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La standardisation comme garant du succès commercial ? Les albâtres anglais de la fin du Moyen Âge

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Academic year: 2021

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La standardisation comme garant du succès commercial ?

Les albâtres anglais de la fin du Moyen Âge

Markus Schlicht

To cite this version:

Markus Schlicht. La standardisation comme garant du succès commercial ? Les albâtres anglais de la

fin du Moyen Âge. Perspective - la revue de l’INHA : actualités de la recherche en histoire de l’art,

Institut national d’histoire de l’art / A. Colin, 2019, Multiples, pp.179-194. �halshs-02422697�

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multiples

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Perspective a été fondée en 2006 par Olivier Bonfait, son premier rédacteur en chef, dans le cadre de ses missions de conseiller scientifique au sein de l’Institut national d’histoire de l’art. Marion Boudon-Machuel (2008-2012), Pierre Wachenheim (2012-2013), puis Anne Lafont (2013-2017) lui ont succédé. Judith Delfiner en est la rédactrice en chef depuis septembre 2017. Directeur de publication Éric de Chassey Rédactrice en chef Judith Delfiner Coordination éditoriale Marie Caillat

assistée d’Hortense Naas et de Jacopo Ranzani Coordination administrative

Amélie de Miribel Cloé Brosseau

Conception graphique et mise en page Anne Desrivières

Logo Marion Kueny Édition

INHA – Institut national d’histoire de l’art 2 rue Vivienne – 75002 Paris

Diffusion FMSH-diffusion 18, rue Robert-Schuman CS 90003 – 94227 Charenton-le-Pont Cedex Impression

Alliance partenaires graphiques 19, rue Lambrechts – 92400 Courbevoie

EAN : 978-2-917902-50-9 ISSN : 1777-7852 Périodicité : semestrielle Dépôt légal : décembre 2019 Date de parution : décembre 2019 © INHA Comité scientifique Laurent Baridon Jérôme Bessière Olivier Bonfait Marion Boudon-Machuel Esteban Buch Anne-Élisabeth Buxtorf Giovanni Careri Thomas Kirchner Rémi Labrusse Michel Laclotte Johanne Lamoureux Antoinette Le Normand-Romain Jean-Yves Marc Pierre-Michel Menger France Nerlich Pierre Rosenberg Jean-Claude Schmitt Alain Schnapp Philippe Sénéchal Victor I. Stoichita Anne-Christine Taylor Isabel Valverde Zaragoza Caroline Van Eck Bernard Vouilloux Comité de rédaction du volume Multiples Pauline Chevalier Ralph Dekoninck Elitza Dulguerova Caroline Fieschi Rossella Froissart Jérémie Koering Sophie Maisonneuve Marie-Anne Sarda Michele Tomasi

La version numérique de ce numéro est accessible sur le site de la revue :

https://journals.openedition.org/perspective/12692 Pour citer un article de la revue, veuillez

indiquer la mention suivante : Perspective : actualité en histoire de l’art, 2019 – 2, p. 000-000.

Pour visiter le site Internet de la revue : https://journals.openedition.org/perspective Pour s’abonner ou se procurer un numéro, visiter le site du Comptoir des presses d’universités : www.lcdpu.fr/revues/perspective

Pour écrire à la rédaction : revue-perspective@inha.fr

2019 – 2

La revue Perspective est soutenue par l’Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS.

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3

à François Boisivon, Julia Castiglione, Fabrice Claes, Étienne Gomez, Françoise Jaouën, Guillaume Mélère, Florence Rougerie, traducteurs des textes de ce volume, pour leur justesse et leur travail précieux, ainsi qu’à Enrica Boni, Olga Grlic, David Jurado, Antje Kramer ;

à Françoise Le Breton, Carole Pronost et tout particulièrement à Benjamin Rivière (EESAB Quimper), ainsi qu’à Eva Bernard, Marie Boyer, Alexandre Brault, Iwan Coïc, Sophie Develay, Jérémy Gispert, Armel Gnaga, Hippolyte Godest, Julia Guerin, Islem Haouti, Louis Humeau, Alma-Clara Juarez & Marie Serres, Elise Larrive, Côme Lequin, Clément Leroy, Séverine Renard, pour leurs belles propositions, et en particulier à Roxane Lucas ;

à Alisa Andrašek ; Jean-Claude Baudot et Laure-Anne Esparre-Robichon ; Moncef Ben Moussa ; Stanislas Chaillou ; Raphaël Cottin ; Dominique de Font-Réaulx ; Jesse Howard ; Christine Lapostolle ; Lev Manovich ; Philippe Morel ; Alice Motard ; Fatma Naït Yghil ; Anne-Myrtille Renoux ; Teresa van Dongen ;

à Clémence Alexandre (musées d’Angers) ; Holger Broeker (Kunstmuseum Wolfsburg) ; Flore Campestrini (Musée des Arts Décoratifs) ; Francesca Cattoi (Fondazione Prada) ; Helen Cobby (The Barber Institute of Fine arts) ; Henrike Daum (carlier | gebauer) ; Jean-Paul Dorchain (Cinémathèque royale de Belgique) ; Barbara Gatineau (musée de la Ville de Strasbourg) ; Deborah Hedgecock (Haringey Archive and Museum, Bruce Castle Museum) ; Pauline Hisbacq (musée Rodin) ; Natalia Hug (The Moholy-Nagy Foundation) ; Rachel Kett (Victoria and Albert Museum) ; Elysabel Lakomy et Marina Le Baron-Sarasa (Mobilier national) ; Marzia Malerba (Corraini Edizioni) ; Ashley Mead (Seattle Art Museum) ; Julia Motard (Centre Pompidou, MNAM-CCI) ; Susan Pacitti (Glasgow Museums) ; Alessandra Pinzani (Scala) ; Anna Pizza (Museo archeologico nazionale di Napoli) ; Simona Riva (CSAC – Università degli Studi di Parma) ; Delphine Studer (Fondation Le Corbusier) ; Jean-Claude Verdin (musée des Beaux-Arts d’Arras) ; Timothée Viale (Gagosian) ;

à Brigitte Bourgeois et Marie Lionnet-de Loitière (Technè) ; Christine Jungen et Anne de Sales (Terrain) ; Julie Ramos (Regards croisés) ; Maïra Muchnik (Gradhiva) ; Sarah Ruelle (Sculptures) ; Delphine Wanes (Histoire de l’art) ; à l’équipe du Comptoir des presses d’universités pour leur soutien et leur grande disponibilité ;

à l’équipe de l’INHA, et tout particulièrement à Marine Acker, Nicolas Alpach, Mathilde des Bois de La Roche, Francisca Cabezas, Caroline Fieschi, Johann Gillium, Didier Laenec, Marie-Laure Moreau, Elsa Nadjm,

Anne-Gaëlle Plumejeau, Marc Riou, Alexandra Thielin ;

à tous les membres du comité de rédaction, ainsi qu’à tous les chercheurs auxquels nous nous sommes adressés durant la préparation de ce numéro, pour leur précieuse collaboration.

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ÉDITORIAL

6 – Judith Delfiner

TRIBUNE

11 –  Original, copie, simulacre : aspects du multiple

Richard Shiff

PRÉFACE

17 –  Les multiples : une définition du champ

de recherche et un cas particulier, les « doubles »

Walter Cupperi

DÉBATS

25 –  Les moulages en plâtre au xxie siècle

Un débat entre Malcolm Baker, Michael Falser, Antoinette Le Normand-Romain et Veronika Tocha, mené par Eckart Marchand

51 –  La partition musicale et chorégraphique

Un débat entre Bojana Cvejic´, Marc Downie et Paul Kaiser, Benjamin Piekut, Frédéric Pouillaude et Edward C. Warburton, mené par Mark Franko et Kate van Orden

89 –  Constellations d’objets : le multiple aux frontières

de l’art et de l’industrie

Une discussion entre Marie-Ange Brayer et Valérie Nègre, menée par Rossella Froissart

113 –  L’architecture à l’heure du numérique,

des algorithmes au projet

Un débat entre Martin Bressani, Mario Carpo, Reinhold Martin et Theodora Vardouli, mené par Antoine Picon

ENTRETIEN

143 –  Regarder en arrière pour aller de l’avant

Entretien avec le collectif Alt Går Bra, par Zanna Gilbert

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ESSAIS

165 –  De l’original perdu à la série : nouvelles

approches des multiples gréco-romains

Verity Platt

179 –  La reproductibilité comme garant du succès

commercial ? Les albâtres anglais de la fin du Moyen Âge

Markus Schlicht

195 –  Des vérités contrariantes ? Les tapisseries,

des performances et des œuvres multiples

Koenraad Brosens

203 –  Portraits en série et reproduction mécanique

des traits à l’âge des Lumières et sous la Révolution : entre idéal démocratique et stratégies commerciales

Cyril Lécosse

217 –  Serviteurs devenus maîtres : Focillon

et la gravure d’interprétation

Emmanuel Pernoud

227 –  Cinq masques de l’Iyoba Idia du royaume

de Bénin : vies sociales et trajectoires d’un objet multiple

Felicity Bodenstein

239 –  La carte postale, multiple documentaire

du chef-d’œuvre

Bertrand Tillier

249 –  Les trois boucles. Notes sur les modes

d’existence des films d’artistes

Enrico Camporesi

VARIA

259 –  La matrice blanche. Portraits d’Africains dans

la culture visuelle européenne depuis les Lumières

Melanie Ulz

269 –  Lecture – Le cinéma d’avant-garde :

quelles avant-gardes, pour quel cinéma ?

François Bovier

281 – Résumés

296 –  Crédits photographiques et droits d’auteur

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Essais 179

Une production de masse pour les masses ?

Les panneaux d’albâtre ornés de scènes religieuses sculptées et peintes, produits en grande quantité dans les Midlands anglais à la fin du Moyen Âge (entre environ 1350 et 1530), constituent l’apport majeur de l’Angleterre dans le domaine de la sculpture médiévale1. Bien qu’un grand nombre d’entre eux aient été détruits à la suite de la

Réforme anglicane (à partir de 1534), il subsiste plus de 2 400 de ces plaques, exportées légalement ou bien vendues clandestinement sur le Continent. En dépit de la durée de cette période de production, environ 200 ans, les œuvres restent étonnamment homogènes du point de vue stylistique, ce qui les rend d’ailleurs aisément identifiables. Ce conservatisme surprend, voire déconcerte, dans le contexte de l’évolution très rapide des arts dans d’autres pays, tels que la France, les Pays-Bas, l’Empire et, par-dessus tout, l’Italie de la Renaissance.

Les traits distinctifs de cette production, dont notamment le grand nombre de panneaux conservés et l’absence apparente d’évolution stylistique, ont rapidement fait classer ces œuvres dans la catégorie de la « production de masse ». Dès le début du xxe siècle, et

jusqu’à aujourd’hui, on parle à leur égard d’« industrie2 », un terme qui s’oppose à celui

de l’acte créateur individuel généralement considéré comme l’une des caractéristiques constitutives de l’œuvre d’art. Par un glissement de sens plus ou moins implicite, le constat d’une production « de masse » s’est mué auprès des érudits en la conviction qu’il s’agirait d’une production « pour les masses », c’est-à-dire pour les couches sociales inférieures, voire, pour certains chercheurs comme Walter Leo Hildburgh, des produits d’un art populaire3.

Bien des particularités des œuvres anglaises furent alors interprétées au prisme de ce filtre, plus ou moins dépréciatif. Ainsi, les auteurs des albâtres ne sont généralement pas considérés comme des sculpteurs, mais désignés par les termes de « tailleur d’images »,

imagemakers, carvers ou alabastermen. Autrement dit, il ne s’agirait pas d’artistes, mais

d’artisans parfois qualifiés de malhabiles4. La valeur marchande des panneaux, souvent

peu élevée, est considérée comme la principale raison de leur large diffusion. La présence

La standardisation comme

garant du succès commercial ? 

Les albâtres anglais

de la fin du Moyen Âge

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180 PERSPECTIVE / 2019 – 2 / Multiples

de couches de peinture qui couvrent régulièrement ces panneaux a été « expliquée » par le fait qu’elle devait cacher les défauts de la sculpture ou ceux de la matière première5 ;

d’autres érudits y virent une concession au goût « populaire » pour les couleurs vives6.

Selon une curieuse inversion du raisonnement, les panneaux d’albâtre montrant une qualité artistique élevée – considérée comme incompatible avec leur mode de production industrielle – furent déclarés comme n’étant pas d’origine anglaise7. Ce n’est que dans

les ouvrages les plus récents, comme celui de Kim Woods, qui embrasse l’ensemble des œuvres d’albâtre de la fin du Moyen Âge dans un cadre géographique européen, qu’une vision quelque peu différente de ces œuvres si particulières commence à s’instaurer8.

Cette perception des albâtres dans la littérature scientifique – un art industriel à bas prix, conçu pour une large diffusion – doit sa genèse à une constellation historiogra-phique assez particulière. Suite à la destruction massive des images religieuses pendant la Réforme anglaise, l’origine géographique des panneaux avait en effet longtemps été oubliée. Ce n’est que peu avant 1900 que des érudits anglais redécouvrirent ce pan de leur passé grâce à l’exploitation de documents écrits9. Les panneaux furent alors

systématiquement recensés par des érudits anglo-saxons, soucieux de retrouver sur le Continent une partie de leur patrimoine culturel médiéval. Les Anglais Philip Nelson, William Burrell ou l’Américain Walter Leo Hildburgh y achetèrent ainsi beaucoup de panneaux pour constituer d’importantes collections, Nelson et Hildburgh développant d’ailleurs aussi une importante activité de publication sur ces œuvres10. Toutefois, à

l’occasion de ces acquisitions (ou peut-être déjà auparavant), on perdit la trace des contextes de création, des informations relatives aux commanditaires ou aux datations, des lieux de conservation précédents de ces œuvres. En outre, ces collections comportent pour l’essentiel des panneaux isolés, arrachés le plus souvent aux ensembles dont ils faisaient initialement partie. Les grands ouvrages de référence, notamment ceux de Francis Cheetham, qui classent les panneaux par sujets iconographiques, perpétuent par-là l’artificialité de la reconstitution opérée par de telles collections11.

Une clientèle diversifiée

Il existe certes de solides preuves qui attestent la fabrication à grande échelle des albâtres, ainsi que le caractère abordable de leurs prix. L’information probablement la plus signifi-cative en ce sens ressort d’une action en justice datant de 1491, lors de laquelle l’albâtrier Nicholas Hill réclame à son revendeur Guillaume Bott le paiement de cinquante-huit panneaux, tous représentant le chef de saint Jean-Baptiste sur un plat12 (fig. 1). Un

autre marchand anglais avait exporté par bateau en une seule fois trente de ces têtes de saint Jean13. Comme peuvent l’illustrer les trois exemplaires de la Burrell Collection à

Glasgow, ces chefs du Baptiste étaient présentés dans de petits écrins en bois, dotés de volets ouvrants ornés de peintures. Il s’agit d’œuvres destinées à la dévotion privée, et leur valeur marchande était souvent modique14. Il me paraît néanmoins important de

se garder de conclusions hâtives. Ces œuvres n’étaient pas exclusivement destinées aux couches sociales inférieures. Le roi anglais Henri VIII possédait « une table en albâtre avec l’image de St Jean-Baptiste », tout comme par exemple John Asfordby, châtelain du manoir d’Asfordby à Billsby (Lincolnshire)15. Ces têtes de saint Jean-Baptiste montrent

en effet – peut-être plus encore que d’autres sujets représentés par les albâtriers anglais – de très grandes différences de qualité, et présentent des polychromies rendues grâce à des matériaux plus ou moins onéreux (comme la chevelure simplement peinte ou bien dorée à la feuille). Ces différences de facture constituent à l’évidence des adaptations aux diverses exigences et pouvoirs d’achat de clients très variés.

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181 Essais

Les panneaux isolés – tels que les têtes de saint Jean-Baptiste – ne constituaient certainement pas la majorité de la production – ce que l’actuelle dispersion des œuvres aurait tendance à laisser croire. En effet, les plaques étaient généralement

regroupées sous forme de retables, dont plus d’une centaine – plus ou moins complets – sont aujourd’hui connus16. Ces retables, le plus souvent dédiés à la Passion du Christ ou bien

aux Joies de la Vierge, comportaient au moins cinq scènes narratives et deux panneaux aux extrémités représentant chacun un saint en pied (fig. 2). Certains étaient beaucoup

plus imposants. Le retable conservé au musée d’art et d’archéologie Antoine-Vivenel à Compiègne compte par exemple dix (initialement treize ?) scènes narrant la Passion, quatre (grands) saints et seize petites statuettes, ainsi que dix dais ajourés en albâtre. De telles œuvres n’étaient bien sûr pas destinées à la dévotion privée, mais placées sur un autel d’église. Leur prix était nettement plus élevé, quoique difficile à déterminer aujourd’hui avec certitude. Si Francis Cheetham chiffrait à environ une livre le prix d’un retable17,

nous disposons aussi de sources selon lesquelles il fallait compter une dizaine de livres ou plus – sans parler ici du montant exceptionnellement élevé de 300 marks (ou environ 200 livres) pour le retable de l’autel majeur de la chapelle Saint-Georges du château royal de Windsor18. Les sommes réclamées en 1481 par les albâtriers Robert Bocher de Bochur et

Gilbert Twyst, à savoir 11 livres à l’abbé de Saint Albans, 10 livres au prieur de Holy Trinity à Wallingford, et plus de 5 livres au gardien de l’hôpital de Newbury, se référaient sans doute à des retables non encore payés par ces institutions19. En 1505, Sir John Gilliot prévoyait

1. Tête de saint Jean-Baptiste dans son écrin

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182 PERSPECTIVE / 2019 – 2 / Multiples

dans son testament un legs de 5 marks pour l’achat d’un retable destiné à l’église Saint-Sauveur de York. En 1523, les marguilliers de Leverton (Lincolnshire) dépensèrent plus de 10 livres pour un retable, le rideau destiné à le voiler et les grilles en fer qui l’entouraient20. En 1554/1555, les deux retables

d’Anglesqueville-la-Bras-Long (Seine-Maritime) furent achetés au prix de 40 livres21.

En se fondant sur les prix modiques des albâtres d’une part et de l’autre sur les informations contenues dans un certain nombre d’inventaires après dissolution des établissements religieux anglais, les érudits conclurent à une diffusion très large de ces objets. Selon l’estimation de Nigel Ramsay, par exemple, chaque chapelle, église paroissiale et église monastique en Angleterre – c’est-à-dire environ 10 000 lieux de culte – et beaucoup de laïcs possédaient probablement une ou plusieurs de ces œuvres22.

S’appuyant sur cette omniprésence des albâtres, même dans les établissements religieux modestes, les chercheurs, étudiant les retables et panneaux anglais exportés dans d’autres pays européens, en retinrent l’idée que ces œuvres furent achetées tout d’abord par des clients peu fortunés. Un certain nombre de données vont toutefois à l’encontre de cette idée, ou du moins la nuancent.

Le cas de Bordeaux nous paraît à cet égard révélateur. La capitale gasconne fut en effet la seule ville « anglaise » – elle le fut jusqu’en 1453 – de quelque importance qui échappa, du fait de sa situation géographique, à la destruction des images religieuses provoquées par la Réforme anglicane. Au sein de la ville, la plus grande concentration d’albâtres se trouve dans l’église Saint-Seurin : on y décompte deux statues de la Vierge à l’Enfant, un retable de la Vierge composé de douze panneaux ainsi que les vies des saints locaux Martial et Seurin narrées en quatorze panneaux. L’ancienne collégiale bordelaise est tout sauf une église d’importance secondaire. Berceau du christianisme bordelais et plus largement aquitain, elle revendiquait, tout au long du Moyen Âge et de l’époque moderne, d’avoir été la première cathédrale de la ville. Et de fait, le chapitre de Saint-Seurin réussit à obtenir en certaines occasions la préséance sur les chapitres cathédraux des neuf diocèses suffragants du siège bordelais23.

La cathédrale de Bordeaux conserve encore, elle aussi, quelques œuvres en albâtre. Il s’agit de deux statues d’applique de plus d’un mètre de haut – un saint Martial et une Vierge à l’Enfant –, ainsi que de deux panneaux – une Assomption et une Résurrection – qui, compte tenu de leur date d’exécution et de la divergence de leur iconographie, ne purent que faire initialement partie de deux retables distincts. Enfin, l’église Saint-Michel abrite

2 Swansea altarpiece, représentant les Joies

de la Vierge (Annonciation, Adoration des Mages, Trône de Grâce, Ascension et Couronnement de la Vierge), 1460-1490 (?), Londres, Victoria and Albert Museum, inv. A.89-1919.

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183 Essais

également des albâtres anglais, en l’occurrence un retable composé de sept panneaux narratifs et de deux statuettes latérales24. L’opulente église paroissiale accueillait la riche

bourgeoisie commerçante de la ville, dont l’ambition s’incarne notamment dans l’imposant clocher, qui dépasse très nettement en hauteur les tours de la cathédrale. Les œuvres des alabastermen anglais se concentrent donc dans les trois églises les plus importantes de Bordeaux ; la dizaine d’autres églises paroissiales que comptait la ville au Moyen Âge, ainsi que les églises conventuelles, n’en conservent en revanche aucune.

L’exemple bordelais est loin d’être isolé. De nombreux retables ou panneaux se trouvent (ou se trouvaient) en effet dans des établissements religieux majeurs. On songe ainsi aux albâtres des cathédrales espagnoles de Saint-Jacques-de-Compostelle, de l’Assomption à Mondoñedo25 et Santa Maria la Vieja à Carthagène. Selon Zuleika Murat, certains des

panneaux conservés en Italie proviendraient des cathédrales de Trévise, de Savona et de Gênes26. Le retable du Bode Museum, à Berlin, aurait initialement appartenu à l’abbaye

de Cluny27. Sainte-Marie de Gdansk, la grande église paroissiale de cette florissante ville

hanséatique, abritait quant à elle deux retables, ainsi que plusieurs statues et groupes sculptés28. La cathédrale de Hólar en Islande, qui possédait un retable (aujourd’hui au

Musée national d’Islande à Reykjavik), fut un important centre d’études au Moyen Âge. Deux autres retables islandais se trouvaient dans des monastères bénédictins importants, à savoir MunkaÞverá et Þingeyrar29. Le grand retable de la Passion aujourd’hui conservé à

Compiègne provient de l’église parisienne Saint-Germain-l’Auxerrois, l’église paroissiale des rois de France depuis le xive siècle30. Le retable de La Selle (aujourd’hui au musée

d’Art, Histoire et Archéologie d’Évreux) se serait initialement trouvé à l’abbaye bénédictine Saint-Sauveur d’Évreux31. L’un des deux retables d’Yssac-la-Tourette est timbré des armes

de l’abbaye Saint-Amable de Riom32.

Même si nous ignorons l’identité de la plupart des commanditaires, certains au moins appartenaient aux couches sociales supérieures, c’est-à-dire à l’aristocratie ou au haut clergé. Ce constat ne s’applique pas uniquement aux œuvres du xive siècle – réputées pour

leur qualité élevée –, mais aussi à celles des xve et xvie siècles, considérées couramment

comme des produits industriels réalisés par des artisans plus ou moins habiles. Rappelons à ce propos l’image de saint Jean que possédait Henri VIII selon un inventaire dressé en 1540. Un faisceau d’indices plaide en faveur de l’idée que divers albâtres de la région bordelaise ont été acquis et offerts par l’archevêque Pey Berland (mort en 1456), l’une des grandes figures du clergé du Sud-Ouest de la France à la fin du Moyen Âge33. En

1442, le prieur de Modbury (Devon) avait commandé un retable pour l’envoyer à sa maison mère, l’abbaye Saint-Pierre-sur-Dives (Calvados)34. Plusieurs des grands retables

conservés en Italie semblent avoir été acquis, probablement pendant la seconde moitié du xve siècle, par de grandes cours princières de la péninsule, telles que celles des Visconti

à Milan35, des d’Este à Ferrare36 ou des Anjou-Durazzo à Naples37. Aux alentours de

1461, Diego García de Moldes, membre d’une importante famille asturienne, commanda un retable de la Vierge pour sa chapelle privée à Castropol38.

Aussi incomplète soit-elle, cette énumération d’établissements importants et de comman ditaires hauts placés invite à relativiser la vision des albâtres anglais en tant que produits destinés principalement aux couches sociales inférieures. On pourrait d’ailleurs aussi évoquer ici les tombeaux de l’aristocratie anglaise, dont les petites statuettes ornant les sarcophages (appelées weepers ou « pleurants ») peuvent ressembler très fortement, du point de vue stylistique, aux personnages peuplant les retables, tels que les apôtres du tombeau de Sir Richard Vernon à Tong (Shropshire), mort en 1451. Ces exemples attestent clairement que les panneaux des albâtriers, caractérisés par la stylisation si particulière de leurs personnages, plaisaient aussi aux membres de l’aristocratie et du clergé supérieur.

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184 PERSPECTIVE / 2019 – 2 / Multiples

La standardisation en tant que raison

du succès commercial ?

Reste à savoir quelles pouvaient être les raisons de ce succès, même auprès des couches supérieures de la société. Pour ce type de clientèle, le coût modique – souvent invoqué afin d’expliquer cette large diffusion39 –, ne constituait certainement pas le critère déterminant

pour leur acquisition.

Parmi les facteurs qui ont dû inciter les clients à se tourner vers ces œuvres, figure sans doute le matériau dans lequel elles furent taillées. Nous savons en effet que, même s’il n’était peut-être pas particulièrement cher, l’albâtre anglais était très apprécié et recherché. En témoigne par exemple Raphael Holinshed (vers 1525 – 1580 ?) qui écrit dans ses Chroniques : « Si l’on ne se sert pas du marbre, alors nous avons l’albâtre le plus fin que l’on pourra trouver, comme celui de Saint David’s au pays de Galles, aussi près de Beaumanor, qui se trouve à quatre ou cinq miles de Leicester, et qui est reputé comme étant le meilleur40. »

Contrairement à ce que pourrait suggérer cette citation, l’albâtre n’a pas été considéré comme un substitut économique du marbre. À la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, en effet, les termes de « marbre » et d’« albâtre » ont été utilisés indistinctement et ont souvent été confondus. John Leland note ainsi que la ville de Burton-on-Trent comptait « de nombreux marbriers qui travaillaient l’albâtre » (compte tenu de l’absence de marbre en Angleterre, Leland désignait nécessairement des albâtriers). Le contrat, dressé en 1508, pour la tombe d’Henry Foljambe prévoyait une réalisation en marbre, alors qu’en réalité, elle a été taillée dans de l’albâtre41. Inversement, le sculpteur Evrard d’Orléans s’était

engagé, en 1341, à tailler une Vierge à l’Enfant en albâtre, quand la pierre utilisée pour la statue s’est révélée être du marbre42. Ce qui rapprochait les deux types de pierre n’était pas

leurs natures géologiques – bien entendu très différentes – mais leur blancheur éclatante et immaculée ainsi que leur capacité à être polie et à réfléchir la lumière.

Selon plusieurs témoignages concordants, l’albâtre a même été davantage estimé que le marbre. Kim Woods conclut ainsi à propos de trois commandes princières majeures de la fin du Moyen Âge : « S’il a existé une hiérarchie entre les matériaux, c’est l’albâtre qui fut sans doute privilégié et non pas le marbre43. » Cette préférence pour l’albâtre ressort

aussi de certains textes italiens. Giovan Battista Bolvito note ainsi dans son Registrum ad

annum 1585 à propos des sculptures de l’ambon de la cathédrale de Ravello : « elles [ont

été taillées dans] un marbre d’une blancheur et d’une finesse si merveilleuses qu’on n’arrive guère à le distinguer du vrai albâtre44 ».

Si les qualités du matériau étaient certes recherchées, elles ne sont pas pour autant à même d’expliquer le succès des œuvres anglaises, du moins pas à elles seules. Leur facture considérée souvent comme sommaire, leur caractère stéréotypé et leur conservatisme inhabituel semblent en effet s’opposer aux critères que nous jugeons généralement aujourd’hui déterminants pour des œuvres destinées (aussi) aux élites, telles que l’origi-nalité et la modernité stylistique. Si les albâtres anglais connurent néanmoins un succès commercial inégalé même par rapport à celui d’autres œuvres « produites en masse », et s’ils furent exportés jusqu’au Portugal et jusqu’à la Pologne actuelle, en Islande, en Italie du Sud et en Dalmatie, ne faut-il pas en déduire que leur standardisation et leur conservatisme stylistique furent précisément les garants de ce succès ?

Comme nous allons le voir, plusieurs indices plaident en faveur de l’idée selon laquelle l’aspect homogène des œuvres – qu’assurèrent la standardisation et le conservatisme – fut sciemment recherché par les albâtriers. Compte tenu des conditions de production de ces œuvres, cette homogénéité n’allait en effet pas de soi, loin s’en faut. Nous savons ainsi que les panneaux ont été réalisés dans des ateliers différents, dispersés sur une vaste aire géographique. On connaît des albâtriers à Chellaston, à Burton-on-Trent,

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185 Essais

à Nottingham, à York, à Londres, à Leicester, à Lincoln et même sur l’île Thanet, peut-être aussi à Norwich, à Bristol et à Pool45. En outre, plusieurs générations de sculpteurs se

sont succédé durant presque deux cents ans pour produire ces œuvres. Et pourtant, elles résistent, aujourd’hui encore, à la plupart des tentatives de les dater avec précision – bon nombre des panneaux de la collection du Victoria and Albert Museum sont ainsi attribués à un bien vague « 15th century » –, ou à celle de déterminer des particularités formelles qui permettraient de localiser leur lieu de production46. Parmi les nombreux traits qui

assurent cette homogénéité surprenante de la production – en dépit de la dispersion géographique et de la longévité des ateliers –, figurent la standardisation des dimensions des panneaux et de la composition des scènes, le recours systématique au haut-relief et à un canon de proportions des personnages très allongé, et enfin l’uniformisation dans la façon de colorer les œuvres.

En ce qui concerne les dimensions des panneaux représentant des scènes narratives, elles s’établissent généralement autour d’une quarantaine de centimètres de haut pour un peu plus de 25 cm de large ; à l’exception de certaines scènes, que l’on considère comme les plus anciennes, les plaques ont toujours été utilisées dans le sens vertical. Aucune raison contraignante n’obligeait pourtant les nombreux alabastermen des différents centres de production à toujours utiliser des panneaux de cette taille. Même les retables les plus tardifs intègrent, pour le tableau central, des dalles nettement plus grandes – ce qui montre que des formats plus importants étaient disponibles tout au long de la période de production. En tout état de cause, les coffres des tombeaux d’albâtre de l’aristocratie anglaise requéraient des blocs plus larges encore.

Il est d’ailleurs peu probable que cette standardisation des dimensions trouve son explication dans une pure logique de rentabilité productiviste, en l’occurrence la réuti-lisation d’un même carton ou modèle pour un grand nombre de panneaux. Malgré leur format presque identique, en effet, les panneaux présentent des variations de plusieurs centimètres. Compte tenu de l’habitude des sculpteurs à remplir l’espace disponible jusqu’à la périphérie extrême des dalles, ces différences de dimension – aussi faibles soient-elles – interdisent le plus souvent la réutilisation pure et simple d’un même carton ; il fallait donc chaque fois corriger la répartition des personnages afin de l’adapter au nouveau format. Or, à partir du moment où une telle correction était inévitable, l’adaptation de la composition à des formats plus variés n’aurait sans doute pas augmenté le temps de travail de manière notable. Comme le montrent deux panneaux très similaires du

Couronnement de la Vierge, cette adaptation à des formats très différents ne posait d’ailleurs

pas de difficultés aux albâtriers : alors que l’exemplaire du Barber Institute of Fine Arts mesure 103 cm de haut, celui de Saint-Seurin, à Bordeaux, n’en compte, comme le plus souvent, que 42 cm. Les deux panneaux présentent non seulement des dimensions fort différentes, mais aussi une composition réadaptée en fonction des proportions plus allongées de la dalle de Birmingham : les deux personnages principaux y sont beaucoup plus proches l’un de l’autre que sur celui de Bordeaux (fig 3a et c).

Les panneaux narratifs anglais ne se distinguent pas seulement par la standardisation de leurs dimensions, mais aussi par celle de la composition des scènes et des personnages. Francis Cheetham a ainsi pu recenser plus d’une centaine d’exemplaires représentant des épisodes de la Passion du Christ ou faisant partie des Joies de la Vierge47. À titre d’exemple,

on pourrait évoquer les nombreux panneaux représentant la flagellation du Christ, qui montrent en effet presque tous des similitudes très frappantes.

Comme le montre le contre-exemple du Couronnement de la Vierge, le caractère répétitif d’un grand nombre de panneaux ne peut toutefois pas être imputé à une incapacité supposée des tailleurs d’image à s’affranchir de leurs habitudes ou à modifier les schémas

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187 Essais

de composition de leurs scènes48. Les différents exemplaires

représentant cette scène présentent en effet de multiples variantes. Sur les panneaux réputés les plus anciens, la Vierge est agenouillée devant le Christ trônant. Un peu plus tard, la Vierge est assise avec le Christ sur un trône commun (fig. 3a et c). Sur les panneaux postérieurs,

la Vierge trônant occupe le centre de l’image ; elle est couronnée par les trois personnes de la Trinité. La couronne de la Vierge est simple sur certains albâtres, mais prend le plus souvent la forme d’une tiare à trois couronnes surmontées d’une croix. Les trois personnages divins sont eux aussi représentés de manière diverse. Sur la plupart des panneaux, ils apparaissent sous la forme de trois hommes barbus identiques, mais le Saint-Esprit prend sur certains l’apparence d’une colombe (fig. 3b). Ils portent parfois

des couronnes simples, plus souvent des tiares à triple couronne. Tantôt, la tiare du Christ s’orne de la couronne d’épines et de deux couronnes royales, tantôt ce sont trois couronnes d’épines qui se superposent. Les personnages divins peuvent être assis sur de véritables trônes, ou – plus fréquemment – sur de simples piédestaux, voire des culots, etc. On notera que les modifications relatives à la

composi-tion du Couronnement de la Vierge reflètent d’importants changements d’ordre théologique. Au cours du temps, la Vierge incarne en effet de plus en plus explicitement l’Église, elle-même associée – par le biais de la tiare – à son chef, le pape ; elle occupe progressivement le premier plan, alors que les personnages divins, au deuxième plan, perdent en importance. Compte tenu des implications théologiques profondes que représentent les différentes variantes de la scène, elles ne peuvent avoir dépendu de la seule initiative des tailleurs d’images ; des clercs possédant une solide formation doctrinale ont dû les inciter à élaborer ces nouvelles formulations du thème. À l’inverse, le motif iconographique de la Flagellation ne semble pas avoir connu de telles modifications relatives à sa signification au sein de la doctrine chrétienne. Invariablement, elle illustre les premières douleurs physiques que le Christ innocent a injustement subies dans le cadre du plan de Salut de l’humanité conçu par Dieu. Bien qu’ils aient donc été parfaitement capables d’élaborer des compositions diversifiées, les albâtriers anglais ne recherchaient pas cette

varietas pour elle-même, mais semblent avoir préféré – en

l’absence de contraintes d’ordre doctrinal – maintenir l’aspect uniforme de leur production.

Dans certains cas, la standardisation des compositions a pu être poussée jusqu’à la réalisation de véritables copies. En témoignent par exemple trois panneaux de la

Résurrection, dont deux sont conservés au musée de Cluny,

l’autre au musée des Antiquités de Rouen (fig. 4a-c). Si

3a. Couronnement de la Vierge,

fin du xive ou début du xve siècle,

Birmingham, The Barber Institute of Fine Arts.

3b. Couronnement de la Vierge, fin du xve

ou début du xvie siècle, retable de

la chapelle Saint-Joseph, Bordeaux, Saint-Michel.

3c. Couronnement de la Vierge,

vers 1440, retable de la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose, Bordeaux, Saint-Seurin.

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188 PERSPECTIVE / 2019 – 2 / Multiples

la posture et la position des membres, de même que les attributs du Christ, sont communs à la plupart des Résurrections anglaises, ces trois panneaux montrent en outre les quatre soldats disposés aux mêmes endroits de la scène, dans les mêmes positions, dotés des mêmes armes et revêtus des mêmes armures. Seul l’ange qui, sur l’un des panneaux parisiens, remplace l’arbre figurant sur les deux autres, déroge à cette similitude par ailleurs parfaite.

Pour pouvoir aboutir à des reproductions aussi précises, les sculpteurs de ces panneaux – ils étaient probablement plusieurs, comme le suggèrent les différences stylistiques dans le traitement des visages – ont dû disposer d’un modèle commun en fixant les moindres détails. Mais c’est l’étendue même des parallèles et la précision de ces copies qui montrent, a contrario, que l’immense majorité des panneaux (conservés) n’ont pas été exécutés à l’aide d’un patron précis destiné à produire des copies multiples. De la cinquantaine de Flagellations que j’ai pu examiner, de visu ou à partir de reproductions, aucune ne possède en effet un jumeau véritable. Toutes ont certes recours aux mêmes éléments : le Christ au centre, attachée à la colonne ; les quatre bourreaux disposés deux à deux de part et d’autre de Jésus, l’un placé au premier plan, l’autre à l’arrière-plan. Mais par quels intermédiaires ce canevas général fut-il transmis, disons, des ateliers de Nottingham à ceux d’York, et entre les sculpteurs travaillant au début du xve siècle et

leurs collègues œuvrant un siècle plus tard ? De nouveau, c’est l’invariance de la formule iconographique dans le temps long et à travers de grandes distances qui interroge. La probabilité de voir surgir de nouvelles formules n’est-elle pas nettement supérieure à celle de voir l’ensemble de la production se conformer à un même type ?

Enfin, la polychromie des albâtres révèle, elle aussi, de fortes similitudes d’un panneau à l’autre. Les albâtres anglais ont en effet été peints systématiquement, et on peut même affirmer que le travail du sculpteur a été réalisé en fonction de l’apport coloré que ceux-ci devaient recevoir. Le traitement des yeux l’illustre clairement : le sculpteur, qui n’indiquait

4a. Résurrection du Christ, xve siècle, haut-relief,

albâtre, traces de peinture, Paris,

Musée national du Moyen Âge – thermes de Cluny, inv. Cl 19327.

4b. Résurrection du Christ, xve siècle, Rouen,

Musée des Antiquités, inv. R. 90.4.

4c. Résurrection du Christ, xve siècle, haut-relief,

albâtre, Paris, Musée national

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189 Essais

presque jamais les iris, les pupilles ni même les paupières, se contentait de dégager deux protubérances globuleuses ; il revenait ensuite au peintre de conférer aux personnages leur regard (fig. 5).

Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, la manière de distribuer les couleurs sur les différents éléments du panneau ne relevait pas du libre choix du peintre. Bien au contraire, la polychromie respecte presque toujours un certain nombre de principes qui codifient les usages, respectés par tous. La palette chromatique est restreinte et se compose de tons vifs : du rouge (pigments utilisés : cinabre et minium), du bleu (indigo ou azurite), du vert (résinate de cuivre) ; il convient d’y ajouter la dorure à la feuille. Le noir (carbone), le blanc (blanc de plomb) et le marron (ocre) n’ont été utilisés que de façon parcimonieuse, alors que le jaune, l’orange, le gris et le violet ne sont représentés que de façon excep-tionnelle, voire pas du tout49. Les tons pastel ou les couleurs

obtenues à partir d’un mélange de pigments sont eux aussi très rares, à l’exception du rose, utilisé pour certaines carnations et parfois une partie de l’arrière-plan.

La manière de distribuer ces couleurs est elle aussi forte-ment standardisée50. Dans tous les cas, la blancheur, luisante

et laiteuse, de l’albâtre poli reste dominante. Elle a été affectée à tous les avers des vêtements, comme d’ailleurs aux armures

des soldats. Les ourlets des vêtements sont systématiquement dotés de lisérés dorés. Les doublures, quant à elles, sont tout aussi régulièrement peintes en rouge monochrome, plus rarement en bleu (fig. 6). Les cheveux et barbes des saints sont dorés à la feuille, tandis

que ceux des personnages au caractère négatif sont peints en noir ou, plus rarement, en marron. Les carnations des premiers sont laissées en blanc (albâtre), alors que celles des seconds apparaissent en rose ou marron. Les fonds ont été systématiquement peints en vert dans la partie basse ; dans la partie supérieure, ils sont recouverts de feuilles d’or.

La palette chromatique restreinte composée de tons francs, la manière de distribuer les couleurs et la prééminence du matériau blanc et brillant qui caractérisent la polychromie des panneaux n’ont pas été inventées par les albâtriers anglais. On retrouve les mêmes traits saillants sur bon nombre d’ivoires parisiens de la première moitié du xive siècle,

mais aussi, du moins en grande partie, sur certaines œuvres plus précoces, comme la

Virgen Blanca de la cathédrale de Tolède (vers 1270) ou le Portail royal de la cathédrale de

Bordeaux (peu après 1250). Les émaux sur ronde-bosse d’or si appréciés aux alentours de 1400 témoignent d’une prédilection pour les couleurs brillantes (notamment le « rouge clere »), les chevelures dorées et les visages blancs, qui rappellent eux aussi l’esthétique de la polychromie des albâtres anglais. Cette dernière n’a donc rien de spécifiquement « populaire », mais reproduit au contraire des schémas élaborés pour des œuvres d’art commanditées par les élites.

Ce qui distingue les albâtres anglais, en revanche, c’est le caractère apparemment immuable de ce schéma décoratif – alors qu’au xve siècle, bien d’autres manières de

mettre en couleur la sculpture existaient. De nouveau, ce sont la permanence et le caractère exclusif de ce parti pris esthétique qui interrogent : comment ce schéma a-t-il pu être reproduit sur un laps de temps aussi long, et au sein d’ateliers aussi dispersés du point de vue géographique ?

5. Couronnement de la Vierge, détail : visage

du Christ, xve siècle, haut-relief, albâtre, traces de

peinture et de dorure, Paris, Musée national du Moyen Âge – thermes de Cluny, inv. Cl 19337.

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190 PERSPECTIVE / 2019 – 2 / Multiples

Un dernier exemple peut illustrer cette permanence étonnante des mêmes usages, qui paraît avoir été délibéré-ment recherchée. Il s’agit du daisy pattern, si particulier aux albâtres anglais. L’expression désigne les fleurs fortement stylisées, composées d’un point rouge entouré de cinq ou six points blancs, qui animent régulièrement les fonds verts des panneaux (fig. 7). À ma connaissance, ce motif

apparaît sur l’ensemble des panneaux anglais, c’est-à-dire sur plusieurs centaines d’œuvres (dont la polychromie est suffisamment bien conservée) réalisées pendant une période couvrant plus d’un siècle et demi. Il va sans dire que même l’artisan le plus malhabile aurait pu inventer une autre façon de décorer les sols. Si aucun des peintres ne semble s’être résolu à abandonner ce motif51, il convient

d’en conclure, à mon sens, qu’il a dû exister une volonté commune, partagée par l’ensemble des albâtriers, de perpétuer délibérément ce décor. Avouons que les rai-sons ayant conduit à cette uniformisation n’apparaissent pas très clairement : s’agissait-il de créer une « marque de fabrique » afin de se distinguer d’autres productions artistiques, comme l’a proposé Kim Woods52, ou bien les

albâtriers cherchaient-ils à éviter ainsi une concurrence inutile entre les ateliers ?

Les nombreux points de standardisation constatés – les dimensions des panneaux narratifs, le dégagement des sculptures en haut-relief, l’invariance de la composition des scènes, l’emploi d’une palette chromatique restreinte ainsi que l’utilisation codifiée des couleurs – bridaient certes l’inventivité des sculpteurs anglais. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille les considérer comme des artisans soumis à un système de production « industriel ». L’uniformisation de la production ne semble pas, en effet, résulter d’une sorte de taylorisme ou de fordisme avant l’heure, qui aurait contraint les albâtriers à répéter inlassablement les mêmes gestes. Jusqu’à présent, nous n’avons pas pu déceler d’indices probants en faveur d’une spécialisation marquée des albâtriers. Rien ne semble indiquer – ou du moins cela n’a-t-il pas encore pu être démontré – qu’un sculpteur donné aurait exclusivement produit des Flagellations, ou qu’un tailleur d’images peu qualifié aurait uniquement exécuté les fonds, tandis qu’un maître expérimenté aurait élaboré les visages. Il est même difficile de prouver qu’il existait un partage du travail entre les peintres en charge

6. Jacques le Majeur, panneau provenant du Retable de la Passion

de Notre-Dame-du-Bourg de Rabastens, xve siècle, haut-relief, albâtre,

peinture, Toulouse, musée des Augustins, inv. 61 6 9.

7. Résurrection des chairs, détail : fleurettes sur fond vert (daisy pattern),

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191 Essais

de la polychromie et les sculpteurs. Bien loin de là, les quelques indications contenues dans les sources écrites à ce propos tendent à montrer le contraire. D’après un document daté de 1482-1483, par exemple, l’alabasterman Walter Hilton avait peint l’écrin d’une statue de saint Philippe. En 1491, le « tailleur d’images » (image-maker) Nicolas Hill avait peint et doré deux panneaux d’albâtre. En 1530, un autre albâtrier, John Cottingham, avait été chargé de peindre un chef de saint Jean-Baptiste53.

Aussi conviendrait-il probablement davantage d’imaginer une organisation du travail similaire à celle des « ateliers de sculpteurs » qui, au xiiie siècle notamment, réalisèrent

les vastes programmes des portails gothiques : il revenait au maître principal d’élaborer un style particulier – le plus souvent différent de celui adopté par les sculpteurs d’autres portails – que tous ses collaborateurs se devaient ensuite de suivre. On pourrait aussi songer aux grands ateliers des sculpteurs sur bois du Sud de l’Allemagne, tels que celui de Tilman Riemenschneider. Les œuvres issues de son atelier portent une marque de fabrique très spécifique, qu’incarnent notamment ses types de visages, alors que l’abondance de la production qu’on lui attribue n’a pu être réalisée que par le recours à une multitude de collaborateurs. Il est vrai que ces comparaisons se réfèrent à un seul et même atelier, tandis que les albâtres anglais ont apparemment été réalisés au sein d’une multitude d’ateliers dispersés géographiquement. On peut se demander alors quelle « instance centrale » aurait pu faire le lien entre ces entités indépendantes afin de veiller à l’homogénéité formelle et chromatique de la production. Les sources ne semblent fournir aucune indication relative à l’existence d’une telle structure. Ces quelques remarques me semblent démontrer que les albâtres anglais de la fin du Moyen Âge méritent d’être étudiés sous d’autres aspects que ceux de leur production « industrielle » et de leur immense succès commercial. Le fait qu’ils furent appréciés aussi par une clientèle fortunée, issue du haut clergé comme de l’aristocratie, bat en brèche l’idée selon laquelle ces panneaux étaient avant tout destinés au plus grand nombre, et qu’ils furent produits en série par des artisans médiocres et conservateurs. Leur observation attentive permet de déceler d’importantes différences relatives à la qualité artistique des œuvres. Il conviendrait de les étudier plus systématiquement, tout comme l’évolution de l’iconographie des différentes scènes représentées. Le croisement de ces données permettra sans doute de constituer une grille de datation plus satisfaisante que celle, élaborée au début du xxe siècle par Edward S. Prior et Arthur Gardner, qui a encore cours de nos

jours et reste largement tributaire du modèle biologiste, aujourd’hui abandonné, de croissance, de floraison et de (long) flétrissement. Le principal défi posé par ces œuvres reste toutefois lié au fait qu’il est très difficile de trouver des explications plausibles à leur succès paneuropéen. Leur mode de représentation apparemment « naïf », qu’incarne si bien le daisy pattern, leur conservatisme formel délibéré et leur mise en couleur tournant le dos à toute tentative de réalisme semblent en effet constituer autant de facteurs qui, du point de vue de l’actuelle conception progressiste de l’histoire, auraient dû s’y opposer.

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192 PERSPECTIVE / 2019 – 2 / Multiples Markus Schlicht

Markus Schlicht est chargé de recherche au CNRS, affecté d’abord au Centre d’études supérieures de civilisation médiévale à Poitiers (2003-2015), puis à l’institut Ausonius de Bordeaux (UMR 5607). Il a publié de nombreuses études sur l’architecture, la sculpture et la polychromie des derniers siècles du Moyen Âge en France.

NOTES

1. Les recherches pour cette contribution ont été menées dans le cadre du programme LabEx Sciences archéo-logiques de Bordeaux (ANR-10-LABX-52), intitulé « Albâtres : polychromie, pigments, perception », que l’auteur codirige avec Aurélie Mounier, Ingénieure de recherche au Centre de recherche en physique appli-quée à l’archéologie (IRAMAT-CRP2A, UMR 5060, CNRS-Université de Bordeaux Montaigne). Un grand merci à Yves Blomme pour la relecture de ce texte. 2. Abbé Bouillet, « La fabrication industrielle des retables d’albâtre (xive-xve siècles) », dans Bulletin monumental, no 65, 1901, p. 45-62 ; l’auteur ignore encore l’origine anglaise de ces retables.

3. Voir Walter Leo Hildburgh, « English Alabaster Carvings as Records of the Medieval Religious Drama », dans Archaeologia, no XCIII, 1949, p. 51-101, en part. p. 52 : « their art was […] a people’s art; not an art, like that of the goldsmith, of the illuminator of manuscripts, or of the embroiderer, designed rather for appeal to wealthy noble or to richly endowed abbey ». Voir aussi Terence Hodgkinson, « A Collection of English Alabasters », dans The Burlington Magazine, vol. 88, no 525, 1946, p. 292-296, en part. p. 295 : « They were carved by humble men and they appealed perhaps especially to similarly humble worshippers. »

4. Ainsi par exemple Christiane Prigent, Les sculptures anglaises d’albâtre au Musée national du Moyen Âge – Thermes de Cluny, Paris, Réunion des musées natio-naux, 1998, p. 13.

5. Voir par exemple Jacques Gardelles, « L’apport anglais : les albâtres », dans Sculpture médiévale de Bordeaux et du Bordelais, cat. exp. (Bordeaux, musée d’Aquitaine, 1976-1977), Bordeaux, musée d’Aquitaine, 1976, p. 181-217, notamment p. 181-182. Prigent, 1998, cité n. 4, p. 36.

6. A. Rostand, « Les albâtres anglais du xve siècle en Basse-Normandie », dans Bulletin monumental, 1928, p. 257-309.

7. Voir notamment Francis Cheetham, Alabaster Images of Medieval England, Woodbridge, Boydell Press, 2003, p. 177, qui qualifie les deux retables de Saint-Seurin et celui d’Avensan (Médoc) de « French, Carved under English Influence ». Faute de place, cette affirmation – non justifiée à mon sens – ne peut être discutée ici. Par ailleurs, W. L. Hildburgh s’était déjà fait l’écho en 1925 de telles convictions à l’égard du beau retable du xive siècle figu-rant la Passion, conservé au Victoria and Albert Museum de Londres et provenant de la région bordelaise. Voir

Walter Leo Hildburgh, « A Group of Panels of English Alabaster », dans The Burlington Magazine, vol. 46, no 267 (juin 1925), p. 307-315, en part. p. 307.

8. Kim Woods, Cut in Alabaster: a Material of Sculpture and its European Traditions 1330-1530, Turnhout, Brepols, 2018 ; voir aussi Lloyd De Beer et Naomi Speakman, « A Question of Style », dans Apollo, no 66, 2013, p. 66-71.

9. Voir notamment William Henry St John Hope, « On the Sculptured Alabaster Tablets Called St. John’s Heads », dans Archaeologia, no LII, 1890, p. 669-708 ; Idem, « On the Early Working of Alabaster in England », dans Archaeological Journal, no LXI, 1904, p. 220-240. 10. La collection de W. L. Hildburgh, comptant plus de 260 albâtres – parmi lesquels figuraient aussi ceux de la collection de P. Nelson qu’il avait achetés en 1926 – fut offerte par lui en 1946 au Victoria and Albert Museum ; Francis Cheetham, English Medieval Alabasters. With a Catalogue of the Collection in the Victoria and Albert Museum, Oxford, Phaidon, 1984, p. 66. Voir aussi William Anderson, « Re-discovery, Collecting and Display of English Medieval Alabasters », dans Journal of the History of Collections, no 16, 2004, p. 47-58. 11. Cheetham, 1984, cité n. 10 ; Cheetham, 2003, cité n. 7. 12. Hope, 1904, cité n. 9. p. 234.

13. Nigel Ramsay, « La production et exportation des albâtres anglais médiévaux », dans Xavier Barral i Altet (dir.), Artistes, artisans et production artistique du Moyen Âge, actes de colloque (Rennes, 1983), Paris, Picard, 1990, vol. 3, p. 609-619, en part. p. 618. 14. Ainsi, les 58 têtes de saint Jean-Baptiste taillées par Nicolas Hill ne valaient que 5 marks ou 3 livres, 6 sous et 8 deniers ; Hope, 1904, cité n. 9, p. 234.

15. Nigel Ramsay, « La commercialisation des sculptures d’albâtre / Commercialisation of Alabaster Sculptures », dans Laurence Flavigny, Christine Jablonski-Chauveau (dir.), D’Angleterre en Normandie. Sculptures d’albâtre du Moyen Âge, cat. exp. (Rouen, musée départemen-tal des Antiquités ; Évreux, musée de l’Ancien Évêché, 1998), Rouen, Lecerf, 1997, p. 53-66, en part. p. 62. 16. Voir la liste donnée dans Cheetham, 2003, cité n. 7, p. 161-177.

17. Cheetham, 1984, cité n. 10, p. 31. 18. Hope, 1904, cité n. 9, p. 224-225.

19. Christiane Prigent, « Fabrication et ateliers / Manufacture, Workshops and Centres of Production », dans Flavigny, Jablonski-Chauveau, 1997, cité n. 15, p. 35-41, en part. p. 40. Voir aussi Hope, 1904, cité n. 9, p. 239.

20. Ces deux exemples sont donnés par Hope, 1904, cité n. 9, p. 235-237.

21. Laurence Flavigny, « Les retables d’Anglesqueville-la-Bras-Long », dans Flavigny, Jablonski-Chauveau, 1997, cité n. 15, p. 81-87, en part. p. 81.

22. Nigel Ramsay, « Alabaster », dans John Blair, Nigel Ramsay (dir.), English Medieval Industries. Craftsmen, Techniques, Products, Londres, The Hambledon Press, 1991, p. 29-40, en part. p. 37 ; voir aussi Ramsay, 1990, cité n. 13, p. 611.

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193 Essais

23. Ainsi au concile provincial de 1582 (AD33, G 1033, no 16, feuillet 5 ro).

24. La plupart des panneaux du retable avaient été volés en 1984 ; en 2019, les quatre derniers d’entre eux ont pu être récupérés par la ville de Bordeaux. 25. Francis Cheetham, « Sculptures d’albâtre : sources écrites (xive-xvie siècle) / Alabaster Carving: Documentary References », dans Flavigny, Jablonski-Chauveau, 1997, cité n. 15, p. 43-52, en part. p. 46-47.

26. Zuleika Murat, « Medieval English Alabaster Sculptures: Trade and Diffusion in the Italian Peninsula », dans Hortus Artium Medievalium, no 22, 2016, p. 399-413, en part. p. 405, 411 et 412.

27. Cheetham, 1984, cité n. 10, p. 59, et note 335 ; Tobias Kunz et alii, Bildwerke nördlich der Alpen und im Alpenraum 1380 bis 1440. Kritischer Bestandskatalog der Berliner Skulpturensammlung, Petersberg, Michael Imhof, 2019, no 99, p. 518-526.

28. Woods, 2018, cité n. 8, p. 85-86. 29. Woods, 2018, cité n. 8, p. 87.

30. Christiane Prigent, « Le retable en albâtre de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris, conservé au musée Antoine-Vivenel à Compiègne (Oise). Une œuvre anglaise du commencement du xvie siècle », dans Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, 1999, p. 222-231.

31. Samantha Riches, « Historique », dans Flavigny, Jablonski-Chauveau, 1997, cité n. 15, p. 90-91. 32. Francis Salet, « Chronique », dans Bulletin monu-mental, no 124-2, 1966, p. 211.

33. Markus Schlicht, « L’archevêque Pey Berland et la commande des albâtres anglais en pays Bordelais au xve siècle », dans Denise Borlée et Laurence Rivière Ciavaldini (dir.), Faire et bien faire. Commande et création artistiques au Moyen Âge, Mélanges offerts à Fabienne Joubert, numéro spécial de Rivista d’arte, 5e série, vol. vii, 2017, p. 333-346.

34. Ramsay, 1990, cité n. 13, p. 616.

35. Selon Zuleika Murat, un panneau de l’Arrestation du Christ, faisant sans doute initialement partie d’un retable de la Passion, provient de la Roccetta Viscontea in Porta Romana à Milan, une partie du palais des Visconti ; ce retable était probablement placé sur l’autel de la chapelle privée de la famille ducale. Voir Murat, 2016, cité n. 26, p. 409.

36. À en croire les traditions locales, le grand retable de la Passion, aujourd’hui conservé au Museo Civico di Palazzo Schifanoia, aurait été initialement placé sur l’autel de la chapelle palatiale du château des d’Este à Ferrare ; Murat, 2016, cité n. 26, p. 410.

37. Le retable de la Passion du Museo di Capodimonte provient de l’église San Giovanni a Carbonara de Naples, liée à la dynastie royale des Anjou-Durazzo. Selon une tradition locale, quoique fautive, le retable aurait appar-tenu au roi de Naples Ladislas. Murat, 2016, cité n. 26, p. 410. Voir aussi Paola Giusti, « Inghilterra, Nottingham (?), Trittico con Storie della Passione, seconda metà del xv secolo », dans Carlo Bertelli, Giorgio Bonsanti, Restituzioni. Tesori d’arte restaurati, sedicesima edizio-ne, cat. exp. (Naples, Museo di Capodimonte ; Gallerie

d’Italia ; Palazzo Zevallos Stigliano, 2013), Turin, Intesa Sanpaolo / Venise, Marsilia, 2013, p. 184-194, en part. p. 184-186.

38. De Beer et Speakman, 2013, cité n. 8, p. 69. 39. Voir par exemple Hodgkinson, 1946, cité n. 3, p. 295 ; de même Cheetham, 1984, cité n. 10, p. 31. 40. « If marble will not serve, then have we the fin-est alabaster that maie elsewhere bee had, as about saint Davids of Wales; also neere to Beau manour, which is about foure or five miles from Leicester, and taken to be the best ». Cité d’après Fergus Cannan, « “If Marble will not Serve”. Medieval English Alabaster Sculpture, from Quarry to Object of Devotion », dans Paul Williamson (dir.), Object of Devotion. Medieval English Alabaster Sculpture from the Victoria and Albert Museum, Alexandria (Virginia), Art Service International, 2010, p. 22-37, en part. p. 22.

41. Ces deux exemples sont mentionnés (entre autres) dans Ramsay, 1991, cité n. 22, p. 35.

42. Wolfram Kloppmann, Pierre-Yves Le Pogam, Lise Leroux, « La sculpture sur albâtre en France du xive au xvie siècle : enjeux, méthodes et résultats d’un pro-gramme de recherche », dans Revue de l’art, no 200, 2018-2, p. 9-19, en part. p. 10.

43. « If there was any hierarchy of material, it was arguably alabaster and not marble that was preferred. » Woods, 2018, cité. n. 8, p. 215.

44. « [S]ono di un marmo di tanta stupenda bianche-za et finebianche-za che appena discernere si può dal vero ala-bastro ». Cité d’après Valentino Pace, « “Un marmo di tanta stupenda biancheza e fineza”, la “sigilgaita” di Ravello », dans Bruno Figliuolo, Rosalba Di Meglio et Antonella Ambrosio (dir.), Ingenita curiositas. Studi sull’Italia medievale per Giovanni Vitolo, Battipaglia, Lavegliacarlone, 2018, vol. 2, p. 915-930, ici p. 916. 45. Cheetham, 1984, cité n. 10, p. 14-16 et p. 24. Voir aussi Prigent, 1997, cité n. 19, p. 38-41. Si les docu-ments attestent que l’on sculptait l’albâtre dans les lieux énumérés, nous ne sommes en revanche pas certains que dans tous on produisait des retables.

46. Les différentes tentatives entreprises en ce sens n’ont pas donné de résultats concluants qui auraient été acceptés par la communauté scientifique. Il en va ainsi de l’idée de localiser à Nottingham la produc-tion de l’ensemble des têtes de saint Jean-Baptiste, de situer à York les panneaux montrant une « rose en soleil », ou encore d’attribuer aux ateliers de Burton les Assomptions dont la mandorle est dotée de rayons (pour cette dernière proposition, voir Philip Nelson, « Some Fifteenth Century Alabaster Panels », dans Archaeological Journal, no LXXVI, 1919, p. 133-138, en part. p. 136). La thèse de Lloyd De Beer, que je n’ai pas encore pu consulter, semble toutefois appor-ter des éclairages nouveaux sur ce sujet (Reassessing English Alabaster Carving: Medieval Sculpture and its Contexts, PhD, University of East Anglia, 2018, 2 vol.). 47. Cheetham, 2003, cité n. 7, p. 11 ; voir aussi Cheetham, 1984, cité n. 10, p. 19.

48. Christiane Prigent affirme ainsi : « Cette unifor-misation devient de plus en plus fréquente dans les œuvres tardives, obéissant à un manque d’imagination

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artistique ». Voir Prigent, 1997, cité n. 19, p. 38. Voir aussi Hildburgh, 1949, cité n. 3, p. 53 : « [T]he alabaster- carver seems in general to have lacked invention ». 49. Les pigments ont été identifiés par Aurélie Mounier (CRP2A), dans le cadre du programme de recherche « Albâtres » (voir la n. 1), sur une vingtaine de panneaux conservés en Nouvelle Aquitaine ; ils sont majoritaire-ment les mêmes que ceux relevés sur d’autres échan-tillons d’albâtres anglais ; voir par exemple Cheetham, 1984, cité n. 10, p. 56-57 ; Sylvie Colinart, Pascale Klein, « La polychromie des fragments du retable de Rouvray », dans Flavigny, Jablonski-Chauveau, 1997, cité n. 15, p. 99-100 ; A. Sarmiento et al., « Characterization and Virtual Reconstruction of Polychromed Alabaster Sculptures », dans Marta Castillejo et al. (dir.), Lasers in the Conservation of Artworks, actes du colloque (International Conference Lacona VII, Madrid, 2007), Boca Raton / Londres / New York / Leyde, CRC Press, 2008, p. 441-445 ; Lucía Pereira-Pardo, Diego Tamburini, Joanne Dyer, « Shedding Light on the Colours of Medieval Alabaster Sculpture: Scientific Analysis and Digital Reconstruction of their Original Polychromy », dans Color Research and Application, vol. 44, no 2, 2018, p. 1-13. À ma connaissance, les albâtres ne présentent jamais de tons violets. L’âne de la Nativité et parfois la chevelure des personnages âgés sont peints en gris ; le bœuf de la Nativité apparaît régulièrement en orange. 50. Nous nous référons ici tout d’abord aux panneaux narratifs. Les statues d’applique, d’ailleurs beaucoup plus souvent repeintes, peuvent présenter des polychro-mies aux schémas chromatiques différents. 51. Il existe des panneaux mêlant aux habituelles fleu-rettes des plantes fleuries ou des feuilles stylisées vues de face, mais même dans ces cas, les « pâquerettes » restent toujours majoritaires ; parmi bien d’autres exemples, voir le retable de Saint-Michel de Bordeaux. 52. Woods, 2018, cité n. 7, p. 82-83. 53. Hope, 1904, cité n. 8, p. 234-235.

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