chroniques et comptes rendus
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calcul, les extraits du livre iii ne comptent que 1062 mots, et il suffit de feuilleter les pages 276-306 pour constater que le rapport entre original et florilège ne peut y être de 50 %.François dolbeau
Visio anselli. Il racconto di Ansello Scolastico e dell’Anonimo sulla visione infernale
di Oddone di Auxerre, a cura di R. Gamberini, Firenze, 2008, CiX-78 p. (Per verba.
testi mediolatini con traduzione, 23).
dans sa Cronaca degli avvenimenti italiani (p. 307-308), alberto Bartola a déjà très bien résumé le contenu de ce livre. La Visio Anselli est la relation – par un écolâtre appelé anseau – d’une vision infernale survenue à Reims durant la première moitié du xie siècle. Le dossier comporte : d’une part, un récit en prose et un poème rythmique en octo syllabes, plus une lettre d’anseau à son commanditaire, un abbé odon, transmise avec les deux versions ; d’autre part, une narration parallèle, et parfois contradictoire, de Raoul Glaber. de façon fort utile, Roberto Gamberini réédite ces quatre pièces et en propose un nouveau classement. La plupart des médiévistes considéraient la version en prose, depuis sa découverte en 1969, comme antérieure au récit versifié ; après avoir dressé un excellent état de la question, Gamberini redonne ici la première place, avec une argumentation irréfutable, au poème rythmique. il montre en effet que la lettre d’anseau annonce un rithmus et que la version en prose conserve çà et là des traces d’octosyllabes.
À l’intérieur de ce dossier compliqué, Gamberini laisse ouvert un problème, qu’il juge insoluble. dans sa Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova, parue en 1739, Bernard de montfaucon a cité la rubrique d’un manuscrit de Saint-allyre de Cler-mont : Visio cujusdam Monachi in Monasterio S. Remigii descripta ab Ansello
Disci-pulo S. Abbonis abb. Floracensis jussu Odonis abbatis. « il codice di Clermont infatti
è perduto, non sapremo mai dunque se l’informazione fornita da montfaucon proviene direttamente dal manoscritto o se è stata elaborata dal catalogatore servendosi di altri documenti… non ci sono possibilità di verifica neppure sulla sua eventuale forma-zione [di ansello] a Fleury comme allievo di abbone » (p. Xii et XV). il est périlleux d’employer l’adverbe ‘jamais’ dans un propos scientifique. Certes, le manuscrit semble perdu, mais les archives mauristes préservent des informations à son sujet. dans une lettre datée du 5 juillet 1676, dom Claude estiennot écrivait ceci à mabillon : « Voicy ce qui m’a paru remarquable dans les manuscrits de l’abbaye de St alyre… Epistola
fratris Odonis abbatis ad fratrem Ansellum ad quem mittit historiam de sacro oleo quo unctus est Clodouaeus [allusion aux vers 30-43 du poème] ut eam rithmice describat. Notanda quaedam habet epistola quam sequitur epistola Anselli scholastici responsio »
(Paris, BnF, français 19644, f. 6 et 7). Le recueil perdu contenait donc deux lettres, l’une où odon passait commande à anseau d’un poème rythmique, l’autre qui était la réponse d’anseau éditée par Gamberini. Par conséquent, le renseignement original que livre la rubrique de Saint-allyre, à savoir le fait qu’anseau avait été l’élève d’abbon de Fleury, devait être tiré de la lettre inconnue d’odon.
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françois dolbeau
Les archives mauristes sont d’une richesse inépuisable. de l’Epistola fratris Odonis
abbatis ad fratrem Ansellum, je n’ai pas trouvé de transcription provenant de
Saint-allyre, mais j’en ai découvert une autre copie, extraite d’un manuscrit, lui aussi égaré, de Villeneuve-lès-avignon (Paris, BnF, lat. 12771, p. 134, a. 1679). il s’agit d’un billet assez court, qui commence par les mots : « Frater odo abbas gratiae dei dono sincera charitate sibi diligendo fratri ansello salutem. Superiori in loco obtemperantes… ». J’en donnerai bientôt l’édition commentée dans les Comptes rendus des séances de l’académie des inscriptions et Belles-Lettres. Qu’il me suffise ici de signaler que cette lettre, jusqu’ici ignorée des historiens, confirme la relation d’anseau avec abbon de Fleury : « … quoniam te constat ad genua beatissimae memoriae abbonis communis patris Bene-dicti educatum literis, qui gladio truculentorum Wasconum sanguinis effusione martirio coronari meruit… ». de plus, elle révèle qu’odon avait été l’élève d’anseau, et ruine la théorie – imaginée à date récente et reprise par les derniers mots du sous-titre de Gamberini – selon laquelle le visionnaire n’était autre que le commanditaire. odon en effet s’y exprime ainsi : « Quidam frater et monachus mihi, in tuae praesentiae auditu, noue scilicet et mirande uisionem – rem miram ! – retulit narrando… ». Le visionnaire était donc bien un moine anonyme, comme on le croyait jadis, qui, au retour d’un pèleri-nage à Reims, avait relaté sa vision en présence des deux hommes.
La lettre d’odon fait allusion à Horace et Grégoire le Grand et témoigne d’un certain niveau culturel. Certains termes en sont repris dans la réponse de son maître, qui se révèle subtile et plus sophistiquée que ne le donne à penser l’édition de Gamberini (p. 4-5). en effet, l’incipit d’anseau est une sentence d’Hégésippe, reprise par défenseur de Ligugé,
Liber scintillarum 58, 63 : « Paucis praesse natura dedit, pluribus obtemperare ». Son
explicit est tiré de la préface du De arithmetica de Boèce : « non maiori censebitur auctor merito quam probator ». et deux tournures proverbiales sont exploitées dans le corps du texte : « Sciens et prudens, in flammam misi manum », « quod factum est non potest esse infectum » (cf. august otto, Die Sprichwörter und sprichwörtlichen Redensarten der
Römer, Leipzig, 1890, p. 138 no 671 et p. 129 no 627). Qu’une lettre quelconque soit tissée d’allusions intertextuelles n’a rien de surprenant. Pascale Bourgain vient justement de rappeler qu’un tel procédé était habituel chez abbon de Fleury (Abbon, un abbé de
l’an mil, turnhout, 2008, p. 390) et qu’il est attesté durablement au moyen Âge. mais
la lettre d’un auteur à son commanditaire est une occasion toute spéciale de déployer son talent. Cette réalité devrait être mieux prise en compte par les éditeurs, lorsqu’ils en recherchent les sources à partir des banques de données textuelles.
François dolbeau
Isidore de Séville. Étymologies, livre III, De mathematica, texte établi par † Giovanni
Gasparotto avec la collaboration de Jean-Yves Guillaumin, traduit et commenté par Jean-Yves Guillaumin, Paris, Les Belles Lettres, 2009 (auteurs latins du moyen Âge), 193 p.
après les livres ii, iX, Xii, Xiii, XVii, XViii et XiX, la nouvelle édition des
Étymo-logies d’isidore de Séville, publiée par la collection « auteurs latins du moyen Âge » et