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La transformation des enquêtes policières due à l’influence des technologies : perspective d’une unité policière spécialisée en analyse judiciaire informatique

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

La transformation des enquêtes policières due à l’influence des technologies : perspective d’une unité policière spécialisée en analyse judiciaire informatique

par David-Emmanuel Baril

École de criminologie, Faculté des études supérieures

Rapport de stage présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de M. Sc. en criminologie

Option stage en analyse criminologique

Décembre, 2014

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ii

Résumé

La popularité des technologies de l’information et des communications entraîne l’augmentation de la preuve retrouvée sous forme numérique lors d’enquêtes policières. Les organisations policières doivent innover afin d’analyser, gérer et tirer profit de cette preuve numérique. En réponse, elles ont constitué des unités spécialisées en criminalité technologique et en analyse judiciaire informatique. La présente étude utilise les théories de l’innovation afin de déterminer comment l’évolution des technologies et des tendances en matière de criminalité technologique influencent les enquêtes et les organisations policières. Cette recherche vise à augmenter les connaissances sur ces unités spécialisées en quantifiant et en qualifiant leur travail quotidien. Avec la collaboration d’une unité policière canadienne spécialisée en analyse judiciaire informatique, une analyse détaillée des demandes d’expertise adressées à leur service a été effectuée. Les résultats indiquent une augmentation de la preuve numérique avec la prévalence de certaines formes de criminalité et de certains appareils électroniques. Les facteurs influençant le délai de traitement sont soulignés ainsi que les stratégies mises de l’avant afin de gérer efficacement l’accroissement des demandes de service. Finalement, des entrevues ont été menées avec certains membres de l’équipe afin de mettre en lumière les défis et les enjeux relatifs à l’implantation et au fonctionnement d’une telle unité. Les principaux enjeux soulevés concernent les environnements technologiques et juridiques, la formation du personnel, la gestion des ressources et les priorités organisationnelles.

Mots-clés : analyse judiciaire informatique, criminalité technologique, unité policière spécialisée, innovation, preuve numérique

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iii

Abstract

The popularity of information and communication technologies resulted in an increase of the digital evidence found during police investigation. Police organizations must innovate in order to analyze, manage and benefit from those digital evidences. Accordingly, they formed highly specialised units dedicated to technological crime and computer forensic. This study uses innovation theories to determine how technology and technological crime trends influence crime investigations and police organizations. This research aims to increase knowledge of these specialized units by quantifying and qualifying their daily work. With the assistance of a Canadian computer forensic police unit, a detailed analysis of all requests for assistance directed to their service was performed. Results indicate an increase of digital evidence with the prevalence of certain types of crime and electronic devices. Factors influencing the backlog are underlined as well as strategies elaborated to effectively manage the caseload. Finally, interviews were conducted with members of the team to highlight the challenges and issues related to the implementation and operation of such unit. The main concerns raised by the unit’s members were the technological and legal environments, staff training, resource management and organizational priorities.

Keywords: computer forensic analysis, technological crime, special police unit, innovation, digital evidence

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux et des figures ... vii

Remerciements ... viii

Chapitre I - Introduction ... 9

Chapitre II - Recension de la littérature : Police et innovation ... 15

1. Les théories de la diffusion et de l’adoption des innovations ... 16

1.1. Les racines des théories de l’innovation ... 17

1.2. Les théories contemporaines de l’innovation ... 18

1.3. Qu’est-ce qu’une innovation ? ... 19

1.4. L’innovation : un processus cyclique ... 21

2. Les organisations et l’innovation ... 22

2.1. Le processus d’innovation dans une organisation ... 23

3. L’innovation et l’adoption des technologies dans les organisations policières ... 26

3.1. Historique des innovations adoptées par les organisations policières depuis les 150 dernières années ... 27

3.2. Les types d’innovations policières ... 32

3.3. Les facteurs favorisant l’innovation dans les organisations policières ... 32

3.4. Le cas particulier des unités spécialisées ... 35

3.5. Les conséquences de l’innovation et autres considérations ... 36

4. Résumé et application des éléments théoriques ... 38

5. Implications pour le présent projet de recherche ... 40

5.1. Caractériser le travail d’une unité spécialisée en criminalité informatique ... 42

5.2. Où se trouvent au Canada les unités spécialisées en criminalité technologique ? ... 45

5.3. Études connexes sur les unités spécialisées en analyse judiciaire informatique ... 47

5.4. Projet de stage ... 48

Chapitre III - Méthodologie ... 50

1. L’Unité spécialisée en criminalité technologique et en analyse judiciaire informatique ... 51

2. Constitution d’une base de dsonnées des demandes d’assistance ... 52

2.1. Nature et objectif de la base de données ... 52

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v

2.3. Constitution de la variable « Type de service effectué » et dérivés ... 54

2.4. Constitution de la variable « Type d’incident » ... 56

2.5. Constitution de la variable « La demande spécifiait-elle du matériel à analyser ? » ... 57

2.6. Constitution de la variable « Différence entre la date de réception et de l’incident » ... 58

3. Autres sources de données et considérations méthodologiques ... 59

3.1. Limites et biais méthodologiques de la présente étude ... 60

Chapitre IV - Caractériser le travail d’une unité policière spécialisée en analyse judiciaire informatique ... 62

1. Les analyses descriptives exploratoires ... 64

1.1. Analyse générale du nombre de demandes de services adressées à l’Unité ... 64

1.2. Analyse mensuelle du nombre de demandes adressées à l’Unité ... 68

1.3. Analyse des types de services rendus par l’Unité ... 71

1.4. Analyse du profil des départements adressant les demandes de service ... 74

1.5. Analyses des demandes selon le type d’incident concerné ... 76

1.6. Analyse du profil du matériel analysé par l’Unité ... 81

2. Synthèse du chapitre et constatations préliminaires ... 86

Chapitre V - Les défis et les enjeux d’une unité policière spécialisée en analyse judiciaire informatique ... 88

1. Le délai de traitement des dossiers ... 90

1.1. Facteurs influençant le délai soulevés par les membres de l’Unité ... 90

1.2. Analyse du délai entre la réception d’une demande et l’ouverture du dossier d’enquête ... 92

1.3. Synthèse des facteurs influençant le délai de traitement ... 97

2. Les facteurs exogènes : l’évolution rapide du cadre technologie et juridique ... 98

2.1. L’évolution rapide des technologies ... 98

2.2. La jurisprudence ... 100

3. Les facteurs endogènes : une expertise méconnue et des ressources limitées ... 102

3.1. La diffusion de l’expertise ... 103

3.2. L’effet CSI ... 104

3.3. La formation du personnel ... 105

3.4. La gestion de ressources limitées ... 106

3.5. Les priorités organisationnelles ... 107

4. Synthèse du chapitre ... 108

Chapitre VI - Synthèse, réflexions et conclusion ... 110

1. Résumé des faits saillants ... 111

1.1. Le profil des clients de l’Unité ... 112

1.2. La réalité d’une unité de soutien spécialisée en criminalité technologique ... 112

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vi

2. L’implantation d’une unité policière spécialisée en analyse judiciaire informatique ... 115

2.1. La redéfinition et la restructuration ... 115

2.2. La clarification ... 117

2.3. L’intégration aux activités routinières ... 117

2.4. Implantation d’une unité spécialisée : un cas réel ... 118

3. Implications pour les organisations policières et la recherche scientifique ... 119

Références ... 124

Annexe 1 - Présentation détaillée des variables de la base de données ... ix

Annexe 2 – Questionnaire destiné aux membres de l’Unité ... xiii

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vii

Liste des tableaux et des figures

Tableaux

Tableau 1 – Typologie des adeptes selon leur vitesse d’adoption des innovations 19 Tableau 2 – Nombre de demandes adressées par années à l’Unité selon le type de service effectué 71 Tableau 3 – Nombre de demandes de service par années par département demandeur 74

Tableau 4 – Nombre de demandes de service par années par types d’incident 77

Tableau 5 – Nombre et nature des périphériques traités par années 81

Tableau 6 – Tests bivariés non paramétriques entre le délai et six variables catégorielles 94

Figures

Figure 1 – Courbe logistique normale du taux d’adoption en fonction du temps 18

Figure 2 – Le cycle de vie des technologies de l’information 21

Figure 3 – Les étapes du processus d’innovation dans une organisation 25

Figure 4 – Nombre de demandes de service adressées à l’Unité par année de 2004 à 2013 64

Figure 5 – Nombre de demandes de service adressées à l’Unité selon le mois 68

Figure 6 – Histogramme du nombre de demandes de service adressées par mois à l’Unité 70 Figure 7 – Nombre de demandes de service adressées par années à l’Unité selon le type de service effectué 71 Figure 8 – Nombre de demandes de service adressées par années à l’Unité selon le département effectuant la demande 74 Figure 9 – Histogrammes représentant le nombre de demandes adressées par années selon le type de crime 78 Figure 10 – Histogrammes représentant le nombre et la nature des périphériques traités par l’Unité par années 82

Figure 11 – Nombre de périphériques traités par années par l’Unité 93

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Remerciements

Je tiens à remercier l’organisation et les membres de l’unité spécialisée qui ont bien voulu participer à ce projet. Sans leur ouverture et leur collaboration le présent projet n’aurait pas été possible. Vous avez été très généreux de votre temps et votre apport au projet est considérable.

Je tiens aussi à remercier mon directeur pour ses bons conseils, son écoute et son soutien moral tout au long de cette entreprise.

Finalement, je veux remercier ma conjointe pour son dévouement : ton appui a réellement fait la différence! Merci d’avoir partagé les difficultés reliées à ce périple.

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Chapitre I

Introduction

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Mise en contexte

Depuis le début des années 1990, les nouvelles technologies de l’information et des communications se sont démocratisées et ont investi nos maisons. Aujourd’hui la majorité des foyers nord-américains possède un ordinateur personnel doté d’Internet. Selon l’enquête québécoise sur l’accès des ménages à Internet de l’Institut de la statistique du Québec (Lessard & Belleau, 2013), 81,6% des ménages québécois étaient branchés à Internet en 2012. Internet et les technologies de l’information et des communications font donc partie intégrante de la vie de nombreux Québécois et Canadiens depuis plusieurs années.

Le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française (2007) définit les technologies de l’information comme étant : « L’ensemble des matériels, logiciels et services utilisés pour la collecte, le traitement et la transmission de l'information. ». Cette définition inclut une large variété d’appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement; en effet, téléphones cellulaires, ordinateurs, consoles de jeu, tablettes électroniques, liseuses et téléviseurs ont maintenant tous la capacité de transmettre et de recevoir des données par le biais des technologies sans fil.

Ces périphériques, tous interconnectés, détiennent une grande quantité d’informations concernant nos habitudes de vie et la façon dont nous interagissons avec le monde. Qui plus est, nous stockons de plus en plus de renseignements personnels et bancaires sur ces appareils électroniques. Selon l’Association des banquiers canadiens (2014), 55% des Canadiens utilisent Internet comme le principal moyen d’effectuer des transactions bancaires, comparativement à 8% en 2000.

La grande majorité des foyers canadiens possèdent un réseau sans fil connecté à Internet. Selon l’enquête québécoise sur l’accès des ménages à Internet (Lessard & Belleau, 2013), 71,4% des ménages accèdent à Internet à partir d’un ordinateur portable, 52,8% le fond à partir d’un téléphone intelligent ou d’un autre appareil de poche sans fil et 22,0% à partir d’une tablette numérique. Tous ces appareils nécessitent un réseau sans fil pour accéder à Internet. Toutefois, la sécurité de ces réseaux personnels est souvent limitée aux connaissances individuelles de l’usager et à l’utilisation qu’il en fait. Insuffisamment protégés, ces réseaux

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peuvent constituer des cibles intéressantes pour des individus mal intentionnés (Dunham, 2005; Grabosky, 2007; Jewkes & Yar, 2013). En effet, de pair avec l’accessibilité grandissante des technologies, de plus en plus d’opportunités criminelles se présentent sur ces nouveaux médiums pour les délinquants capables de les saisir (Bossler & al., 2009; Choi, 2008; Gundenon & al., 2000; Hutchings & al., 2008; Pratt & al., 2010; Willison, 2004; Yar, 2005). Les données contenues dans nos appareils électroniques, mais aussi celles que nous confions à des organisations privées et publiques, peuvent constituer un attrait pécuniaire considérable (Baker & al., 2011; Hengst & Warnier, 2013).

Cette forme émergente de criminalité est appelée criminalité technologique, criminalité informatique ou encore cybercriminalité. Pour les besoins de ce rapport nous utiliserons le terme criminalité technologique car il revête un caractère plus général. Selon David Wall (2007) la criminalité technologique peut prendre trois (3) grandes formes : les crimes contre l’intégrité des systèmes informatiques (par exemple : le piratage informatique), les crimes assistés par ordinateur (par exemple : le vol d’identité sur Internet) et les crimes de contenu illicite (par exemple : la possession de matériel pornographique juvénile).

La criminalité technologique n’est donc pas seulement l’affaire du pirate informatique; de nos jours tous les délinquants sont susceptibles d’utiliser la technologie pour commettre un crime. Conséquemment, les enquêteurs ont maintenant un doute raisonnable que la preuve de la commission d’une acte criminel puisse se trouve en totalité ou en partie sur un appareil électronique. Le résultat de ce phénomène est une importante augmentation de la preuve numérique depuis les dix dernières années (McMillan & al., 2013; Quick & Choo, 2014; Turnbull & al., 2009); mais aussi une diversification des appareils électroniques retrouvés dans les enquêtes policières (Turnbull & al., 2009).

Une conséquence de l’augmentation de cette preuve numérique est de transformer progressivement les enquêtes policières. Les organisations policières doivent faire face à cette réalité en développant de nouvelles stratégies d’analyse et de gestion afin de présenter cette preuve, parfois très volumineuse, en Cour (Quick & Choo, 2014). Par contre, ce n’est pas la première fois que les organisations policières font face à ce genre de changement. De toutes

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époques, les forces de l’ordre ont dû s’adapter à l’évolution de la criminalité et aux changements des mœurs de la société (McQuade, 2001; Seaskate, 1998; Soullière, 1999; Weisburd, 2006). En effet, des forces exogènes, provenant des environnements politiques, sociaux, économiques, technologiques et juridiques ainsi que des forces endogènes, issues de l’organisation elle-même et de ses membres, poussent les organisations policières à innover.

Innover signifie l’introduction d’un élément nouveau à un système déjà établi. Un créneau relativement récent et en rapide expansion des sciences humaines se spécialise dans l’étude de l’innovation et des processus en découlant. De par sa versatilité, de nombreuses autres disciplines telles que l’éducation, la gestion, la sociologie et la géographie ont incorporé des aspects de ce champ d’étude (Rogers, 2003). Similairement, nous croyons que ces théories permettent de mieux comprendre comment les organisations policières se comportent face au changement en examinant leur processus d’innovation. Les théories de l’innovation s’avèrent donc un outil utile à la compréhension des transformations imposées par l’avènement des technologies de l’information et des communications.

À cet effet, les corps policiers n’ont pas eu le choix d’innover face à la présence de la preuve numérique afin d’être en mesure d’enquêter la criminalité technologique et de rester compétitif avec les délinquants. Conséquemment, ils se sont dotés d’outils sophistiqués et ils ont formé des experts en informatique capables de récupérer, préserver et analyser les données contenues dans ces appareils électroniques. Des unités spécialisées en analyse judiciaire informatique ont donc été créées afin de faire face à la demande grandissante pour cette expertise (Hinduja, 2007; McMillan & al., 2013; Quick & Choo, 2014; Turnbull & al., 2009; Yesilyurt, 2011).

Le présent projet de recherche

La présente étude vise à étudier la transformation des enquêtes policières induite par l’évolution des technologies numériques. Pour se faire, la perspective d’une unité spécialisée en criminalité technologique et en analyse judiciaire informatique sera utilisée. Nous croyons qu’en augmentant les connaissances scientifiques sur ces unités spécialisées, il sera également possible d’avoir une meilleure idée de ce qu’est la criminalité technologique et de comment elle a poussé les organisations policières à innover afin de faire face à cette réalité.

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Contrairement aux études portant spécifiquement sur l’adoption ou la diffusion des innovations, le présent projet de recherche vise plutôt une meilleure compréhension du processus d’innovation propre à ces unités spécialisées. Plus particulièrement, nous examinerons comment l’implantation d’une telle unité se réalise et quels sont les défis et les enjeux relatifs à son fonctionnement.

L’étude actuelle comporte donc deux principaux objectifs. Premièrement, caractériser le travail d’une unité spécialisée en criminalité technologique et en analyse judiciaire informatique en qualifiant et en quantifiant leurs activités. Deuxièmement, déceler les enjeux et les défis relatifs à l’implantation et au fonctionnement d’une telle unité. Nous croyons que ces deux objectifs contribueront à augmenter les connaissances scientifiques concernant ces groupes spécialisés. De plus, puisque la grande majorité des services d’enquête ont recours à cette expertise, le travail de ces unités reflète l’ensemble des dossiers traités par un corps policier donné. Ultimement, nous croyons que l’atteinte de ces deux objectifs permettra d’offrir une meilleure compréhension du processus d’innovation inhérent à ces unités ainsi qu’une idée plus claire de leur fonctionnement interne. Dans une perspective plus large, cela permettra également de mieux comprendre l’impact des technologies et de la preuve numérique sur les enquêtes policières.

Structure du rapport

Ce rapport sera divisé en cinq parties. Dans un premier temps, le chapitre II a pour objectif d’examiner le lien entre les organisations policières et l’innovation. Pour ce faire, l’origine des théories de l’innovation sera abordée, suivie d’une présentation des théories plus contemporaines. Par la suite, l’application de ces théories de l’innovation aux organisations en général sera discutée. Finalement, un bref historique des innovations technologiques policières des 150 dernières ainsi que l’application de ces théories aux organisations policières seront présentés.

Le chapitre III traite du projet de stage réalisé dans une unité spécialisée en criminalité technologie et en analyse judiciaire informatique. Premièrement, une présentation détaillée de l’unité sera effectuée. Deuxièmement, il sera question de la méthodologie utilisée lors de la

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collecte de données. Les étapes de la création d’une base de données regroupant l’ensemble des demandes de service adressées à cette unité seront détaillées ainsi que les analyses en découlant. Des entrevues ont également été réalisées avec des membres de cette équipe afin d’approfondir certains aspects et de valider les analyses effectuées.

Le chapitre IV présente des analyses permettant de caractériser le travail d’une unité effectuant des analyses judiciaires informatiques. Il sera principalement question du volume de travail d’une telle unité, des types de services offerts, de ses principaux clients, des formes de criminalité enquêtées et de la nature du matériel expertisé.

Le chapitre V explore les défis et les enjeux spécifiques à une unité spécialisée en criminalité technologique. Les thèmes et les éléments abordés par les intervenants rencontrés permettent de souligner les contraintes les plus importantes pour leur unité. Notamment, il sera question des délais de traitement relatifs à l’analyse des pièces à conviction et des autres facteurs exogènes et endogènes exerçant une pression sur l’unité.

Finalement, le chapitre VI résume l’ensemble des éléments importants abordés dans la présente étude. Il vise également à distiller les informations colligées afin de les généraliser à toutes les organisations souhaitant implanter une unité spécialisée en criminalité technologique. Finalement, les implications de ce projet de recherche pour les milieux policier et académique seront discutées. Des constatations et des réflexions seront partagées quant à l’avenir de ces unités et à l’orientation de la recherche scientifique sur le sujet.

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Chapitre II

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Les organisations policières ont toujours entretenu un lien étroit avec les innovations technologiques, ces dernières pouvant potentiellement leur procurer un avantage dans l’exercice de leurs fonctions. Toutefois, le processus d’innovation semble affecté par de nombreux facteurs. Pourquoi certaines innovations sont adoptées dès leur invention et d’autres, tout aussi pertinentes, sombrent dans l’oubli ou sont adoptées des années plus tard ?

Dans ce chapitre, il sera question de la relation entre les organisations policières et l’innovation. Nous tenterons de déterminer, à l’aide de théories existantes, quels sont les éléments-clefs articulant le processus d’innovation et comment ces éléments s’appliquent à la réalité des organisations policières.

Afin de remplir ce mandat, les théories traitant de l’innovation seront tout d’abord introduites. Il sera question de leur origine, du développement de ce courant scientifique ainsi que de leur état actuel. De plus, des concepts centraux à l’innovation, tels que la diffusion et le processus décisionnel, seront abordés. Deuxièmement, l’application des théories de l’innovation aux organisations en général sera traitée. Les mécanismes articulant l’innovation dans les organisations seront abordés ainsi que l’impact de l’innovation sur la structure organisationnelle. Troisièmement, la question spécifique de l’innovation dans les organisations policières sera discutée. Un bref historique de l’évolution technologique dans les organisations policières nord-américaines sera d’abord présenté. Il sera ensuite question des types d’innovations policières, des facteurs favorisant l’innovation dans les organisations policières et du cas particulier des unités spécialisées. Finalement, nous discuterons de l’implication et de l’utilité des théories présentées dans le cadre du présent projet de recherche.

1. Les théories de la diffusion et de l’adoption des innovations

Un champ de la sociologie s’intéresse à comment s’opèrent la diffusion et l’adoption des innovations au sein d’un environnement donné. À titre d’exemple, cet environnement peut être un groupe d’individu, une population ou une organisation. Ces théories de l’innovation permettront de mieux comprendre quels processus et quels mécanismes articulent les évolutions technologiques au sein des organisations policières.

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Dans cette première section, il sera question de l’origine des théories de l’innovation. Suivra une présentation détaillée de la théorie de la diffusion des innovations telle que popularisé par Everett M. Rogers (2003), l’un des plus éminents chercheurs en la matière. Il sera notamment question de la définition de l’innovation, de ses caractéristiques, de la diffusion des innovations et du processus d’innovation. Finalement, une particularité des technologies de l’information et des communications en tant qu’innovation sera abordée; c’est-à-dire le processus cyclique d’innovation.

1.1. Les racines des théories de l’innovation

La deuxième moitié du 19e siècle voit la formalisation de la sociologie en tant que discipline académique. La théorie de l’innovation telle que nous la connaissons aujourd’hui remonte à cette période d’importante effervescence intellectuelle. Gabriel Tarde, sociologue, juriste et criminologue Français de renom, est un précurseur de cette théorie (Carof, 2007; Rogers, 2003). En 1890, il publie un ouvrage intitulé « Les lois de l’imitation » où il explique les mouvements sociaux par le processus d’imitation et d’invention. Pour Gabriel Tarde, les individus vivent en société de par l’imitation d’un même modèle; l’imitation est donc le fondement du lien social pour lui (Rogers, 2003; Touret, 1999). Les individus, de par leur nature, cherchent toujours à imiter ce qui leur est supérieur; ceci constitue le fondement du progrès. De plus, non seulement les individus, mais aussi les groupes sociaux, les organisations et les sociétés s’imitent et donc évoluent ainsi (Touret, 1999).

Les innovations et les découvertes technologiques sont le fruit d’une imitation, si faible soit-elle. Ces innovations se propagent d’individu en individu, telle une onde, par le processus de réinvention du modèle initial (Touret, 1999). En d’autres termes, chaque individu faisant l’adoption d’une innovation est susceptible de la modifier partiellement afin de mieux servir ses besoins. Par contre, l’imitation ne se fait pas sans résistance, il y a nécessité d’une adaptation (Carof, 2007; Rogers, 2003; Touret, 1999). La résistance est proportionnelle à l’écart entre le modèle de référence et l’innovation projetée.

En résumé, le modèle de Tarde comporte trois phases : l’imitation, la résistance et l’adaptation. Ce processus est cyclique et s’opère en continu; l’innovation, après la phase

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d’adaptation, deviendra le modèle de référence et une autre innovation sera éventuellement introduite au système.

1.2. Les théories contemporaines de l’innovation

Ce n’est que dans les années 1940 que les recherches contemporaines sur l’innovation débuteront. Initialement, ces dernières se concentraient sur l’adoption de technologies agricoles chez des groupes d’agriculteurs américains (voir : Ryan & Gross, 1943). Le principal constat de cette première série d’études est le suivant : la distribution des innovations, dans un environnement donné, s’effectue selon la forme d’une courbe en « S » (Rogers, 2003), aussi appelée fonction logistique (voir Figure 1 ci-dessous). En d’autres termes, cela signifie que la diffusion d’une innovation dans le temps ne se répartit pas de façon uniforme.

Figure 1. Courbe logistique normale du taux d’adoption en fonction du temps.

En effet, il semble qu’initialement un relativement petit nombre d’individus adoptent une innovation donnée. Ce nombre croîtra tranquillement jusqu’à ce qu’une masse critique soit atteinte. À ce moment, la majorité des membres de l’environnement feront l’adoption de l’innovation. Finalement, une certaine portion des individus sera récalcitrante à adopter l’innovation et ne le fera qu’en tout dernier. De ce constat découle une typologie popularisée en 19621 par Everett M. Rogers (2003) classant les adeptes (adopters) d’une innovation selon leur vitesse relative d’adoption. Le tableau 1 à la page suivante résume cette typologie.

1 Date coïncidant avec la première édition de l’ouvrage Diffusion of Innovations. Everett M. Rogers en est à sa

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19 Tableau 1

Typologie des adeptes selon leur vitesse d’adoption des innovations

Type d’adeptes Pourcentage de

la distribution Caractéristiques des individus

Innovateurs 2,5 Audacieux, gèrent le risque, possèdent un réseau interpersonnel développé, cosmopolites, ingénieux, nantis

Adeptes hâtifs 13,5 Avant-gardistes, respect des pairs, charismatiques, leadership au sein du système de référence

Majorité hâtive 34 Intégrés au système social de référence Majorité tardive 34 Sceptiques, conservateurs

Retardataires 16 Isolés du système social de référence, résistes au changement, situation économique précaire

Suite à cette vague de recherche, un engouement pour les théories de l’innovation s’en suivra. Plusieurs autres disciplines académiques telles que la communication, le marketing et la géographie intégreront ces concepts à leur champ d’étude respectif. Malgré les disparités entre ces écoles de pensées, il y a naissance d’une nouvelle tradition de recherche : l’innovation (Rogers, 2003; Sonis, 2009).

L’étude de l’innovation comprend de nombreuses facettes, notamment : la vitesse d’adoption des innovations, la capacité à innover, les réseaux de diffusion, le processus entourant l’innovation, l’utilisation de différents canaux de communication dans le processus de diffusion et les conséquences de l’innovation (King, 2000; Rogers, 2003; Wolfe, 1994).

De façon générale, les recherches contemporaines sur l’innovation peuvent être divisées en trois grands courants : les études sur la diffusion, les études sur les facteurs favorisant l’innovation et les études sur le processus d’innovation (King, 2000; Sonis, 2009; Wolfe, 1994).

1.3. Qu’est-ce qu’une innovation ?

Tracer les origines des théories de l’innovation mène à une question fondamentale : « Qu’est-ce qu’une innovation ? ». Une innovation est une idée, une pratique ou un objet perçu comme étant nouveau par un individu ou un autre système de référence; une organisation par exemple (Rogers, 2003). L’innovation peut prendre la forme d’une nouvelle technologie, d’une méthode novatrice, d’un processus industriel ou d’une stratégie de gestion.

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Selon Rogers (2003) une innovation possède cinq (5) caractéristiques centrales : (1) son avantage relatif, (2) sa compatibilité, (3) sa complexité, (4) sa testabilité et (5) son observabilité. Ces caractéristiques, telles que perçues par le système ou l’unité de référence, déterminent la vitesse d’adoption d’une innovation.

D’autres facteurs importants peuvent influencer l’adoption d’une innovation (Shayo, 2009) : le type de processus décisionnel (est-ce que l’innovation est adoptée de façon volontaire ou est imposée par une autorité), la nature des canaux de communication (est-ce que l’innovation est diffusée par des médias de masse ou de façon plus personnalisée), la nature du système social (les caractéristiques et les normes en place dans le groupe de référence) et les efforts des agents du changement (à quel point les défenseurs de l’innovation mettent de l’avant les avantages relatifs de l’innovation et supportent sa diffusion).

Dans ses analyses, Rogers (2003) tente de déterminer les facteurs favorisant l’adoption d’une innovation. Il élabore ainsi sa théorie de la diffusion des innovations. La diffusion est le processus par lequel une innovation est communiquée, via différents canaux de communication, aux membres d’un même système social, et ce pour une période donnée. La diffusion est un type particulier de communication qui est caractérisée par la nouveauté de l’idée ou du concept véhiculé. Cette nouveauté est souvent accompagnée d’une incertitude que les individus ou des organisations souhaiteront réduire en s’informant. En réduisant l’incertitude relative à une innovation il est plus facile d’en faire d’adoption. Ce qui est perçu comme étant nouveau dépend du référentiel en question, il est donc essentiel de définir adéquatement l’entité étudiée et de l’inscrire dans une certaine temporalité.

Finalement, selon Rogers (2003), le processus décisionnel d’adopter ou de rejeter une innovation peut être divisé en plusieurs étapes : (1) la connaissance, (2) la persuasion, (3) la décision, (4) l’implantation et (5) la confirmation.

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1.4. L’innovation : un processus cyclique

Selon Shayo (2009), il est de l’intérêt des individus et des organisations de développer des stratégies systémiques afin d’identifier, de se procurer, de comprendre et d’implémenter de nouvelles technologies. Ceci est particulièrement vrai puisque, selon l’auteur, les technologies (particulièrement les technologies de l’information et des communications) se renouvellent continuellement. De plus, ce « cycle » semble s’accélérer de plus en plus rapidement.

Figure 2. Le cycle de vie des technologies de l’information. Inspiré de Shayo (2009), Figure 1, page 2654.

Une illustration populaire de cette réalité est la constatation effectuée en 1965 par Gordon E. Moore le cofondateur d’Intel Corporation. Selon la prédiction de Moore (1965), le nombre de transistors par circuit intégré doublera au deux ans. Cette progression exponentielle, mieux connue sous le nom de « loi de Moore », s’est avérée exacte jusqu’à présent (Quick & Choo, 2014). De plus, selon Walter (2005) l’augmentation de la capacité de stockage des disques durs est encore plus effrénée, doublant chaque année depuis 1995. Il est hasardeux de prédire l’avenir, mais il est raisonnable de croire que si ce rythme ne s’accélère pas dans le futur, il gardera néanmoins sa vitesse de croisière.

1) Invention d'une nouvelle technologie de l'information constituant un avantage important 2) La nouvelle TI remplace son prédécesseur (expérimentation et remous dans l'industrie) 3) Compétition et émergence de nouveaux standards dans l'industrie 4) Changements progressifs (focus sur la segmentation du marché et la diminution

des coûts) 5) Poursuite des changements et

recherche (focus sur la découverte d'une TI de remplacement)

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22

Les avancées rapides de la science couplée à l’effervescence des technologies de l’information et des communications contribuent à un environnement technologique en grande mouvance. Les individus, tout comme les organisations, doivent être bien informés et rester à l’affût de leur environnement afin d’être au fait de tous ces changements.

2. Les organisations et l’innovation

Quelques décennies après les premières études sur l’innovation, certains chercheurs ont tenté de transposer aux organisations les modèles théoriques développés initialement pour les individus. Ces premières études considéraient l’organisation en entier en tant qu’unité de référence (Rogers, 2003). Le principal objectif de ces études était de déterminer quelles étaient les caractéristiques menant à l’adoption ou à la non-adoption d’une innovation dans une organisation donnée (Rogers, 2003; Zaltman & al., 1973).

Rapidement, les chercheurs ont réalisé qu’une organisation est complexe et qu’elle ne constitue pas un tout homogène; le modèle utilisé était donc trop simpliste et ne reflétait pas les multiples facettes d’une organisation (Van de Ven & Rogers, 1988; Zaltman & al., 1973). En effet, pour une organisation donnée, une même innovation ne sera pas adoptée de façon uniforme par tous les membres de l’institution. Qui plus est, la manière dont une innovation est adoptée et utilisée est également susceptible de varier d’une organisation à l’autre.

À cet effet, Gerald Zaltman et ses collègues, dans l’ouvrage « Innovations and Organizations » (1973), apportent des distinctions importantes qui devraient être prises en compte lors de l’étude de l’innovation dans les organisations. Ils sont dans les premiers à considérer, en tant que variable dépendante, l’implantation (l’intégration d’une innovation spécifique au sein d’une organisation) plutôt que l’adoption. L’adoption ou non d’une innovation peut être vue comme la finalité d’un processus; il est beaucoup plus instructif de comprendre le processus préalable à l’adoption. De plus, la façon dont est implantée une innovation sera garante de son utilisation future et de l’atteinte de son plein potentiel. Zaltman et ses collègues se concentrent donc sur le processus entourant la « pré-adoption », l’acquisition, l’implantation et l’utilisation d’une innovation donnée. Cette séquence d’événements est appelée processus d’innovation.

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Lors de son introduction, ce courant de recherche visait l’étude des nouvelles technologies de l’information et des communications progressivement introduites dans les organisations au cours des années 1990. En effet, puisque plusieurs de ces implantations ont échoué, un intérêt accru a été porté afin de comprendre les mécanismes reliés au processus d’implantation (Rogers, 2003; Van de Ven & Rogers, 1988).

L’analyse du processus d’innovation semble l’approche la plus appropriée pour traiter le présent sujet d’étude, c’est-à-dire l’influence des technologies de l’information et des communications sur les enquêtes policières. En effet, selon Willis (2011) cette approche est probablement la plus révélatrice pour les gestionnaires œuvrant dans les organisations policières, celle-ci leur permettant de mieux comprendre les contextes dynamiques, politiques et sociaux dans lesquels s’inscrit une innovation. Qui plus est, cette approche permet de disséquer les étapes de ce processus et de déterminer quels facteurs, à quels moments, ont mené au succès ou à l’échec de l’implantation d’une innovation donnée.

2.1. Le processus d’innovation dans une organisation

Selon Rogers (2003), Une organisation peut être définie comme le regroupement d’individus en un système stable, travaillant ensemble afin d’atteindre des objectifs communs, et ce, au travers d’une hiérarchie et d’une division du travail déterminée. De plus, une organisation possède cinq (5) principales caractéristiques : (1) des buts prédéterminés, (2) des rôles prescrits, (3) une structure autoritaire, (4) des règles et des règlementations et (5) des pratiques informelles.

Ces caractéristiques organisationnelles viendront pondérer chacune des étapes du processus d’innovation. Ce dernier peut être décrit comme étant la principale séquence de décisions, d’actions et d’événements nécessaires à l’adoption d’une innovation dans une organisation donnée. Selon la modélisation de Rogers (2003) le processus d’innovation dans les organisations se découpe en deux phases principales, elles-mêmes subdivisées en cinq (5) étapes distinctes. Voici un résumé de ces étapes et de leurs principaux aspects :

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Phase I - L’initiation :

1. La détermination de l’agenda est l’étape à laquelle l’avènement d’une problématique engendre un besoin, tel que perçu par l’organisation, pouvant être comblé par une innovation. Toute organisation maintient un agenda permettant de déterminer les priorités, les embûches potentielles, les besoins et les solutions mises de l’avant. L’étape de la détermination de l’agenda consiste donc dans un premier temps à identifier les embûches et les besoins et à les prioriser. Par la suite, l’organisation cherche dans son environnement immédiat pour des solutions pouvant combler ces besoins et endiguer les problèmes. L’adéquation entre la performance réelle d’une entreprise et la performance potentielle perçue est un solide moteur à l’innovation. De plus, la majorité des organisations adoptent une attitude proactive afin de déceler des innovations dans leur environnement. Dans ce cas de figure, il est possible que la découverte d’une innovation soit l’initiateur du processus d’innovation organisationnel; il y a donc création d’un besoin.

2. L’appariement est l’étape à laquelle on associe une problématique présente à l’agenda de l’organisation à une innovation précise. On évalue plus concrètement à quel point l’innovation choisie répond au problème identifié par l’organisation. De plus, on examine et on planifie la faisabilité du projet. Lors de cette étape, on s’affaire donc à trouver plus d’information sur l’innovation en cause et on s’assure qu’elle répond précisément à nos réels besoins.

Une fois ces deux premières étapes franchies, il y a formulation d’une décision quant à l’intégration ou non de l’innovation à l’organisation. Si la décision est positive le processus se continu et la phase suivante est entamée; si la décision est négative le processus se termine ici pour l’innovation en question. Ceci n’exclut pas qu’une nouvelle solution soit examinée afin de régler la problématique décelée précédemment. Dans ce cas, le processus recommence avec la nouvelle innovation retenue.

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Phase II - L’implantation :

3. La redéfinition et la restructuration constituent l’étape où l’organisation se familiarise progressivement avec l’innovation choisie et l’intègre à son environnement. La redéfinition s’opère lorsque l’organisation transforme ou réinvente l’innovation afin de servir plus exactement les besoins de l’organisation. À cette étape, autant l’innovation que l’organisation sont susceptibles de changer. Cette adaptation permet de calibrer l’innovation avant que cette dernière soit complètement intégrée aux activités routinières de l’organisation.

4. La clarification survient lorsque l’utilisation de l’innovation est plus largement diffusée au sein de l’organisation. Les membres de l’organisation ont une vision plus claire du rôle de l’innovation dans le cadre des activités. Escamoter cette étape essentielle peut mener à de la résistance et même au rejet d’une innovation. Cette étape consiste donc à donner un sens clair à l’innovation, apprivoiser son fonctionnement et comprendre ses avantages.

5. L’intégration aux activités routinières se produit lorsqu’une innovation est finalement partie intégrante des activités de l’organisation et qu’elle a perdu son caractère exogène. À cette étape le processus d’innovation est complété. Toutefois, l’adoption et l’intégration d’une innovation aux activités de l’organisation n’assurent pas sa pérennité. La durabilité affecte la période durant laquelle une innovation sera utilisée par l’organisation suite au processus d’implantation. Deux facteurs sont déterminant à la durabilité d’une innovation : 1) le niveau de participation des membres lors de l’implantation et 2) le niveau de réinvention effectué par les adeptes de l’innovation.

Figure 3. Les étapes du processus d’innovation dans une organisation tel que théorisé par Everett M. Rogers.

Figure inspirée de Rogers (2003), Figure 10-3, page 421. Détermination de l'agenda Appariement Redéfinition et restructuration Clarification Intégration aux activités

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Le processus d’innovation en soi peut avoir des conséquences sur l’organisation car il pousse cette dernière à effectuer une série d’analyse de ses besoins et de ses objectifs. Cette introspection peut mener une organisation à se questionner sur sa raison d’être et même à redéfinir sa mission.

2.1.1. Innovation et structure organisationnelle

Innover, pour une organisation, peut également signifier l’altération de sa structure interne. Cela peut se traduire par la création d’une nouvelle branche ou d’une nouvelle unité s’ajoutant à la structure hiérarchique déjà en place (Rogers, 2003; Zaltman & al., 1973). À titre d’exemple, les avancées scientifiques en identification judiciaire ont donné accès à de nouvelles formes de preuves matérielles (comme l’ADN) qui avant étaient inaccessibles. Ceci a mené à l’introduction de laboratoires de sciences judiciaires et médicolégales aux organisations policières (Seaskate, 1998; Soullière, 1999).

De plus, certaines innovations sont susceptibles d’affecter l’entièreté de l’organisation en changeant profondément les méthodes et les façons de faire. Par exemple, l’adoption de l’approche communautaire a grandement transformé la façon dont les organisations policières interviennent en décentralisant leur structure (Weisburd, 2006). Les innovations ne font donc pas seulement se greffer à la structure organisationnelle; ils la changent.

Tel que mentionné précédemment, de puissantes forces endogènes et exogènes sont susceptibles de transformer les corps policiers. Ces forces poussent au changement; une évolution qui est souvent pour le meilleur, mais aussi parfois pour le pire. Ces changements technologiques et organisationnels sont incarnés par l’adoption d’innovations, vecteurs de ces transformations.

3. L’innovation et l’adoption des technologies dans les organisations policières

Dans cette section il sera spécifiquement question des organisations policières et de comment les théories vues précédemment aident à comprendre le phénomène de l’innovation dans ce contexte précis. Vers la fin des années 1990 et le début des années 2000, plusieurs chercheurs ont tenté de mieux comprendre comment s’articule l’innovation dans les organisations

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policières. Le développement de ce créneau spécialisé a mené à de nombreuses études pointues. Parmi les thématiques les plus souvent abordées, nous retrouvons les études sur l’adoption de stratégies policières d’envergure tels que : la police communautaire (Morabito, 2008b; Weisburd, 2006), l’approche par résolution de problèmes (Weisburd, 2006), la cartographie et l’analyse des « points chauds »2 de la criminalité (Manning, 2008; Weisburd, 2006) ainsi que l’analyse comparative des statistiques de la criminalité3 (Manning, 2008; Moore, 2003; Skogan, 2005; Weisburd, 2003; Weisburd, 2006; Willis, 2007). Ces innovations organisationnelles majeures réorientent les activités policières et concordent souvent avec d’importants changements de paradigme.

D’autres chercheurs se sont concentrés sur les facteurs influençant le degré d’innovation dans les organisations policières (King, 2000; Morabito, 2008 A; Weiss, 1997) ainsi que le processus entourant l’adoption des innovations (Kingler, 2003; Willis, 2011). Finalement, des études traitent de l’introduction de groupes spécialisés aux organisations policières tels que les unités d’intervention tactiques (Klinger, 2003; Kraska 1997) ou l’apparition des équipes d’analyses judiciaires spécialisées (Yesilyurt, 2011).

Les sous-sections suivantes aborderont différentes facettes de l’innovation dans les organisations policières. Plus précisément, il sera question des types d’innovations policières, des facteurs favorisant l’innovation dans les organisations policières ainsi que des unités spécialisées.

3.1. Historique des innovations adoptées par les organisations policières depuis les 150 dernières années

L’évolution rapide des technologies a transformé nos vies et la façon dont nous interagissons en société. Les organisations sont également affectées par ces changements technologiques et doivent adopter ces nouvelles technologies afin de rester compétitives et actuelles. Il en va de même pour les organisations policières qui ont, depuis leur existence, maintenu un lien étroit

2 De l’anglais : « Hot spots policing ».

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avec les innovations technologiques (Seaskate, 1998; Soullière, 1999); Soullière (1999) parle même d’une dépendance à la technologie. En effet, les organisations policières subissent de nombreuses pressions extérieures les poussant à se réformer en adoptant de nouvelles façons de faire.

Avec du recul, il est possible de percevoir des tendances et des phases dans l’évolution technologique des organisations policières. Kelling et Moore (1988) découpent l’évolution technologique de la police nord-américaine en trois périodes distinctes : l’ère politique, l’ère de la réforme (aussi présentée sous le nom de « l’ère du modèle professionnel » par Seaskate, 1998) et finalement l’ère de la police communautaire et de l’approche par résolution de problème. Plus récemment, les technologies de l’information et des communications ont poussées les organisations policières vers un nouveau modèle basé sur le renseignement (Manning, 2008; Oliver, 2006; Ratcliffe, 2012; Weisburd, 2006). Oliver (2006) a qualifié cette période « d’ère de la sécurité intérieure ». Chacune de ces époques est donc caractérisée par un modèle policier et des stratégies qui lui sont propres.

3.1.1. L’ère politique

L’ère politique, comprise entre 1840 et 1920, est ainsi nommée car à cette époque les organisations policières américaines et les politiciens entretenaient des relations étroites et intéressées (Kelling & Moore, 1988; Soullière, 1999). En effet, la police relevait de l’autorité municipale locale qui lui donnait sa légitimité ainsi que les ressources nécessaires à ses opérations4. La police avait principalement comme rôle le maintien de l’ordre, mais offrait également une variété de services à la communauté. Afin de faire respecter la loi et protéger les honnêtes citoyens, les agents patrouillaient les rues en utilisant des technologies rudimentaires – de simples outils – tels que la matraque et la lanterne (McQuade, 2001). D’un point de vue technologique, cette période est caractérisée par l’adoption de technologies coercitives : l’arme à feu, la matraque et les menottes en sont des exemples. Également, il y a apparition de technologies de communication telles que le télégraphe, les cabines

4 Le modèle américain contraste beaucoup avec les Britanniques qui à cette époque ont une police centralisée très

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téléphoniques policières ainsi que le développement des premiers laboratoires5 de sciences judiciaires. Le policier sur le terrain est extrêmement isolé et les technologies de communication vont progressivement briser cet isolement (Soullière, 1999) en favorisant le flux de l’information. Finalement, au cours des années 1920 une autre technologie importante fera progressivement son apparition dans les organisations policières : l’automobile.

3.1.2. L’ère de la réforme

L’ère de la réforme ou de la professionnalisation, comprise entre 1920 et 1970, est caractérisée par la bureaucratisation (Soullière, 1999) et le développement d’un modèle policier plus indépendant, basé sur la discipline et la formation et mettant l’emphase sur la lutte contre la criminalité (Kelling & Moore, 1988). Les laboratoires de sciences judiciaires deviennent plus communs et sont mieux équipés. Durant les années 30 et 40, les véhicules de patrouilles deviennent largement utilisés et sont progressivement équipés de radios possédant un émetteur-récepteur (Seaskate, 1998; Soullière, 1999). Ceci change le modèle policier en promettant une réponse plus rapide et efficace aux citoyens. Ultimement, à la fin des années 60, l’Amérique du Nord voit l’apparition du système « 911 », un numéro unique centralisant les appels d’urgence (Kelling & Moore, 1988; Seaskate, 1998).

3.1.3. L’ère de la police communautaire

Dans les années 1960, le taux de criminalité6 et la peur des citoyens sont à la hausse malgré les efforts déployés par les forces de l’ordre (Kelling et Moore, 1988). Le modèle réformiste, très réactif, devient de moins en moins adapté aux valeurs sociales et au contexte de cette époque. Une des principales causes de ces changements sociaux est l’opposition grandissante des Américains face à la guerre du Vietnam. Les manifestations causent de nombreux affrontements entre les policiers d’un côté et la jeunesse et les minorités visibles de l’autre (Weisburd, 2006). De plus, le rapport7 de 1967 de la Commission présidentielle sur le

5 Les premiers laboratoires de sciences judiciaires furent créés à Paris en 1868, à Lyon en 1910 and à Montréal en

1914 (Soullière, 1999).

6 Le fait que le taux de criminalité aux États-Unis ait doublé entre 1940 et 1965 est largement publicisé (Seaskate,

1998).

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maintien de l’ordre et l’administration de la justice8 pose de sérieux doutes quant à l’efficacité du système de justice actuel (Seaskate, 1998; Weisburd, 2006). Ceci mènera, dans les années 1970, à un changement de paradigme au sein des forces de l’ordre : celui de la police communautaire. Il y a décentralisation des opérations et les interventions policières sont centrées sur la communauté et préconisent une approche par résolution de problèmes (Weisburd, 2006). Cette période est aussi caractérisée par l’introduction progressive de l’informatique dans les services policiers (Seaskate, 1998).

Avec l’informatisation des organisations policières, les actions posées sont de plus en plus dirigées par le renseignement. À cet effet, l’ordinateur devient un outil essentiel à l’analyse des informations colligées et à la planification des opérations. Éventuellement, l’ordinateur permettra également d’accéder à des renseignements tactiques directement du véhicule de patrouille.

L’informatique permet aussi la centralisation des informations (Soullière, 1999) et la création de bases de données contenant une grande variété de renseignements pertinents autant pour les patrouilleurs que les enquêteurs. À l’aide de ces instruments la police devient de plus en plus proactive et est en mesure d’élaborer des programmes de prévention en concentrant ses activités sur les points chauds de la criminalité. C’est donc l’avènement d’un modèle policier décentralisé, près des communautés et possédant de puissants nouveaux outils d’analyse.

3.1.4. L’ère de la sécurité intérieure

Certains auteurs, comme Oliver (2006), croient que depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, nous sommes entrés dans une quatrième et nouvelle ère policière : l’ère de la sécurité intérieure (homeland security). Cet événement a drastiquement accéléré une tendance qui existe depuis les années 1990, celle des activités policières fondées sur le renseignement – le « intelligence-led policing ». Ce modèle policier est articulé par la gestion du risque, l’analyse systématique de renseignements criminels à l’aide de logiciels spécialisés, la

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géolocalisation des zones chaudes de la criminalité et le développement de solutions adaptées aux problématiques détectées (Ratcliffe, 2012; Weisburd, 2006). Ce processus d’analyse a été popularisé sous le nom de « Compstat », modèle adopté initialement par le New-York Police Department (NYPD) sous l’administration du maire Giuliani. Ce modèle, hautement encensé, a ensuite été reproduit partout aux États-Unis avec des résultats mitigés (Manning, 2008; Weisburd, 2006).

Selon Olivier (2006), cette nouvelle époque de la sécurité intérieure est spécifiquement caractérisée par la conscience d’une menace terroriste externe, l’adoption de lois permettant la suspension de certains droits civiques ainsi que la collecte systématique de renseignements stratégiques. La disponibilité de technologies d’interception de données couplée à de puissants systèmes d’analyse informatique permet d’assembler de vaste quantité d’informations afin de tenter de prévenir les attentats terroristes.

À cet égard, les technologies de l’information et des communications, dont Internet est probablement la plus emblématique, sont des outils de renseignement incroyablement puissants servant autant les forces de l’ordre que les organisations criminelles. Comme toute nouvelle innovation majeure, ces technologies offrent de nombreuses opportunités stratégiques pour l’individu ou l’organisation en faisant l’adoption.

Entre 2005 et 2009, le nombre et la valeur totale des commandes électroniques effectuées par les Canadiens ont doublé (Statistique Canada, 2010b). Le commerce électronique et les transactions financières sur Internet sont devenus une réalité incontournable. Une conséquence de ce phénomène est la prolifération des renseignements personnels (numéros de cartes de crédit, noms, adresses, dates de naissance, courriels, etc.) stockés sur les serveurs d’entreprises privées et publiques. Ces renseignements constituent des cibles très intéressantes pour des individus malintentionnés (Baker & al., 2011; Hengst & Warnier, 2013). Paradoxalement, selon l’étude de Statistique Canada (2010a) sur l’utilisation d'Internet par les individus, seulement un Canadien sur quatre est préoccupé par la protection de ses renseignements personnels.

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Il appert donc que le développement technologique de la police au 21e siècle sera caractérisé par le besoin de rester à niveau avec les criminels et leurs utilisations des technologies de l’information et des communications (Seaskate, 1998). L’adaptation à cette nouvelle réalité passera certainement par l’adoption de technologies policières permettant d’enquêter et de contrer la criminalité technologique. Toutefois, l’adoption d’une innovation n’est pas systématique et plusieurs facteurs peuvent favoriser ou inhiber ce processus complexe.

3.2. Les types d’innovations policières

Il est intéressant, d’un point de vue conceptuel, de catégoriser les innovations policières afin d’en distinguer les caractéristiques. Cet exercice permet également d’évaluer les facteurs favorisant spécifiquement l’adoption et l’implantation d’un type d’innovation donné. Une typologie populaire, élaborée par Moore & al. (1997) et reprise par plusieurs auteurs (King, 2000; Randol, 2013; Weisburd, 2006; Willis, 2011), se décline en quatre (4) volets :

1) Les innovations concernant de nouveaux programmes (programmatic innovations) visent la création d’unités spécialisées ou de tactiques opérationnelles ciblant un objectif ou une problématique spécifique;

2) Les innovations administratives touchent principalement la gestion d’une organisation;

3) Les innovations techniques visent à adopter une nouvelle pièce d’équipement; ces innovations possèdent des composantes matérielles et/ou logicielles;

4) Les innovations stratégiques changent globalement l’orientation d’une organisation ou d’une de ses missions. Elles peuvent avoir un impact drastique sur l’organisation qui en fait l’adoption.

Ces catégories permettent d’étiqueter facilement les innovations policières, mais la majorité de celles-ci sont susceptibles de recouper plusieurs catégories et de toucher plusieurs facettes de l’organisation policière. Il est donc judicieux de ne pas percevoir ces catégories comme étant automatiquement mutuellement exclusives.

3.3. Les facteurs favorisant l’innovation dans les organisations policières

Les facteurs poussant les organisations policières à l’innovation sont multiples mais ils peuvent être découpés en deux grandes catégories : les facteurs exogènes et les facteurs endogènes. Les facteurs exogènes sont les pressions extérieures menant à l’innovation; ils sont principalement de nature politique, sociale et économique (Morabito, 2008 A; Randol, 2013;

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Zhao, 1995). De plus, les organisations policières doivent faire face aux formes de criminalité émergentes comme la cybercriminalité et le piratage informatique (Wall, 2007). Les facteurs endogènes, quant à eux, constituent les caractéristiques inhérentes de l’organisation, telles que sa structure, sa hiérarchie, les méthodes de recrutement et les politiques internes (Randol, 2013; Rogers, 2003).

Randol (2013) a spécifiquement étudié l’importance relative des facteurs exogènes (via les théories de la contingence) et endogènes (via les théories de la structure organisationnelle) poussant les organisations policières à l’innovation. Pour ce faire, un échantillon de 380 organisations policières, provenant de trois principales sources de données9, a été utilisé. Les données utilisées s’échelonnent sur dix années, permettant ainsi une analyse longitudinale. La capacité à innover (variable dépendante) est mesurée par la quantité d’innovations techniques, programmatiques10 et administratives11 adoptées par les organisations policières ciblées.

Des indicateurs tels que le nombre de policiers dans l’organisation, le poids de la structure administrative, le niveau de formalisation ainsi que la formation et la sélection des recrues constituent des facteurs endogènes. Quant à eux, les facteurs exogènes sont mesurés à l’aide d’indicateurs tels que la grandeur de la communauté desservie, les budgets opérationnels12, le taux de criminalité violente et le taux de crimes contre la propriété.

Les deux modèles proposés par Randol (2013) ne réussissent qu’à expliquer entre 13% (modèle exogène) et 18% (modèle endogène) de la variance observée pour les différentes catégories d’innovations. Le modèle basé sur les facteurs endogènes a légèrement mieux performé; ce qui tend à corroborer la littérature sur le sujet (King, 2000; Mullen, 1996). Parmi les indicateurs les plus importants, le nombre d’heures de formation, le nombre de critères de

9 Les statistiques de 1997, 2000, 2003, and 2007 du Bureau of Justice américain; les rapports uniformes de la

criminalité du FBI des années 1996, 1999, 2002, et 2006; une série de données de la RAND Corporation intitulée:

Center for Population Health and Health Disparities.

10 Mesuré selon le nombre d’unités spécialisées au sein de l’organisation.

11 Mesuré selon le nombre de politiques et règlements formels dans l’organisation.

12 Dans l’optique où les organisations policières sont dépendantes des budgets alloués par les instances politiques

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sélection pour les nouvelles recrues et la différentiation hiérarchique13 sont des facteurs endogènes significatifs et positivement associés à tous les types d’innovation. La grandeur de l’organisation14 est associée positivement et significativement aux innovations techniques et programmatiques.

En ce qui concerne les facteurs exogènes, le budget opérationnel, le pourcentage de minorités, le pourcentage de familles monoparentales ainsi que le taux de criminalité violente sont tous des indicateurs associés significativement et positivement avec l’adoption d’innovations techniques. Le pourcentage de minorités et le pourcentage de familles monoparentales sont également associés positivement avec le nombre d’innovations administratives.

3.3.1. Un facteur clef : la taille de l’organisation

Selon la littérature, l’un des facteurs cruciaux au degré d’innovation d’une organisation est sa taille (Hollenstein, 2004; Mastrofski, 2003; Rogers 2003). Selon King (2000), Morabito (2008 A, 2008 B), Randol (2013) et Willis (2011) ce facteur est tout aussi significatif chez les organisations policières.

Ce qui définit la grandeur d’une organisation est le dénombrement de ses effectifs, la complexité de sa structure et surtout la quantité de ressources disponibles. À cet effet, Morabito (2008a, 2008b) réitère l’importance marquée des ressources excédentaires disponibles (slack ressources). Ces ressources sont caractérisées par la flexibilité de leur allocation. Elles constituent une sorte de « trésor de guerre », rapidement déployé en cas de besoin et facilitant grandement l’adoption de toute nouvelle innovation. Ces ressources constituent un atout considérable des organisations policières et est un important moteur à l’innovation.

13 Réfère à la complexité de la structure hiérarchique verticale de l’organisation. 14 Calculé à l’aide du nombre total de policiers à temps plein dans l’organisation.

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3.4. Le cas particulier des unités spécialisées

Tel que mentionné précédemment, l’innovation peut mener à l’altération de la structure organisationnelle et même à la création de branches spécialisées. Tel est le cas des laboratoires médicolégaux, des groupes d’intervention tactique ou des unités spécialisées en criminalité informatique; ces entités incarnent d’une façon ou d’une autre l’adaptation des organisations policières aux développements technologies et aux nouvelles réalités criminelles.

Klinger (2003) traite de de la diffusion des équipes d’intervention tactique (SWAT15 teams) au sein des organisations policières américaines. Vers la fin des années 1990, une hausse marquée de ces unités spécialisées a été observée dans les organisations policières (Kraska, 1997) de cent officiers et plus; certains y ont vu une forme de militarisation de la police. Par contre, selon l’analyse de Klinger (2003) la diffusion de ce type d’innovation organisationnelle peut prendre de 15 à 30 ans avant d’atteindre le point de saturation (une adoption d’environ 90%); dans le cas des équipes d’intervention tactiques on parle d’environ 25 ans avant d’atteindre ce niveau. La hausse marquée décrite par Kraska est donc plutôt due à un phénomène normal de diffusion (à savoir, la courbe en « S » discutée précédemment; voir chapitre II, section 1.2) débutant dans les années 60 et 70, atteignant une masse critique au cours des années 80 et saturant vers la moitié des années 90. La diffusion et l’adoption d’une unité spécialisée semble donc être un processus de longue haleine qu’il faut considérer dans son ensemble.

Katz (2002) a examiné les facteurs expliquant la présence d’une unité spécialisée antigang auprès de 484 grandes organisations policières. Selon l’étude, les deux facteurs significatifs ayant le plus grand impact relatif sont le degré de financement extérieur ainsi que la menace sociale (mesurée par la présence de minorités et le niveau d’inégalités socioéconomiques). Dans ce cas spécifique, les facteurs exogènes semblent avoir eu un impact plus important que les facteurs organisationnels; ceci est également appuyé par l’étude de Zhao (1995) qui a

Figure

Figure 1. Courbe logistique normale du taux d’adoption en fonction du temps.
Figure 2. Le cycle de vie des technologies de l’information. Inspiré de Shayo (2009), Figure 1, page 2654
Figure  3.  Les  étapes  du  processus  d’innovation  dans  une  organisation  tel  que  théorisé  par  Everett  M
Figure  4.  Nombre  de  demandes  de  service  adressées  à  l’Unité  par  année  de  2004  à  2013
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