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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Introduction à la socio-épistémologie

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Academic year: 2021

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INTRODUCTION

À

LA SOCIO-ÉPISTÉMOLOGIE

Gérard FOU REZ Université de Namur

MOTSCLÉS: CONSTRUCfIVISME POSITIVISME EMPIRISTE -SOCIO-CONSTRUCTIVISME

RÉSUMÉ: Cet atelier présente une vision socio-épistémologique des pratiques scientifiques. En contraste avec ce qu'on pourrait appeler un "positivisme" empirique assez répandu dans les milieux scientifiques, on montre les choix du constructivisme "classique" pour lequel c'est la construction individuelle qui prime. Cet individualisme est dépassé pour mettre en évidence le caractère collectif du travail scientifique qui construit des savoirs standardisés. Le caractère relatif de ces savoirs est mis en évidence, tout en évitant une position relativiste. Les pratiques scientifiques apparaissent ainsi comme une construction collective de représentations pertinentes et fiables de notre monde.

SUMMARY : A socio-epistemological approach of science is considered. Contrasting with an empiricist and positivist view, the basic assumptions of "classic" constructivism are presented. For the laller the construction of knowledge is basically an individual business. While, for socio-epistemology, science is a collective endeavour producing standardized knowledge. Scientific knowledge thus appears relative to contexts and projects, but relativism is rejected. Science is viewed as a collective construction of relevant and reliable representations of our world.

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1. INTRODUCTION

Cette contribution propose quelques balises pour situer des débats épistémologiques qui influencent les pratiques dans les classes de sciences (cf. la communication deC.de Bueger). Je présenterai ici des types d'épistémologies, c'est-à-dire des modèles qui ne se réalisent jamais pleinement comme tels dans la pratique mais qui contribuent à clarifier l'analyse. Les présupposés vont dans la direction du socio-constructivisme. C'est en fonction de ce point de vue que les autres sont décrits.

2. LE POSITIVISME EMPIRISTE

2.1 Une image un peu caricaturale du positivisme

Le courant positiviste est important dans l'histoire de l'épistémologie. Il fait partie d'une réaction face à des pensées assez dogmatiques. Depuis Newton, au moins, certains se refusent à parler de la nature ultime des choses pour ne s'occuper que des phénomènes (ce qui "apparaît"). A. Comte estime que "la philosophie doit devenir positive, c'est-à-dire qu'au lieu de se perdre en vaine spéculation sur la nature, sur la substance, sur la cause première, elle doit s'élever à une représentation à la fois systématique et positive de l'univers" (Larousse, 1923). Cette représentation suppose qu'on découvre les lois de la nature et de la société, en partant des phénomènes. Elle a peu à peu donné naissance au positivisme "vulgaire", devenu la philosophie spontanée de beaucoup de scientifiques. C'est une croyance selon laquelle la science découvre, d'une façon méthodique et rationnelle, les lois universelles et éternelles de la nature, permettant d'atteindre une vérité aussi objective que possible-même si l'on sait que toute proposition est provisoire et qu'on peut être amené à en adopter d'autres, plus conformes à ce que nous dicte la "réalité des choses". Ce positivisme a trois caractéristiques.

2.2 Une idéologie de l'immédiateté

On entend par là une croyance en la possibilité d'un contact direct avec le "réel", sans qu'il soit nécessaire d'un faire aucune interprétation. Ainsi, a-t-il été à la mode dans les premières décennies de ce siècle de se baser sur la différence entre les propositions empiriques (qui seraient le résultat direct de la perception sensorielle) et les propositions théoriques qui impliquent toujours une certaine modélisation ou interprétation. Il y a donc là une croyance en une immédiateté de la perception sensorielle qui serait la seule base légitime des constructions théoriques. Dans les traditions dogmatique et empiriste, on pense qu "'il suffit de regarder pour comprendre" (Martinand, 1989).

2.3 Une idéologie de l'universalité neutre

Le positivisme de la plupart des scientifiques croit en une science objective et neutre, qui, pratiquée correctement, serait universelle et indépendante de tout point de vue particulier. Tout être intelligent et rationnel (qu'il ait le corps d'un humain ou d'un dauphin, qu'il soit dans n'importe quelle condition culturelle ou sociale) pourrait trouver les uniques lois de la nature, universellement valables. L'objectivité scientifique ainsi comprise doit se dégager le plus possible de tout type de subjectivité.

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Si, dans la pratique, on ne peut le faire totalement, cela reste l'idéal de la science (laquelle d'ailleurs se désigne au singulier puisqu'elle est universelle). Un des problèmes des sciences dites humaines ou sociales viendrait de ce qu'elles ne se dégagent pas aussi bien de la subjectivité que les sciences "dures". La physique constitue, dans cette perspective, le prototype de la science. Cette croyance en une universalité neutre conduit d'ailleurs souvent à rendre assez rigide la distinction entre ce qui est scientifique et ce qui ne l'est pas (cf. la "rupture épistémologique" de Bachelard, 1971).

2.4 La vérité, reflet du monde réel, tel qu'il est

On voit la vérité comme la "copie conforme" du réel. Elle existe et on la "découvre". L'histoire des sciences consiste à désigner les chemins (ou les errements) dans cette recherche (en faisant bien la distinction entre les lois ou les modèles scientifiques "vrais" et ceux qui ne le sont pas). Le but de la science, c'est de dire le monde tel qu'il est, sans aucun biais. Il y a, dans ce positivisme "vulgaire" une croyance spontanée à l'existence d'un monde en soi, croyance bien éloignée de la position d'un ancêtre du positivisme; Kant. Celui-ci estimait que, au moins du point de vue de la raison pure, on ne pouvait rien connaître quant à l'existence d'un monde en soi. La raison pure n'avait, selon Kant, accès qu'au monde phénoménal, c'est-à-dire le monde déjà construit et interprété parle sujet connaissant. Ce type de positivisme se retrouve implicitement dans beaucoup de manuels de sciences.

3. LE CONSTRUCTIVISME CLASSIQUE

3.1 Le sujet structure la connaissance

Le constructivisme se centre autour de l'idée que l'objet n'est pas un donné mais une construction du sujet. Pour voir une lampe, le sujet connaissant (avec sa biologie, sa psychologie, sa culture et ses structures psychologico-sociales) organise son monde pour mettre en évidence cet "objet". "Des opérations mentales donnent accès à 'des' objets car ce sont elles qui, construisantletype d'objet, deviennent source de similarité comparative" (Brief, 1986). Le sujet structure la connaissance: "on ne cherche pas, on ne découvre pas l'objet puisqu'il s'insère dans un système d'actions d'où jaillissent ses propriétés et qu'il se met ainsi à notre disposition; il est le résultat d'une procédure" (Brief, 1986).

3.2 Tout discours est interprétation

Il n'existe plus d'information "pure" car toute information est déjà organisée par notre connaissance: nous produisons, dans le cadre de nos actions et de nos projets, des informations. Non pas que toutes ces productions soient équivalentes ou que tout se vaille, mais "ce sont toujours les structures conceptuelles de l'observateur particulier qui déterminent à quoi une expérience va être assimilée. Ainsi, un enseignant ne peut jamais savoir au préalable comment un élève va percevoir et concevoir une expérience, parce que les structures conceptuelles auxquelles l'élève assimilera l'expérience sont certainement différentes de celles de l'enseignant" (Von Glasersfeld 1989). Cette conscience de la dimension interprétative de toute observation rejoint les analyses épistémologiques qui soulignent que

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l'observation scientifique implique une "sélection" faite au nom d'une perspective particulière (par ex., celle d'une discipline). Sans cette sélection, il n'y a pas d'activité scientifique (Fourez, 1995).

3.3 La sous-détermination des sciences

Les manuels de sciences font souvent supposer que, d'une expérience qu'ils décrivent, il FAUT tirer tel ou tel modèle explicatif.Or,Duhem, un physicien philosophe du début du siècle, et, un demi siècle plus tard, un philosophe, Quine, ont répandu l'idée que, quand on accepte comme "faits établis" certaines données expérimentales, il existe une infinité de modèles qui peuvent en rendre compte. L'intérêt de ces modèles dépend des contextes et des projets dans lesquels on les insère. Mais ils ne sont pas équivalents. On ne peut "déduire" lequel serait le "bon" en ne considérant que les seules données empiriques. Le choix final doit s'opérer finalement en fonction, non seulement des "objets", mais aussi des "projets" dans lesquels on veut insérer ces modèles. Ainsi, la thèse de Duhem-Quine s'élève contre la prétention à "induire" d'une situation LE modèle qui l'expliquerait (il yen a une infinité). De même que face à un "cahier des charges admis" il y a une infinité de systèmes technologiques capables de remplir les conditions posées, ainsi, face à une "situation empirique", il y a une infinité de systèmes théoriques pouvant en rendare compte. Pour choisir entre ces technologies ou entre ces systèmes théoriques, il faut faire appel à quelque chose d'autre qu'au "cahier des charges" ou à des "données expérimentales. Ainsi, la construction des sciences implique toujours des éléments de choix et de "risque" qui font entrer les pratiques scientifiques dans le domaine des pratiques à travers lesquelles nous construisons une histoire ouverte, plutôt que de trouver une image d'un monde donné une fois pour toutes."À elles seules, celles-ci ne déterminent pas les sciences.

3.4 Paradigmes disciplinaires ou cadres de référence

Même sileconstructivisme classique a peu considéré les dimensions historiques des pratiques scientifiques, il entre assez bien en résonnance avec la notion de paradigmes disciplinaires. On désigne par ce terme l'ensemble des présupposés qui déterminent le point de vue d'une discipline (Kuhn, 1972). On peut donc dire qu'à chaque paradigme correspond un "sujet scientifique" qui structure observations et connaissances d'une manière spécifique à la discipline considérée. Ces paradigmes sont des cadres de références qui norment et standardisent la construction des savoirs.

3.5 La notion de vérité dans le constructivisme classique

Les modèles sont contingents, procèdant d'une logique non nécessaire.Iln'y a pas une seule vérité scientifique nécessaire. Ainsi, pour Von Glasersfeld la science n'a pas pour but "de chercher des vérités absolues par ailleurs introuvables"(l989), mais, dans la ligne de Piaget, la connaissance "est une fonction adaptative dans le sens biologique. Cela signifie que les produits de l'activité cognitive ne sont jamais des représentations (dans le sens iconique) d'une réalité extérieure, mais toujours des structures conceptuelles avec lesquelles l'organisme opère pour atteindre ses buts", une position "qui renvoie à la contingence du modèle et conduit à évaluer celui-ci selon le but pour lequel il a été construit". C'est pourquoi certains estiment que le constructivisme classique adopte une position relativiste, même s'il est clair que, pour lui, "la connaissance scientifique n'est pas une farce" dans la

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mesure où les connaissances ne sont plus équivalentes dès qu'on s'est fixé un but. Cependant, pour ce constructivisme, ce sont les individus qui construisent leurs connaissances et en décident.

4. LES SOCIO-CONSTRUCTIVISMES

De par son individualisme, le constructivisme classique ne donne pas des pratiques scientifiques une image adéquate. Ainsi que le fait remarquer Giordan (1989), "il ne prend pas en compte les références conceptuelles et sociales" et reste muet "au niveau référentiel ou sémantique". Quand il s'agit de didactique, il semble oublier que "la didactique des science souhaite aider l'élève dans l'appropriation d'un savoir panagé par une communauté d'idée: la communauté scientifique". C'est pourquoi des chercheurs ont voulu rendre compte des dimensions sociales de la construction des savoirs et ont adopté des attitudes dites "socio-constructivistes" ou "socio-épistémologiques". Ils insistent sur le fait que les pratiques scientifiques sont construites par les humains et pour les humains, dans un effort historique et collectif dont nous allons proposer quelques traits.

4.1 L'observation comme modélisation sociale

Pour le socio-constructivisme, l'observation se fait dans la perspective d'une modélisation qui dépend de son contexte, des projets qui la sou tendent et de ses destinataires. Ainsi, dans l'observation d'une casserole à pression, ily a plus qu'un "sujet individuel" en jeu. Ily a une situation où des êtres humains sont intéressésàun projet (par exemple, celui de cuire rapidement des aliments) et qui désirent pouvoir en discuter en eux-mêmes ou avec d'autres. L'observation produit donc finalement, dans une perspective de réflexion et de communication, un modèle (une représentation) de cette situation, liéàun projet et s'insérant dans une tradition de langage et de discussion.

4.2 Une modélisation se négocie

Un modèle adopté est choisi en fonction du projet qui le sous-tend: il paraît intéressant de se représenter les "choses" de cette façon. C'est pourquoi on dit que la modélisation se négocie. De même qu'on dit qu'un virage en voiture se négocie (par exemple, en acceptant de perdre un peu de vitesse pour gagner en stabilité) ainsi une représentation se "négocie": on sélectionne certains aspects de la situation et on en néglige d'autres de manièreàobtenir, dans le contexte, un optimum de ce qu'on désire.Lanégociation d'un modèle, visantàobtenir une représentation adéquate, se fera en tenant compteà la fois des exigences des "choses" et celles des destinataires de la communication. Dans la perspective adoptée ici, avec Stengers (1993), Latour (1989), Collins (1994), l'activité et l'objectivité scientifiques sont vues comme des processus sociaux où des représentations du monde se négocient (ce qui ne veut pas dire que tout est négociable de la même façon). Cette négociation ne doit pas être comprise comme extérieure aux démarches scientifiques. Il ne s'agit pas de faire des concessionà d"'autres" en vue d'obtenir quelque chose d'eux. Il s'agit plutôt de construire les représentations qui seront adéquates dans le contexte donné et en fonction des projets assumés. Parler

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de négociations ne signifie pas qu'on se situe dans un monde où l'on peut dire ou faire n'importe quoi; au contraire, on s'y situe faceàdes contraintes représentées par d'autres "actants". Comme l'a fait remarquer Latour, ces négociations se font, d'une part, entre humains (comme des négociations politiques) et, d'autre part, entre les humains et les "choses". Celles-ci sont aussi considérées comme des actants mais des actants "représentés" (dans le sens cognitif du mot mais aussi dans son sens politique) par des scientifiques ou des techniciens. Ainsi, les scientifiques font comme les ingénieurs qui produisent de leurs technologies des représentations telles qu'elles leur permettent de se risquerà construire des techniques et à débattre à leur propos (notamment des limites de leurs possibilités). Les théories scientifiques reçoivent leur statut dans une société: ce sont des représentations construites par des humains et pour des humains, au sein de leur histoire et de leurs traditions. On parle de "négociation" pour mettre en évidence les décisions, les risques et les contraintes qui président aux constructions sociales des représentations scientifiques ou technologiques.

4.3 La relativité des savoirs n'implique pas le relativisme

Les modèles sont relatifs aux contextes, projets et destinataires et ne sont donc nullement "absolus" (c'est-à-dire, étymologiquement, "sans liens") : produits de l'histoire, ils construisent l'histoire. Mais cela ne signifie nullement que toutes ces représentations sont équivalentes. Leur intérêt dépend des contextes (ou, en d'autres termes, de leur champ de validité). On peut se demander, (Progogine et Stengers, 1988), ce qu'auraient été les traités de physique des dauphins si ceux-ci étaient devenus des être intelligents. On pourrait parier qu'ils n'auraient pas été basés, comme les nôtres, sur la fiction -très adéquate et intéressante pour nous - du mouvement sans frottement (c'est-à-dire, sur des représentations basées sur la notion de conservation de la quantité de mouvement pourtant jamais observée empiriquement). Ni non plus sur le champ de la pesanteur, bien peu significatif pour des dauphins vivant dans l'eau. On peut ainsi comparer les représentations scientifiques aux technologies. Ces dernières sont contingentes (il y a de nombreuses techniques capables de répondre à des projets contextués) mais elles ne sont pas équivalentes. On est loin du relativisme qui prétendrait que tous les modèles se valent et que les débats scientifiques sont purs échanges de sophismes. La valeur des modèles dépend des situations particulières dans lesquelles ils peuvent être "intéressants".

4.4 Les modèles comme représentations (au sens politique du terme)

Les modèles ne sont pas des miroirs du monde, mais bien des re-présentations de celui-ci (un peu dans le sens où des députés représentent la population). Dans les débats des humains, ils tiendront la place du monde qu'ils représentent. Et un modèle est adéquat si les simplifications et les schématisations qu'il implique sont pertinentes dans les contextes où il sera utilisé. Pour qu'un modèle soit convenable, il faut que, quand nous l'utilisons à la place du monde dans nos "négociations", il représente bien le monde, c'est-à-dire que, finalement, son utilisation ne nous entraîne pas dans des impasses.

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4.5 La standardisation des savoirs

La socio-épistémologie distingue les modèles construits par des individus ou des groupes restreints de ceux qui ont été standardisés dans de larges groupes de référence (communautés scientifiques ou professionnelles, par exemple). L'intérêt des savoirs construits par les scientifiques réside, en bonne partie, dans le fait que, étant standardisés, ils peuvent être utilisés par des partenaires qui comprennent ce qu'ils recouvrent (la standardisation des modèles est ce qui permet un échange "rationnel", c'est-à-dire un échange où l'on sait de quoi on parle). Les sciences produisent non seulement des savoirs individuels, mais également des modèles qui, parce qu'ils ont été standardisés par des communautés scientifiques, sont socialement disponibles pour tous ceux qui voudront bien accepter ce type de standardisation. Les concepts de "force" en physique, de "cellule" en biologie, de "réaction" en chimie, ou de "comportement" en psychologie représentent des modélisations standardisées (parfois après des siècles d'effort). Les sciences sont donc des savoirs historiquement standardisés ou "normalisés"(la "science normale" de Kuhn). Les modèles qui constituent ces savoirs sont contingents (non nécessaires, ils auraient pu être autres, de la même façon que les ordinateurs que nous connaissons sont standardisés et auraient pu être autres). S'ils ont été retenus, c'est parce que cette standardisation-là s'est révélée fort efficace pour négocier avec le monde et discuter. Ce caractère standardisé des savoirs a des conséquences capitales pour l'enseignement des sciences. Il conduit en effet à bien faire la distinction entre la construction d'un modèle dans une situation précise, et l'apprentissage d'un modèle construit par ailleurs et standardisé dans une communauté déterminée. Ainsi, si un groupe d'élèves veut construire une représentation de la chute d'une balle, ils pourront trouver des modèles très efficaces, mais il est à peu près sûr que, sauf manipulation pédagogique, ils ne trouveront pas la représentation standard utilisées par les physiciens. Pas plus qu'un ingénieur n'arriverait, sans processus d'adaptation social,à adopter la taille de 3,5" pour les disquettes d'ordinateurs, taille standardisée avec succès par LB.M. Les sciences ont un caractère universel, non parce qu'elles viseraientà être l'unique miroir du monde, mais par la standardisation qu'elles impliquent. Quand on a suivi une formation scientifique, on sait comment utiliser des modèles semblablesà Tokyo, Washington et Moscou. Cette standardisation a un caractère contingent - comme celui de la standardisation des techniques - mais cela ne signifie nullement que toutes les standardisations sont équivalentes ainsi qu'en témoignent les "progrès" scientifiques par lesquels une standardisation est remplacée par une autre jugée plus adéquate).

5. VISION HISTORIQUE DES SCIENCES ET DES VÉRITÉS SCIENTIFIQUES Les sciences apparaissent comme une œuvre collective, celle de la construction de savoirs, de modèles qui représentent notre monde, grâce auxquels il est possible de négocier avec les situations que nous vivons et de communiquer entre nous. Il s'agit de connaissances construites par les humains et pour les humains. Ce n'est pas un travail individuel où chacun se construirait pour soi seul des représentations du monde. Les sciences sont au contraire des savoirs standardisés (pour le meilleur et pour le pire) dans lesquels on peut entrer (ou ne pas entrer... mais alors,à quel prix?).

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Elles sont devenues une obligation pratique dans notre société. Obligation contre laquelle certains se révoltent, et que n'ont pas assez réfléchie les idéologies des progrès scientifiques (c'est d'ailleurs pourquoi l'éducation scientifique n'a pas seulement une dimension individuelle: c'est une socialisationàune culture). On peut considérer les sciences comme des technologies intellectuelles: la manière dont elles sont structurées et organisées est contingente, mais les représentations scientifiques, comme les technologies, ne sont pas équivalentes. Le "savoir vrai" sera une représentation pertinente denotremonde: il est relatif aux contextes et aux projets qui sont les nôtres. Mais toutes les représentations ne sont pas équivalentes: certaines nous conduisentà des impasses et s'avèrent ainsi inadéquates. Quant aux pratiques et débats scientifiques, on peut les considérer comme des activités humaines par lesquelles nous construisons des représentations de notre monde auxquelles nous pouvons faire confiance dans les champs d'application qui auront été précisés.

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