoxines urinaires a révélé que sur les 367 sujets étudiés dans un hôpital en centre urbain et un autre en région rurale, respectivement 14 % et 22 % des sujets avaient des traces d’aflatoxines dans leur urine. Les chercheurs ont aussi établi, avec des tests statistiquement significatifs, que la présence d’aflatoxines était fortement liée à la consommation d’arachides

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(Schwartzbord, Leroy, Severe, & Brown, 2016). C’est-à-dire, les personnes qui ont déclaré avoir consommé de l’arachide sont aussi celles chez qui l’on a détecté des niveaux anormaux d’aflatoxines.

Les aflatoxines ont la capacité d’affaiblir le système immunitaire (Reboux, 2006) et peuvent empêcher l’utilisation des protéines contenues dans les aliments provoquant du coup la malnutrition protéique (Filbert & Brown, 2012; Njeru, 2014). Ces mycotoxines peuvent aussi provoquer des insuffisances hépatiques (Choa et al, 1991, cité dans (Njeru, 2014)). Le cancer du foie est associé à l’exposition aux aflatoxines (Liu & Wu, 2010; Zakhia-Rozis & Schorr-Galindo, 2013). Depuis le début des années 1990, leur implication a été prouvée dans ce type de cancer par l’International Agency for Research on Cancer (IARG) (Martin et al., 1999). En outre, dans la Caraïbe, Haïti a la plus forte prévalence de cancer du foie (Schwartzbord , Emmanuel, & Brown, 2013). Des cas d’intoxication mortelle aux aflatoxines se sont produits dans plusieurs pays à travers le monde. Au Kenya par exemple ces types d’intoxication ont provoqué 125 cas de décès en 2004 (Lewis et al, 2005, cité dans Njeru, 2014). En Haïti, jusqu’à présent, on ne peut pas se prononcer sur l’incidence sanitaire exacte des aflatoxines, mais les études cliniques effectuées à partir du sang et de l’urine mettent en évidence le lien existant entre la consommation d’arachides et la présence d’aflatoxines dans l’organisme (Schwartzbord et al., 2014; Schwartzbord et al., 2016), ce qui représente des indicateurs qui témoignent du niveau de danger que constitue l’exposition aux aflatoxines. Et, la problématique des aflatoxines est d’autant plus cruciale quand ce sont les arachides, entre autres, qui sont contaminées, car, après les haricots, elles constituent la première source de protéine pour les ménages haïtiens (Delva & Paul, 2015). À cause de leur faible revenu, la consommation de protéines d’origine animale est très peu présente dans la diète alimentaire des ménages haïtiens. Entre 2007 et 2009, seulement 9 % des protéines consommées par les ménages haïtiens étaient d’origines animales (FEWS NET, 2014).

Le problème des aflatoxines dans la production d’arachides est une problématique qui touche ou qui a touché plusieurs pays producteurs à un moment donné. Comme mentionné précédemment, les aflatoxines ont été découvertes il y a plus de 50 ans, depuis lors la science s’est penchée sur cette problématique de santé publique et dans les pays développés cette question est déjà maitrisée dans une large mesure. Le souci actuel pour ces pays est centré

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sur le coût règlementaire pour les producteurs alors que pour les pays en développement, les aflatoxines constituent encore un problème de santé publique (Thomas Shier, Weaver, Horn, & Abbas, 2005). En Afrique, depuis les années 1970, certains pays comme le Sénégal, aidés par la Communauté internationale, s’étaient déjà lancés dans la recherche visant à contrôler les aflatoxines dans la culture d’arachides, pilier de leur économie (Martin et al., 1999). Aussi, par la mise en place d’un paquet technique issu de la recherche participative et de la responsabilisation de tout un chacun dans la filière, d’immenses progrès ont été réalisés. L’accent a été mis sur un ensemble de mesures préventives liées à la récolte, le séchage, l’égoussage et les conditions de stockage, ce qui a permis au Sénégal de rester sur le marché européen malgré le durcissement des réglementations européennes sur l’aflatoxine qui fixent un seuil de 4 ppb pour les produits à base d’arachides (Clavel, Da Sylva, Ndoye, & Mayeux, 2013). Martin et al (1999) ont fait ressortir l’accent que les Sénégalais ont mis sur une intégration entre les différents maillons de la filière puisque la contamination est possible tout au long de la chaine. Dans ce pays d’Afrique, la production d’arachides est pratiquée par environ ¾ des agriculteurs, occupant près d’un tiers de la superficie agricole utile (Clavel et al., 2013). Au début des années 2000, ce pays assurait 4 % de la production mondiale d’arachides et les exportations représentaient 7 % des recettes d’exportation totales (Duteurtre, Faye, & Dièye, 2010). Une grande partie de leur production est transformée industriellement et aussi de manière artisanale (Noba et al., 2014). C’est une filière historiquement forte et importante pour l’économie agricole sénégalaise (Duteurtre et al., 2010) qui a un bon niveau de coordination entre les maillons, ce qui n’est pas le cas pour Haïti où il n’y a pas un marché d’exportation ni d’industries d’extraction d’huile comestible (Delva & Paul, 2015).

Cependant, il existe quelques entreprises agro-industrielles haïtiennes qui sont dans la production de beurre d’arachides et dont certaines tentent de contrôler, difficilement, le niveau d’aflatoxines de leurs produits (Alterpress, 2014). Si les pays qui ont un marché d’exportation, comme le Sénégal, ont fait en sorte de se conformer en vue de rester sur le marché international plus rémunérateur pour les producteurs, ceci n’est pas le cas pour la filière d’arachide en Haïti qui n’exporte pas ou très peu. En plus, les acteurs de la filière sont peu ou pas informés du danger que représentent les aflatoxines pour la filière et la santé de la population (Paul et al, 2017). Aussi, il y a la nécessité de créer des incitatifs de marché

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pouvant pousser les producteurs, une fois informés, à adopter des mesures préventives existantes comme le tri (Dorner, 2008), le séchage sur des bâches, et l’entreposage dans des sacs appropriés (Njoroge, 2018) pour contrôler le niveau d’aflatoxines dans leur production. Sachant qu’il existe un segment du marché, estimé à moins de 5 %, qui achète leur beurre d’arachides dans le secteur formel (TechnoServe, 2012), il serait donc possible de créer cet incitatif qui manque à la filière à partir de ce marché, tout en espérant un effet d’émulation pour le reste de la filière. Aussi, l’objectif principal que poursuit ce travail de recherche est de déterminer les incitatifs de marché pouvant amener les producteurs d’arachides en Haïti à adopter des méthodes de luttes efficaces contre les aflatoxines.

Plus spécifiquement, cette étude vise à :

1. Créer un design de marché sur le terrain en utilisant les techniques de l’économie expérimentale pour déterminer la prime/kg d’arachides nécessaire aux producteurs pour l’adoption du tri, l’utilisation des bâches et des sacs appropriés pour leurs arachides en usant d’une méthode d’enchères ;

2. Mesurer l’effet d’une contrainte de qualité d’accès au marché sur le montant des primes demandé par les producteurs pour agir et sur la teneur en aflatoxines des arachides ;

3. Déterminer les facteurs qui influencent la prime demandée et la qualité des arachides des participants.

4. Contrôler l’impact de la bâche, en tant qu’incitatif, sur les techniques permettant de contrôler le niveau d’aflatoxines des arachides ;

5. Évaluer l’effet d’un accès à un paquet de services agricoles sur la qualité des arachides produites ;

6. Mesurer le consentement à payer supplémentaire des consommateurs, de façon exploratoire, pour du beurre d’arachides attesté de qualité, selon (2) niveaux d’informations sur les aflatoxines ;

7. Vérifier une adéquation entre le consentement à payer des consommateurs et la prime nécessaire pour inciter un changement chez les producteurs ;

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Ce travail peut être très utile à la société haïtienne qui est exposée à un problème de santé publique et la filière en question est stratégique tant pour les producteurs, car constituant une culture de rente, que pour les consommateurs pour qui elle représente une source de protéine non négligeable contribuant significativement à leur sécurité alimentaire. Les résultats pourraient influencer les décisions des autorités étatiques lors de l’élaboration de politiques publiques portant sur cette problématique. Ils pourraient inciter les législateurs à légiférer sur les normes sanitaires acceptables pour la population haïtienne. En plus, par ce travail, on pourra attirer l’attention de tous les concernés sur cette problématique et alimenter du coup la littérature scientifique peu abondante sur cette question en Haïti.

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Chapitre II : Cadre théorique et revue de littérature

2.1.

Cadre théorique

Cette section du chapitre place le travail dans un cadre théorique qui servira de loupe dans laquelle les phénomènes étudiés seront observés. La théorie phare qui peut prédire le comportement des agents économiques lorsqu’ils sont face à des choix est celle de l’utilité attendue (Martinez, 2010, p. 10). L’utilité attendue se définit comme étant la somme pondérée d’une fonction de consommation traduisant plusieurs états différents (Varian & Thiry, 2014). Cette théorie est basée sur l’hypothèse que les individus sont rationnels et peuvent traiter toutes les informations en vue de prendre la meilleure décision en vue de maximiser leur utilité (Martinez, 2010).

L’un des objectifs d’un producteur agricole est de maximiser les profits tirés de la vente de ses produits. L’adoption d’une innovation technologique ou organisationnelle impliquant de nouveaux coûts ne peut être réalisée que s’il y a un gain associé qui soit égal ou supérieur à son coût marginal. Cela veut dire que la situation avec la nouvelle technologie ou organisation de la production doit être au moins aussi bénéfique que le statu quo.

Le consommateur, de son côté, cherche toujours à maximiser son utilité. Pour les biens dits normaux, une plus grande quantité ou qualité lui procure une plus grande satisfaction. Faisons une illustration en s’inspirant de la démonstration de Bonnieux (1998, p. 51-52). Pour cela, considérons que la fonction d’utilité d’un individu dépend de son revenu (R) et de la qualité d’un bien (Q). Comme illustré à la Figure 1, pour un niveau de revenu Ro et une qualité Qo, la consommation optimale se trouve au point A sur la courbe d’utilité Uo. Lorsque la qualité du bien en question est fixe (Qo), plus le revenu augmente, plus le consommateur est capable d’atteindre une courbe d’indifférence plus élevée (U1). De même, pour un revenu fixe,

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11

Figure 1. Démonstration graphique du CAP et du CAR

Source : Auteur, inspiré de Bonnieux (1998)

Par exemple, si la qualité du bien passe de Qo à Q1 comme c’est illustré à la Figure 1, alors

le consommateur maximise son utilité au point B se trouvant sur la courbe d’indifférence U1.

À ce nouveau point, le bien-être du consommateur a augmenté et il serait théoriquement prêt à payer l’équivalent de la droite [CB], pour passer d’un niveau d’utilité inférieur (Uo) à un

niveau supérieur (U1). Ce montant équivaut à son consentement à payer (CAP) pour la qualité

supplémentaire.

Dans le cas de la diminution de la qualité où l’on passe du point B au point A, il y a une diminution du niveau d’utilité puisque le consommateur en question passe d’un niveau d’utilité supérieur (U1) à un niveau plus faible (U0). En supposant que ce consommateur

détient un droit sur le bien (Willinger, 1996), il faudra lui verser au moins l’équivalent de sa perte d’utilité pour qu’il accepte de se rendre au point A. Ce montant correspond au segment [AD] et représente le consentement à recevoir (CAR) du consommateur pour passer de Q1 à

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2.2.

Revue de littérature sur le consentement à payer

2.2.1. Consentement à payer

Les entreprises privées ainsi que l’administration publique s’intéressent toutes à la volonté des consommateurs potentiels à dépenser pour acquérir un nouveau bien, un nouveau service ou pour une nouvelle caractéristique incorporée à un bien ou un service. Si pour les entreprises, les produits en question sont marchands, pour l’État, il s’agit surtout de biens et de services publics. Dans les deux cas, l’inexistence d’un marché fait qu’il est difficile de déterminer la quantité à produire et surtout le prix du nouveau produit ou service, d’où l’intérêt de déterminer le consentement à payer (CAP) des potentiels consommateurs.

Le concept de consentement à payer (CAP) a fait son entrée dans la littérature scientifique depuis plus d’un siècle (Davenport, 1902 cité par (Le Gall-Ely, 2009)) et depuis lors, un ensemble de définitions du concept sont recensées dans la littérature. Dans certains cas, le CAP se confond au prix maximum (valeur économique) c’est-à-dire à la valeur de la meilleure alternative à laquelle on ajoute la différence perçue entre cette référence et le produit en question (Nagle & Holden, 2002, p. 74). Dans d’autres cas, Breidert (2006) fait remarquer que le concept est confondu à un prix de réserve (valeur d’usage), il se définit alors comme étant le prix le plus élevé qu’une personne consent à payer pour un bien pour lequel elle croit qu’il n’y a pas d’alternatives. En marketing, on ne fait pas vraiment de différence entre la valeur économique et la valeur d’usage d’un bien, seul le comportement d’achat importe réellement (Breidert, 2006).

D’après Le Gall-Ely (2009), le consentement à payer se définit comme étant le prix maximum qu’un acheteur décide de payer pour une quantité donnée de bien ou de service ou c’est le sacrifice monétaire maximum que consent à réaliser un individu pour acquérir un bien ou un service par rapport à la somme de bénéfices reçus ou perçus. Robin, Rozan, & Ruffieux (2008, p. 115) ont, eux, défini le CAP comme « le prix maximum que nous serions prêts à payer dans les conditions normales de marché pour acquérir un bien, un service, une caractéristique spécifique d’un produit ou encore une information ». Cette dernière définition

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13

est retenue pour définir le concept de consentement à payer dans le cadre de ce travail puisqu’elle intègre deux éléments importants qui sont la caractéristique spécifique d’un produit et l’information.

2.2.2. Le consentement à recevoir (CAR)

Le consentement à recevoir est l’équivalent théorique du consentement à payer. Si le CAP est le maximum qu’un individu est prêt à payer pour acquérir un bien, le CAR est le minimum qu’il est prêt à accepter (compensation) en échange de ce même bien. Dans un monde idéal fait d’homo economicus, donc parfaitement rationnels, le CAR et le CAP devraient être égaux pour un même bien indépendamment du fait qu’on soit acquéreur ou vendeur (Flachaire & Hollard, 2006). Cependant une divergence quasi systématique est observée entre le CAP et le CAR pour un même bien dans la littérature. Plott & Zeiler (2005) ont mis en évidence ce phénomène grâce à une méta-analyse. Dans la recherche d’explications à ce phénomène, il semble avoir un consensus sur l’existence d’un biais cognitif, l’effet de dotation qui « fait référence au fait que des individus […] propriétaires d’un objet attribuent à cet objet une valeur plus importante que les non-propriétaires » (Paraschiv & L'Haridon, 2008, p. 69). Ce biais a été mis en évidence par la prospect theory (Kahneman, Knetsch, & Thaler, 1990).

Masters, Mishra, & Mishra (2017) pensent que l’effet de dotation seul ne peut expliquer ce biais et qu’il faut tenir compte de la « théorie de l’attachement » conjointement. Cette théorie soutient le fait de posséder un objet induit un effet de possession plus ou moins forte qui pousse le propriétaire à percevoir l’objet comme une extension de lui-même (Belk, 1988; Masters et al., 2017). Cet attachement pousse l’individu à valoriser plus ou moins fortement le bien en sa possession. La différence avec l’effet de dotation, c’est que pour certains biens (ex. jetons, biens échangeables), l’effet d’attachement est absent alors que l’effet de dotation perdure, bien que parfois non significatif (Masters et al., 2017). Outre ces deux théories, l’absence de substitut pour le bien en question et l’absence de contrainte budgétaire sont d’autres causes explicatives de la divergence entre le CAR et le CAP (Flachaire & Hollard, 2006). De ce fait, dans la littérature scientifique on priorise largement l’utilisation du CAP pour déterminer la valeur accordée à un bien (Bonnieux, 1998). Cependant les travaux

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s’intéressant à l’offre de biens environnementaux ou l’adoption de pratiques agricoles visant à produire des services publics privilégient le CAR (Bonnieux, 1998).

Dans ce travail, les deux approches de la détermination de la valeur sont utilisées. Étant donné que l’on s’intéresse à l’adoption de bonnes pratiques agricoles visant à produire des arachides libres d’aflatoxines, pour cela on va utiliser le CAR. Et pour déterminer la valeur que les consommateurs accordent au beurre d’arachides attesté de qualité, on a fait le choix du CAP.

2.2.3. Les méthodes d’élicitation du CAP

Comme le disent Flachaire & Hollard (2006), le consentement à payer est une sorte de « valeur fondamentale » découlant des préférences d’un individu. De ce fait, cette valeur peut être révélée. Il y a un ensemble de méthodes qu’on utilise surtout dans le domaine du marketing pour déterminer le CAP des individus comme illustré à la Figure 2. Breidert, Hahsler, & Reutterer (2006) classifient ces méthodes d’élicitation de CAP en deux grandes catégories. Il y a les méthodes fondées sur les données d’enquêtes qu’on qualifie de données de préférences déclarées et les méthodes fondées sur les données réelles ou simulées, communément appelées données de préférences révélées. Chacune de ces deux grandes catégories est subdivisée en plusieurs méthodes.

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Figure 2. Les méthodes de détermination du consentement à payer (CAP)

Source : Breidert et al. (2006)

On va donc passer en revue ces différentes méthodes d’élicitation du CAP en mettant l’accent sur une méthode de chaque grande catégorie. Il s’agira des méthodes d’évaluation contingente et des enchères incitatives.

2.2.3.1.Les méthodes de préférences déclarées

Ces méthodes consistent à déterminer le CAP des personnes sur une base déclarative. Dans le cas de nouveaux produits et lorsqu’il y a des contraintes de temps ou d’argent, ce sont ces méthodes qui sont privilégiées. Elles se divisent en deux groupes : les méthodes directes et les enquêtes indirectes (Breidert, 2006). La validité externe de ces méthodes d’analyses est faible à cause de la faible incitation des participants à révéler leur vraie valeur (Wertenbroch & Skiera, 2002).

A. Les enquêtes directes

Ce sont des méthodes d’évaluations directes du CAP, car au terme des études utilisant ces types d'enquêtes, on aboutit à une estimation directe du CAP. Il y a deux types d’évaluation directe : le jugement d’expert et la méthode d’évaluation contingente.

Détermination CAP Préférences déclarées Enquêtes directes Jugement d'experts Évaluation contingente Enquêtes indirectes Analyse conjointe Méthode des choix discrets Préférences révélées

Données du marché Expériences Laboratoires Expériences sur

le terrain Enchères incitatives

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A.1. Le jugement d’experts

C’est une méthode directe de détermination du consentement à payer qui s’appuie sur l’expertise des professionnels de ventes qui sont constamment en contact avec le marché et les clients. C’est une méthode peu couteuse puisqu’elle sollicite un petit nombre d’experts et elle peut être rapidement mise en œuvre. Cependant, l’opinion des experts peut être biaisée de manière volontaire ou pas. Dans le cas d’un marché avec peu d’acteurs, les jugements d’experts peuvent être plus performants que si le marché est vaste et hétérogène (Breidert et al., 2006).

A.2. La méthode d’évaluation contingente

La méthode d’évaluation contingente est un outil qui initialement a fait l’objet de beaucoup de controverses, mais qui a fini par s'imposer dans la boite à outils des économistes (Milanesi, 2011). Comme le relate Milanesi (2011, p. 7), le « principe [de l’évaluation contingente] est simple, il consiste à poser à un échantillon représentatif de la population une question de consentement à payer (ou à recevoir) pour accéder (ou renoncer) au bien à évaluer ».

B. Les enquêtes indirectes

Comme le nom l’indique, les enquêtes indirectes sont des méthodes d’élicitation du CAP à partir desquelles on va déduire les préférences des participants (Breidert, 2006). Contrairement aux méthodes directes, le CAP ne sera pas directement demandé aux répondants, ce sont leurs choix qui vont servir à déterminer leurs préférences. Ces méthodes sont plus ou moins proches de la réalité. Dans ce groupe on trouve l’analyse conjointe et la méthode des choix discrets.

B.1. L'analyse conjointe

Cette méthode vise à mesurer « la structure des préférences des consommateurs » en fonctions des évaluations ou classement d’un ensemble d’alternatives en faisant varier les attributs ou les composantes du bien en question, dont le prix (Le Gall-Ely & Loïg, 2006, p. 6). L’utilité accordée au produit résulte de l’addition des valeurs partielles accordées à chaque

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attribut du produit, telle est l’hypothèse sous-jacente à cette méthode. Elle présente, par contre, des problèmes théoriques et pratiques liés, entre autres, à l’utilisation du prix comme un attribut du bien (Breidert et al., 2006). En effet en utilisant le prix comme un attribut, son utilité partielle est obtenue comme pour les autres attributs, ce qui pose un problème théorique puisque par définition le prix n’a pas d’utilité, mais ne représente qu’un taux de change entre différents niveaux d’utilité (Breidert et al., 2006).

B.2. La méthode des choix discrets

Il s’agit d’une variante de la méthode conjointe dans laquelle il est demandé au répondant de faire un choix entre plusieurs « options ou scénarios » qui lui sont présentés (Nguyen, Moumjid, Brémond, & Carrère, 2008, p. 3). Ainsi, le CAP sera déduit des options choisies.

2.2.3.2.Les méthodes de préférences révélées

Contrairement aux méthodes de préférences déclarées, les méthodes de préférences révélées s’appuient sur des données observées sur le marché ou des données simulées dans un environnement contrôlé. La validité externe de ces méthodes est élevée. Ces dernières se subdivisent en deux groupes : les méthodes basées sur les données du marché et les expériences.

A- Les méthodes basées sur les données du marché

Ces méthodes utilisent l’historique d’achat des clients en vue d’estimer leur fonction de demande. Les données de ventes peuvent provenir : 1) de l’historique de vente d’un magasin, 2) d’un panel de clients ou 3) d’un scanner qui enregistre les données individuelles des clients (Nagle & Holden, 2002). Ces méthodes se basent sur l’hypothèse que la connaissance des habitudes du passé peut être utilisée pour prédire les habitudes futures. L’inconvénient dans l’utilisation de ces méthodes, c’est que les données sont souvent agrégées, il y a peu de variations dans les prix et ces méthodes ne correspondent pas aux innovations. Son principal

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avantage est de pouvoir travailler sur des données réelles (Breidert, 2006) par conséquent la validité externe est très élevée (Le Gall-Ely, 2009). Ces méthodes ne donnent pas directement le CAP, mais à partir de la fonction de demande qu’elles permettent de générer, le CAP peut être estimé à partir de méthodes économétriques. (Armand-Balmat, 2002).

B- Les expériences

À part les méthodes basant sur les historiques d’achat des clients, les expériences aussi permettent de travailler sur des données réelles générées lors d’une transaction effective. À partir des expériences, des données réelles sont générées en simulant le fonctionnement réel du marché (Breidert et al., 2006). Les expériences sont subdivisées en deux catégories : les expériences n’utilisant pas d’enchères incitatives et les expériences avec enchères incitatives.

B1. Les expériences sans enchères incitatives

B.1.1. Les expériences de laboratoires

Dans les expériences de laboratoires, les participants sont dotés le plus souvent d’une somme d’argent qu’ils doivent dépenser pour acheter un bien spécifique. Dans ces expériences, l’expérimentateur a la possibilité de faire varier le prix suivant l’objectif poursuivi. Ces expériences sont généralement réalisées dans des laboratoires universitaires avec les étudiants, mais il se peut qu’elles se réalisent aussi hors laboratoires (Engle-Warnick, Escobal, & Laszlo, 2007; Ward & Singh, 2015). Le fait que les participants sont conscients qu’ils participent à une étude peut être une source de biais, c’est l’un des points faibles de ces méthodes. Il se peut qu’il y ait aussi un effet pervers de l’argent versé aux participants s’ils ne s’en approprient pas (Rosenboim & Shavit, 2012), c’est-à-dire s’ils ne considèrent pas que cet argent soit le leur. Les expérimentateurs contournent cet inconvénient en offrant le choix aux participants de partir avec cet argent s’ils ne désirent plus participer à l’expérience (Doyon, Jullien, & Labrecque, 2012).

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B.1.2. Les expériences en magasin

Comme le nom l’indique, ces expériences se réalisent aux points de vente habituels du produit en question, où l’on expose à la vente le produit à évaluer en faisant varier les prix d’un magasin à un autre et aussi dans le temps. Donc, elles se réalisent dans un environnement commercial réel contrairement aux expériences de laboratoires. Ces méthodes présentent ainsi un niveau de validité externe très élevé (Breidert et al., 2006). Les participants à de telles études peuvent être au courant ou pas de leur participation à une expérience. Ce sont des méthodes couteuses à cause de la logistique qu’elles nécessitent. Le suivi dans le temps de la réaction du marché à chaque modification de prix ainsi que le choix de magasins représentatifs du marché qu’on étudie constituent des points faibles de ces méthodes (Breidert, 2006).

B.3. Les expériences avec enchères incitatives

Ces méthodes peuvent être mises en œuvre tant dans les expériences de laboratoires que les expériences en magasins, elles utilisent des enchères incitatives dont la stratégie dominante consiste à révéler sa vraie valeur, permettant ainsi de recueillir des données réelles comme sur un vrai marché. Ces méthodes qui sont issues de l’économie expérimentale font en sorte que les participants agissent comme s’ils étaient sur un vrai marché (Le Gall-Ely, 2009).

2.2.4. Choix de méthodes d’élicitation de la valeur

Deux des outils de détermination de la valeur (CAP ou CAR) ont été utilisés dans ce travail. La méthode d’évaluation contingente auprès des consommateurs de beurre d’arachides en vue de déterminer leur CAP. Ce choix s’explique par le fait qu’on veut sonder le marché pour un produit différencié pour lequel il n’y a pas encore de marché. Le recours à des expériences de laboratoires n’est pas possible pour des contraintes logistiques, économiques et de temps.

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Et pour déterminer la prime nécessaire aux producteurs pour l’adoption des bonnes pratiques agricoles visant à réduire les aflatoxines dans les arachides, une enchère incitative a été utilisée. La mise en œuvre de cette méthode est possible par le fait que les producteurs sont regroupés dans l’espace et que c’est plus facile de les réunir dans un temps court à un point donné. Dans les sections suivantes, on revient sur ces deux types de méthodes avec plus de détails.

2.2.5. La méthode d’évaluation contingente et les biais associés

La méthode d’évaluation contingente est une technique d’enquête permettant de révéler les préférences exprimées directement par les individus. C’est donc une méthode déclarative fondée sur le comportement déclaré des participants et non sur des comportements effectifs (Robin et al., 2008). Étant une méthode non réelle, elle donne lieu à un ensemble de biais de mesure dont les principaux sont : le biais hypothétique, l’effet de Warm Glow, le biais stratégique, le biais d’ancrage et le biais d’inclusion.

a. Le biais hypothétique

Comme le nom l’indique, le biais hypothétique découle du fait que le participant à une enquête contingente fait un choix complètement spéculatif, c’est-à-dire dans une situation non réelle. Le choix effectué dans ces conditions n’a donc aucune conséquence sur le niveau du bien-être du participant. Comme le signale Le Gall-Ely (2009), dans de telles situations de choix, l’individu ne mesure pas toutes les implications que son choix pourrait engendrer en situation réelle (sanctions financières en cas d’un mauvais choix par exemple). Aussi, estime-t-on que les méthodes d’évaluation contingente induisent le plus souvent une surestimation du CAP (Le Gall-Ely, 2009; Robin et al., 2008). Dans le cas où le répondant ne perçoit pas une conséquence dans le processus à travers les questions posées et la mise en contexte, c’est-à-dire s’il n’a pas l’intuition que ses réponses vont influencer l’action, les réponses seront complètement aléatoires (Carson & Groves, 2007; Doyon, Rondeau, Vossler, & Roy-Vigneault, 2015). L’introduction d’un Cheap Talk script (un texte) dans un

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questionnaire d’évaluation contingente, informant les participants de l’existence du biais hypothétique et de ses conséquences avant de poser les questions, permet de réduire de façon significative cette défaillance de la méthode déclarative (Bergeron, Doyon, & Muller, 2018; Lusk, 2003).

b. L’effet Warm Glow

D’après Robin et al (2008), l’effet Warm Glow vient du fait que pendant une enquête d’évaluation contingente, surtout quand le bien en question est un bien public, le répondant a tendance à ne pas révéler ses préférences réelles, mais opte pour une position qu’il juge socialement correcte. Suivant l’enjeu, le participant peut se comporter en consommateur-citoyen (Ruffieux, 2004 cité par (Robin et al., 2008)). Par exemple, les études de Noussair, Robin, & Ruffieux (2003) sur les perceptions des consommateurs français par rapport aux OGM (Organisme génétiquement modifié) montrent que l’opinion et le comportement d’achat de ces derniers sont significativement différents selon qu’on utilise une enquête d’opinion ou une approche expérimentale. Dans le premier cas, ils se comportent comme des citoyens et sont très réticents aux OGM, mais quand ils sont en situation d’achat où leur décision a une conséquence réelle, ils se comportent différemment et sont moins réticents aux produits à base d’OGM.

c. Le biais stratégique

Dépendamment de l’enjeu en question, le répondant peut adopter un comportement qui vise à tourner la situation en sa faveur afin de servir ses propres intérêts (Le Gall-Ely, 2009). Ce comportement est généralement observé pour les biens publics, mais aussi pour les biens privés. Pour un bien public, si le répondant croit que son accès sera gratuit, il aura tendance à surestimer son CAP et forcer ainsi la mise en place du projet. Si en revanche il projette une utilisation payante du bien, alors le répondant a tendance à sous-estimer son CAP en espérant que les autres vont payer plus, ainsi il peut profiter du bien sans payer son vrai prix. Ce comportement est qualifié en économie comme un comportement de passager clandestin ou

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free rider (Robin et al., 2008). Un tel comportement peut compromettre la mise en place de

bien public.

Pour les biens privés, on peut aussi observer un tel biais dans le cas du lancement d’un nouveau produit où le répondant voudrait influencer soit le prix, soit l’offre. Si pendant l’enquête contingente, le consommateur perçoit que le produit s’apprête à investir le marché, c’est-à-dire l’offre est déjà disponible, il peut vouloir influencer le prix à la baisse en sous-estimant sa valeur réelle. Cependant, s’il croit que l’offre du produit dépend du résultat de l’étude, il aura tendance à surélever sa valeur de manière à stimuler l’offre (Lusk, McLaughlin, & Jaeger, 2007). Encore une fois l’introduction d’un cheap talk dans un questionnaire contingent peut aussi aider à réduire le biais stratégique (Lusk et al., 2007).

d. Le biais d’ancrage

La révélation du CAP réel d’un individu peut être observée et mesurée à travers ses choix d’achat sur un marché donné où il a le choix d’accepter ou refuser de faire la transaction à un prix affiché. Cependant, dans l’inexistence de marché, pour déterminer le CAP, les chercheurs se basent couramment sur une technique de question ouverte demandant à l’individu d’estimer son CAP. Cette façon de faire met en difficulté le répondant puisqu’il n’est pas habitué à une telle démarche dans la vraie vie. Pour pallier cet inconfort, des chercheurs ont introduit la technique de question fermée où le consommateur doit répondre par non ou oui à une offre (Robin et al., 2008). Cependant, cette démarche peut se révéler biaisée si le répondant aperçoit la première valeur comme une référence, le cas échéant son CAP va y être ancré (Chanel et al., 2004). D’où la possibilité d’existence de biais d’ancrage lorsqu’on applique cette technique-là dans les enquêtes d'évaluation contingente (Luchini, 2002). Par ailleurs, l’utilisation de question de CAP de type référendum itératif terminant par une question ouverte permet d’atténuer l’effet d’ancrage (Chanel et al., 2004).

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e. Le biais d’inclusion

Le biais d’inclusion est la tendance pour un individu à déclarer, lors d’une évaluation contingente, une valeur positive pour un bien indépendamment de la quantité ou la taille du bien en question (Willinger, 1996). Cette anomalie s’observe surtout pour les biens environnementaux (Appéré, 2004) et « apparait lorsque la définition du bien manque de précision et de réalisme » (Bonnieux, 1998, p. 59). La solution à ce biais d’après Bonnieux (1998) consiste à bien spécifier le bien et le marché contingent. Dans une approche réelle (préférence révélée) il est donc peu probable d’avoir ce type de biais.

2.2.6. Les enchères incitatives, outils de l’économie expérimentale

L’économie expérimentale est l’utilisation d’un environnement de laboratoire (contrôlé) pour comprendre les décisions prises par les individus. Les participants sont payés ou compensés lors des expérimentations en fonction des résultats de leurs décisions. Par cette méthodologie qui est relativement récente et innovante, beaucoup a été appris sur le comportement des gens en contexte d’incertitude (Engle-Warnick & Laszlo, 2008). Le principe de base est que chaque participant a conscience que ses choix sont réels et qu’ils ont des conséquences, financières qui, le plus souvent, doivent être assumées entièrement au cours de l’expérience, ce qui n’est pas le cas dans les approches hypothétiques.

La méthode d’évaluation au laboratoire vise donc à créer un environnement réel, non hypothétique ou le participant peut effectivement acquérir ou vendre un bien ou un service à un prix donné. Ainsi, le participant fait l’action comme s’il se trouvait sur un marché et ses décisions ont une conséquence directe sur son bien-être. Le recours à l’économie expérimentale pour mesurer le CAP des individus offre plusieurs avantages : 1) elle permet de capturer les préférences économiques intrinsèques des participants (Doyon et al., 2012)  ; 2) elle permet d’éliminer les biais hypothétiques et l’effet Warm Glow ; 3) de par la liaison qui est créée entre la décision du participant et son niveau de bien-être, le biais stratégique est en partie éliminé lorsqu’on utilise l’approche expérimentale pour la mesure du CAP (Le

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Gall-Ely, 2009). Cependant des contraintes techniques, d’argent et de temps sont des limites à l’utilisation de ces méthodes (Breidert et al., 2006). Les approches expérimentales de la détermination de la valeur s’appuient sur les enchères dites incitatives.

Ces mécanismes sont capables d’inciter les participants à une expérimentation à relever leur prix limite. La théorie des incitatifs a été développée pour mieux expliquer le fonctionnement des incitatifs. Elle est définie par Laffont (2006, p. 177) comme « L’étude de l’élaboration de règles et d’institutions qui induisent les agents économiques à exercer des niveaux d’effort élevés et à transmettre correctement toute information privée qu’ils possèdent et qui est socialement pertinente ». Deux méthodes d’enchères « compatibles en incitations » sont particulièrement utilisées en économie expérimentale pour la révélation de valeur. Il s’agit des enchères de Vickrey et le mécanisme de Backer, DeGroot et Marschak (BDM) (Saulais, Muller, & Lesgards, 2017).

2.2.6.1. Les enchères de Vickrey

C’est probablement la technique de vente aux enchères la plus utilisée en économie expérimentale pour déterminer le CAP au laboratoire (Robin et al., 2008). Appelée aussi enchère philatéliste, car ayant été utilisée la première fois par des collectionneurs de timbres, l’enchère de Vickrey tire son nom du prix Nobel d’économie William Vickrey en 1996 pour sa contribution dans l’analyse des mécanismes d’enchères (Varian & Thiry, 2014). L’enchère de Vickrey est une enchère sous plis cachetés de second prix (Vickrey, 1961) au cours de laquelle, l’ensemble des participants formulent des offres qu’ils mettent dans une enveloppe en vue d’acheter un bien donné. Le gagnant est celui qui formulera l’offre la plus élevée, mais il paiera le second meilleur prix pour acquérir le bien (Varian & Thiry, 2014).

Dans une telle vente, le participant rationnel devra faire une offre correspondant à son CAP (Noussair, Robin, & Ruffieux, 2001). Si son offre est supérieure à sa vraie valeur, il court le risque de payer trop cher pour un produit auquel il n’accorde pas autant de valeur. Si cependant il fait une offre inférieure à sa vraie valeur, il risque de perdre une opportunité d’acquérir le bien pour un prix au plus égal à la valeur qu’il lui accorde. Cependant, on

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constate que cette procédure n’incite pas les personnes à faible valeur, c’est-à-dire les personnes pour qui le produit n’a pas beaucoup de valeur, à dévoiler leur CAP, car elles estiment avoir une faible probabilité de remporter la mise. Cet inconvénient est contourné en organisant des enchères de Vickrey au nième prix (n > 2), mais cette solution a pour inconvénients de diminuer l’incitation pour les personnes à valeur élevée à déclarer leur prix limite (Robin et al., 2008).

2.2.6.2. Le mécanisme Backer, DeGroot et Marschak (BDM)

Comme pour l’enchère de Vickrey, le mécanisme BDM a pour caractéristique de révéler le CAP d’un individu rationnel. C’est également une enchère sous pli cacheté ou l’ensemble des offres vont être comparées à un prix tiré au hasard compris entre un minimum (généralement zéro) à un prix maximum anticipé (Breidert, 2006). Les personnes ayant fait une offre supérieure au prix tiré gagnent et paient le prix tiré. Cependant, ceux qui ont fait des offres inférieures ne font pas transaction (Robin et al., 2008). Ce mécanisme donne ainsi la chance de gagner même à la personne avec la plus faible valeur pour le bien en question. Donc, le BDM incite tous les participants à révéler leur vraie valeur, que cette dernière soit élevée ou faible, ce qui n’est pas le cas pour l’enchère de Vickrey (Wertenbroch & Skiera, 2002). En plus, c’est l’unique mécanisme qui peut être mis en œuvre de manière individuelle et hors laboratoire (Rondeau, Doyon, Courty, & Oswald, 2015).

Il existe plusieurs variantes du mécanisme BDM, comme le BDM inversé (Figure 3) qui peut être utilisé non pas auprès des acheteurs, mais des vendeurs dans le cas où l’on s’intéresse à leur consentement à recevoir (CAR) réel pour un bien ou service donné.

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26

Figure 3. Description schématique du mécanisme BDM inversé

Source : l’auteur, inspiré de Wertenbroch & Skiera (2002)

Pour ce travail le mécanisme BDM inversé est employé pour capter la prime nécessaire aux producteurs en échange de bonnes pratiques agricoles. Ce choix s’explique par le fait que cette méthode permet d'organiser des séances individuelles qui sont mieux adaptées dans le contexte de notre travail qui est un contexte terrain avec des participants peu ou pas instruits.

2.2.7. L’utilisation des méthodes expérimentales auprès des producteurs agricoles

La grande majorité des travaux qui se sont intéressés aux CAP des agriculteurs pour des services ou des intrants agricoles ont utilisé des méthodes d’évaluation contingente. L’usage de techniques expérimentales est en général très restreint auprès des producteurs agricoles. Les rares chercheurs qui ont utilisé l’économie expérimentale se sont intéressés à mesurer l’aversion aux risques et aux pertes des agriculteurs par rapport à des innovations. C’est le cas de Ward & Singh (2015) qui ont utilisé des techniques expérimentales pour mesurer l’aversion aux risques, aux pertes et à l’ambiguïté des producteurs indiens en lien à l’adoption de nouvelle variété de riz. Une expérience similaire a été réalisée auprès des producteurs péruviens en vue de mesurer les variables explicatives de l’aversion à l’ambigüité par rapport

Instructions

Offre (OF)

Tirage de prix aléatoire (PA)

(38)

27

à l’adoption de nouvelle technologie (Engle-Warnick et al., 2007). D’autres chercheurs ont aussi utilisé l’économie expérimentale pour tester des politiques environnementales auprès des agriculteurs (Cochard, Rozan, & Barbier, 2008).

Jusqu’ici peu de travaux ont usé des méthodes compatibles aux incitations pour mesurer le consentement à payer ou à recevoir des producteurs. Récemment, Ligan Gandonou (2017) a utilisé l’enchère de Vickrey pour évaluer la capacité des producteurs béninois à payer pour plusieurs formes de vulgarisation. Il a démontré que les agriculteurs, quoique peu instruits, ont pu assimiler le fonctionnement de l’enchère de Vickrey et les stratégies dominantes.

À notre connaissance, il n’y a pas d’études ayant utilisé le mécanisme BDM auprès des agriculteurs, encore moins un BDM inversé individuel. Cependant, Rondeau et al (2015) ont fait usage d'un BDM individuel auprès des exploitants forestiers afin de déterminer le prix optimal pour le bois de la forêt québécoise. Dans ce travail, un BDM inversé individuel a été utilisé auprès des producteurs pour mesurer leur consentement à recevoir (CAR) pour l'adoption de bonnes pratiques agricoles post-récoltes, ce qui constituait une approche nouvelle.

2.2.8. Les hypothèses de travail et leur justification

En se basant sur certaines expériences réalisées, les producteurs peuvent contrôler la contamination aux aflatoxines en effectuant le tri de leurs arachides, le séchage sur des supports appropriés comme une bâche et le stockage des arachides dans des sacs appropriés (Clavel et al., 2013). Cependant, l’adoption des pratiques agricoles garantissant des produits de qualité, surtout quand cette caractéristique est inobservable et non valorisée par le marché, ne peut se réaliser que si les producteurs sont incités à le faire (Fafchamps, Hill, & Minten, 2008). Dans ce travail, à travers un BDM inversé, nous comptons déterminer le montant minimum exigé par les producteurs en échange de l’application de ces bonnes pratiques. L’inexistence de contrôle de qualité pourrait amener ces producteurs à sous-déclarer leur CAR, d’où notre première hypothèse :

Figure

Figure 1. Démonstration graphique du CAP et du CAR
Figure 2. Les méthodes de détermination du consentement à payer (CAP)
Figure 3. Description schématique du mécanisme BDM inversé
Tableau 1. Répartition de l’échantillon par sexe
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