ARTheque - STEF - ENS Cachan | Quels types d'action mener en Éducation Relative à l'Environnement avec de jeunes enfants ?

QUELS TYPES D' ACTIONS MENER

EN ÉDUCATION RELATIVE

L'ENVIRONNEMENT (ERE)

AVEC DE JEUNES ENFANTS ?

Claudie BONNET LU.F.M. Cergy-Pontoise

MOTS-CLÉS: ÉDUCATION RELATIVEÀ L'ENVIRONNEMENT ACTIONS VALEURS -PRIMAIRE

RÉSUMÉ: Un des objectifs en éducation relativeàl'environnement, est d'amener les élèvesàêtre des citoyens responsables de leurs actes. C'est dans une situation d'action que l'on peut aborder la complexité des problèmes et envisager des solutions concrètes. Mais jusqu'où peut-on mener l'action avec de jeunes enfants souvent motivés et réceptifs, sans risque de militantisme, d'embrigadement? Nous présentons une analyse des "conceptions" des enseignants et des élèves de cours moyens (CM -10 - II ans) concernant les actions qu'ils sont prêts à mener et pourquoi.

SUMMARY : One of the objectives in Environmental Education is to prepare children to he citizens responsible for their acts. Sorne projects whith the local community incite the pupils to participate in public life. But how far can we conductthis type of action with young children, oflen very motivated, with no risk of militancy, of indoctrination ? We are presenting here an analysis of teachers' and pupils' conceptions (10 to II years-old children), showing whattypes of action they are ready to lead.

Nombre d'études en Éducation Relative à l'Environnement (ERE), ont montré que la simple sensibilisation aux problèmes d'environnement n'est pas suffisante pour conduireàun changement d'attitudes ; par contre privilégier la participation àla vie de la cité contribue davantageàdes responsabilités envers autrui; l'exercice de la citoyenneté, la participation activeàla protection et l'amélioration de l'environnement est donc l'objectif visé de l'ERE.

1. HYPOTHÈSE

L'hypothèse que nous avons faite est que de nombreux enseignants ne sont pas prêtsà réaliser certaines actionsàl'école, trouvées trop engagées, voire politisées, alors que les élèves seraient prêts à se mobiliser davantage dans de véritables actions "d'écocitoyenneté" avec changement de comportement. La question qui se pose, liéeà cette hypothèse est de savoir jusqu'où mener l'action, l'engagement ? Entre le militantisme et le passéisme (et même la simple sensibilisation à l'environnement), il y a tous les degrés. Quelles sont les limites de l'influence des adultes? Comment ne pas "embrigader" les enfants dans des soit-disantes bonnes causes pour l'environnement et leur donner les moyens de prendre des décisions par eux-mêmes?

2. MÉTHODOLOGIE

Nous avons posé un questionnaire semblable (20 questions-26 sous questions) à 3 groupes d'instituteurs au début d'un stage d'un mois en ERE, et à 3 classes de cours moyen.

Les questions (voir liste avec une formulation simplifiée) sont classées selon les types d'action (d'après Hungerford) .

Thèmes Déchets Eau Air Bruit Risques Flore Faune Généralités Energie Aide

environnement Majeurs Forêt

Huma-Arbres nitaire Actions Nombre de 12 2 2 1 2 2 1 2 (5) 1 auestions Persuasion 8 Information 1 1 1 1 1 Délation 2 Action 4 Politique: 1 1 - Pétition -Carnoame Action légale 1 1 Action 4 Économique: - Boycottage 1 1 -Achat 1 1 Ecogestion : 8 - Plantation - Tri sélectif 2 - Nettoyage 3 - Construction 1 1 Aucune action 1

Des questions "pièges" (n0_{3 et 16) ont été posées pour savoir si les enfants sont toujours volontaires} mêmes pour des actions de délation à propos des déchets; peut-on tout leur faire faire et comment? Ceci pose le problème des moyens et des fins. Quant aux adultes, les actions n0_{3 (dénonciation dans}

la rue), n0_{6 (ne pas jeter les papiers dans la cour d'école, nOl6 (sur la délation) ont été remplacées par}

les suivantes:

- n03: les risques majeurs - n06 : le gaspillage de l'eau

- nO 13 : le gaspillage de l'énergie (dont l'utilisation de la voiture)

- n016: un débat avec les élèves sur la délation (quand certains jettent leurs papiers dans la cour) Chaque questionnaire a été suivi d'une discussion pour confronter les points de vue.

3. RÉSULTATS

3.1 Les élèves de CM

La majorité est prêteà agir pour des actions les plus diverses, y compris économiques et politiques. Il s'agit bien entendu des intentions d'actions, car par exemple s'il y a unanimité pour avoir une cour propre, nombreux sont ceux qui ne passent pasà l'acte (révélation par interview).

Les points sur lesquels les enfants ne sont pas prêts à changer leurs habitudes sont celui de l'utilisation de la voiture (pour gagner du temps avec la vitesse, pour éviter la fatigue, pour partir en vacances ... ) ainsi que celle de boire de l'eau du robinet considérée comme trop javellisée. Ils ne posent pas le problème de l'emballage de l'eau minérale ou pensent que les bouteilles en verre et en plastique sont recycléesà100%,alors qu'ils sont prêtsà limiter les emballages (question nOI2). Pour les risques nucléaires, les enfants hésitentàrépondre oui, car il ne sont pas concernés par ces problèmes dans leurs régions.

Quant aux actions de délation (na 3-16) les réponses quantitatives montrent que la majorité des élèves n'est pas prêteàle faire mais l'analyse qualitative révèle que ce n'est pas toujours pour de bonnes intentions avec réflexion morale ("Ce n'est pas bien de dénoncer" -"Ledélit n'est pas d'une telle gravité pour sanctionner"). Certains annoncent qu'ils ne le font pas par risque de représailles, de vengeance, donc ils ne dénoncent que les plus faibles!

3.2 Les enseignants

La grande majorité (89%)est d'accord pour mener des actions dans la classe (question n017) -"chacun est concerné par le problème et doit essayer de faire ce qu'il peutànon niveau. C'est en sensibilisant les enfants dès leur plus jeune âge que l'on pourra les amener à un changement de comportement dans leur vie d'adulte".

Il semblerait que ces enseignants soient plus concernés pour agir que l'ensemble de la population française, sans doute pour une raison de responsabilité éducative car l'enquête menée par Odile Peixoto en 1991, indique que 67 % de la population déclarent vouloir agir en faveur de l'environnement.

Graphiques : Réponses aux questionnaires

1 Nettoyage d'un site naturel: parc, bois, berge d'une rivière 2 Remarqueàune personne qui jette les papiers dans la rue

3 Enquête risques majeurs1dénonciation auprès de la police pour amende 4 Nettoyage de la cour d'école

5 Qemande de lois plus sévères au gouvernement

6 Economie d'eau1ne pas jeter les papiers dans la cour d'école 7 Pétition forêt tropicale - espèces animales

8 Récupération de déchets ménagers: verres, piles, boites metalliques, médicaments, huiles, '" 9 Information en direction des jeunes et adultes sur les problèmes importants de la planète

10 Enquête sur le papier recyclé

11 Campagne pour l'achat de papier recyclé - regroupement des écoles 12 Limitation de la consommation d'emballage

13 Diminution de la consommation d'énergie1diminution de l'utilisation de la voiture 14 Campagne pour limiter l'utilisation de la voiture

15 Eau du robinet - pas de bouteilles

16 Discussion sur la délation1délation des élèves auprès du directeur 17 Ne faire aucune action

18 Enquête sur la pollution d'une rivière et information

19 Prendre part aux discussions avec la Mairie pour l'aménagement de la ville: plantations, ...

72 enseignants en stage de formation continue en ERE 100 90 90 ₈₆ 79 78 78 80 60 50 ₄₇ 50 50 40 20 0 89 75 6t 2 3 4 5 6 7 8 9 10111213 14 15 16 17 1819 63 Elèves de CM 100 80 60 40 20

o

11

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n~

Il

•

•

'.

1

•

..

'.

o% Oui (actions envisagées de faire) fi% Non

Remarques: Les% de réponses "sans opinion" ne sont pas représentées.

Les actions qui mobilisent les instituteurs sont - le non gaspillage de l'eau (n06)

- l'infonnation sur les problèmes importants de la planète (n09) -les actions "propreté" à l'intérieur et à l'extérieur de l'école (nOl - 4)

- la récupération de certains déchets: papier - piles - boîtes métalliques principalement (nOS)

- et les opérations d'aménagement en partenariat avec la mairie (nO 19) : plantation d'arbres, mise en place de la collecte sélective, lutte contre les nuisances dues au bruit...

Ces actions ont déjà été réalisées par quelques enseignants (maximum S sur 24 par groupe), sauf pour les papiers de la cour d'école réalisée par presque tous.

- S'ils sont prêts à enquêter et fabriquer du papier recyclé ils sont moins nombreux pour l'acheter, et se regrouper pour diminuer le prix d'achat.

- Par manque d'infonnation ou de compétence, ils n'envisagent pas beaucoup d'infonner les élèves sur certains risques majeurs (les déchets nucléaires) .

Quant à la voiture, tout comme les élèves, non seulement la majorité des enseignants n'est pas prêteà abandonner ni même à diminuer son utilisation, mais ils ne sont pas prêts à discuter du problème en classe. D'après toujours l'enquête d'Odile Peixoto, (parmi les 43%des français qui se préoccupent des déchets), 3%seulement utilisent peu ou moins leur voiture qu'auparavant (3%également des adultes veillent à ce qu'il n'y ait pas trop d'emballages ou prennent ceux faciles à recycler ou détruire). Les français ne remettent pas en cause la société d'abondance et l'individualisme reste solidement ancré dans les mentalités. Ils sont prêts à adhérer à de nouveaux systèmes moins polluants à condition qu'ils ne soient pas trop contraignants.

Le degré d'engagement dans l'action est variable, et l'on peut constater des contradictions soit pas manque de compétence (preuve de la pollution de l'eau), soit par absence du problème régional (risque nucléaire) soit pour des raisons personnelles émotionnelles (action "politique" possible en faveur de la pétition pour la défense des animaux, mais pas pour d'autres questions) boycottage des bombes aérosol possible, mais pas celui d'autres emballages, comme celui des bouteilles d'eau.

4. PROPOSITIONS

Les enseignants des écoles de l'enseignement du primaire et de maternelle, sont bien d'accord pour sensibiliser, informer dans et hors du cadre scolaire des élèves. Ils se rendent compte que ces premières étapes ne suffisent pas pour rendre les enfants responsables, futurs citoyens actifs, et pourtant ils hésitent à entreprendre certaines actions, ni même d'en discuter s'ils ne les respectent pas eux-mêmes. Il est vrai que ces actions nécessitent une étude systémique englobant tous les paramètres, y compris celui des emplois, car il ne s'agit pas de préconiser le boycottage de produits, de certaines sources d'énergie, sans prévoir les solutions de remplacement. Et ces actions doivent être envisagées en accord avec les enfants, en partenariat avec les parents, les collectivités locales, afin d'éviter les dérives d'embrigadement.

Entre le rien faire et le militantisme, il est possible de trouver des fonnes démocratiques, comme le débat, jeux de rôle, étude de cas, discussion à propos de dilemmes qui permettent de mieux comprendre la complexité et faire des choix.

"Pour que les convictions ne procèdent pas d'un endoctrinement, d'un conditionnement, ne doivent-ils pas être normées par une connaissance qui les fonde sur une démarche critique? Dès lors ne faut-il pas inventer une didactique des valeurs ?" ... "La didactique des valeurs démocratiques se situera essentiellement dans l'apprentissage de l'argumentation. Elle consisteraàentraîner,àélucider età énoncer des raisons, à comparer entre elles celles qui sont proposées par les uns et les autres, à justifier ses propres convictions,àsaisir celles d'autrui,àrepérer les points faibles ou obscurs des uns et des autres ... " (Mougniotte, 1994) .

Une formation reste àfaire qui pennettrait de développer "cette éthique de la discussion, de l'argumentation",àpropos de l'ERE. La confrontation des représentations initiales àpropos de ce questionnaire, pennet d'amorcer le débat. Les jeux de rôle que nous avons crées favorisent également la discussion (le papier recyclé, l'eau du robinet ou l'eau en bouteille, cinq petits dilemmes moraux, déchets radioactifs, analyse de gestes photographiés). Ces outils facilitent l'explicitation des valeurs.

5. CONCLUSION

Les enseignants sont prêts àagir pour des actions sur des thèmes variés y compris celles d'écoaménagement en partenariat avec la mairie, mais nombreuses sont encore celles qu'ils hésitentà entreprendre. La voiture reste le symbole de la société de consommation chez les adultes, comme chez les enfants, qu'il ne faut pas toucher. Les enfants sont volontaires pour aller plus loin que les adultes. Pour éviter le risque d'endoctrinement ou de l'exhortation, nous rejoignons l'idée de Canivez (1990) que "l'action doit passer essentiellement par la discussion" avec des projets en partenariat avec les parents. Pour favoriser cette "éthique de la discussion" (d'après Habermas) nous proposons des outils pédagogiques qui favorisent le débat en classe.

BIBLIOGRAPHIE

CANIVEZ P.,Éduquer le citoyen,Hatier, 1990.

HABERMASJ.,Théorie de l'agir communicationnel,Fayard, 1987.

HUNGERFORD H.R. and al., Investigating and Evaluating Environnemental Issues an Actions, 5kill development Company, 1990-1992.

MOUGNIOTIE A.,Éduqueràla démocratie,Cerf, 1994.

PEIXOTO O.,Lesfrançais et l'environnement. Éduqueràla conscience planétaire,Montréal: éd Serge Fleury, 1981.