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1.5 Mesures des rapports sexuels non protégés

1.5.2 Les biomarqueurs de l’exposition au sperme

Les biomarqueurs de l’exposition au sperme sont des composantes ou des molécules du sperme qui, lorsque détectées au niveau vaginal, permettent de conclure qu’un RSNP a eu lieu. Contrairement aux questionnaires, les biomarqueurs ne permettent pas d’obtenir des

informations détaillées sur les types de partenaires sexuels rencontrés ni sur la fréquence de RSNP. Toutefois, les biomarqueurs de l’exposition au sperme présentent l’avantage de ne pas être influencés par la désirabilité sociale, la capacité de rappel, ou le niveau de compréhension, de connaissance ou d’éducation des sujets investigués. De tels biomarqueurs ont d’abord été développés et utilisés en médecine légale pour l’investigation des crimes sexuels et sont maintenant de plus en plus utilisés en recherche sur la contraception et en recherche préventive sur le VIH et les autres IST.6

Un biomarqueur idéal de l’exposition au sperme devrait (1) être spécifique au sperme, c’est- à-dire absent des sécrétions vaginales si un RSNP n’a pas eu lieu; (2) être détectable même si seulement une petite quantité de sperme est présente au niveau vaginal; (3) être stable, c’est-à-dire ne pas être dégradé ou éliminé trop rapidement du tractus vaginal et ne pas être trop variable en fonction des éjaculats; et (4) être facile à échantillonner et à dépister par des méthodes de laboratoire simples, accessibles, peu coûteuses et dont les résultats ne sont pas influencés par la présence de produits topiques vaginaux (lubrifiants, spermicides, etc.).6

À ce jour, aucun biomarqueur de l’exposition au sperme connu ne possède toutes les caractéristiques requises pour en faire un marqueur idéal. Parmi les plus documentés se trouvent les spermatozoïdes, l’ADN chromosomique Y (ADNch-Y), ainsi que différentes protéines séminales incluant l’acide phosphatase, les séménogélines, l’antigène MHS-5 et l’antigène prostatique spécifique (PSA). Les spermatozoïdes sont détectés par visualisation direct en microscopie tandis que l’ADNch-Y est détecté par réaction en chaine par polymérase (polymerase chain reaction : PCR) et que les protéines séminales sont détectées par l’entremise de tests de laboratoire de type immuno-essais.12,151-155 La PSA et

l’ADNch-Y sont les deux biomarqueurs dont les cinétiques de clairance biologique au niveau vaginal suivant une exposition au sperme sont les mieux caractérisées. C’est pourquoi ils ont tous deux étés utilisés à des fins de détection des RSNP et de la validation de l’auto- rapportage dans le cadre de cette thèse. Nous les présentons plus en détails dans les sections qui suivent.

La PSA, aussi connue sous le nom de p30, est une sérine protéase qui se retrouve dans le plasma séminal à une concentration supérieure à 106 ng/mL en moyenne.154 La PSA se

retrouve également dans certains tissus féminins, comme les sécrétions vaginales, mais en concentrations généralement inférieures à 10-4 ng/mL, soit à des niveaux infimes

comparativement à ceux observés dans le sperme.156 Aussi, les tests de dépistage de la

PSA offrent une limite de détection supérieure aux niveaux de PSA retrouvés dans les tissus féminins, ce qui fait de la PSA un indicateur spécifique d'un RSNP chez la femme.157,158 Les

tests de détection de la PSA sont des immuno-essais de type quantitatif ou rapide (dichotomique).152,155 Ils ont d'abord été développés et largement utilisés pour la détection

des cancers de la prostate, pour investiguer les crimes sexuels et pour mesurer l'efficacité des condoms et sont donc considérés comme très fiables.5,8,11,148,159-161

Des essais contrôlés au cours desquels des femmes ont été inoculées de façon intravaginale avec des quantités connues du sperme de leur conjoint ont permis d'évaluer la performance des tests de détection de la PSA et la cinétique de la clairance biologique de ce biomarqueur au niveau du vagin.5,9,11,162 Suite à une inoculation de 1 mL de sperme,

la PSA est éliminée en moyenne dans les 20 à 27 heures, et est détectable jusqu'à un maximum de 48h. La sensibilité des tests de détection quantitatifs de la PSA immédiatement après l'inoculation a été estimée de 96% à 100% en fixant le seuil de positivité à 1 ng PSA/mL.5,9,11,162 La sensibilité diminue ensuite rapidement, passant à 21%-29% et à 3%-

7%, respectivement 24h et 48h post-inoculation.9,11 Dans les essais où les participantes

étaient instruites de s'abstenir de rapports sexuels au moins 72h avant l'inoculation, la spécificité des tests de détection quantitatifs de la PSA a été estimée à 91%-97% à l'aide de prélèvements pré-inoculation et à 100% chez des femmes se disant abstinentes depuis au moins six mois.5,11,162

ABAcard p30 (Abacus Diagnostics) est le test rapide le plus couramment utilisé pour détecter la PSA. C’est ce test qui a été utilisé dans le cadre de cette thèse puisqu’il est rapide d’utilisation, ne requiert pas d’équipement spécialisé et est moins coûteux que les essais quantitatifs tout en offrant la même sensibilité que ces derniers.155

L’ADN chromosomique Y (ADNch-Y)

L'ADNch-Y, soit le chromosome sexuel masculin qui se retrouve notamment dans les spermatozoïdes, est de plus en plus utilisé à des fins de détection des RSNP. Il est détecté par amplification PCR d'un gène situé sur le chromosome Y, soit le gène SRY (sex-

determining region Y)12,163,164 ou la famille de gènes homologues TSPY (testis-specific

protein Y-encoded).165

Comme pour la PSA, un essai contrôlé avec inoculation intravaginale de sperme a permis d'évaluer la sensibilité de la détection de l’ADNch-Y (via SRY) de même que la cinétique de la clairance biologique de ce biomarqueur. Ainsi, suite à une inoculation de 1 mL de sperme, la sensibilité de la détection de l'ADNch-Y est passée de 72% immédiatement après l'inoculation à 49% après 24h, 21% après 48h et 12% après 14 jours.9 Dans un essai pour

lequel les participantes étaient instruites de s'abstenir de rapports sexuels pendant trois semaines suivant un RSNP, la demi-vie de l'ADNch-Y a été estimée à 3,8 jours.12 Dans un

autre essai où les participantes étaient instruites d'utiliser le condom lors des rapports sexuels, la spécificité a été évaluée à 92%.166 Enfin il a été globalement observé que

l'ADNch-Y est détectable jusqu'à 14 jours suivant un RSNP (ou une inoculation de sperme).9,12,150,166 Comparativement à la PSA, l'ADNch-Y présente l'avantage d'être

détectable plus longtemps après un RSNP. Toutefois, sa détection est plus coûteuse, moins rapide, et elle requiert une machinerie et une main-d'œuvre plus spécialisées. De plus, le sperme d’un individu vasectomisé ne peut être détecté par l’entremise de l’ADNch-Y. Le gène le plus souvent ciblé pour détecter l’ADNch-Y par PCR est le gène SRY.12,163,164

Plus récemment, la famille de gènes homologues TSPY a été identifiée comme nouvelle cible d’intérêt pour la détection de l’ADNch-Y dans les prélèvements vaginaux.165 Que ce

soit par PCR traditionnelle ou par PCR quantitative, les gènes TSPY sont détectés en plus grande concentration et sur une plus longue période suivant une exposition au sperme que le gène SRY.165,167 La présence de copies multiples de TSPY contre une copie unique de

SRY pour chaque copie d’ADNch-Y pourrait permettre une plus grande amplification de TSPY que de SRY, favorisant ainsi sa détection et donc celle de l’ADNch-Y.165

Dans le cadre de l’étude E-ART/PrEP (Annexe 1), les douches vaginales étaient pratique commune chez les participantes. Aussi, des résultats obtenus en début d’étude suggéraient des faux négatifs de la part de la PCR SRY initialement utilisée. En effet, certaines femmes étaient testées positives pour la PSA tout en étant testées négatives pour l’ADNch-Y. Afin d’accroître la sensibilité de détection de l’ADNch-Y tout en en préservant la spécificité, il a donc été décidé de développer une PCR nichée ciblant TSPY, laquelle a été utilisée dans le cadre de cette thèse. En effet, la PCR nichée est une méthode accessible qui consiste en deux rondes successives d’amplification PCR à l’aide de deux paires d’amorces

différentes mais spécifiques à la même cible d’ADN. La double ronde d’amplification accroît la sensibilité de la PCR tandis que l’utilisation de deux paires d’amorces accroît sa spécificité.168 La PCR nichée ciblant TSPY a été comparée à six autres méthodes

couramment utilisées pour la détection des RSNP. Cette comparaison a fait l’objet d’un article qui est présenté au chapitre 4.

En résumé, la PSA et l’ADNch-Y sont actuellement les deux biomarqueurs considérés comme les plus valides pour détecter les RSNP. Ils sont détectables respectivement jusqu’à deux et 14 jours suivant un RSNP. En les croisant avec les données auto-rapportées sur les RSNP survenus dans les deux ou les 14 derniers jours, ils permettent de valider l’auto- rapportage des RSNP sur ces deux périodes de rappel. La section qui suit présente les quelques études qui ont utilisé ces deux biomarqueurs pour valider l’auto-rapportage des RSNP des deux et 14 derniers jours.

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