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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Éducation aux risques et risques en éducation

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Academic year: 2021

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ÉDUCATION AUX RISQUES ET RISQUES EN ÉDUCATION

Catherine LEDRAPIER

I.U.F.M. de Franche-Comté, Besançon

MOTS-CLÉS : DÉMARCHES DE FORMATION - DÉMOCRATIE - RESPONSABILITÉ

GESTION DES CONTRADICTIONS - CAPACITÉ D’ACTION

RÉSUMÉ : Il y a risque si l’éducation aux risques à l’école se réduit à une information sur les

risques : s’il faut faire sortir de l’ignorance, il faut aussi construire des pratiques. Il est nécessaire de former un esprit critique, d’asseoir des méthodes et de former à des conduites citoyennes. Cela passe par une éducation à la prise de parole, apprendre à argumenter, à avoir confiance en soi ; apprendre à mobiliser ses savoirs pour prendre des décisions et agir en tant que responsable !… Il y a risque en éducation si le problème n’est pas : quelle éducation pour un débat démocratique ?

SUMMARY : There is risk if teaching about risk is no more than simply giving information. In

addition to the necessity of bringing others out of ignorance, there is the necessity of building behavior patterns. A critical mind, civic behavior and procedures must be nurtured. Nothing is more important than learning to speak and express oneself confidently, to defend one’s opinions, and to learn to use one’s knoledge in order to assume responsability for one’s acts and decisions !… There is a risk in education if, in school, children do not learn to debate democratically.

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1. INTRODUCTION

Je ne considérerai pas ici l’éducation aux risques en milieu scolaire sur un thème précis, mais la manière de le faire, quel que soit le risque abordé. C’est une des missions de l’école de faire acquérir une culture scientifique et technique pour que tous se sentent concernés par les enjeux de l’évolution technologique et la prise en compte des risques subséquents. Mais l’école a aussi une autre charge : celle de former les enfants à une attitude citoyenne où la prise en compte des risques, et la prise de risque relèvent d’une attitude critique, responsable. Apprendre aux enfants à prendre la parole, à débattre de questions qui les concernent et à avoir un comportement responsable, voilà la charge de l’école à laquelle je veux ici m’intéresser. Car il est fondamental que l’intervention par rapport aux risques ne se cantonne pas à une information sur les risques, mais soit une véritable éducation : il s’agit de construire un esprit critique permettant d’analyser les enjeux, d’asseoir des pratiques et des méthodes permettant aux enfants d’apprendre à oser dire, d’apprendre à débattre et à mobiliser ses savoirs pour agir, d’apprendre à prendre des décisions. La question que je souhaite ici développer est donc : quelle éducation pour un débat démocratique ?

Plan de l’intervention :

Après un rapide rappel des pratiques courantes sur ce qu’il en est dans les classes, je témoignerai de pratiques alternatives, notamment en présentant une vidéo (montée) de quatre moments différents de prise de parole des élèves dans une classe “autogestionnaire” :

1°) Débat d’enfants autour de leurs conceptions sur un sujet scientifique. Groupe classe. 2°) Prise de parole en phase d’expérimentation, petits groupes.

3°) Séance de communication de résultats, suivie d’un débat : Groupe classe.

4°) Séance de conseil, où sont analysés les problèmes de vie de classe, où les propositions sont faites et les décisions prises. Groupe classe.

2. LES PRATIQUES ACTUELLES À L’ÉCOLE

2.1 Les pratiques centrées sur les contenus

Certains privilégient les connaissances : pour ce qui est relatif aux risques, il s’agira d’avoir un bon recul sur le sujet en question… La prévention peut-elle se limiter à acquérir des savoirs sur le sujet, à une bonne information ? … Cela place l’enfant futur citoyen devant le fait accompli, devant en fait la maîtrise de la parade, mais pas devant la maîtrise des problèmes à résoudre et des choix à faire. Elle ne prépare pas en outre aux risques à venir dont nous n’imaginons pas encore l’existence.

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Cette information, si elle est certes nécessaire, n’est donc pas formatrice quant à un comportement citoyen et responsable face aux risques en général. Dans ce type d’enseignement la parole est au maître, qui détient le savoir, celle des enfants se limite très souvent à demander un complément d’information ou d’explication. Les pratiques de recherche documentaire sur le sujet avec exposé ne modifient pas fondamentalement la situation : s’il y a effectivement une pratique de l’oral, la plupart du temps elle est limitée à une restitution du savoir trouvé dans les documents.

2.2 Les pratiques centrées sur les démarches et les méthodes

Certains privilégient les démarches et les méthodes à faire acquérir. Outre la fameuse démarche scientifique, souvent perçue comme la panacée universelle, il y a aussi sur ce sujet l’acquisition de bonnes techniques de documentation. Certes, il est indispensable que le futur citoyen soit autonome quant à ses sources de données, qu’il soit lucide et capable de ne pas subir l’influence de groupe de pression ; mais est-ce là tout ? En quoi cette bonne maîtrise de méthodes peut-elle amener spontanément à une attitude responsable et citoyenne ? C’est au contraire un danger certain que de penser que les dimensions sociales, historiques, politiques et humaines soient réductibles à des solutions techniques … ! De plus la maîtrise de méthodologie de résolution de problème, risque d’être stérile pour amener du neuf dans la mesure où elles ne forment pas à la construction de problématiques, mais uniquement à la résolution de problèmes classiques et déjà tous formulés ! Donc là encore, ce travail est nécessaire, mais insuffisant. Dans ce type de pratique, la parole est, là encore, bien souvent du côté de l’enseignant, c’est lui qui donne les bonnes méthodes, que les élèves doivent suivre, dans le meilleur des cas s’approprier.

2.3 Les pratiques spontanéistes

Certains privilégient l’intérêt spontané de l’enfant : il est évident qu’ici il y a une obligation morale, voire une nécessité de survie, à traiter des risques, que l’enfant soit motivé ou non ! Par contre, sachant que l’enfant n’apprendra rien ou fort peu s’il ne trouve pas intérêt à apprendre, il ne suffit sûrement pas de décréter que l’étude de tel ou tel risque doit être “au programme”.

2.4 Les pratiques alternatives

D’autres pratiques, extrêmement rares, sont, elles, centrées sur la construction de savoirs : élaboration d’une problématique et construction de modèles, pouvant tenir lieu selon les cas d’interprétation ou de solutions, toujours passagères car toujours remises en cause, par échanges dans un groupe et entre groupes de travail. Il s’agit d’une construction par les apprenants, et non pas d’une transmission de contenus ou de démarches déjà formalisées par l’enseignant. Il ne s’agit pas de leur faire redécouvrir l’apport des siècles précédents, il s’agit de les rendre autonomes dans la

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construction des savoirs. La condition sine qua non à de telles pratiques, c’est l’instauration d’une classe lieu de parole, où la parole des enfants est entendue et prise en compte… Une libération de la parole, au sens où l’entendait F. Dolto. Le pouvoir ainsi donné aux enfants se mesure à l’aune de celui que l’enseignant est prêt à perdre, et c’est sans doute là le problème crucial. Ce n’est pas le laisser-faire, le laisser-aller ! … Au contraire ! Les classes qui fonctionnent ainsi, quelle que soit leur mouvance, que nous appellerons globalement classes coopératives, sont des classes où les enfants construisent leur vie sociale, avec des règles bien explicitées. Il ne s’agit pas de respecter un règlement établi par l’adulte, règlement souvent implicite, rarement présenté, jamais discuté et remis en cause, il ne s’agit pas de se soumettre aux décisions de l’adulte parce que c’est un adulte, il s’agit d’élaborer ensemble des règles de vie de la classe, et de garantir leur bon fonctionnement, leur éventuelle révision… Il s’agit de la construction de la citoyenneté.

Je voudrais ici témoigner du fonctionnement de ce type de classes coopératives, non pas pour ériger en modèle ce qui va suivre (vidéo), mais pour témoigner de possibles. En matière de renouveau pédagogique, la tendance est souvent au “replâtrage”, mais il s’agit rarement d’adopter un fonctionnement radicalement différent. Deux exemples de ce que j’entends par replâtrage :

à Le travail de groupe : phénomène à la mode, cas typique d’un outil de travail fondamental qui, ajouté à des pratiques traditionnelles, est souvent bien mal intégré : l’intérêt et la nécessité de travailler en groupe n’est absolument pas travaillé, ni les techniques de travail de groupe. Les élèves parlent, mais ont-ils vraiment la parole ?

à Le cours dialogué : même problème, il est de bon ton de faire participer les élèves, ce qui témoigne de leur intérêt pour le cours, et sans doute d’une certaine appropriation des savoirs en question ! Cela est donc très gratifiant pour l’enseignant, et plus agréable à vivre qu’un cours morne ou agité. Mais il ne faut pas pour autant croire que l’on donne la parole aux enfants ! On leur donne la permission, voire le devoir, d’intervenir, bien souvent uniquement de répondre aux questions de l’enseignant ! Dans les faits on constate bien souvent que l’enfant s’adresse au maître qui fait “redescendre” cette parole, souvent reformulée, vers le groupe : la communication horizontale se fait, par deux passages verticaux. Quelquefois l’échange entre pairs a effectivement lieu dans les petits groupes, mais au moment de l’institutionnalisation, le maître reprend les rennes et sur la forme, et sur le fond… Il faut quand même arriver à boucler la séance sur un contenu juste, et un acquis par rapport à la situation antérieure, même si on sait pertinemment par ailleurs que les obstacles ne se franchissent pas à la demande, dans un temps imposé et que les régressions sont “normales”, que les conceptions initiales ne sont très résistantes et ne se délogent pas en un “coup de cuillère à pot.” Le cours dialogué n’est donc ni une situation où la parole est libérée, ni un débat entre pairs.

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Dans les pratiques alternatives, la parole libérée implique que les enfants savent qu’il n’y aura pas de sanction sur ce qui sera dit : ils peuvent dire ce qu’ils veulent dire, ils ont le droit d’oser le faire ! Ils ont le droit à la parole, ce qu’ils vont dire va être entendu, pas forcément acquiescé, mais entendu et pris en compte. Cette parole sera soumise à la critique d’autrui et donc progressivement argumentée. Dans tous les cas elle existera. C’est donc du droit à la parole dont il s’agit, du respect de cette parole en tant que telle, du droit à l’écoute aussi. C’est de l’élève individu, sujet de parole et citoyen dont il est question et pas d’une parole juste ou fausse quant au contenu étudié. Il faut donc en préalable à toute chose s’occuper de ce qu’il est de la parole dans la classe. Pour cela, quelles que soient les spécificités des différents mouvements alternatifs, il y a des instruments et des techniques de médiation : l’imprimerie en était un, le conseil en est un autre, fondamental.

Le conseil : C’est un lieu de parole, de parole structurée : réunion hebdomadaire, d’une heure,

permettant de réguler les activités du groupe classe, sur le contenu et sur sa mise en place, ainsi que de mettre à plat les problèmes rencontrés. C’est un débat, portant sur la vie du groupe classe, autant sur le fond que sur la forme, des décisions y sont prises par vote, et notées. L’organisation est très stricte, il y a un droit de parole, un droit d’écoute : il y a donc un tour de parole à respecter, avec interdiction de parler l’un sur l’autre, le maître comme les autres, lève la main pour demander la parole. Le président de séance donne la parole et est chargé du respect de l’ordre du jour. Le président est au préalable chargé d’organiser la réunion, d’en établir par écrit l’ordre du jour en fonction des différentes demandes notées par chacun dans la semaine. Le secrétaire note l’essentiel de chaque intervention, puis fait dans la semaine un rapport où apparaîtront les différentes décisions prises, rapport qui sera lu et soumis à critique et à d’éventuelles modifications au conseil suivant. Il y a obligation pour tous de tenir tous les rôles tour à tour (sauf le maître). Ainsi les projets sont proposés, argumentés, défendus par leurs auteurs puis soumis au vote. La loi de respect de ce qui a été voté et affiché est une des conditions du fonctionnement de la classe. À la fin de chaque journée, un autre temps de régulation est prévu pour réguler les problèmes du quotidien.

Il y a des variations d’une classe à l’autre mais les fondements et l’esprit de travail sont les mêmes. Il y a aussi des variations d’un niveau à un autre : ainsi, pour les CM, le rôle du secrétaire est très lourd, et prépare à une bonne maîtrise de la prise de notes et du compte rendu. Même en dehors du conseil, l’enseignant prend garde à ne pas monopoliser la parole. Il y a un travail réel de groupe avec comme tâche première d’élaborer une problématique, puis des essais de résolution, puis échange avec les autres groupes par permutation circulaire : chaque groupe devant analyser et apporter une contribution au travail des autres groupes. Les rapporteurs devront rendre compte écrit et oral de la problématique construite, des résultats et des difficultés rencontrées. Une troisième personne chargée de montrer les expériences réalisées pour soutenir les dires du rapporteur oral, rapporteur oral qui non seulement doit présenter le travail du groupe, mais animer ensuite la

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discussion sur leur travail avec l’ensemble de la classe. Le groupe doit aussi choisir et justifier sa méthode de présentation : affiche, exposé, transparents… Ce sont donc vraiment les enfants qui ont la main, en action et en parole. Dans les séances de débat, là encore l’enseignant n’est pas l’acteur principal : comme au conseil c’est un enfant qui préside, et un autre qui est secrétaire. Pendant le travail de groupe l’enseignant prend soin de ne pas intervenir de façon abusive. En petit groupe ou en grand groupe il leur renvoie ce qui est en train de se faire , ce qui ne se fait pas, ce qui s’est dit , ce qui ne s’est pas dit ; il leur renvoie son regard sur leurs actions et leurs paroles et les pousse à en faire l’analyse, à leur niveau, bien sûr.

3. CONCLUSION

Mon intervention avait donc pour but de témoigner de possibles, de pratiques où sont recherchées des attitudes citoyennes, critiques et réfléchies, le développement de capacités d’action, de prise de décisions relevant de comportements responsables, et la prise en compte de chaque élève en tant qu’individu être de parole. Pour ce qui est de “l’éducation aux risques” à l’école, il me semble évident que si elle n’est pas faite dans cet esprit-là, elle est automatiquement très limitée, très vite périmée, non transférable, et surtout ne prépare pas les enfants à être de bons “preneurs de décisions”. Pour ce qui est des “risques en éducation”, c’est un vieux problème : quelle formation pour nos enfants ? Et pourtant, peu d’innovation en la demeure : les méthodes actives, les pédagogies nouvelles ont cent ans et plus et sont toujours marginales. Le risque est grand de continuer à laisser les choses en l’état.

BIBLIOGRAPHIE

S’agissant essentiellement de témoignage de pratiques, je n’indiquerai pas de bibliographie, qui serait longue et classique : les ouvrages des pédagogues et praticiens des pédagogies “nouvelles”. Je tiens à remercier les collègues du G.F.E.N. et de pédagogie institutionnelle de Franche-Comté, notamment Robert DELUEGUE, enseignant à l’école Paul BERT de Besançon : les vidéos ont été tournées dans sa classe.

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