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Graphisme et sensualité dans l'Hérodiade de Mallarmé

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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Graphisme et sensualit~ dans

@

J

L'H~rodiade de Malla~ê

j

by

Rosine Marchal Knai

A thesis submi~ted to

, ,

.

,

Faoul ty of Gradua te Stud"ies and Re,search

... in partial fulfilment of the requirements

for the deqr~e· of Master of Arts ,'1.

..

,

.

March 1980 ,

.

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Graphisme ~t sensua~ité dans l'gérodiade de Mallarmé.

RESU.ME

Il

Nous présentons~ici une étude de la Sc~ne

1 ~ ,~

d'Hérodiade de Mallarmé. Cette étude

a

pour but de

montrer dans'quelle mesure le po~me se rattache aux

oeuvres contemporaines~ particuli~rement aux oeuvres

. i

picturales, et en quoi il est représentatif de

l'u-nivers sensuel mallarméen.

Après avoir mont~éVquelles étaient pour le ,

poète les possi~les sour~es~d'informatipn artistiq~e,

à l'époque, nous préciserons l'importance du ihème 'de

Salomé au mome~t de la composition d'Hérodiade. Nous ,

chercherons ensuite l'origine des images' pictur,ales

es-'sentielles, ~dans Hérodiade, celles qui influencent l'

at-, Cl> /

mosphère, le décor, les objets. Puis nous nous penche~

- r 1 /

rons sur le personnage central et no~s l'étudierons dans

" ~

la

même

optique, é~oquant , parallèlement l'îmage de-la,

-femme en peinture et en' l.i.ttérature en vogue A l'

époquci~

.

1

'Enfin. nous montrerons~ pl us précisément les

rapports étroits entre la Scène d'Hérodiade et la

sen-i

sualité mallarméenne, e~ nous basant sur la structurel r

de l'oeuvre, nous soulLgnerons

~onf

caractèrè dramatiquee

Pour la per.$pecti ve

,

-conclure, nous situerons le poème dans

1

des ge~rations ~vantes.

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Gra hisme et sensualité dans l ' H~rodiade de larmé

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S~MMARY

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We

prese~t

1ere a study of Scène

d'~érodiade"

by Ma larmé". Our, purposè is to show how the poem rela-'tes t the, ccm,temporary wor~s, esp~cial~y the pictural 1

opes and ih which extend it is ~ignificant to the,sen-/", s~ality of the univeFse ~f Mallarmé .

.

We 'sha~l first show Wha~ were, for the poet,

t~e possible~,sources of artist~nformation in his

time, then we shall underline the importançe of the 'thema of

Sa~ome

in the_years(i860-1870.,.we'shall then

describe the outside elements of the drama, the décor', the

d6éco~ative,

objepts of

t~~

sYIJlbolic onè's·. We shall study espec ially _ the ceç.tral charac ter' of the poem, Hérodiade,

rTl~~in~

her"lo}pe

i~age

of the

wo~an

in contemporary paintings and literary works. f ,

In the +ast .. part' of our work, 'we shall ana-ly'e the interrelation ,between ~Àe'poem ~nd'the poet's

.'

s~nsuality' projected in. the dr~ma. - Finally, r,e shall

sho~ the influence of the poem on the fOl~owitig'gene­

rations. , "

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' . TABLE-""DES MATIERES INTRODUCTION

Le po~me dans son temps

Un th~me, favori: Salomé

PREMIERE PARTIE - LES AFFINITES, EXTERIil:URES

Chapitre l - Le cadre du drame

Distanciation dans le temps et l'espace'

Chapitre II

L'exotisme.

- Les objets magiques: tapisserie et"miroir Les objets fétiches:

, bijoux et vêtements

/'

D~UXIEME PARTIE - LES INCLINATIONS PERSONNELLES:

LA FEMME ET LA SENSUALITE

Chapitre l ... La femme inaccessible:

la fée, la r~ine, la vierge

1

Chapitre II - La femme . végétale et minér.al...e:' la femme-fleur, ,la· fenune bij'ou, rôle de la grotte

TROISIEME P~TIE - MISE EN SCENE DÉ LA VISION

SENSUSLLE: LE DRAME Chapitre l , - Le projêt ·originel Lesoproloryl~ments,dans ~9itur Chapitre II - La oêlêbration J Pàge 1 14 28 1 38 45 58 76

CONCLtiS;çON H~rodiade produit d~ son ~poque 88

phare

pour

les g~nêration~ suivantes

\ tl", '

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NOus pencher à nouveau sur'l'oeüvre de

Seéphane Mallarmé, su~ HérQdiatle particulièrement,

mainte f~is,reprise, vo~ià qui peut sembler

présomp-tueux.;. Il nous paraît cependant: que ce- poème, l'un

, , '" "

""-des premiers, de son auteur offre un' intérêt tout spé~

cial et A plusieurs titres. D'aboJ::d, ,c'est-la plus

.

\

.

achevée des oeuvres de jeunesse de Mallarmé; elleest

r

écrite à l'époque où déjà da~s sa voie, le·poète se

cherche cependant, étant encore influençable.

Inté-~ssante.

aussi,

parc~

qu'en 18671 en France, ',la

.litté-,

.

"\

ratuFe comme. la peinture traverse ~ne 'Pérlode~e

transition-où toutes les tendances se trouven remises 1

r

" ."

_ en question sans que, pout' autant,

r'

impressionnisme

se soit tout à fait affirmé ou 1 défini~

De même que / la 'Pèinture officielle, allé-<.

!

. ,

gorique" ou 'historique, "tenait

encQ~e

'la premièr.e pracé,

1

le grand Fublic et -les critiqùes boud~ient JBaudel<1ire

'j'

et V~llier~ avec un mélange d'aversion et de curiosité.

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l ,

1 •

Ce n'est que' des ann~es'plus ta~~ qué les portes s'out

1

vriront - plus ,grandes - aux Impressionnistes. /certains

~

appel~ren-t:

cette peinture

p'o~tique

et simple' "id€iste",l , d'autres la qualifièrent drljld~aliste",·mais ell~

,"

s'imposa comme Symboliste en même temps que s'affirmait

l '

sous ce nom la tendance 'poétique correspondant~.

Le poème Hérodiade a ~té comppsé ~. qe momen:t

. -\

p~éc\s, au- point de rencontre de'~ recherches convergen - . , tes Jes

~eintres

et des

littérat~urs.

D~puis plus d'un siè

lièrement.la volonté d'enfermer 1

1

(le musicien bén~ficiant d'une liberté

.

.,

dans

le visible, le vécu, mais en-" face de cette intentioh,

.

' .

\

" 1 . • \

r souvent intolérante,' le~ droits de l ' imaginaire_ l} 1 o~t pas

manqué de défenseurs~ Baudelaire proclame l'imagination

"reine des facultés I l . - ;Gustavê Moreau confesse "dans une

phrase c~lèbre: "Je ne crois ni ~ ce que 1 je touché nl. à

ce que je vois 0 . Je ne crois qu 'li ce que je ne ~ois pas

/ . et· uniquement h ce ':que je sens" 2 • Et Tristan Corbière

'5 i '

- l 'Selpn le

vocabu1air~

d'Albert Aurier

(daIls

le Mercure'

de

France, mars 1891). .

.

. /

.• 1 2 cahier IV de Gustave M:>reau

~P:J~) Ci~

par

J~

Pierre

dans GlStaVe

Mareau,

Bazan,. ~ 1971. .

/

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) 1 ,,,'J... .7 ! 1 • 1 !

.

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, ~ ; affirme:

1 "Il faut eindre uni~ueinent.ce qu' on '.n· a '1

~ ,

jamais"l. , jamais vu et qu'on ne verra

1

l

1

-1 Le poème de nous sèrnble produit et

\par~ie

,

partage'ant

de cette uni:t~ d' nspira tioh, le 'f

fond commun d'images ,qui f it un style. cornm~~

d€fi-, ' "

:\

nir cette tendance -encore i\ 'ébauche? C'est le re~us

/

~I un naturalisme, il la Courbet i\ la Zola, refus /(Îu

f 4 '7 /

rationalisme aussi sur le plan intel'lectuel et moral.

CeJ~era,

à la fin du'siècle,

qua~'toutes

choses,

a~ront

~té précisées, quand la tendance aura été transfqrmée

en école, que l'anathème 6er~ jeté sur le' personnage

unique et dictatorial que Claude!- évoque conune

u~~ou-.

'

.

1 • Vepir de lycée: ' . C: est.. alors un

jailli;--P' .. • ...

seInent hors du qùotidien; vers 'lleurs~, la fuite

ét~t plus'importante que l~ but à àtteindre.

-

.

des conquêtes cOlc:;>rl~ales, de, la découverte de 11

exo-tisme, de Gauguin, Rimbaud .•• Clest le besoin d"lune

évasïqn dans le ,temps comme dans l'espace! romans

historiques, envol vers les civil~sations disparues,

-1· 'té ~ ___ JI(

_ Cl. par Ch. '-'~:

du XDCi!Iœ s.ikle.

Le nDuvement synb?1iste &ms 11

art

\

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: - 4

Flaubert triomphe avec Villie+s et 'stevenson. C'est

encore le refus''' d'une société machiniste 1 fonctionnelle.

'-Autres noms: 0 LéopOld il et Pierre Loti .• 1. L'

explora-teur, le peintre et le poète,'sont tous des '''évadés''

J

attirés par la conqui3te de l'ailleurs. -Comment ces

'i>

influences, leur sont-ell~s p~rvenues?

)

Pour ·la première fois peut-être dans l '

his-taire de la li~térature ou de la peinture, on voit les

.,

,

artistes ~n contact direct avec les~ théoriciens, les

:

-philos~phes, le6 écrivains et peintres ,étrangers. Dès le milieu du XIXeme siècle, les journaux illustrés de

gravures sur bois ou sur pierre, reproduisent des toi-_

les instaurées et, les derniers succès du Salon; ils

'"

' /

proposent beaucQup plus de modèles que' n'en avaient

1

connus 1 l~s générations précédentes. Des magazines comme

• , - f

, 1 l'Ill ustra tion ou!"--le Musee des Familles font connaître

,~

---~----l1.'---les' oeuvres étrangères. , Les journaux pour la jeunesse,

~

l '

tel,s le Magazine d' Educat;ion e~ de Récréation procurent

bien des sources ïconographiqU'es. Les caricatures aussi,

)arodiant Courbet ou Puvis de

Ch~~â.'nnes

montrent il la

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bourgeoisi~ les querelles artistiques. Dans la

" Gaz~tte

,. dys Beaux"':Arts, on voit des oeuvres parf"ois obscUl;es

qui n'ont pas obtenu beaucoup de succès et- dispa~ais'sen~

,

dans les mus~es de province.

1 -,

1

C'est aussi,' le début de l'industrie de la

,

reproduction photographique. La photographie offrait

/1

aux artistes des points de comparaison exacts, telle,s

" '

-,

l'es LepLOdU'C-tio~s '!e Giotto' ou de Boticelli dont l 'oeu-vre Le Printemps enthousiasme les foules, même peu

ver-sées en peintu~ •..

, /

Il Y -avait

o ,

5

également J.es exp~-sitidhs' univer-selles ét, dans, celtes qui se t'inrent 11 Paris, la section

anglaise eut toujours une grande importance •. Ainsi, en

1867, '-rhéophile Gautier remarque J::es- tabieaux

préraphàé-l i tes:~ La Veillée de Saint.e Agnès et deux. Watts. CI est-là que dix ans plus tard, -les oeuvre~ de Burne-Jones

feront sensation.

1

o

_ \ Ce ni est' pas seULement en peinture que le

mouvemén~ esth~tique a~glais influenç~ le ,sYmbolisme

\ .\ 1 • \ " , 1 ,

,

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' 1 ''\-., .

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1 \. , \ / 6 " _'r~ ~;t o • ('0."- -.:;,.. f'

na1ssant: Les français, qui trave;rsaient' la

révolu-/ ,

"tion i.ndustrielle ~inquante ans après l'Angleterre,

j , ,

trouvai~nt outre-Manche de quoi satisfair,e leur goût

de :r;affinement p<?ur fuit le matérialisme. 'Le "Peacock

\ '

Room" de Whistler, les tissus de LiBerty lep

enchan-, ' . . . . J , ' ' ' ' ' 1

e f ,

taient.' . C'est l.'époque de l'engouement pour l'objet

r

inutile et précièux: éventail, coffret incrust~! le

Ainsi L'écrit Ma:I.1armé dans une ré'flexion:

" ,

(sur le Beau et l'Utile) 0 "l'util'è ...• exprime une

<'.1 '

. -1~ ,,1

lne egance ,.'

, \

C'est,donc -.autant qu'un stY,le, une mod~ '.

l'

"'1

qui nous 'vient d'An~leterre .

'J

No'us l'avons di t, ''1 ~ époque dè composition

1

d'Hérodiade fait de ce po~me l'illustration d'un point

~

de convergence entre la poésié-ef 'la .peinture.. Or le

, sujet de Sa19mé est favori il l'époque.' . Baudelaire déjà

l'avait évoquée dans un sonnet des Fleurs du ~al:

"Avec ses v&terrl&mts ondoyants et nacrés

/ ,. 2,

~'quarrl e~~ marc~e, oh croiràit'~'el~e ~se,"

l

, op. cit.

p.

880

'2

(12)

,f.

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,

Quelques mois apr~s la publication des

1

Fleurs du Mf'l, Flauber~ reprend le, sujet dans Sal,ammbô

,qui paraît à la 'fln de noveJnàr.e..1862.

Apr~s,

la

12ub~ica-1

tian de la Scène d'Hérodiade de Mall~rmé, en 1871, le

sujet sera repris encore dans La Tentation de Saint Antoine de Flaubert, publié en avril 1874, où, sinon, Salomé, surgissent du moins Hélène, la reine de Saba,

le Sphinx et la Chimère. Au Salon de

11876, c'est le

,

l '

"

retour en force

..

de~GUstave ~reab' avec ,Salomé dansant

" '

devant Hérode (à l ' huile)

'et.

l ' Appar i tion, aquarelle

.

sur le même th~m~. Dès cet instant, Flaubert rêve

.J

dl Hérodias qu..! il' ~chèvera en 1877. ,

Fj,'O

Qui es~ l'Hérodiade de Mallarmé?

L'évan-gile de St-Matthieu précise les faits relativement

\

. ~ h'i'stor'ïques ~

'.

fi • • • Hérode avait fait arrêter, ~ et, /

"'atprisonner Jean, à cause d'Hérodiade la fEmne

de Philir;pe son frète, ëbnt Jean lui disait:

i l ne t'est pas pennis de 1 ',avoirrr

•• ' Il aVçÛ~ "

même voulu le faire rrourir, nais avait craint

J 1 ". ---~'~_m~)p _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ~ _ _ . . _ _ --~---/fi • , , i /\ ~ 1 • "liUill:;ol.!'o

(13)

, n ., , 1 1

-.

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l '

8

-le peup-le qui tenait Jean POUf' un. proJ;il~te. -Or, cc::mœ Héroc1e cêl.ébrait son anniversaire

de naissance, la fille d'Hérodiade dansa en

publiç , et ,Plut tant ~ Hérode CIDJ' i l s'engagea

par

serment, à acoorder ce qu'elle àernandel:ait.

Endoctri.œi9 par sa Itère, elle lui dit:

"Donne-noi, sur

ur

plat~

la tête de Jean

Baptis~.

".,,1

, '~

Le récit n'explique donc que le titre du po~me de

9 1

Mallarmé et l'existence du Cantique de St-Jean.

Il

L'Hérodiade de Mallarmé ressort de cela comme un person-\..

.

nage mythique oü l'auteur 'a mêlé 'des éléments de la

véri-table Hérodiade et de sa fille Salomé.

,

1

Est-ce donc,une jeune fille que Mallarmé

dépeint? Elle apparaît en effet comm~ Très. je~ne~

si effrayant et s' enchantant ~ la fois de sa virginité"

/ ,

et de sa tieauté:

l'

"J'aime l'horreur d' être vierge et je veux

Vivre parmi. l'effroi que ne font mes cheveux ••• "

1

Qui peut-elle être, cette jeune fille, sinon Salomé

-",presque adolescente, ,p~essentant "une chos'e inconnue"

.

' .

1 Mat. 14, v. 3 l 12

'.

,

.

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- 1

(14)

~ J , 1

l'

l ,

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- 9 -, ,

.

, ' et 'laissant échapper:

1

" • • •• les sanglots suprêmes et neurtris D'une

enfm

sentant-panni les rêvéE-ies

Se séparer

enfm

ses froides pierreries."

.Mais le po~te la désigne nôtnmément comme Hérodiade.

~

C'est donc autant cette jeune fille innocente, instrument

de sa mère, qu'un/personnage somme toute assez maléfique

puisqu'e.1le apporte ',la mort.

Il convf.ent de regarder bri~vement .lci l'image de la femme dans l' art ~ ce début de la seconde moitié du

XIXème- siècle. On sait que la femme fatale constitue le

1

pendant du héros romantique; "de la Belle Darne sans Mere}

1

de Keats, si chère râux préra,phaélites, à la Mathilde du

Moine de Lewis, jusqu'à la' Carmen de M~rimée, la "femme

fatale" est partout: '''elle épuise.,..,..,elle tue et nt en est

1

qu~ p~us belle" dÏJt Musset ~ans La Coupe et les lèvres.

,

On retrouve cette unage e

1 . .

d I f a ernme pUl.ssante, .

, 1

maléfique, dominatrice ,en peinture comme en littérature. ,

.

.

Observons le tableau de Gustave tloreau: Oedipe et le':

1

'Sphinx (ou mieux dit "la 1 Sphinge, la mythologie grecque

,""-

. , " 0 -, 1 ~. 1 • ,

1

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.

1 •

ayant toujo~rs affirmé la f€mini té' du Sphinx), SI aggrippe

~ La poitrine d'Oedipe. "Le m6nf;>tre est paré de bijoux,

un col1.l,eJ:: enserre sa taille et ses cheveux, finement

tressés, encadrent un visage/d'ange •• I l r~p;t"ésente

" ,.--- ~

, pourtant la menace du ,{rincipe féminin. Le ~phinx sera

vaihcu, certes, maïs le tableau pourrait, en laisser'

l' incerti tilde. Et l'on se souvient du poème! 1iminair,e

du Buch der Lieder de Henri- Heine, traduit par Gérard

de Nerval, peut-être source lyrique de ce tableau .••

Dans ce poème, la femme triomp~e de cèlui qui lui a donné

- - - _-.!- ~ - - - -- - - (

\

un baiser';. troublé par sa beauté. "Elle aspira presque

, 1

le dernie~ ,Souffle de ma vie, et, enfin, haletante de

volupté, elle é·treignit et déchira m,on pauvre corps

?vec ses gtiffes de lion."l

Théophile Ga\}tier écrit à cê sujet: "Il ne

nous déplai t pas' de trouver un peu de Hamtét dans Oedipe". 2 1

On voit donc que l~ thème n'est pas s7ulement classique mai/s que

.les

~ con~emporains y voyaient déjà, des prolonge-ments p~ychanalytiques.

l

Cité par R.von fi:>lten: L'art fantastiquetde G. M:>reau 1

(p. 7-8). L'auteur:signale que ~reau po sédait un recueil

de rrorceaux clDisis de ~iœ dans sa. b.iblio~. '

2 Article de 'lb. Gautier dans -te '

"r.bniteur

Universel",

27 mai 1864, . ci~ )?ar

.

José Pierre dans: C;Ustave M:>reau,

'

op. cit., (p. 97)

, "

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(16)

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I l , 0

Le mythe de Salom~ se charge de ranëoeur

-, 1

,et de la haine de la fenune rnal~fiqu~ et castratrice •.

Or l'image la plus symbolique et la plus violente

de

la castration, c!est 'la d~collation. C'est le mythe

" ; 1 ~

d'H~rodiadè ~ de Salqm€, mythe de'la castration

sym-bolique qui bouleversera toute l' ~poque. On comprend

à présent qu'au-delà des pr~férables sonorités du nom,

Mallarméla~t choisi de doter son personnage de plus de'

1

~ poids que n'en comportait la sêule innocente image de

, Cl 0

..

Salomé.,

rI'

sugg~re la transforma1don de la jeune fille

en

t jet;me

f~é,

établissant une

relatiçn'~ntre

la

d~flo'"

ration à veni~, refusée et souhaitée, et la décoll~tion

, '1

1

du prophète. Rappe~ons que Freud ~tait persuadé que

Judith 'n'avait pu décapiter Holopherne q~e parce que

l

celui-ci était parvenu ~ la déflorer.

'"

Le thème de la femme dominatrice et cruelle se complique dans', le myth,e, de Salomé de sa signification

~

incestueuse, Hérode ajoutan~ ~ sa relation incestueuse

~~~

qvec Hérodiade le désir d'une relation

in~;stueuse

avec

la fille (de celle-ci.

1

S. Fre\Xl Das 'l'abu ·der'Vfrsinit4t. Ges. l'ërke XII,

, '~

1

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1

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(17)

J :

\

o

, ,

12 v'

Citons enf~n quel.qurs l.i,ines de J.K. Huysmans,

- . ,

qui consacre , neuf pages d'A rebours , ,

A

la description des

deux tableaux de Gustave Moreau que nous avons mentionnés~

, ,

Dans ces page~ brOlantes d'enthousiasme, Huysmans tente \ .

une approche critique du .JrnYthe de Salomé, qu'il 1:1e peut

d'ailleurs tout à fait mener A bien pqrce qu'il es~~ui­

même tributaire du mythe:

Il 1

"Dans, l'oeuvre de Gustàve M:>rSau, conçue en

dehors de toutes les données, du Testall'ent,

des Esséintes voyait enfin réalisée cètte

Saraœ,

.

surhumaine et étrange qu' il

~

If

~. Elle n'était plus seulement la

bala-cline qui, arracœ à. un vieillatd, 'par

une-torsion corrertple

cJe

ses reins, un cri

CIe

désir et de

rut;

qui rœpt l'énergle, fond

- 1

l'l volonté dl un roi,' 'pu" des

reurus

de seins, '.

des secousses du ventre, des frissons de

1

~ssesi' elle devenait en quelque 'sorte la

déité synbol.ique 'de l' :i.rdestrooti.ble luxure,

la Bèauté maudite,

.

élue entre toutes p:ù:' la

'

catalepsie qtii. luli

raidit

les chairS et lui

• , / J _

durcit les mùscles;', lJa Bête rronstrueuse,

- 1

:i.OOif~edte, irresponsabl.e, insensible,

J' , ',ft, !. ,. /' ~-".---,~--_.~._--/ 1 1 1

'1

!

(18)

o

G.

l ' , ,>

C)

/

.

" -' 13 D

... r' E!ITfOisonnant.~ de nêœ que l'~ antiquè,

1

tout ce qui l'ëlWJ:PChe, -tout

de

qui la-vo:it-,- .

,

'1

.

1

tout ce

r

qu'elle tX>uche."

Huysmans su~g~re aussi:

"Peut-être qu'en amant son ~gmatique dée~

°du

+otus

~l

1e

peintre avait song~ il la /

danseuse,-~ la femne ~e, au vase~, '-,

'. . ' 2

cause de tx::rus les pécb§s et de' tous les cr.imes •.. " .

) t ~.

Hérodiade - Salomé, c'est donc la Femme, femme faite ~

ou ~bauche de femme, mais ~ la fois bourreau et victime.

'.,

J

1 Jons :

~i~ A--'~

: '&'QI.A#W.D,

(p. 7~75). l ' ~~, ~is, 1884., ~ .r, 2 Id. 1 > , ,

l,

1

(19)

1

.

,

r'

(

. .

,. • ._---~~---l ,

.'

" PREMIERE PARTIE: - l ...

,.

/ ' / 1

LES, AFFINITES EXTERtEURES

j , 1 ,1 ) , , l ' /' / 1 1 1 • .1..

l

, !~ '1

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1

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1

1

(20)

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.

,

...

" . 1 l' 'Chapitre l Le cadre du drame

Distanciation cl.~ns, 'le temps et l'espace l'exotisme

v.

(21)

1 '. f

1

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r

r ... "''''' ... ~ .. ., ---'''Y'IIri> ... ~ ... ' ... ",.~ .. ...-,. .. ~---... -~"""" --_ .. ~~~ ... - ~---.14

(

, i: (0 J - v

Nous a~ons-vu que le thème d'Hérodiade a été

,

souvent,traité, entre 1860 et 1880. Une composante

fondamentale du mouvement esthétique d'alors est le a

goût de l'exotisme. Les lointaines découvertes

roman-tiques de Paul et Virginie QU

.

~e René de Chateaubriand

-,

. trouvent ici un nouvel écho, moins réaliste certes,

.

,mais nimbé pu paysage féérique que les symbolistes

considèrent comme cadre privilégié pour mettre en valeur

l!e personnage. C'est ainsi qu'il faut comprendre la

.phr~se de Jar~y: "Logiquement, la recherche de l'ex-

,

;/

trême lointain dans les mondes exotiques ou abolis,

mène à l'absolu"l.

Deux oeuvres nous semblent avoir particu-,

1

-lièrement influencé Mallarmé à l'épo~ue on l'exotisme

tient une large part. Ce sont le roman de Gustave

~

Flaubert, Salammb6, paru en 1863, et le moins célèbre

roman ~e Villiers de L'Isle Adam, !sis~/publié en

.<'.

juillet 1~63., Mallarmé avait rencontré Villiers en

1

CitÉ_ par Jo&\! Pierre: Gustave 'M:>reau, op. cit. (p. 113)

/

---~ __ .~f __ •• ·n~~~u_r., . . ,.' . . . m ...

-".r.l .... __ ...

~

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(22)

j

,1

1 •

"

·---·-"-·-""----·-·~~;---~-I

-: 15

'1864 et s'était presque tou~ de ,suite lié d'amitié

avec lui. be q~atre ans son aîné, Villien;~ 'avait déj~

publié quelques recueils de l.p'oésie avant ce premier

1 ~

roman, dont le thème était de~~eux propres ~ encha~ter

Mallarmé.' Comme Baudelaire, Flau\:'rt" connue l'auteur ,"

d'A rebours, et Barbey d'Aurevilly, Villiers a fulminé contre ce siècle d'arrivisme et de mercantilisme, dont il voulait fu:lr la laideur,.

\ Hérodia~ei en cela pareille à Salammbô

\ '

et ~ la ~arquisê Fabriana échappe aux contraintes

;mmé:-diates du temps par un éloignement voulu da 1 siècles.

Les quatre siêcles,qui séparent Hérodiade d " ,

compte~tlpeu si l'on remarque le' même luxe

.

/

lequel vivept ces femmes et l'isolement où

le~r position. Le caract~re

en fait aes personnag~s hors d~ te~ps, des femmes~

d'~u-1

dela la fémin/i té. • Hérodiade l'affirme: "Du reste, je

ne veux rien d'humain" • .'. Dans son palais' florentin,

la Marquise Tullia.Fabriana met entre elle et le monde

.

~

vulgai~e la ~ême,distance ,dédaigpeuse. Par son mépris

1

!

.1

j

1

1

1

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(23)

1

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",

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~ 1 l ' (' V '. 16 h , 'IJ

.~

l "

.

' l, '1,

de co~un,et sa tristesse de vivre, elle rejoint

1 ,

les reines antiques" dans lepr o'rgueille~ isolement.

, ~ , ~

Trois

personna~es

exceptionnels'cdonc; ce mélange de froideur et de sensualité s~mble avoir

o

fasciné 1"~poque

nous allons, observer le~ héroïnes dans un cqdre qui s'harmonise à ,leur personnalité."

r.

On trouve dans le roman de Flaubert- de'

nombreuses descriptions ,des s~tes, des paysages, ges~

criptio:fls détaillées, colorées. La natuÎ"e des sols

'lb

orientaux implique une violence de couleurs que Flauber~

"

n'évite pas. L'exactitude-de l'observation demeure pri-, '

mordiale chez lui e't, dans Salammbô, nous relèverons:

".\. la luœ étalait

~

lueur tout

~

la fois

l

.

,

SlJl' le golf environné de nontagnes et sur le

,

-4c

de Tunis, où des };hénicopthères parmi les

,

-bancs de sabie fonnaient de lo~s lignes

roSe~,

-

tamis qu'au.-delà,

sous

les

ca~,

~ , '

.

la grande'lagune

salœ

miroitait ocmœ un IIOrCeaU

l i '

d'argent. Il ' ,

Gustave Flaubert: Sa.larmi:iô, Garnier Flanrnarion, Pf'ris

1964, (p. 66), , ni '\ / . '~ l ' , Il 1/

1

1

1

1 1 1 l'

i'

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1

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(24)

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,

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~ . ./

--~&k---'

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, " ", 17

/

' 1 ./

En effet, au contraire de Ma11arm€, j

0

Flaubert n'ipterpr~~e pas les donn€es picturales en

, ,

~fets

décoratifs

~

, Il recherche l'authenticité dans sa description, c'est.tout. C'est ainsi-qu'il 'd€crit le palais/ Id', Hamilcar avec un luxe. de détails', all-ant des'

i' •

,terrasses aux jardins et jusqu'aux cuisines. Mallarmé,

, ' c > '

lui, sélectionne, les images pour aboutir ~, une fresque

dépoui1,lée .

Hérodiad~ évoque le palais royal, le palais

"

, 0

de ses ancêtres gardé,par les lion~, figéS en des poses

hiératj.ques:

" .•• '~. IU'as vue, ô r:ourrice d'hiyer,

"

Sous la lourde prison de pierres et de fer

l '

Où de mes vieux ~ions tra.inent les Si~les -fauves,

~trer, 'et, je narchais, fatale,

Les

mains

sauves,

t 'r \1' ~ t

-Dans le parfun CU!sert

de.ces

an::iens rois ••• "

ce-de description au palaîs., et

de~\lions" to~te

en'

1 - . . . ' t:

transpositions d'épith~tes c~nstitu~ comme une fris~'

hors du temps, où les' lions personnifient"la du~ée brute

~~s

siêcles. c'est ainsi

qu'on

peut

Comp~Sièc;es

~

'"

'.

..

, " 1 / ;

(25)

1 i

~

, , 1 f ' \ " " 18 -p

.

\

fau\i"es".

pd

ur

comp~ter

la sensation d'éloignement

!

et d'immobilité du tableau,' le

po~te assoc~e

une send

\ ' \'

, sation visuelle et une sensation olfactive: le "parfum ,

.

'1 ""'li

désert", présence et " absence ~ la fois de ses ancêtres,

ou peut-être souvenir des lions jadis souverains, à

présent captifs ét isdl~s dans leur cage.

f;i ; ....

Chez Flaubert ùéjà la description faisait

, 1 \

appel à tous les sens, mais chaque sensation chez 'lui

l ,

est identifiée et approfondie pour elleLmême. C'est

IJ 0 ~

ainsi qu'il décrit le jardin d'H~mil~ar au ,moment de

Cl (, ,",

, l'

arri~e

des ,mercena'ires:

,

.

"On voyait entre les arbres courir les esclaves

des cuisines, effarés et à d~ nus; les gazelles

sur les pelouses s;enfuyafent en. bêlant; le 1

- \ '

soleil se couchai~, le ~fum des citrormiers

rendait encore pl~s lourde

l"

exhalaison de

, 1 i

œbte

foulë

en sueur.

I l

C~est une anafyse systématigue des divers

appels aux sens,' mouvern~nt~, bruits, odeurs, couleurs,

'"

"

mais aucune'de ses notations ne se superpose ni ne se

\ \ 1

1 '". Salannil::lÔ,

,

op. o.i:t. (p.29)

~-/ '

.'

f-.\

(26)

, f

,·0

---.---.-.-.''-- ---" -

-~.

r

'

.

(1 . mèle. 1 \1 19 -1 ~

Flaubert proc~de par touches juxtapos~es l~ où

1

Mallarmé fondra les serlsations. Ce dernier garde cepen-r

,

1

dant de l'observation minutieuse de Flaubert l'oQbsession

de l'deil ·scrutateur. \

1 • \

Le regard Flaubertien qui retient

..

-les couleurs et '-les q~tails est aussi présent dans

• r

Hérodiade;, notons qu'elle répète ~ s~ 'nourrice: "Tu m'as vue ••• mais encore as-tu

.

vu ; quels furent mes effrois? .• ,les lions épris de, suivre du llegaltd l~s

/

languides débris ••• JtegalLde.n-t mes pieds qui: calmeraient

la mer".

\

Ces notations du regard, chez Hérodiad~

a~gmentent l'impression de distance entre l'observateur

\

et la chose vue. A~rs le regard ne saisit' gu' 'un camaleu de noir, de gris et' de blanc. . Ce so.nt les lys, l'eau

...

transparente du bassin, les mains "sauves" \ 1 donc pures

\

et blanches. Le regard sa,isi t l'absence de couleur,

, '

.

.

l'exil de la vie, l'impression d'immobilité.

Flaubert faisait ressortir la rigueur et la

.

.

..

pureté de Salarnmbô par opposition à l ' ag i ta tion de l'armée

" ,-"

des mercenaires, son calme, par leurs cris "en cent

\

.r-'1

n lb

(27)

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.... , 1

,

1 1 1 1 1 _ _ " , _ , _ .... ."....,I-'F'1.;It"I"N(t.~'l("l,~ .. "',.~':[1>·_~...,~~.;-.s~...,,~~~---<-,...~---_._--~-,-~--... 7" ... --'---'----~---"'-I ~ 20

-langages \l, sa pudeur

e~

sa

s~br,~été

par leur débraillé,

1

mais, le personnage d'Hérodiade, i , sort du décor

et s' y intègre comme un ~lément la fresque qui en

complète et justifie le 'Caractère.

On ,trouve également chez Flaubert le- goilt

de l' artif ice q)1i séduira

Mallar~e

et, pl us \ tard, 1 Huysmans.

(peut-être à un niveau 'plus Tt~~).: l'exubéranc!= de. la

,

nature orientale tend déjà à pa~aître artificiell~ ~

'<tl 1 . '

nos yeu:k;que dire alors de ces raffinements de couleurs , '

élaborés si le sable noir est «Hé de coraiii et si I!l'e

\ r 2

fond du lac ge poudre d'or ?" Esseintes lui même n'a

1

rien trouvé de plus recherché~

\

Mallarmé se garde

qe

ces effets sensuelle-,

\ . f ---L- j

ment exotiques; i l tire 1 de l'image l uxùrian te une épure \

raffinée où l'artifice, toujourr's présent, se veut plus,

" J \

allusif qu'étonnant. L'absemcé de coule~r et

l'impres-1 l ,

sion d'irréalité qui en résult~ cOl1tribuerrt

â

fair~

d' Hérodiade un personnage détaché du réel qui év?que

pour nous certains dessins à l'encre de Gustave Moreau,

1 " ...

u.rl

sable, noir, mêlé là de la poUdre de oorail,

parserrait les sen~iers".. Sal~1 op. cit. (p.28)

2 Villiers de l'Isle Adam, Isis, 1862, i cité par t4re Noulet:

l'oeuvre {X?étique de Mall~ (p. 78)

, - - - . : . -_ _ '_._ .. F_ .. _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ..:..---~-~·~.-~'--~-1 1 1 1 1. l '. l,

(28)

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..-" / / '\, ,

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j

'" '- /(' 21

-.au graphisme pur: ainsL,

ta

Jeune fille thrace portant

1

la tête d'Orphée (reproduction no. 2), que Moreau

e~posait vers 1865. Le visage,de la jeune fille, ses

.

,

pieds innocents éme.rgeant de la rE>be, son expressipn doul~u:reuse, le vi::;age penché sur ia tê,te décollée

1

du poète, évoquent aussi la figure virginale dé Salomé

/

portant la tête de Jean Baptiste. Peut-être Mallarmé

sien est-il inspiré en composant Hérodiade. _,

/ Pourtant, le poèf:e a besoin pour é'tayer sa

. ( création, dl éléments positifs: les 9bjets du décor.

,

L,I héroine de Mallarmé, conune ce,ll;rs de

FlaubeFt ou de Villiers est une femme 'hors du temps, )

avous-nous d'it. Ce sont-là des princesses, écartées

. , 1

par leur naissance du "bétail ahuri des humains" •

.

('

Le poète crée autour d'elles un cadre en harmonie avec

leur èaractère exception~el. 1 Villiers de l'Isle ~darn'

~ place ses personnages dans' un écrin raff,iné, au-delà

l ,

de toute ~bligation matérielle" car la pauvreté , est ,

triviale et contraire à r'idée de beau~. D'ailleurs,

l

M:lllarrné: Le

Gui9!Pn,

op. cit. (p.28)

J'

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1 1

l,

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1

l,

,

1

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1

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1 , , " , '

(29)

r ~ , ! ( )

~

- 22 - / \

1

\Outè l'oeuvre de villiers reflète son goût pour les

matières précieuses, tout ce qui vibre à' la' lumi~re

-~

ou ~ui lui sourdeme,nt. dans la pénombre. Son im,ag ina-tion s'accorde .libre cours lorsqu'il sr agi t de

pe~nd~e

les objets qui 'entourent la Marquise Fabriana:, " . •• le

couvert, la'coupe et la ~isselle particuli~r~de

Fabr'ian~

€taient d'or" ... 'son palais Dest

Iforn~ à'éb~ne

sculptée, de boiserie~ anciennes, de pannnea,ux armoiriés,

d e v1traux prec1eux. . ' ... ,,1

De même-que l'héroine d'Isis, Hérodiade

habite un ,palais de rêve, plus soLennel qu~ le

romanes-que palais florentin de

Tu~Iia

Fabriana, mais non moins somptueux. Dans l ' Ouvérture Anc ienne èl' Hérodi'ade, la

nourrice décrit'ainsi la chambre de la jeune fille:

1

-''La c~r~ singulière en un cadre, attirail

De siècl~ belliqueux, orfèvrerie éteinte •.•

" . . •• le lit aux pages de vélin,

Tel, mutile et si claustral, n'est pas le lin~ Qui des rêves par plis n'a plus le cher gr.inoire,

Ni le dais sêpulcral·a la déserte noire, •••• "

l

Isis, op. cit.

Cp.

55) 1

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1

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(30)

t 1 1 ! 1

-1

1

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1· 1 •

l i - 23 -, -"(

',Par allusion, toujQurs, ~lle évôque les

matériaux nobles, la moire, le lin dans sa blancheur, ~

et la forme solennelle du lit au baldaquin drapé.

, /Dans ces cadres

s~mptueux

se profile l'image

~

de

l'héroine, hiératique et lointaine, mais toujours parée

et resplendissant des bijoux aux éplats métalliques comme

01.1' ,

sa~s_ )défaut ·des· '.minéraux. '

Baudelair~, déj~, dans un sonnet des Fleurs

1

du M~l avait évoqué cette image de la femme sculpturale:

"~~ ye!JX p::>li~ sont faits

de

r r a u x charmants

~ ;dans cette nature étrange et ~syrrb:>lique .

otl.

:1' ange inviolé se rœle au sr:hinx antique 1

.'

.

où, tout n'est qu'or, acier, lumière et diaman~

~s~lerxÜ.t

à janais CClIIlIe un astre inutÜe

1 La froide najesté de la fanne stérile ... l

On trouve:chez F~aubert, avant Mallarmé, la

'fascination/pour les objets minéralisés, les surfaces

dures et brillantes et les èouleurs froides. , . Ainsi que

1

l'analyse PieJtre,oanger dans'son étude sur Flaubert: "le

1

Les Fleurs du

Mâl,

tl?

cit. poème ,no. IDWIII,

. '1 .' \

'.

(31)

1

J

!.

1

(;

! '

,

/

.

1

.. --i--_. - - _

.. -"--"

... _ ,

- 24

-.

,

regard se réfléchit sur l'objet convoité comme sur

un miroir qui ne le renv~ie qu'~ lui-même et le désir

nourri de sa propre insatisfaction \e prend délicie~se­

ment

a~x

sortilège,s du néant".i Salammbô comme

Hérodiad~

incarne ce bel objet.de désir, froid et poli, dur et

br~llant; elle serait ainsi minéral ou poisson précieux:

.. k. •

"

"sa

chevelure p:>udrée d'un sable violet et

réunie en forne de tour selon la m::Xle des

vierges 'chananéennes la faisait p3raître

/

plus grarrle. Des tres~s de f€r~es attachées

à ses tarpes descendaient j~qu'aux coins de

sa bouche :ruse C'OIIIlla une grenade entr'ouverte.

Il y avait sur sa {X)itrine un assemblage de

pierres lumineuses, imi~t p:tr leUrs bigarrures

les écailles d 1

~e

murène. ,,1 1

L' évoca tion de la grenade elle-même ni e,3t pas ind if féren te. C' est un fruit' à la fois dur et pul:-'

1 1

peux, un fruit-objet à la fascinante couleur nacréej mais,

objet avant d'être fruit.:

1

En cela Hérodiade. est bien la soeur l i

tté-1

raire de Salammbô ~t, ~?mme 'elle, vouée ~ la chasteté.

1

Salanfrbb,

op. cit.

(p.

36)

, J

'"

.'

1

j

1 1 , , , , ~,

(32)

'-' 9, , -~ \ " \ , "'''''''''''''--

-

~~-_ ..

---_.-

---.:...--r--- .-

( r .

o

, 1 )' 1 \ - 25 • 1

Elle apparatt cependant plus d~sin~arn~e: son vêtement

t

.

aux plis lourds, ses chèveux d'or mat, le teinte fun~bre

"-de sa pierre d' électiont l'améthyste, A laquelle "les

pnciens attribuaient la propriété de pr~server de

J ' J

l 'ïvresse, la rendent ,~ricore ,plus inaccessible que

Salëmmmô. c'est en partie 'de 'cela que natt l'attirante

sensuali tê gut sE]! dégage de ces personnage~., , , 0 '

4 Çj ur

La Marquise Tullia Fabriana, elle, se

baigne au milieu des eaux 'de cristal, évogua~t par l~

la blonde Oph~lie peinte par Millais qu~lgue dix ans

auparavant et quel les'pré-s~olistes n'avaient pu manguer

!

d'admirer A l'exposition de 1855 (reproduction no. 3),. ".

C'est la même_~_tmo~~oreùse ;èt irréelle, il n'y

manque même pas les effets' de lumière qui n~crent les chairs

, l ,

et les pierreries, pâle ch.art~ ,tamisée par la végétation

luxuriante dàns ,le ,-tableau de Millais, clarté blafarde de la lune dans la description de Villiers.

Q '

l"~

, l

'

''Les jardins respleJ)j~S$Bient au clair de '

luœ. Les

arm:es

et les fleurs' étaient d'une

~ _ to

,f&riqœ be,a~ ( ••• ) ses lorqs éheveux ,

l "

\

'

\

(33)

• <

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1

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1 1

!

.'

t

! ! } {) 26

étaient dénoués sur

son

dos nacré, les rayons filtrés A travers les cypre~ miroitaient sur elle toute: et elle sanb1":lit, de te:nps ~ , avtre, sir:~ fastuÈmse éJes heures noires,

~ ployer, avec des rrouvements délicieux,

\

dahs

une vapeur de

mariants.

Les cygnes, ,

\

ati;:irés par sa blaœheur, venaient Polir

~eUrs

ailes contre ses flancs et ses

br~s

..• III

Voici don,c déjA ~es tl\~mes d e " eau, dè "la

1 -[

1

- ,

pureté, 'dp diamant. Plus tard, Villiers comme Flaubert

11>- 1 ~

et Mallarm€ peindra la fascination de la femme,

femme-objet au sens littéral du terme, inaccessiblé parce que

figée d~ns la bea~té d'une pierre précieuse. C'est ainsi qu'il décrit~Claire Lenoir:

..

" .. ~ elle Iœ laissa considérer ses Yeux.

~

étaient d'un éclat si vitreux, 'si

-

interœ Ils

.

-que le regard avait le froid de la pierre;

,

ils faisaient mal. C'étaient deux aigue-marines ... 2 , 0,

L'on se rappelle ~ présent l'apostrophe d'Hérodiade: '':Vous,

-b~e9

où" res yeux ccmœ

~

p.n:s

bij~

Empruntent leur

'c1~~

néiodieuse.

~

... I l • 1 ...

r

0

Isis, op. cit. (~. 40)

-2 .

Villiers de P Isle Adam, Tribulat Borihc:lœt, Maral:out- 1

Fantastique, (p~ 69) _ ,leP '..;: , 1 -1

l'

J '1 .L ... _ .-_A,._.,~.,.tv-<:~~l:;..!.:tJ ... -.,W"'l.~t1!;.~1 r.'cl~~. ,.~.~ !_, 1 1

1

, . . "'

(34)

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, 1 27 -- J

.

'

évoquerons surtout ces parQles que

Villiers met dans 'la

bO~

de la Marquise Tullia

Fabriana: ) .

Nous

"Pour l'empire du ciel je ne .saurais oublier

....

la suprême tristesse de '{'ivre, ni descerxke

de la,s{ilère

ru

j'ai atteint .••• j'ai carmenoé

~ rrourir depuis longi::enps; l'horizon est

assœbri; rron a:eur est une grande rrélancolie glacéè: ;LI ne serrble qœ je ne change plus ••• ,,1

1

Aux accents encore .} romantiques du dégont de viyre, se miHe la notion déj~ mallarméenne de la be'auté figée dans sa perfection.

1

Isis" op. cit. (p.60)

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(35)

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Chapitre II c

Les objets magiques:

Les objets f~tidhes:

. ' l' \ , 1 tapisserie et miroir bijoux et vêtements . . . A r 1 1

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(36)

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" ! '28

-"Tant de bonheur qu'a la terre de ne pas être , décomposée en matière et en esprit";' écrivait Mallarmé

.-à Lefébure. Dans sa

q~ê~e

de l'Absolu, cette envolée

ver~

la beauté et vers l'esprit, Mal'larmé ne rencontre pas tou-, 0

jours cependant la matière comme un obstacle. En effet,

la représentation d,e la femme, iimocente ou sensuelle,

- mais

.

magique~ ne va pas sans une sacralisation de ses

~

attributs: cheveux,

ongles~pieds,

ou objets

q~i la'par~n~,

,qui l'entourent... Le monde de l'inanimé s'irise alors de

rêve et d~ symbole.

" J"

Nous avons vu que Mallarmé 'place son héroine,

Hérodiade, dans un palais luxueux,

cadre~digne

d'une,

prin-cesse. Mais ce n'est:qu'un cadre. Les objets qui entourent

1

la jeune fille sont autrement révélateurs; plus que

des'-dé taUs décora tifs, leur choix dél/lOntr-;';--l' élabora tion d'

U1

contexte symbolique dans' l~quel chaque élément ajoute une

1

nuance. Il y,a fort peu d'objets expliciternènt nommés , 0,

q d~ns l~ scène d'Hérodiade. On sait qu'elle se passe dans

la chambre de la jeune fille où l'~tt~nd sa nourrice. On

trouve seuleme~t'deux alIusions précises à des flambeaux

,

1

J

-, lettre à Iefébure, 1865, Cbrrespcndanoei

.

op. cit. (p. i52)

-•

1

! 1

l

'1 i 1

j

, j i

(37)

1 1

l

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o

\ d'or:

"Allurœ. encore, enfantillage

Dis-tu, ces. flanibeaux, où la cire au feu léger

Pleure p:u:mi l'or vain gue1qué pleur étranger. 1 • • tI

et un miroir: ft

..., Tiens devant rroi ce miroir ••• "

C~pendant,

kans

l'Ouv~rture

Ancienne,

se~~e da~s

cette, mêm~ chambre, la nourricé nous-dqnne d'autrës pr~cisi~ns

sur les éléments du décor où se ~rouve maintenant

Héro-diade,:

"Ia chambre singJ.ùière 'en un cadre, attirail

Da siècle ~ll~eux, orfèvrerie éteinte

A te ~igeux jadis pô~ ,ancienne teinte Et sa tapisserie, au lustre nacré, plis Inutiles" avec les yeux ensevelis

De sibylles offrant leur ongle vieil a~ mage~."

1

La Iscène se déroule donc il la lueur'

de~

flafi!beaux, devant

une tapisserie aux teintes estompées et

,

Cl est cetté

tapis-serie. que décrit.si minutie?sement la nourrice: elle'est

la toile 'de fond du décor. Elle représ'ente '1' inunobilit~,

le temps frémissant, 'mais figé, il 1a fois dans les plis

, 1 ,

.

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lourds de son étGlffe et" df1,ns les visages estompés deb ,

"'-~ .;;,.

persopnages Îlrodês., L'il (tapisser ie 1

e~t

no;

sèuleÎh~n

t 1

\ ,-,;

• Ir t, " "

1 ',~lémen t 4u décor qui prot~gè e"!: qui cë;lche 1 ~ qui' iosole ",f:'oJ 1 . tI ".c û ~ J

r

d~"1.'

extérieur,' mais >

ap~si ~neo

"histoire d'ans l'

histoiTe'~

• '0 • 1

q:ùi

pe~~t ~"~r ~intlfe

oUo0"au

po~te

de nuancer et d'

enri-~.J ~)'?~; 1 " ) , / .... ';> ~""'\. ,

,chir-"!jlôn 'Q~üvre par a).lusions: 'cette tapisserie est

\1::" ~ cf "l"", ~ ;;; ÇJ "

t> ~ ? c:;'>;: 4 Il Ï'J ....

anèf~nne e~~ per~~nnages'à demi effacés disparaissent

01 ~" l'~o " ~:t"~.,

,.,

....

"'dans les pll:s" 1.us~rés de la vieil'L~ étoffe. Mais on les

"J ",'";, \.

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~. ,'~ ;'" 'U OJ'O • ~

t,

'

l a

reconnaît: 'cà- ~ont les sibylles qui' prédïsent l',~veriir '.

tr :.-J " 'J 0 ~ ~---...

, (1 ,.., , ~

êt lesomaçes~ ,experts eux aussi en divination et.en

." - ( ) . J

sorceil~;iè~

. C'est

l~.

savoir, magique

_0\(

appris, c,'est une lO!lgue,' cOBtinu~té du pouvoir mystérièux qui sert de toile de 'f~nd à

11

Yle d' Hérodiade. ,

, r,.",1J ~ • • !

servant de décoz:='~.l' autr~, est faml.l~er aux' pe~ntr~s(

préraplaélites. On en trQuve des, exemples qhez Rossetti:

"

dans l'aquarell:e datée de 1857 intitulée Le Ma~riage dé' "

~ . ' (

-/~ - , . . -:;" 1 1

StrG~orqes

et ,de

l~

princesse Sabra (reprod';lction no. 4),

Rdssetti rep~ésente Jes deux personnagescprincipaux, devant un '1:ableau all~gor;que- dl anges sonnant les' cloches des

~pOusailles • 1 \ .

1

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- 31

'-Le tableau de B~rne-JdnQ.s, Laus Veneris (reproduction no. 5), nous semble Jencore plus

\signifi-\catif. (Ce tab~eau fut terminé

Londres seul~ent en 1878, mais

tt

en e1873 et exposé ~,y­

c'est la version acfrandie

."' \a

d'une aquarelle, maintenant perdue, connue en France dès

1861). Cett-e toile ,est rel1la;rquable par sa composition,

J'en trois ~ableaux, 'chacun il1us\:rant les autres: . la , scène cent;rale.,représente

Vén~s

éc'outant

les~

musiaiennes,

la feJ)lêtre ouv~rte laisse voir les chevaliers Dqui se

dirigent ve~s sa demeure et 'enfin, élément .décoratif

______ ... et symbolique

à

la fois, la tapisserie ~qui couvre tout le fond

d~,

tableau montre Cup.:i,don, l'enfant moqueur, \

1

qui-darde ses flèches sur ses victimes.

L' accessoire essentiel du tableau dans la

scène d' H~rodiade reste toutefois le miroir. A six

reprises, l~ jeune fille fait allusion ~

.

sa 'propre image, , .

qui re~ient~ \obsêda,nte, reflétée ·dans l'eau du' bassin,

i

dans- le miroir que lui' tend sa ,nourrice, dans les armes

.

, et les vases d'or qu;i ornent ~e palais royal &t r~vali­

sènt d'éclat avec 13a chevelure. Le miroir, en effet, se

forme de mille façons: . le m~ta1 poli, Veau dormante ou

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- 32 -

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"

gelée, autant de sources.d

r

reflet, de dédoublement.

La, présence d r un double, di' un autre soi':'même, objectivi3

l'

par le miroir est rassurante.

ct

est ce double qui

assure Hérod.:i_ade de sa px;opre vie, de sa réalité, comme

i l ra~surait aussi Mallarmé pendant la crise de To~rnon.

I l éCf,i t à son ami Lefébure: "J'ai encore besoin, trnt

ont été çrandes le~ ~vanies de mon ~riomphe, de me

regar-cJ "

der dans cette glace

~bur

penser 1 e,t... si elle n'était

. , )

pa,s devan:t la tablé

je t'écris cette lettre, je

rede-\

\, ,

~iendrais le néant. C'est t'apprendre qU,e je suis

main-t enant 1mpersonne .•• · 1 ,,1 Î

C'est ainsi, dans la même optique 1 qu'il faut

...

comprendre l'incant~tion d'Hérodiade à son miroir:

..

1

rI . . . ~ .1 . . . 0 mira:ir!

, Eau 'froide> par l'ennui dans ton cadre gelée

Que de fois et pendant Ses heures, déso~ée

· Des songes et cherchant IreS souveniJ;s qui sont·

1

ecmœ

des feuilles sous ta glace au trç>u profooo,

Je m'app:trUS en toi ~ une

anbre

lointaine,

Mais, Horreur~ des soirs, dans ta sévère fontaine,

J~ ai de ItOn rêve épars connu la nudi té ~ Il

1

Lettre ~ Cazalis, 14 mai 1867, Corr~sp:mdance, cp. cit .. (p.212)

-/ '-,-) 1 1

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' 33

-La conternpléj.tion ,de son ref:let dans le ... miroir

guide la femme vers une véritê:' au-d~là des songes et

des souvenirs, au-del,à de cl. " enfance r,etrouvée "ombre

1

1

lointaine ", il Y a la hudi tê crue de ila réal i tê entrevue.

a i l 1

1 1

Si originale et si

authenti~uement

"mallarrnéenne ll qu'elle

p~raiss~,

l,idée du/miroir

aV~it

été souvent exploi-tée, en peinture par ... les

préraPh~éliteb

et les premiers

syro-~

1'1 i

± '

.

boll.stes. Pour n'~n dO,n~er qu'un ex pIe, citons le

tableau de Holman Hunt, intitulé Ledl'r veil de la conscience

exposé à 'Londres en 1854 (reproductioh no. 6\. Le peintre

, i

nous montre' une jeune femme, la maîtresse d'un homme riche

probablement,r à ce qu' pn voit au luxe de la pi~ce.' . E~le

~I

-es:{" troUblée par la chanson de Moore: '"Oft in the - stilly

night ll " dont la partition est' posée sur. le piano et 'qui

l~i rappe~le peut-être son enfance. Elle,se tourne0ver~

"~laI lumi~re

du jardin, ,allusion

~,son

1nnocence disparue.

\ ' 1

C'est une oeuvre à caract~re moralisateur dans

,

laquelle-le peintre mu~tipI~e les' dêtrils ~ymboliques: le chat torturant.un oiseau, au prem'er pla~ à gauche,

une gravure des "Fenunes prises en f délit d) adult~rell, \

, \

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l', 1 34

~u-dessus du'piano, et enfin le miroir. Ce miroir

\ "

réfléchit A

La

fois la jeune femme ~t la lumi~re bril-lahte venant du jardin; il occupe tout le tond de la

• l' 1

, pi~ce. C'est dans ce miroir et d9ns le,s yeux de la

-

"-jeune femme que nous voyons la réalité des choses:. la

\

vérité se trouve en effet ,dans le reflet des ·app~rences.

Faut-il vo·ir ic:i!. un lointain souvenir de Swedenborg?

Cl est en tout cas la même idée qui sera reprise par bien'

r

I}

des peintres impressionnistes, par Khnopff, dans '. Secret-·

reflet (reproduction no.- 7), par exemple, et bien sûr

par de nombreux peintres surréalistes.

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.

- 35

-C'est avec un \ soin tout 1 particulier que

Mallarmé 'entoure son héroine d'objets "magiques", ~iriil;"

\

aux reflets

,

~nattendus, tapisserie vivante. Mais les

j

plus chargés de symbole et d'intention sont bien ceux

qui. touchent la f~e de plùs pr~s:1/ ceux. qui la parent

1

et la dissimu~ent, les bijoux et les vêtements'. Devant

ces descriPlions minutieuses, amoureuses même, on peut parl~r de fétichisme d~ costumè'. "

'\Chez Mallarmé; le vêtement, l'accessoire, sont

~

la source ~e recherches élaborées. C ',~st certainement

une forme de c.~ dandysme mis â la mode par Baudelaire.

'1'

Cette merveilleuse disponibilité, du dandy, due il sa fortunè,

il sa position dans le Imonde,. lui permet de n'avoir "d'autre

,

profession que l'élégance"t (ainsi 1:e définissait Baudelrire

,

dans Peint14es de la

vie

modeiX'ne) •

) 1

,Le Mallarmé de La Dernii!re Mode, le couturier

épris de ses modêles et cherchant voluptueusement la

1

précision! la plus minu,tieuse dans les dé:tails vestimen-tairê~ ne

s'

est pas

\ . 1

\ "

1

l.or.s de l,a compo,si 'tian

1

Figure

tableau  de  Holman  Hunt,  intitulé  Ledl'r  veil  de  la conscience  exposé  à  'Londres  en  1854  (reproductioh  no
graphique  ou  poétique  quelques  remarqùes  su~  la  tech-

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