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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Un exemple de débat à propos des déchets radioactifs à l'école élémentaire

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Academic year: 2021

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UN EXEMPLE DE DÉBAT À PROPOS DES DÉCHETS

RADIOACTIFS À L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE

Claudie BONNET et la classe de Jean-Francois CORIOLLE I.U.F.M., centre de Cergy-Pontoise

MOTS-CLÉS : DÉBAT- RISQUES NUCLÉAIRES - VALEURS - ÉCOLE

RÉSUMÉ : À propos d’un problème environnemental, l’énergie et les déchets nucléaires, nous avons fait l’hypothèse que des élèves de 10-12 ans sont capables de pensée autonome et de développer un esprit critique à partir de l’analyse de documents contradictoires. Une grille d’indicateurs pour la pensée autonome permet de connaître l’évolution de leurs idées dans la prise de décision raisonnée. La discussion porte sur l’intérêt du modèle de la « clarification des valeurs ».

SUMMARY : About nuclear energy and its wastes, we have hypothesized that 10-12 year-olds, in trying to understand and debate about documents with contrary opinions, will acquire a critical mind. The method we have adopted consists in written questions corresponding to a list of indicators we have chosen as essentiel elements of the autonomous and critical thinking. The discussion is about the pedagogical model of « Values clarification ».

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1. INTRODUCTION

Le problème du nucléaire et des déchets radioactifs n'est pas souvent posé dans les classes du Val d'Oise. Pourtant les publicités sont nombreuses à la télévision pour encourager le nucléaire "énergie propre" et Électricité de France distribue dans les écoles une documentation propagandiste. Alors que Caduto (1985) favorise l’inculcation, nous avons choisi d'instaurer le débat afin que les enfants puissent choisir les valeurs auxquelles ils adhèrent. Ainsi, nous privilégions la stratégie de la clarification des valeurs (Raths et al., 1978) et avons créé des outils pédagogiques qui favorisent le débat. Après avoir exposé la place du jeu de rôle dans le projet avec les valeurs sous-jacentes, puis trouvé des critères d’évaluation pour l’esprit critique et la pensée autonome, nous détaillons notre méthodologie de recherche dans une classe de CM1-CM2 (10-12 ans) ainsi que nos résultats.

2. CRÉATION DU JEU DE RÔLE : VALEURS EN JEU

Le jeu "les déchets nucléaires, trois petits tours et ne s'en vont pas" oppose les partisans de l'énergie nucléaire et ceux qui défendent les énergies renouvelables. Il engage la responsabilité à très long terme puisque la radioactivité des déchets peut durer jusqu'à des millions d'années. Enfin le jeu permet de développer l'esprit critique par rapport à une société qui gaspille l'énergie. Un protocole a été mis en place avec l’étude de films et de documents présentant des points de vue différents. Les élèves ont ainsi acquis les connaissances nécessaires à une prise de décision raisonnée et non seulement émotionnelle. Pour créer le jeu de rôle, ils ont ensuite rédigé eux-mêmes leurs arguments, pour ou contre l’installation d’une centrale nucléaire, près de leur ville. Nos arguments ont ensuite été lus, pour compléter ceux des enfants. La question est alors : comment faire pour évaluer le développement de l’esprit critique et la capacité à faire des choix parmi les valeurs différentes non inculquées par le maître, c’est-à-dire être capable de pensée autonome ?

3. MÉTHODOLOGIE

3.1 Critères pour une pensée autonome

Dans À l’école de la pensée (1995), Lipman attribue à des enfants « la pensée autonome », lorsqu'ils « conçoivent de manière personnelle quel genre de personne ils souhaitent devenir et dans quelle sorte de monde ils veulent vivre ». Les critères trouvés dans les travaux I.N.R.P. (1978) et dans ceux

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de Daniel (1992) ont aidé à bâtir les nôtres, alors que Daniel et Laurendeau ont défini des critères de l'esprit critique : chercher la cohérence dans l’argumentation d’un problème, être capable de poser des questions pertinentes, d’énoncer les relations entre moyens et fins, entre cause et effet :

1) se sentir à l'aise pour émettre des idées personnelles ; 2) bâtir sa propre opinion à partir des idées des autres ; 3) maîtriser l'information de façon critique ;

4) se poser des questions (curiosité) ;

5) avoir envie d'améliorer ses connaissances et se donner le moyen de le faire seul ; 6) être capable de prendre des décisions soi-même (libre choix sans inculcation d'adulte) ; 7) savoir s'auto-évaluer (fait appel au jugement critique) ;

8) agir soi-même en s'appuyant sur une argumentation raisonnée.

3.2 Recueil d’information

Le jeu a été évalué dans une classe de 24 élèves, à double niveau (CM1 - CM2) à l'école de l'Escapade à Cergy dans le val d’Oise, classe hétérogène implantée dans une zone d’éducation prioritaire qui a déjà testé un autre jeu sur la propreté de l’école et le recyclage du papier ("L'école propre"- C.N.D.P., 1996). L’esprit critique a été testé à partir d’une bande dessinée pro-nucléaire (E.D.F.) avec un questionnaire écrit. La position des enfants au regard du nucléaire a été sollicitée quatre fois tout au long du projet qui s’est déroulé sur trois mois.

4. RÉSULTATS

4.1 Esprit critique à propos de la BD pro-nucléaire et du risque nucléaire

À la première question, les enfants devaient faire une analyse critique du discours du directeur de la centrale indiquant qu’il n’y a pas de pollution radioactive autour de la centrale. Aucun élève n’a pu écrire plusieurs arguments ; 61% ont avancé un argument correct : “ il dit la vérité car le détecteur de

radioactivité le prouve : l’aiguille ne bouge pas”. À la question sur les risques nucléaires en France,

78% écrivent une argumentation correcte en indiquant que le risque nul n’existe pas en France, même si la technologie est perfectionnée ; cependant une seule élève a évoqué la présence des déchets radioactifs. Lorsque les enfants n'ont pas les connaissances suffisantes, ils ne sont pas capables de se poser des questions sur la véracité des informations. Par exemple, la répercussion du réchauffement de l'eau de la rivière sur la faune, information dissimulée, n'est pas soulignée. Ils ont

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mieux répondu sur le risque nucléaire dans le monde (91%), car ils ont tous vu un film sur Tchernobyl, exemple cité par 67% d'entre eux. 70% ont une argumentation valable, voire très pertinente pour 26% d'entre eux : "En avril 1986, à Tchernobyl (Ukraine), une explosion détruisit le

cœur du réacteur. Un immense nuage radioactif s’en dégagea. Il atteignit la Suède en deux jours et se répandit sur une grande partie de l’Europe" ; mais aucun ne cite plusieurs exemples. Quant à

l'objectivité de l'information en France sur ce thème, 52% disent non, et 40% développent une argumentation correcte ; pourtant tous ont vu un extrait de l'émission télévisée sur les déchets nucléaires déposés en mer du Nord, information tardive dévoilée seulement en 1995. Le développement de l'esprit critique est donc possible chez des enfants de 10 - 12 ans sur un sujet aussi difficile et délicat que celui de l'énergie nucléaire, puisque 17 élèves sur 23 ont su contredire les arguments du directeur de la centrale. Mais, pour l'objectivité de l'information en France, seuls neuf élèves sont capables d'argumenter. Toutefois les adultes ont les mêmes difficultés pour aller vérifier l'information ou pour se poser des questions par rapport à la non-information volontaire...

4.2 Choix pour les valeurs - Évolution des attitudes - Influence du jeu sur les choix 4.2.1 Choix des élèves

À mi-projet, après l'étude de documents écrits et audiovisuels d'opinions contradictoires et juste après le jeu de rôle joué pour la première fois, 26 % des élèves s'identifient aux personnages pro-nucléaires, 35% à l’écologiste, 26% au citoyen hésitant et 13% ne se prononcent pas ou ont une réponse peu claire. Le nombre des favorables au nucléaire augmente de 4%, après l'étude de la bande dessinée E.D.F., pour tomber à 17% en fin de projet. Par contre le nombre de ceux qui s'identifient au personnage écologiste, anti-nucléaire, augmente tout au long du projet : 35% après le jeu de rôle joué pour la première fois, 43% après l’étude de la bande dessinée, 57% après le jeu de rôle joué pour la deuxième fois et 58% en fin de projet au détriment des hésitants.

4.2.2 Des choix argumentés

Il n'y a aucune réponse très acceptable par écrit avec plusieurs arguments nuancés donnant les avantages et les inconvénients des différentes sources d’énergie, alors qu'oralement de nombreux enfants lors du débat ont su en exprimer plusieurs. 73% savent écrire un seul argument correct :

"Une ville sans électricité est comme un papillon sans aile" (argumentation pro-nucléaire) ou “ C'est trop dangereux, s'il y a encore une autre explosion comme Tchernobyl" (argumentation

anti-nucléaire). Mais 27% ont une argumentation non valable : "Je suis contre, car les centrales polluent

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4.2.3 Les facteurs d’influence

58% des élèves indiquent le jeu de rôle (positionné au rang n°3 sur la liste), puis les films (50%), les textes écrits (50%), le maître (50%), une discussion avec la famille ou les copains (21%). Quant à l’influence possible du maître, 58% disent ne pas connaître son opinion et 42% la connaître indiquant qu’il est, pour le nucléaire (17%), contre le nucléaire (21%) ou neutre (8%) avec, comme exemple de justification : “ le nucléaire est un sujet important pour lui ”. Il est donc clair que l'opinion du maître, jamais exprimée, n'a pas été décelée par les élèves.

C'est avec prudence que nous analysons ces résultats, car il est possible que le jeu de rôle organisé à deux moments différents (joué quatre fois) ait déclenché une prise de position ; mais c'est bien l'ensemble de la documentation audiovisuelle et écrite citée par 19 élèves (79%) qui a permis un choix raisonné, renforcé ensuite par les débats lors des jeux de rôle, ou par des discussions extra-scolaires. Les enfants n'ont pas tous été fortement influencés par le catastrophisme du film Tchernobyl et le souci d'objectivité du maître, en présentant des arguments contradictoires semble porter ses fruits. Les enfants ont pris une décision, même s'il s'agit pour l'instant d'une simulation qui n'engage pas encore leur responsabilité réelle. Les élèves ont aussi découvert les points faibles du jeu : sa courte durée, le danger d'identification trop forte à un des personnages, défauts inhérents à tout jeu de rôle.

4.3 Les apprentissages socio-affectifs : « Qu'as-tu ressenti en jouant un personnage ? »

1) Un peu peur de parler (30%) 2) Du mal à trouver les bons arguments (48%) 3) Suis laissé(e) influencé(e) par arguments contraires (13%) 4) Dominer ma timidité (52%) 5) À l'aise pour argumenter (35%) 6) Responsable pour défendre l'environnement (30%) 7) Pas intéressé(e) par ce problème (4%) 8) Autre sentiment (21%)

Ainsi le jeu permet de réaliser pour la moitié des élèves un des items de la pensée autonome : être à l’aise pour argumenter. Le fait de dominer sa timidité et de trouver les bons arguments est en cours d’apprentissage. Le débat nécessite donc un long apprentissage pour les élèves et signalons qu’il nécessite également une formation des enseignants.

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5. CONCLUSION

Pendant ce jeu, les élèves n'ont pas décelé les opinions du maître et ont fait des choix différents : pro-nucléaires (17%), antinucléaires (58%), neutres (17%) et 8% n’ont pas donné de réponse. Ces choix ont évolué tout au long de l'année en fonction des connaissances acquises. La prise de décision a été influencée par le jeu de rôle (58%) qui présente simultanément les valeurs contradictoires, environnementales, sociales et économiques. Ainsi les enfants de 10-12 ans sont capables de débattre et de faire des choix raisonnés ; les débats-simulation suivis d’une discussion, permettent de consolider les connaissances, de dominer la timidité, d’apprendre à argumenter, donc facilitent l’accès à la pensée autonome. Il y a bien plusieurs degrés possibles dans la clarification des valeurs comme l'ont écrit Rath, Harmin et Simon (1966). À un premier degré, les enfants expriment ce qu'ils ressentent comme des valeurs. Cette introspection permet un questionnement, appuyé sur le vécu subjectif de l'enfant. À un second degré, les valeurs exprimées doivent faire l'objet d'une analyse, elles doivent être précisées, éventuellement classées. Puis, ces mêmes valeurs doivent être justifiées, légitimées. L'enfant doit sentir qu'au-delà de l'impression subjective doit venir la preuve objective. Pour faire des choix, il sort donc de la description pour entrer dans la démonstration (critique, justification, raisonnement). La réflexion éthique débouche alors sur la science.

BIBLIOGRAPHIE

DANIEL M.-F., La philosophie et les enfants, Québec : Éditions Logiques, 1992. C.D.D.P. Val d’Oise, Les déchets : comprendre, débattre, agir, 1996.

I.N.R.P. n°98, Initiation au monde contemporain par les sciences sociales en relation avec une

prospective de l'environnement, 1978.

LAURENDEAU P., Des enfants qui philosophent, Introduction au programme de philosophie pour enfants de Matthew Lipman, Québec : les Éditions Logiques, 1996.

LIPMAN M., À l’école de la pensée, Bruxelles : De Boeck, 1995, traduction : Nicole Decostre. RATHS HARMIN M., SIDNEY B., Values and teaching, Charles E. Merrill Publishing company, 1966a/1978b, 2e édition.

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