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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle dans une tâche de raisonnement causal

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Academic year: 2021

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RÔLE DES CROYANCES A PRIORI ET DE LA

CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE DANS UNE TÂCHE DE

RAISONNEMENT CAUSAL

Thèse

Sébastien Walsh

Doctorat en psychologie - profil recherche et intervention

Philosophiæ Doctor (Ph.D.)

QUÉBEC, CANADA

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III Résumé

Afin de s'adapter au monde qui l’entoure, l’humain doit comprendre les relations de causes à effet présentes dans son environnement. Bien que des auteurs aient tenté d'expliquer théoriquement cette habileté, plusieurs questions subsistent quant au rôle des nombreux facteurs impliqués dans ce type de raisonnement. Cette thèse explore le rôle et l’interaction de deux facteurs peu étudiés ensemble dans la littérature, soit les croyances a priori et la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Notamment, les résultats obtenus par plusieurs études ne confirment pas systématiquement une proposition populaire dans la littérature pour décrire l'interaction entre ces facteurs, à savoir que les gens devraient percevoir des liens de causalité plus forts lorsque le délai observé entre des évènements concorde avec le délai attendu entre ceux-ci. La présente thèse postule que cette proposition est probablement valide, mais nécessite des ajustements méthodologiques afin d'être confirmée empiriquement. Ainsi, les participants de cette thèse ont été invités à évaluer un lien causal potentiel entre des évènements à partir de données présentées sous une forme novatrice, soit les tableaux-synthèses. Les tableaux indiquent le degré d'association et la contiguïté temporelle des évènements à évaluer. De plus, les attentes des participants sont manipulées grâce à des scénarios présentés au début de l'expérience. L’Expérience 1 montre que, en l’absence de toute suggestion a priori, la force du lien causal perçue entre la cause et l’effet par les participants diminue lorsque la durée du délai entre cause et effet augmente. Toutefois, cet effet est contrecarré lorsque la présence d'un délai entre la cause et l'effet est suggérée a priori. L’Expérience 2 teste l’effet de la concordance de la durée du délai suggérée et de la durée du délai présente dans les données. Les résultats montrent que la force causale perçue par les participants est plus élevée lorsque les durées des délais suggérées et observées sont semblables, alors que la force causale perçue est plus faible si les durées sont différentes. Les implications théoriques et pratiques de ces résultats sont abordées en lien avec un modèle d’architecture cognitive récent du raisonnement causal.

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V Abstract

To understand the world he is living in, a human being needs to understand the causal relations that are present in his environment. Even though some researchers recently tried to describe and modelize this ability, the role of the numerous factors implied in this kind of reasoning has yet to be defined more thoroughly. Thus, this thesis aims to explore the interaction between two factors that are not generally studied together, i.e. time contiguity between a cause and its effect and someone’s a priori beliefs. Notably, it is commonly believed that someone should perceive a stronger causal link between a cause and an effect when the time lap between the events is in accordance with his expectations. Unfortunately, results from the literature fail to systematically confirm such a claim. This thesis asserts that this proposition would be empirically confirmed, given that a new methodology is used to test it. Consequently, participants in the present study were asked to judge the strength of a potential causal link between the use of an insecticide and the change of color of the leaves of palm trees. The presentation of information at the beginning of the experience was used to manipulate participant's expectations. The information to be evaluated was presented in a table format. These tables illustrate how many trees, vaporized or not with the insecticide, underwent a change of color in the 5 days following the vaporization. The tables also indicate at what moment, for each affected trees, the change occurred. Experiment 1 shows that, when no expectations are suggested to participants, the strength of the perceived causal link between two events decreases when the time lap between these events increases. However, this phenomenon does not occur if the presence of a delay is suggested at the beginning. Experiment 2 explores all the possible interactions between time contiguity of the events and a priori expectations. It reveals that the perceived strength of the causal link is systematically stronger when the observed time lap between the events is in accordance with someone’s expectation about this time lap, as opposed to non-accordant time laps. These results are discussed in the light of a recent architectural model of causal reasoning.

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VII Remerciements

J'adresserai des remerciements simples et courts, mais sincères. D'abord, merci à mon directeur initial de thèse, Stéphan Desrochers. Malgré un départ inattendu, tu m'as accueilli depuis le baccalauréat, donnant généreusement de ton temps pour m'enseigner l'art de la recherche. Ton encadrement m'aura permis de grandir dans ce domaine et de réaliser la présente thèse.

Ensuite, un merci spécial à Claudette Fortin et Sébastien Tremblay, qui ont pris la relève dans le rôle de directeur de thèse. Vous m'avez offert votre temps, vos conseils et votre support en tout temps. Vos compétences professionnelles et votre bienveillance m'auront permis d'atteindre mes objectifs et de vivre la fin de ce long projet de façon positive. Je n'aurais pas pu tomber sur une meilleure famille d'accueil et je vous en remercie encore. Aussi, merci à mon ami et collègue Michel Sacy, avec qui j'ai partagé les joies et les épreuves qui font partie de cette expérience. Après 8 ans d'étude ensemble, c'est encore un plaisir de travailler avec toi et je souhaite longue vie à notre amitié.

Merci à Yves, Priscille, Marc-André, Alexandre, Marie-Julie, Jean-Christophe, Paul, Simon, André-Anne, Amélie et mes autres amis, de m'avoir témoigné support et acceptation au cours de ces années. Malgré que mes études furent une longue épopée et que mon choix de carrière semblait plutôt abstrait au départ, vous avez tous, par votre présence, contribué à ce que la réalisation de mon doctorat soit plus agréable. Partager ma vie avec vous lui donne un sens et me pousse à vouloir en faire quelque chose de constructif. Au plaisir de vous côtoyer encore longtemps.

Enfin, on ne se félicite soi-même que trop rarement. J'aimerais donc m'adresser toutes mes félicitations pour mes efforts soutenus et mon accomplissement. C'est une grande étape que je complète avec bonheur et fierté.

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IX

Nous réalisons que ce que nous accomplissons n'est qu'une goutte dans l'océan. Mais si cette goutte n'existait pas dans l'océan, elle manquerait.

- Anjezë Gonxhe Bojaxhiu (Mère Teresa)

Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que tout le monde ait tort.

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XI Table des matières

RÉSUMÉ ... III

ABSTRACT ... V

REMERCIEMENTS ... VII

TABLE DES MATIÈRES ... XI

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES DANS LE TEXTE ... XIII

CHAPITRE 1 ... 1

LES PRINCIPALES PROPOSITIONS THÉORIQUES ... 3

LES MODÈLES CONTEMPORAINS DU RAISONNEMENT CAUSAL ... 6

UNE INTERACTION PEU ÉTUDIÉE : LES CONNAISSANCES A PRIORI ET LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ... 15

ORIGINALITÉS ET OBJECTIFS DE LA THÈSE... 24

CHAPITRE 2 ... 35

HYPOTHÈSES ... 36

MÉTHODE ... 38

ANALYSES ET RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 1 ... 42

DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 1 ... 45

CHAPITRE 3 ... 51

HYPOTHÈSES ... 55

MÉTHODE ... 57

ANALYSES ET RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 2 ... 58

DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 2 ... 65

CHAPITRE 4 ... 71

DISCUSSION GÉNÉRALE ... 71

UN PREMIER EFFET : L'EFFET DIRECT DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ... 74

UN DEUXIÈME EFFET : INTERACTION DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ET DES CROYANCES A PRIORI ... 79

UN TROISIÈME EFFET : EFFET DES CROYANCES A PRIORI SUR LA SÉLECTION ET LA REPRÉSENTATION DE L'INFORMATION ÉVALUÉE ... 84

AU-DELÀ DE L'EFFET DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE :LE RÔLE DU TYPE D'INFORMATION ET LA MANIPULATION DES CROYANCES A PRIORI ... 86

LE RÔLE DU DEGRÉ D'ASSOCIATION ... 93

CONTRIBUTIONS THÉORIQUES ... 93

CONTRIBUTIONS PRATIQUES ... 106

LIMITES ET ÉTUDES FUTURES ... 114

CONCLUSION ... 124

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XII

ANNEXE 1 ... 137

INSTRUCTIONS GÉNÉRALES POUR LES PARTICIPANTS DE L’EXPÉRIENCE 1 ET 2 ... 137

ANNEXE 2 ... 141

SCÉNARIOS DE DESCRIPTION DES INSECTICIDES PRÉSENTÉS AUX PARTICIPANTS ... 141

ANNEXE 3 ... 145

DEGRÉ D’ASSOCIATION ET DEGRÉ DE CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE RETENUS POUR CHAQUE MATRICE DE L'EXPÉRIENCE 1 ET DE L’EXPÉRIENCE 2 ... 145

ANNEXE 4 ... 147

TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RÉSULTATS DE L’ANOVA SUR LES COTES FOURNIES À L’EXPÉRIENCE 1 ... 147

ANNEXE 5 ... 149

TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RÉSULTATS DE L’ANOVA SUR LES COTES FOURNIES À L’EXPÉRIENCE 2 ... 149

ANNEXE 6 ... 153

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XIII Liste des Tableaux et Figures dans le texte

Figure 1. Exemple de modèle graphique causal représentant des liens génératifs et

préventifs entre diverses variables reliées au domaine de savoir médical. ...p.7 Figure 2. Architecture cognitive sous-jacente au modèle de révision des croyances (Belief

Revision Model, BRM), d'après Maldonado et al. (2007). ...………....p.11 Figure 3. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales et Catena (2006).

...p.12 Figure 4. Influence des attentes quant au temps sur l’association d’une série d’évènements

en conjonctions. ...p.30 Figure 5. Schéma représentant l’organisation du cahier expérimental présenté aux

participants. ...…………p.39 Figure 6. Moyennes des cotes de force causale obtenues pour les différents niveaux du

facteur Contiguïté temporelle en fonction du facteur Suggestion d’un délai pour l’Expérience 1. ...p.44 Figure 7. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ...p.60 Figure 8. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré

d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ...p.61 Figure 9. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type

d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ...p.64 Figure 10. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales et Catena (2006).

(Les flèches rouges ont été ajoutées à des fins illustratives pour la discussion, elles indiquent les trois processus dans lesquels l’information quant à la contiguïté temporelle peut être impliquée dans le raisonnement causal selon ce modèle). ...p.79 Figure 11. Représentation de la théorie des "doubles processus" dans sa forme la plus

simple, telle que définie originalement par Evans (1989). ...p.102 Figure 12. Représentation contemporaine de la théorie des " doubles processus ", d'après

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XIV

Figure 13. Exemple de présentation des données sous forme de propositions et sous forme d'arbre de fréquence. ...p.119 Tableau 1. Combinaisons possibles entre la durée du délais attendue et la durée du délai

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CHAPITRE 1

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2

La capacité d’établir des relations de cause à effet permet à une personne de comprendre, prédire et manipuler le monde qui l’entoure (Lagnado, Waldmann, Hagmayer, & Sloman, 2007; Perales & Catena, 2006). Cette habileté particulière est omniprésente dans nos vies : on l’utilise autant dans notre quotidien que dans notre travail professionnel afin d’inférer la présence de liens causaux entre des éléments de notre environnement, éléments qui peuvent être de nature physique, psychologique, sociale, économique, etc. (Bungee, 2004). C’est ainsi que Julie pourra reconnaître quelle nourriture est bonne pour elle et laquelle la rend malade, que Jean cherchera une explication pour la panne de sa voiture, que Mario tentera d’identifier les causes de ses difficultés conjugales, ou encore que Marie se consacrera à comprendre les lois de la physique et de la chimie. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs auteurs affirment que cette habileté est essentielle pour qu’un organisme intelligent s’adapte de façon efficace à son environnement (p. ex. Buehner & May, 2002; Holyoak & Cheng, 2011; Newsome, 2003). En psychologie, on cherche généralement à observer et décrire les tendances naturelles des gens lorsqu’ils font des inférences causales, plutôt que de tenter de définir comment ces inférences devraient être faites (Ahn & Kalish, 2000; White, 1990). Aussi, les chercheurs préfèrent étudier la causalité sous un angle probabiliste, c'est-à-dire qu’un évènement pourra être perçu comme une cause s’il y a une forte probabilité qu’il soit accompagné d’un effet donné. Par exemple, fumer la cigarette augmente le risque de développer un cancer, mais ne le fera pas nécessairement dans tous les cas. En comparaison, une vision déterministe de la causalité impliquerait que la cause doit être suivie de l’effet (Johnson-Laird, 2006)1.

Ainsi, les chercheurs se sont surtout intéressés à décrire la façon dont les gens perçoivent une force causale pour une relation, c'est-à-dire qu’ils se demandent à quel point les gens pensent qu’une cause potentielle est liée à un effet observé (p. ex. à quel point fumer cause-t-il le cancer? À quel point la nourriture avariée cause-t-elle les maux d’estomac?) (Griffiths & Tenenbaum, 2005; Lagnado et al., 2007). La perception de la

1 Pour un point de vue critique sur les différentes conceptions de la causalité, voir aussi Humphreys (1989).

** LE GENRE MASCULIN A ÉTÉ EMPLOYÉ DANS LA RÉDACTION DE CE TEXTE DANS LE SEUL BUT DE SIMPLIFIER SA LECTURE. CETTE PROCÉDURE NE DEVRAIT PAS FAIRE OUBLIER L’APPORT ÉQUIVALENT DES FEMMES ET DES HOMMES À CETTE RECHERCHE. L’AUTEUR TIENT À REMERCIER TOUS LES PARTICIPANTS ET PARTICIPANTES POUR LEUR CONTRIBUTION VOLONTAIRE.

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3 force causale qui lie deux évènements peut alors simplement être obtenue auprès d’un participant en lui demandant de traduire son jugement par un nombre sur une échelle de type Likert (p. ex. une échelle allant de 0 à 10, où 0 veut dire que la force causale est nulle et 10 qu’elle est très forte). Par opposition, on distingue aussi la structure causale d’une relation, qui réfère à l’aspect qualitatif de la relation entre les variables. On la traduit par la présence d’une relation causale entre les variables, le nombre de variables impliquées, leur enchaînement et la direction des relations entre les variables (p. ex. est-ce que fumer cause le cancer? Quelles autres variables causent le cancer?) (Griffiths & Tenenbaum, 2005; Lagnado et al., 2007).

Plusieurs auteurs ont récemment proposé des modèles théoriques pour décrire et expliquer le raisonnement causal (p. ex. Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado, Catena, Perales, & Candido, 2007; Perales & Catena, 2006; voir Holyoak & Cheng, 2011, pour une revue récente). Bien que plusieurs facteurs susceptibles d’influencer ce processus complexe aient été inclus dans ces modèles (Holyoak & Cheng, 2011; Lagnado et al., 2007; Perales & Catena, 2006), il reste beaucoup d’études à mener afin de comprendre le rôle de ces facteurs et comment ils interagissent entre eux (Perales & Catena, 2006). Le but du présent projet est donc de contribuer au développement de ces modèles en testant l’interaction entre deux facteurs reconnus dans la littérature, mais peu étudiés ensemble. Ces facteurs sont la contiguïté temporelle de la cause et l’effet et les croyances a priori des gens. Le présent texte résumera d'abord les principales propositions théoriques relatives au raisonnement causal ainsi que les modèles théoriques qui en ont découlé, pour ensuite présenter l’état des connaissances concernant le rôle et l’interaction de la contiguïté temporelle et des croyances a priori. Subséquemment, cette thèse présentera deux expériences qui permettront de mieux comprendre l’interaction des facteurs à l’étude et qui apporteront un appui empirique aux récents développements des modèles théoriques du raisonnement causal (p. ex. Griffiths & Tenenbaum, 2009; Perales & Catena, 2006).

Les principales propositions théoriques

Afin d’expliquer comment l’humain fait des inférences causales, les chercheurs se sont initialement inspirés de deux courants de pensée issus de la philosophie. Le premier,

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relié aux idées de Hume (1739/1960), proposait que la causalité est une perception de l’esprit humain qui est principalement guidée par la constatation d’une association constante entre des aspects de l’environnement (Buehner, Cheng, & Clifford, 2003; Einhorn & Hogarth, 1986; Holyoak & Cheng, 2011). Par exemple, une personne qui observe qu’une pression sur un interrupteur s’accompagne constamment d’un bruit de sonnette pourra déduire qu’il existe un lien causal entre ces éléments.

Les premiers modèles explicatifs du raisonnement causal se sont donc principalement centrés sur le rôle du degré d’association entre les variables (p. ex. Cheng, 1997; Cheng & Novick, 1992; Shanks & Dickinson, 1987; White, 2003a; White, 2003b, 2004). Pour étudier le rôle de ce facteur, les chercheurs ont comparé le jugement subjectif de force causale perçue par les gens avec le Delta p (P), un indice objectif de covariation normativement accepté et qui se base sur la fréquence des quatre situations (conjonctions) possibles pour une cause et un effet dichotomique. Ces quatre situations possible sont (a) la présence conjointe de la cause et l’effet (conjonction A), (b) la présence de la cause, mais l'absence de l’effet (conjonction B), (c) l'absence de la cause, mais la présence de l’effet (conjonction C) et (d) l'absence conjointe de la cause et l’effet (conjonction D). Plusieurs études soulignent que le P est un facteur déterminant de la force causale perçue par les participants (Allan & Jenkins, 1983; Cheng, 1997; De Houwer & Beckers, 2002; Fugelsang, Thompson, & Dunbar, 2006; Hattori & Oaksford, 2007; Wasserman, Dorner, & Kao, 1990; Wasserman, Elek, Chatlosh, & Baker, 1993; White, 2003c, 2004). Toutefois, la plupart des auteurs s’accordent aussi pour dire que la perception d’un lien de causalité entre deux évènements ne peut se réduire seulement à leur degré d’association et dépend également d’autres paramètres, notamment la priorité temporelle de la cause, la contiguïté spatiale et la contiguïté temporelle des évènements (Lagnado et al., 2007 présente une revue exhaustive des indices de causalités. Voir aussi Buehner et al., 2003; Einhorn & Hogarth, 1986; Hume, 1739/1960; Perales & Catena, 2006). De plus, une simple association entre des variables n’implique pas nécessairement un lien causal (Cheng, 1997; Suppes, 1970; White, 1990) et il semble que les gens font cette distinction (Lien & Cheng, 2000). Les chercheurs ont donc adapté leur cadre théorique à ces constats en s’orientant vers un deuxième courant de pensée.

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5 Selon ce deuxième courant, relié aux idées de Kant (1781/1965), la connaissance d’un mécanisme d’action ou d’une chaîne d’évènements, qui explique la connexion entre la cause et l’effet, est nécessaire pour qu’un lien d’association soit perçu comme un lien causal (Ahn & Kalish, 2000; Ahn, Kalish, Medin, & Gelman, 1995; Einhorn & Hogarth, 1986; Goldvarg & Johnson-Laird, 2001; Harré & Madden, 1975; Shultz, 1982; White, 1995). Autrement dit, lorsqu’ils perçoivent un lien causal entre des évènements, les gens conçoivent que l’effet est nécessairement lié à une cause par un mécanisme de transmission entre les objets ou la matière, ce qui permet à un élément de changer ou de produire un autre élément en lui transmettant sa force. Les résultats de plusieurs études démontrent d’ailleurs l’importance que jouent les croyances des gens concernant le mécanisme d’action lors d’une tâche de raisonnement causal, et ce, chez les adultes (p. ex. Ahn & Kalish, 2000; Ahn et al., 1995; Catena, Maldonado, Perales, & Cándido, 2008; Fugelsang & Thompson, 2003; Hagmayer & Waldmann, 2002; Kushnir, Gopnik, Schulz, & Danks, 2003) comme chez les enfants (p. ex. Schlottmann, 1999; Shultz, 1982).

Par exemple, Ahn et al. (1995) ont trouvé que leurs participants, lors d’une tâche d’inférence causale, rapportaient rechercher et préférer l’information relative au mécanisme d’action causale plutôt que l’information relative au degré d’association entre les variables. Également, Fugelsang, Stein, Green et Dunbar (2004) ont manipulé expérimentalement les croyances de leurs participants concernant le mécanisme d’action, en leur présentant dès le début de l'expérience un scénario qui dévoile de l’information sur la relation à évaluer, une méthode employée par de nombreux auteurs dans la littérature (p. ex. Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al., 2008; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer & Waldmann, 2002; White, 2001). Ils ont trouvé que, pour des ensembles de données équivalents, les participants accordent des cotes de force causale plus élevées lorsqu’on leur présente a priori un mécanisme causal plausible comparativement à un mécanisme non plausible. Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’étude récente de l’influence des croyances a priori ne se concentre plus seulement sur les croyances relatives aux mécanismes de transmission, mais inclut aussi des croyances de différentes natures, comme celles liées au degré d’association attendu (p. ex. Ahn et al., 1995; Fugelsang & Thompson, 2000b, 2003) ou

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celles reliées à un délai quelconque entre la cause et l’effet (p. ex. Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann, 2002). Ces études ont ainsi amené les chercheurs à accorder une place importante aux croyances a priori dans leur modèle du raisonnement causal.

Les modèles contemporains du raisonnement causal

De nos jours, la plupart des chercheurs expliquent le raisonnement causal en intégrant le rôle de l’évaluation du degré d’association avec celui des autres indices de causalité (contiguïté spatiale ou temporelle, etc.) ainsi que celui des connaissances ou croyances que les gens entretiennent à propos de la causalité (p. ex. Cheng, 1997; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Lagnado et al., 2007; Maldonado, Catena, Perales, & Candido, 2007; Perales & Catena, 2006; White, 2003d). Notamment, on reconnaît maintenant que le raisonnement causal ne peut se réduire à l'apprentissage implicite de liens entre les évènements, mais que les gens se formeraient plutôt des représentations mentales des relations de cause à effet qu'ils s'attendent de retrouver dans leur environnement (Holyoak & Cheng, 2011). Ces représentations mentales des liens de causalité, que l'on peut appeler « modèles mentaux causaux », indiquent le degré de probabilité perçu qu'un évènement en causera un autre, et ce, pour des situations réelles ou hypothétiques (Evans 2006, p.381). Par exemple, une personne peut avoir la croyance, sous forme de modèle mental, que le virus de la gastro-entérite est contracté par 50 personnes sur 100 qui vont en voyage au Mexique.

Depuis quelques années, il est devenu commun d'utiliser les réseaux de Bayes2 (Bayesian networks) afin de formaliser, de façon graphique, les représentations mentales des gens concernant les liens de causalité probabiliste qui unissent un ensemble de variables (voir Glymour, 2003; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011; Pearl, 1993; Pearl & Russel, 2003). En effet, cette méthode permet d’illustrer de façon compacte un ensemble de variables dans un contexte donné, d’établir la direction et la nature du lien causal entre les variables (structure causale) et de paramétriser la force de

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7 chacun des liens en fonction de l’expérience vécue et de l’expérience nouvelle (Holyoak & Cheng, 2011). Par exemple, on peut illustrer les liens de causalité entre certaines variables reliées au domaine de savoir médical dans un simple schéma tel que celui de la Figure 1 ci-dessous (tiré de Holyoak & Cheng, 2011).

Figure 1. Exemple de modèle graphique causal représentant des liens génératifs (lignes

pleines) et préventifs (lignes pointillées) entre diverses variables reliées au domaine de savoir médical.

Toutefois, illustrer des relations à l'aide des réseaux de Bayes ne permet pas d'expliquer comment les représentations mentales d'une personne sont combinées avec l'information nouvelle observée lorsqu'une inférence causale est effectuée. Ce n'est que récemment que l’utilisation de la méthode mathématique des inférences de Bayes (ou inférences Bayesiennes) a permis cette intégration (Holyoak & Cheng, 2011). En effet, cette méthode fournit une règle qui permet de calculer la probabilité qu'une hypothèse de départ soit responsable des données observées (Griffiths & Tenenbaum, 2009). Plus précisément, cette règle combine les connaissances existantes concernant la probabilité connue d'une hypothèse ( P(H) ) avec la probabilité d'obtenir les nouvelles données observées selon cette hypothèse ( P(D | H) ). Cette combinaison permet d'obtenir la probabilité finale de l'hypothèse de départ en fonction des données obtenues ( P(H | D) )

virus bactérie antibiotique fièvre toux Maux de tête aspirine - -

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(Holyoak & Cheng, 2011). Cette règle, illustrée à la Formule 1 ci-dessous, a élargi la portée des modèles proposés dans la littérature en fournissant un moyen d’expliquer comment les représentations mentales des gens, obtenues par l’expérience, vont d’abord créer un modèle mental qui encadre l’interprétation des données nouvellement observées. Ces nouvelles données pourront à leur tour actualiser l’information contenue dans ce modèle mental hypothétique des relations causales.

(1) Règle sous-tendant les inférences de Bayes : P(H | D) = P(D | H )

P(H )

_________________________________

(tiré de Holyoak & Cheng, 2011) P(D)

Bien que l’utilisation des réseaux de Bayes et des inférences de Bayes soit de plus en plus populaire dans la littérature (voir Griffiths & Tenenbaum, 2005, 2009; Holyoak & Cheng, 2011), il faut toutefois souligner que ces méthodes mathématiques ne constituent pas per se un modèle d’explication du raisonnement causal (Griffiths & Tenenbaum, 2009). Effectivement, les propositions de base de ces méthodes sont conçues pour s'appliquer à des relations d'association entre des variables. Afin de les appliquer à des situations concernant des relations causales, il faut spécifier quelles connaissances et croyances a priori sont pertinentes dans un contexte de causalité, ainsi que la fonction qui permet de calculer la probabilité d'apparition de l'effet en fonction de l'influence des différentes causes potentielles et de leur interaction (Griffiths & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011; Lu, Yuille, Liljeholm, Cheng, & Holyoak, 2008). Par exemple, Cheng et ses collaborateurs (Cheng 1997, Cheng & Novick, 1992; Novick & Cheng, 2004), proposent quatre croyances de base qui guident les inférences causales des gens, soit (a) les causes influencent l'effet de façon indépendante, (b) les causes alternatives inconnues peuvent provoquer l'effet, mais pas le prévenir, (c) la force causale (causal power) d'une cause est indépendante de sa fréquence d'apparition, et (d) l'effet ne survient pas sans cause. Ces quatre propositions sont essentielles pour qu'une relation causale soit distinguée d'une simple relation d'association entre des évènements. De plus, elles spécifient comment la probabilité d'engendrer l'effet de chaque cause potentielle doit être combinée dans le calcul de la probabilité d'apparition de l'effet (voir Novick & Cheng, 2004, pour plus de détails). Pour leur part, Griffiths et Tenenbaum (2005; 2009) ont proposé que l'application des inférences

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9 Bayesiennes au domaine des relations causales doit reposer sur trois composantes clés des connaissances des gens, soit (a) l'ontologie des variables, (b) la plausibilité d'une relation entre ces variables et (c) la forme fonctionnelle de la relation (voir Griffiths & Tenenbaum, 2009, pour plus de détails). Ces trois composantes permettent de définir les variables pertinentes impliquées dans la relation, la structure causale plausible de la relation et la fonction à employer pour calculer la probabilité d'apparition de l'effet en fonction des différentes causes potentielles.

Malheureusement, la plupart des modèles suggérés dans la littérature pour expliquer le raisonnement causal sont des modèles computationnels, c'est-à-dire qu'ils offrent une méthode mathématique (telle que les inférences Bayesiennes ou encore une règle telle le P) qui tente de prédire comment l’évaluation du degré d’association, encadrée par les connaissances ou croyances a priori des gens, va influencer la production d’une réponse à une tâche d’évaluation d’un lien de causalité (p. ex. Cheng, 1997; Griffiths & Tenenbaum, 2009; White, 2003; voir Hattori & Oaksford, 2007, pour une revue des formules proposées). Bien que ces modèles permettent parfois des prédictions plutôt réalistes des réponses des participants, ils ne permettent pas de comprendre l'ensemble des processus et facteurs qui ont pu influencer ces réponses. En effet, en offrant une méthode de calcul centrée sur le degré d’association des variables observées, les modèles computationnels ne permettent pas de formuler précisément l’effet attendu de certains facteurs qui sont susceptibles d’influencer le raisonnement subjectif des gens, tel que la contiguïté temporelle.

À la connaissance du présent auteur, il n’y a que Perales et ses collaborateurs (Maldonado et al., 2007; Perales & Catena, 2006) qui ont proposé un modèle permettant de représenter schématiquement l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer ce raisonnement causal. Ce modèle, actuellement en développement, permet de placer les grands champs de recherche les uns par rapport aux autres et d’articuler les liens entre eux. Son aspect de schéma hiérarchique est intéressant, car il est possible d'y ajouter de nouveaux facteurs, ainsi que de redéfinir au besoin le rôle de certains facteurs encore peu étudiés.

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Un premier modèle architectural.

D’après Maldonado et al. (2007), toute proposition d’architecture cognitive visant à décrire le processus du raisonnement causal doit distinguer au moins trois niveaux de processus, qu’ils illustrent dans un schéma présenté à la Figure 2 ci-dessous. Le mécanisme représentant le processus de base de l’architecture réfère à l’habilité de détecter et encoder les stimuli ou les évènements pertinents à une attribution causale. C’est à ce niveau qu’est perçue et encodée l’information nécessaire au calcul du degré d’association entre des variables, c'est-à-dire l’information relative à la fréquence des évènements concernant (a) la présence conjointe de la cause et l’effet (conjonction A), (b) la présence de la cause sans l’effet (conjonction B), (c) la présence de l’effet sans la cause (conjonction C), et (d) l’absence de la cause et l’effet (conjonction D). Au deuxième niveau, on retrouve le mécanisme responsable du calcul statistique d’une relation de cause à effet à partir des informations encodées au premier niveau. Une fois le processus de calcul statistique d’un lien causal effectué, un autre mécanisme, correspondant au troisième niveau de l’architecture, doit interpréter cette information provenant de l’expérience et l’intégrer avec les connaissances ou croyances a priori de la personne qui raisonne.

Une version plus détaillée de ce modèle, qui illustre quelles informations sont utilisées à chaque niveau de l’architecture, est offerte par Perales et Catena en 2006 (voir Figure 3 ci-dessous). Dans leur modèle, deux types d’information de l’environnement alimentent la représentation mentale d’un lien causal entre deux éléments (causal beliefs), qui lui-même, fait partie d’une représentation plus vaste d’un réseau de liens causaux (causal nets)3. Il s’agit de l’information concernant le degré d’association des événements (section du bas) et l’information concernant les indices de structure causale (section du haut).

3 Certains auteurs formalisent ces représentations mentales grâce à la méthode mathématique des réseaux

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Figure 2. Architecture cognitive sous-jacente au modèle de révision des croyances (Belief

Revision Model, BRM), d'après Maldonado et al. (2007).

Stimuli entrants

Mécanisme de détection

Fréquence des conjonctions Premier Niveau

Mécanisme de calcul

Nouvelles Données = W1a + W2b + W3c + W4d

a + b + c + d

Deuxième Niveau

Mécanisme d’intégration de l’information

Jn = Jn-k + b(Nouvelles Données – Jn-k)

Troisième Niveau

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Figure 3. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales & Catena (2006).

Les parties inférieures et supérieures représentent l’entrée d’information pour le processus du raisonnement causal. La partie du milieu représente les produits aléatoires (représentations) de ces processus. Les flèches représentent la transformation et la modulation de l’information.

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13 Aux niveaux inférieurs du modèle, une personne doit d’abord sélectionner les évènements dans l’environnement selon ses attentes conditionnées (conditioned

expectancies), puis se représenter la fréquence de ces évènements sous une forme

permettant le calcul du degré d’association (conjonction A, B, C et D). Ces étapes de traitement de l’information, correspondant aux deux boîtes inférieures du modèle, obéiraient probablement à un mécanisme d’apprentissage associatif, le traitement de l’information étant guidé par les stimuli de l’environnement (processus ascendant4) (Perales & Catena, 2006, p.310).

Suite à ces stades, on peut déduire que le traitement de l’information sera influencé par des processus descendants5, tels que les biais attentionnels, mnésiques et cognitifs : par exemple, une personne peut se souvenir plus facilement des premiers évènements observés (Dennis & Anh, 2001; Marsh & Ahn, 2006) ou des derniers évènements observés (Lopez, Shanks, Almaraz, & Fernandez, 1998). Également, l’information concernant la fréquence de chaque conjonction sera ensuite filtrée par les connaissances a priori de la personne, qui sélectionnera l’information jugée pertinente selon le contexte (Perales & Catena, 2006). La proposition de cette étape de raisonnement trouve également écho chez plusieurs auteurs en psychologie, qui ont proposé qu’une personne aborde un problème avec une hypothèse qui guide la recherche et la sélection de l’information nécessaire pour y répondre (cf. Ahn & Kalish, 2000; Fugelsang et al., 2004; Popper, 1963). L’information sélectionnée sera ensuite utilisée dans le calcul du degré d’association. C’est d’ailleurs la description de ce mécanisme de calcul, représentant le deuxième niveau du modèle de Maldonado et al. (2007), qui a retenu l’attention de la plupart des chercheurs. Ces derniers ont ainsi proposé des modèles computationnels permettant de prédire les réponses offertes par les participants dans une tâche de raisonnement causal (voir Hattori & Oaksford, 2007, pour une revue des algorithmes proposés).

Le calcul du degré d’association n’est cependant pas la fin du processus de raisonnement causal. La personne qui raisonne doit encore déterminer si ce degré

4 Bottom-up. 5 Top-down.

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d’association est significatif, puis s’il est causal ou non, pour enfin l’intégrer dans sa représentation mentale du lien causal évalué, ou autrement dit avec ses connaissances et croyances a priori (troisième niveau du modèle de Maldonado et al., 2007). Selon Perales et Catena (2006), pour qu’un lien d’association soit aussi perçu comme un lien causal, il doit être combiné avec l’information concernant l’ordre et la contiguïté temporelle, ainsi qu’avec les connaissances et croyances causales a priori (section supérieure du modèle), qui sont des indicateurs de structure causale. De plus, pour des raisons illustratives, la représentation d’un lien causal spécifique entre deux éléments (causal beliefs) a été séparée des connaissances sur les catégories et les mécanismes causaux (à droite), c'est-à-dire nos connaissances générales concernant la plausibilité que certains types de causes entrainent certains effets. Par exemple, nous savons qu’une roche peut briser une fenêtre, tout comme le fera n’importe quel autre objet dur dans les mêmes conditions avec les mêmes règles. L’évaluation d’un lien causal spécifique et les connaissances sur les catégories et mécanismes causaux partageraient une même base de représentation, mais à des niveaux d’abstraction différents. Toutefois, les distinguer de façon graphique permet d’illustrer, à l’aide d’une flèche bidirectionnelle, que les connaissances sur les catégories causales influencent l’évaluation d’un lien causal spécifique effectuée à partir de l’information provenant de l’environnement. De façon réciproque, l’acquisition d’informations nouvelles permet de raffiner nos connaissances sur les catégories et mécanismes causaux. Enfin, les auteurs notent, sans détailler, que les connaissances causales peuvent moduler l’utilisation de l’ordre et la contiguïté temporelle comme indice de causalité.

Bref, le raisonnement causal implique un grand nombre de facteurs qui peuvent s’articuler de façon complexe en une structure hiérarchique. Le modèle de Perales et Catena (2006) ne se veut pas une revue exhaustive de la littérature sur chacun de ces facteurs, mais il permet de placer les grands champs de recherche les uns par rapport aux autres et d’articuler les liens entre eux. Notamment, il permet de réunir dans un même modèle, à des niveaux distincts, des processus de traitement de l’information d’ordre ascendant (bottom-up, guidés par les l’information de l’environnement) et descendant

(top-down, guidés par les représentations mentales ou les croyances a priori). Malheureusement,

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15 causale qui sont utilisées par les personnes qui raisonnent (section supérieure du modèle), ils mentionnent aussi que certaines parties du modèle ne sont pas détaillées. De plus, ils ajoutent que l'on en connait très peu sur l'interaction entre ces facteurs ou sur ceux qui ont préséance lorsqu’ils ne pointent pas dans la même direction. La présente thèse a donc pour objectif de préciser le rôle et l’interaction entre deux facteurs présents dans la section supérieure de leur architecture cognitive, c'est-à-dire les croyances a priori et la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Nous verrons, dans la prochaine section, de quelle façon cette recherche permettra de détailler cette partie peu définie du modèle de Perales et Catena.

Une interaction peu étudiée : les connaissances a priori et la contiguïté temporelle Tel que décrit dans la section précédente, selon le modèle de Perales et Catena (2006), l’information quant à la contiguïté temporelle sert principalement d’indice de structure causale. Cet indice peut être modulé par les connaissances ou croyances a priori, bien que les auteurs ne précisent pas exactement de quelle façon. De plus, les croyances a priori peuvent aussi opérer à un niveau plus précoce dans le processus, soit au niveau de la transformation de la fréquence des conjonctions en estimation du degré d’association (flèche grise se terminant entre la 2e et la 3e boîte inférieure du modèle) : on peut ainsi supposer qu’elles vont encadrer la recherche et la sélection de l’information pertinente au calcul de la force causale de la relation (voir Ahn & Kalish, 2000; Fugelsang et al., 2004; Perales & Catena, 2006). Enfin, l’influence des croyances a priori peut opérer à un troisième niveau de processus, soit au niveau de leur intégration avec l’estimation du degré d’association. D’ailleurs, plusieurs auteurs partagent l’avis qu’il existe un processus de révision de la force causale perçue par les participants en fonction de leurs croyances a priori quant au mécanisme en jeu (Catena et al., 2008; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2003; Perales, Catena, Maldonado, & Cándido, 2007).

Toutefois, bien qu’il dresse un portrait global du rôle de la contiguïté temporelle et des croyances a priori, le modèle de Perales et Catena (2006) ne permet pas d'émettre de prédictions précises concernant la force causale perçue par les gens lors de situations précises d’évaluation d’un lien causal. Par exemple, le modèle ne mentionne pas comment

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l’information quant à la contiguïté temporelle sera traitée selon qu’une personne observe des délais contigus (courts) ou non contigus (longs) entre les évènements à évaluer. Le modèle ne mentionne pas non plus comment les croyances a priori vont modifier l’utilisation et l’interprétation de cette information. Pour répondre à cette question et tenter de détailler cette partie du modèle, la présente thèse peut cependant s’appuyer sur une littérature qui s’est spécifiquement intéressée au rôle de la contiguïté temporelle dans le raisonnement causal.

La plupart des travaux de recherche empirique ont étudié le rôle de la contiguïté temporelle dans le raisonnement causal en ayant recours à une méthodologie qui consiste à présenter aux participants une série d’évènements successifs concernant la cause et l’effet (série de conjonctions A, B, C et D) défilant un à la fois. À partir de leurs observations de l’ensemble des conjonctions, les participants doivent alors se prononcer sur la force causale liant la cause potentielle et l’effet qu’ils perçoivent. Dans un tel contexte, la contiguïté temporelle joue un rôle important dans le processus d’attribution d’une force causale à une relation, car au-delà d’un certain délai raisonnable entre les deux évènements, il devient difficile de les relier (Shanks & Dickinson, 1987; Shanks, Pearson, & Dickinson, 1989) et le nombre de variables alternatives qui peuvent intervenir augmente (Buehner & McGregor, 2009). Plusieurs travaux récents ont d'ailleurs observé que la force causale d’une relation diminue lorsque la contiguïté temporelle des évènements diminue (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Michotte, 1954; Shanks et al., 1989), suggérant ainsi qu'une forte contiguïté temporelle est nécessaire pour qu'une personne perçoive un lien causal. Cependant, il semble que les gens peuvent aussi concevoir des relations causales qui impliquent un très long délai entre la cause et l’effet, par exemple dans le cas de l’acte de reproduction et la naissance d’un bébé (Einhorn & Hogarth, 1986). Ce dernier constat a ainsi mené les chercheurs à modifier leurs propositions théoriques concernant le rôle de la contiguïté temporelle dans le raisonnement causal.

Pour ce faire, plusieurs auteurs ont eu recours à la tradition kantienne, qui postule que les gens considèrent qu’une relation causale implique un mécanisme de transmission liant la cause et l'effet (p. ex. Ahn & Kalish, 2000; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn &

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17 Hogarth, 1986; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado et al., 2007; Perales & Catena, 2006). Ainsi, les croyances des gens concernant les propriétés du mécanisme d’action en jeu vont déterminer le délai qu’ils peuvent s’attendre d’observer entre les évènements (Buehner & May, 2002, 2004; Einhorn & Hogarth, 1986; Hagmayer & Waldmann, 2002; Shultz, 1982). La présence d’une relation causale devrait donc se refléter par un délai approprié entre la cause et l’apparition de l’effet. Par exemple, tomber au sol devrait causer immédiatement une douleur au dos, alors qu'un effort physique soutenu devraient causer des douleurs au dos après quelques heures, voire une journée. Ces auteurs supposent donc que les connaissances et croyances a priori d’une personne devraient moduler l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle dans l’évaluation d’un lien causal donné.

Afin de valider empiriquement cette hypothèse, Buehner et McGregor (2006) ont voulu tester systématiquement toutes les situations d’interaction possibles entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données à évaluer. Pour ce faire, ils ont résumé l’ensemble des situations qu’une personne peut possiblement rencontrer à leur forme la plus simple, soit quatre situations que l’on retrouve dans le Tableau 1 ci-dessous. Selon ce tableau, l’ensemble des délais qu’une personne peut constater entre deux évènements peut être résumé à un délai contigu (immédiat, court) ou non contigu (différé, long)6. De la même façon, les attentes d’une personne peuvent être résumées à une attente d'un délai contigu ou non contigu entre les évènements, dépendamment de ses croyances. Il en résulte donc des situations où le délai constaté peut concorder ou non avec celui attendu. Buehner et McGregor proposent alors que le degré d’association entre deux évènements sera perçu comme un indicateur de relation causale par une personne uniquement lorsque le délai observé entre ces évènements concorde avec le délai qu’elle s’attend d'observer pour ce contexte, [car cette situation reflète la présence du mécanisme d’action causale]7.

6 Il existe évidemment un continuum de temps entre un délai « contigu » et un délai « non contigu », et ce qui

constitue un délai contigu ou non dépend hautement du contexte. Il s’agit ici de résumer expérimentalement l’ensemble des possibles.

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Cependant, la formulation actuelle de la proposition de Buehner et McGregor (2006) pose problème; elle suggère que les gens conçoivent la contiguïté temporelle comme un indice de causalité déterministe (présence ou non d’un lien causal entre des évènements si le délai observé et le délai attendu concordent), alors qu’ils évaluent un jugement de causalité dans un contexte probabiliste auprès de leurs participants (force causale perçue entre des évènements associés statistiquement). Par exemple, ils affirment que des valeurs « élevées » de force causale, telles qu’obtenues dans des études antérieures (Buehner & May, 2002, 2003, 2004), indiquent que les gens ont perçu une relation causale entre des évènements associés statistiquement. Toutefois, ils ne précisent pas à partir de quelle valeur la cote de force causale donnée par un participant (sur une échelle de type Likert) indique qu’il perçoit un lien de causalité.

Tableau 1.

Combinaisons possibles entre la durée du délais attendue et la durée du délai observée entre les évènements.

Durée du délai observée entre les évènements Durée du délai

suggérée Contigu (court) Non contigu (long)

Contigu (court)

Concordant (relation causale perçue

ou

force causale élevée)

Non concordant (relation causale non perçue

ou

force causale faible)

Non contigu (long)

Non concordant (relation causale non perçue

ou

force causale faible)

Concordant (relation causale perçue

ou

force causale élevée)

De plus, leur proposition ne permet pas de décrire l’influence potentielle du degré de contiguïté temporelle des évènements (délai contigu ou non) sur la force causale perçue par une personne, car elle limite son rôle à celui d’indicateur de structure causale. Afin de représenter plus adéquatement le rôle de la contiguïté temporelle dans un contexte de

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19 causalité probabiliste, la proposition de Buehner et McGregor (2006) doit donc être reformulée en termes quantitatifs.

En conséquence, le présent auteur suggère que les croyances a priori des gens vont encadrer l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle, de façon à ce que l’information présentant un délai qui concorde aux croyances a priori augmente la probabilité perçue que la cause potentielle provoque l’effet observé. À l’opposé, l’information présentant un délai qui ne concorde pas aux croyances a priori devrait diminuer cette probabilité perçue, voire ne pas l’influencer. En termes probabilistes, on peut alors affirmer que l’information qui concorde aux croyances a priori devrait augmenter la force causale perçue pour la relation, alors que l’information qui ne concorde pas devrait diminuer la force causale perçue. Conséquemment, plutôt que de prédire qu’une relation

causale sera perçue lorsque le délai observé correspond au délai attendu, on peut prédire que la force causale perçue par une personne devrait être plus élevée lorsque le délai

observé entre la cause et l’effet correspond au délai attendu selon ses croyances, comparativement aux situations où les délais observés et attendus ne correspondent pas (Tableau 1 ci-dessus). Par exemple, si une personne appuie sur un interrupteur et observe que cela active aussitôt les lumières de la pièce, elle percevra une force causale élevée entre les évènements, car elle s’attend à un effet immédiat. Par contre, si la pièce s'illumine plusieurs minutes plus tard, elle percevra une force causale plus faible pour son action sur l'interrupteur et elle sera plutôt tentée de chercher une cause alternative, par exemple un deuxième interrupteur activé par une autre personne (voir Einhorn & Hogarth, 1986). On peut aussi appliquer cette prédiction à des évènements séparés par un délai plus long lorsque la personne s’attend à un tel délai; si un homme souffre d'indigestion, il percevra une force causale élevée avec la nourriture ingérée il y a quelques heures, mais une force causale plus faible pour la nourriture qu'il vient tout juste de consommer.

Afin de tester cette prédiction, on peut retracer plusieurs études qui se sont intéressées à l’effet d'interaction entre la contiguïté temporelle des évènements et les croyances a priori sur l’évaluation de la force causale d’une relation (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann,

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2002). Pour la plupart d’entre elles, les participants devaient évaluer la force causale d’une relation à partir de leurs observations d’un ensemble d’évènements qui défilaient successivement et qui étaient séparés par des délais variables. De plus, ces études manipulaient expérimentalement les attentes des participants en leur dévoilant, au début de l’expérience, les propriétés ou le mécanisme en jeu dans la relation (Buehner & May, 2002, expérience 1 et 2; Buehner & McGregor, 2006), le délai explicitement attendu entre la cause et son effet, (Buehner & May, 2003, 2004) ou encore ces deux types d’informations (Allan et al., 2003, expérience 2; Buehner & May, 2002, expérience 3). D’une part, ces études confirment en partie la prédiction formulée en termes quantitatifs émise dans le paragraphe précédent. En effet, il a fréquemment été observé que, lorsque l’on suggère a priori un délai court entre la cause et l’effet, les ensembles de données présentant un délai court entre les évènements reçoivent des cotes de force causale plus élevées que celles obtenues avec des ensembles de données présentant un délai long (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004), alors que l’inverse est observé lorsque l’on suggère un délai long a priori (Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006). De plus, des études montrent que les ensembles de données présentant un délai court entre les évènements reçoivent des cotes de force causale plus élevées lorsque l’on suggère a priori un délai court entre la cause et l’effet que lorsque l’on suggère un délai long (Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006), alors que le phénomène inverse se produit pour des ensembles de données présentant un délai long (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004).

D’autre part, ces mêmes études n’appuient toutefois pas systématiquement la prédiction formulée ci-dessus. Ainsi, on observe souvent que, lorsque l’on suggère un délai long entre la cause et l’effet, des ensembles de données présentant un délai long entre les évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, voire moins élevées, que des ensembles de données présentant un délai court (Buehner & May, 2002, 2003, 2004). Dans le même ordre d’idée, certaines études rapportent que les données présentant un délai court entre les évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, peu importe la suggestion a priori (délai court ou long) (Buehner & May, 2002, 2003, 2004). Une étude (Buehner & McGregor, 2006) constate même que la suggestion d’un délai court entre la cause et l’effet n’entraîne pas de différence entre les cotes de force causale fournies pour

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21 des ensembles de données présentant un délai court ou long entre les évènements. Enfin, les résultats de l’étude de Buehner et McGregor (2006) indiquent que des ensembles de données présentant un délai long entre les évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, peu importe la suggestion a priori (délai court ou long).

Bref, bien que la suggestion d’un délai semble toujours influencer la force causale perçue pour des ensembles de données présentant un délai quelconque, il semble difficile de prédire systématiquement comment cette influence se traduira sur l’évaluation de la force causale des participants. En fait, plusieurs études montrent une baisse de la force causale perçue lorsque le délai entre les événements augmente (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Shanks et al., 1989), suggérant un biais en faveur d’une contiguïté temporelle forte (Buehner & McGregor, 2006). Toutefois, tout comme Buehner et ses collaborateurs, le présent auteur suggère que des artéfacts créés par la méthodologie de ces études ont pu engendrer la divergence entre les différents résultats obtenus et la proposition théorique testée. Premièrement, la nature et les propriétés des outils méthodologiques utilisés dans ces études ont pu suggérer aux participants qu’un délai court entre la cause et l’effet était plausible, en dépit des instructions présentées a priori (Buehner & May, 2004, Buehner & McGregor, 2006). En effet, dans ces tâches (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; voir aussi Shanks et al., 1989), les données à évaluer étaient présentées par le biais d'un ordinateur : les participants devaient appuyer sur un bouton du clavier pour observer l’apparition ou non d’un effet à l’écran de l'ordinateur. Grâce à leur connaissance sur les ordinateurs et les systèmes électriques, les participants ont facilement pu présumer que l'ordinateur contrôlait la durée du délai entre la cause et l'effet et qu'il générait un effet immédiatement suite à leur action, et ce, même si le scénario expérimental suggère qu'un délai est attendu entre la cause et l'effet. Il est donc probable que le biais en faveur d’une forte contiguïté temporelle retrouvé dans ces études découle de la nature de la tâche utilisée et ne devrait donc pas se retrouver dans tous les contextes ( Buehner & May, 2004, Buehner & McGregor, 2006). D’ailleurs, lorsque la nature de la tâche à effectuer est différente, comme dans l’étude de Buehner et McGregor (le participant observe une boîte en bois dans laquelle une balle roule sur un interrupteur en fin de parcours, ce qui allume une lumière), on remarque que les participants évaluent correctement à la baisse la force

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causale perçue pour les situations où le délai observé entre la cause et l’effet est court alors que l’appareil suggère un délai long.

Deuxièmement, la majorité des études sur l’interaction entre les croyances a priori et le degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet présentent les données à évaluer aux participants sous un format essai par essai, qui consiste à présenter un ensemble d’évènements à observer défilant l'un à la suite de l’autre (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Dans ce format de présentation des données, la performance des participants qui évaluent la force causale d'une relation peut être influencée par la charge cognitive et mnésique exigée pour accomplir cette tâche (voir Lagnado et al., 2007; Waldmann & Walker, 2005). Buehner et McGregor soulignent d'ailleurs que la charge cognitive exigée pour réaliser ce type de tâche est élevée, car les participants doivent évaluer un lien de causalité probabiliste (la cause n’accompagne pas systématiquement l’effet) et pour lequel les évènements se succèdent en temps réel. Cela implique donc qu’ils doivent juger si les évènements sont apparus ensemble (présence conjointe de la cause et l’effet; conjonction A) ou de façon indépendante (présence de la cause sans l’effet ou présence de l’effet sans la cause; conjonction B et C). Devant un tel effort cognitif, il peut être plus difficile pour les participants de discriminer précisément l’information quant à la contiguïté temporelle et de l'interpréter en fonction de leurs croyances a priori : ils se référeront alors à l’indice le plus saillant et adopteront une heuristique simple, c'est-à-dire qu’une forte contiguïté temporelle indiquera la présence d’un lien causal (Buehner & May, 2003; Buehner & McGregor, 2006). En corollaire, il peut être plus facile pour les participants d'observer l’information concernant la contiguïté temporelle et de l’intégrer avec leurs croyances a priori dans un contexte plus simple, comme lorsque la relation causale à évaluer est déterministe et que la succession des évènements est bien définie (p. ex. Schlottmann, 1999). D’ailleurs, la seule étude (Allan et al., 2003) qui définit le début et la fin de chaque séquence d’évènements à observer obtient des résultats qui suggèrent que les participants ont interprété la contiguïté temporelle en fonction de leurs croyances a priori. La force causale perçue par les participants de cette étude est plus élevée lorsque le délai observé entre la cause et l’effet correspond au délai

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23 attendu selon la suggestion a priori, comparativement aux situations où les délais observés et attendus ne correspondent pas.

Enfin, bien que les tâches expérimentales des études de la littérature soient similaires, l’information dévoilée au début de l’expérience afin de manipuler les croyances a priori des participants est très variable d’une étude à l’autre. Certaines expériences présentent des scénarios qui dévoilent, de façon implicite ou explicite, le mécanisme liant la cause et l’effet (Buehner & May, 2002, expérience 1 et 2; Hagmayer & Waldmann, 2002, expérience 1), d’autres dévoilent la durée du délai attendue entre ceux-ci (Buehner & May, 2003, expérience 1 et 2; 2004; Hagmayer & Waldmann, 2002, expérience 2), alors que d’autres encore dévoilent ces deux informations (mécanisme + durée du délai attendue) (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, expérience 3; Buehner & McGregor, 2006). Ainsi, l'utilisation de différents types d’information pour induire une croyance (mécanisme,

durée du délai attendue ou mécanisme + durée du délai attendue) pourrait expliquer en

partie la variabilité retrouvée dans les résultats de la littérature concernant l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle (cf. Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). En effet, il est difficile de savoir si ces différents types d’information ont tous été aussi efficaces pour influencer le jugement des gens, ce qui complique notre interprétation du rôle de ce facteur pour expliquer les résultats obtenus.

En somme, au regard de la littérature, il existe de nombreux résultats qui confirment partiellement la proposition théorique émise dans cette thèse et inspirée de la littérature (notamment Buehner & McGregor, 2006), postulant que la force causale perçue pour une relation dépend de la concordance du délai observé dans les données avec le délai attendu par les gens (voir p.19). Toutefois, les résultats obtenus dans la littérature ne concordent pas systématiquement avec les prédictions découlant de cette proposition. Afin d'obtenir des résultats qui confirmeraient la validité de cette proposition théorique, il est probablement nécessaire de recourir à une méthodologie qui ne présente pas les mêmes limites que les études précédemment mentionnées.

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Originalités et Objectifs de la thèse

Jusqu’ici, les deux courants de pensée qui ont guidé l’élaboration des modèles explicatifs du raisonnement causal ont été présentés; l’un centré sur l’association entre les évènements, l’autre sur les représentations mentales des gens. Les modèles qui en ont découlé, tels que celui de Perales et Catena (2006), sont encore en développement et la description de certaines parties de ceux-ci est incomplète ou encore peu détaillée. C'est le cas, notamment, de l’interaction entre les croyances a priori des gens et la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Afin de pallier ce manque dans la description des modèles, la présente thèse propose de s’appuyer sur une littérature spécifique à ces facteurs, qui offre des propositions théoriques intéressantes, mais dont les prédictions n’ont malheureusement pas pu être confirmées empiriquement. En effet, aucune étude n'a pu démontrer systématiquement que les gens perçoivent des liens de causalité plus forts lorsque le délai observé entre des évènements concorde avec le délai attendu entre ceux-ci. Les résultats divergents obtenus jusqu'à maintenant s'expliquent probablement par des artéfacts méthodologiques découlant de la tâche employée dans les études antérieures. Nous avons d'ailleurs identifié certains de ces artéfacts, soit la nature de la tâche qui suggère qu'un délai contigu peut être attendu (Buehner & May, 2004), la charge cognitive élevée requise pour réaliser la tâche (Buehner & McGregor, 2006), ainsi que l'utilisation de différents types d'information afin d'induire une attente d'un délai chez les participants.

L’objectif général de cette thèse est conséquemment de préciser une partie peu détaillée du modèle de Perales et Catena (2006), soit celle concernant le rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Le défi consiste à tester systématiquement l’interaction entre ces facteurs, mais en utilisant une méthodologie nouvelle, dont la nature et les propriétés ne sont pas sujettes aux mêmes limites que celles de la littérature existante. Pour ce faire, nous étudierons le jugement des gens dans une tâche de raisonnement causal probabiliste qui exige une charge cognitive moins élevée que celles des études antérieures. De plus, l’impact de différents types d’information (mécanisme, durée du délai attendue ou mécanisme + durée du délai attendue) pouvant être présentés a priori afin de suggérer une croyance sera comparé méthodiquement, ce qui n’a encore jamais été fait.

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25 D’abord, afin de diminuer la charge cognitive des participants, plusieurs arguments justifient l’utilisation d’un format de présentation des données alternatif au format essai par essai, qui est généralement choisi parce qu’il est jugé plus écologique : ce format représente bien comment le participant découvre intuitivement une relation de causalité à partir de stimuli observés en temps réel (Griffiths & Tenenbaum, 2005). Toutefois, il est aussi possible de rendre disponible d’un coup l’ensemble des informations à évaluer aux participants sous forme de phrases, de liste détaillée, ou de tableaux synthèses. La littérature suggère que ces formats alternatifs de présentation des données pourraient solliciter des processus cognitifs différents de la méthode essai par essai et être moins exigeants cognitivement pour les participants.

Premièrement, la présentation des données essai par essai requiert que les participants observent, encodent, mémorisent et rappellent l'information afin de l'analyser et de produire un jugement concernant la force causale entre les évènements. On observera alors que les participants sont parfois plus influencés par les premières données observées (Dennis & Anh, 2001; Marsh & Ahn, 2006) ou par les dernières données observées (Lopez, Shanks, Almaraz, & Fernandez, 1998). À l'inverse, la présentation simultanée des informations à évaluer illustre clairement l'ensemble des données et réduit la demande en termes d'effort mnésique de la part des participants, car ils ont toute l’information disponible devant eux (Holyoak & Cheng, 2011). Ceci réduit donc les possibles biais reliés à la mémoire et à l’attention (p. ex. effet de récence ou de primauté).

Deuxièmement, cette méthode facilite la manipulation du degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet (Greville & Buehner, 2007). En effet, l’information fournie sous forme de tableaux délimite clairement chaque conjonction et combien de temps s’est écoulé entre la cause et l’effet (s’il y en a un) pour cette conjonction. Au contraire, lors d'une présentation successive des évènements en temps réel, le participant doit juger si un effet est survenu suite à une cause contiguë, une cause différée, ou simplement une cause indépendante de celle qui a été évaluée. La perception du participant risque donc de modifier le type de conjonction observé et, en corollaire, le degré d’association perçu entre cet effet et la cause potentielle (voir la Figure 4, p. 30, pour une

Figure

Figure  1.  Exemple  de  modèle  graphique  causal  représentant  des  liens  génératifs  (lignes  pleines)  et  préventifs  (lignes  pointillées)  entre  diverses  variables  reliées  au  domaine de savoir médical
Figure 3.   Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales & Catena (2006)
Figure 4.  Influence des attentes quant au temps sur l’association d’une série d’évènements  en  conjonctions
Figure  5.  Schéma  représentant  l’organisation  du  cahier  expérimental  présenté  aux  participants (les chiffres représentent les matrices à évaluer)
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Références

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