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d• LA FEMME DANS 'LA TRILOGIE DE BEAUMARCHAIS
" SBAHRZAb MIRDAMAOI ,,~, ' , ,"
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<l ,A thesis submitted to. the Faculty
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Grad~ate Studies ~nd Research1n part1al fulfilment of the Q
raquirements "for the degree of Master of Arts.
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ci.p~tment
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Lanquaqeand Literature, McGill University. •
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Marèh - 1982..
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Nous 'remercions notre directeur de thêse 1 professeur
Jean' Terrasse, pour ses conseils pr~cieux,
" sa direct~on
jUdicieuse et sa patience A toute ~pre}lve.
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RESUME
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française du XVIIIe sii!cle. les subissent souvent l'oppression de~ hommes renforcAe par les lois et les moeurs. Beaumarchais d~crit cette\
, 1
r~alit~, ~ans sa Trilogie, - Le Barbier de Séville, Le Mariage
" de Figaro ,et la Mère coupable I~
' - en mettant l' acc~rit sur' les questions du mariage et de l' am~)U;. Ses h~roines s 'éi~ent contre leur conditioll. Douées d'une grande intelligence, elles a<j!ssent en calculant. ~ Leur esprit et leur sensibilitê viennent souvent ~. leur secours aux moments critiques. D'aiI-leurs, une sinc~re amitié et une entente profonde unissent les
"
femmes de diff~rentes_conditrons contre l'injustice des hommes.
Beaumarchais se range généralement du côté de ses
.b~roines dans la lutte qu'elles mênemt pour changér leur sort.
I l prêche une morale qui repose sur les post\.1lats des
"philo-sophes ": la bonté du coeur, , l 'égali té des droits et la liber-té. Au nom d4; ces princiJ!les, Beaumarchais s'élève contre le
,
despotisme' des hommes, il rejette l'idée de l' inégali té des sexes et il demande un traitement équitable pour toutes les femmes. tp. •
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ABSTRA'CT
In XVlIlth ury France, sexual oppression of
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women was reinforced b\ \ the ,l,aws .and mores of the land. Beaumarchais describes '. this re'ali ty in his Trilogy, - le
Barbier de
S~ville,
le, 'iJariage de Figaro, and la Mère cèupable- ,L
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.'\l~cusing on the guestio~~ of marri age anÇl love .... His extreme'ly
intelligent heroines
re~11
against such conditions with careful calculation. Their wit rhd their sensibility often~om"
to their rescue incritical.moment~
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'ranks, against men.a'tprofound understanding among them, unite these women';of different ' * ( ,
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• .. fBeaumarchais often takes sides wi th his heroines in their fiqht for a better tlife.. He ~reaches a code of morali ty based
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on the philosophical postulates that expound goodness of the heart, equali ty of' righ ts, and freedom. In the name of these pr inciples
h e s t a~ d s aga~ns ' t men s 1 d espot~sm, ' h e ,reJects t e '
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PREMIERE PART lE : La Condi tion de la Femme
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CHAPITRE 1: CHAPITRE II: DEUXIEME PARTIE: La la CHAPITRE" 1: CHAPITRE II: Les moeurs Les Lois ..
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Caract~risation des Femmes dan~
Trilogie ~ . . . .
Rosine ... .
Suzanne ... e . . . ..
CHAPITRE III: Marce1ine •••••••.••••••.••
TROISI~ PARTIE: 5. 15. 16. 31. 38. 39. 67. 82. Les plaipoyers ... Î • • • • • • • .. .. • • • • • • • • • • 90 ... CONCLUSION . BIBLIOGRAPHIE ,
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, fI(, - ( " ~ de la fe~: 1l'opinion èst.souten~e par des esprits aussi divers que
les
Go~courtl~t
NietzJche; 2 Paul Hazard l'a confirm.éeen.
.
rendant hommage ii une sorte de. souveraineté féminine:
.
....-~ )'.'
Divinités frivol~s, poudre et rouge
•
,~
et mouches, failles, satins, broèarts, dentèlles, bijoux, de leur pas léger elles s'avancent au premier rang( ... ). Les maîtresses ~taient devenues ~e
mani~re d'institution d'Etat: ~
,l"Chaque âge humain', chaque siècle apparàît â la
'PQst~rité domin~, comme la vie "des individus par un .
5.
..
• t...,
caractêre, par une loi intime, supérieure, unique e~ ~
rigoureuse, dérivpnt des moeurs, commandant aux faits, et d'où il semble! distance que l'histoire d~coule.
L'étude à\ prehlêre vue distingue dans le dix-huitiême_ siècle ce caractêre général, constant, essen'tiel, cette loi suprême d'une sociét;é qui en est le couronnement, la
, .
physionomie èt le secret: l'âme de ce temps, le centre , . du monde, le point d'on tout rayonne, le sommet'd'où
-tout descend, l'image s ur laque Ile -tout se modê le, e c'est_ la femme", Goncourt, J. et E. de, La Femme au XVIII siècle, Paris, Firmin - Didot, 1887, P. 281 •
• " t v;..1
2Das achtzehnte Jahrhundert ist vom Weibe beherrscht,
Schwarme~eistreicv, f1ach, aber mit einem' Geist im Dienste der Wünschbarkei t , des Herzens (. ~ . )". (Nietzsche, F., Der Wille Zur
Match, ~rk§, Leipzig, C.G.,Naumann, 1901, Vol. 15, P. 39).
1
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.
C)
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" , 1"-Maitresses des rois: parmi toutes celles de Louis XV, Madame de Pom-padour. Maitresses des grands ( .•• ) Maîtresses des philos~phes, de tous
les philosophes ( ... ) Les femmes '
s'associ~rent au mouvement.des
eS-prits, quelquefois même elles le.
dirig~rent; elles prirent une place
d' égali té â' côté des écrivains et à J
côté des savants; elles furent
moins ~édantes; puisque intelligence il y avait, ell~s furent ~plus 'natu- . rellement in te !'1igerites ( ... ) avide,s d'apprendre; ce n'est pas ~ aimer, c' est ~ connaître qu'elles me'ttaient leur ardeur. 1
1 2
Cette suprématie s'exerce dans les salons, dont l'exis-tence se~perpétue et dont l'influence même ne cesse de ,èJ!oître' au XVIIIe siêcle.' Elle ne rend pas la femme pour
autant
inaccessi~le.
Au contrafie, on voit se dessiner,
un mouvement d'approche et de découverte, de la fenunei les arts ·humanisen 1;. son visage:Peut-être le domàine des arts figura~ tifs est-il celui où l'on peut mieux mesurer'" les effets d'un fh-ocessus gê-nêra). d' humanisatiog de la femme et de l'amour au XVIII siècle. La pein-ture du Grand Siècle exaltait la femme dans des images nobles et sculpturales, dans des "Junons aux gr~ds yeux
, impassibles". Au XVIII siêcle, ~ ces fi,gures altiêres, à ces statues majes-tueuses succ~dent des images plus
;
o
lHazard, P., La Pensée européenne au XVIIIe
si~cle
de Montesquieu â Lessing, Paris, Boivin, 1946, T. l,P .. 176bet suive
2 " .
e' Mongrédien, G., La vie de société aU'AoXVIle et XVIII si~cle Hachette, 19?O, P. 176 et suive
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è • 1 ... " r 1 '.'modestes, pius conformes au goût ..
bourg~is qui met la femme ~ s.a
port~e . •
qn
la fait descendre d'unpi~destal trop haut pour qu'on la
puisse vrâiment regarder, et on se met ~ l ' ooserver d'uri oeil nerveux, attentif, précis. l
"
Les'~crivains s'intéressent pareillement ~ la femme.
Ils s'en'inspi~ent èurtout pour l'étudier et la saisir telle qu'elle est. De Dide~qt au prince de Ligne, pombien de réflexions sur lei femmes! De Thomas
~
Mercier, on étudie leur ca'ifctère, leurs moeurs 'o'.!' leur rôle dans· la société, onle~observe
dans lavariet~
de leur condition. Leur sort autant que leur être font l'objet de maintes recherches.7.
L'enquête sur la femme donne naissance
a
une fou).e.
d', opinions dive rses • Chacun aborde le suj et avec so~
tem-p~rament et ses tendances propres.
"
...
"-. lGeffriaUd Rosso-, J.,
Mon'tesquie~
et laf~minité,
Paris, Nizet, 1977, P. 9..
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'8,8."\. Les plus ?gr ands don,nen t l'exemple. 'Le Montesquieu
\
,
qes Lettres per..sanes s'inscrit dans le courant libéral. Itc'èst une' ( ••. )' question de savoir si la loi naturelle
;»
soumet les. f$mmes aux hommes", dit'-il. Faisant parler
• J } "
pour lui un' "philosophe tr~s galant", il défend un point de vue favorable à l' émancipation
d~s
femmes: "La nâture n'a jamais dicté une telle loi. L'empire que1nous avons"
sur elles est une véritable tyrannie; elles ne nous llont, laissé prendre que parce qu'elles ont plus d'huma~ité et
•
de raison". C'est donc par injustice que les hommes se
\
sont donnés des droits su+, élles. "Nous employons teutes sortes de moyens pour leur abattre leur courage; les forces sel1'aient égalès, si -l' €ducation l"était aussi. Eprouvrns-les dans le~' talents que l'éducation n'a pas' aftai.6l1s e't nous verJ;:ons si nous sonunes' forts".l 'rI y a
\
dans ces mot~ de Montesquieu "l'affirmation dl une éga-lité .de nature, ( . . . ) la dénonciation de l'f usurpation
mas-" P '
2
culine, ,et l'explication de l' inégali té due A l'éducation".
l "
i '!Il II) . i
On aura t 'du mal CI. retracer chez Vo talPre une 1 gne
•
lMontesquieu, Lettres eersanes, Paris, Garnier -frêres, 1960, Lettre 38, P. 81.
2Àlbistur, M. et
A~mOgathe,
D., Histoire du " féminisme fran~ais du moxen âge A!!ps jours, Paris, éd. ' des femmes, 19 7, P. 190...
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'"... de çonduite aussi
un,iîorm:
qU~lle
'de Montesquieu. Dans' 1 'Êpître d~dicatoire dlAlzire, ~dress~e à Madame" la, 0
Marquisë du Châtelet, Voltaire loue les aptitudes intél .... , ,
,
... lectuelles de sa protectrice, "esprit que la philosophie --ne peut dessécher et: que les charmes des belles - lettres
ne peuvent amollir". Mais immédiatement ap-rês, i l ajoute ,-qu'il n'est pas bon qu'une femme quitte·lIles devoirslde .
. 1
son ~tat pour cultiver les science!?"
, naire philosophique (articles "Femmes" argÙInents sont aussi conventionnels:
Dans son
Oiction-.!."
et Il Honunes ") , ses,
la faiblesse phy-sique de la ~fernrne qui la renvoie IInécessairement" aux "petits t'r~vaux plus l€gers de l'intérieur de la maison", la "douceur dans (son) caractêrell
qui 11 empêche de
com-'. - "
mettre de "grands crimes" et surtout l ' absence d~ g~nies,
f~minins: "on a vu des fenunes très savantes comme il en. f\1t de guerrières; mais i l n' y en ~ jamais eu d' inven-trices ... 2 Certes, Voltaire s'est élevé souvent contre les injustice;:; dont les fenunes sont les victimes - il a
~
protesté notamment contre la pen.daison dl une fille-mère' qui avait tué son enfant3 - mais il ne s'est pas entïère-'
~
IVoltaire, Oeuvl:es complètes, édit. L.; Moland,
G,arnie r, 1883, T. III, P. 373 . 2 Ibid ., ,T.\XIX, P. 98.'
\ , 3Vo1r Abensour, L., La Femme et le f€ininisme avant la Rêvolution, Paris; Leroux, 1923, P. 407.
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10.
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ment dêgagê des prêjugés anciens.
1
'.L'antif~minisme de Jean-Jacques Rousseau apparaît
dans la Lettre A" d'Alembert, dans La N~uvelle Héloïse et surtout dans le cinquiême liv~e de l'Emile, lorsque
l'écri-• 1
vain aborde l'~ducation de Sophie, la compagne de son élève. " Rs>usseau refuse de prendre .parti dans les disputes sur "la
préfêrence ou l"~9alité des sexes ... l La nature a ét;abli une, hiérarchie, i l faut la respecter. La îemme est faite pour .
)
"-i~
plaire et pour être subjugu~e.
Son
devoir est de se soumettreAl' autofit~ -de 1 'homme
r
donner des enfants ~ so~ mari. Obéissance et soumission sont les principaux piliers del'éducation de Spphie. Cependant, l'importance que Rou~seau
attache, au sentiment et aux grand~s' passions, l' adinirq.tion qu'il éprouve PQur la vie de fami~le, t~mpèrent la rigueur, de ses principes. On pourrait trouver chez lui "un certain féminisme romantique,,2 dont 'les articles es'sentiels sont
~
J
1 liberté du coeur et l'exaltation du rôle de la mère.
o
ns les Confessions, 3 on voit une tentative de montrer que;
1 .
Oeuvree Complètes de
J.
J. Rousseau, Gallimard, T. IV, 1969; P. 693.2 '
, Abensour, L., La Femme ,et le féminisme avant la
Révolution, P. 363 •
.
3Rouss~au,
J. J., Oeuvres Complètesde~.
J. Rousseau, Gallimard, T. II, 1961, PP. 1254 - 1259._ .
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11.
les femmes sont tout aussi capables que les hommes de 'jouer un rôle dans l'histoire. pouryu qu'on leur en donne
..
les 'moyens.,
La plupart ~~s êcrivaihs qui se. sont penchês sur
'1 'li 6
la question féminine au XVIIIe siêcle ont repri~ tantôt 'les idêes de Monte~qûieu, tantôt celles de Voltaire,. tantôt
celles de ,Rousseau en les adaptant
a
leUr goût ou 1 leur tempêrament. Les" opinions qui s'expriment sont donc t;"êsvariêes. On peut grosso modo les diviser en. deux grou~
Il
qulil n'est pas toujours
pertine~
comme 'le remarque P. Hoffmann', de dêsigner par les vocables "fêminismen< et
"anti-" ~. ~ (
.
.. fêndnisme" ; on voit plutôt s'opposer deux conceptions
dif-\
fêrentes de la femme:
L'une, ouverte sur la vie quotidienne, sur les formes concrêtes d~ bonheur~
sur les problêmes de la fami~le, de l'amour, souligne la particularitê de la femme, estimant plus f~conde, à la ' fois sur le plan affectif ,et sur le plan mêdical, l'idêe de différence;
l' aut~e 1 le courant inte,llectualiste
(qui caractéri~e en particulier la,' philosophie du XVIIIe siêcle), prise en son sens êtroit nie, au nom de l'universalité de la vocation philOSO-phique, que les particulari tés morpho-· logiques
et
physiologiques de la femme puissent influer sur les modes de sà pensée. Pensée ligertaire, génêreuse, pour laquelle le concept d'homme est un et ne saurait logiquement souffrir aucun clivage à l'intérieur de lui-même 1, qui dênonce dans les institutions un •
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\i '- , 1 ...) " /' ~irojet d'oppte~sion; poùr laquelle le
~ statut d'inf~riorit~ juridique de la femme, son inculture, son exclusion ~
des emplois de la vie civile, ses modes dg.. vie, sont des ph~nomênes
politiques, du même o~dre que toute
in~galit~ de rang et de fortune. l
Seuls quelques ~crivains, tels Rousseau et Restif de la Bretonne, se situent dans 'le premier courant: , ~if a
donn~,
avec les Gynographes, l'un despam~hl~
les plus,misogynes du
x:vtll
e siêcle. Le courant "intellectualiste'" domine largement la,pens~e des Lumiêres:.V~ritablement il y a , au mdlieu du siêcle entre 1725 et 1760" comme une surproduction d'ouvrages, sur la ques-tion, les traitês favorables aux femmes restant, il faut. bien le reconnaître, en ~rande ,majorit~.2
Marivaux (dans La COlonie), Helv~tius (dans De L'Esprit),
.Boudier de Villemert' (dans L'Ami des femmes), et bien d'autres, ~crivent'en faveur des femmes. Pour la p~riode
qui suit 1760, Ascoli remarque:
4~ .
Aprês le milieu4u siêcle, une f~
pass~e,tla p~riode de surproduction' .,
(.' ~ .) jusqu 1 en 1760, l' âge h~roique
du f~minisme est termin~.3 ~
~Hoffmarin,
P., La Femme dans la pensêe des Lumdêres,Paris, Ophrys, 1977, P. 562.
2Ascoli, G., "Essai sur l' histoire des
id~es f~mi
nistes en France du seiziême siêcle ! la R~volution", in Synthêse historique, XIII-~ (1906), P. 172.;z 3Ibid , P. , 182. 1 o " " , ,; t
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f ',,'
,
Une
lecture attentive de la Trilogie de Beaumarchais, leBarbi~r
deS~ville
(1775),1 leMaria~e
de Figaro(1784)2, et la Mêre, coupable (1792),3 - ne permet pas de
justifier cette opinion.
~
Notre ~tude de la femme dans les trois- piêces de Beaumarchais fer~ une place particuliêrement importante aux trois hêrolnes: Rosine, qui deviendra la Comtesse A1mavi va ~ Suzanne, la' soubrette: Uarceline, mère de
1 •
Figaro et servante dans la maison des Almav1va.
,
Notre approche de la femme dans l'oeuvre de Beaumarchais comprend trois grandes êtapes. Nous êtu-dierons, lors de la premiêre, le thênje de la condition
.,
~~minine dans la Trilogie, en le reliant aux rêa1it~s de
l'~poque, saisies d'abord dans les moeurs, puis dans les
lois. CI'
.10ate dé la
premiêre'repr~sentation
du Barbier ge S~vi11e ! la Com~die-Fran~aise. Th~âtre complet deBeaumarchais, Pa-ris', - Plêiade, 1957, P. XVII.
2 Le' Mariage de Figaro' es't terminé en 1778,.
r.eçu-~n 1781 au Théâtre Frânçais, jouê eh 1784.\ T.C., .
P. XVII. t"
-"" r ~-f.' '
3Date de la première
repr~sentation
Coueable, .au nouveau th~âtre du Marais.la priee en 1797, à la Com~die-Française. P. XVIII. ' de la Mare Re pri Së'de ~.C. , .! "" 13.
..
..
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, f
La deuxiême partie ·sera consacr~e au caractêre et au cOmportement des femmes. dans la 'T~ilogie; elle montrera surtout comment celles-ci r~agissent face à leur condition.
La troisiême partie met en lumiêre les prises
de
position de Beaumarchais en faveur ,de la femme dan' la Trilogie, à propos de questions~comme 'le despotisme parental, la fid~lit~' conjugale et les filles-mères.-Finalement, nous tenterons 'de montrer comment Be'aumarchais s' inscrit dans le courant f~ministe
,
,
d "inspiration "fntellectualiste" e't quelles dimensions il lui donnera ,dans son oeuvre.
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\ \, f . PREMIERE P~TIE•
LA CONDITION DE LAFE!IŒ
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Chapitre l
- , Les Moeurs L'usage, 'maîtré Double-Main, est souvent un abu~
-Le Mariage de 'Figaro Acte III, Sc. XV.
, e
Les é~udes sur l'institution du mariage, au XVIII
siêcle,indiquent que les parents décident, comme à l'époque
pr~cédente, du choix du conjoint; dans La Femme au XVIIIe
si~cle, les Goncourt écrivent:
Le mariage était avant to~t une affaire de famille, un arrangement au gré des paren ts, ("')" Le choix était fait dlavancè pour la jeune personne qui n ' était pas consultée, ( ... ).1
~
roman du XVIIIe siêcle, "source rêvée dl information! sur le sort de la femme sous l'Ancien Régime", 2 indique que cette contrainte pêse sur les deux sexes, mais qu 1 il est "plusdif-3 ficile encore aux jeunes filles d' Y échapper".
Dans la Tr~logie, s'amusant
a
peindre la sociétéfrançaise de,son temps sur une toile de fond en grande partie espagnole, Beaumarchais souligne cet usage ancien qui se per-pétue au XVIIIe siècle et qui permet aux parents d'imposer aux enfants le choix de leur conjoint; il se penche
particulière-,
ment sur la condition des filles, dont i l dénonce le sort' à
lGoncourt, E., et J. de, La Femme au XVIIIe siècle, P. 17.
2"Le roman du ISe siècle apparaît la source rêvée d'informations sur le sort de la femme sous l'Ancien Régime, puisqu'en dépit de ses limita.tions, il offre, du personnage féminin un éventail d'une variété jamais atteinte". Swiderski, M.L., "La Condition de la femme française au XVIIIe siècle
d'après les romans" dans Woman in the l8th Century and Other Essays, Toronto, S. Stevens Hakkert & Co., 1976, P. 106.
?Ibid, P. 113 •
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17.
travers le personnage de Rosine: l'h~rolne du Barbier, comme celles des com~dies ~e Moliêre, n'est pas libre de se marier à son
.
gr~; ce qui aggrave sa situation, - analogue à celle d'Agnês dans l'Ecole des femmes, - c'est l'attitude, classique,d~
son tuteur, le docteur Bartholo, qui cherche à"arran~er"
l,"
le mariage de la jeune fille avec l'homme qui lui convient le moins, c'est-A-dire avec lui-même, vieillard cacochyme: "Sa femme! Moi!'Passer mes jou~s auprès d'un vieux jaloux, ,qui, pour tqut honneur, offre A ma jeunesse un esclavage abomina-ble!",2 s'~crie Rosine qui s'oppose ~prtement à ce projet.
En imposant les mariages, les parents ignorent
dêli-t b~'rément la volonté des enfants. Au 'XVIIIe siêcle, le mariage
est considér4 d'abord comme une affaire d'intérêt, tandis que
1,"1 es sentiments passent au second p~an:
.
,Le Mariage du dix-huitiêrne siêcle ne semble plus une institution ni un sacrement, mais seulement un contrat en vue de la continuation d'un nomf dt!, la conservation d'une famille,
( •.• ). Il n'implique pas l'id~e de l'amour, et c'est A péine s'il la comporle:--- là est son grand signe,
(
...
).
.., ,
L'amour conjugal est particuliêrement m~prisé par la noblesse du temps; les Goncourt soulignent la r~pugnance des
nobles à mêler l'amour au mariage:
..
l
T.C. Le Barbier, l, 5, P.~180
2 ~
T.C. Le Barbier, III, 12, P. 218.
,3 . d e
Goncourt, E. et J. e, La Femme au XVIII siêcle, P. 174.
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' l, h/ ... , :~ ,,~ ;!~ ~ •• 1 ,- ~_~ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ '11 _ _ _ _ ... '_, -0...-_L. :~:Le lien conjugal dut surtout son' relâche-ment ~ certaines id~es propres au dix-huitiême siêc1e, A de singuliers pr~jug~s
rêgnant et réglant presque absolument le train des unions. L'amour conjugal est
regard~ p~r le temps comme un ridicule et une sorte de faiblesse indigne des per-sonnes bien n~es: il se~le que èe soit un bonheur roturier, bourgeois, presque avilissant, un bonheur fait pour les . petites gens, un sentiment bas, en un
mot,· au-dessous ~'un grand mariage et cap,able de compromettre la réputation d'un' homme ou d'une femme usagés. l
1
,
~ D'abord contraire aux ,usages, le mariage de Rosine et 'du Comte finit par s'y conformer: l'inclination mutuelle qui, ~ la fin du Barbier, poussait le~ jeunes gens ~ s'unir, pe joue presque plus de rôle quano le rideau se lêve sur le Mariage; peu
aprês avoir épousé Rosine, le Comte cesse de lui montrer de l'amour. Plusieurs passages du Mariage illustrent ce change-ment. Le premier acte est presque achevê quand la Comtesse apparaît sur la scêne. Pendant cette longue absence, la situa-tion de ,la. jeune femme est longuement décrite par les autres personnages. L'image initiale de la Comtesse est celle d'une . fenune qui "languit,,2 parce que "son mari la néglige". 3 La
courte, apparition de Rosine, vers la fin du premier acte,est dominée par la nostalgie du temps heureux; aprês que Figaro et Suzanne
,
ont supplié leur maîtresse d'intercéder auprês du comie en ,f~veur de leur ma:iage, la jeune femme ditA
son,\
IGonCQurt 1 E~,etJ. de, La Femme au XVIIIe siêcle 1 PP. 175-6.
T.C. Le Mariage, I, 4, P. 263.
J
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mari: "vous les voyez, Monsï~ur le Comte, ils me s\ll>posent un cr~dit que je n'ai pOint".l Plus loin, elle lui r~pêtEn "cette cérémonie me sera toujours chère, puisqu'elle doit son' motif a l ' amour charmant que vous aviez pour moi" 2 la; la
;
scêne XIX de l'acte II, lorsque le Comte, pour la premiêre fois dans la pièce, l'appelle par son nom, 'elle lui répond:
Je ne la'suis plus, cette Rosine que vous avez tant poursuivie!
Je suis la pauvre Comtesse Alrnaviva; la triste femme délaissée, que vous n'aimez plus~3 • ,
Le nom
~ine
est lié aux instants d'amour et de tendresse~~oquéS ~ans, le Barbier. J. Schérer citè une multitude de
textes qui indiquent que "pour Beaumarchais, Rosine n ',a- le droit d'être appelée Rosine qu'en tant qu'elle est aimée",4
..
et ce d'un bout a'l'autre de la Trilogie., Il rapporte n~tam- r ment ce passage de l~ Mère couRable o~le Comte fait savoi~ à sa femme (a la fin de'i-a:'
..
piê~:;
qJ.
ill~i
revient, en observant:n_( ••• ) il vient un âge où les honnêtes gens se pardonnent leurs torts, leurs anciennes faiblesses! font succéder un doux
attachement aux passions orageuses qui les avaient trop désunis! Rosine! (c'est le nom que votre époux vous rend), ••. ,,5 Or, une
Nizet, 1 T.C. Le Mariage, l, 10, P. 273. 2 T.C. Le Mariage, If 10, P. 274. 3 T.~. Le Mariage, II, 19, P. 295.
4schérer, J.,La dramaturgie de Beaumarchais, Paris, 1954, P. 20-5". 5 T.C. La Mère coupable, V, 8, P. 527 •
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1.
fois mariê, Alm4viva a rarement app~l~ sa femme par son nom
-ce qui trouve
son(peu d'intérêt pour elle. Dans leconver ~t avec la prêtendue Suzanne, dans la sc~ne
Comte lui-même admet s'être ~loignê
marron l.ers, le
Comtesse; il dit en parlant de sa femme:
'.
Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant: cela dit une fois, elles nous aiment, nous aiment!
(quand elles nous aiment), et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et toujours, et sans relâche, qu'on est'tout surpris, un beau soir, de trouver la sati~t~,
on l'on' recherchait le bonheur:
(
Mariage, sous les de la
'.
~ "La sati~té" est regardêe avec d~dain au XVlIle\siècle. Elle est cet état de satisfaction absolue qui entra~ne, "le
repos". Le XVIIIe si~clé tient "le repos" pour artificiel et contraire! l'état naturel de l'homme:
L'univers est en 'perpétuel mouVement.
Le' mouvement est donc aussi l'état naturel de l'homme. ~Le repQ~ n'est qu • une fiction créée par l' espri t: ~.
rien n'est en
2repos dans la nature et dans l ' homme. .
Dans sa quête du bonheur, le XV~IIe siêcle s'appuie surtout sur
les notions baroques du, mouvement et de la ·variété.
L'incons-\ J
tance est considérée comme un grand pas vera le. bien-~tre:
1
Il existe tout ùn courant, au XVIIIe sïêcle, pour justifier l'inconstanc~,
T.C. Le Mariage, V, 7, P. 351.
"
2Mauzi, R.,L'idée du bonheur'dans la littérature et la
, pensée françaises au dix-hultiême siècle, Paris, Colin,
1960,
P.·442.
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•
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prêcieuse aptitude de l'âme. 1-' inconstanee permet! l'âme de se Seule mouvoir, de se renouveler, de.pro- , qresser, au lieu de rester fiq~e dans une d~sespérante unifornU tê .( .... ). Bien loin d'être tenue pçur
crime, l'inconstance apparaît comme ",,:' une facilité offerte ~ l'homme par
la nature, pour satis faire cette . exigence du mouvement dont dépend 1
au moins la moiti§ de son bonheur.
21.
, .
Dans sa recherche du -bonheur, le Comte lui aussi in-siste sur le mouvement et sur la vari§té • ..1. La suite de la con-< versation àvec la fausse Suzanne le suggêre; à la prétendue
soubz:ette qui veut savoir ce qu'il aimerait voir en ~a femme, ,; < •
il r~pond:
t
••• je ne sais: moins d'uniformit~ pe'ut-@trei plus de piquant dans 'les maniêres~ un je ne sais quoi qui fait le charme; quelquefois un refus, que sais-je? ( •.. ).
En v~rité, Suzan, j'ai pens~ mille fois
que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles (nos femmes), c'est qu'elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à V amour, de ranimer, pour ainsi dire, le-- èharme de
21eur possession, par celui de la variét§. '
Autrement -dit, pour plaire à son époux, la Comtesse doit "en quelque sorte @tre volage da;ns la constance". 3
"
-lMau:Zi, R., L'idée du bonheur dans la littérature et la pensée ~françaises au dix-hultlême slAcIe,
P. 434.
2 '
T.C. Le Mariage, V, '7, P. 351.
3
Schérer, J.,Le Maria~e de Fi~aro, Paris, Sociêtê d'6dition d'enseign,ment supér~eur, 19 6, P. 375.
,.'
",
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..
, ' , " .... ,..'-_
... " ....CD
, .' 22. 0 'L'oeuvre de fiction trouve encore une fois ses sources dans la
r~alit~:
la haute société'> du XVIIIe siêcle/e~courage
les femmes A mener une vie dissolue. "Les Goncourt soulignent cet aspect 'des moeurs:# '
La morale du temps ( ••• ) encourage la femme ~ ta franchise de la ga~anterie,
! l'audace ,de l'inconduite, par des principes commodes et appropri~s ! ses -instincts ( ••. ). Il s' él~ve une th~o'" '. rie qui cherphe A élargir la conscience. de la femme, en la sortant des peti-tesses de son sexe. CI est toute une nouvelle règle de son honnêteté, et 'coIllI\1e un déplacement de son honneur qu'on fait indépendant de sa pudeur, de ses mérites, de ses devoirs. Modes-, tie,' bien~éances, le dix-hui ti~me siE!cle travai.lle à dispenser la femme de ces misêres. Et pour remplacer toutes les vertus imposées jusque-+à à son caractêre, il n'exige plus d'elle que les vertus d'un hQnnête homme. l
Témoin de cette morale, la lettre .que les Gon,court citent au début de leur livre, d'un mati volage à sa femme res'tée
fidêle:
..
"Il faut vous dissiper,;, voyez le monde, entretenez des liaisons, enfin, vivez, comme toutes les femmes de votre âge
l' :'
( ••• ) Ife' est le
2seul moyen. de me plaire,
ma bonne amie!"
De cette manière ou d'une autre, on incite la femme
a
nouer des intrigues amoureuses. Le nm~nage à trois If, sinon"a
quatre", est normal dans la noblesse de l'époque: "il n' yl XVIIIe
Goncourt, E. et J. de, La Femme au siE!cle, PPI. 129-30.
2Gon'court , E. et J. de; La Femme au XVIIIe siêcle,. P. 33.
J
JI •
4 1
\ 23.'"
a plus guêre de ,m~nage s~s coadjuteur", l inqiquent les
'i;
.Goncourt.
~ '17 l v
..
Dans la Trilogie, Be auptar6hais fait" allusion ~ ce phênomêne Acial; ! Suzanne qui prêtÈmd nI aimer que' E!on mari,
" ", Figaro''dit: l
\.
.... /Tiens parole, et tu feras une belle excèption à.l' usage. 2 1)---...
La r~plique de Figaro suggêre que les~femmes ne restent pas
~ d 'habitud~ fidêles à' leur époux. Dans ces conditions on' ne
s'~tonnera pas d'apprendre, "dans la Mêre coupable, qu~ la
Comtesse a firi~lement bromp~.~e Comte avec son filleu~,
Ch~-rubin. )
\-'
-l
Cependant, ~nla morale" du temps n'est pas toujours indulgente envers la femme qui trahit la foi conjugale.
,L'épouse infid~le est parfois gravement c~e. Bea~archais lui-même
~voque
dàns ses mémoires l'histoired~'
jeune femme, Madame Kornmann, que, .son mari avait accusée d' adul têre et.
qu'il avait fait emprisonner en vertu d'une lettre Qe cachet. Sollicité par le pri~ce et la princesse de Nassau-Siegen de s'intéresser au sort de Madame Kornmann, Beaumarchais va se
renseign~r sur sa situation;
femme,
i~crit
l'état de laaprês une visite à la jeune prisonniêre:
1 Goncourt, E.
i"
~J., de,La femme au XVIIIe siêc~e,J P.~78.
2 T.C. le Maria , IV, 1'0 P. 329.
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Figurez-vous une jeuné femme, prison-niêre au mois de dêcembre, et n'aya~t
-pouroy@tement qu'un mauvais manteau de lit d'êtê, pâle, troublée, enceinte et belle! ah! enceinte sur.tout, et ' prês d'accouche r ! je ne sai s pas' "-fi..
comment les autres hommes s'affectent;- , mais, pour moi, je n'ai jamais vu de
jeune femme enceinte, avec cet air doux et souffrant, qui la rend si intE-ressante, sans éprouver un mouvement qui jette mon âme
A
sa rencontre: jugez quand elle est renfermée~l~
24.
Dans le Mariage, le
Com~~
ne se conduit pas avec?r-~
moins de Sévir';\é lorqu' il
C{~i
t, que sa femme a pris un amant. Il montre derJ.a."jalousie".2 Il fait preuve d'une véritabie ...,. ,"col'!re".3 Il rren,.ace de "jeter en dedansn4 la porte du
cabi-1 •
-net ail la Comtesse a enfermé Chérubin. Dans
ra
scêne XVI de l'acte II, il touche au sommet 'de l'exaspération: "furieux",5 "hors dé lUi",6 "frappant du pied",7 il pense aussitôta
ver~
'8er le sang: "Je le tueraift,
8 dit-il quand~'id~ntité
de Chêrubin lui est révêlée. L'affolement de la Comtesse quio
veut tout prendre . sur. elle l'irrite au point qu· il devient
• c
1Beaumarchais, "M'moire'en
r~ponse
au1ibelle~si~é
Kornmann';daris.a:f:: IV, J?aris, ~urne, 1828, P. 362. , ,~ 2 • T.C. ~ Mariage, II, l,' P. 279. 3 T.C. Le Mariage, II, 16, P. 293. 4 T.C. Le Mariage, II, 13, P. 290. 5 T. C. Le Mariage, II, 16, P. 292.' , 6 ' T.C. Le Mariage', II, 16, P. 293. , 7 8
e~
T.C .• Le Mariage, II, 16, P.2~2.
".
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'. '],,. -.. -.. " "' , , .', . , . "
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25.,
~grossier: il tutoie sa femme, ce qui, pour un ho~ de son rang, est contraire' aux usages: "Tu es bien audacieùse d'oser
l ' . .
me parler pour un autre!", lui d1t-1l. J. Schérer ~omœente
ainsi le comportement du Comte:
1
Dans les u~ages de l.'êpoque, ce tutoiement, loin de marquer l'affection ou l'intimité, est insultant. On"tutoie ses infé-rieurs, 'et c'est rabaisser sa femme au niveau d'un domestique infidêle que' de lui dire tu. Z
Le Comte rêagit plus' vive~n~! l~ révélatiOn de l'infid4litê de sa fe~, dans la M!re coupable. Il ~onqe sérieusement! se venger de son êpouse. Possédant la preuve, grâce
a
Bégearss, que L.§on est fil:; de la Comtesse et de' 'Ch~rul;>in,. son ,'\ grand souci est de le d.§shériter:' Non par les moyens légaux 1
, \'
ll'honneur de la famille ne lui permet pas de "publier (sa)
.
,3 1 •
honte". Le Comte transférera ses biens A sa pupille, Flores-B
li ~ 0
tine, pOUli que L.§on en soit déposs'§d'§. Rappelant au Comte que . Florestine est sa fille adultérine ;rBége'arss lui prouve qu' i'1 est aussi cbupable. Sans ~pJ;"ouver
Id
moindre remords pour ses fautes passées~ Almaviva réplique:,
1
• Qu'elle (Florestine) 'assure donc ma
veng~ance! Je dénaturerai mes biens, et les lui ferai tous passer. Déj!, trois millions dl or, arri vé's de la Vera-Cruz, vont lui servir de dot; et c'est
a
toi que je les donne.Aide-~
T.C. Le Mariage, II, 16, P. 293'.
2 '
Schérer, J., Le Mari\qe de Fiqaro, ,P. 167. 3 '
T.C. La MAre coupable, III, 9, P. 502.
\ . " " " " ~',. ,
.
. 0 ,\
moi seulement A jeter sur ce don un voile imp~n~trable. En acceptant mon portefeuille, et te pr~sentant coume êpoux, suppose un héritage, un legs de quelque parent éloigné ••. l
Mais le Comte nef' se contente pas de déshêriter L~on. Il pro-jette êgalement de cloîtrer sa femme: "Suivant le plan que le Comte a formê, la 'Comtesse va au
co~ventn,
2r~vt!le
Bêgearssa
Suzanne..
..
Incitêe, d'une part, ! preztdre les moeurs de la ga-lanterie, punie,' d'autre part, pout ne pas avoir pr.is garde
}
aux cons~quences, la Comtesse incarne la difficultê d'être
fenune dans les milieux aisés de son temps. Cependant, la
condi~ion des femmes pauvres était encore plus pénible. Les
"
Goncourt soulignent 'la difficulté de leur situation dans la
soci~té d'avant la réyolution:
Les
.
'Facil;i. tés, s~ductions, moeurs, habitudes, _ mode, tOl,l t cons pire ( •.. ) contre la femme.
Tout ce qu'elle touche, tout ce qu'elle rencontre et tout ce qu' ElàJ.e voit, apporte
a
son imagination le tro~le et l'arnolliss~ ment. De tous côtés se lË!ve autour d' elle la tentation, non seulement la· tentation grossiêre et matérielle, touchant lesappêtits de sa fantaisie e~ les curiositês de son caprice, mais encore la tentation qui frappe aux endroits nobles, aux parties sensibles de l'âme ( ... ).3
difficu\tés êconomiques de la femme du XVIIIe
si~cle
1 . 1
T' .C. La Mêre coupable, l, 6, P • 471.
2
'f.C. La Mêre coupable, l, 4, P. 468.
/
3~nc:;ourt,
E • . et J. de,ta
Femme au XVIIIe siêcle, P.l19.'.1
r .' ' "
)
27.
~."~~ ,'Ji {/ ,:J.';' iproviennent surtout des conditions de travail. 1:-1 y a dt abord -,
"
le problème des.paies. Pour un travail ~gal, la femme est
"-toujours moins payée que ,l'homme. Les observateurs du temps ont hotê le gran~ êcart entre le salaire de l'ouvri~~e et 'celui de l'ouvrier: "Dans les villes, le taux commun des'
journ~es d'hommes est de 20 sols, celui des femmes de 10 ( ••• ). Dans les campagnes, ce taux est dans le 'premier cas de 17 !
, 1
18 sols; dans le second de 8 !' 9".;t. Les Goncourt signalent
,
l'existence d'un autre prdblême 'pour la femme: "Encore ce salaire ~tait-il' précaire, menacê, rong' ! la fin du siècle
par une~de p~esque q~nêrale: l'immixtion des hommes dans
les travaux, dans les ouvrages les plus propres ! la main de la fe.". 2
Marce~ine,
la mêre de Figaro, fait prêcisêment allusiona
ce problème:Est-il un seul état pour les rnalheu-,reuses filles? Elles avaient un ,
droit ~ toute la parure des~femmes:
on y laisse former mille ouvriers de- l t autre sexe. 3
1
Et Fi~ar6 ajoute:
Ils font broder jusqu'aux soldats! 4
L'impossibilitê de gagner leur vie pousse souvent les femmes pauvres vers la prostitu~ion. Mercier fait allusion! ce
-'-'- lAlbistur, M. et Armogathe, D., Histoire du féminisme français du moyen âge , ~ nos jours, P; 180.
2Goncourt, J. et E. de,La Fenune au XVIIIe siêcle, P. 219.
3 . T.C. Le Mariage, III, 16, P. 323. 4Ibid • .' ,. . '
1
1
()
.
--ph4nomêne soc1al: .
N'est-il pas ridicule de voir des hommes coiffeurs de femmes, des hommes qui tiennent l'aiguille et qui usurpent la'vie s~dentaire,
tandis que (les femmes) sont obli-g6es de se livrer A ,des travaux
p~nibles ou de s'abandonner! la
pr~stitution?l d
'28.
Les jeunes filles pauvres courent, grandement le rïsque d'§tre
,
.'duites1 Marceline attire l'attention sur ce danger: ( ••• ) dans l'âge des illusions, de
l'inexp6rience e~ des besoins, oü les s6ducteurs nous assiêgent, pendant que la misêre nous poignarde, que peut opposer une enfant ! tant d'ennemis rassemb16s?'z v A ce 'sujet, Abensour note:
,Comme Mercier, Beaumarchais a,aperçu la misère des ouvriêres; comme lui, il les a vues du fait même de ce~tè misère, en proie A la s~duction.
Justement, Marceline a 6t~ victime d'un s~ducteur. Jadis Bar-tholo a v6cu avec elle; ils ont même eu un enfant, Figaro; mais c'est Rosine que Bartholo veut ~pouser. Le Comte adopte l peu prês la
~me conduit~
"libertin par ennui",4 i l court tous les jupons de sa Seigneurie. Il cherche à _If acheter"SlCitê par Abensour, L.,dans La Femme et le f4minisme avant la Révolution, p~ 419. 2T. C. Le Mariage, III, 16, P. 323. 3 Abensour, L., La Fenune et le f~minisme avant la ~volution, P. 419. 4 T.C. Le Mariage, l, 4, P. 263. 5 T.C. Le Mariage, II, l, ~. 278.
o
29.
IJ
Suzanne, avec laquelle il espare user de l~nancien droit du Seigneur" : 1 il avertit la soubrette:: "point de rendez-vous, point de dot, < . . . )n2 ou, plus précisêment, "la dot, oui,
mais en êchange dû droit du seigneur, c'est donnant donnant".3 Rares sont les jeunes.filles qui résist~nt comme Suzanne aux
1/' ~J
\ .
promesses et aux flatteries d'un grand seigneur. tel
qu'Alma-v~va. Pour celles que l'amour trompe -ou que leurs sens égarent, la soci~té a une punition toute prête: le d~shonneur qui, en
~es privant du ~ariage, les poussera, si elles sont pauvres, vers la proatitution. Marceline ne nous dit pas exactement ce qu'ont ~t~ ses· "trente a~s (de) vie modeste"4 mais elle se
plaint de l'impossibilité on sont les femmes de trouver "tout honn3te moyen de subsister". 5
La prostitution n'est p~urtant pas la seule solution . aux malheurs des femmes. Pour celles qui refusent de mener
une vie dêshonnête et humiliante, il reste une issue: le cou-• 1 vent. Les Goncourt soulignent le grand
rend
a
la femme" du XVIIIe siècle:fJ
seyvice q~ce lieu
lT.C. Le Mariage, l, l, P.
260.~·
e2 T.C.
Le Mariage, III,
9, P.
313.3Sch~rer,
J.,Le Mariage de Figaro, P. 239 • • 4 T.C. Le Mariage, III, 16, P. 323. "SIbid.
'. -
..
_-~---~---()
©
. ,"
, , 1 1'~ \.
",
Le couvent est d'un grand usage. Il rêpond ~ toutes sortes de besoins sociaux. II garantit les convenances en beaucoup de cas. Il n'est pas seulement la maison du salut: il a mille utilit~s d'un ordre plus humain. Il est dans un grand nombre de situa-tions, 1 'hôtel garni~'et l' asile d~cent
de la femme...
Le
couvent est refuge et lieu de d~pôt.l30.
Dans la ~re coupable, lorsqu'il est r€v~lé â tout le monde que L~on est l'enfant adultérin de la Comtesse, celui-ci parle ~e cloîtrer sa mêre: "un couvent sera sa retrai~e", 2'
dit-il. La Comtesse elle-nême ne s'oppose pas ,A cette id'e, car elle ~'ait bien que l'usage ne laisse pas d'autre solution l une femme de son rang . .
"L'usage, maItre Double-Main, est souvent un abus",3 dit justement Figaro. Il permet aux parents d'ôter aux
III>
enfants, en particulièr aux filles, la libertê de choisir leur conjoint. Il pousse la femme
a
la galanterie et l la prosti-tution mais il la punit aussi pour n'avoir pas~t~
"sage".4 Le plus souvent, il n'est source que d'injustice.lGOncourt, J.
~t g~-de,La
Femme au XVIIIe siacle, P. 17.2 "
T.C. La Mêre coupable, IV, 18, P. 517. 3 T.C. Le Mariage, III, 16, P. 318. 4 • T.C. Le Mariage, III, 16, P. 323.
(
", lf t.f ; :J,. ", , ,. "" ~4~ \ ,.
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.-o
Chapitre II Les Lois 31. De cette absurde injustice Faut-il dire le pourquoi?Les plus forts ont fai t la loi •.
La situation légale de la femme au XVIIIe siècle se
\
nour'rit' d'une idéologie antiféministe qui s'exprime plus ou ,moins clairement dans la phrase d'ouverture du célèbre mono! ___
logue de Figaro, dans le Mariage; croyant sa fiancée, Suzanne, infidè}e, le valet s' exc lame tristement: , "0 Fenune! femme! femme! ' créature faible et d~cevante! .. : 'nul animal créé ne peut manquer â son instinct; le tien est-il donc de tromper?"l Ces paroles de Figaro rappellent, en quelque sorte, 1 'histoire biblique du péch~ originel (Genèse 3, l â 19). On connaît le
fameux: r~cit de la tentation d'Adam et d'Eve dans le paradis
terr~stre et 1 'histoire du fruit défendu. Tentée la première
par le serpent, symbole du mal, "la femme vit que le fruit de l'arbre ~tait bon
a
manger ( •.• ), elle prit de son fruitet
,n mangea, et en donna! son mari auprês d'elle, et il en mangea. - Et les yeux de tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus" (Genèse 3,6 et .. 7). Sans vouloir nous étendre' sur ce thème, nous rappellerons que ce ,récit fournit! certains hommes d'Eglise matière ! justifier l ' antiféminisme:1
En effet, si le serpent s 'est adress~
d'abord à--la femme, c'est que --celle-ci était moins \1 intelligente et d'une
vo-lonté plus vulnérable que son compagnon. Et, chose plus grave, victime de la ,
s~duction, la femme est devenue
elle-même tentatrice, c'e~t-à-dire intermé-diaire entre le démon et l 'homme. D'où, dans cette dialectique de g~néralisation,
la nécessité pour les hommes de se méfier
T.C. Le Mari~ge, V, 3, P. 345.
~ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ . . . . -... _ . . . _ -~ ~ ~M 'l".I - ~ - " ~~ _ ... ..-p-.,..,_-_ _ _
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des femmes, de les empicher de les tenter et, dans ce but, de les soumettre ! une "condi tion de se rvi tude", se lon
l'expression de Gratien (D~cret
c.
33, -CIl, q.5), qui apporte 10 citationsvraies et fausses
a
l'appui. l32.
La mdsogy qui a plus ou moins existé depuis toujours
se per~tue au XVI le siêcle;
a
la veille de la R~volution, lesentiment populaire est toujours antif~ministe, - le monologue de Figaro l'indique \clairemen t, - et\ toutes léS lois qui
:
"
. touchent la femme sont impr~gn~es d'un ~tat d'esprit semblabl;e: Au dix-hui tiême siêcle, ( •.• ). "Dans
la plupart des cas la condition de la femme est inf~rieure
A
celle de l'homme". Toujours en effet pË!se sur la fenune le double anathême dont l' ont frapp~e la loi romaine et la Bible. Et presqueto~tes les lois qui la concernent semblent
avoir eu pour but soit de prot~ger la
sociét~ contre la participation des femmes
A la vie publique, soit de sauvegarder l'unité de la famille et l'autorité dù chef légitime en assujettissant étroite-ment la fennne', dans sa personne et dans ses biens, au mari, dont la puissance
seule maintient solide la famille, la base de l'Etat, soit d'assurer la conservation du principe de la supérior~té du sexe fort sur le sexe faible, soit enfin de protéger la femme contre elle-même, c'est-à-dire • contre les entraînements nuisibles où peut (sic) - la' conduire son tempérament irréfléchi et
passionné et la m~connaissance de son , propre int~rêt. Un être sans maîtrise de
soi, dont l'émancipation est un danger, pour la famille, pour la soci~té, pour elle-même, telle va apparaître la femme à
~a lecture des textes juridiques. 2
/Aubert, J .M., La Femme,
antif~millisme
et christianisme, Paris, Çèrf - Oesclée 1 1975, P. 94.2
Abensour, L., La Femme et le f~minisme avant' laRévo-lution, ·P. 16. i 1 1 i , i \
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r 33. ,Considér~e comme un être impuls~f et dangereux, la femme est donc légalement soumise! l'homme. Dans le Barbier, Rosine
d~clare pourtant que sa "personne et (son) bien sont retenus contre toutes les LOis".l Le motif de cette déclaration se trouve dans, le fait que Bartholo abuse de son pouvoir sur sa pupille; Llau tuteur qui menace, ~ la fin de la piêce,' de se
. ,
.
servir de s\>n autor_i t~ pour empêcher le mariage de Rosine avec Almaviva, celui-ci répond: "vous l'avez perdue, en en abusant". , 2 En fait, le cas de Rosine et de Bartholo est exceptionnel.'
Normalement, la femme est dans toutes_les étapes de sa vie,
subordonn~e à l'homme; dans son étude sur La Femme et le
f~mi-nisme avant la R~volution, Abensour arrive ! la conclusion que
.
.
Légalement, la femme est une éternelle mineure. Elle n'est ma!tresse ni de son corps, ni de son bien, et toujours son droit s'éclipse devant le droit éminent de l'homme, pêre, frêre, ou mari ou devant le droit de la société
représent~e par le juge masculin. 3· .
Le XVIIIe siêcle ne reconnatt donç pas à la femme des droits égaux
a
ceux de l'homme. L'inégalité _est surtout fla-grante ,.dans les lois sur l' adul têre. Le mari peut soumettre sa femme' infidêle ~ de lourds châtiments. Il a, par exemple "le droit ( ••• ) de la faire enfermer dans un couvent, ( ••• ).l T.C. Le Barbier, Ill, 12, P. 219.
2 T.C. Le Barbier, IV, B, P. 229.
3Abensour, L., La Femme et 1e- féminisme avant la
R~vo
P. 457. • 1 " ,', .' " 11 [ ~r ;\,, " , 1
(~)
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, , ' " .. . \ ," , ·34 ..Au contraire, la femme ne (peut) jamais se plaindre de l'adul-tire de son mari, m§me s'il (est) scandaleux".l Sur ce point, Pothier, jurisconsulte du XVIIIe siêcle, ~crit:<
La raison de la diff~rence ( ••. )
est ~vidente: l'adultêre que commet
la femme est infiniment plus contraire au bon ordre de la soci~t~ civile ( .•• ) au lieu que l adultêre co~s_p'ar le mari( •.• ) e ~ cet ~gard sans
cons~-quence. outez qu'il n'appartient pas
a
la fe , qui est une inf~rieure,d'avoir i spection sur la conduite de son mari qui est son sup~rieur; elle doit présumer qu'il lui est fidêle et la jalousie ne doit pas là porter à 2 faire des recherches de sa conduite.
On ne sera donc pas surpris d ',apprendre, dans la Mare coupable,
•
que le Comte projette d'envoyer la Comtesse "au couvent"3 alors que celle-ci ne songe pas ! reprocher à son époux son
infid~lit~: ce comportement est en accord avec la loi. ,
Après la Révolut~on, il y aura d'autres moyens de se
~
débarrasser d'une épouse infidêle. "Une loi du 20 septembre 1192 établit le divorce. Il pouvait @tre réclam~ , pour, illoom-~
,
.
patibilitê d'humeur, déréglement de moeurs, adultère, ( ••• ) etc. ,,4 oàns la Trilogie, la question du divorce se pose pour
IGlasson, E., Histoire du droit et des institutions de la France, Vol. VIII, Pichon, Paris, 1903, P. 493.
2Cité par Glasson, E.,dans Histoire du droit et des institutions de la France, ,Vol. VIII, P. 493.
3 T.C. La M~re coupable, l, 4, P. 46,8<>.
4we1schinger, H.,Le.Théâtre de la Révolution (1789-99), Genêve, Slatkine, 1968, ··P. 2~2. " < 1 1 .r· .',
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, ' 35.la premiêre fois dans la Mêre coup~able. Bêgearss suggêre au èomte d'utiliser 1 cette
nouV~llel
loi 'pour~e
séparer de la Comtesse: " . . . le divorce, accr~dit~ chez cette nation hasardeuse~
vous permettra d'user de ce moyen", 2 lui dit-il.1 }~
Bien que le droit au divorce soit réciproque, la Comtesse agit comme si elle comprenait qui une fenune ne peut revendiquer ce
droit contre l'infidélitê de son mari; cett~ infidélitê, elle n'a pas mime, cr-oit-elle, le droit de_~ p~aindre.
Donc" alors ,cIue l'hot;nme est légalement armé çontre l'inconduite de son épouse, la femme ne dispose d'aucun droit contre l'infidêlitê de son ~ari. De ce point de vue, le couplet de Suzanne, dans le vaudeville final 4~ Mariage, met bien en relief
sexes:
'.L'injustice des lois touche également~les filles':'mêres. On constate que celles-ci sont priv'es des recours 'qu'el1'es
1 T.C. La Mare coupable, l,
4, P. 468.
2 T.C.
La Mêre coupable, III, 9, P. 502. 3 -T.C. Le Mariage, V, 29, P. 362. tl ~ T / 'l~ " -, ,
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36 •avaient auparavant contre leurs sêducteurs: 1er ordonnances
~u siE!cle prêc~dent sur le cri.me de rapt cessent d'avoir effet
~
XVIIIe siêcle; lesl~gislateurs v~ulent ~vi
ter que les femmes n'abusent de cette loi pour forcer l~s hommes ! les êpouser; le responsable d'une grossesse ill~gi time se tire gênêralernen t d' af faire en pay an t une amende:"
Suivant l'ancienne jurisprudencel on condamnai t au de rnier supplice l' homme
non mari~ qui avait engrossé une ;fille,'.
s" il n'aimait mieux l t épouser. Mais
l'on s'est .. relâché de cette sêv~ritê; on en est quitte actuellement pour des. dommages-intérêts, qui s'arbitrent sui V"ant les circonstances. 1
Dans le Mariage, Beaumarchais fait allusion :
a
la flexibHité(,
de la loi
a
l'égard des séducteurs. Lorsque Figaro d~couvre ~,,
ses pare~s 1 il apprend que son père, malgré ses serments, ne
veut ,
~
~pouser ~a
.
mêre: "Si pareils souvenirs engageaient l,\
.
on serait tenu d' êpCi>user tout le monde", 2 dit le vieux
Bartho-10. A . travers les paroles du vieillard; Beaumarc4,ais laisse
L..
entrevoir que la jeune fille 'ne dispose d'aucun recours contre l'abus qu'un scélérat peut faire d'une promesse de mariage pour lIa ~éduire. "
,)
lOenisart 1 J
~
B., Collection de d6cisions nouvelles etde notions relatives'
a
la jurisprudence, Vol. II, Paris, Desaint, 1175, PP. 446-47.2
T.C. Le Mari~ge, III, 16, Po; 322.
•
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, ,. ,'1 u ,") .. -.~. _." i "" , , 37.Les allusions de Beaumarchais aux. dispositions d~ lois sont rares et brêves: attach~ ! un ordre social qui lui avait
1 finalement permis de faire fortune, le dramaturge n la pas
'"
t 1
voul\! s 1 étendre sur le sujet. " Toutefois 1 ses oeuvres laisseht.
vérit~, que la femme du XVIIIe, siècle est mal
l "
rot'~g~ , par les lois. Les restrictions imposées ~ ses droits
lui enlêvent presq~e toute""-libert~ dl action et de mouvementi comme le dit justement Abensour,
'.
Il semble. que, Jcomme la femme
chinoise~ aux pieds meurtris dans ses bandelettes 1 elle
doive
~
chaque instanttr~ucher.l
•
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" ,
lAbènso~
L., La Femme~t
le f'minisme avant laR~volution, P. 6.
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/LA CARACTERISATION DES FEMMES DANS LA niLOGIE
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