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0.5
UL
-rLA SANTE MENTALE DES PERSONNES AGEES CONSOMMANT
REGULIEREMENT DES BENZODIAZEPINES
Thèse
présentée
à la Faculté des études supérieures
de 1'Université Laval
pour 1'obtention
du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)
École de psychologie
FACULTE DES SCIENCES SOCIALES
UNIVERSITE LAVAL
QUEBEC
OCTOBRE 2001
Résumé
Un relevé de la littérature contenu dans la première partie
de cette thèse suggère que les consommateurs de psychotropes qui
sont âgés présentent un niveau de santé mentale plus détérioré
que les non consommateurs. La seconde partie de cette thèse
présente une étude ayant permis de comparer des personnes âgées
de 65 ans et plus consommant régulièrement des benzodiazépines à
des personnes âgées de 65 ans et plus ne consommant pas de
benzodiazépines sur différents indicateurs du niveau de santé
mentale. Cinquante sujets consommant régulièrement des
benzodiazépines et 50 sujets ne consommant pas de
benzodiazépines ont été comparés en ce qui regarde le bien-être
psychologique, la détresse psychologique et les troubles de la
santé mentale. Les résultats ont démontré que les personnes
âgées consommant régulièrement des benzodiazépines,
comparativement aux non consommateurs, présentaient (1) un
niveau de bien-être psychologique plus faible, (2) un niveau de
détresse psychologique plus élevé et (3) une histoire actuelle
et passée de troubles de la santé mentale en proportion plus
également un niveau de détérioration subjective du sommeil plus
important que les non consommateurs.
Landreville Philippe
Directeur de recherche Candidate au doctorat
Résumé
La première partie de cette thèse fait le relevé des études
ayant évalué la relation entre la santé mentale et la
consommation de psychotropes au sein de la population âgée. À
la lumière de ces études, il semble que les consommateurs de
psychotropes qui sont âgés présentent un niveau de santé mentale
plus détérioré que les non consommateurs. Les travaux ayant
étudié la relation entre la santé mentale et la consommation de
psychotropes au sein de la population gériatrique suggèrent que
les consommateurs de psychotropes présentent plus de symptômes
anxieux et dépressifs et plus de problèmes de sommeil que les
non consommateurs. Pour sa part, l'étude des modèles empiriques
de la consommation a démontré le rôle prépondérant de la santé
mentale parmi les variables reliées à la consommation de
psychotropes chez les personnes âgées. Cette recension des
écrits fait ressortir le besoin d'études permettant de
déterminer plus exactement les aspects de la santé mentale
reliés à la consommation des psychotropes chez les personnes
âgées.
La seconde partie de cette thèse présente une étude ayant
comparé 50 personnes de 65 ans et plus consommant régulièrement
des benzodiazépines à 50 personnes âgées de 65 ans et plus ne
médicaments psychotropes en ce qui regarde le bien-être et la
détresse psychologique, les troubles de la santé mentale et la
détérioration subjective du sommeil. Les sujets des deux
groupes ont été appariés sur la variable sexe. Les résultats
démontrent que les consommateurs de benzodiazépines présentent
un niveau de bien-être psychologique significativement moins
élevé et un niveau de détresse psychologique plus élevé que les
non consommateurs. Les consommateurs de benzodiazépines
présentent également plus de troubles de la santé mentale
comparativement aux non consommateurs. Enfin, les consommateurs
de benzodiazépines présentent un niveau de détérioration
subjective du sommeil significativement plus élevé que les non
consommateurs. Des analyses multivariées ont démontré que parmi
1'ensemble des aspects de la santé mentale évalués, le niveau de
bien-être et de détresse psychologique semblent les meilleurs
prédicteurs du groupe de consommation. Dans 1'ensemble, ces
résultats suggèrent des pistes d'intervention pour la prévention
et le traitement de la consommation régulière de benzodiazépines
^ —
Philippe Landreville, Ph.D.
Directeur de recherche au sein de la population âgée.
Avant-Propos
J'aimerais d'abord remercier Dr Philippe Landreville, pour
la qualité de sa direction et son appui constant tout au long de
mon doctorat. Merci également aux membres de mon comité de
thèse, Dr Charles Morin, Dr Jean-Pierre Grégoire et Dr Jean
Vézina pour leurs conseils judicieux tout au long de la
réalisation de ce travail de recherche.
Merci M. Daniel Lemieux du CLSC Sainte-Foy, à Madame Annie
Roberge du CLSC Haute-Ville, à Madame Patricia Gignac du CLSC
Basse-Ville, à Madame Renée Bissonnette du CLSC Laurentien et à
Madame Sylvie Turgeon du CLSC La Source pour leur collaboration
dans la procédure de recrutement des participants de cette
étude.
Merci à la Fondation de la Faculté des sciences sociales, à
la Fondation de 1'Université Laval, au Fond pour la recherche en
santé du Québec (FRSQ) et au Conseil québécois de la recherche
sociale (CQRS), pour la confiance et 1'appuie financier qu'ils
m'ont accordé dans la réalisation de mes travaux.
Merci aux membres de ma famille, qui m'ont toujours
encouragée dans la poursuite de ces études. Enfin, merci à mon
mari Richard, pour sa patience, ses encouragements et son support
TABLE DES MATIÈRES
1.0 RÉSUMÉ COURT...i
2.0 RÉSUMÉ LONG... iii
3.0 AVANT-PROPOS... V 4.0 TABLE DES MATIÈRES... vi
5.0 LISTE DES TABLEAUX. . ... x
6.0 LISTE DES FIGURES ... xi
7.0 LISTE DES ANNEXES... xii
6.0 INTRODUCTION GÉNÉRALE... 1
6.1 Vieillissement de la population : Situation au Québec et au Canada... 1
6.2 Santé et vieillissement... 1
6.3 Utilisation de médicaments par les personnes âgées... 3
6.4 Utilisation non appropriée des psychotropes par les personnes âgées. ... 7
6.5 La santé mentale : Une variable mal connue... 8
6.6 La controverse entourant 1׳ usage des benzodiazépines... 10
6.7 Définition de la santé mentale... 12
6.8 Définition des médicaments psychotropes...14
6.9 Objectif de la thèse... 16
7.0 PREMIER ARTICLE: Santé mentale et consommation de
psychotropes chez les personnes âgées :
État de la question. ... 19
7.1 Résumé... 20
7.2 Introduction... 21
7.3 Études sur la relation entre la santé mentale et la consommation de psychotropes chez les personnes âgées... 27
7.3.1 Conclusion... 37
7.4 Modèles empiriques de la consommation de psychotropes... 40
7.4.1 Modèle de Folkman & Lazarus (1987)... 40
7.4.2 Modèle de Pérodeau, King & Ostoj (1992)... 42
7.4.3 Modèle de Allard & al. (1995)... 44
7.4.4 Modèle de Gustaffson, Isacson, Thorslund & Sorböm (1996)... 46
7.4.5 Modèle de Swartz & al. (1991)... 47
7.4.6 Conclusion... 49
7.5 Discussion. ... 52
8.0 DEUXIÈME ARTICLE: Santé mentale et consommation de benzodiazépines chez les personnes âgées : Étude comparative. . 63
8.1 Résumé... 64 8.2 Introduction... 6 6 8.3 Méthode... 72 8.3.1 Participants... 72 8.3.2 Instruments de mesure... 73 8.3.2.1 Fiche signalétique... 73
8.3.2.2 Troubles de la santé mentale... ..74
8.3.2.3 Détresse psychologique... 75
8.3.2.4 Bien-être psychologique... .76
8.3.2.6 Consommation de benzodiazépines... 79
8.4 Procédure... ... 79
8.5 Résultats... 82
8.5.1 Caractéristiques des participants...82
8.5.2 Consommation de benzodiazépines... 82
8.5.3 Bien-être et détresse psychologique.... .. 84
8.5.4 Troubles de la santé mentale... 86
8.5.5 Évaluation subjective du sommeil... 87
8.5.6 Analyses multivariées... 88
8.5 Discussion... 89
9.0 DISCUSSION GÉNÉRALE... 99
9.1 Des stratégies de prévention... 106
9.2 Conclusion... 109
10.0 Références... 110
LISTE DES TABLEAUX
ARTICLE 1
TABLEAU 1
Synthèse des études ayant évalué les caractéristiques
de santé mentale en relation avec la consommation de
psychotropes chez les personnes âgées... 59
ARTICLE 2
TABLEAU 1
Caractéristiques des deux groupes sur les variables
sociodémographiques et l'état de santé... 132
TABLEAU 2
Pourcentages des C en fonction du type de benzodiazépines
consommées et de la durée de la consommation... 133
TABLEAU 3
Moyennes et écarts-types des C et des NC sur les variables
bien-être psychologique et détresse psychologique... 134
TABLEAU 4
Matrice intercorrélationnelle des variables de la santé
mentale inclues dans 1'analyse des fonctions
136
137 LISTE DES FIGURES
FIGURE 1
Pourcentages des C et des NC avec une histoire
actuelle de troubles de la santé mentale
pour chacune des catégories diagnostiques du CIDI
FIGURE 2
Pourcentages des C et des NC avec une histoire
passée de troubles de la santé mentale
LISTE DES ANNEXES ANNEXE A Lettre de présentation... 138 ANNEXE B Formule de consentement... 141 ANNEXE C Fiche signalétique... 143 ANNEXE D
Philadelphia Geriatrie Center Morale Scale...147
ANNEXE E
Brief Symptom Inventory. ... ... . 149
ANNEXE F
Index de Sévérité de 1 ' Insomnie... 153
ANNEXE G
Fiche sur 1 'utilisation des benzodiazépines...155
ANNEXE H
Médicaments du système nerveux selon la classification
Utilisée par la Régie de l'Assurance maladie du Québec.158
ANNEXE H
ANNEXE I
Propriétés pharmaceutiques des benzodiazépines,
posologie gériatrique recommandée et dose
orale approximative équivalente... 161
ANNEXE J
Liste des psychotropes non classifiés dans la catégorie
des benzodiazépines... 164
ANNEXE K
Diagnostics du DSM-III-R couverts par le CIDI... 168
ANNEXE L
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Vieillissement de la population: situation au Canada et au
Québec
La société canadienne et québécoise est en pleine période de
mutation. Un de ses changements les plus marquants touche le
vieillissement massif de sa population. Bien que notre société
soit encore relativement jeune, notamment lorsqu'on la compare aux
pays européens, on s'attend à ce qu'elle soit parmi les sociétés
les plus vieilles d'ici 30 ans. Ce qui caractérise le plus le
vieillissement de la société canadienne et québécoise est la
rapidité avec lequel il se produit. Il est estimé qu'au Canada,
la population âgée passera de 3.6 millions en 1998 à 5 millions en
2011 (Statistique Canada, 1999) . Au Québec, on prévoit que la
proportion de personnes de 65 ans et plus qui était de 13% en 1998
grimpera à plus de 25% en 2030 (Vézina, Cappeliez & Landreville,
1994). Ces changements rapides au niveau de la structure sociale
auront un impact certains sur la répartition des coûts sociaux
reliés à la santé et aux services sociaux dans les années à venir.
Il est important que les chercheurs et les décideurs agissent en
vue de planifier aujourd'hui pour pouvoir répondre adéquatement
aux besoins grandissants de la population vieillissante de demain.
Avec le vieillissement de la population, l'un des problèmes
majeurs auquel nous devrons faire face sera de répondre
adéquatement aux besoins touchant la santé physique et la santé
mentale des aînés. On sait que la population des 65 ans et plus
est aux prises avec de nombreux problèmes de santé physique, comme
les problèmes arthritiques et cardio-vasculaires, desquels
découlent des coûts sociaux importants que ce soit à cause de
visites médicales ou d'hospitalisations.
Les problèmes au niveau de la santé mentale sont également
fréquents au sein de cette population. Il est estimé, qu'environ
le tiers des personnes âgées au Canada auraient besoin d'une aide
appropriée en santé mentale (Association médicale canadienne,
1987). Bien qu'un nombre important de personnes âgées soient
atteintes de problèmes mentaux, peu d'entre elles reçoivent une
aide professionnelle appropriée. Cette situation semble due (a)
au faible nombre de problèmes mentaux non organiques diagnostiqués
au sein de cette population et au fait que (b) mêmes lorsqu'elles
expérimentent des problèmes de la santé mentale apparents, peu de
personnes âgées font appels aux professionnels de la santé mentale
(Davies, Kimberly, Sieber & Hunt, 1994) . En effet, il est reconnu
que les personnes âgées aux prises avec un problème de santé
mentale font le plus souvent appel aux services de leur médecin
et à une médicalisation des problèmes mentaux rencontrés au
troisième âge. Tenant compte de ce fait et des nombreux problèmes
de santé physique rencontrés au troisième âge pour lesquels un
traitement médicamenteux est requis, il n'est pas surprenant de
constater que les personnes âgées constituent le groupe de la
population consommant le plus de médicaments.
Utilisation de médicaments par les personnes âgées
Les personnes âgées sont une population particulièrement
vulnérable à la consommation de médicaments. À cet effet, on note
que la quantité moyenne de médicaments consommés par les personnes
âgées est de trois, 1'étendue variant approximativement de un à
seize (Berger, 1989). Plusieurs études ont démontré une
consommation élevée de médicaments chez les personnes âgées
comparativement aux cohortes plus jeunes (Régie de 1'Assurance
maladie du Québec, 1992; Santé et Bien-être social Canada, 1981).
Par exemple, au Québec, les personnes âgées qui constituent
environ 10% de la population consomment de 25 à 30 % de tous les
médicaments prescrits (Ministère de la santé et des services
sociaux, 1990) . Des résultats semblables constatés aux États-Unis
et en Grande-Bretagne (Barnea & Teichman, 1994) confirment
1'envergure internationale du phénomène.
Plusieurs facteurs, outre le plus grand nombre de problèmes
d'expliquer cette vulnérabilité des personnes âgées à la
consommation de médicaments. Ces facteurs concernent entre autres
(a) les comportements de prescription des médecins, (b) les
attentes qu'entretiennent les patients âgés face à leur médecin et
(c) les pressions exercées par la famille et les compagnies
pharmaceutiques (Lyndon & Russel, 1990). En ce qui les
comportements de prescription des médecins, il semble■par exemple
que les médecins généralistes sont davantage portés à prescrire
des médicaments à porté psychothérapeutiques aux personnes de plus
de 40 ans (Linden & al., 1999) . On remarque également que les
médecins de sexe masculin, plus âgés, généralistes ou qui ne sont
pas rattachés à une université prescrivent en plus grande quantité
des médicaments aux personnes âgées (Tamblyn & Perreault, 1996).
En ce qui concerne les personnes âgées, il est fréquent qu'elles
vouent une confiance quasi-illimitée envers leur médecin,
pharmacien ou infirmière (Barbeau, 1991). De plus, elles
entretiennent souvent l'attente d'une prescription de la part de
leur médecin suite à une consultation médicale (Lyndon & Russel,
1990). Face à de telles attentes, certains médecins peuvent se
sentir obligés de prescrire par crainte que leurs patients aillent
consulter ailleurs pour obtenir leur prescription (Bradley, 1992).
On assiste actuellement à un intérêt grandissant par rapport
s'entend généralement ,sur le fait qu'une utilisation rationnelle
de médicaments peut permettre le maintien ou 1'amélioration du
niveau de bien-être de la personne. Pourtant, celles qui en font
un mauvais usage ou un usage excessif peuvent aggraver leurs
problèmes de santé ou en créer de nouveaux. Au plan social, le
mauvais usage et l'usage excessif de médicaments impliquent des
coûts sociaux importants. Par exemple, on estime qu'au sein de la
population âgée, 5 à 23% des hospitalisation sont causées par des
maladies liées aux médicaments, ce qui implique des coûts de 256
millions à un milliard de dollars annuellement pour les hôpitaux
(Tamblyn & Perreault, 1996). Au plan personnel, on remarque que
les personnes âgées sont particulièrement susceptibles d'éprouver
divers effets indésirables reliés à la consommation de
médicaments. Une telle situation est en large partie attribuable
à la forte sensibilité des personnes âgées aux substances
médicamenteuses (Barbeau, 1991; Lipton, Lee & Freeland, 1988).
Cette sensibilité est entre autres due (1), aux changements
métaboliques, pharmacodynamiques (sensibilité accrue des
récepteurs du système nerveux central) et pharmacocinétiques
(altération des capacités de distribution et d'absorption des
tissus corporels) associés au vieillissement, (2) à un nombre
traitements médicamenteux simultanés (Lamy, 1988; Raffoui, 1986;
Skolnick, Eddy & St-Pierre, 1984) .
Au Québec, les médicaments du système nerveux central, qui
comprennent les psychotropes, constituent la classe thérapeutique
la plus couramment prescrite aux personnes âgées, correspondant à
25 à 30% de tous les médicaments prescrits, suivis par les
médicaments cardio-vasculaires et électrolytes-diuritiques
(Barbeau, 1991) . Les substances psychotropes en générale sont
définies comme des substances susceptibles de modifier 1'activité
mentale, que ce soit au niveau de la vigilance, des perceptions,
du cours de la pensée ou de 1'humeur (Bloch & al., 1991). On
retrouve entre autres, parmi ces substances, l'alcool, la
cigarette, et certaines drogues illicites, telles le cannabis et
la cocaïne. Les substances psychotropes comprennent certaines
substances médicamenteuses dont les antidépresseurs, les
tranquillisants majeurs et les tranquillisants mineurs comprenant
les anxiolytiques et les sédatifs hypnotiques (Buist, Trevor &
Dennerstein, 1990 ; Engelhardt, 1974). C'est à ce type de
substances psychotropes, soit les médicaments psychotropes, que
nous ferons référence tout au long de cette thèse. La diminution
de la consommation de cette catégorie de médicaments constitue un
objectif gouvernemental actuel (Régie de 1'Assurance Maladie du
Utilisation non appropriée des psychotropes par les personnes
âgées
L'utilisation non appropriée des psychotropes chez les
personnes âgées est un phénomène reconnu. Plusieurs écrits ont
décrit !'utilisation souvent non appropriée de ces médicaments par
les personnes âgées (Lyndon & Russel, 1990; Mant & al., 1988).
L'utilisation non appropriée des psychotropes entraîne
malheureusement des conséquences négatives au niveau
comportemental et au niveau de la santé chez la personne.
Plusieurs études ont mis en lumière la fréquence élevée des effets
secondaires et indésirables des psychotropes au sein de la
population âgée (Régie de 1'assurance maladie du Québec, 1993).
Ces effets incluent entre autres la somnolence, 1'insomnie, la
diminution de la vigilance, les chutes, les dysfonctions
sexuelles, la confusion, la dépression, et les symptômes
parkinsoniens (Young & Cowen, 1995 ; Guilleminault & Silvestri,
1982).
L'utilisation non appropriée de médicaments psychotropes est
définie comme (1) !'utilisation des substances médicamenteuses de
façon différente de ce qui avait été prescrit au départ, c'est-à-
dire que le patient ne suit pas la posologie indiquée, (2) la
surconsommation ou la sous-consommâtion des médicaments prescrits
simultanément de telle façon que leur interaction constitue une
menace pour la santé (Stephens, Haney & Underwood, 1981) . On
entend également, par consommation non appropriée, 1'utilisation de
médicaments pour lesquels la prescription elle-même était
potentiellement non appropriées (Tamblyn & al.,1994).
Parmi les différents types d'utilisation non appropriée, la
sur-utilisation des psychotropes est le plus fréquemment
rencontrée chez les personnes âgées. Cette dernière est définie
comme !'utilisation constante et régulière de médicaments
psychoactifs non traditionnellement conçus pour être utilisés sur
une longue période de temps ou au besoin (Stephens, Haney &
Underwood, 1981). À l'heure actuelle, il apparaît important
d'identifier et d'agir sur les facteurs reliés à !'utilisation non
appropriée des psychotropes afin de réduire cette consommation et
de prévenir les coûts sociaux et personnels qui y sont reliés.
La santé mentale: une variable mal connue
Parmi les variables psychosociales reliées à la consommation
des médicaments psychotropes, la santé mentale est celle avec
laquelle on observe la plus forte relation (Laurier, Dumas &
Grégoire, 1992). Plus précisément, la présence de problèmes au
niveau de la santé mentale semblé fortement reliée à la
consommation des psychotropes chez les personnes de 65 ans et
actuellement une variable sur laquelle il y aurait lieu
d'intervenir afin de réduire la consommation des psychotropes
considérée non appropriée. À la lumière des connaissances
actuelles, peu de pistes nous sont cependant offertes afin de
savoir comment planifier de telles interventions. En effet, les
aspects spécifiques de la santé mentale reliés à la consommation
de psychotropes au sein de la population âgée demeurent peu
étudiés et imprécis. À la lumière des connaissances actuelles,
les consommateurs de psychotropes semblent présenter plus de
symptômes anxieux (Antonijoan & al.; Gleason & al., 1998;
Gustaffson, Isacson, Thorslund & Sörbom, 1996; Lyndon & Russel,
1990) et dépressifs que les non consommateurs (Antonijoan & al.,
199 0 ; Mayer-Oakes & al., 1993). Ils rapportent également plus de
problèmes de sommeil (Gustaffson, Isacson. Thorslund & Sörbom,
199 6 ; Lyndon & Russel, 1990 ; Mayer-Oakes & al., 1993) que les non
consommateurs.
De tels résultats sont considérés comme partiels puisqu'ils
ne permettent pas d'évaluer d'autres aspects de la santé mentale
qui pourraient également être importants dans !'explication de la
consommation, comme les troubles de la santé mentale. De plus,
les études antérieures ont mis en relation la santé mentale et la
consommation de psychotropes en général. Pourtant, les
utilisées pour des raisons thérapeutiques différentes. Une telle
situation entraîne donc une confusion dans 1'interprétation des
résultats des différentes études.
La controverse entourant l'usage des benzodiazépines
Les benzodiazépines sont habituellement recommandées pour le
traitement à court terme des troubles anxieux et de 1'insomnie
(Allen, 1986; Grossberg, Manepalli, Hassan & Solomon, 1992).
Parmi 1'ensemble des psychotropes, il s'agit de la classe
médicamenteuse la plus consommée chez les personnes âgées résidant
à domicile (Allard et al., 1995; Nygaard, 1992) . On estime qu'au
cours d'une seule année, environ 30% des personnes âgées
québécoises consomment des benzodiazépines sur des périodes de 30
jours ou plus (Grad, 1995) . Il s'agit également de la classe des
psychotropes dont l'usage est le plus controversé (Graham & Vidal-
Zeballos, 1998). La controverse entourant leur usage concerne
plus particulièrement leur utilisation régulière et prolongée.
L'utilisation de ces médicaments sur des périodes de temps
prolongées, bien que fortement déconseillée, est en effet chose
commune chez les personnes âgées (Catalan & al., 1988). Une telle
utilisation des benzodiazépines est non sans conséquences. Pour
la personne, 1'utilisation prolongée de ces médicaments est
associée à la dépendance physique et psychologique, à des troubles
(Graham & Vidal-Zeballos, 1998; Hayward, Wardle & Higgit, 1989).
La consommation de ces médicaments est également reliée à une
utilisation plus fréquente des services offerts par les
professionnels de la santé et à une augmentation de la durée des
séjours en centre hospitalier (Yuen, Zisselman, Louis & Rovner,
1997) .
Parmi les facteurs prédisposant à 1'utilisation prolongée des
benzodiazépines on retrouve l'âge mais également leur utilisation
régulière. La consommation régulière de benzodiazépines est
définie comme !'utilisation de ces médicaments de façon
quotidienne ou presque quotidienne depuis une période de six
semaines ou plus (Me!linger & al., 1973). L'utilisation régulière
de benzodiazépines est associée à une accumulation de la substance
médicamenteuse dans 1'organisme, ce qui augmente les risques
d'effets secondaires ainsi que les risques de dépendance physique
et psychologique (Volhardt, Bergener & Hesse, 1992). Chez les
personnes âgées, !'utilisation régulière de ces médicaments sur
des périodes aussi courtes que trois semaines est également
associée à 1'apparition de symptômes de sevrage lors de l'arrêt de
la consommation, ce qui entraîne souvent la poursuite de cette
même consommation (Volhardt, Bergener & Hesse, 1992).
Les consommateurs réguliers de benzodiazépines constituent
problèmes reliés à la consommation. À notre avis, des efforts
devront être investis afin de parvenir à prévenir et à réduire la
consommation chez ce groupe particulier de consommateurs. Pour ce
faire, il est important de comprendre les facteurs reliés à cette
consommation. Tenant compte de la prépondérance de la santé
mentale pour expliquer la consommation de psychotropes chez les
personnes âgées, il semble pertinent de chercher à saisir les
aspects de la santé mentale qui sont reliés à la consommation chez
ce groupe particulier de consommateurs. Pour ce faire, il est
important d'apporter une définition opérationnelle de la santé
mentale et des aspects qui seront évalués.
Définition de la santé mentale
À l'heure actuelle, il n'existe toujours pas de définition
unanime de la santé mentale. Par le passé, la santé mentale a le
plus souvent été définie par le dysfonctionnement psychologique ou
comportemental de la personne, soit en terme de maladie mentale.
Par exemple, selon des définitions statistiques et sociales de la
maladie mentale, le comportement anormal a été défini selon sa
rareté statistique au sein du groupe social de référence.
Diverses écoles de pensées en psychologie, telle la psychanalyse
et l'école comportementale ont également amené leur définition
propres de ce qui constitue le dysfonctionnement (Gornstein,
sens que les conditions comportementales et psychologiques
considérées maladives sont innombrables et qu'elles varient
énormément d'une école de pensée à l'autre. On note également un
manque de rigueur scientifique par le manque d'évidence empirique
pour supporter les propriétés du fonctionnement mental considérées
comme maladives à 1'intérieur de ces différentes approches
(Gornstein, 1992).
Récemment, !'application du concept de santé mentale au
domaine de la psychologie de la santé a mis à jour une conception
à la fois positive et négative de la santé mentale. Selon cette
conception, la santé et la maladie ne sont pas des conditions
dissociées mais se situent sur un même continuum (Sarafino, 1998).
À un bout du continuum, on retrouve des problèmes importants au
niveau de la santé mentale alors qu'à l'autre bout, un
fonctionnement mental optimal. Entre ces deux extrémités se situe
une variété de conditions psychologiques et comportementales
variant de par leur intensité et de par leur nature. Cette
approche multifactorielle de la santé mentale apparaît plus
complète que les approches traditionnelles pour définir la santé
mentale et elle apparaît également davantage opérâtionnalisable
(Birren, Sloane & Cohen, 1992) . Par exemple, des définitions
opérationnelles des troubles de la santé mentale sont fournies à
tel le DSM-IV (American Psychiatrie Association, 1994). De même,
diverses mesures auto-évaluatives évaluant des symptômes
psychologiques divers sont disponibles et souvent utilisées en
recherche. Une définition opérationnelle de la santé mentale
positive est cependant moins bien établie (Birren, Sloane & Cohen,
1992). De façon générale, il semble cependant admis que la santé
mentale positive est associée au bien-être psychologique et
physique de la personne. Tenant compte de 1'ensemble de ces
raisons, nous avons opté pour une définition de la santé mentale
(a) comprenant des composantes positives et négatives, (b)
permettant de couvrir des aspects différents, tant au niveau
quantitatif que qualitatif, de la santé mentale et (c)
opérationnalisée par le biais de mesures validées et reconnues.
La santé mentale sera opérationnalisée par des mesures évaluant le
niveau de bien-être et de détresse psychologique ainsi que les
troubles de la santé mentale.
Définition des médicaments psychotropes
À l'heure actuelle, il n'existe pas de définition claire de
ce que constituent les médicaments classifiés sous la catégorie
des psychotropes (Moisan, Chabot & Grégoire, 2000). Une telle
situation entraîne des difficultés au niveau de la comparabilité
des résultats des différentes études effectuées sur le sujet et
antidépresseurs, les tranquillisants majeurs et les
tranquillisants mineurs comprenant les anxiolytiques et les
sédatifs hypnotiques (Buist, Trevor & Dennerstein, 1990; Huffine,
Folkman & Lazarus, 1989), d'autres auteurs incluent également dans
leur définition les stimulants (Allard & al., 1995) et toutes
autres substances dont l'effet principal est dirigé au niveau du
système nerveux central (Dealberto & al., 1997). Dans d'autres
études (Antonijoan & a; 1., 1990 ; Lyndon & Russel, 1990 ; Reid &
al. , 1990 ; Vinarova & Cinek; 1985) les catégories de médicaments
considérés comme des psychotropes ne sont pas précisées. Tenant
compte de ce fait, il apparaît important de préciser la définition
des psychotropes qui sera utilisée dans cette thèse.
Afin de définir ce qu'on ëntend par médicaments psychotropes,
nous avons opté de nous rapporter au système de classification de
la «American Hospital Formulary System/Therapeutic Classification
scheme» (Annexe H) utilisé par la Régie de 1'assurance maladie du
Québec (RAMQ; 1995) . À 1'intérieur de ce système de
classification, la catégorie plus large des médicaments du
systèmes nerveux central comprend (a) les analgésiques et
antipyrétiques, (b) les antidotes narcotiques, (c) les stimulants
du SNC, (d) les anticonvulsants, (e) les psychotropes, (f) les
psychotropes. On remarque qu'à 1'intérieur de ce système de
classification, les médicaments sous la classe des psychotropes
comprennent les antidépresseurs et les tranquillisants. À notre
avis, cette définition n'est pas complète et tenant compte de
l'usage courant du terme psychotrope, nous avons également inclus
dans notre définition les benzodiazépines classifiés sous la
catégorie des «anxiolytiques, sédatifs et hypnotiques» ainsi que
les médicaments classifiés sous la catégorie «autres
psychotropes».
Objectif de la thèse
La principale question soulevée par cette thèse vise à
déterminer si les consommateurs réguliers de benzodiazépines qui
sont âgés présentent un profil de santé mentale plus détérioré que
les personnes âgées non consommatrices. Les consommateurs
réguliers de benzodiazépines seront comparés à un groupe de non
consommateurs en ce qui concerne le bien-être et la détresse
psychologique, les trouble de la santé mentale. Tenant compte que
les problèmes de sommeil sont reliés à la consommation de
benzodiazépines, une mesure de 1'évaluation subjective du sommeil
sera également utilisée. Les consommateurs réguliers sont définis
comme des personnes consommant des benzodiazépines de façon
quotidienne ou presque quotidienne depuis une période minimale de
Contenu et Méthode de la thèse
Une recension des écrits portant sur la relation entre la
santé mentale et la consommation de benzodiazépines est présentée
à 1'intérieur d'un premier article. On remarque que, parmi les
travaux effectués auprès de la population âgée, peu d'études ont
directement étudié cette relation entre la santé mentale et la
consommation des benzodiazépines. Tenant compte de ce fait, le
relevé de la littérature proposé tient compte des études ayant
évalué la relation entre la santé mentale et la consommation des
médicaments psychotropes. Les principaux modèles empiriques de la
consommation sont également présentés. De façon générale, la
recension des écrits suggère la prépondérance de la santé mentale
dans !'explication du phénomène de la consommation des
psychotropes chez les personnes âgées résidant à domicile. Elle
met également en évidence le besoin de recherche futures visant
une meilleure compréhension des aspects de la santé mentale reliés
à la consommation des benzodiazépines chez les personnes âgées.
Des recommandations pour la planification de recherches futures
sont proposées.
Une étude empirique comparant un groupe de personnes âgées
consommatrices de benzodiazépines à un groupe de non consommateurs
est présenté à 1'intérieur d'un second article. Plus précisément,
benzodiazépines est comparé à un groupe de 50 personnes âgées non
consommatrices de benzodiazépines, ou de tout autre type de
substances psychotropes, sur des caractéristiques de la santé
mentale (bien-être psychologique, détresse psychologique, troubles
de la santé mentale) et sur 1'évaluation subjective du sommeil.
Les sujets des deux groupes ont été appariés sur la variable sexe.
Les résultats démontrent que les personnes âgées consommant
régulièrement des benzodiazépines présentent un profil de santé
mentale plus détérioré que les non consommateurs. La méthodologie
utilisée, les résultats obtenus ainsi qu'une discussion de ces
résultats sont présentés en détail dans le deuxième article de
cette thèse. Enfin, des suggestions et recommandation pour le
traitement et la prévention de la consommation régulière de
benzodiazépines chez les personnes âgées sont proposées dans la
Mots clés : SANTÉ MENTA T ■F, ET CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES
Santé mentale et consommation de psychotropes chez les personnes
âgées : État de la question
Anne Guérette, M.Ps.
Philippe Landreville, Ph.D.
Résumé
Près du tiers des personnes âgées québécoises consomment des
médicaments psychotropes de façon régulière. Or, l'état défraie
une large partie des coûts de ces médicaments et ceux-ci ont des
effets iatrogènes considérables qui imputent des coûts
additionnels à notre système de santé. Au Québec, le Ministère de
la santé et des services sociaux a fixé comme l'une de ses
priorités de diminuer la consommation des psychotropes chez les
personnes âgées. Cet objectif implique cependant la compréhension
des facteurs influençant cette consommation. Au cours des dix
dernières années, des travaux de recherche ont démontré que la
perspective psychosociale est très importante pour expliquer le
phénomène de la consommation de psychotropes au sein de la
population âgée. Parmi 1'ensemble des variables psychosociales
reliées à la consommation des psychotropes, la santé mentale
apparaît actuellement prépondérante. Cet article présente une
recension critique des écrits sur la relation entre la santé
mentale et la consommation de psychotropes chez les personnes
âgées. Les principaux modèles empiriques de la consommation et
les principales études ayant évalué la relation entre la santé
mentale et la consommation de psychotropes sont présentés. Une
discussion met en relief les lacunes dans les connaissances
Santé mentale et consommation de psychotropes chez
les personnes âgées : État de la question
Environ une personne âgée de plus de 65 ans sur trois vivant
dans la communauté consomme un médicament psychotrope (Plante,
1989; Allard, Allaire, Leclerc & Langlois, 1995). Cette
consommation répandue des psychotropes au sein de la population
âgée est préoccupante. On parle habituellement d'utilisation non
appropriée lorsque le patient ne suit pas la posologie indiquée,
lorsque le médicament est consommé en trop forte ou en trop petite
quantité ou pendant une trop longue période de temps ou lorsque le
médicament est utilisé en combinaison avec plus d'une substance
médicamenteuse de telle façon que leur interaction constitue une
menace pour la santé (Stephens, Haney & Underwood, 1981) .
L'ensemble de ces comportements apparaît largement répandu chez
les consommateurs de psychotropes âgés (Pérodeau, Hill, Hay-Faquin
& Mayot, 1996).
De nombreux auteurs ont documenté les effets néfastes, tant
au plan personnel que social, reliés à !'utilisation non
appropriée de ces médicaments. Au plan personnel, la consommation
de psychotropes est reliée à certains effets indésirables sur la
santé et sur le fonctionnement mental des aînés (Lamy, 1988 ;
dépression, les chutes et à la diminution de la vigilance
(Guilleminault & Silverstri, 1982 ; Holroyd & Duryee, 1997; Youg &
Cowen, 1995) . Une telle situation est en large partie attribuable
à divers changements métaboliques entraînant une plus forte
sensibilité des personnes âgées aux substances médicamenteuses
(Barbeau, 1991; Lipton, Lee & Freeland, 1988). Au plan social,
!'utilisation non appropriée des psychotropes constitue un fardeau
coûteux pour le réseau de soins de santé. Ces coûts découlent de
complications d'ordre médical pouvant mener à 1'admission en
salle d'urgence ou à 1'hospitalisation (Allard & al., 1995 ; Ayd
1994; Widgor, 1991) .
La réduction de la consommation de psychotropes au sein de la
population des 65 ans et plus constitue une priorité actuelle au
Québec (Régie de 1'assurance maladie du Québec, 1992). Dans le
but de contrevenir à cette consommation, il est important
d'intervenir sur les facteurs qui y sont reliés. Il apparaît donc
primordial d'identifier les facteurs reliés à la consommation de
psychotropes au sein de la population âgée. Deux catégories de
facteurs ont été documentées jusqu'à maintenant: (a) les attitudes
et les comportements de prescription des médecins et (b) les
caractéristiques psychosociales des consommateurs (Mandolini,
1981; Mellinger & al., 1973). Bien que nous reconnaissons que ces
limiter aux caractéristiques propres aux consommateurs. Le fait
de préciser le profil des consommateurs pourra éventuellement nous
guider dans la planification de politiques sociales et de méthodes
d'intervention non-médicamenteuses répondant aux besoins des aînés
(Caroselli-Karinja, 1985).
Les principaux facteurs psychosociaux reliés à la
consommation de psychotropes jusqu'à présent relevés dans la
littérature ont trait à 1'attitude des personnes âgées envers les
médicaments (Laurier, Dumas & Grégoire, 1992 ; Murray, Williams &
Clare, 1982 ; Pérodeau & Ostoj, 1990), à certaines caractéristiques
démographiques telles l'âge (Murray, Williams & Clare, 1982 ;
MSSSQ, 1991), le sexe (Branchaud, 1989 ; Dealberto, Seeman, McAvay
& Berkman, 1997), le revenu et le niveau d'éducation (Allard, &
al, 1995 ; Branchaud, 1989; Varquez-Barquero & al., 1989), à la
santé physique (Dealberto, Seeman, McAvay & Berkman, 1997 ;
Pérodeau, Hill, Hay-Faquin & Amyot, 1996) et à la santé mentale
(Antonijoan, Barbanoj, Torrent et Jane, 199 0; Branchaud, 1989;
Caroselli-Karinja, 1985), au stress (Allard & al., 1995 ; Pérodeau,
Hill, Hay-Paquin & Mayot, 1996 ; Swartz & al., 1991) et aux
rapports sociaux (Allard & al., 1995 ; Branchaud, 1989;
Cooperstock, 1979) .
L'état des connaissances actuelles révèle certains éléments
1'explication de la consommation de psychotropes chez les
personnes âgées. D'abord, il est maintenant reconnu que la
consommation de psychotropes est plus élevée chez les femmes et
qu'elle est également plus répandue chez les personnes âgées de
plus de 65 ans que chez les personnes plus jeunes. La relation
entre la consommation de psychotropes et d'autres facteurs
sociodémographiques, tels la classe sociale et le niveau
d'éducation, demeure cependant moins claire alors que des
résultats contradictoires ont jusqu'à présent été relevés dans la
littérature (Varquez-Barquero & al., 1989). Il en va de même pour
la relation entre la consommation et la présence d'événements
stressants. Les consommateurs de psychotropes apparaissent
cependant démontrer en général une faiblesse au niveau de la
quantité et de la qualité de leurs rapports sociaux (Allard & al.,
1995; Catalan & al., 1988) et ressentent plus de solitude (Eve &
Friedsman, 1981) que les non consommateurs. Enfin, on constate
que l'évaluation subjective et objective d'une mauvaise santé
physique est un facteur associé à une plus grande consommation de
psychotropes. Cependant, certaines études ont démontré que la
présence de troubles physiques seule ne contribue probablement pas
à la consommation de psychotropes (Weyerer & Billing, 1991). Une
évaluation négative de la santé physique jointe à d'autres
contribuent probablement davantage à la consommation de
psychotropes (Rodrigo, King & Williams, 1988) .
L'évaluation empirique de divers modèles a mis en lumière le
rôle prépondérant de la santé mentale parmi les variables reliées
à la consommation de psychotropes au sein de la population âgée
(Allard & al., 1995 ; Gustaffson & al., 1996; Huffine, Folkman &
Lazarus,1989 ; Pérodeau, King & Ostoj, 1992 ; Swartz & al., 1991) .
Bien que souvent basés sur des prémisses théoriques distinctes,
1'évaluation de ces modèles a démontré que les variables reliées à
la santé mentale ressortent comme les plus fortement reliées à la
consommation de psychotropes chez les personnes âgées. À l'heure
actuelle, seules quelques études ont plus spécifiquement évalué la
relation prenant place entre la santé mentale et la consommation
de psychotropes chez les personnes âgées (Antonijoan & al., 1990;
Forsell & Winblad, 1997 ; Gleason & al., 1998 ; Lyndon & Russel,
1990 ; Mayer-Oakes & al., 1993 ; Vinarova & Cinek, 1985) .
Cependant, ces recherches n'ont étudié que des aspects limités de
la santé mentale, comme par exemple le niveau de détresse
psychologique des consommateurs. Les facteurs spécifiques de la
santé mentale reliés à la consommation de psychotropes au sein de
la population à l'étude demeurent donc peu étudiés. Par santé
de la personne, à divers symptômes psychiatriques et aux troubles
de la santé mentale proprement dits.
Considérant 1'importance de la santé mentale dans
1'explication de la consommation de telles substances, il semble
pertinent de supposer que la réduction de la consommation des
psychotropes au sein de la population gériatrique passe par une
meilleure compréhension des problèmes au niveau de la santé
mentale chez les consommateurs. Le fait de mieux comprendre la
relation entre la santé mentale et la consommation des
psychotropes sera éventuellement utile pour la planification
d'interventions visant la prévention de la consommation non
appropriée de telles substances au sein de la population âgée, de
méthodes d'interventions en vue du sevrage de cette même
consommation et de la planification des traitements non
médicamenteux répondant aux besoins de santé mentale des aînés.
Le but de cet article est de présenter une synthèse des
travaux ayant examiné la relation entre la santé mentale et la
consommation des psychotropes chez les adultes de 65 ans et plus.
Dans un premier temps, nous présenterons les principales études
portant sur la relation entre la santé mentale et la consommation
de psychotropes chez les personnes âgées. La synthèse de ces
études permet de situer l'état des connaissances actuelles en ce
consommation de psychotropes au troisième âge. En second lieu,
les principaux modèles empiriques de la consommation de
psychotropes seront présentés. Ces modèles permettent de faire
ressortir le poids de la santé mentale, par rapport à un ensemble
d'autres variables, dans !'explication de la consommation de
psychotropes au troisième âge. Enfin, une discussion mettra en
relief les lacunes dans les connaissances actuelles et suggérera
des pistes de recherches futures.
Études sur la relation entre la santé mentale et la consommation
de psychotropes chez les personnes âgées
Les travaux couverts dans cette section sont résumés au
tableau 1. Une première étude, effectuée auprès d'un échantillon
de la population âgée, a été proposée par Vinarova et Cinek
(1985). Les deux groupes de sujets caractérisés respectivement
par la présence et par 1'absence de troubles de la santé mentale
ne présentaient pas de différence au niveau de la consommation de
psychotropes. Très peu d'informations sont cependant rapportées
par les auteurs relativement aux caractéristiques des sujets de
!'échantillon, aux instruments de mesure utilisés, aux médicaments
évalués, aux procédures méthodologiques employées et aux
conclusions tirées de l'étude. Il est difficile de conclure sur
Une seconde étude de Antonijoan, Barbanoj, Torrent et Jane
(1990) a été effectuée auprès d'un échantillon de personnes âgées
de 65 et plus. L'objectif de cette étude était d'évaluer la
relation entre la consommation de psychotropes et la détresse
psychologique. Cinquante-trois pourcent des sujets de leur
échantillon était non hospitalisé. Parmi ces derniers, 20
consommaient des psychotropes et 106 ne consommaient pas de
psychotropes. Les auteurs ont évalué certaines variables
sociodémographiques et pharmacologiques, la santé physique et la
détresse psychologique. Cette dernière variable a été mesurée par
le biais du Symptom Distress Checklist (SCL-90; Derogatis, Rickeis
& Rock, 1976). Pour sa part, la définition des psychotropes n'est
pas précisée. Tant chez les sujets hospitalisés que non
hospitalisés, les résultats ont démontré 1'absence de différence
significative entre les consommateurs et les non consommateurs par
rapport à un indice de détresse psychologique général tel
qu'évalué par le SCL-90. Cependant, lorsque les résultats aux
neuf sous-échelies du SCL-90 (somatisation, obsession/compulsion,
sensibilité interpersonnelle, dépression, anxiété, hostilité,
phobies, idéations paranoïdes et psychotisme) sont évalués
séparément, il est apparu que comparativement aux non
consommateurs non hospitalisés, les consommateurs non hospitalisés
échelles de dépression et d'anxiété. Chez les personnes âgées non
hospitalisées, les résultats de cette étude suggèrent donc que
certains symptômes psychologiques sont associés à la consommation
de psychotropes. Ces résultats doivent cependant être interprétés
avec réserve tenant compte du faible nombre de consommateurs non
hospitalisés évalués.
Lyndon et Russel (1990) ont comparé deux groupes constitués
de personnes âgées de 65 ans et plus. Le premier groupe était
constitué de consommateurs de psychotropes alors que le second
groupe était composé de non consommateurs et constituait le groupe
contrôle. Le principal but de leur étude était d'évaluer la
prévalence de 1'anxiété et de la dépression chez les consommateurs
de psychotropes comparativement aux non consommateurs. La
consommation d'antidépresseurs et de benzodiazépines a été mise en
relation avec le résultat obtenu au Hospital Anxiety Depression
Scale (HADS; Zigmond & Smith, 1983) qui est une mesure évaluant la
présence et la sévérité des états anxieux et dépressifs. Aucune
différence significative n'a été constatée entre les deux groupes
sur cette mesure. Lorsque l'on a demandé aux sujets de préciser
les raisons reliées au début de leur consommation, 1'insomnie
était rapportée par plus de la moitié des sujets (54%) alors que
1'anxiété, la dépression ou les nerfs étaient rapportés par 30%
sujets (56%) ont débuté leur consommation au moment où un
événement de vie significatif se présentait dans leur vie. Les
raisons données par les sujets pour la poursuite de la
consommation étaient largement reliée à 1'insomnie (52%), mais
également à 1'anxiété et à la dépression. À 11 intérieur de cette
étude, la consommation de benzodiazépines apparaît davantage
reliée, pour une forte proportion de sujets, à un contexte de vie
perturbé et au traitement de 1'insomnie qu'au traitement de
symptômes psychiatriques. Il est cependant important de souligner
que les symptômes anxieux et dépressifs ont été évalués par le
biais du HADS qui est une échelle auto-administrée et non validée
auprès de la population âgée. On peut se demander si cette mesure
était adéquate pour détecter les différences entre les
consommateurs et les non consommateurs. De plus, on peut se poser
des questions relativement à la validité des raisons reliées au
début et à la poursuite de la consommation rapportées par les
sujets. En outre, on peut supposer que les répondants ne soient
pas toujours en mesure d'évaluer adéquatement les raisons de leur
consommation ou qu'un biais de rappel interfère sur leur capacité
à donner les raisons du début de la consommation. Considérant les
faiblesses méthodologiques de cette étude, il est difficile de
reliées à la consommation de psychotropes à partir des résultats
obtenus par Lyndon & Russel (1990).
Pour leur part, Mayer-Oakes et al. (1993) ont évalué la
relation entre la consommation de benzodiazépines et une série de
variables sociodémographiques et cliniques auprès d'un échantillon
composé de 1,752 personnes âgées de 65 ans et plus. Les sujets
ont été invités à compléter un questionnaire expédié par la poste
évaluant certaines caractéristiques démographiques, le statut
fonctionnel, la santé mentale générale, la dépression, le réseau
social, l'état de santé physique et 1'ensemble des médicaments
consommés au cours de la dernière année. La consommation de
benzodiazépines était définie comme !'utilisation d'une substance
médicamenteuse sous cette classe au moins deux fois au cours de la
dernière année. Les résultats ont démontré que les consommateurs
de benzodiazépines présentaient en moyenne un résultat
significativement plus élevé que les non consommateurs à 1'échelle
évaluant la dépression (CES-D; Radloff, 1977). On doit noter que
parmi les sujets de leur échantillon ayant obtenu un résultat au
CES-D suggérant la présence d'un trouble dépressif, seuls 15%
consommaient des antidépresseurs, 30% utilisaient uniquement des
benzodiazépines alors que 58% utilisaient des antidépresseurs et
des benzodiazépines. Les consommateurs de benzodiazépines
que les non consommateurs à 1'indice de santé mentale générale et
rapportaient plus de difficultés à s'endormir. Tenant compte de
l'indice de la consommation utilisé dans cette étude, il semble
cependant difficile de conclure en la présence concomitante ou
1'absence de relations entre la consommation les autres variables
évaluées.
Dealberto, Seeman, McAvay (1997) ont proposé une étude de
nature longitudinale visant à estimer les facteurs reliés à la
consommation de psychotropes chez des personnes de 65 ans et plus.
L'étude a été réalisée à partir d'une cohorte de 2812 personnes
tirée du New Haven E.P.E.S.E. (Established Populations for
Epidemiologie Studies of the Elderly). Les répondants ont été
évalués à trois reprises sur une période de 6 ans. Lors de
1'entrevue initiale, la consommation de médicaments, les maladies
chroniques, la qualité du sommeil et les symptômes dépressifs ont
été évalués. Les symptômes dépressifs étaient mesurés à l'aide du
CES-D (Radloff, 1977) . Les psychotropes ont été définis comme les
médicaments du système nerveux central selon la «American Hospital
Formulary Society» qui comprennent: (a) les stimulants du système
nerveux central, (b) les anticonvulsants, (c) les antidépresseurs,
(d) les agents antiparkinsoniens, (e) les anxiolytiques, (f) les
neuroleptiques et (g) les sédatifs hypnotiques. La consommation
psychotrope dans les deux semaines précédant 1'entrevue. Les
résultats ont démontré que la symptomatologie dépressive était
fortement reliée à la consommation, tant chez les hommes que chez
les femmes. Il est cependant intéressant de noter que les
antidépresseurs nz étaient utilisés que chez 2.3% des hommes et
6.0% des femmes avec un haut niveau de symptomatologie dépressive.
Des analyses multivariées ont permis de mettre en lumière que la
symptomatologie dépressive et les problèmes de sommeil étaient les
facteurs les plus fortement reliés à la consommation. Enfin,
1'analyse des résultats aux différents suivis a démontré que la
consommation antérieure de psychotropes était la variable la plus
fortement reliée à la consommation lors des deux entrevues de
suivis. La symptomatologie dépressive et les problèmes de sommeil
lors de 1'entrevue initiale étaient fortement reliés à la
poursuite de la consommation. Pour sa part, le fait de débuter la
consommation de psychotropes suite à 1'entrevue initiale était
relié au sexe, à l'âge ainsi qu'à la symptomatologie dépressive
telle qu'évaluée lors de 1'entrevue initiale.
Une sixième étude a été proposée par Gleason et al. (1998) .
Cette étude visait à déterminer la prévalence de la consommation
de benzodiazépines au sein d'un échantillon de personnes de 65 ans
et plus tiré de la communauté et à évaluer la relation entre la
et reliés à la santé physique. La consommation de benzodiazépines
dans les deux semaines précédant 1'entrevue a été retenue comme
critère. Cinq mille cent quatre-vingt une personnes recrutées
dans cinq villes américaines par le biais des listes du programme
Medicare ont accepté de participer. Les participants ont été
évalués par rapport au statut de santé physique et mental, à leur
satisfaction avec la vie, au support social et à leurs problèmes
de sommeil. La santé mentale a été évaluée par le biais d'une
simple question ouverte interrogeant les participants sur la
présence de troubles nerveux ou émotionnels qui auraient pu être
rapportés par leur médecin. Les résultats par rapport à la
variable santé mentale ont démontré que les consommateurs de
benzodiazépines rapportaient en nombre significativement plus
élevé la présence de troubles émotionnels et nerveux que les non
consommateurs. Les consommateurs de benzodiazépines rapportaient
également une moins bonne santé physique et présentaient en plus
grand nombre la présence de troubles cardiaques et de maladies
cardio-vasculaires, de troubles rénaux et de problèmes reliés à
1'hypertension. Les consommateurs de benzodiazépines rapportaient
prendre plus de médicaments et consommaient moins d'alcool dans
une même semaine. Enfin, les consommateurs de benzodiazépines
rapportaient plus de problèmes dans la réalisation des activités
(AVQ et AIVQ) et plus de problèmes de sommeil que les non
utilisateurs.
Paterniti, Bisserbe et Alpérovitch (1998) ont pour leur part
tenté de définir les facteurs de risque à 1'utilisation de
psychotropes comparativement chez les personnes âgées de 60 à 70
ans. Pour ce faire, ils ont évalué des aspects
sociodémographiques, !'utilisation d'alcool et de tabac, la
présence de maladie chronique, les symptômes anxieux et dépressifs
et la consommation de psychotropes auprès de 1389 personnes de 60
à 70 ans. Les symptômes dépressifs ont été évalués à l'aide du
Epidemiologie Studies-Depression scale (CES-D; Führer, & Pouillon,
1989) et les symptômes anxieux par le biais du Spielberg Inventory
scale (Bergeron, Landry & Bélanger, 1976) . Les psychotropes
étaient définis comme selon le Guide National des Prescriptions de
Médicaments (1991) et regroupaient les hypnotiques, sédatifs, ·
neuroleptiques, anxiolytiques, antidépresseurs et normothymiques.
Les médicaments du système nerveux central dont les indications ne
sont pas psychiatriques ont été inclus dans la catégorie «autres
médicaments». Les résultats ont démontré que la consommation de
psychotropes n'était pas reliée à la maladie chronique mais
qu'elle était reliée à la symptomatologie anxieuse et dépressive
chez les personnes des deux sexes. Des analyses de régressions
associée aux différents facteurs évalués ont démontré que la
présence de symptômes psychopathologiques multiplie le risque de
prise de psychotropes par 3.9 chez les hommes et par 4 chez les
femmes. La symptomatologie psychopathologique était le seul
facteur de risque significatif de la consommation. Des analyses
de régression supplémentaires permettant de distinguer les
personnes anxieuses et déprimées ont démontré que 1'anxiété était
l'aspect de la santé mentale le plus associé à la prise de
psychotropes.
Enfin, Taylor, McCracken, Wilson & Copeland (1998), se basant
sur les données longitudinales tirées du Medical Research Council
Ageing in Liverpool Project- Health Aspects (MRC-Alpha), ont
évalué la prévalence de la consommation de benzodiazépines chez
des personnes de 65 ans et plus. Ils ont également tenté de
déterminer certains aspects de la santé mentale reliés à la
consommation. Les données touchant la consommation de
benzodiazépines ont été comparées à celles de la Liverpool
Longitudinal Study of Continuing Health in the Community,
effectuée environ huit ans auparavant dans la même communauté. La
santé mentale a été évaluée à l'aide du Geriatric Mental
State-Automated Geriatric for Assisted Geriatric Taxonomy (GMS-AGECAT,
Copeland, Kelleher & Keilet, 1976). Les aspects de la santé
les syndromes cérébraux organiques. La comparaison du pourcentage
de la consommation entre les deux études a démontré que bien que
la consommation de benzodiazépines tendait à être légèrement plus
faible en 1989-1991 (10.8%) qu'en 1982-83 (12.8%), cette
différence n'était pas significative. Les résultats concernant la
santé mentale ont été analysés sur la base de données
transversales obtenues lors de la première phase de l'étude. Les
résultats ont démontré une plus forte proportion de consommateurs
de benzodiazépines parmi les personnes anxieuses et dépressives
que chez les personnes en santé ou présentant un syndrome
organique cérébral.
Conclusion
Le nombre des études ayant évalué la relation entre la santé
mentale et la consommation de psychotropes chez les personnes
âgées est fort restreint. Au total, huit études ont été
recensées. Dans 1'ensemble, le consensus est à l'effet que les
consommateurs de psychotropes qui sont âgés présentent un niveau
de santé mentale plus détérioré que les non consommateurs. Plus
précisément, les consommateurs de psychotropes présentent plus de
symptômes anxieux (Antonijoan & al., 1991; Paterniti, Bisserbe &
Alperovitch, 1998) et dépressifs (Antonijoan & al., 1990 ;
Dealberto, Seeman & McAvay, 1997 ; Mayer-Oakes & al., 1993) que les
sommeil (Dealberto, Seeman & McAvay, 1997; Lyndon & Russel, 1990;
Mayer-Oakes & al., 1993) que les non consommateurs. Dans
certaines de ces études cependant, des lacunes d'ordre
méthodologique, notamment au niveau du manque de clarté quant à
l'indice de la consommation utilisé (Lyndon & Russel, 1990; Mayer-
Oakes &al., 1993; Paterniti, Bisserbe & Alperovitch, 1998),
rendent plus difficile !'interprétation pouvant être faite des
résultats. Seuls les résultats de Vinarova et Cinek (1985)
révèlent une absence de relation entre la consommation de
psychotropes et la santé mentale. Le manque d'information en
rapport à la procédure expérimentale utilisée, notamment en ce qui
concerne l'indice d'évaluation de la santé mentale employé, permet
cependant de remettre en question la validité ou du moins de jeter
un regard critique sur les résultats obtenus par ces auteurs.
À l'heure actuelle, on constate que les conclusions pouvant
être tirées de ce champ d'étude sont limitées. Cette situation
semble en partie attribuable (a) au faible nombre d'études, (b) à
la nature transversale de la majorité des travaux qui nous
empêchent de dresser des liens de causalité entre les variables à
l'étude, (c) à un manque de précision ou à l'absence au niveau de
certaines études de ce qu'on entend par psychotropes et (d) aux
aspects de la santé mentale qui sont évalués. Par rapport à ce
quelques aspects de la santé mentale. On remarque que ceux-ci se
sont par exemple limité à 1'évaluation des symptômes anxieux et
dépressifs (Dealberto & al., 1997; Forsell & Winblad, 1997 ; Lyndon
& Russel, 1990; Mayer-Oakes & al., 1993 ; Paterniti, Bisserbe &
Alpérovitch, 1998; Taylor & al., 1998) et de la détresse
psychologique (Antonijoan & al., 1990) chez les consommateurs de
psychotropes. De plus, dans plusieurs cas (Gleason & al., 1998;
Lyndon & Russel, 199 0 ; Vinarova & Cinek, 19 85 ), la validité des
instruments utilisés pour 1'évaluation de la santé mentale est
douteuse. Enfin, on note la présence de divergences
méthodologiques entre les différentes études. Ces différences
concernent notamment (a) la façon dont est opérationnalisée la
santé mentale, (b) les caractéristiques de la population étudiée
et (c) le(s) catégorie(s) de psychotropes consommés. Ces
différences rendent difficilement comparables les résultats
obtenus à 1'intérieur des différentes études. Afin de pallier aux
lacunes au niveau des connaissances actuelles, on constate le
besoins d'études supplémentaires permettant de mieux saisir les
différents aspects de la santé mentale reliés à la consommation
Modèles empiriques de la consommation de psychotropes
Modèle de Folkman, Bernstein & Lazarus (1987)
Se basant sur un modèle d'adaptation au stress proposé par
Lazarus & Folkman (1984), Folkman, Bernstein et Lazarus (1987) ont
proposé un modèle de 1'utilisation non appropriée des médicaments
au troisième âge. À 11 intérieur de ce modèle, la consommation de
médicaments est considérée comme (a) une stratégie utilisée pour
contrevenir aux stresseurs de la vie quotidienne et/ou (b) un
facteur relié à 11 augmentation du stress et de la détresse
psychologique. Pour illustrer le deuxième scénario, on peut
penser qu'une mauvaise utilisation de médicaments pourrait amener
la personne à posséder de plus faibles ressources et à utiliser
des stratégies inadéquates pour faire face au stress. Folkman,
Bernstein et Lazarus (1987) ont évalué ce modèle auprès d'un
échantillon de personnes âgées de 65 à 74 ans. Ils ont évalué la
relation prenant place entre la consommation non appropriée de
médicaments, les stresseurs, les stratégies d'adaptation utilisées
pour y faire face, la santé physique et la santé psychologique de
la personne. La consommation non appropriée de médicaments a été
décrite en terme de (a) !'utilisation de médicaments (dosage,
indication thérapeutique, niveau d'utilisation), (b) !'interaction
des médicaments avec d'autres classes pharmacologiques et (c)
L'évaluation empirique de ce modèle a révélé que les
personnes consommant de façon non appropriée des médicaments ne
diffèrent pas des personnes consommant de façon appropriée au
niveau de leurs antécédents psychosociaux, qu'elles ne rapportent
pas plus de stresseurs et qu'elles n'utilisent pas des stratégies
d'adaptation différentes pour y faire face. Cependant, elles
évaluent comme plus intenses les stresseurs et les tracas
quotidiens, elles se sentent plus menacées par ceux-ci et
ressentent plus d'insatisfaction avec les stratégies d'adaptation
qu'elles utilisent pour y faire face. Les personnes âgées
consommant de façon non appropriée des médicaments présentent
également plus de symptômes physiques et psychologiques que les
personnes consommant des médicaments de façon appropriée.
Huffine, Folkman et Lazarus (1989) ont évalué la pertinence
du modèle de Folkman et al. (1987) dans !'explication de la
consommation des psychotropes au troisième âge. Les chercheurs
ont évalué la relation prenant place entre 1'utilisation de
substances psychoactives, les caractéristiques personnelles et
1'évaluation faite des stresseurs ainsi que les stratégies
d'adaptation utilisées pour y faire face. Un groupe de 141
personnes âgées de 65 à 74 ans a été évalué sur certaines
variables personnelles telles que 1'estime de soi et les croyances