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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Introduction des XlXesJournées : Une nouvelle citoyenneté comme enjeu

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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André GIORDAN L.D.E.S., Université de Genève

Président des J.I.E.S.

UNE NOUVELLE CITOYENNETÉ COMME ENJEU

Dans le thème de celle année, "Sciences, technologies et citoyenneté", un mot va nous poser problème, celui de citoyenneté. Comme tous les motsà la mode, il est devenu un mot "valise". Les dictionnaires ne nous sont guère d'un grand secours. Ils nous renvoient à "citoyen" qui nous renvoie à "cité". Et tous s'arrangent aussitôt pour noter que l'on peut être "citoyen du monde"!

Je ne pense pas qu'il faille engager d'entrée une bataille d'expens sur les diverses connotations de ce tenne. En effet, les priorités de ce colloque doivent être, d'une part, de sonir la science de sa citadelle et, d'autre pan, de favoriser au maximum les liens eties débats entre les individus. Vue l'acuité des problèmes, restons pragmatiques et prenons comme point de départ les défis auxquels notre société est confrontée. Le sujet est vaste et permettra un glissement du "local au global" pour reprendre une autre expression d'actualité. De plus, ces défis sont multiples et, pour la plupan, les sciences et les techniques y sont fortement impliquées ou ont en tous cas leur part de responsabilité.

Premièrement, il yale défi socio-économique avec son cortège de chômage, de fractures sociales et d'exclusions. Son origine està chercher dans les transformations excessivement rapides des modes de production, engendrées par l'expansion des savoirs scientifiques et techniques et leur relation de plus en plus étroite avec l'économie.Lamondialisation de cette dernière, favorisée par les débauches télématiques, l'a encore accentué.

Deuxièmement, on trouve les défis environnementaux, conséquence des révolutions industrielles successives. Nos rejets, nos processus d'exploitation, de consommation vont au delà des capacités autorégulatrices des écosystèmes, et même de la biosphère.

Troisièmement, on rencontreà nouveau sur notre route ceux que nous pensions avoir dépassé: les défis épidémiologiques. Nous nous trouvons face à une kyrielle de nouvelles maladies, dont certaines comme le cancerdû à l'utilisation de l'amiante, l'hormone de croissance ou la "vache folle" ont été engendrées par des technologies insuffisamment maîtrisées. Si les avancées diagnostiques nous permettent de les déceler, la médecine est encore aujourd'hui incapable d'y remédier.

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Last but notleast, nous abordons enfin les défis éthiques; nous savons manipuler les espèces, nous développons des autoroutes de l'information, nous nous apprêtons à nous cloner nous-mêmes, sans même en imaginer les conséquences, sans nous interroger au préalable sur l'intérêt de le faire.

Ces défis nous poussentàen affronter un plus grave encore, celui de notre sentiment d'impuissance. Pounant. et ceci peut paraître paradoxal, une prise de conscience nous oblige à jeter un regard différent sur notre propre environnement socio-culturel. Car nous nous rendons compte que si nos sociétés continuent àse développer de la façon dont elles le font actuellement, elles risquent d'imploser, et l'humanité peut finir par se détruire.

Ce genre de paradoxes, la physique quantique nous a apprisàles gérer. La plupart des repères que l'humanité s'était forgée depuis la Renaissance ont été balayés ou sont en passe de l'être. La logique classique, la causalité linéaire, le déterminisme strict s'avèrent incomplets. Les notions d'espace. d'énergie, de temps, de matière, etc... ont été remises en question au cours du siècle. L'énergie peut devenir de la matière. le temps peut se contracter, l'espace est courbe, la vitesse est relative, l'électron devient une onde ou une panicule selon l'observateur, le chaos peut être organisateur, l'univers n'est pas permanent. Nous ne sommes même pas "nés tous nus dans une prairie" comme dirait mon collègue Gonzalez. Nous ne sommes que l'un des produits d'une histoire, celle de l'univers; mais d'un "univers qui n'a pas d'adresse" et dont nous ne sommes même pas le centre!

Après autant de douches froides, rien d'étonnant que nous soyons un peu désarmés, sans repère et sans projet fondateur,àla remorque du seul élément qui semble tenir la route: l'économie de marché. Notre défi culturel pour le siècle à venir est ainsi tout tracé.

Parmi toutes les questions que nous aurons à traiter durant ces journées, deux me semblent prépondérantes. L'une concerne les mécanismes de régulation à introduire dans nos sociétés. Différents scénarios sontà discuter, sur la place et sur les interactionsàétablir entre citoyens, politiques, scientifiques, enseignants et médiateurs. On ne peut plus laisser le marché décider seul, sans anticipation. La tendance actuelle qui consiste àfaire appel àdes experts ou à des Comités d'éthique ou de veille technologique - parce que les politiques sont tout autant dépassés que les citoyens - entraîne de graves problèmes de contrôle démocratique des choix, sans qu'on y gagne toujours en compétence. De même, le référendum seul n'est pas une panacée à court terme, vu l'indigence de la culture sciemifiqueàla base.

Quelques tentatives existent de par le monde, comme les conférences de consensus au Danemark. D'autres structures sontàenvisager; je suggère, dans l'article deSlalom(Journal des Journées, Slalom. 1997, /, Extrait en annexe), des Assises de citoyens fonctionnant comme une Cours d'Assises sur les questions d'innovation technologique. Les experts seraient appelés à débattre àla barre publiq uemen t. Des élUdes d'impact comme il en existe, avec plus ou moins de succès en environnement, pourraient être commandées. Mais en dernier ressort, après un certain délai, un collège de citoyens tirés au sort trancherait. Bien sûr de telles structures sont à intégrer dans un processus plus complet d'aime, de contrôle et de médiation.

L'autre question est complémentaire. Elle concerne les valeurs impliquées et les représentations du monde pour vivre autrement qu'en aveugle face aux défis d'aujourd'hui. Sur ce second plan,

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l'éducation, la médiation scientifique et technique ont une grande responsabilité dans l'élaboration de notre vision du monde, de notre imaginaire. Une civilisation ne fonctionne que par rapportàce qu'elle croit et aux principes d'action qu'elle se donne. Par ailleurs, une démocratie dans son vrai sens du terme exige que ses citoyens aient accèsàun certain niveau de savoir. Faceàla complexité des questionsàtraiter, cette pétition de principe, énoncée par les premiers démocrates s'impose de façon encore plus pertinente aujourd'hui.

Or, toutes les évaluations le montrent clairement, rien en matière de culture scientifique et technique n'est acquis. En effet, d'un côté, les sciences et les techniques sont encore "le parent pauvre" de l'école. Sauf événement spectaculaire, elles sont absentes des médias non spécialisés ou alors, leur traitement est la plupart du temps outrageusement simplificateur ou romantique. Leur place a même régressé ces deux dernières décennies au profit d'irrationalités en tout genre. De ce fait, la société n'a pas encore pris conscience de leur importance dans les mutations actuelles. D'un autre côté,le savoir scientifique enseigné est jugé trop inintelligible, trop ésotérique pour que les citoyens le comprennent. Trop déconnecté des préoccupations quotidiennes, ils le trouvent même ennuyeux, pour ne pas dire imbuvable, et nombre d'entre eux s'en éloignent. De plus, la pensée compartimentée que produit l'école et l'université est inapteàsituer les problèmes dans leur contexte.

L'accès au savoir reste ainsi l'un des enjeux majeurs de ces prochaines années. Mais pas n'importe quel savoir, ni de n'importe quelle manière. Si, jusqu'à présent, le projet était de faire adhérer aux sciences, éventuellement de montrer les bienfaits des techniques, l'éducation ne peut plus s'arrêterà des contenus fixes et donc restrictifs. L'important pour l'école n'est pas de créer un programme supplémentaire, surtout si l'on en reste à un découpage disciplinaire.

Ce qui me semble principal, c'est d'introduire dès la petite enfance une disponibilité, une ouverture sur les savoirs, une curiosité qui pousse vers ce qui n'est pas évident, familier. Il importe aujourd 'hui d'aller au-delà de nos habitudes, de nos "prisons intellectuelles", de développer en premier lieu des capacités de jugement, de discernement et de favoriser l'intuition.

L'autre priorité, c'est la maîtrise de démarches d'investigation, à commencer par celle de l'information, de l'analyse systémique, de la pragmatique ou de la modélisation. Ce qu'il nous faut favoriser, c'est à la fois un apprentissage de la pensée complexe et une réflexion de l'action. Apprendre à gérer l'incertain, l'aléatoire et le paradoxal devient indispensable puisque le contexte, la société, l'environnement dans lesquels nous vivons le sont. Il faudra bien faire comprendre l'importance de la controverse, du débat, notamment sur les valeurs, de la responsabilité puisque ces notions sont la base même de la démocratie. La gestion des conflits devient même un passage obligé, à condition qu'ils soient régulés. Ces apprentissages ne sont pas simples. Ils n'ont quelques chances de passer que s'ils sont commencés tôt, dès l'école maternelle.

En amont, il y a là tout un état d'esprità changer dans les milieux de l'éducation. Le projet n'est plus de transmettre des sciences mais partir des sciences et des techniques pour fournir des outils servantà prendre part aux décisions de la société.

Bien sûr une telle question n'est pas seulement l'affaire de l'école. Les médias, les musées, les associations, ainsi que de nouveaux lieux de savoirs à inventer, tels que des groupes d'échanges de savoirs devront travailler plus souvent en synergie. Arrêtons de fonctionner dans nos ghettos

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respectifs, de craindre les concurrences! Ce qui devient important, c'est de favoriser par tous les moyens la lucidité, la prise de conscience des problèmes, des limites, des enjeux, des liens entre technologie et économie, entre biologie et éthique. C'est sûrement plus le questionnement que la réponse qu'il nous faut mettre en avant. Quand on ne sait pas où on va, ou du moins quand on doit en même temps élaborer là où on va, la façon de marcher a plus d'importance que la destination même. LeXIXe et XXe siècles ont péniblement mis en place une démocratie de la gestion, il s'agit pendant ces journées, rien de moins que de commencer à penser une citoyenneté de l'éthique.

Annexe (Extrait deSlalom, 1997,i).

L'expertise està repenser; mais est-ce la seule piste possible? Une participation active des citoyens ne lui est-elle pas préférable? L'usage du référendum en matière de choix technologique a été retenu en Suisse par exemple; il doit se réaliser à l'automne prochain sur la question très controversée des manipulations génétiques.

Cette ouverture au débat sur les développements technologiques de la société n'est pas,à son tour, exempte de risques: manipulation de l'information, intégrisme en tout genre, démagogie, ete... Tous les coups s'ils ne sont pas permis sont possibles. Mais en démocratie, il importe que les décisions importantes soient l'affaire de tous. On voit là l'intérêt manifeste d'une culture scientifique et technique largement partagée, faisant office de garde-fou. Une telle culture devrait d'ailleurs mettre en avant une certaine lucidité, un questionnement permanent des experts et une large "réflexion sur" les incidences des innovations potentielles.

Pour parer au plus pressé, en attendant qu'une culture scientifique et technique ne s'installe durablement, ne faudrait-il pas envisager une expertise d'un groupead hoc de non-spécialistes? Bien

que peu connue, l'entreprise n'est pas neuve. Elle a déjà été tentéeà plusieurs reprises dans différents états des États-Unis. En 1976, un Comité de neuf citoyens non-scientifiques de Cambridge (Massachussetts) dut décider de l'implantation d'un laboratoire sur les manipulations génétiques. L'expérience fut renouvelée en Californieà propos de culture en plein champ de plantes manipulées pour résister aux gelées blanches. Au Danemark, des "conférences de consensus" sont mises en place fréquemment. D'autres formules sont encoreàmettre au point. En justice, les décisions sont bien prises au nom du Peuple par un jury de citoyens réunis en Cours d'Assises. Pourquoi ne pas envisager de réunir sur une question controversée neuf citoyens tirés au sort au sein d'Assises de citoyens? Dans un délai convenu, ils seraient chargés par la communauté de rédiger un rapport ou de prendre une décision sur un choix technologique ou sur une question éthique. Pour se forger une opinion, ils pourraient consulter, procéderà des auditions publiques et contradictoires d'experts et ordonner des enquêtes et des expérimentations. Si la science ne peut plus prétendre guider seule la démocratie, elle ne lui est pas un obstacle. La démocratie, c'est le pari de la "moins pire" des solutions. Discuter les propositions des scientifiques, des ingénieurs, les mettre en perspective, les confronter aux attentes ou valeurs choisies par les citoyens entre dans ce pari "du moins pire". Dans le même temps, elle conduit à assumer ensemble le risque de toute décision.

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alerte

décision

contrôle

éducation

médiation

Scénario 1

scientifique(s) agences de sOreté technologique agences de sécurité sanitaire

Scénario 2

scientifique(s)

Scénarios de gestion de risque Scénario 1 : en démocratie délégatrice. Scénario 2 : en démocratie participative

Références

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