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Impact du chronotype sur les paramètres du sommeil en fonction de l'horaire de travail

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Academic year: 2021

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Impact du chronotype sur les paramètres du sommeil en

fonction de l’horaire de travail

Mémoire doctoral

Tarek Simon

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Résumé

Le présent mémoire vise à évaluer l’association entre le chronotype et les difficultés de sommeil en lien avec l’horaire de travail. À cette fin, 116 travailleurs du réseau de la santé de la ville de Québec ont complété le questionnaire de chronotype de Horne et Ostberg (MEQ; 1976) en plus de remplir quotidiennement un agenda du sommeil sur une période de 2 semaines. Les participants ont été comparés selon leur horaire de travail (travailleurs de jour n = 43; travailleurs de nuit n = 73) et selon leur chronotype (du matin n = 37; neutre n = 59; du soir n = 20) pour déterminer les effets indépendants et interactifs de ces variables sur la durée du sommeil durant la période de sommeil principale, la durée du sommeil sur une période de 24 heures et la somnolence après le travail. Tel que postulé initialement, les résultats indiquent que le chronotype et l’horaire de travail ont un effet sur la période de sommeil principale, mais pas sur le sommeil au cours de 24 heures, de sorte que les travailleurs de nuit ont une période de sommeil principale qui est significativement plus courte que celle des travailleurs de jour. De plus, le raccourcissement de la période de sommeil principale après le travail de nuit semble principalement observable chez les travailleurs avec un chronotype du matin ou un chronotype neutre, un patron de résultats qui concorde avec les connaissances actuelles sur le rythme circadien et qui corrobore plusieurs études antérieures. Le fait que tous les travailleurs ont obtenu une durée du sommeil équivalente sur une période de 24 heures suggère qu’il est possible de compenser pour une période de sommeil principale écourtée, en prenant des siestes. Ainsi, les résultats obtenus dans le présent mémoire mettent en évidence l’importance des siestes chez les travailleurs de nuit, surtout ceux et celles avec une prédisposition matinale. Enfin, l’absence

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de différence entre les groupes quant au niveau de somnolence après le travail suggère que la somnolence excessive n’est pas un problème qui se limite au travail de nuit.

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Table des matières

Résumé... iii

Liste des tableaux………. vii

Remerciements... ix

Avant-propos... xi

Introduction... 1

2. Notions fondamentales de la chronobiologie………. 3

2.1 Le rythme circadien ………. 3

2.2 Le cycle veille/sommeil……….. 6

2.3 Chronotype……….. 8

3. Recension des écrits scientifiques………. 17

3.1 Travail à horaire non conventionnel……….. 17

3.2 Trouble du sommeil associé à l’horaire de travail………. 18

3.3 Tolérance au travail à horaire non conventionnel……….. 22

3.4 Chronotype et le travail à horaire non conventionnel……… 27

4. Objectifs du mémoire doctoral... 35

4.1 Objectifs………. 35

4.2 Hypothèses………....………. 35

5. Article du mémoire : The differential impact of chronotype on sleep parameters according to work schedule... 39

5.1 Résumé de l’article ... 41

Abstract... 43

6. Conclusions générales ... 75

6.1 Contributions novatrices et limites... 79

6.2 Études futures... 81

Bibliographie ... 83

Annexe 1 : Agenda du sommeil………... 95

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Liste des tableaux

Table 1: Demographic differences between study samples... 67 Table 2: Mean duration (min) of sleep episodes according to shift type and chronotype ...………..………. 69 Table 3: Corrected mean differences between night shift and day shift workers according to chronotype for sleep and sleepiness variables………... 71

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Remerciements

Cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans les conseils et les commentaires judicieux de ma directrice de mémoire, Madame Annie Vallières, Ph.D, et des membres de mon comité d’encadrement: Monsieur Charles Morin, Ph. D. et Madame Geneviève Belleville, Ph. D. Sans leur support, ce projet n’aurait pas pu être réalisé. Je tiens également à remercier les participants de l’étude pour leur excellente collaboration. Grâce à leur participation, nous avons été en mesure d’approfondir les connaissances sur les difficultés de sommeil en lien avec l’horaire de travail.

Je remercie aussi mes proches et mes amis qui m’ont appuyé tout au long de mon cheminement scolaire. Leurs encouragements ont été indispensables pour moi lors des moments plus difficiles de cette aventure. Un merci tout spécial à mes collègues de classe qui m’ont appris ce que veulent dire les mots solidarité et camaraderie. C’est à ce groupe de gens dévoués et travaillants que je dédie cet ouvrage. Leurs efforts incessants au cours des 5 années du doctorat en psychologie contribueront sans aucun doute au rayonnement de notre Université et de notre profession.

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Avant-propos

Ce mémoire doctoral comprend l’insertion d’un article. L’article inséré s’intitule: “The differential impact of chronotype on sleep parameters according to work schedule”. L’article a été soumis à la revue Journal of Biological Rythms.

Le présent projet s’inscrit dans le programme de recherche Facteurs

biopsychosociaux impliqués dans l’évolution du trouble du sommeil associé au travail de nuit du laboratoire de Dre Annie Vallières. L’étudiant a mené une partie de l’étude, compilé les données et rédigé l’article. Mme Annie Vallières, Ph. D. a supervisé la rédaction de l’article et a suggéré des corrections à apporter à l’article. Les analyses statistiques ont été réalisées avec l’aide de Monsieur Hans Ivers, Ph. D.

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Introduction

Dans la dernière décennie, un nombre grandissant d’auteurs se sont intéressés aux conséquences que les horaires de travail non conventionnels pouvaient avoir pour la santé et le bien-être des travailleurs. Malgré la recrudescence récente du nombre d’études sur ce sujet, les facteurs de risque dans l’évolution de difficultés de sommeil associées à ces horaires de travail demeurent pour la plupart méconnus. Cependant, le fait d’avoir un chronotype du matin, a été avancé comme étant un facteur de risque potentiel. La présente étude cherche à évaluer l’association entre le chronotype et les difficultés de sommeil en lien avec l’horaire de travail.

Le présent mémoire doctoral est structuré de la façon suivante : 1) le survol de notions importantes de la chronobiologie; 2) la recension des écrits scientifiques, et la présentation des objectifs de recherche rédigées en français; 3) un article empirique, rédigé en anglais aux fins de publication, qui présente la méthodologie et les résultats de l’étude; et 3) une courte conclusion générale rédigée en français.

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2. Notions fondamentales de la chronobiologie

2.1 Le rythme circadien

L’existence d’un rythme régulateur journalier, qui est à la fois interne et

autosuffisant, a été démontrée scientifiquement pour des centaines d’espèces de plantes et d’animaux (Daan, 2010). Chez l’être humain, ce rythme permet la régulation quotidienne de plusieurs processus physiologiques et psychologiques tels que : le cycle veille/sommeil, la température interne, la pression sanguine, les hormones et le niveau de performance lors de tâches cognitives (Hofsta & De Weerd, 2008). La durée de ce rythme étant d’un peu plus de 24 heures, il est désigné « rythme circadien » puisqu’en latin, circa signifie « environ » et dies signifie « jour » (Aschoff, 1960).

Du point de vue physiologique, le rythme circadien est organisé de manière

hiérarchique, avec une horloge biologique centrale qui régit les horloges périphériques dans l’ensemble du système. L’horloge centrale se retrouve dans le noyau suprachiasmatique (SCN) du cerveau, un regroupement d’environ 20 000 neurones distribués bilatéralement dans la partie antérieure de l’hypothalamus, directement au-dessus du chiasma optique (Antle & Silver, 2005; Reppert & Weaver, 2001). Les messages provenant du SCN sont transmis aux autres noyaux de l’hypothalamus ainsi qu’à la glande pinéale qui les relaient ensuite au reste du corps par des influx nerveux et sanguins (Bernard, Gonze, Cajavec, Herzel, & Kramer, 2007). Le noyau de chaque cellule du corps contient également une horloge circadienne qui se synchronise à l’horloge centrale une fois le signal provenant du SCN reçu (Balsalobre, 2002). La communication entre l’horloge centrale et les horloges périphériques permet de coordonner l’enchaînement et la modulation de plusieurs fonctions corporelles telles que les fonctions endocriniennes, cardiaques, rénales, respiratoires,

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gastro-intestinales, neurocomportementales, ainsi que la thermorégulation et le sommeil (Czeisler & Gooley, 2007). Le SCN peut donc être conceptualisé comme un chef

d’orchestre qui dirige les horloges circadiennes des cellules du corps entier.

Malgré son autosuffisance et son origine interne, le rythme circadien dépend également du monde externe, car il doit être synchronisé au rythme de l’environnement pour être pleinement efficace. L’importance de la synchronisation entre le rythme circadien et le rythme environnemental a été démontrée scientifiquement par Ouyang et ses

collaborateurs (1998) qui ont examiné la survie d’une variété de mutants circadiens de la bactérie Synechococcus elongatus dans différents contextes temporels et

environnementaux. L’espèce mutante dont le rythme circadien interne s’accordait le plus au rythme environnemental est parvenue à surpasser les autres espèces en termes de survie (Ouyang, Andersson, Kondo, Golden, & Johnson, 1998). En contrôlant l’influence de facteurs externes tels que la luminosité, le niveau d’activité et l’horaire des repas, Czeisler et ses collaborateurs (1999) ont trouvé que le rythme circadien interne a une durée qui varie entre 23.5 et 24.7 heures dans la population générale. Puisque le rythme environnemental quotidien dure précisément 24 heures, il existe un écart d’un peu moins d’une heure entre le rythme interne et la durée d’une journée pour la majorité des personnes. Afin de compenser cet écart et demeurer harmonisé au rythme environnemental, le rythme circadien doit être ajusté quotidiennement, et ce, en fonction d’indices temporels externes. En chronobiologie, ces indices temporels sont communément désignés zeitgebers qui, en allemand, signifie donneurs de temps.

Les changements de luminosité à l’aube et au crépuscule sont des phénomènes réguliers, ce qui en fait des indices temporels très fiables pour synchroniser le rythme circadien interne au rythme environnemental de 24 heures. La physionomie humaine s’est

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donc spécialement adaptée pour détecter ces signaux lumineux et les transmettre à l’horloge biologique. Premièrement, au niveau structural, le système visuel est directement lié au SCN par le tractus rétinohypothalamique, un regroupement cellulaire qui projette

l’information du nerf optique à l’hypothalamus (Moore & Eichler, 1972). Deuxièmement, la rétine est dotée de cellules ganglionnaires spécialisées qui ont la capacité de détecter la lumière bleue présente à l’aube (ondes ~450-470 nm du spectre de la lumière visible) ainsi que le changement de lumière au crépuscule (Foster & Wulff, 2005; Provencio, Rollag, & Castrucci, 2002). Dans une moindre mesure que les changements de luminosité, certaines activités sociales jouent également un rôle de zeitgeber. Celles-ci incluent les activités routinières qui font partie du rythme social des individus, telles que : les déplacements quotidiens, la prise des repas, la routine de sommeil, le travail, et les loisirs (Monk, Kupfer, Frank, & Ritenour, 1991). Généralement, l’horaire des activités sociales est harmonisé aux changements de luminosité. Les différents zeitgebers envoient donc des signaux cohérents, permettant un ajustement efficace de l’horloge interne au rythme environnemental.

En tant que zeitgeber principal, la lumière agit sur l’horloge interne en exerçant un effet qui dépend 1) de la phase interne de l’horloge, ce qui désigne la période subjective de la journée, ainsi que 2) du moment où la lumière entre en jeu (Roenneberg, Daan, & Merrow, 2003). L’interaction de ces deux facteurs donne lieu à un phénomène connu sous le terme de Effet de réponse en phase (Roenneberg, et al., 2003). Concrètement, ce

phénomène implique qu’une exposition à la lumière durant la deuxième moitié de la phase interne, ce qui correspond à la période subjective du soir, retarde ou allonge les rythmes circadiens. Inversement, l'exposition à la lumière durant la première moitié de la phase interne, ce qui correspond à la période subjective du matin, avance ou écourte les rythmes circadiens (Roenneberg, et al., 2003). Appliqué au processus d’harmonisation du rythme

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interne au rythme environnemental, le phénomène de réponse en phase prédit que les personnes dont le rythme circadien interne est de moins de 24 heures requièrent une exposition à la lumière durant leur période subjective du soir afin de retarder leur rythme circadien et le synchroniser au rythme de 24 heures environnemental. Par opposition, les personnes dont le rythme circadien est de plus de 24 heures requièrent une exposition à la lumière durant leur période subjective du matin afin de précipiter leur rythme circadien et le synchroniser au rythme de 24 heures environnemental.

2.2 Le cycle veille/sommeil

Le sommeil provient de l’action de deux mécanismes régulateurs. Le premier mécanisme, le rythme circadien procure l’aspect cyclique de l’éveil et du sommeil. De façon générale, le rythme circadien favorise l’éveil, la vigilance et la bonne performance neurocognitive pendant la journée et en début de soirée, alors qu’il porte au sommeil pendant la nuit (Reid & Burgess, 2005). Le deuxième mécanisme régulateur du sommeil, l’homéostasie du sommeil, a pour rôle de provoquer une pression de sommeil qui est fonction du temps d’éveil (Acherman & Boberly, 2003). Cette pression est engendrée par l’activation soutenue des neurones tout au long de la période d’éveil, ce qui cause une accumulation d’adénosine dans le prosencéphale basal (Saper, Cano, & Scammel, 2005). L’adénosine agit comme un agent somnogène en activant des récepteurs inhibiteurs dans le système d’activation physiologique (Saper et al., 2005). Ainsi, lorsque la pression de sommeil s’élève, l’activation physiologique décline, tandis que la somnolence et la propension au sommeil augmentent. Pendant le sommeil, les neurones cessent de sécréter de l’adénosine, ce qui diminue la pression de sommeil et relance le processus à nouveau (Saper et al., 2005).

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Le rythme circadien et l’homéostasie du sommeil opèrent conjointement et de façon complémentaire pour maintenir l’éveil durant la journée et induire le sommeil durant la nuit. Alors que la pression de sommeil homéostatique augmente progressivement au cours de la journée, le rythme circadien prévient le sommeil en après-midi et en soirée en

envoyant à l’organisme des messages inducteurs d’alerte et de vigilance (Liu, Weaver, Jin, Shearman, Pieschi, Gribkoff, & Reppert, 1997). Dans le but d’atténuer ces messages avant le coucher, la glande pinéale sécrète de la mélatonine dans le système sanguin quelques heures avant le temps d’endormissement. Cette hormone stimule les récepteurs inhibiteurs dans le SCN, ce qui élimine les signaux d’activation physiologique et permet à la pression homéostatique d’exercer ses effets somnogènes (Liu et al., 1997). Une fois que la pression homéostatique s’est dissipée, après plusieurs heures de sommeil, le SCN envoie des signaux pour maintenir le sommeil jusqu’à l’heure du lever (Dijk, Duffy, & Czeisler, 1992).

Au début des années 80, Borbély a conçu le premier modèle mathématique à partir du rythme circadien et de l’homéostasie du sommeil pour prédire la durée et l’horaire du sommeil (Daan, Beersma, & Borbély, 1984). Selon ce modèle, la propension au sommeil serait déterminée par l’interaction entre le temps d’éveil accumulé (communément désigné le Processus S) et le système circadien (communément désigné le Processus C) (Daan, Beersma, & Borbély, 1984). Le modèle à double processus de Borbély a été

subséquemment adapté afin de prédire d’autres variables telles que le niveau de fatigue (Dawson & Fletcher, 2001), la vigilance (Achermann & Borbély, 1994) et la performance cognitive (Åkerstedt & Folkard, 1997). Bien que le degré d’exactitude du modèle fasse encore l’objet d’études, il peut permettre d’estimer la latence d’endormissement et le niveau de performance cognitive à l’éveil selon le moment de la journée, la quantité de

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sommeil obtenue et la durée de l’éveil (Achermann & Borbély, 1994; Åkerstedt & Folkard, 1997).

2.3 Chronotype

L’expression du rythme circadien varie considérablement d’une personne à l’autre comme en témoignent les différences interindividuelles dans l’horaire des activités

quotidiennes. Ces variations sont particulièrement remarquables en ce qui a trait au cycle de veille/sommeil, où il est possible de discerner des personnes dites « matinales » et des personnes dites « vespérales ». Le terme « chronotype » est employé dans le domaine de la chronobiologie pour désigner ces différences interindividuelles. Aux extrémités du

continuum, les personnes ayant un chronotype du matin (type-M) se lèvent tôt et pratiquent leurs activités durant la journée tandis que les personnes ayant un chronotype du soir (type-S) se lèvent tard et pratiquent leurs activités durant la soirée et la nuit 1(Horne & Östberg, 1976). Roenneberg et ses collaborateurs (2003) ont examiné de façon plus approfondie l’horaire du cycle veille/sommeil selon le chronotype et ont trouvé des différences significatives entre les personnes aux extrémités du continuum. Durant les journées de travail, les personnes de type-S se coucheraient jusqu’à deux heures plus tard que les personnes de type-M, mais se lèveraient seulement 30 minutes plus tard le matin

(Roenneberg, et al., 2003). Ceci implique que les personnes de type-S dormiraient jusqu’à 1h30 de moins par jour que les personnes de type-M durant la semaine de travail. Les différences d’horaire seraient encore plus marquées durant les journées de congé puisqu’il y

1 Dans la littérature, le terme « night », qui se traduit en français par le mot « nuit », est

souvent utilisé en opposition au terme « day », qui se traduit par le mot « jour ». La distinction entre la soirée et la nuit est très peu présente et le terme « night » est couramment utilisé pour référer à ces deux moments de la journée. Ceci entraîne une certaine ambiguïté par rapport à la période spécifique de la journée dont il est question.

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a moins de contraintes occupationnelles dictant l’heure du levé et que les personnes de type-S tenteraient de compenser pour leur dette de sommeil accumulée au cours de la semaine (Roenneberg, et al., 2003). En plus des différences quant à leur horaire de

sommeil, les chronotypes se distingueraient également pendant leur période d’éveil. Sur le plan neurocognitif, le maximum de vigilance, moment de la journée où la vigilance est à son plus haut niveau, serait atteint en moyenne 2 heures plus tôt chez les types-M que les types-S (Taillard, Philip, Coste, Sagaspe, & Bioulac, 2003; Kerkhof & Van Dongen, 1996; Natale et Cicogna, 1996; Lack et Bailey, 1994; ). De plus, les types-M atteindraient leur niveau de somnolence le plus élevé au cours d’une journée 5 à 9 heures avant que les types-S ne l’aient atteint (Lack, Bailey, Lovato & Wright, 2009).

Les différences relatives à l’horaire veille/sommeil chez les chronotypes seraient également sous-tendues par des variations importantes au niveau des mécanismes régulateurs du sommeil. Premièrement, il y aurait une différence entre les chronotypes quant à la régulation homéostatique du sommeil. Les études ayant examiné des marqueurs électroencéphalographiques de pression homéostatique ont démontré que, pour un même temps d’éveil, les personnes de type-M accumuleraient une pression de sommeil plus importante que les personnes avec de type-S (Mongrain & Dumont, 2007; Taillard, et al., 2003). Ces mêmes marqueurs ont également permis de déceler une dissipation de la pression homéostatique plus rapide chez les types-M que chez les types-S (Mongrain & Dumont, 2007). Ensemble, ces résultats suggèrent que les personnes avec un chronotype matinal auraient une dynamique homéostatique plus rapide, ou plus réactive que les

personnes avec un chronotype de soir. Deuxièmement, des études ayant comparé différents marqueurs du rythme circadien, dont la température corporelle, la sécrétion de cortisol et la sécrétion de mélatonine, ont révélé que la phase circadienne interne des types-M serait en

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avance de 2 heures environ par rapport à celle des types-S (Bailey & Heitkemper, 2001; Baehr, Ravelle, & Eastman, 2000; Duffy et al., 1999). De plus, en contrôlant pour les zeitgebers qui permettent au rythme circadien interne de se synchroniser au rythme environnemental, Duffy, Rimmer et Czeisler (2001) ont découvert que la durée du rythme interne différerait entre les types-M et les types-S. Plus précisément, les personnes de type-M auraient un rythme interne un peu plus court que le rythme environnemental de 24 heures (τ < T), tandis que les personnes de type-S auraient un rythme interne un peu plus long que le rythme environnemental de 24 heures (τ > T) (Duffy et al., 2001).

À la lumière de ces découvertes, Roenneberg et ses collaborateurs (2003; 2007; 2010) ont proposé une théorie explicative du phénomène de chronotype. Selon les auteurs (Roenneberg, et al., 2003; Roenneberg, Kumar, & Merrow, 2007; Roenneberg, Hut, Daan, & Merrow, 2010), l’organisation de l’horaire veille/sommeil se développerait en fonction du phénomène de réponse en phase ainsi qu’en fonction de la durée endogène du rythme circadien interne de chaque individu. Concrètement, les personnes ayant un rythme interne plus court se synchroniseraient au cycle de 24 heures en se réveillant plus tôt. Ceci

favoriserait l’exposition à la lumière pendant leur phase interne de soir, période durant laquelle la projection de lumière prolonge le rythme circadien (Roenneberg et al., 2003; 2007; 2010). Pour les personnes dont le rythme interne est plus long, un réveil tardif leur permettrait de se synchroniser au rythme environnemental en favorisant l’exposition à la lumière pendant leur phase interne du matin, période durant laquelle la projection de lumière compresse les rythmes circadiens (Roenneberg, et al., 2003; 2010). Ainsi, les différents chronotypes reflèteraient les différentes stratégies d’adaptation employées par les individus afin de synchroniser leur rythme interne au rythme environnemental. Ce modèle, qui postule une relation étroite entre le chronotype et le rythme circadien interne, a

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récemment reçu l’appui empirique d’études en laboratoire (Goulet, Mongrain, Desrosiers, Paquet, & Dumont, 2007) et d’études en milieu naturel (Emens, Yuhas, Rough, Kochar, Peters, & Lewy, 2009).

Une accumulation d’évidence suggère que la durée du rythme circadien interne et, par extension, le chronotype, aurait une origine génétique prédéterminée. Les premières études s’étant intéressées aux différents phénotypes circadiens ont été effectuées sur la souris. Celles-ci ont révélé que certains gènes impliqués dans la régulation

post-traductionnelle du système circadien auraient des formes mutantes qui induisent des

rythmes internes de durée plus ou moins longue que la moyenne (Van der Horst, Muijtjens, Kobayashi, Takano, Kanno, Takao, De Wit, et al., 1999; Vitaterna, Selby, Todo, Niwa, Thompson, Fruechte, Hitomi, et al., 1999). Les homologues humains de ces gènes horlogers ont par la suite été examinés, ce qui a mené à la découverte de mutations associées à des troubles du rythme circadien chez l’homme. En effet, des variantes mutantes des gènes PER2 et CK1 seraient reliées au syndrome familial de phase avancée, un désordre héréditaire qui se manifeste par un temps d’endormissement et un temps d’éveil excessivement tôt, soit une forme extrême du chronotype matinal (Toh, Jones, He, Eide, Hinz, Virshup, Ptacek, et al., 2001; Xu, Padiath, Shapiro, Jones, Wu, Saigoh, Saigoh, et al., 2005). Une variante du gène HPER3 quant à elle serait associée au syndrome

familial de phase retardée, un syndrome héréditaire caractérisé par une insomnie

d’initiation et une difficulté importante de se réveiller le matin, soit une forme extrême du chronotype du soir (Ebisawa Uchiyama, Kajimura, Mishima, Kamei, Katoh, Watanabe et al., 2001). Plus récemment, Carpen, Archer, Skene, Smits et Von Schantz (2005) ont trouvé une association entre l’allèle 111G du gène PER2 et le chronotype; cet allèle serait

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(Carpen, et al., 2005). Ainsi, bien que les bases génétiques du rythme circadien restent pour la plupart méconnues, les études à ce jour suggèrent une origine génétique prédéterminée du rythme circadien et du chronotype. Celles-ci se conjuguent à des normes sociales et culturelles relatives à l’organisation de l’horaire de vie pour donner lieu à une expression bio-psycho-sociale du chronotype.

L’usage de questionnaires autorapportés constitue la méthode principale pour évaluer le chronotype. Les deux questionnaires les plus couramment utilisés à cette fin sont le questionnaire « Morningness/Eveningness » (MEQ) de Horne et Ostberg (1976) et le questionnaire de chronotype de Munich (MCTQ) de Zavada (2005). Bien que ces deux questionnaires visent à mesurer le chronotype, leur conceptualisation du construit diffère de manière importante comme en témoignent les différents aspects de l’horaire qu’ils évaluent. Les questions du MEQ portent sur l'horaire que la personne estime être le "meilleur", le plus "préférable" ou celui qui lui "permettrait d'être au sommet de sa forme" (Horne & Ostberg, 1976). De plus, le MEQ questionne des situations hypothétiques, non contraintes par l'horaire imposé par les obligations sociales et professionnelles, par exemple: « À quelle heure vous vous réveilleriez si vous étiez entièrement libre de planifier votre journée? » (Horne & Ostberg, 1976). Ainsi, le MEQ conçoit le chronotype comme étant une caractéristique stable de l’individu, indépendante de l’horaire de veille/sommeil et de l’horaire de travail réel, une conception qui concorde bien avec le nombre grandissant d’études qui suggèrent une origine génétique prédéterminée du rythme circadien et du chronotype. Plusieurs processus sous l’influence du rythme circadien, tel que la

performance neurocognitive et l’activation physiologique, sont également évalués par le MEQ (Horne & Ostberg, 1976). Ceci permet d’obtenir un score de chronotype final qui

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tient compte des diverses manifestations du rythme circadien interne. En contrepartie, le MCTQ évalue l’organisation réelle de l'horaire veille/sommeil et ne tient pas compte des autres aspects du rythme circadien (Zavada, Gordijn, Beersma, Daan, & Roenneberg, 2005). Le score final du chronotype est dérivé en calculant l’heure médiane entre

l’endormissement et l’éveil (mid-sleep; Zavada et al., 2005). Donc, à l’opposé du MEQ, le MCTQ conçoit le chronotype comme étant un aspect fluctuant qui est déterminé par l’horaire courant de l’individu. D’ailleurs, les horaires de veille/sommeil réels rapportés dans le MCTQ sont fortement corrélés aux horaires de veille/sommeil préférés rapportés dans le MEQ, mais à r = 0.73, la corrélation n’est pas parfaite (Zavada et al., 2005). Ces résultats sont peu surprenants puisque les contraintes professionnelles et sociales peuvent parfois imposer un horaire qui dévie de celui souhaiter par certains individus.

Le MEQ est l’unique questionnaire qui conçoit le chronotype comme étant un trait stable qui représente indirectement le rythme circadien interne. Il est également l’outil de mesure du chronotype dont l’usage est le plus répandu, ayant été traduit en plusieurs langues, dont le français (Caci, Nadalet, Staccini, Myquel, & Boyer, 2000), l’italien (Tonetti, 2007), le chinois (Li, Li, Wang, Liu, Liu, Zhang, Zhang, et al., 2011), et l’allemand (Randler, 2008). Le MEQ a été validé à l’aide de plusieurs mesures

physiologiques du rythme interne telles que la température corporelle interne (Baehr, et al., 2000; Andrade, Benedito-Silva, & Menna-Barreto, 1992; Horne & Östberg, 1976), la sécrétion de mélatonine et la sécrétion de cortisol (Bailey & Heitkemper, 2001; Duffy, et al., 2001). Les 19 questions du MEQ sont majoritairement subjectives et s’intéressent à l’horaire idéal de veille/sommeil tel que défini par l’individu (Horne & Östberg, 1976); elles permettent de classifier les individus en 5 catégories (extrêmement de jour,

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modérément de jour, neutre, modérément de soir, extrêmement de soir) ou en trois

catégories (chronotype du matin, neutre, et chronotype du soir) selon un score continu qui varie entre 16 et 86. Le MEQ fut initialement validé auprès d’une population adulte, chez qui la distribution du chronotype est relativement normale avec un léger biais pour le chronotype du soir (Horne & Östberg, 1976). Des études subséquentes ont démontré un biais plus marqué pour le chronotype du soir chez les adolescents et jeunes adultes (Adan and Natale, 2002; Chelminski, Ferraro, Petros, & Plaud, 1997). Chez les adultes plus âgés, il y aurait un renversement de cette tendance, avec une augmentation significative du chronotype du matin (Paine, Gander & Tavier, 2006; Taillard, Philip, Chastang, & Bioulac, 2004). Dans une revue récente sur l’évaluation du chronotype, il a été postulé que ces modulations systématiques seraient causées par des changements physiologiques inhérents à la croissance et au vieillissement normal (Levandovski, Sasso, & Paz Hidalgo, 2013). Afin de tenir compte des changements au cours du vieillissement, Taillard et ses collaborateurs (2004) ont procédé à une vérification de la validité du MEQ auprès d’un échantillon d’adultes plus âgés. Une analyse des correspondances multiples leur a permis d’identifier de nouveaux paramètres de classement qu’ils ont ensuite validés à l’aide de variables objectives telles que l’horaire du sommeil, le besoin de sommeil diurne, le niveau de somnolence et la latence du sommeil à différents moments de la journée (Taillard et al., 2004). En appliquant ces nouveaux paramètres, un biais pour le chronotype du matin était toujours présent, mais la distribution était presque normale avec 28,1 % de l’échantillon de type-M, 51.7 % de type-N et 20.2 % de type-S (Taillard et al., 2004). D’autres auteurs ont par la suite trouvé des résultats qui corroborent l’usage des paramètres de Taillard (2004) auprès des adultes âgés de 45 ans et plus (Paine, et al., 2006).

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Pour résumer, le rythme circadien est un rythme régulateur interne qui régit plusieurs fonctions physiologiques et psychologiques au quotidien (Hofsta & De Weerd, 2008). La durée du rythme circadien varie entre 23.5 et 24.7 heures dans la population générale, ce qui implique que pour certaines personnes, ce rythme n’est pas tout à fait équivalent au rythme environnemental de 24 heures (Czeisler et al., 1999). L’exposition à la lumière durant certaines périodes du rythme interne permet la synchronisation au rythme environnemental, en allongeant ou en raccourcissant le rythme interne (Roenneberg, et al., 2003). Ainsi, l’organisation des activités quotidiennes et l’horaire veille/sommeil, désigné le chronotype, serait une stratégie d’adaptation de l’organisme lui permettant d’être synchronisé au rythme environnemental. De plus, le chronotype serait un trait héréditaire dont l’origine génétique dépend de certaines mutations des gènes horlogers (Carpen et al., 2005). Alors qu’il est peu probable que le chronotype neutre soit associé à un risque de morbidité, les chronotypes plus extrêmes, soit de soir ou de jour, pourraient, pour leur part, être préférentiellement adaptés à un horaire de soir ou de jour respectivement. Selon l’American Sleep Society (2005), le chronotype serait possiblement lié au développement de troubles du sommeil du rythme circadien et devrait faire l’objet d’études approfondies, surtout dans des contextes de travail à horaires non conventionnels, où l’exposition à la lumière et aux autres zeitgebers externes est limitée.

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3. Recension des écrits scientifiques

3.1 Travail à horaire non conventionnel

Selon Statistique Canada, plus de 25 % des travailleurs canadiens ont des horaires de travail non conventionnels, désignés officiellement par l’expression travail par quarts (Hurst, 2008). Les différentes organisations du travail par quarts incluent : les quarts de soirée, les quarts de nuit, les quarts rotatifs, et les horaires de travail irréguliers. Parmi les Canadiens qui travaillent à temps plein, environ 385 000 ont un quart régulier de soir, 270 000 ont un quart régulier de nuit et 1 215 000 occupent un poste à horaire rotatif (Williams, 2008). Certaines professions sont plus susceptibles que d’autres de comporter des horaires de travail par quarts; en raison de leur nature, les professions fournissant des services 24 heures par jour, comme celles de médecins, d’infirmières et de policiers en sont des exemples. En effet, jusqu’à 45 % des travailleurs de la santé travaillent sur un horaire non conventionnel (Williams, 2008).

Plusieurs études démontrent que le travail par quarts, plus spécifiquement le travail de nuit et le travail rotatif, peut entraîner une multitude d’effets néfastes pour la santé et la sécurité des travailleurs. Ces horaires de travail causeraient un dérèglement des fonctions physiologiques et psychologiques sous le contrôle du rythme circadien et engendreraient des difficultés pour la vie sociale et professionnelle (Costa, 1997). Il est également rapporté que les travailleurs de nuit et les travailleurs à horaire rotatif éprouvent plus de difficultés de sommeil et des niveaux de somnolence plus élevés que les travailleurs de soir2 et les

2 Le travail en après-midi/de soir étant associé à un sommeil de durée supérieure en

comparaison au travail de jour et au travail de nuit, cet horaire de travail ne semble pas avoir d’impact négatif pour le sommeil (Tepas & Carvalhais, 1990). Cet horaire de travail,

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travailleurs de jour (Ohayon, Smolensky, & Roth, 2010; Pilcher, Lambert, & Huffcutt, 2000). Ces perturbations du cycle veille/sommeil seraient reliées à une augmentation du risque de dépression, de morbidité, et d’ulcères gastriques (Drake, Roehrs, Richardson, Walsh, & Roth, 2004). De plus, elles seraient associées à une diminution de la performance cognitive durant les heures de travail (Folkard & Tucker, 2003; Trinkoff, Storr, &

Lipscomb, 2001) ainsi qu’à une augmentation de l’absentéisme et du nombre d’accidents au travail (Folkard & Åkerstedt, 2004).

3.2 Trouble du sommeil associé à l’horaire de travail

Les difficultés de sommeil associées à un horaire de travail non conventionnel constituent un syndrome clinique lorsqu’elles portent atteinte au fonctionnement de l’individu. Ce syndrome fait partie de la grande classe des troubles de sommeil du rythme circadien, décrit dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders-5 (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013) et l’International Classification of Sleep

Disorders-III (ICSD-III; American Academy of Sleep Medicine, 2014). L'appellation ainsi que les critères diagnostiques du trouble diffèrent légèrement selon l’ouvrage de référence. Dans le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2013), le syndrome est étiqueté 307.45 (G47.26) Circadian Rhythm Sleep-Wake Disorder Shift Work Type et inclut trois critères diagnostiques soit: « A) la présence d’une perturbation récurrente ou persistante du sommeil qui est causée par une altération du système circadien ou par un mauvais alignement entre le rythme circadien interne et l’horaire veille/sommeil imposé par l’environnement physique ou social ou l’horaire professionnel; B) la perturbation du

qui ne doit pas être confondu avec le travail de nuit, ne fera pas l’objet de discussion dans le présent travail.

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sommeil entraîne de la somnolence excessive ou de l’insomnie ou les deux et C) la perturbation du sommeil cause une détresse cliniquement significative ou entrave le fonctionnement dans les sphères sociales et occupationnelles » (APA, 2013; p. 390). Dans l’ICSD-III (2014), il est question de (307.47-1) Shift Work Sleep Disorder et 5 critères diagnostiques, dont 2 critères minimaux soit: « A) le patient a une plainte primaire d’insomnie ou de somnolence excessive et B) la plainte est temporellement associée avec une période de travail qui a lieu durant la phase de sommeil habituelle » (AASM, 2014; p. 124). Dans les écrits scientifiques, deux termes additionnels sont utilisés pour référer au syndrome, soit le trouble de sommeil associé à l’horaire de travail (TSHT) ou le trouble de l’horaire de travail (THT). À ce jour, deux études de prévalence sur le TSHT ont été effectuées au sein de la population générale (Di Milia, Waage, Pallesen, & Bjorvatn, 2013; Drake et al., 2004). Selon Drake et ses collaborateurs (2004), l’insomnie ou la somnolence toucheraient environ 32 % des travailleurs de nuit à horaire fixe, 26 % des travailleurs à horaire rotatif et 18 % des travailleurs de jour. En corrigeant pour la prévalence de l’insomnie et de la somnolence chez les travailleurs de jour, les auteurs ont estimé que le TSHT toucherait environ 10 % de la population des travailleurs à horaire non

conventionnel (Drake et al., 2004). Ce taux de prévalence devrait cependant être interprété avec prudence puisqu’il est basé sur des résultats de questionnaires autorapportés et non sur des évaluations cliniques. De plus, le lien causal ou temporel entre l’apparition des

symptômes et l’horaire de travail n’a pas été pris en compte lors de cette première étude. Cette limite a été corrigée dans la deuxième étude épidémiologique d’envergure, qui, pour sa part, rapporte des taux légèrement différents, soit de 32 % chez les travailleurs de nuit à horaire fixe et 10 % chez les travailleurs de jour (Di Milia et al., 2013). D’ailleurs, en ajoutant une question supplémentaire sur l’impact fonctionnel des symptômes, les taux

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chutent davantage et ne sont que de 9 % chez les travailleurs de nuit et 1 % chez les travailleurs de jour (Di Milia et al., 2013). Bien que ces dernières estimations aient plus de pertinence clinique que celles rapportées précédemment, elles demeurent basées sur des questions sommaires plutôt que des entrevues cliniques approfondies.

Dans une revue de littérature, Sack, Auckley, Auger, Carskadon, Wright, Vitiello et Zhdanova (2007) soulignent que l’usage du diagnostic de TSHT est peu répandu dans la littérature, et ce, probablement à cause de ses pauvres qualités discriminantes. Selon les auteurs, les critères diagnostiques du TSHT seraient très peu spécifiques et ne permettraient pas de faire une distinction fiable entre une réaction normale et une réaction pathologique au travail à horaire non conventionnel (Sack et al., 2007). En effet, un examen approfondi des critères diagnostiques du trouble révèle des omissions et des imprécisions non

négligeables. Premièrement, le diagnostic ne fait pas la distinction entre un tableau clinique caractérisé par un manque de sommeil, mais peu de somnolence et un tableau clinique caractérisé par un sommeil adéquat, mais avec présence de somnolence excessive. Ceci implique que deux phénotypes distincts, soit l'insomniaque non somnolent et le bon dormeur somnolent, sont désignés par le même diagnostic de TSHT. Deuxièmement, le DSM-5 et l’ICSD-II ne précisent pas la période de sommeil qui serait sujette à l’insomnie. Ceci complique considérablement l’évaluation des critères diagnostiques puisque le sommeil des travailleurs à horaire non conventionnel est typiquement fragmenté en plusieurs périodes (Drake & Wright, 2011). Il n’existe donc pas de convention qui permet de qualifier les personnes dont l’insomnie serait présente uniquement lors de certaines, mais pas toutes les périodes de sommeil au cours d’une même journée. Troisièmement, les volumes de référence n’expliquent pas précisément ce en quoi consiste le critère de

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général de somnolence, qui subsiste tout au long de l’éveil, mais il est également possible que cela réfère à un état transitif, qui pose problème à des moments précis de la journée, par exemple durant les heures travail. Ainsi, l’évaluation de la somnolence excessive et les répercussions qui en découlent pourraient être manifestement différentes selon la définition employée. Somme toute, l’ensemble de ces éléments suggère que le diagnostic de TSHT pourrait bénéficier d’une opérationnalisation plus rigoureuse dans le but d’améliorer sa fiabilité et favoriser son usage dans les études scientifiques.

Après la parution de la revue de Sack (2007), seulement 3 études épidémiologiques (Di Milia et al., 2013; Flo, Pallesen, Magerøy, Moen, Grønli, Hilde Nordhus, & Bjorvatn, 2012 ; Waage, Moen, Pallesen, Eriksen, Ursin, Akerstedt, & Bjorvatn, 2009), 4 rapports sur les considérations cliniques du TSHT (Roskowski & Jaffe, 2012; Martinez & Lenz, 2010; Swartz, 2010; Akerstedt & Wright, 2009) et 3 articles originaux ayant fait usage du diagnostic formel (De Araújo Fernandes, Antonietti, Saba, De Faria, Esteves, Tufik, & De Mello, 2013; Gumenyuk, Roth, & Drake, 2012; Järnefelt, Lagerstedt, Kajaste, Sallinen, Savolainen, & Hublin, 2012) ont été publiés. Ainsi, l’utilisation du diagnostic de TSHT dans les études scientifiques n’a pas progressé de manière très importante dans les dernières années. De plus, il n’y a pas eu d’ajout de précisions ni de reformulation des critères

diagnostiques ambigus dans ces plus récentes publications, ce qui implique que le diagnostic de TSHT mérite toujours d’être raffiné. Des efforts pour remédier aux limites associées au diagnostic actuel sont présentement déployés par Vallières et ses

collaborateurs, qui cherchent à développer un algorithme de classification systématique pouvant tenir compte des différentes périodes de sommeil et des niveaux de somnolence à différents moments de la journée. Les résultats de ces recherches seront disponibles

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sommeil ainsi que du niveau de somnolence à différents moments de la journée et constituent les meilleurs indices disponibles pour évaluer les difficultés de sommeil chez les travailleurs à horaire non conventionnel.

3.3 Tolérance au travail à horaire non conventionnel

Selon le modèle à double processus de Borbély (1984), les difficultés de sommeil vécues par les travailleurs de nuit et les travailleurs à horaire rotatif s’expliqueraient par un désalignement de l’horloge biologique interne et des périodes veille/sommeil imposées par le travail nocturne. Dans un contexte de travail nocturne, les travailleurs seraient tenus de maintenir leur vigilance et leur performance au travail au moment où l’horloge biologique (Processus C) interne porterait au sommeil. De plus, les épisodes de sommeil durant le travail de nuit seraient écourtées par le fait qu’elles ont lieu tôt le matin, moment où l’horloge interne favorise l’éveil (Pilcher et al., 2000; Mitler, Miller, Lipsitz, Walsh & Wylie 1997). Ceci empêcherait la remise à zéro de la pression de sommeil homéostatique (Processus S).

Ainsi, le modèle de Borbély (1984) suggère que le travail nocturne serait

fondamentalement néfaste pour le cycle veille/sommeil et que tous les travailleurs de nuit seraient susceptibles de vivre des difficultés de sommeil. Cependant, les études révèlent une autre réalité; certains travailleurs peuvent avoir des difficultés de sommeil sérieuses après quelques mois de travail nocturne (Reinberg, Andlauer, De Prins, Malbecq, Vieux, Bourdeleau, 1985) alors que d’autres ne développeront pas de plaintes avant des années ou n’auront jamais de plainte par rapport à leur sommeil (Ashkenazi, Reinberg, & Motohashi, 1997). De plus, selon l’étude épidémiologique de Drake et ses collaborateurs (2004), entre 14 à 32 % des travailleurs de nuit à horaire fixe et entre 8 à 26 % des travailleurs de nuit à

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horaire rotatif satisfont les critères diagnostiques du TSHT, ce qui implique que la majorité des travailleurs à horaire nocturne ne vivent pas des symptômes suffisamment sévères pour entraver leur fonctionnement. Parallèlement, il est démontré que la plupart des accidents de travail qui ont lieu lors des quarts de nuit sont attribuables à une minorité de travailleurs (Mitler et al., 1997) et la diminution de performance associée au travail de nuit ne serait présente que chez certains travailleurs plus vulnérables (Van Dongen, 2006). Ces réactions divergentes au travail de nuit ont mené les chercheurs à se questionner sur la tolérance au travail non conventionnel.

Le concept de la tolérance au travail non conventionnel fut initialement proposé par Andlauer et ses collaborateurs (1979) pour référer à la capacité d’adaptation au travail à horaire non conventionnel sans qu’il y ait de conséquences négatives. Depuis, la tolérance au travail non conventionnel a acquis plusieurs définitions opérationnelles et a été examinée par l’intermédiaire de différentes variables dépendantes. Parmi ces variables se trouvent notamment l’évaluation subjective de la qualité et la quantité de sommeil (Tamagawa, Lobb & Booth, 2007; Lammers-van der Holst, et al., 2006), le niveau de somnolence durant les heures de travail (Takahashi, Tanigawa T., Tachibana N., Mutou K., Kage Y., Smith L., & Iso, 2005), la durée totale du sommeil (Hurst, 2008), et la performance cognitive

(Akerstedt, 2007). Il n’existe donc pas de façon singulière de définir et de mesurer la tolérance au travail à horaire non conventionnel (Tamagawa, et al., 2007). En contrepartie, diverses facettes du concept de tolérance ont été explorées, ce qui a permis la découverte de plusieurs facteurs de risque et de protection en lien avec le travail de nuit.

Parmi les variables susceptibles d’influencer la tolérance au travail de nuit, certaines se rapportent à l’horaire de travail alors que d’autres sont inhérentes à la personne et son environnement social. Le type d’horaire de travail soit, le travail de nuit à horaire fixe ou à

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horaire rotatif est une variable qui a fait l’objet de nombreuses études, mais les résultats de ces études n’ont pas été entièrement concluants. Une première revue de littérature par Wilkinson (1992) était fortement en faveur du travail de nuit à horaire fixe, invoquant une durée de sommeil moyenne plus élevée pour les travailleurs à horaire fixe que les

travailleurs à horaire rotatif. Les analyses de Wilkinson (1992) ont cependant été critiquées pour avoir uniquement tenu compte du sommeil lors des journées de travail et avoir ignoré le sommeil lors des journées de congé. Fischer et ses collaborateurs (1997) ont mené une étude pour corriger cette omission et ont trouvé que la durée moyenne du sommeil ainsi que la qualité du sommeil lors du travail de nuit sont inférieures à celles lors du travail de jour et lors des journées de congé. Les auteurs ont donc conclu qu’il serait préférable de limiter le nombre de nuits consécutives de travail au profit d’un horaire rotatif à alternance rapide (Fischer, de Castro Bruni, Berthwerth, de Castro Moreno, de Lima Fernandez, Riviello, 1997). Toutefois, il possible de remettre en cause les conclusions de Fischer et col. ,(1997) puisque les auteurs n’ont pas comparé directement le sommeil des travailleurs à horaire fixe au sommeil des travailleurs à horaire rotatif durant les quarts de nuit. Ils ont plutôt inféré cette comparaison indirectement en contrastant le sommeil de tous les travailleurs durant les quarts de nuits, les quarts de jours et les journées de congé. Une revue des écrits plus récents soulève des problèmes méthodologiques similaires et met en évidence un manque de cohérence important dans la littérature sur les types d’horaires de travail (Driscoll, Grunstein & Rogers, 2007). Une autre variable relative à l’horaire de travail qui a suscité l’intérêt est le nombre de jours consécutifs de travail. Dans la mesure où le rythme

circadien a une capacité de s’adapter au décalage horaire, par exemple, en voyage lorsqu’il y a déplacement à travers différents fuseaux horaires (Boulos, Macchi, Stürchler, Stewart, Brainard, Suhner, Wallace, et al., 2002), il a été proposé que les travailleurs de nuit seraient

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mieux adaptés à leur horaire après plusieurs nuits consécutives de travail. Bien que théoriquement valable, l’hypothèse n’a pas été appuyée scientifiquement; une étude par Ferguson, Kennaway, Baker, Lamond et Dawson (2012) n’a pas trouvé d’augmentation du temps de sommeil et a même détecté une baisse de vigilance progressive après plusieurs nuits consécutives de travail. Ces résultats s’expliqueraient par le fait que l’adaptation progressive du rythme circadien est seulement possible lorsqu’il y a exposition à la lumière et aux zeitgebers sociaux à des moments bien définis et de manière régulière sur une

période prolongée (Boulos, et al., 2002). Puisque les travailleurs de nuit ne s’exposent pas à la lumière et n’ajustent pas leur horaire d’activités sociales de façon optimale et stable, leur rythme interne ne parviendrait pas à s’adapter graduellement à leur horaire de travail.

Quant aux caractéristiques relatives à l’individu et son contexte social, l’âge semble jouer un rôle considérable dans la capacité d’adaptation à un horaire non conventionnel. Il a été démontré que les travailleurs de plus de 40 ans ont un désalignement plus important de leur horloge interne par rapport à l’horaire externe et vivent plus de difficultés de sommeil que les travailleurs plus jeunes (Brugere, Barrit, Butat, Cosset, & Volkoff, 1997; Harma, 1996). L’intolérance progressive au travail à horaire non conventionnel chez les personnes âgées serait expliquée par des facteurs chronobiologiques, comme une diminution de la capacité d’adaptation et de synchronisation du rythme circadien (Czeisler, Dumont, Duffy, Steinberg, Richardson, Brown, Sánchez, et al., 1992) ainsi qu’une tendance progressive vers un chronotype du matin (Lieberman, Wurtman & Teicher, 1989), mais aussi par des facteurs physiques, psychosociaux et économiques (Costa, 2005). Le genre de l’individu est également une variable qui pourrait influencer l’adaptation au travail de nuit compte tenu de son impact sur le type d’emploi occupé et sur la charge de responsabilités domestiques (Jolly, Griffith, DeCastro, Stewart, Ubel, & Jagsi, 2014). La seule étude ayant examiné

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cette variable rapporte que les femmes qui travaillent de nuit ont une durée de sommeil inférieure et sont plus somnolentes durant les heures de travail que leurs homologues masculins (Oginska, Pokorski, & Oginski, 1993). Ces résultats ne sont cependant pas corroborés par d’autres auteurs et l’étude épidémiologique sur le TSHT réalisée par Drake et col. (2004) ne fourni pas d’information supplémentaire sur le sujet puisqu’elle n’a pas examiné la prévalence du TSHT selon le sexe.

Outre les variables démographiques, certains traits de personnalité ont aussi fait l’objet d’études. Les différences interindividuelles quant à la capacité de faire preuve de flexibilité dans les habitudes de sommeil en sont un exemple. Alors que certaines

personnes sont plus flexibles pour ce qui est de leur horaire de sommeil (elles ne voient pas d’inconvénients à décaler leur sommeil, prennent des siestes pour récupérer), d’autres peuvent être plus rigides (l’heure du coucher est toujours fixe, croyances rigides par rapport au nombre d’heures de sommeil minimales requises). Il a été révélé que les personnes plus flexibles s’adapteraient mieux aux horaires de travail nocturnes et rotatifs (Costa, Lievore, Casaletti, Gaffuri, & Folkard, 1989). D’autres auteurs ont examiné l’influence de traits de personnalité plus conventionnels et ont découvert que les traits anxieux (Tamagawa, et al., 2007) ainsi que les traits de neuroticisme (Parkes, 2002) seraient associés aux troubles du sommeil en général, mais de façon encore plus importante dans un contexte de travail de nuit. En somme, quelques variables jouant un rôle dans la tolérance au travail à horaire non conventionnel ont été identifiées, mais plusieurs autres variables potentiellement

significatives demeurent inexplorées. Le présent projet s’inscrit dans le programme de recherche Facteurs biopsychosociaux impliqués dans l’évolution du trouble du sommeil associé au travail de nuit du laboratoire de Dre Annie Vallières. Ce programme de

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facteurs de risque et de protection qui y sont associés. La visée principale du travail actuel, qui fait l’objet de mon mémoire doctoral, est d’évaluer l’influence du chronotype sur la tolérance au travail à horaire non conventionnel.

3.4 Chronotype et le travail à horaire non conventionnel

Les différences entre les chronotypes quant aux mécanismes régulateurs du sommeil ont été documentées par de nombreuses études. Par rapport à l’homéostasie du sommeil, les personnes de type-M ont une dynamique homéostatique plus réactive et accumulent plus rapidement la pression de sommeil que les personnes de type-S (Mongrain & Dumont, 2007; Taillard et al., 2003). En ce qui concerne le rythme circadien, les

personnes de type-M ont une phase circadienne interne qui est en avance de 2 heures par rapport à celle des personnes de type-S (Bailey & Heitkemper, 2001; Baehr et al., 2000; Duffy et al., 1999). Ces variations influencent directement l’organisation de l’horaire veille/sommeil, où il est possible de constater une différence moyenne de 2 heures entre l’heure du couché des personnes de type-M et des personnes de type-S (Roenneberg et al., 2003). L’écart entre le maximum de somnolence subjectif est encore plus important; les types-M atteignent leur niveau de somnolence le plus élevé de la journée de 5 à 9 heures plus tôt que les types-S (Lack et al., 2009). L’ensemble de ces éléments permet de présumer que les personnes avec un chronotype du soir auraient un meilleur sommeil de jour et seraient moins somnolentes durant la soirée que les personnes avec un chronotype du matin. Ainsi, les personnes avec un chronotype du matin seraient bien adaptées au rythme social conventionnel et au travail de jour (9 h à 17 h), alors que les personnes avec un chronotype du soir seraient moins adaptées au travail de jour, mais davantage tolérantes au travail de nuit.

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Plusieurs chercheurs ont évalué l’influence que pouvait présenter le chronotype pour la tolérance au travail à horaire non conventionnel, mais les résultats de ces études ont cependant été partagés. D’une part, un nombre substantiel d’études semblent conclure que le fait d’avoir un chronotype du soir serait un facteur protecteur alors que le fait d’avoir un chronotype du matin serait un facteur de risque. Plus spécifiquement, certaines études ont trouvé que les personnes avec un chronotype du soir auraient une plus grande capacité à faire preuve de flexibilité face aux changements dans leur cycle veille/sommeil (Furnham & Hughes, 1999) et qu’elles auraient une meilleure qualité de sommeil de jour que les personnes avec un chronotype du matin (Khaleque, 1999). Subjectivement, les personnes de type-S auraient une perception plus favorable de leur capacité d’adaptation au travail de nuit (Takahashi et al., 2005) et de leur tolérance au travail à horaire non conventionnel (Steele, Ma, Watson, & Thomas, 2000). De plus, les personnes de type-S seraient plus alertes (Ognianova, Dalbokova, & Stanchev, 1998) et performantes au travail (Burch, Tom, Zhai, Criswell, Leo, & Ogoussan, 2009) et auraient une meilleure satisfaction face à

l’emploi dans un contexte de travail à horaire non conventionnel (Korompeli, Sourtzi, Tzavara, & Velonakis, 2009). En contrepartie, les personnes avec un chronotype du matin auraient des habitudes de sommeil plus rigides et n’arriveraient pas à faire perdurer leur sommeil le matin même après plusieurs heures d’éveil et une charge homéostatique importante (Duffy et al., 1999). Ceci pourrait potentiellement augmenter leur dette de sommeil et causer de la somnolence durant les heures de travail (Smith, Tanigawa, Takahashi, Mutou, Tachibana, Kage, & Iso,, 2005).

Contrairement aux études citées précédemment, d’autres études ont démontré que le fait d’avoir un chronotype du matin serait associé à une meilleure tolérance au travail à horaire non conventionnel. L’une de ces études a examiné la quantité de conflits à la

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maison et au travail selon le chronotype chez les travailleurs de nuit (Willis, O’Connor, Smith, 2008). Les auteurs ont trouvé que les personnes de type-M avaient moins de conflits et moins d’épuisement psychologique que les personnes de type-S, ce qu’ils ont interprété comme un indice d’adaptation au travail de nuit (Willis, et al., 2008). Une seconde étude, réalisée par Folkard et Hunt (2000) a trouvé que les travailleurs de nuit avec un chronotype du matin avaient une meilleure humeur et une meilleure satisfaction face à l’emploi au long terme comparé avec les travailleurs avec un chronotype du soir. Cette étude a également répertorié plus de problèmes de santé mentale chez les travailleurs de nuit de type-S

(Folkard & Hunt, 2000). Ainsi, il est possible que le chronotype du matin soit associé à une meilleure tolérance pour le travail de nuit lorsque mesuré par des indices d’adaptation psychosociale comme la présence de conflits, la qualité de l’humeur et la satisfaction face à l’emploi. Ces indices auraient une importance primordiale selon une étude par Newey et Hood (2004), qui indique que les indices d’adaptation psychosociale en dehors du travail seraient de meilleurs prédicteurs de la perturbation de vie chez les travailleurs de nuit que les indices directement liés au travail et au sommeil.

Finalement, certaines études ne rapportent aucune relation entre le chronotype et la tolérance au travail non conventionnel. Bien que ces études aient examiné la satisfaction avec l’horaire de travail (Axelsson, Akerstedt, Kecklund, Lindqvist, & Attefors, 2003; Axelsson, Lowden, & Kecklund, 2006), la fatigue chronique (Smith, Robie, Folkard, Barton, Macdonald, Smith, Spelten, et al., 1999) et la qualité de l’éveil sur des tâches de vigilance (Petru, Wittmann, Nowak, Birkholz, & Angerer, 2005), elles n’ont pas obtenu de résultats qui suggèrent que le chronotype soit impliqué dans la tolérance au travail de nuit. Ainsi, les résultats des différentes études portant sur le chronotype et l’adaptation au travail à horaire non conventionnel apparaissent parfois contradictoires. Selon une récente revue

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de littérature (Adan, Archer, Paz Hidalgo, Milia, Natale & Randler, 2012) ces

contradictions s’expliqueraient en partie par un manque d’homogénéité dans les choix méthodologiques et la sélection des variables étudiées. Les études futures s’intéressant au sujet devraient donc porter une attention particulière à ces aspects afin de traduire avec justesse et cohérence les difficultés vécues par les travailleurs de nuit.

La présence d’un TSHT représente une détresse importante et persistante par rapport au sommeil, qui découle directement de l’horaire de travail et qui a un impact significatif pour la santé et le bien-être des travailleurs (AASM, 2005; Thorpy, 2010). Ceci en fait un indice de tolérance au travail à horaire non conventionnel qui mérite d’être examiné chez les différents chronotypes. Cependant, plusieurs imprécisions quant aux critères diagnostiques font que l’usage du diagnostic de TSHT est peu répandu dans la littérature (Sack et al., 2007). L’insomnie et la somnolence excessive sont les symptômes principaux du TSHT et, bien qu’aucune étude n’a évalué l’impact du chronotype sur le développement d’un TSHT, plusieurs études ont évalué l’influence du chronotype sur ces variables.

L’indice d’insomnie le plus couramment utilisé dans la littérature sur le chronotype et le travail de nuit est la durée du sommeil (Juda, 2010). Comme les autres indices de tolérance au travail de nuit, la durée du sommeil a généré des résultats parfois divergents. Dans une des premières études sur le sujet, Torsvall et Akerstedt (1980) ont trouvé qu’environ 20 % de la variance de la durée du sommeil des travailleurs sur horaire rotatif pouvait être expliquée par leur chronotype. Les auteurs (Torsvall & Akerstedt, 1980)

avaient également trouvé un effet interactif du type d’horaire de travail et du chronotype sur les siestes. Plus précisément, les travailleurs avec un chronotype du matin ou un chronotype neutre étaient plus nombreux à prendre des siestes lors du travail de nuit, alors que l’inverse

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avait été observé lors du travail de matin (Torsvall and Åkerstedt, 1980). Cependant, les recherches qui ont suivi cette première étude n’ont pas systématiquement obtenu les mêmes résultats. Par exemple, Costa et ses collaborateurs (1989) ont trouvé que les travailleurs avec un chronotype du matin avaient un sommeil plus court que ceux avec un chronotype du soir, peu importe leur horaire de travail. Ceci implique que le chronotype ne serait pas un facteur de risque pour les difficultés de sommeil associées à l’horaire de travail, mais plutôt un trait associé à la durée du sommeil de façon générale. Pour sa part, Khaleque (1998) a rapporté que la durée du sommeil serait plus courte dans un contexte de travail de nuit comparativement au travail de matin ou d’après-midi, sans qu’il y ait d’effet

modulateur du chronotype. Quant à Seo et ses collaborateurs (2000), ils ont trouvé que l’interaction entre le type d’horaire de travail et le chronotype pouvait influencer le choix de l’heure du coucher et de l’heure du lever, mais qu’ultimement, ces facteurs n’avaient pas d’effets sur la durée du sommeil. Cette étude a aussi trouvé que, dans un contexte de travail de nuit, les personnes de type-M prendraient plus de siestes que les personnes de type-S et que leurs siestes seraient aussi plus longues (Seo, Matsumoto, Park, Shinkoda, & Noh, 2000). Plus récemment, Juda, Vetter et Roenneberg (2012) ont obtenu des résultats qui concordent avec les trouvailles initiales de Torsvall et Akerstedt (1980). Dans un

échantillon de travailleurs à horaire rotatif, une durée de sommeil plus courte et un nombre plus important de perturbations du sommeil ont été observés lors du travail de nuit chez les travailleurs de type-M, alors que le même patron a été observé lors du travail de jour chez les travailleurs de type-S (Juda et al., 2012). Cet effet du chronotype était seulement présent lorsque les données étaient analysées séparément selon l’horaire de travail. En d’autres mots, il n’y avait pas d’effet de chronotype lorsque les horaires de travail étaient confondus (Juda et al., 2012).

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Quant à la somnolence, peu d’études à ce jour ont examiné cette variable en lien avec le chronotype chez les travailleurs à horaire non conventionnel. D’abord, Seo et ses collaborateurs (2000) ont trouvé que les travailleurs de type-M seraient plus somnolents que leurs homologues de type-S durant les quarts de travail de nuit (Seo et al., 2000). Ensuite, Harma et ses collaborateurs (2008) ont trouvé que les travailleurs de nuit de type-M seraient généralement moins somnolents que leurs homologues avec un chronotype du soir. Les auteurs ont utilisé un indice de somnolence quotidien qui confond les niveaux de somnolence à différents moments de la journée, ce qui pourrait expliquer les différences entre ces derniers résultats et ceux de Seo (2000). Aucune de ces deux études n’a cependant évalué la somnolence des travailleurs à la fin du quart de travail, moment où les risques d’accidents de travail et d’accidents de la route sont les plus élevés (Costa, 1996). Puisque le rythme circadien interne des personnes de types-M porte à être alerte et éveillé tôt le matin, il est possible que le niveau de somnolence des personnes de type-M ne soit pas aussi élevé que celui des personnes de type-S dont le rythme circadien interne porte au sommeil le matin (Taillard et al., 2003; Kerkhof and Van Dongen, 1996; Natale et Cicogna, 1996; Lack et Bailey, 1994). Ces hypothèses demeurent toutefois non validées.

En résumé, la littérature actuelle portant sur le chronotype et le travail à horaire non conventionnel suggère que ces deux facteurs auraient un impact sur la durée du sommeil, mais aussi sur d’autres paramètres du sommeil tels que la fréquence et la durée des siestes ainsi que la somnolence. Toutefois, la nature précise de cet impact demeure incertaine, puisque les résultats des différentes études sont parfois inconciliables. Une explication probable pour les résultats divergents pourrait être l’absence d’opérationnalisation formelle de la durée du sommeil comme variable dépendante. Plus précisément, il n’existe pas de procédure systématique qui précise si les périodes de sieste devraient être inclues ou

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exclues du calcul de la durée du sommeil. De plus, les différentes études ne décrivent pas ce en quoi consiste cette variable, ce qui entraîne une confusion non négligeable par rapport à ce qui est réellement mesuré et comparé. Cette imprécision est particulièrement

importante dans un contexte de recherche sur le travail à horaire non conventionnel puisqu’une majorité des travailleurs de nuit rapporte prendre au moins une sieste au cours de la journée (Drake & Wright, 2011) et que le chronotype a été démontré comme ayant un effet modulateur sur la fréquence et la durée de ces siestes (Seo et al., 2000; Torsvall and Åkerstedt, 1980). Une autre explication potentielle pour les incohérences dans la littérature concerne la variabilité importante dans la configuration des horaires de travail des

participants dans les différentes études. Bien que toutes les études à ce jour aient examiné des travailleurs à horaire rotatif, les types de quarts de travail qui constituent la rotation (matin, jour, après-midi, soirée, nuit), la fréquence des changements de quarts (rotation lente ou rotation rapide) ainsi que la direction de ces changements (avance de phase, retard de phase) sont des éléments qui varient considérablement d’une étude à l’autre. Les

différences entre les études quant à la configuration des horaires de travail ne sont pas sans conséquence, puisque plusieurs études (Boulos et al., 2002; Fischer et al., 1997; Wilkinson, 1992) ainsi qu’une métaanalyse (Pilcher et al., 2000) ont rapporté des effets significatifs de ces variables sur les paramètres du sommeil. Malgré cela, il demeure qu’aucune étude à ce jour n’a tenté de contrôler pour ces variables confondantes en examinant des travailleurs de nuit avec des horaires fixes.

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4. Objectifs du mémoire doctoral

4.1 Objectifs

La présente étude cherche à faire la lumière sur les incohérences dans la littérature sur le chronotype et les difficultés de sommeil chez les travailleurs de nuit en rectifiant certaines limites importantes des études antérieures. Plus en détail, une recherche

observationnelle transversale a été menée auprès d’une population de travailleurs de nuit et de jour à horaires fixes pour répondre à deux objectifs principaux.

1) Le premier objectif consiste à vérifier l’impact du chronotype et de l’horaire de travail sur la durée de sommeil en distinguant les effets sur la période principale de sommeil uniquement et le sommeil sur une période de 24 heures, qui combine toutes les périodes de sommeil au cours d’une même journée.

2) Le deuxième objectif consiste à examiner l’impact du chronotype et de l’horaire de travail sur la somnolence après le quart de travail, une variable qui n’a jamais été évaluée auparavant, mais qui revêt une gravité particulière pour la santé et la sécurité des

travailleurs (Costa, 1996; Robb, Sultana, Ameratunga, & Jackson, 2008).

4.2 Hypothèses

D'après les notions tirées de la littérature exposées dans les sections précédentes, il est raisonnable de supposer que l’horaire de travail et le chronotype sont deux facteurs qui ont un impact sur les paramètres de sommeil. Selon les connaissances actuelles sur le fonctionnement du rythme circadien, le chronotype devrait exercer des effets qui

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