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Pratiques masturbatoires féminines et santé sexuelle : une exploration qualitative des perspectives et des expériences des femmes

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Academic year: 2021

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(1)

PRA TIQUES MASTURBATOIRES FÉMININES ET SANTÉ SEXUELLE : UNE EXPLORATION QUALITATIVE DES PERSPECTIVES ET DES EXPÉRIENCES

DES FEMMES

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAITRISE EN SEXOLOGIE

PAR

VALÉRIE MORIN

(2)

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques

Avertissement

La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.0?-2011 ). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité .ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

(3)

Avant tout, il faut absolument que je remercie les treize participantes de cette étude. Vous m'avez donné la permission d'explorer vos vécus sexuels et c'est un cadeau inestimable. Le partage de vos expériences est vraiment le cœur de cette recherche. Merci de votre confiance et surtout, de votre grand intérêt à faire avancer les connaissances sur la sexualité des femmes.

Ce mémoire a été, pour moi, une tâche ardue me demandant autant d'efforts théoriques que personnels. Sans le soutien de plusieurs personnes, je n'aurais pas pu maintenir ces efforts afin de mener à bien ce projet.

J'aimerais tout d'abord remercier ma directrice, Sylvie Lévesque, sans qui cette recherche n'aurait jamais vu le jour. Elle m'a guidé avec patience et encouragement à travers le processus sinueux et complexe de la recherche qualitative. Sylvie a été une men tore indispensable dans chaque étape de ce long processus. De l'écriture du devis à l'écriture du mémoire, chaque défi a été surmonté un par un grâce à Sylvie, ses corrections et ses conseils précieux.

J'aimerais ensuite remercier ma codirectrice, Julie Lavigne, qui a fortement contribué à l'expression de ma voix féministe dans cette recherche. Ses connaissances approfondies des différentes approches féministes m'ont permis d'y intégrer la couleur féministe que je voulais. Cet angle féministe est le moteur de ce projet. C'est pourquoi je remercie énormément Julie d'en avoir fourni le carburant.

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lV

J'aimerais aussi remercier mes amies, Sarah et Audrey, qui m'ont suivi tout au long de ces deux dernières années. Merci de m'avoir accompagné pendant ces séminaires, ces fins de session et ces longues nuits d'écriture. Surtout, merci de m'avoir fait rire et d'avoir ri avec moi. Votre persévérance, votre patience et votre ardeur au travail ont été une source d'inspiration constante.

Je souhaite aussi remercier mon éditeur-philosophe et ami, Éric. Merci de m'avoir demandé à plusieurs reprises le but fondamental de ma recherche. Tu m'as tant de fois rappelé qu'il faut toujours revenir sur l'importance et la pertinence de son sujet, mais surtout l'importance de la question à laquelle nous tentons de répondre. Mis à part les aspects techniques, merci pour ton amour et ta patience à chaque obstacle rencontré durant les deux dernières années. Merci M. Leduc.

Enfin, j'aimerais remercier les membres de ma famille qui m'ont soutenue avec leur amour tout au long de ma maîtrise. Merci d'être fier de moi et de m'encourager constamment. Je ne pourrais être qui je suis ni où je me trouve sans vous. Je vous aime tellement.

(5)

LISTE DES FIGURES ... xi

LISTE DES TABLEAUX ... xii

RÉSUMÉ ... xiii INTRODUCTION ... 1 CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE ... 2 1.1 Mise en contexte ... 2 1.2 Objectifs ... 5 1.3 Pertinence ... 5 CHAPITRE II ÉTAT DES CONNAISSANCES ... 8

2.1 L'évolution des perspectives sur la masturbation: la construction d'un tabou .. 8

2.1.1 La condamnation de la masturbation par les instances religieuses ... 9

2.1.2 La peur morale et médicale de la masturbation qui se propage ... 10

2.1.3 Le tabou de la masturbation : une particularité difficile à discréditer ... 12

2.2 Les influences socioculturelles du tabou de la masturbation ... 13

2.2.1 Famille et religion : des contextes sociaux peu propices aux conversations sur la sexualité ... 13

2.2.2 Double standard sexuel : un concept issu des rôles sexuels stéréotypés et traditionnels ... 14

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Vl

2.3.1 Le rapprochement des expériences des femmes à celles des hommes quant à la masturbation ... 0 0 ••• •• 19 2.4 Apport empirique des théories critiques féministes quant aux pratiques

masturbatoires féminines et leurs significations au niveau social ... 20 2.5 Attitudes et émotions négatives à l'égard de la masturbation : le vécu des femmes ... 25 2.6 Les pairs, les partenaires et les médias sont de meilleures sources d'information et de discussions que la famille et les parents ... 27 2.7 La masturbation à l'adolescence et à l'âge adulte : ses impacts sur la sexualité dyadique ... 28

2.7.1 La masturbation à l'adolescence et ses impacts sur la sexualité dyadique ... 28 2. 7.2 Les fonctions de la masturbation pour les femmes adultes ... 31 2.8 La santé sexuelle et la masturbation ... 32 CHAPITRE III

CADRE THÉORIQUE ... 35 3.1 Les théories critiques féministes ... 35

3.1.1 L'influence des approches féministes sur les perspectives de la

masturbation ... 36 3 .1.2 La théorie des scripts sexuels ... 42 3.2 Le soi sexuel ... 0 0 •• • ••• • •• ••• • • •• • •• • • • • • • • ••• • • • • •••• 4 7 3 .2.1 La construction du soi sexuel par les scripts sexuels ... 4 7 3 .2.2 Le concept de soi sexuel : un modèle psychologique ... 51

(7)

-3.3 La santé sexuelle ... 53 CHAPITRE IV MÉTHODOLOGIE ... 56 4.1 Participantes ... 56 4.2 Recrutement ... 57 4.3 Canevas d'entretien ... 57 4.4 Procédures ... 58 4.5 Analyses ... 60 4.6 Considérations éthiques ... 63

4. 7 Description des participantes ... 64

4.7.1 Présentation sommaire des participantes ... 64

4.7.2 Présentation sommaire des pratiques masturbatoires des participantes. 66 4. 7.3 Présentation des lignes du temps propre à chaque participante ... 67

CHAPITRE V RÉSULTATS ... 81

La masturbation : une alliée de la santé sexuelle en dépit des jugements sociaux ... 81

5.1 Les messages véhiculés par la société et les conversations entretenues avec autrui : des discours qui sculptent le vécu des pratiques masturbatoires des femmes ··· 81

5.1.1 Les impressions des participantes sur les messages véhiculés à propos de la masturbation féminine : plusieurs perceptions et explications émèrgent ... 82

(8)

Vlll

5 .1.2 Les dialogues entretenus avec autrui : des conversations qui modifient leurs perspectives et normalisent ou culpabilisent leur masturbation ... 88

5.2 L'aisance corporelle, la reconnaissance des besoins sexuels et l'acceptation de son plaisir sexuel :des composantes d'une découverte de soi constatées par

l'intermédiaire de la masturbation ... 93

5.2.1 Une meilleure connaissance du corps et une plus grande aisance avec celui-ci : des composantes importantes catalysant la découverte de soi ... 94

5.2.2 La reconnaissance et la prise de conscience de leurs désirs et de leurs besoins sexuels: une phase nécessaire vers l'acceptation et l'affirmation de soi ... 98

5.2.3 Le point culminant de la découverte de soi et de l'autonomisation: une confiance et une assertivité quant à leur capacité à obtenir l'orgasme et/ou le plaisir sexuel ... 1 00

5.3 L'adolescence :une période où la sexualité et les pratiques masturbatoires se déploient, mais rencontrent aussi quelques embûches ... 102

5.3.1 Une reconnaissance du désir sexuel émergent à l'adolescence qui se fait par la connaissance de la nature sexuelle de la masturbation et la découverte de l'orgasme ... 1 02

5.3.2 Une confrontation à l'aspect tabou de la masturbation féminine ... 104

5.3.3 La première relation sexuelle, source d'ambiguïté émotive et de

réflexions ... 106

5.3 .4 Une décision affirmative à poursuivre sa masturbation ... 109

5.4 La sexualité dyadique :un contexte propice à l'affirmation de soi ... 110

5.4.1 Une connaissance de leurs préférences sexuelles ... 110

5.4.2 Une appropriation de leur propre plaisir sexuel.. ... 111

(9)

5.4.4 Une inclusion de la masturbation dans le coït ... 114

5.4.5 Une volonté à essayer de nouvelles expériences sexuelles ... 115

CHAPITRE VI DISCUSSION ... 117

6.1 Le contexte social et les tabous : des messages culturels et des conversations avec autrui qui modulent les perspectives et les représentations des pratiques masturbatoires des femmes ... 117

6.2 La découverte de soi :un processus lié par la masturbation, l'aisance corporelle, la reconnaissance des désirs sexuels et le plaisir sexuel.. ... 123

6.3 L'intégration de la masturbation dans la sexualité dyadique : des moments propices à l'affirmation de soi ... 127

6.4 Implications pratiques ... 132

6.5 Limites de l'étude ... 133

6.6 Recommandations pour les recherches futures ... 135

CONCLUSION ... 138

ANNEXE A MODÈLE DU CONCEPT DE SOI SEXUEL PAR DEUTSCH ET COLLÈGUES (2014) ... 141 ANNEXEB TABLEAU DES HUIT DIMENSIONS D'UNE BONNE SANTÉ SEXUELLE SELON LES PARTICIPANTES ... 142

APPENDICE A AFFICHE D'INVITATION À PARTICIPER À L'ÉTUDE ... 145

APPENDICEB GUIDE D'ENTRETIEN ... 146 APPENDICEC

(10)

x

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 149

APPENDICED

COURT QUESTIONNAIRE ... 154

APPENDICEE

LISTE DE RESSOURCES ... 156

APPENDICEF

CERTIFICAT ÉTHIQUE ... 158

(11)

Figures

Figure 4.1 Ligne du temps d'Anna Figure 4.2 Ligne du temps de Mélanie Figure 4.3 Ligne du temps de Laura Figure 4.4 Ligne du temps de Rachelle Figure 4.5 Ligne du temps de Christina Figure 4.6 Ligne du temps de Charlotte Figure 4.7 Ligne du temps de Sophie Figure 4.8 Ligne du temps de Fanny

Figure 4.9 Ligne du temps d'Isabelle

Figure 4.10 Ligne du temps de Karine

Figure 4.11 Ligne du temps de Jenny

Figure 4.12 Ligne du temps d'Arielle

Figure 4.13 Ligne du temps de Diane

Pages p.68 p.69 p.70 p.71 p.72 p.73 p.74 p.75 p.76 p.77 p.78 p.79 p.80

(12)

LISTE DES TABLEAUX

Tableaux

Tableau 4.1 Grille de thématisation

Tableau 4.2 Présentation sommaire des participantes

Tableau 4.3 Présentation sommaire des pratiques masturbatoires

Pages p.62 p.65 p.67

(13)

La sexualité des femmes a longtemps été repnmée et certaines études concluent qu'elles portent encore un regard négatif sur leur masturbation et leur droit au plaisir sexuel (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). Ceci est problématique dans la mesure où un rapport négatif à son plaisir sexuel, et plus précisément à la masturbation, mine potentiellement la santé sexuelle. Or, les études sur la masturbation féminine réalisées à ce jour n'ont pas détaillé les processus impliqués dans le phénomène de la masturbation des femmes et ses liens multiples avec la santé sexuelle. Cette recherche qualitative exploratoire s'intéresse à savoir comment une pratique régulière de la masturbation (définie comme une fois par mois ou plus) module la santé sexuelle des femmes à travers le développement du concept de soi sexuel.

Cette étude a analysé le discours de treize femmes (âgées de 18 à 30 ans) sur leurs pratiques masturbatoires et a tenté de décrire les processus sous-jacents à une sexualité plus épanouie et une meilleure santé sexuelle. Ces analyses ont été complétées en interprétant la perception des femmes de cette pratique à 1' aide du concept de soi sexuel et de théories critiques féministes.

Les résultats tendent à montrer que les femmes qui se masturbent régulièrement ont une meilleure compréhension de leur soi sexuel en raison d'une plus grande aisance et connaissance corporelle, d'une meilleure reconnaissance de leurs désirs et leurs besoins sexuels, et d'une plus grande confiance en leur capacité à obtenir un orgasme. De plus, en contexte dyadique, elles semblent témoigner d'une plus grande confiance, et ce grâce à une meilleure connaissance de leurs préférences sexuelles, une plus grande appropriation de leur plaisir sexuel, une meilleure communication de leurs désirs et besoins sexuels, et une plus grande volonté à essayer de nouvelles pratiques sexuelles. Bref, cette étude précise la place essentielle qu'occupe la masturbation dans la construction d'une sexualité saine et épanouie.

Mots-clés : masturbation, masturbation féminine, santé sexuelle, concept de soi sexuel, scripts sexuels, réflexivité sexuelle

(14)

INTRODUCTION

La masturbation est objet de controverse depuis très longtemps. Tout d'abord, en contexte religieux, selon les valeurs judéo-chrétiennes entre autres, la masturbation est un péché mortel. Depuis le XVIe siècle, on peut trouver des écrits religieux condamnant la masturbation et quiconque ose la pratiquer (Stengers et Van Neck, 1998/2001). Ensuite, la médecine du XIXe siècle n'améliore pas la réputation de la masturbation. Les médecins de 1' époque sont unanimement en accord que la masturbation est responsable de plusieurs maladies et peut même être mortelle (De Bourge, 1860; Fonssagrives, 1870; Fournier et Béguin, 1819; Proudhon, 1858). La transmission des valeurs religieuses au domaine de la médecine explique en partie la raison pour laquelle la masturbation demeure aujourd'hui une pratique mal vue auprès de plusieurs, tant chez les hommes que chez les femmes. Ainsi, selon une étude de Hogarth et Ingham (2009), beaucoup de jeunes femmes disent ressentir de la culpabilité et de la honte par rapport à leur pratique masturbatoire. Ceci révèle que la masturbation, particulièrement la masturbation féminine, demeure une pratique méprisée et taboue aujourd'hui (Kaestle et Allen, 2011). En dépit de cette stigmatisation et malgré les sentiments plus négatifs exprimés par certaines, la littérature scientifique sur le sujet illustre un fort pourcentage de pratique chez les femmes, soit environ 60 à 80 % de la population selon des milieux (Arafat et Cotton, 1974; Baéak et Stulhofer, 2011; Béjin, 1993; Das, 2007; Gerressu et coll., 2008). Les normes sociales négatives entourant la masturbation féminine sont étonnantes étant donné le nombre de femmes qui la pratiquent. Nous nous intéressons au phénomène de la masturbation et des dynamiques qu'elle exerce dans la sexualité des femmes ainsi que les normes sociales qui modulent le tout.

(15)

PROBLÉMATIQUE

1.1 Mise en contexte

La masturbation se définit comme une excitation manuelle des organes génitaux externes dans le but de provoquer le plaisir sexuel (Larousse, 2017). Il est pertinent, pour cette étude, d'ajouter que la masturbation féminine est aussi une pratique sexuelle solitaire et/ou dyadique de la stimulation des organes génitaux féminins par les mains ou autres parties du corps, le(s) jouets sexuels ou autres (p.ex. : un jet de douche, un manche de brosse à cheveux, un coussin, etc.) ou par la stimulation d'autres zones érogènes et dont le but est le plaisir sexuel et/ou l'orgasme.

Plusieurs études stipulent que la masturbation fait partie du répertoire des compétences sexuelles (Carvalheira et Leal, 2013; Gerressu et coll., 2008; Shulman et Home, 2003; Robbins et coll., 2011; Smith et coll., 1996). La littérature scientifique sur la masturbation indique qu'elle est liée à différentes notions importantes en sexologie telles que l'estime de soi sexuelle1 (Calogero et Thompson, 2009; Mayers et coll., 2003; Smith et coll., 1996), 1' estime de soi génitale2 (Bowman, 20 14; Coleman, 2002), les multiples comportements sexuels dyadiques, c'est-à-dire le sexe

1

L'évaluation positive de sa propre sexualité, incluant l'appréciation des comportements sexuels, des

sentiments sexuels et des pensées sexuelles, ainsi que les perceptions de son corps en contexte sexuel (Hensel et coll., 2011).

2

Les perceptions et les attitudes envers ses organes génitaux, incluant la satisfaction de l'apparence,

de l'odeur et du fonctionnement ainsi que le niveau de confort à laisser un(e) partenaire sexuel(le) ou

(16)

3

oral, anal et/ou vaginal (Rabbins et coll., 2011), l'assertivité sexuelle3 (sexual

assertiveness) (Carvalheira et Leal, 2013), l'auto-examen des organes génitaux

(Herbenick et coll., 2009), l'affect négatif sexuel4 (Arafat et Cotton, 1974; Hogarth et

Ingham, 2009; Sharma et Sharma, 1998) et le désir sexuel5 (énergie sexuelle,

excitation sexuelle, intérêt sexuel ou arousal) (Anders, 2012; Carvalheira et Leal, 2013; Herbenick et coll., 2009).

En fait, selon Deutsch et collègues (2014), quelques-unes des notions mentionnées

ci-haut font appel au concept de soi sexuel qui se définit comme la somme de ceux-ci.

Selon ces auteurs, le concept de soi sexuel est peu étudié en recherche sexologique et

les chercheurs de ce domaine disciplinaire ont de la difficulté à unanimement proposer un seul modèle pour ce concept. Il serait pertinent d'avoir un consensus

quant au soi sexuel car la notion, lorsqu'elle est fragmentée, n'est pas utile à une

compréhension plus approfondie de la sexualité humaine (Deutsch et coll., 2014).

Selon Deutsch et collègues (2014), le meilleur modèle expliquant le concept de soi

sexuel est composé de cinq facteurs, dont deux qui comportent des sous-catégories

(voir Annexe A). Selon ces auteurs, l'estime de soi, le· sentiment d'efficacité

personnelle, 1' affect négatif sexuel, 1' excitation sexuelle et 1' exploration sexuelle sont les cinq composantes principales associées au concept de soi sexuel.

Il est connu que le concept de soi sexuel est intimement lié à la notion de santé

sexuelle, c'est-à-dire que le développement d'un concept de soi sexuel positif est une composante de la santé sexuelle positive (prendre des précautions concernant les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), avoir une bonne estime

3 Capacité à refuser des relations sexuelles non désirées et à communiquer ses préférences sexuelles à un(e) partenaire sexuel(le) (Curtin et coll., 2011).

4 Pensées ou émotions négatives (p.ex. anxiété) dirigées vers son être sexuel ou perception de soi comme ayant des émotions négatives concernant la sexualité (Deutsch et coll., 2014).

5 Ce qui constitue les mobiles de l'activité sexuelle, qu'il s'agisse de la pulsion, de la libido, de l'appétit sexuel, ainsi que de l'intérêt, de la motivation et de l'excitation sexuelle (Larousse, 20 18).

(17)

de soi sexuelle, démontrer un intérêt envers la sexualité, se sentir compétent

sexuellement, etc.) (Buzwell et Rosenthal, 1996; Deutsch et coll., 20 14; Hensel et

coll., 2011 ).

Le soi sexuel est aussi un concept développé par certains auteurs en sociologie (Jackson et Scott, 2010; Kimmel, 2007). Le soi sexuel de chaque individu serait, en partie, une construction sociale et cognitive de soi qui permettrait de comprendre la

sexualité et les comportements sexuels et d'agir ou de réagir dans divers contextes

sexuels (Gagnon, 1977; Jackson, 2007; Jackson et Scott, 2010; Kimmel; 2007). Plus

précisément, le soi sexuel se développe avec la théorie des scripts sexuels6 à l'aide de la réflexivité sexuelle7 par un processus itératif entre les différents niveaux de scripts sexuels (culturels, interpersonnels et intrapsychiques) et l'individu (Jackson et Scott, 2010). Il est donc pertinent de considérer l'interaction entre le soi sexuel, les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle à l'intérieur du phénomène de la masturbation féminine, pratique sexuelle ayant plusieurs implications au niveau social.

La masturbation est liée à la santé sexuelle et plusieurs chercheurs tentent de mieux

comprendre ce lien, ou encore comment la masturbation module la santé sexuelle des

femmes (Bowman, 2014; Coleman, 2002; Herbenick et coll., 2009; Horne et Zimmer-Gembeck, 2005). En fait, la littérature scientifique présente des lacunes quant à l'explication de l'impact de sa pratique sur la santé sexuelle. Ainsi, sachant que la masturbation est liée au concept de soi sexuel et que celui-ci est lié à la santé

sexuelle, il est proposé que le concept de soi sexuel nous aidera à documenter la

6

Les scripts sexuels sont développés lors de l'apprentissage de la signification d'états internes, de l'organisation de séquences d'actes sexuels, du décodage de situations nouvelles, des limites à une réponse sexuelle et des liens entre des éléments non sexuels et des expériences sexuelles spécifiques (Gagnon et Simon, 2005).

7

La réflexivité sexuelle est la capacité à penser de manière critique ses expériences sexuelles et à

prendre des décisions concernant ses comportements et ses stratégies sexuels futurs. Elle est une

(18)

5

relation entre la masturbation et la santé sexuelle. Dernièrement, sachant que la

masturbation est une pratique sexuelle ayant des implications au niveau social en ce sens où elle est taboue et stigmatisée, il serait intéressant d'explorer comment les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle interagissent dans la construction du soi

sexuel des femmes ·qui se masturbent. Comme mentionné plus haut, malgré les

connaissances accumulées dans le domaine de la santé sexuelle, les liens entre la

masturbation féminine et la promotion de la santé sexuelle ont été peu documentés.

Ainsi, les concepts de soi sexuel, de scripts sexuels et de réflexivité sexuelle

pourraient nous aider à interpréter les liens potentiels entre la masturbation des

femmes et leur santé sexuelle.

1.2 Objectifs

Le principal objectif de cette étude exploratoire est de documenter, à l'aide de

l'interaction entre les scripts sexuels et la réflexivité sexuelle, le développement du

soi sexuel des femmes quant à leurs pratiques masturbatoires et ses liens potentiels

sur leur santé sexuelle. Ses sous-objectifs sont : 1) identifier, à partir des témoignages

des femmes, les principaux messages et discours véhiculés sur la masturbation

féminine; 2) explorer les parcours d'initiation de la masturbation féminine et les conséquences de cette pratique sur la découverte de soi; et 3) faire état des retombées perçues par les participantes de la masturbation sur la sexualité dyadique et la santé sexuelle.

(19)

Sur le plan scientifique, cette étude permettra de contribuer aux connaissances

empiriques lacunaires sur les liens entre la masturbation, le concept de soi sexuel et la

santé sexuelle. À ce jour, peu de recherches se sont intéressées aux enjeux sociaux

entourant les pratiques masturbatoires des femmes. Or, celle-ci s'avère encore taboue

et les femmes qui la pratiquent se sentent coupables (Carvalheira et Leal, 2013;

Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). Les perspectives recueillies des

participantes permettront de documenter leurs pratiques masturbatoires. L'analyse de

ces perspectives saura démystifier les pratiques des femmes à l'aide de plusieurs

composantes liées à la santé sexuelle. Cette recherche s'inscrit donc dans une volonté

de changement au plan social afin de légitimer la pratique de la masturbation

féminine.

Aussi, l'exploration du rôle de la masturbation féminine sur la santé sexuelle par

l'entremise des scripts sexuels, du concept de soi sexuel et de la réflexivité sexuelle

saura nous éclairer davantage sur la nature de ces liens. Une étude comme celle-ci

pourrait avoir des implications au niveau de 1' autonomisation des femmes en

cultivant le sentiment de contrôle sur leur corps et leur plaisir sexuel. En documentant

les façons dont la masturbation aide à développer le soi sexuel des femmes, cette

recherche participera au développement de connaissances qui permettront de voir les

conséquences de cette pratique sur la découverte de soi.

Ultimement, cette étude pourrait fournir des connaissances sur lesquelles pourraient

s'appuyer les intervenants et les intervenantes pour développer des outils et des

interventions en promotion de la santé sexuelle. Le vécu expérientiel des femmes qui

se masturbent pourra appuyer le développement d'outils sexologiques visant la

promotion d'une saine sexualité, entre autres. Cette étude pourrait soutenir les efforts

mis de l'avant par le Ministère de l'éducation et de l'enseignement supérieur dans son

(20)

7

les adolescents du Québec en fournissant des informations supplémentaires sur les pratiques masturbatoires et le plaisir sexuel des femmes (MEES, 2015).

(21)

ÉTAT DES CONNAISSANCES

Plusieurs recherches se sont intéressées au phénomène de la masturbation féminine.

Afin de mieux comprendre les messages et les discours qui influencent la pratique,

l'histoire de la masturbation sera brièvement recensée. Les influences socioculturelles

du tabou de la masturbation seront présentées et les théories féministes ayant critiqué

les perceptions négatives à l'égard de la masturbation seront explicitées. Les études

empiriques concernant les attitudes négatives, la prévalence de la pratique ainsi que

les sources de discussions au sujet de la masturbation seront recensées. Pour terminer,

les pratiques masturbatoires à l'adolescence et à l'âge adulte seront présentées afin de

mieux saisir l'évolution et les fonctions de la masturbation ainsi que ses impacts sur

la sexualité dyadique.

2.1 L'évolution des perspectives sur la masturbation: la construction d'un tabou

Il est important de débuter cette recension avec les multiples perspectives passées et

présentes en ce qui concerne le phénomène de la masturbation puisque ce sont celles

-ci, entre autres, qui ont modulé la pratique. Ces perspectives ont construit au fil du

temps le contexte social dans lequel les personnes pratiquent la masturbation. Elles

permettent de voir d'où vient le tabou entourant la pratique. En effet, afin d'avoir une

vue d'ensemble des prescriptions sociales, mais aussi de l'acceptation éventuelle de

la masturbation féminine, cette section documentera les perceptions positives et

négatives à l'égard de la masturbation depuis le XIIIe siècle jusqu'à l'époque

actuelle. Plusieurs auteurs se sont penchés sur le phénomène de la masturbation et son

histoire et ils peignent tous des portraits similaires concernant 1 'évolution historique

(22)

9

Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Historiquement,

ce discours est d'abord monopolisé par la religion qui condamne la pratique et passe

ensuite entre les mains de la médecine et de la psychiatrie. Il faudra attendre enfin les

premières recherches d'ordre sexologique pour que le phénomène soit étudié de

manière scientifique.

2.1.1 La condamnation de la masturbation par les instances religieuses

Depuis le XIIIe siècle, la perception traditionnelle consiste à considérer la

masturbation comme un péché punissable par Dieu (Stengers et Van Neck,

1998/2001). En 1595, F.J. Benedicti, un franciscain important et professeur en

théologie, décrète une morale théologique qui condamne la masturbation comme un

péché contre la nature en se basant, entre autres, sur deux textes bibliques. Le premier

de ces textes, le crime d'Onan, se trouve dans la Genèse (Gen., 38, 6-10). Selon ce

texte, Onan pratiquerait la masturbation pour fuir son devoir conjugal auprès de la

femme veuve de son frère. Le deuxième texte biblique se retrouve dans Saint-Paul

aux Corinthiens, première Épître (1 Co., 6, 9-1 0) et culpabilise ceux responsables de

«

ramollissement» (mollities), c'est-à-dire de faiblesse morale. L'importance de ces

deux textes ne se trouve pas dans leur contenu, mais dans leur interprétation comme

l'illustre le passage suivant :

Whoever engages in voluntary pollution outside marriage, which is termed

molli ti es by the theologians, sins against the natural order ... Voluntary pollution

that is procured while awake, either by touching, by cogitation and delectation,

by locution or conversation with women or men, by reading of immodest

books, or by whatever other means, is a morta! sin. (Benedicti, 1595, p. 113)

Cette morale répressive marque, en partie, le début de la proscription de la

masturbation. Plusieurs auteurs et théologiens du XVIIe et XVIIIe siècle poursuivent

(23)

cette morale (Stengers et Van Neck, 1998/2001). Cependant, Benedicti et les autres théologiens reconnaissent que la masturbation est un péché habituel, commun et universel dont les gens n'ont pas peur (Stengers et V an Neck, 1998/2001 ). Cette peur de la masturbation n'émerge qu'à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle où sont associés pour la première fois, dans un pamphlet intitulé Onania, des méfaits physiques à la masturbation (Stengers et Van Neck, 1998/2001).

2.1.2 La peur morale et médicale de la masturbation qui se propage

En 1715, Onania or The Heinous Sin of Self-Pollution, And Ail ft 's Frightful

Consequences, in Both Sexes, Considered: With Spiritual and Physical Advice To

Those Who Have Already Injured Themselves By This Abominable Practice est publié

pour la première fois en Angleterre (Laqueur, 2003; Marten, 1716; Stengers et Van Neck, 1998/2001 ). Ce petit pamphlet de 12 pages décrit les conséquences physiques négatives de la masturbation et transforme la perception mentale et morale des gens de l'époque (Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Onania connaît un

grand succès parce qu'il lie l'aspect moral, médical et religieux dans un mélange qui convainc la population des effets nuisibles de la masturbation (Humbert et Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001). En ce sens, Onania permet

au tabou concernant la masturbation de prendre de l'ampleur. Pour la première fois, des conséquences physiques, mais aussi divines, sont énumérées et sont susceptibles de toucher autant les hommes que les femmes (Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001 ). Par exemple, le pamphlet parle d'ulcères, de convulsions, de pâlissement de la peau, d'impotence, ou même de donner naissance à des enfants malades.

Onania mentionne aussi les risques de stérilité et de fausses couches pour les femmes

(Laqueur, 2003; Marten, 1716). Quant aux châtiments divins, ils affecteraient habituellement les fmances, par exemple, il y est écrit que les personnes qui se

(24)

11

masturbent risqueraient de faire faillite (Stengers et Van Neck, 1998/2001). Par

ailleurs, le but principal du pamphlet est lucratif puisqu'il recommande de se procurer

des poudres et des teintures qui guérissent les méfaits de la masturbation (Laqueur,

2003; Marten, 1716; Stengers et Van Neck, 1998/2001).

En 1760, le Dr. Samuel Tissot publie une dissertation intitulée L'Onanisme, ou

Dissertation Physique Sur Les Maladies Produites Par La Masturbation (Humbert et

Palazzolo, 2009; Sten gers et V an Neck, 1998/2001 ). Dans cette dissertation, le Dr.

Tissot (1760) fait le tri des conséquences physiques retrouvées dans Onania afin de

mieux pouvoir les cataloguer. Dans la citation suivante, nous pouvons percevoir

l'importance qu'il accorde à ce projet:

En composant cet ouvrage, j'ai espéré d'arrêter les progrès d'une corruption

plus ravageante peut-être que la petite vérole, et d'autant plus à craindre que,

travaillant dans les ombres du mystère, elle mine sourdement, sans même que

ceux qui sont ses victimes se doutent de sa malignité. (Tissot, 1760, préface,

p. VII)

Compte tenu de ce qui précède, il est possible de comprendre les intentions de Tissot

qui sont de médicaliser et de rendre scientifiques les méfaits de la masturbation

contrairement à ce qui se retrouvait dans Onania. Jusqu'à ce moment de l'histoire,

personne n'avait questionné la véracité des propos rapportés dans le pamphlet

Onania, et ce, même si aucune observation médicale empirique n'existe. Sur la base

des affirmations non fondées dans Onania, la médecine moderne développe toutes

sortes de disciplines et pratiques ayant pour but de prévenir la masturbation et de

guérir de ses répercussions négatives imaginées sur la santé (Humbert et Palazzolo,

2009; Stengers et Van Neck, 1998/2001). Par exemple, plusieurs instruments

différents, autant pour les hommes que pour les femmes, sont inventés afin

d'empêcher la masturbation. Il y aura une surveillance accrue des enfants, ainsi que

l'élaboration de règles strictes concernant leur éducation (Foucault, 1976; Humbert et

(25)

psychiatriques, pédiatriques et chirurgicales se répandent jusqu'en Amérique où une peur morale et médicale de la masturbation se fait aussi ressentir (Humbert et Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003; Sten gers et V an Neck, 1998/2001 ). La masturbation est devenue une pratique proscrite et taboue aux yeux des religieux, mais aussi des médecins, des psychiatres et autres professionnels de la santé.

2.1.3 Le tabou de la masturbation : une particularité difficile à discréditer

Selon plusieurs auteurs, cette culpabilité et cette peur entourant la masturbation se poursuivent jusqu'à aujourd'hui (Humbert et Palazzolo, 2009; Stengers et Van Neck, 1998/2001 ). Toutefois, avec les premières recherches sexologiques commence une investigation empirique de la question de la masturbation en tant que pratique sexuelle commune dans la population. En 1899, Havelock Ellis, le père de la sexologie, entame 1' étude des comportements sexuels déviants et remarque que la masturbation ne cause pas les méfaits auxquels elle a si longtemps été associée. Selon Humbert et Palazzolo (2009), il est l'un des premiers à poser de sérieuses questions concernant ces liens supposés. Pour sa part, il propose que la masturbation des femmes régule les hormones et, dans ce cas, leur cycle menstruel. En 1908, Sigmund Freud et ses collègues de la Société psychanalytique de Vienne constatent que les conséquences de la masturbation sont plutôt psychosomatiques (Humbert et Palazzolo, 2009). En effet, ils expliquent que la masturbation en soi ne produit pas d'effets nuisibles, mais que 1' angoisse et la culpabilité associées à 1' acte causeraient les séquelles physiques remarquées. Malgré les progrès des recherches sexologiques, la légitimité de la masturbation demande encore à être démontrée (Foucault, 1976; Humbert et Palazzolo, 2009; Laqueur, 2003; Stengers et Van Neck, 1998/2001). À ce sujet, les mouvements féministes ont beaucoup participé à l'avancement de la condition de la femme, et ce, tout particulièrement dans la sphère de la sexualité

(26)

13

(Fahs, 2011; McCormick, 1994). En fait, les féministes recensent et célèbrent la

masturbation des femmes dès les années 1940 (Dodson, 1987; Hite, 1976; Kinsey et

coll., 1953; Masters et Johnson, 1966; McCormick, 1994; Reich, 1936).

2.2 Les influences socioculturelles du tabou de la masturbation

Comme démontré précédemment, le tabou de la masturbation semble avoir eu

plusieurs impacts au niveau de son intégration dans la vie des femmes. Les études

empiriques illustrent ces impacts et plusieurs chercheurs les expliquent par les normes sociales entourant les pratiques masturbatoires. Cette section recense les explications de ces chercheurs qui discutent des normes socioculturelles influençant la pratique de

la masturbation.

2.2.1 Famille et religion : des contextes sociaux peu propices aux conversations sur la sexualité

Les contextes dans lesquels se déroulent les premières expériences de masturbation,

de même que le discours de la famille sur la masturbation, influencent la perception

qu'en développe un individu (Carvalheira et Leal, 2013; Kaestle et Allen, 2011). Le

contexte familial était considéré comme un endroit où le silence et le tabou sur la

masturbation sont implicites (Kaestle et Allen, 2011), constats similaires à ceux

trouvés dans l'étude de Hogarth et Ingham (2009). En effet, la difficulté à parler de

sexualité à leur famille semble aller de pair avec les perceptions négatives qu'elles

développent sur leurs pratiques masturbatoires (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et

Allen, 2011). Dans Hogarth et Ingham (2009), les participantes ayant une perception

(27)

négative de la masturbation décrivaient la communication au sujet de la sexualité

avec leurs parents comme maladroite et gênante.

2.2.2 Double standard sexuel : un concept issu des rôles sexuels stéréotypés et traditionnels

La plupart des participantes de l'étude de Kaestle et Allen (2011) ont mentionné la

perception selon laquelle la masturbation des hommes est plus acceptable que celle

des femmes. Nommé directement dans les récits des participantes, le double standard

sexuel se rapporte au phénomène où un comportement typiquement « masculin »

adopté par un homme est acceptable, tandis que lorsqu'une femme adopte ce même

comportement dit « masculin », elle est réprimandée, explicitement ou implicitement

(Clark et Wiederman, 2010; Seabrook et coll., 2017; Tolrnan et coll., 2016). Ce

clivage des comportements dit « masculins » et « féminins » est issu de rôles et/ou de

stéréotypes sexuels traditionnels (Clark et Wiederrnan, 2010, Seabrook et coll., 2017;

Tolman et coll., 2016). La masturbation semble être encore considérée comme un

comportement « masculin », c'est-à-dire que les femmes sont encore socialement

réprimées pour avoir adopté un comportement pour lequel les hommes, eux, sont

récompensés (Carvalheira et Leal, 2013). Kaestle et Allen (2011) font remarquer que

63 % des hommes maintiennent un discours qui propose la masturbation comme

bonne pour la santé sexuelle, tandis que seulement 16 % des femmes ont le même

discours. Ceci montre à quel point les hommes sentent qu'ils ont davantage le droit

au plaisir sexuel et que le plaisir sexuel est un but positif à atteindre pour eux

(Carvalheira et Leal, 2013; Kaestle et Allen, 2011). Le double standard sexuel qui

persiste et opprime la sexualité des femmes et leur droit au plaisir sexuel pourrait en

partie expliquer les sentiments négatifs rapportés par les femmes, démontrant la

(28)

15

présence du tabou de la masturbation dans la culture portugaise (Carvalheira et Leal,

2013).

2.3 Prévalence des pratiques masturbatoires des femmes à la hausse

Malgré les nombreuses études qui révèlent qu'il existe encore un tabou concernant les

pratiques masturbatoires féminines, les statistiques qui concerne la prévalence de

femmes se masturbant régulièrement ou qui se sont masturbées au moins une fois

dans leur vie sont à la hausse (Kraus, 2017). La prochaine section recensera ces

données statistiques au sujet de la pratique de la masturbation chez les femmes ainsi

que leur évolution dans le temps.

La prévalence de s'être masturbé au moins une fois dans leur vie varie entre 42,7% et

48,1 %, selon les données colligées auprès d'adolescentes dans les études de Smith et

collègues (1996) et de Robbins et collègues (2011) respectivement. Bien que ces deux

études soient séparées de 15 ans, nous pouvons constater que le taux de prévalence de

femmes adolescentes qui se sont masturbées au moins une fois dans leur vie n'a pas

varié énormément.

Selon quelques études portant sur les femmes adultes, les femmes sous-déclarent

certaines informations au sujet de leurs pratiques masturbatoires (Béjin, 1993; Kraus,

2017). L'article de Béjin (1993) analyse les résultats d'une enquête nationale intitulée

Analyse des comportements sexuels en France (ACSF) concernant

«

la transformation des comportements sexuels et les logiques de protection face à

l'épidémie du SIDA ». L'enquête ACSF a interrogé aléatoirement par téléphone

(29)

êtes-vous masturbé(e)? : souvent; parfois; assez rarement; jamais; non-réponse »,

tandis qu'une deuxième question (indirecte) demandait: «Pouvez-vous me dire si,

quand vous vous masturbez, vous parvenez à l'orgasme: toujours; plutôt facilement;

plutôt difficilement; jamais; non concerné(e); non-réponse » (Béjin, 1993). L'auteur remarque par l'incohérence de leurs réponses à ces deux questions que les femmes ont sous-déclarées leurs pratiques masturbatoires. En effet, Béjin (1993) s'est aperçu que la deuxième question avait été posée à toutes les femmes et pas seulement à celles ayant répondu (à la première question) qu'elles s'étaient masturbées souvent, parfois ou assez rarement. Selon les calculs de l'auteur:

Il suffisait d'additionner pour chaque tranche d'âge les pourcentages de celles qui disent atteindre l'orgasme toujours, plutôt facilement ou plutôt difficilement (réponses qui suppos~nt toutes une expérience, au moins minime, de la masturbation) pour obtenir les pourcentages de masturbation féminine conduisant à l'orgasme et indirectement déclarée. (Béjin, 1993, p.1440)

En moyenne, 42% des femmes ont répondu s'être masturbées souvent, parfois ou assez rarement, tandis que 56% des femmes on dit qu'elles parvenaient à l'orgasme toujours, plutôt facilement ou plutôt difficilement en se masturbant (Béjin, 1993). Pour les femmes âgées de 18 à 19 ans, l'écart était plus élevé, c'est-à-dire 34% versus 67%.

Or, une autre enquête à échantillon représentatif français dix ans plus tard révèle que les perspectives des femmes à l'égard du dévoilement des pratiques masturbatoires ont changé (Bozon, 2008). Dans cette enquête, Bozon (2008) rapporte que 60 % des femmes de l'étude ont mentionné qu'elles se sont masturbées (au moins une fois dans leur vie) et que seulement 17,9 % des femmes ont rapporté une pratique régulière (souvent ou parfois dans les 12 derniers mois). Un fait intéressant rapporté dans 1' étude est que la masturbation est rarement déclarée par les personnes moins diplômées, et ce, surtout chez les femmes (Bozon, 2008). Autrement dit, ce sont les

(30)

17

déclarent le moins fréquemment s'être masturbées dans les 12 derniers mois (Bozon,

2008). De plus, le refus de répondre à cette question était plus élevé parmi les femmes

non diplômées (5,5 %), ainsi que la réponse «n'a jamais pratiqué la masturbation»

(51,4% chez les non-diplômées).

Dans une étude menée par 1 'Institut français de l'opinion publique (Ifop), Kra us

(20 17) rapporte les propos de 913 femmes âgées de 18 à 69 ans au sujet de leurs

pratiques masturbatoires. L'enquête quantitative à échantillon représentatif de la

population française a été réalisée à l'aide d'un questionnaire en ligne. L'étude avait

pour objectif de décrire et d'expliquer la progression de la pratique de la masturbation

des Françaises. Les résultats de Kraus (2017) révèlent que 74% des femmes se sont

déjà masturbées au moins une fois dans leur vie en comparaison avec 60 % des

femmes qui déclaraient le même vécu en 2006 (Bozon, 2008).

Du côté américain, une étude quantitative se servant d'un échantillon représentatif de

la population américaine de 1992 s'intéresse aux variables corrélationnelles de la

masturbation (Das, 2007). L'étude se base sur les résultats d'un sondage national, le

National Health and Social Life Survey (NHSLS). Similairement à Béjin (1993), Das

(2007) observe que 38 % des femmes âgées de 18 à 60 ans se sont masturbées dans la

dernière année. Chez les femmes sondées, la pratique récente de la masturbation était

corrélée avec un plus haut niveau d'éducation, une initiation précoce à la sexualité,

une plus grande fréquence de pensées sexuelles, un plus grand intérêt pour des

pratiques sexuelles diversifiées et une présence d'un partenaire stable de vie (Das,

2007).

Dans une autre étude américaine de Herbenick et collègues (20 1 0) portant sur les

comportements sexuels des hornn1es et des femmes âgées de 14 à 94 ans, quelques

(31)

toutes les femmes de cette étude (N = 2813), 20% d'entre elles ont rapporté s'être

masturbées au moins une fois dans le dernier mois et plus de 40% d'entre elles ont

rapporté s'être masturbées au moins une fois dans la dernière année, avec 1' exception

des femmes âgées de plus de 70 ans (Herbenick et coll., 2010). Pour ce qui est de la

prévalence de masturbation au moins une fois dans leur vie, les participantes âgées de

18 à 19 ans, 20 à 24 ans et 25 à 29 ans ont rapporté des prévalences de 66,0 %,

76,8% et 84,6 %, respectivement (Herbenick et coll., 2010). Ces prévalences

s'apparentent à celles mentionnées par Bozon (2008), Gerressu et collègues (2008)

ainsi que Kraus (2017). De plus, tout comme les études de Das (2007) et de Gerressu

et collègues (2008), la recherche de Herbenick et collègues (2010) comporte plusieurs

forces puisqu'elle se sert d'un échantillon représentatif national ce qui permet la

généralisation des résultats à une échelle nationale.

Dans une autre étude faite avec des données d'envergure nationale, Gerressu et

collègues (2008) s'intéresse aux données du NATSAL 2000, un sondage de la

population britannique âgée de 16 à 44 ans qui comporte des questions sur les

pratiques masturbatoires. Au total, 6399 femmes ont été sondées. L'auteur a observé

que 71,2% des femmes ont rapporté qu'elles se sont déjà masturbées au moins une

fois dans leur vie (Gerressu et coll., 2008). Ces résultats se rapprochent de ceux

retrouvés dans les études de Kraus (2017) et de Bozon (2008).

Une étude portugaise de Carvalheira et Leal (2013) s'est intéressée aux pratiques

masturbatoires de 3687 femmes portugaises âgées de 17 à 75 ans. Cette étude a

analysé la fréquence des pratiques masturbatoires, l'âge d'initiation à la masturbation

et les associations entre la fréquence masturbatoire et différents comportements

sexuels. De plus, les auteures se sont intéressées aux fonctions rapportées de la

masturbation, aux différentes techniques utilisées par les femmes pour se masturber,

(32)

19

satisfaction tirée de cette pratique. Les participantes ont été sondées à l'aide d'un

questionnaire en ligne. Les résultats révèlent une prévalence importante de femmes

qui se sont masturbées au moins une fois dans leur vie (91 % ), dans la dernière année

(87,8 %) et dans le dernier mois (63 %). En ce qui concerne la fréquence de la

masturbation dans la dernière année, 34 % des femmes ont rapporté qu'elles se

masturbaient moins d'une fois par mois, 17,5% une fois par mois, 14,3% plus d'une

fois par mois et 9,8% une fois par semaine. Un petit pourcentage de femmes se

masturbent tous les jours (4 %) ou plus d'une fois par jour (1,7 %). De plus, plusieurs

associations entre certaines variables et la fréquence de la masturbation ont été

observées. Tout comme les études de Das (2007), les femmes ayant rapporté avoir

beaucoup de fantasmes sexuels avaient plus tendance à rapporter qu'elles se sont

masturbées dans la dernière année (Carvalheira et Leal, 2013). Aussi, la majorité des

participantes de l'étude ont rapporté avoir obtenu un ou des orgasmes en se

masturbant.

En somme, nous retenons que les prévalences des pratiques masturbatoires des

femmes se ressemblent d'une étude à l'autre et d'une culture à l'autre (Bozon, 2008;

Carvalheira et Leal, 2013; Das, 2007; Gerressu et coll., 2008, Herbenick et coll.,

201 0; Kra us, 20 17). Une progression semble avoir eu lieu en ce sens où les femmes

dévoilent de plus en plus leurs pratiques masturbatoires (Bozon, 2008; Kraus, 2017)

et certaines d'entre elles se sentent même autonomisées par la pratique (Bowman,

2014; Hite, 1976).

2.3 .1 Le rapprochement des expériences des femmes à celles des hommes quant à la

(33)

Certains auteurs proposent que les rôles sexuels stéréotypés et traditionnels créent un

contexte où l'homme est celui qui prend l'initiative et la femme celle qui réagit à

cette initiative (Hite, 1976; Hogarth et lngham, 2009). Cette disparité dans les rôles et

les stéréotypes sexuels est notée dans les statistiques concernant le nombre de

femmes qui se masturbent et la fréquence de leur pratique. À titre d'exemple, une

sous-déclaration des pratiques masturbatoires des femmes a été remarquée par Béjin

(1993), résultats recensés précédemment. Or, d'autres chercheurs français ont

remarqué un rapprochement des expériences des femmes et des hommes (Bozon,

2008; Kraus, 2017). Selon Bozon (2008), ceci est «un signe qu'il est devenu plus

légitime socialement pour les femmes de mentionner des pratiques qui étaient

jusque-là la prérogative des hommes » (p. 290). Tout comme soulevé par Bozon (2008),

Kra us (20 17) propose que le changement du discours des femmes dans la dernière décennie au sujet de leur masturbation serait dû à une modification des normes

sexuelles en vigueur ainsi qu'à une amélioration des technologies favorisant la

masturbation, telle que les vibrateurs. Toutefois, Kraus (2017) soulève que le tabou

de la masturbation demeure présent dans les milieux familiaux, amicaux ou

médicaux, tandis qu'il reste moins présent dans le couple.

Même s'il semble y avoir une progression du dévoilement de la masturbation dans

une étude récente, ce qui peut témoigner d'une meilleure capacité à s'émanciper des

normes sociales entourant la pratique (Kra us, 20 17), la masturbation féminine est loin

d'être aussi accoutumée que celle des hommes ou aussi facile à dévoiler à autrui

(Béj in, 1993; Bozon, 2008; Carvalheira et Leal, 2013; Kaestle et Allen, 2011; Kra us,

2017).

2.4 Apport empmque des théories cntlques féministes quant aux pratiques masturbatoires féminines et leurs significations au niveau social

(34)

21

L'étude qualitative féministe la plus importante au sujet de la masturbation des

femmes est celle réalisée par Shere Hite en 1976. Dans cette étude exhaustive, Hite

(1976) documente les réponses qualitatives de plus de 3000 femmes sur l~s thèmes de

la masturbation, de 1' orgasme, du coït, de la stimulation clitoridienne, du saphisme,

de l'esclavage sexuel et de la révolution sexuelle. Il est crucial de recenser les

résultats de cette étude, puisqu'ils permettent une comparaison avec les études plus

récentes quant au vécu expérientiel de la masturbation des femmes.

Quelques auteurs féministes se sont intéressés aux avantages et aux inconvénients de

l'invisibilité de la masturbation des femmes sur leurs pratiques (Fahs et Frank, 2014).

En faisant ressortir cinq thèmes au sujet du vécu expérientiel de la masturbation

féminine: 1) les présomptions que les femmes se pénètrent lorsqu'elles se

masturbent, 2) la masturbation comme travail sexuel, 3) la masturbation comme

menace à la suprématie masculine, 4) la masturbation comme routine pour relâcher

les tensions, et 5) la masturbation comme source de joie et de plaisir, Fahs et Frank

(20 14) soulèvent les biais culturels concernant la masturbation féminine ainsi que les

perceptions des femmes quant à leur droit au plaisir sexuel. Une autre explication

possible pour le silence entourant le plaisir sexuel féminin serait l'anatomie des

organes génitaux des femmes qui sont plus internes, rendant la masturbation

mystérieuse (Kaestle et Allen, 2011).

Les études qui se sont intéressées à la pratique de la masturbation des femmes ont

négligé d'explorer les liens entre la masturbation et la subjectivité sexuelle des

femmes qui la pratique (Bowman, 2014; Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976). Pour les

femmes, la masturbation devient parfois une forme de travail sexuel en ce sens où il

est parfois difficile d'obtenir l'orgasme (Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976). De même,

(35)

d'un partenaire masculin (Fahs et Frank, 2014). Certaines femmes sont inquiètes par

le fait de

«

devoir » avoir un orgasme (Hite, 1976). D'ailleurs, quelques participantes

de l'étude de Hite (1976) ont réagi fortement contre l'obligation d'obtenir un

orgasme. D'autre part, l'auteure mentionne que certaines participantes concluent que

l'orgasme, pendant le coït, n'est pas quelque chose d'important.

Le droit à l'orgasme est devenu pour la femme une question politique. [ ... ] Si

nous savons ce qu'il faut faire pour avoir des orgasmes et si nous sommes

incapables d'intégrer cette capacité à nos relations sexuelles, nous ne sommes

pas en mesure de choisir si nous voulons avoir ou ne pas avoir un orgasme.

Nous sommes sans défense. (Hi te, 197 6, p.122)

Cependant, les études suggèrent que les initiatives des hommes n'ont souvent rien à

voir avec les besoins orgasmiques des femmes (Hite, 1976; Fahs et Frank, 2014). De

plus, seulement 30% des femmes ont réussi à obtenir l'orgasme régulièrement lors

du coït sans stimulation clitoridienne (Hite, 1976). Comme plusieurs autres

féministes, Hite (1976) demeure très critique par rapport à l'obligation du coït dans

l'hétéronormativité (Dodson, 1987; Fahs, 2014; Fahs et Frank, 2014; Koedt, 1970).

Selon elle,

Vouloir à tout prix que les femmes aient des orgasmes en faisant l'amour, par la

seule vertu du pénis, c'est les contraindre à adapter leur corps à une stimulation

inadéquate. La difficulté de cette adaptation et les échecs qui suivent les

tentatives produisent des sentiments d'angoisse et de mécontentement. (Hite,

1976,p.235)

En effet, les participantes de l'étude de Fahs et Frank (2014) rapportent que la

masturbation féminine semble être menaçante à la suprématie masculine présumée de

leur partenaire. Or, Hite (1976) affirme que

«

les femmes plus comblées sont celles

qui ont su adapter leurs techniques masturbatoires, sans gêne ni honte, à leurs

relations sexuelles avec autrui.

»

(Hite, 1976, p.266). En ce sens, plusieurs

(36)

23

corps et du plaisir qu'il peut leur procurer (Bowman, 2014; Hite, 1976; Fahs et Frank,

2014).

Pour faire du pouce sur ce que plusieurs chercheurs appellent le rapprochement entre

les expériences des hommes et des femmes quant à la pratique de la masturbation,

quelques chercheures féministes discutent du rôle potentiellement émancipateur de la

masturbation pour les femmes (Bowman, 2014; Hite, 1976). Des participantes ont

rapporté que la masturbation est «un moyen de parvenir à l'indépendance et à

l'autonomie » (Hite, 1976, p.67).

L'étude quantitative de Bowman (2014) est unique en son geme puisqu'elle explore

les fonctions, les significations et le potentiel d'autonomisation des pratiques

masturbatoires de 765 femmes américaines à l'aide d'une analyse factorielle et de

régressions multiples. Les femmes sondées ont rempli un questionnaire anonyme en

ligne qui s'intéressait aux thèmes suivants : les attitudes envers la masturbation, les

raisons de se masturber et les émotions suivant la pratique de la masturbation.

L' auteure de cette étude présume que ce sont les raisons pour lesquelles les femmes

se masturbent qui modulent le sentiment d' autonomisation sexuelle qu'elles retirent

de cette masturbation. Le sentiment d'autonomisation d'une femme et de son corps

suppose qu'elle doit se méfier et être critique des messages et des représentations

réducteurs du corps de la femme véhiculés dans la société. Selon Bowman (2014), si

les raisons de se masturber dévient des normes sexuelles de geme, telle que se

masturber simplement pour le plaisir sexuel, alors la pratique de la masturbation

pourrait évoquer un sentiment d'autonomisation sexuelle chez celles qui la pratiquent.

Selon Bowman (20 14 ), ces résultats supportent les théories féministes qui stipulent

que les fenunes qui ont l'opportunité de se concentrer sur leur propre sexualité se

(37)

étude avaient des attitudes très positives au regard de la sexualité et des pratiques masturbatoires, l'auteure suggère que les résultats de son étude devraient être considérés avec nuance (Bowman, 2014), en ce sens où les perspectives illustrées sont difficilement généralisables à la population et ne sont pas représentatives de celle-ci.

Il est possible d'entrevoir des avantages et des inconvénients de la masturbation féminine dans les témoignages des participantes (Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976). Tout d'abord, l'« invisibilité» de la masturbation semble être un avantage parce qu'il ne semble pas avoir de normes précises concernant la fréquence à laquelle les femmes devraient se masturber ou les méthodes avec lesquelles elles devraient se masturber (Fahs et Frank, 2014). Ceci est un avantage en ce sens où les femmes sont plus libres d'explorer leur propre plaisir sans normes précises quant aux scripts utilisés lors de leurs pratiques masturbatoires (Fahs et Frank, 2014). Ceci dit, un des inconvénients de ne pas avoir une masturbation scriptée est la facilité avec laquelle les femmes semblent internaliser les scripts traditionnels patriarcaux tels que l'impératif de la sexualité coïtale ou pénétrative (observé dans la perception que les femmes se pénètrent en se masturbant), le souci que les hommes se sentent inadéquats (portant les femmes à se masturber pour un partenaire sexuel ou en secret) et la masturbation axée sur l'obtention de l'orgasme comme but unique (Fahs et Frank, 2014). Il est possible que les femmes prennent plaisir à la masturbation de cette façon, mais ces scripts internalisés suggèrent que les expériences de la masturbation des femmes sont liées à une compréhension traditionnelle du genre, du pouvoir et du plaisir sexuel (Fahs et Frank, 2014). Lorsqu'il n'y a pas de scripts clairs quant aux façons de se masturber pour les femmes, ceci laisse place aux scripts traditionnels de genre de s'infiltrer dans les pratiques masturbatoires des femmes sans qu'elles le réalisent (Fahs et Frank, 2014). Un déséquilibre entre les hommes et les femmes quant aux objectifs et aux significations des pratiques masturbatoires et du plaisir sexuel semble

(38)

25

donc apparent (Fahs et Frank, 2014). Il est important de poursuivre les études qui

confrontent les stéréotypes et les mythes au sujet de la masturbation féminine et qui permettent aux femmes de s'exprimer au sujet de leur corps et de leur plaisir sexuel

(Bowman, 2014; Fahs et Frank, 2014; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle

et Allen, 2011; Rabbins et coll., 2011 ).

2.5 Attitudes et émotions négatives à l'égard de la masturbation : le vécu des femmes

Comme les dernières sections viennent de l'illustrer, la masturbation chez les femmes s'insère dans un contexte social particulier qui ne perçoit pas la pratique comme

positive en soi. Ce contexte affecte les émotions et les attitudes à l'égard de la

masturbation pour les femmes qui la pratiquent. La prochaine section fera état des études qui se sont intéressées aux émotions et aux attitudes plus négatives envers la masturbation féminine.

Selon les écrits disponibles, la honte et la culpabilité sont les émotions les plus

rapportées par les femmes quant à leurs pratiques masturbatoires (Béjin, 1993;

Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013; Hite, 1976; Hogarth et Ingham, 2009;

Kaestle et Allen, 2011). Les perceptions des jeunes femmes qui se masturbent ou qui

ont tenté de se masturber sont plutôt négatives (Kaestle et Allen, 2011; Hogarth et

Ingham, 2009). Dans une étude portant sur ces perceptions, les participantes sont

nombreuses à percevoir la masturbation comme honteuse, négative, immorale,

répugnante et malpropre (Hogarth et lngham, 2009).

D'ailleurs, des participantes de cette étude trouvaient leurs activités sexuelles

(39)

et Ingham, 2009). Le discours de certaines participantes indiquait un manque d'intérêt

envers la connaissance de leur propre corps (Hogarth et lngham, 2009). Quelques

adolescentes de ce groupe ont décrit leurs tentatives de masturbation avec tristesse,

résultant de 1 'échec de cette tentative et ressentant de la culpabilité et un sentiment

d'être malpropre et immorale (Hogarth et lngham, 2009).

Du côté des femmes adultes, les émotions négatives sont tout aussi présentes, soit la

honte, la culpabilité, le ridicule et une perception de la pratique comme un geste

égoïste (Bowman, 2014; Carvalheira et Leal, 2013; Hite, 1976; Kaestle et Allen,

2011). Bien que ce ne soit pas la majorité des participantes d'une recherche qui

rapportent éprouver des sentiments négatifs à l'égard de leur masturbation, les

auteures observent que la masturbation engendre ces émotions de honte et de

culpabilité, et ce, dans tous les groupes d'âge de leur échantillon, de 17 à 75 ans

(Carvalheira et Leal, 2013). Une étude réalisée en 1976 rapporte des propos

similaires, soit que les femmes se sentaient coupables de se masturber, mais qu'elles

avaient réussi à surmonter ce sentiment en poursuivant la pratique malgré les

jugements sociaux potentiels (Hite, 1976). D'autres participantes se sont interdit

d'aimer la masturbation parce qu'elles ne voulaient pas faire face aux jugements

sociaux potentiels (Hite, 1976; Kaestle et Allen, 2011). Il est intéressant de remarquer

que les sentiments négatifs à 1' égard de la masturbation n'ont pas beaucoup changé

depuis les années 1970.

De plus, comme des participantes dans l'étude de Hogarth et Ingham (2009), les

participantes se souviennent de leurs premières tentatives de masturbation avec honte

et malaise (Kaestle et Allen, 2011). Elles ont été témoins d'humour dérisoire, de

stéréotypes et d'humiliation, ce qui leur a appris que la masturbation était taboue

(Kaestle et Allen, 2011). Similairement aux participantes de l'étude de Hogarth et

(40)

27

masturbation ou qu'elles entretiennent des attitudes négatives envers la masturbation

(Kaestle et Allen, 2011).

Ainsi, il appert que les femmes qui se masturbent sont nombreuses à se sentir

coupables ou à avoir honte de cette pratique sexuelle et que ceci pourrait attester d'un

double standard sexuel toujours présent (Béjin, 1993; Carvalheira et Leal, 2013; Hite,

1976).

2.6 Les pairs, les partenaires et les médias sont de meilleures sources d'information et

de discussions que la famille et les parents

Les discussions portant sur le sujet de la masturbation féminine se produisent surtout en contexte où les femmes sont confortables et à 1' aise d'en parler (Kaestle et Allen,

2011 ). Les discussions tenues avec des membres de la famille ou des parents sont

rarement des échanges où les femmes, jeunes ou adultes, se sentent confortables et à

l'aise de parler de leurs pratiques masturbatoires (Hogarth et lngham, 2009; Kaestle

et Allen, 2011). Plusieurs femmes mentionnent ne pas avoir parlé de masturbation

avec leurs parents (Hogarth et Ingham, 2009; Kaestle et Allen, 2011). D'ailleurs,

comme relaté dans la section sur les tabous entourant la masturbation, le manque de

discussion sur le sujet en contexte familial rendrait implicite la désapprobation de la pratique (Kaestle et Allen, 2011 ).

Après avoir remarqué que leur famille ne leur procurerait pas d'information au sujet

de la masturbation, les femmes ont décrit une variété de contextes et de sources

d'information incluant les pairs, l'école, les partenaires, les médias et les jouets

sexuels (Kaestle et Allen, 2011; Kra us, 2017; Smith et collègues, 1996). Bien que ces

Figure

Figure 4.1  Ligne du temps d'Anna  Figure 4.2 Ligne du temps de Mélanie  Figure 4.3  Ligne du temps de Laura  Figure 4.4 Ligne du temps de Rachelle  Figure 4.5  Ligne du temps de Christina  Figure 4.6 Ligne du temps de Charlotte  Figure 4.7 Ligne du temps
Tableau 4.1  Grille de thématisation
Tableau 4.1 Grille de thématisation  Thèmes centraux  Impressions des  participantes sur la  Santé sexuelle Pratiques  Relations sexuelles Messages des  perception de la  masturbatoires participantes  masturbation  Expérience de  Perception de la  Définiti
Tableau 4.3  Présentation  sommaire  des pratiques masturbatoires

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