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Mesure objective des rapports sexuels non protégés et caractérisation du sous-rapportage des rapports non protégés chez les travailleuses du sexe au Bénin à l'aide de marqueurs biologiques de l'exposition au sperme

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Mesure objective des rapports sexuels non protégés et caractérisation du

sous-rapportage des rapports non protégés chez les travailleuses du sexe au

Bénin à l’aide de marqueurs biologiques de l’exposition au sperme

Thèse

Katia Giguère

Doctorat en épidémiologie

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Katia Giguère, 2018

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Mesure objective des rapports sexuels non

protégés et caractérisation du

sous-rapportage des rapports non protégés chez

les travailleuses du sexe au Bénin à l’aide de

marqueurs biologiques de l’exposition au

sperme

Thèse

Katia Giguère

Sous la direction de :

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Résumé

Les rapports sexuels non protégés (RSNP) sont un facteur de risque prédominant pour l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et doivent donc être évalués de la façon la plus valide possible dans le cadre des études de prévention du VIH. À ce jour, le questionnaire demeure l’outil le plus utilisé pour documenter les comportements sexuels. Or, l’auto-rapportage des comportements sexuels est sujet à des biais de rappel et de désirabilité sociale. L’usage de biomarqueurs de l’exposition au sperme pourrait aider à pallier ces biais. L’antigène prostatique spécifique (PSA) et l’ADN chromosomique Y (ADNch-Y) sont les deux biomarqueurs de l’exposition au sperme les mieux caractérisés à ce jour. La PSA et l’ADNch-Y sont détectables jusqu’à respectivement deux et 14 jours suivant un RSNP.

Dans le cadre d’une étude prospective de démonstration visant à vérifier la faisabilité d’implanter le traitement précoce comme prévention (early antiretroviral therapy : E-ART) et la prophylaxie pré-exposition (pre-exposure prophylaxis : PrEP) chez les travailleuses du sexe (TS) professionnelles de Cotonou au Bénin, le sous-rapportage des RSNP était anticipé de la part des participantes, de même qu’un potentiel changement dans les RSNP en cours de suivi dans le groupe PrEP. Nos objectifs étaient donc de valider l’auto-rapportage des RSNP à l’aide de la PSA et de l’ADNch-Y; de comparer le sous-l’auto-rapportage des RSNP sur les périodes de rappel de deux et 14 jours; et d’évaluer les tendances de RSNP dans le groupe PrEP. Nous avions aussi pour objectif de comparer la capacité de détection des RSNP d’un nouveau test de détection, soit une PCR nichée ciblant la famille de gènes homologues testis-specific protein Y-encoded (n-TSPY), à celle de six autres méthodes couramment utilisées à des fins de détection de l’exposition récente au sperme. Au recrutement de l’étude E-ART/PrEP et sur une période de 24 mois de suivi, les RSNP survenus dans les deux et 14 derniers jours ont été évalués à chaque six mois par questionnaire et par détection de la PSA et de l’ADNch-Y. Lorsqu’une participante ne rapportait pas de RSNP dans les deux (ou 14) derniers jours, mais qu’elle était testée positive pour la PSA (ou l’ADNch-Y), elle était considérée comme ayant sous-rapporté les RSNP des deux (ou 14) derniers jours. Une régression de Poisson robuste a été utilisée pour comparer le sous-rapportage sur les deux périodes de rappel. Les tendances de RSNP en fonction des différentes mesures de RSNP ont été évaluées à l’aide d’une régression

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log-binomiale. Des équations d’estimation généralisée (Generalized estimating equation : GEE) ont été appliquées pour tenir compte de la dépendance des observations.

Au recrutement, nous avons observé une prévalence d’environ 20% de sous-rapportage des RSNP chez les TS de Cotonou, mais aucune différence statistiquement significative du sous-rapportage des RSNP entre les deux périodes de rappel. Certains de nos résultats suggèrent que les performances relatives de chacun des biomarqueurs pour détecter les RSNP sur sa période de rappel respective ne sont pas équivalentes, ce qui pourrait avoir compromis notre capacité à détecter une différence de sous-rapportage entre les deux périodes de rappel. Aucun changement statistiquement significatif n’a été observé dans les RSNP en cours de suivi dans le groupe PrEP. Enfin, en comparaison avec la PCR n-TSPY développée pour l’étude E-ART/PrEP, chacune des six méthodes courantes de détection de l’exposition récente au sperme manquait de sensibilité pour détecter les RSNP.

En conclusion, les données auto-rapportées sur les RSNP sont biaisées et devraient donc être interprétées avec précaution. Une meilleure caractérisation de la cinétique de clairance de la PSA et de l’ADNch-Y est requise afin de mieux évaluer l’effet de la durée de la période de rappel sur le sous-rapportage des RSNP. L’absence de changement dans les RSNP en cours de suivi suggère que la PrEP pourrait potentiellement être utilisée comme méthode de prévention du VIH chez des TS sans craindre une compensation de risque par diminution de l’utilisation du condom. Nos analyses de tendances de RSNP suggèrent aussi la nécessité d’évaluer objectivement les RSNP par l’utilisation de biomarqueurs et de corriger pour les biais de sélection potentiels lors de l’évaluation des tendances de RSNP dans une étude longitudinale avec forte attrition. Enfin la PCR n-TSPY pourrait être d’une grande utilité pour détecter les RSNP dans des études observationnelles où plusieurs facteurs peuvent accélérer la clairance des biomarqueurs.

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Abstract

Unprotected sex (UPS) is a major risk factor for human immunodeficiency virus (HIV) infection and must be measured as validly as possible in HIV prevention studies. To date, the questionnaire is the most commonly used tool to assess sexual behaviours. However, self-report of sexual behaviours is subject to recall and desirability biases. The use of biomarkers of recent semen exposure might help to overcome these biases. Prostate-specific antigen (PSA) and Y chromosomal DNA (Yc-DNA) are the most characterized biomarkers of semen exposure. PSA and Yc-DNA can be detected up to two and 14 days following UPS.

Over the course of an early antiretroviral therapy (E-ART) and pre-exposure prophylaxis (PrEP) demonstration study that was conducted among professional female sex workers (FSW) in Cotonou, Benin, under-reporting of UPS was expected, as well as a change in UPS in the PrEP group. Our objectives were thus to validate self-report of UPS by the means of PSA and Yc-DNA detection; to compare under-reporting of UPS over the last two and 14 days; and to assess trends in UPS in the PrEP group. We also aimed to compare the UPS detection capability of a novel screening test of Yc-DNA, a nested polymerase chain reaction targeting the testis-specific protein Y-encoded family of homologous genes (n-TSPY), to six other commonly used methods to detect recent semen exposure.

At baseline of the E-ART/PrEP study and over a 24 months period of follow-up, UPS from the last two and 14 days were assessed every six months by questionnaire and by PSA and Yc-DNA screening. Under-reporting of UPS in the last two or 14 days was defined as reporting no UPS in the last two or 14 days while testing positive for PSA or Yc-DNA, respectively. A robust Poisson regression was used to compare under-reporting over the last two and 14 days. Trends in UPS as measured with the different tools were assessed by the means of a log-binomial regression. Generalized estimating equations (GEE) were used to account for dependence between observations.

At baseline, we observed about 20% of under-reporting of UPS among FSW from Cotonou. However, we observed no statistically significant difference between under-reporting in the last two days and under-reporting in the last 14 days. Some of our results suggest that the relative performances of each biomarker to detect UPS over its corresponding recall period are not equal, which might have prevented us to detect a difference in under-reporting over

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the two recall periods. No trend in UPS was observed in the PrEP group. Finally, using n-TSPY as a reference test, each of six commonly used methods to detect recent semen exposure lacked sensitivity in the detection of RSNP.

In conclusion, self-report of UPS is biased and must be cautiously interpreted. A better characterization of the clearance of PSA and Yc-DNA is required in order to better evaluate the potential effect of the recall period length on under-reporting of UPS. The absence of any evidence of a trend in UPS in the PrEP group might suggests that there was no risk compensation over the PrEP demonstration study and that PrEP might be a suitable HIV prevention method to use among FSW. Our trends in UPS analyses also pointed out the necessity to objectively assess UPS by the means of biomarkers and to correct for the potential selection bias when assessing trends in UPS over the course of a longitudinal study with high attrition. Finally, the n-TSPY might be of great utility to detect UPS in observational studies where many factors might accelerate the clearance of the biomarkers.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Liste des abréviations ... xi

Remerciements ... xiv

Avant-propos ... xvi

Introduction ... 1

: Mise en contexte et état des connaissances ... 4

1.1 Épidémie du VIH ... 4

1.2 Facteurs de risque de la transmission sexuelle du VIH ... 5

1.3 Méthodes de prévention de la transmission du VIH ... 7

1.3.1 Méthodes traditionnelles ... 7

1.3.2 Méthodes biomédicales ... 8

1.4 Compensation de risque sous PrEP ... 11

1.5 Mesures des rapports sexuels non protégés ... 12

1.5.1 Les questionnaires ... 13

1.5.2 Les biomarqueurs de l’exposition au sperme ... 15

1.5.3 Validation de l’auto-rapportage des RSNP à l’aide de la PSA et de l’ADNch-Y ... 19

: Objectifs ... 21

: Méthodes ... 22

3.1 Pondération par l’inverse de probabilité de censure (IPCW)... 22

: A novel nested polymerase chain reaction targeting the testis-specific protein Y-encoded family of genes for high sensitivity of recent semen exposure detection: a comparison with six commonly used detection methods of unprotected sex ... 25

4.1 Résumé ... 26 4.2 Abstract ... 27 4.3 Introduction ... 28 4.4 Methods ... 29 4.5 Results ... 32 4.6 Discussion ... 34 4.7 Conclusion ... 36 4.8 Contributorship... 36 4.9 Funding ... 37 4.10 Competing interests ... 37 4.11 Acknowledgements ... 37 4.12 Supplementary Material ... 42

: Biological validation of self-reported unprotected sex and comparison of under-reporting over two different recall periods among female sex workers in Benin ... 44

5.1 Résumé ... 45

(8)

5.3 Introduction ... 47

5.4 Methods ... 48

5.5 Results ... 51

5.6 Discussion ... 52

5.7 Contributors ... 55

5.8 Potential conflicts of interest ... 56

5.9 Funding ... 56

5.10 Meeting ... 56

5.11 Acknowledgements ... 56

5.12 Supplementary Material ... 62

: Biological assessment of time trends in unprotected sex among female sex workers on pre-exposure prophylaxis in Cotonou, Benin ... 66

6.1 Résumé ... 67 6.2 Abstract ... 68 6.3 Introduction ... 69 6.4 Methods ... 70 6.5 Results ... 73 6.6 Discussion ... 74 6.7 Contributors ... 76 6.8 Conflicts of interests ... 77 6.9 Funding ... 77 6.10 Acknowledgments ... 77 6.11 Supplementary Material ... 81

: Discussion générale et perspectives ... 83

Conclusion ... 93

Références ... 94

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Liste des tableaux

Table 4-1 — Characteristics of the polymerase chain reaction assays ... 38 Table 4-2 — Baseline characteristics (n=45) ... 39 Table 4-3 — Prevalence of unprotected sex according to the compared methods to detect recent semen exposure... 40 Table 4-4 — Performance of six methods to detect recent semen exposure compared to the nested TSPY PCR assay (n=37) a ... 41

Table 5-1 — Baseline characteristics of participating female sex workers ... 57 Table 5-2 — Prevalence of unprotected sex and under-reporting of unprotected sex among female sex workers in Cotonou, Benin, according to the different detection methods by HIV status at baseline ... 59 Table 5-3 — Comparison of the prevalence of unprotected sex among female sex workers in Cotonou, Benin, according to the different detection methods by HIV status at baseline ... 60 Table 5-4 — Comparison of the prevalence of under-reporting of unprotected sex in the last two and 14 days by HIV status at baseline among female sex workers in Cotonou, Benin ... 61 Table 6-1 — Baseline characteristics of FSW participating to a PrEP demonstration study in Cotonou, Benin 78

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Liste des figures

Figure 6-1 — Flowchart of attrition among female sex workers participating in a PrEP demonstration study in Cotonou, Benin (2014-2016)... 79 Figure 6-2 — Weighted (IPCW) trends of unprotected sex and under-reporting of unprotected sex from baseline to M24 among female sex workers participating to a PrEP demonstration study in Cotonou, Benin (2014-2016) ... 80

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Liste des abréviations

ACASI Audio computer-assisted self-administered questionnaire ADNch-Y ADN chromosomique Y

Anti-HBc Hepatitis B core antibody Anti-HBs Hepatitis B surface antibody ART Antiretroviral therapy

ARV Antirétroviraux bp Base pair

CASI Computer-assisted self-administered questionnaire CD4 Lymphocytes T CD4

D14 14-day follow-up visit DIST Dispensaire IST

E-ART Early antiretroviral therapy FSW(s) Female sex worker(s) FTFI Face-to-face interview(s)

GEE Generalized estimating equation HBsAg Hepatitis B surface antigen HIV Human immunodeficiency virus

HARSAH Homme(s) ayant des rapports sexuels avec des hommes IC Intervalle de confiance

ICVI Informal confidential voting interview

IPCW Inverse probability of censoring weighting (weights, weighted) IST Infection(s) sexuellement transmissible(s)

M3 3-month follow-up visit M6 6-month follow-up visit M9 9-month follow-up visit M12 12-month follow-up visit M15 15-month follow-up visit M18 18-month follow-up visit M21 21-month follow-up visit M24 24-month follow-up visit MSM Men who have sex with men NPV Negative predictive value NTC No template control

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n-TSPY Nested PCR targeting TSPY OMS Organisation mondiale de la Santé PBA Polling box approach

PBS Polling booth survey PCR Polymerase chain reaction PPV Positive predictive value PR Proportion ratio

PrEP Pre-exposure prophylaxis PSA Prostate-specific antigen

q-SRY Quantitative PCR targeting SRY RCT Randomized Controlled Study(ies) RP Rapport de prévalences

RSNP Rapports sexuels non protégés SAQ Self-administered questionnaire SD Standard deviation

SIDA Syndrome d’immunodéficience acquise

SR-14d Self-report of unprotected sex in the last 14 days SR-2d Self-report of unprotected sex in the last two days SRY Sex-determining region Y gene

s-SRY Standard PCR targeting SRY STI(s) Sexually transmitted infection(s) s-TSPY Standard PCR targeting TSPY

TDF/FTC Tenofovir disoproxil fumarate/emtricitabine (Truvada®) TS Travailleuse(s) du sexe

TSPY Testis-specific protein Y-encoded family of homologous genes UDI Utilisateurs de drogues injectables

UPS Unprotected sex

UR-2d Under-reporting of unprotected sex in the last two days UR-14d Under-reporting of unprotected sex in the last 14 days VIH Virus de l'immunodéficience humaine

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« Il n’y a rien au monde de certain. » René Descartes (1641)

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Remerciements

Mon cheminement au doctorat en épidémiologie a vraiment été des plus enlevants et enrichissants! Les dernières années ont en effet été pour moi une occasion unique de me surpasser, de me connaître davantage et d’avoir beaucoup de plaisir en recherche. Mais aussi et surtout, le doctorat m’a permis de connaître une panoplie d’individus sans lesquels cette aventure n’aurait pu exister ou n’aurait été aussi belle. Je tiens ici à remercier plus particulièrement certains d’entre eux.

Mes premiers remerciements vont à mon superviseur de doctorat, Michel Alary. Quand j’ai contacté Michel la première fois en 2013, mon objectif était clair : faire une maîtrise en épidémiologie et seulement une maîtrise. J’ai finalement tant aimé mon projet de recherche et j’ai tant aimé travailler avec Michel que je me suis surprise à vouloir poursuivre au doctorat. Michel est l’un de ces rares patrons qui donnent le sentiment de travailler « avec » eux et non pas « pour » eux. Très disponible, pertinent et humain, Michel a toujours su me guider par d’excellents conseils, tout en appréciant mes propres idées et en me laissant beaucoup d’autonomie dans la poursuite de mon projet de recherche. Michel, merci de m’avoir soutenue et de m’avoir donné le goût et les ressources nécessaires pour poursuivre une carrière académique en recherche.

Je tiens également à remercier les membres de mon équipe et plus particulièrement Luc Béhanzin et Fernand Guédou, qui ont coordonné le projet E-ART/PrEP de près, et Ella Goma-Matsétsé, qui a effectué la grande majorité des tests de dépistage des biomarqueurs qui m’ont été de la plus grande utilité dans mon projet. J’aimerais également remercier Denis Talbot pour son enseignement de grande qualité et sa contribution au devis et à l’interprétation des analyses statistiques du troisième article présenté dans cette thèse. Enfin, un merci tout spécial à Johanne Leroux pour son soutien administratif et surtout moral. Johanne, tu es une amie sur qui j’ai toujours pu compter!

Merci aux collègues étudiants et amis avec qui j’ai fait mes cours de maîtrise et de doctorat et qui ont su garder une place dans ma vie après que nous ayons tous été happés par nos responsabilités professionnelles et doctorales. Kaoutar, Danielle, Sylvain, Pierre-Alexandre, Claudia et Ludivine : j’aime tout particulièrement comment nos clubs de lectures d’abord voués à lire Rothman d’une couverture à l’autre se sont transformés en 5 à 7 et en soupers de discussions sur l’épidémiologie, mais aussi sur nos vies respectives.

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Merci aux amis de longue date, Audrey, Rana, Adriano, Mike et Sandra, qui sont parfois trop loin et dispersés à travers le monde, mais qui sont toujours avec moi dans mes pensées. J’ai été portée par vos encouragements.

P’pa et m’man : merci de m’avoir encouragée à faire ce que je voulais dans la vie, de m’avoir soutenue et d’avoir cru en moi.

Enfin j’aimerais remercier mon conjoint, Michel Ouellet. Mon bel amour, je ne saurai jamais te dire à quel point j’apprécie ta présence, ton positivisme et le soutien sans faille que tu m’as apporté malgré le manque de vacances des dernières années et les découragements parfois rencontrés dans la poursuite de mon doctorat. Tu es tout simplement exceptionnel et la vie est belle avec toi. Je t’aime!

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Avant-propos

Cette thèse vise à caractériser les rapports sexuels non protégés et le sous-rapportage des rapports sexuels non protégés chez les travailleuses du sexe (TS) professionnelles de Cotonou, au Bénin, à l’aide de biomarqueurs de l’exposition récente au sperme. Elle utilise des données qui ont été récoltées dans le cadre d’une étude de démonstration visant à vérifier la faisabilité d’implanter le traitement précoce comme prévention (early antiretroviral therapy : E-ART) et la prophylaxie pré-exposition (pre-exposure prophylaxis : PrEP) chez les TS professionnelles de Cotonou au Bénin.

Elle comporte 7 chapitres, en plus d’une introduction et d’une conclusion. Le chapitre 1 résume l’état des connaissances en lien avec le sujet pour le mettre en contexte. Le chapitre 2 présente les objectifs principaux et les sous-objectifs de la thèse. Le chapitre 3 développe plus en profondeur les méthodes qui n’ont pu être décrites dans les articles présentés aux chapitres 4 à 6. Les chapitres 4 à 6 présentent chacun des trois premiers articles soumis dans le cadre des travaux effectués pour la présente thèse. Enfin le chapitre 7 consiste en une discussion générale.

Pour chacun des trois articles insérés dans cette thèse et soumis à évaluation, je suis première auteure, tandis Michel Alary est dernier auteur à titre de chercheur principal. L’état de publication de ces articles, de même que mon rôle dans leur préparation et la liste de leurs coauteurs sont présentés ci-dessous.

Le premier article intitulé « A novel nested polymerase chain reaction targeting the testis-specific protein Y-encoded family of genes for high sensitivity of recent semen exposure detection : a comparison with six commonly used detection methods of unprotected sex » a été soumis à la revue Sexually Transmitted Infections le 10 juillet 2018. J’ai participé à la conception de cette étude, aux manipulations en laboratoire et à la gestion des données. J’ai effectué les analyses statistiques de même que leur interprétation et j’ai rédigé le manuscrit. Les coauteurs sont François A. Leblond, Ella Goma-Matsétsé, Vibhuti Dave, Luc Béhanzin, Fernand A. Guédou et Michel Alary. Cet article est présenté au chapitre 4. Le deuxième article intitulé « Biological validation of self-reported unprotected sex and comparison of under-reporting over two different recall periods among female sex workers in Benin » a été soumis à la revue Open Forum Infectious Diseases le 12 septembre 2018 et est actuellement en cours de modifications. J’ai participé à la conception de cette étude,

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aux manipulations en laboratoire et à la gestion des données. J’ai effectué les analyses statistiques de même que leur interprétation et j’ai rédigé le manuscrit. Les coauteurs sont Luc Béhanzin, Fernand A. Guédou, François A. Leblond, Ella Goma-Matsétsé, Djimon Marcel Zannou, Dissou Affolabi, René K. Kêkê, Flore Gangbo, Moussa Bachabi et Michel Alary. Cet article est présenté au chapitre 5.

Le troisième article intitulé « Biological assessment of time trends in unprotected sex among female sex workers on pre-exposure prophylaxis in Cotonou, Benin » a été soumis à la revue Clinical Infectious Diseases le 17 décembre 2018. J’ai participé à la conception de cette étude, aux manipulations en laboratoire et à la gestion des données. J’ai effectué les analyses statistiques et leur interprétation en collaboration avec Denis Talbot et Michel Alary et j’ai rédigé le manuscrit. Les coauteurs sont Luc Béhanzin, Fernand A. Guédou, Denis Talbot, François A. Leblond, Ella Goma-Matsétsé, Djimon Marcel Zannou, Dissou Affolabi, René K. Kêkê, Flore Gangbo, Moussa Bachabi et Michel Alary. Cet article est présenté au chapitre 6.

Le format des articles a été adapté à la facture générale de la thèse afin de générer des listes de tableaux, de figures et de références uniques.

Dans le cadre de ma thèse, j’ai également participé à un article intitulé « Early antiretroviral therapy and daily pre-exposure prophylaxis for HIV prevention among female sex workers in Cotonou, Benin : a prospective observational demonstration study ». Cet article a été accepté pour publication dans la revue Journal of the International AIDS Society le 19 octobre 2018. En tant que sixième auteure sur cet article, j’ai participé aux analyses statistiques et j’ai révisé la première version du manuscrit pour du contenu intellectuel important. Cet article n’est pas soumis pour évaluation dans le cadre de cette thèse, mais il y est inséré à l’Annexe 1 pour permettre aux évaluateurs de s’y référer. En effet, cet article décrit bien l’étude E-ART/PrEP dans lequel s’inscrit cette thèse alors il y est souvent fait référence tout au long de ce document. Le format de cet article n’a pas été adapté à la facture générale de la thèse donc ses références, tableaux, et figures ont conservé leur numérotation d’origine et se trouvent à la suite du manuscrit dans l’Annexe 1.

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Introduction

Les rapports sexuels non protégés (RSNP) sont un facteur de risque prédominant pour la transmission et l’acquisition du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). C’est pourquoi il est essentiel de les évaluer de près et de la façon la plus valide possible dans toute recherche préventive sur le VIH. À ce jour, le questionnaire demeure l’outil le plus abordable et le plus utilisé pour documenter les comportements sexuels. Or, l’auto-rapportage des comportements sexuels est sujet à des biais de rappel et de désirabilité sociale.1-3 Des

approches permettant une détection objective des RSNP pourraient être utiles pour pallier ces biais.4-7

Chez les femmes, la détection de sperme au niveau vaginal est un indicateur objectif de RSNP. Des études antérieures ont montré que l’antigène prostatique spécifique (prostate-specific antigen : PSA) et l’ADN chromosomique Y (ADNch-Y), deux molécules du sperme, peuvent être détectés dans des prélèvements vaginaux jusqu’à respectivement deux et 14 jours suivant une exposition au sperme.8-13 De plus, le croisement des données

auto-rapportées avec la détection de ces biomarqueurs permet de déceler les femmes qui sous-rapportent les RSNP, c’est-à-dire les femmes qui sous-rapportent ne pas avoir eu de RSNP tout en testant positives pour les biomarqueurs. La PSA et l’ADNch-Y sont donc tous deux de plus en plus utilisés à des fins de validation de l’auto-rapportage des RSNP chez les femmes.13-28

Parmi les études ayant utilisé la PSA en concomitance avec les données auto-rapportées pour détecter les RSNP survenus dans les deux jours précédents, quatre ont été menées chez des travailleuses du sexe (TS) en Afrique et en Asie.14,16-18 Dans ces études, de 8,8%

à 29,1% des participantes ont rapporté des RSNP, tandis que de 15,5% à 38,2% ont été testées positives pour la PSA. Le sous-rapportage des RSNP a été observé dans chacune de ces études avec 7,7% à 32,5% des participantes qui avaient rapporté ne pas avoir eu de RSNP dans les deux derniers jours tout en testant positives pour la PSA.14,16-18 De plus,

dans une étude prospective menée chez des femmes consultant une clinique d’infections sexuellement transmissibles (IST) à Kingston, en Jamaïque, il a été observé que le sous-rapportage des RSNP des deux derniers jours était significativement plus fréquent au suivi qu’au recrutement, ce qui suggère que la validité de l’auto-rapportage des RSNP peut varier en cours de suivi dans une étude longitudinale.20

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De septembre 2014 à décembre 2016, une étude prospective observationnelle visant à vérifier la faisabilité d’implanter deux nouveaux modes de prévention du VIH, soit le traitement précoce comme prévention (early antiretroviral therapy : E-ART) et la prophylaxie pré-exposition (pre-exposure prophylaxis : PrEP) a été menée chez des TS de Cotonou, au Bénin (Annexe 1).29 Le E-ART consiste à traiter précocement aux antirétroviraux (ARV) les

individus séropositifs afin de réduire leur charge virale du VIH et d’empêcher la transmission du virus à autrui, tandis que la PrEP consiste à administrer des ARV à des individus séronégatifs mais à haut risque de contracter le VIH afin de prévenir leur propre infection.30

Considérant le sous-rapportage déjà observé à l’aide de la PSA dans les études antérieures chez des TS, le sous-rapportage des RSNP était anticipé de la part des TS professionnelles recrutées dans l’étude E-ART/PrEP.14,16-18 Un premier objectif de cette thèse était donc de

valider l’auto-rapportage des RSNP à l’aide de la PSA, mais aussi de l’ADNch-Y, au recrutement de l’étude E-ART/PrEP.

Par ailleurs, la PrEP soulève des craintes quant à une compensation de risque qu’elle pourrait entraîner dans les populations où elle est implantée.31,32 En se sentant protégés de

l’infection par le VIH par la prise de la PrEP, les individus sous PrEP pourraient diminuer leur utilisation du condom et s’exposer ainsi davantage aux IST desquelles la PrEP ne protège pas. Dans une étude de démonstration de la PrEP chez des TS d’Afrique du Sud, aucun changement clair dans les RSNP auto-rapportés n’a été observé suite à l’implantation de PrEP, tandis qu’une diminution des IST a été observée en cours de suivi.33 La validité de

l’auto-rapportage des RSNP pouvant varier en cours de suivi et une diminution des IST pouvant être due à leur traitement, cette étude ne permet pas de conclure à une absence réelle de compensation de risque.4,20 Un deuxième objectif de cette thèse était donc

d’évaluer les tendances de RSNP et de sous-rapportage des RSNP en cours de suivi de l’étude E-ART/PrEP à l’aide de la PSA et de l’ADNch-Y chez les TS sous PrEP.

Mais d’abord, puisque certains résultats obtenus en début d’étude suggéraient des faux négatifs de la part de la réaction en chaîne par polymérase (polymerase chain reaction : PCR) alors utilisée pour détecter l’ADNch-Y, et puisque les participantes rapportaient de fréquentes douches vaginales qui risquaient de compromettre notre capacité à détecter l’ADNch-Y, un nouvel essai PCR plus sensible pour détecter l’ADNch-Y a été développé par l’équipe. Un troisième objectif de cette thèse était donc de comparer la capacité de détection

(20)

des RSNP de ce nouvel essai PCR à celle de six autres méthodes couramment utilisées à des fins de détection de l’exposition récente au sperme.

Les objectifs principaux et les sous-objectifs de cette thèse sont présentés plus en détails au chapitre 2.

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: Mise en contexte et état des

connaissances

1.1 Épidémie du VIH

Depuis sa découverte au début des années ‘80, le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) a infecté 77,3 millions (59,9-100 millions) de personnes et a causé plus de 35 millions (25,0-49,9 millions) de décès.34 Il infecte encore aujourd’hui plus de 36 millions (31,1-43,9

millions) d’individus à l’échelle mondiale.34,35

Bien que les nouvelles infections à VIH aient diminué de 36% depuis 2000, encore 1,8 millions (1,4-2,4 millions) de personnes ont été nouvellement infectées en 2017.34,35 Près

des deux tiers de ces nouvelles infections sont survenues en Afrique subsaharienne où 25,7 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2017.35 Toujours en Afrique subsaharienne,

la transmission du VIH se fait principalement par rapports hétérosexuels et, en Afrique de l’Ouest, l’épidémie se concentre surtout chez les travailleuses du sexe (TS).36 Il a été estimé

que de 75% à 90% des cas de transmission du VIH vers la population générale étaient causés par les TS via leurs clients et leurs autres partenaires sexuels, d’où l’importance de cibler le milieu du travail du sexe et plus particulièrement les TS avec les programmes de traitement et de prévention du VIH pour endiguer l’épidémie de VIH.37-39

Au Bénin, pays d’Afrique occidentale, les prévalences de VIH, de gonorrhée et de chlamydia ne cessent de diminuer chez les TS depuis 1993 grâce à des interventions préventives combinant des approches comportementales, structurelles et biomédicales.40-42 Ainsi, entre

1993 et 2008, la prévalence du VIH chez les TS de Cotonou, plus grande ville et capitale économique du Bénin, est passée de 53,3% à 30,4%, tandis que la prévalence de la gonorrhée a diminué de 43,2% à 6,4% et que celle de la chlamydia est passée de 9,4% à 2,8%.41 Néanmoins, la prévalence du VIH est toujours plus de sept fois supérieure chez les

TS du Bénin comparativement à celle des femmes de la population générale et les TS continuent de subir des infections sexuellement transmissibles (IST) récurrentes.40-42 En

2015, la prévalence du VIH chez les TS de Cotonou a été estimée à 16,8% alors qu’elle était de 2,2% chez les femmes de la population générale en 2011.40,41,43,44

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Cette prévalence élevée chez les TS pourrait mettre en péril le contrôle de l’épidémie du VIH au Bénin, d’où l’importance d’identifier et de tenter de nouvelles approches préventives du VIH auprès des TS.

1.2 Facteurs de risque de la transmission sexuelle du VIH

Dans une population donnée, le risque pour un individu d’être infecté par le VIH dépend de la probabilité de contact avec un individu infecté et de la probabilité de transmission du virus lors de ce contact. La probabilité d’entrer en contact avec une personne infectée par le VIH est elle-même fonction de la prévalence du VIH dans la population et du nombre de contacts effectués. Quant à la probabilité de transmission du virus, elle dépend, entre autres, du type de contact, de la susceptibilité à l’infection de l’individu sain et de l’infectiosité de l’individu infecté.45

Ainsi, les TS ont un risque particulièrement accru de contracter le VIH de par le fait qu’elles évoluent dans une population à prévalence élevée de VIH et de par leur grand nombre de partenaires sexuels. Au Bénin, il a été observé que la prévalence du VIH chez les TS ayant eu plus de dix clients lors de la semaine précédente était 1,4 fois celle des TS ayant eu moins de dix clients.46

Le type de contact sexuel qui augmente le plus le risque de la transmission du VIH est la pénétration anale. Les estimations de prévalence des rapports sexuels anaux sont peu nombreuses et sont incertaines de par le biais de désirabilité sociale qui est associé à la mesure de ce comportement.47-49 Néanmoins, au recrutement d’un essai randomisé sur un

microbicide vaginal mené chez des TS d’Afrique du Sud, il a été estimé que 14% des participantes avaient déjà eu des rapports sexuels anaux.50 Dans une autre étude menée

chez des hommes mariés hétérosexuels de Cotonou, 17,5% des participants ont rapporté avoir déjà eu un rapport sexuel anal avec une femme.47,48 Ces estimations suggèrent que

la prévalence de ce comportement chez les TS de Cotonou pourrait être relativement élevée. Dans une méta-analyse portant sur le risque de transmission hétérosexuelle du VIH par acte sexuel, la transmission anale homme-femme a été estimée à 1,69% par acte sexuel contre 0,08% pour la transmission vaginale homme-femme.51 Dans une étude menée chez

des TS d’Abidjan en Côte d’Ivoire, les participantes qui avaient déjà eu des rapports sexuels anaux étaient 3,5 fois plus à risque de contracter le VIH que celles qui n’avaient pas eu de tels rapports.52

(23)

Les IST accroissent la susceptibilité à l’infection par le VIH et augmentent l’infectiosité des individus séropositifs par divers mécanismes, favorisant ainsi la transmission du VIH. 42,49,53-57 Les IST pourraient favoriser la transmission du VIH par les lésions qu’elles engendrent

au niveau des muqueuses génitales. Ainsi, chez des TS du Bénin, il a été observé que les infections à gonocoque et à chlamydia asymptomatiques n’étaient pas associées à l’infection par le VIH, alors que les infections symptomatiques (i.e. avec au moins une lésion cervicale) l’étaient.58 Les IST pourraient aussi favoriser la transmission du VIH en

exacerbant la réponse immunitaire aux sites génitaux, laquelle pourrait accroitre la présence de cellules cibles ou porteuses du VIH au site d’infection.49,53-57 Enfin, d’autres études ont

aussi montré que l’excrétion de VIH aux sites génitaux d’hommes ou de femmes séropositifs était beaucoup plus importante chez les individus infectés par une autre IST et que le traitement des IST diminuait l’excrétion génitale de VIH.59,60

L’infectiosité d’un individu séropositif augmente aussi en fonction de sa charge virale, laquelle dépend du stade d’infection par le VIH. Des études menées chez des couples hétérosexuels sérodiscordants, ont montré une association positive entre la charge virale de l’individu initialement infecté et le taux de transmission du VIH.24,61,62 Dans une

méta-analyse incluant 14 études, il a été estimé que le risque de transmission du VIH est respectivement 9,2 et 7,3 fois plus élevé lors les stades précoces et tardifs de l’infection par le VIH que pendant la phase chronique de l’infection où la charge virale est moindre.51

Afin de prévenir la transmission et l’infection par le VIH, l’approche privilégiée est celle de la prévention combinée.63 Cette approche combine un ensemble d’interventions qui

s’attaquent à différents facteurs de risque de la transmission du VIH et qui, mises ensemble, ont un effet synergique sur la prévention du VIH. Ainsi, dans une population donnée, les interventions qui visent à réduire l’infectiosité d’un individu séropositif auront généralement un effet synergique avec les interventions qui visent à réduire la susceptibilité d’un individu sain à l’infection par le VIH.63 Dans la section qui suit, nous présentons séparément les

méthodes de prévention de la transmission du VIH les plus courantes et efficaces et qui ont été combinées dans le cadre de l’étude E-ART/PrEP (Annexe 1).

(24)

1.3 Méthodes de prévention de la transmission du VIH

1.3.1 Méthodes traditionnelles

Les recommandations traditionnelles pour la prévention de la transmission sexuelle du VIH incluent l’abstinence, la monogamie avec un partenaire séronégatif, un nombre limité de partenaires sexuels à vie et l’utilisation du condom soutenue (utilisation à tous les rapports sexuels).64 Par définition, les TS ne sont ni abstinentes, ni monogames et elles cumulent

plusieurs partenaires sexuels au cours de leur vie. C’est pourquoi le condom est encore le mode de prévention traditionnel du VIH le plus utilisé dans cette population.

D’ailleurs, à ce jour, le condom demeure le mode de prévention du VIH et des IST le plus commun et utilisé en général.65 Il présente l’avantage d’être relativement peu coûteux et il

constitue une barrière physique efficace pour réduire la transmission sexuelle du VIH et des autres IST.32 Des méta-analyses ayant compilé les estimations d’études conduites chez des

couples hétérosexuels sérodiscordants, ont montré que l’utilisation soutenue du condom (utilisation à tous les rapports sexuels) offre un niveau de protection contre le VIH d’environ 70% à 87%.64,66 Certaines évidences suggèrent aussi que l’augmentation de l’utilisation du

condom dans une population pourrait diminuer l’infection par le VIH et les autres IST à long terme. La proportion de TS de Cotonou rapportant une utilisation soutenue du condom avec leurs clients dans les 30 jours précédents a beaucoup augmenté dans les dernières années, passant de 29,7% en 1993 à 87,1% en 2015.40,41,43 Parallèlement à cette augmentation, de

1993 à 2008, la prévalence du VIH est passée de 53,3% à 30,4%, celle de la gonorrhée, de 43,2% à 6,4% et celle de la chlamydia, de 9,4% à 2,8%.41 Une étude de modélisation a par

ailleurs confirmé que l’augmentation de l’utilisation du condom chez les TS de Cotonou pourrait bien être à l’origine d’une diminution significative de la prévalence et de l’incidence du VIH chez les TS, mais aussi dans la population générale.67

L’utilisation du condom pose toutefois certains défis pour les TS. Ces dernières sont généralement sous-éduquées, marginalisées et exposées à des violences sexuelles, physiques et psychologiques.42,68,69 La grande vulnérabilité des TS représente une barrière

à leur capacité de négocier l’utilisation soutenue du condom.69,70 Les bris de condom sont

aussi relativement fréquents chez les TS et sont associés à une mauvaise utilisation du condom de même qu’à la violence subie par les TS.68,71 Dans une étude menée en 2000

(25)

démonstration de l’utilisation du condom sur un pénis en bois, seulement 11,0% des participantes ont su faire une démonstration adéquate de l’utilisation du condom.71 Dans

cette même étude, les participantes ont rapporté des bris de condom fréquents (128 bris/1025 condoms utilisés), lesquels étaient associés à une mauvaise démonstration de l’utilisation du condom par les TS (p=0,04).71 Dans une autre étude menée chez des TS de

Cotonou en 2012, 15,9% des participantes ont rapporté au moins un bris de condom dans la semaine précédant l’entrevue.68 Également, une association positive entre la violence

physique et les bris de condom (rapport de prévalences (RP)=1,59; intervalle de confiance (IC) 95% : 1,12-2,27), de même qu’entre la violence sexuelle et les bris de condom (RP=1,72; IC95% : 1,20-2,47) a été observée.68 Les TS font aussi une distinction importante

entre les partenaires réguliers émotionnels et les clients et elles utilisent ainsi beaucoup moins le condom avec ces premiers.41,72-74 En 2015, moins de 19,0% des TS de Cotonou

rapportaient avoir toujours utilisé le condom avec un partenaire régulier dans les 30 derniers jours alors que 87,1% rapportaient l’utilisation soutenue du condom avec les clients sur cette même période.43

La circoncision est un autre mode de prévention traditionnel efficace contre l’acquisition du VIH.61,75-79 La face interne du prépuce est sujette aux microlésions lors du rapport sexuel et

présente une grande densité de cellules cibles du VIH, ce qui favorise l’entrée du virus et donc l’infection par ce dernier.76,78,80,81 Le retrait du prépuce par circoncision réduit donc la

susceptibilité à l’infection par le VIH chez l’homme. Une méta-analyse incluant 21 études menées chez des hommes d’Afrique subsaharienne a permis d’estimer que le risque d’acquisition du VIH était réduit de moitié chez les hommes circoncis comparativement aux hommes non-circoncis (risque relatif = 0,52; IC95% : 0,40-0,68).79 Un effet protecteur direct

de la circoncision masculine sur l’infection de la femme par le VIH n’a pas été clairement observé.76,82 Toutefois, en réduisant la susceptibilité à l’infection par le VIH et les autres IST

chez l’homme, la circoncision contribue à diminuer l’incidence de ces infections dans la population et offre ainsi une protection indirecte chez la femme.83,84 Au Bénin, la plupart des

hommes sont circoncis pour des raisons religieuses et culturelles.37

1.3.2 Méthodes biomédicales

Le traitement des IST est la première méthode biomédicale qui a été utilisée dans le but de prévenir l’acquisition et la transmission du VIH. Bien que l’OMS ait fait la promotion du traitement des IST comme composante essentielle des programmes nationaux de lutte

(26)

contre le VIH depuis 1991,85 ce n’est qu’en 1995 que le premier essai randomisé contrôlé

visant à vérifier si l’augmentation du traitement des IST pouvait réduire la transmission du VIH dans la population générale a été mené.86-88 Dans cet essai conduit auprès de 12,537

hommes et femmes de Mwanza, en Tanzanie, il a été observé que l’augmentation du traitement des IST avait réduit l’incidence du VIH d’environ 40% dans cette population (rapport d’incidence=0,58; IC95% : 0,42-0,79).88 Un second essai randomisé a ensuite été

mené à Rakai, en Ouganda, lequel visait à vérifier si des rondes répétées de traitement de masse des IST pouvait diminuer l’incidence du VIH.89,90 Dans cette étude menée auprès de

12,726 participants, aucun effet de l’augmentation du traitement des IST n’a été observé sur l’incidence du VIH.90 La contradiction importante dans les résultats obtenus dans ces deux

essais est suspectée d’être due au fait que les deux essais ont testé des interventions différentes et ce, avec des méthodes différentes, le tout dans des contextes épidémiologiques différents.59 À Mwanza, l’épidémie de VIH était en croissance au moment

de l’étude avec une incidence du VIH relativement faible et une prévalence aussi faible mais en croissance, tandis qu’à Rakai, l’épidémie de VIH avait atteint le stade de maturité avec une forte incidence et une prévalence stable et élevée dans la population générale.59 La

comparaison de ces deux études entre elles a ainsi permis de suggérer que, pour que le traitement des IST ait un impact populationnel sur l’incidence du VIH, il fallait que l’épidémie du VIH soit en croissance.59 Par ailleurs, une étude de modélisation mathématique a

également suggéré que, au niveau populationnel, la contribution des IST à la transmission du VIH décroît avec la maturation de l’épidémie de VIH.91 Néanmoins, le traitement des IST

demeure pertinent peu importe le type d’épidémie du VIH. En effet, en réduisant la période de la maladie due aux IST chez un individu, le traitement des IST réduit le temps de susceptibilité accrue au VIH chez cet individu et demeure donc un mode de prévention individuel efficace. Dans la foulée d’un renforcement et de l’extension des interventions préventives auprès des TS de Cotonou avec le Projet canadien d’appui à la lutte contre le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) en Afrique de l’Ouest qui a débuté en 1992,41

un centre de soins adapté à la prise en charge des TS et intégré au centre de santé communal de Cotonou-1, le Dispensaire IST (DIST), a été créé à Cotonou en 1993 à partir d’une clinique déjà existante depuis 1988.92 Depuis, le DIST, qui offre gratuitement des

services de dépistage et de traitement des IST et du VIH aux TS de la région, est toujours en fonction. C’est au DIST que l’étude E-ART/PrEP a été menée.

(27)

Dans les dernières années, le traitement précoce comme prévention (early antiretroviral therapy : E-ART) et la prophylaxie pré-exposition (pre-exposure prophylaxis : PrEP) se sont montré deux méthodes biomédicales prometteuses pour lutter contre l’épidémie de VIH. Le E-ART consiste à traiter précocement aux antirétroviraux (ARV) les individus séropositifs afin de réduire leur charge virale et d’empêcher la transmission du virus à autrui.30 Chez un

individu infecté par le VIH, la concentration sanguine de lymphocytes T CD4 (CD4) diminue avec la progression de la maladie. Il a longtemps été d’usage d’attendre que la concentration sanguine de CD4 d’un individu séropositif diminue en dessous d’un certain seuil avant de débuter le traitement aux ARV. En 2013, ce taux est passé de 350 CD4/mm3 à

500 CD4/mm3. C’est en septembre 2015 que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a

finalement recommandé le traitement de tout individu séropositif, indépendamment de son taux de CD4.93 C’est qu’en plus d’être bénéfique pour la santé de l’individu infecté, le E-ART

diminue grandement le risque de transmission du VIH à autrui.94-97 En effet, un essai

randomisé multicentrique mené chez 1,763 couples sérodiscordants a montré une diminution de la transmission du VIH de 96% avec E-ART comparativement au traitement à partir d’un seuil de 250 CD4/mm3.95 Au Bénin, le E-ART est recommandé pour toute

personne infectée par le VIH depuis la fin de 2016.98

La PrEP consiste à administrer des ARV à des individus séronégatifs, mais à haut risque de contracter le VIH, afin de prévenir leur propre infection.30 La PrEP est donc d’abord

considérée comme un mode de prévention du VIH à l’échelle individuelle.99-101 Toutefois,

administrée à plus large échelle, elle pourrait aussi aider au contrôle de l’épidémie du VIH au niveau populationnel et ce, particulièrement chez les populations les plus à risque de contracter le VIH. Des essais randomisés menés auprès d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH), d’utilisateurs de drogues injectables, de couples hétérosexuels sérodiscordants ou d’hommes et femmes hétérosexuels ont montré que la PrEP orale pouvait prévenir de 44% à 86% des infections par le VIH.102-108 Toutefois, aucune

protection de la PrEP n’a été observée dans deux essais conduits chez des femmes à haut risque de contracter le VIH au Kenya, en Afrique du Sud, en Tanzanie, en Ouganda et au Zimbabwe.109,110 Le manque d’adhésion au traitement pourrait expliquer au moins en partie

l’absence d’efficacité de la PrEP dans ces études.109-111 Dans une étude combinant les

résultats de deux essais PrEP randomisés et évaluant l’adhésion au traitement sur la base de la concentration d’ARV dans le sang ou au niveau vaginal, l’efficacité de la PrEP a été estimée à 90% chez les individus adhérents au traitement.104,112,113 En 2012, l’usage de la

(28)

PrEP était recommandé par l’OMS spécifiquement pour les couples sérodiscordants, les HARSAH et les transgenres.30 Depuis septembre 2015, l’OMS a élargi sa recommandation

d’utiliser la PrEP aux autres groupes de personnes à haut risque de contracter le VIH, incluant les TS.30,114

Malgré l’efficacité démontrée de la PrEP comme méthode de prévention du VIH, la faisabilité d’implanter ce nouveau mode de prévention du VIH chez les TS est remise en question à cause des faibles niveaux d’adhésion préalablement observés chez des femmes à haut risque de contracter le VIH.109,110 C’est donc pour évaluer la faisabilité et l’utilité de E-ART,

et plus particulièrement de la PrEP, chez les TS professionnelles de Cotonou au Bénin que l’étude E-ART/PrEP a été menée (Annexe 1).29 Par ailleurs, puisque la PrEP soulève aussi

des craintes quant à la potentielle diminution de l’utilisation du condom qu’elle pourrait engendrer par compensation de risque, un des indicateurs mesurés pour évaluer la pertinence de PrEP chez les TS de Cotonou était la tendance d’utilisation du condom suite à l’implantation de PrEP. La section suivante présente l’état des connaissances sur la compensation de risque avec PrEP.

1.4 Compensation de risque sous PrEP

Bien que la PrEP se soit montrée efficace pour prévenir la transmission du VIH et soit recommandée par l’OMS en prévention combinée chez les populations à haut risque de contracter le VIH, elle soulève aussi des craintes quant à la potentielle compensation de risque qu’elle pourrait engendrer.30-32,114,115 En effet, l’introduction d’une intervention qui

réduit la perception de risque par rapport à un comportement peut entraîner un individu à adopter un comportement plus risqué.116 Ainsi il est craint que, se sentant protégés de

l’infection par le VIH grâce aux ARV, les individus sous PrEP diminuent leur utilisation du condom, risquant ainsi d’atténuer les bénéfices attendus pour la prévention du VIH. Certains ont argumenté que la grande efficacité de PrEP devrait toujours permettre une diminution de l’incidence du VIH malgré une certaine désinhibition face aux rapports sexuels non protégés.116 Toutefois, la PrEP ne protège pas des IST et une diminution dans l’utilisation

du condom pourrait entraîner une augmentation de l’incidence de ces dernières.

Il n’y a pas de consensus clair quant à la compensation de risque par diminution de l’utilisation du condom chez les populations sous PrEP. Plusieurs études randomisées contrôlées ayant soit comparé les comportements sexuels entre les individus sous PrEP et les individus sous placebo, soit évalué les tendances de comportements sexuels suite à

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l’implantation de PrEP, ont été menées chez des hommes ou des femmes hétérosexuels, des couples sérodiscordants, des HARSAH ou des femmes à haut risque de contracter le VIH.102,105,110,114,117 Ces études ont montré des résultats variables, suggérant parfois une

diminution, parfois une augmentation, parfois aucun changement dans les rapports sexuels non protégés (RSNP) auto-rapportés par les individus sous PrEP. Toutefois les essais randomisés contrôlés ne permettent pas vraiment d’évaluer la compensation de risque puisque les participants ne savent pas s’ils prennent un traitement efficace ou non.118

La grande majorité des études PrEP ouvertes ont été menées chez des HARSAH.118-121

Dans la plupart de ces études, une augmentation des RSNP auto-rapportés et/ou des IST chez les utilisateurs de PrEP a été observée, suggérant une compensation de risque.118-121

Toutefois, dans la seule étude de démonstration de la PrEP mené chez des TS et publiée au moment de rédiger cette thèse, aucune tendance claire dans les RSNP auto-rapportés n’a été observée, tandis qu’une diminution des IST a été observée suite à l’implantation de PrEP.33

Dans toutes ces études, les RSNP ont été évalués par auto-rapportage et/ou par détection des IST. Or, l’auto-rapportage des RSNP est sujet à des biais d’information, lesquels peuvent varier en cours de suivi dans une étude longitudinale, et les IST sont un marqueur faible des RSNP. En effet, tous les RSNP n’occasionnent pas automatiquement une IST et l’incidence ainsi que la prévalence des IST peuvent changer indépendamment des RSNP dans une population si on augmente leur traitement.2,4

1.5 Mesures des rapports sexuels non protégés

La validité des comportements sexuels auto-rapportés est remise en question depuis les premières enquêtes sur la sexualité ayant été menées aux États-Unis dès 1948.122,123

Depuis, différents types de questionnaires et plus récemment, des biomarqueurs de l’exposition au sperme, ont été proposés et testés dans le but d’améliorer les estimations sur les comportements sexuels et plus particulièrement sur les RSNP. Dans cette section, nous faisons un survol des différents questionnaires et des biomarqueurs de l’exposition au sperme les plus couramment utilisés pour documenter les comportements sexuels et nous en présentons les avantages et les inconvénients.

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1.5.1 Les questionnaires

À ce jour, le questionnaire demeure l’outil le plus abordable et le plus utilisé pour documenter les comportements sexuels. Il permet d’obtenir des informations détaillées sur le nombre de partenaires ou de rapports sexuels sur une période donnée, sur le type de partenaires (occasionnel, régulier, client) ou sur le sexe des partenaires sexuels rencontrés et sur la nature des rapports sexuels (rapport vaginal ou anal, avec ou sans condom, etc.). On distingue aussi différents types de questionnaires en fonction de leur design, de leur contenu et de leur mode d’administration, lesquels peuvent entraîner différents biais d’information.1

Parmi les questionnaires les plus utilisés, on retrouve l’entrevue en face-à-face (face-to-face interview : FTFI), le questionnaire auto-administré par écrit (self-administered questionnaire : SAQ), le questionnaire auto-administré par ordinateur (computer-assisted self-administered interview : CASI), le questionnaire auto-administré par ordinateur avec soutien audio (audio computer-assisted self-administered interview : ACASI), le journal personnel quotidien sur les comportements sexuels (sexual diary ou daily coital diary) et les questionnaires à système de votation confidentielle tels que le ICVI (informal confidential voting interview), le PBS (polling booth survey) et le PBA (polling box approach).

Le FTFI est un questionnaire administré au répondant par un enquêteur qualifié. Contrairement aux questionnaires auto-administrés (SAQ, CASI, ACASI, journal) ou aux questionnaires à système de votation confidentielle (ICVI, PBS, PBA), le FTFI offre moins d’intimité aux répondants et est donc plus sujet au biais de désirabilité sociale. Un tel biais se manifeste lorsque les répondants tendent à adapter leurs réponses en fonction de ce qu’ils perçoivent comme étant socialement acceptable face à leur enquêteur.2,3,124 Plusieurs

études randomisées ou croisées ont montré que les répondants tendaient à rapporter moins de comportements sexuels à risque lorsque les questions étaient administrées par FTFI plutôt que par ACASI,125-131 par ICVI,132,133 par PBS47,134 ou par PBA,135 suggérant le

sous-rapportage des comportements jugés indésirables en présence d’un enquêteur. Toutefois, l’administration du questionnaire par un enquêteur permet au besoin de clarifier des questions ou des termes ambigus, d’assurer la cohérence entre les différentes réponses fournies par le répondant, de réduire le taux de non-réponses et d’interroger des individus à faible littératie.136

En plus de limiter le biais de désirabilité sociale, les différents questionnaires auto-administrés présentent d’autres avantages spécifiques. Le SAQ et le journal sont peu

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coûteux, ne requérant que du papier et un crayon, tandis que le CASI et l’ACASI permettent d’éviter les réponses incohérentes ou manquantes grâce à l’automatisation informatique. Enfin, avec son support audio, l’ACASI peut de plus être administré à des répondants à faible niveau de littératie. C’est donc dire aussi que le SAQ, le journal et le CASI présentent l’inconvénient d’exiger un certain niveau de littératie de la part des répondants et que le CASI et l’ACASI sont plus coûteux et donc moins accessibles dans les milieux à faible revenu.1,136

Le ICVI est une approche qui marie le FTFI avec l’auto-administration.132,133,137 Après avoir

récolté les données non-sensibles par FTFI traditionnel, le ICVI consiste à récolter les réponses aux questions sensibles par dépôt dans une urne. Ainsi un enquêteur administre les questions sensibles comme dans le cadre d’un FTFI, mais les participants sont invités à répondre à la question posée sur un bulletin de vote préalablement identifié d’un identifiant unique et du numéro de la question. Le tout se fait à l’abri du regard de l’enquêteur et le participant dépose son bulletin de vote dans une urne commune où ses réponses se retrouvent mélangées à celles des répondants précédents. L’urne est ensuite vidée par un enquêteur externe ne connaissant pas l’identité des répondants, lequel réassigne les réponses de chaque participant à son questionnaire en fonction de son identifiant unique. Cette procédure limite le biais de désirabilité sociale par l’intimité qu’elle confère aux répondants face à l’enquêteur, mais elle requière un certain niveau de littératie de la part des répondants.

Le PBS est une variante de l’ICVI où les répondants sont questionnés en groupe, chaque participant ayant son propre isoloir et sa propre urne.47,134,138 Les questions sont à réponses

dichotomiques (oui ou non) et les bulletins de vote ne sont identifiés que du numéro de la question. Les bulletins de vote sont ensuite tous combinés et les fréquences des réponses sont compilées pour chaque question. En questionnant plusieurs répondants à la fois, le PBS est plus efficace que l’ICVI. Toutefois il ne produit pas de données individuelles. Le PBA est aussi une variante de l’ICVI où cette fois les bulletins de vote, en plus d’être identifiés par un identifiant unique au répondant et du numéro de la question, arborent des choix de réponses sous forme de mots mais aussi de schémas.135 Cette approche permet

d’interroger des répondants à moindre littératie que l’ICVI original.

Avec tous ces questionnaires, un biais de rappel peut également se manifester de façon plus ou moins importante selon la fréquence des comportements investigués sur une

(32)

période donnée. Ainsi, des études ont montré que la validité des comportements sexuels auto-rapportés diminue avec une augmentation du nombre de partenaires ou de rapports sexuels.2,139,140 Le biais de rappel peut également varier en fonction de la longueur de la

période de rappel. Il a été suggéré que le journal personnel sur les comportements sexuels, lorsque rempli de façon prospective sur une base quotidienne, pourrait réduire les problèmes associés à la mémoire à long terme comme les oublis et l’effet de télescopage.2

Des études ayant comparé les données récoltées à l’aide d’un journal à celles récoltées rétrospectivement chez des TS, des HARSAH, ou des adultes et des jeunes hétérosexuels, ont observé des discordances dans le rapportage des comportements sexuels et ont ainsi suggéré que les données récoltées par journal étaient plus valides que les données récoltées par questionnaire rétrospectif.141-147 Toutefois, les données récoltées à l’aide d’un

journal demeurent des données auto-rapportées qui peuvent être influencées par la désirabilité sociale. Le journal ne peut donc être considéré comme un étalon-or dans l’évaluation des comportements sexuels et en cas de discordance avec les données rétrospectives, on ne peut conclure hors de tout doute que ce sont ces dernières qui sont biaisées. Enfin, le journal peut aussi être sujet au biais de rappel s’il n’est pas rempli sur une base quotidienne comme indiqué.

En plus des biais de désirabilité sociale et de rappel, la méconnaissance de la survenue d’un événement par un répondant peut également entraîner un biais d’information. Par exemple, des événements subtils tels que la fuite de petites quantités de sperme ou le bris du condom lors d’un rapport sexuel peuvent passer inaperçus d’un répondant qui sous-estimera alors son exposition à un RSNP.148

En somme, si les questionnaires présentent le grand avantage de fournir des informations détaillées sur les comportements sexuels des répondants, ils sont aussi tous sujets à différents types de biais d’informations et ce, à des degrés variables. Les biais de désirabilité sociale, de rappel, et les biais dus à l’impossibilité pour un répondant de rapporter un événement passé inaperçu, peuvent toutefois être surpassés par la détection de biomarqueurs de l’exposition au sperme.4,149,150

1.5.2 Les biomarqueurs de l’exposition au sperme

Les biomarqueurs de l’exposition au sperme sont des composantes ou des molécules du sperme qui, lorsque détectées au niveau vaginal, permettent de conclure qu’un RSNP a eu lieu. Contrairement aux questionnaires, les biomarqueurs ne permettent pas d’obtenir des

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informations détaillées sur les types de partenaires sexuels rencontrés ni sur la fréquence de RSNP. Toutefois, les biomarqueurs de l’exposition au sperme présentent l’avantage de ne pas être influencés par la désirabilité sociale, la capacité de rappel, ou le niveau de compréhension, de connaissance ou d’éducation des sujets investigués. De tels biomarqueurs ont d’abord été développés et utilisés en médecine légale pour l’investigation des crimes sexuels et sont maintenant de plus en plus utilisés en recherche sur la contraception et en recherche préventive sur le VIH et les autres IST.6

Un biomarqueur idéal de l’exposition au sperme devrait (1) être spécifique au sperme, c’est-à-dire absent des sécrétions vaginales si un RSNP n’a pas eu lieu; (2) être détectable même si seulement une petite quantité de sperme est présente au niveau vaginal; (3) être stable, c’est-à-dire ne pas être dégradé ou éliminé trop rapidement du tractus vaginal et ne pas être trop variable en fonction des éjaculats; et (4) être facile à échantillonner et à dépister par des méthodes de laboratoire simples, accessibles, peu coûteuses et dont les résultats ne sont pas influencés par la présence de produits topiques vaginaux (lubrifiants, spermicides, etc.).6

À ce jour, aucun biomarqueur de l’exposition au sperme connu ne possède toutes les caractéristiques requises pour en faire un marqueur idéal. Parmi les plus documentés se trouvent les spermatozoïdes, l’ADN chromosomique Y (ADNch-Y), ainsi que différentes protéines séminales incluant l’acide phosphatase, les séménogélines, l’antigène MHS-5 et l’antigène prostatique spécifique (PSA). Les spermatozoïdes sont détectés par visualisation direct en microscopie tandis que l’ADNch-Y est détecté par réaction en chaine par polymérase (polymerase chain reaction : PCR) et que les protéines séminales sont détectées par l’entremise de tests de laboratoire de type immuno-essais.12,151-155 La PSA et

l’ADNch-Y sont les deux biomarqueurs dont les cinétiques de clairance biologique au niveau vaginal suivant une exposition au sperme sont les mieux caractérisées. C’est pourquoi ils ont tous deux étés utilisés à des fins de détection des RSNP et de la validation de l’auto-rapportage dans le cadre de cette thèse. Nous les présentons plus en détails dans les sections qui suivent.

(34)

La PSA, aussi connue sous le nom de p30, est une sérine protéase qui se retrouve dans le plasma séminal à une concentration supérieure à 106 ng/mL en moyenne.154 La PSA se

retrouve également dans certains tissus féminins, comme les sécrétions vaginales, mais en concentrations généralement inférieures à 10-4 ng/mL, soit à des niveaux infimes

comparativement à ceux observés dans le sperme.156 Aussi, les tests de dépistage de la

PSA offrent une limite de détection supérieure aux niveaux de PSA retrouvés dans les tissus féminins, ce qui fait de la PSA un indicateur spécifique d'un RSNP chez la femme.157,158 Les

tests de détection de la PSA sont des immuno-essais de type quantitatif ou rapide (dichotomique).152,155 Ils ont d'abord été développés et largement utilisés pour la détection

des cancers de la prostate, pour investiguer les crimes sexuels et pour mesurer l'efficacité des condoms et sont donc considérés comme très fiables.5,8,11,148,159-161

Des essais contrôlés au cours desquels des femmes ont été inoculées de façon intravaginale avec des quantités connues du sperme de leur conjoint ont permis d'évaluer la performance des tests de détection de la PSA et la cinétique de la clairance biologique de ce biomarqueur au niveau du vagin.5,9,11,162 Suite à une inoculation de 1 mL de sperme,

la PSA est éliminée en moyenne dans les 20 à 27 heures, et est détectable jusqu'à un maximum de 48h. La sensibilité des tests de détection quantitatifs de la PSA immédiatement après l'inoculation a été estimée de 96% à 100% en fixant le seuil de positivité à 1 ng PSA/mL.5,9,11,162 La sensibilité diminue ensuite rapidement, passant à 21%-29% et à

3%-7%, respectivement 24h et 48h post-inoculation.9,11 Dans les essais où les participantes

étaient instruites de s'abstenir de rapports sexuels au moins 72h avant l'inoculation, la spécificité des tests de détection quantitatifs de la PSA a été estimée à 91%-97% à l'aide de prélèvements pré-inoculation et à 100% chez des femmes se disant abstinentes depuis au moins six mois.5,11,162

ABAcard p30 (Abacus Diagnostics) est le test rapide le plus couramment utilisé pour détecter la PSA. C’est ce test qui a été utilisé dans le cadre de cette thèse puisqu’il est rapide d’utilisation, ne requiert pas d’équipement spécialisé et est moins coûteux que les essais quantitatifs tout en offrant la même sensibilité que ces derniers.155

L’ADN chromosomique Y (ADNch-Y)

L'ADNch-Y, soit le chromosome sexuel masculin qui se retrouve notamment dans les spermatozoïdes, est de plus en plus utilisé à des fins de détection des RSNP. Il est détecté par amplification PCR d'un gène situé sur le chromosome Y, soit le gène SRY

Figure

Table 4-1 — Characteristics of the polymerase chain reaction assays
Table 4-2 — Baseline characteristics (n=45)  Characteristics  Age, mean (SD)  34.1  (9.4)  Nationality, n (%)      Beninese  21  (46.7)  Congolese  1  (2.2)  Ghanaian  7  (15.6)  Nigerian  7  (15.6)  Togolese  9  (20.0)  Education, n (%)      None  17  (37
Table 4-3 — Prevalence of unprotected sex according to the compared methods to  detect recent semen exposure
Table 4-4 — Performance of six methods to detect recent semen exposure compared to the nested TSPY PCR assay (n=37)  a Sensitivity (95%, CI)  b
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Références

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