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Les valeurs de l'Union européenne

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Texte intégral

(1)

Les valeurs de l’Union européenne

Thèse en cotutelle

Doctorat en droit

Simon Labayle

Université Laval

Québec, Canada

Docteur en droit (LL. D.)

et

Aix-Marseille Université

Aix-en-Provence, France

© Simon Labayle, 2017

(2)

Les valeurs de l’Union européenne

Thèse en cotutelle

Doctorat en droit

Simon Labayle

Sous la direction de :

Olivier Delas, directeur de recherche

Rostane Mehdi, directeur de cotutelle

(3)

R

ESUME

Les valeurs de l’Union européenne

L’Union européenne est, selon l’article 2 TUE, « fondée » sur des « valeurs » précisément identifiées. Le préambule de la Charte des droits fondamentaux dresse un constat similaire dans des termes quasiment identiques. Ces « valeurs » sont donc constitutionnellement indissociables de l’Union.

L’affirmation juridique de cette dimension fondatrice est d’autant moins neutre qu’elle est systématiquement revendiquée. Elle renvoie à une recherche d’essentialité laissant supposer que l’Union accorde volontairement une place centrale à ses valeurs, ce que confirme l’analyse des grandes étapes de son histoire. Ce choix s’exprime concrètement dans différentes dispositions issues des traités constitutifs. Les valeurs exercent notamment une influence décisive sur des questions aussi fondamentales que celles de la définition des objectifs de l’Union (article 3 TUE), du prononcé d’éventuelles sanctions à l’encontre d’Etats membres qui menaceraient leur intégrité (article 7 TUE), de l’orientation des relations qu’elle tisse avec son voisinage (article 8 TUE), ou encore des modalités de l’éventuelle adhésion d’un Etat tiers à l’Union européenne (article 49 TUE). Au-delà de la portée symbolique, juridique et politique de ces différents thèmes, les valeurs participent en réalité à déterminer l’identité spécifique de l’Union européenne.

Il convient alors de s’interroger quant à la traduction concrète de la dimension fondatrice des valeurs dans le projet d’intégration et, donc, d’éprouver la force des convictions communautaires. L’objet de la recherche vise à déterminer si la revendication d’une Union fondée sur des valeurs résiste à la rigueur de l’analyse scientifique ainsi qu’à la pression des faits. Afin de démontrer la consubstantialité et l’irréversibilité du lien que partagent l’Union européenne et ses valeurs, il est d’abord nécessaire de mettre en relief la vocation structurante et fonctionnelle des valeurs pour l’Union. Il reste ensuite à mesurer à quel point leur portée existentielle dépend de l’enjeu de leur protection, qu’elle soit politique, administrative ou juridictionnelle.

Mots-clés : Valeurs, Principes, Identité, Adhésion à l’Union, Elargissements, Droit de retrait, Pluralisme, Adhésion à la CEDH, Crises, Etat de droit, Dialogue des juges.

(4)
(5)

A

BSTRACT

The European Union’s values

The European Union is, according to Article 2 TEU, "founded" on "values" precisely identified. The preamble of the Charter of Fundamental Rights draws a similar conclusion in almost identical terms. These "values" are inseparable from the EU under its primary law.

The legal affirmation of this fundamental dimension is systematically claimed. It refers to a research of essentiality suggesting that the Union voluntarily gives a central place to its values, which confirms the analysis of the main stages of its history. This choice is expressed in various provisions of the founding Treaties. These values carry a decisive influence on fundamental issues such as the definition of the objectives of the Union (Article 3 TEU), the imposition of any sanctions against Member States that threaten their integrity (Article 7 TEU), the orientation of the relationships it forges with its neighbours (Article 8 TEU), and the terms of the possible accession of a state outside the European Union (Article 49 TEU). Beyond the symbolic, legal and political scope of these themes, the values determine the specific identity of the European Union.

Thus, it is appropriate to question the concrete translation of the founding dimension of the values in the integration project and, therefore, to test the strength of community beliefs. The aim of the research is to determine whether a Union based on values can withstand the rigour of scientific analysis as well as the pressure of events. In order to demonstrate the consubstantial nature and the irreversibility of the link shared by the European Union and its beliefs, it is crucial to highlight the structural and functional vocation of the values for the Union. Lastly, their existential scope is yet to be assessed as this will depend from the level of their protection, whether political, administrative or judicial.

Keywords: Values, Principles, Identity, Accession to the European Union, Enlargement, Right to withdraw, Pluralism, Accession to the ECHR, Crisis, Rule of law, Judicial dialogue.

(6)
(7)

T

ABLE DES MATIERES

Table des matières ... vii

Liste des principales abréviations ...xv

Remerciements ... xvii

Introduction générale ...1

Section 1. Les valeurs de l’Union européenne, objet de l’étude ... 2

§1. La notion de valeur ... 3

§2. Les valeurs et le droit ... 6

A. La hiérarchisation des valeurs par le droit... 6

B. L’appropriation collective des valeurs par le droit ... 7

§3. Les notions attenantes ... 9

§4. Les valeurs dans l’Union ... 13

A. La manifestation des valeurs dans l’Union ... 13

B. Les valeurs et l’identité de l’Union ... 14

Section 2. La relation immanente entre l’Union européenne et ses valeurs ... 17

§1. Un lien intemporel ... 17

A. Les racines axiologiques de l’intégration européenne ... 18

B. La « polycrise » de l’Union comme révélateur ... 21

§2. Un rapport essentiel ... 24

A. La mise en perspective des enjeux ... 24

B. Une étude nécessaire ... 26

Section 3. La thèse d’une Union européenne par les valeurs ... 28

§1. L’hypothèse de la recherche ... 28

A. Son actualité, source d’une évolution décisive du sujet ... 28

B. La problématisation du sujet ... 29

§2. La méthode de travail ... 32

A. Une approche juridique dominante ... 33

B. La conception d’un cadre théorique spécifique ... 35

C. La construction de l’étude ... 37

PREMIERE PARTIE. La structuration ontologique de l’Union autour de ses valeurs ...41

Titre I. La constitution organique de l’Union européenne ...47

Chapitre I. La genèse politique des valeurs de l’Union Europeenne ...49

Section 1. La reconnaissance d’un héritage ... 50

§1. Le signe d’un approfondissement ... 51

A. Le support de la reconnaissance ... 51

B. Les caractères de l’approfondissement ... 54

1. La signification du renvoi aux racines du projet d’intégration européenne ... 54

2. La singularité de la démarche ... 55

3. La fixation d’un cap ... 56

§2. L’originalité de la reconnaissance ... 57

A. Le silence international ... 58

1. La Charte des Nations Unies (1945) ... 58

2. La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ... 59

3. Le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international sur les droits civils et politiques (1966) ... 61

(8)

B. Le balbutiement régional ... 62

1. L’approche américaine ... 62

a. La Charte de l’Organisation des Etats américains (1948) ... 63

b. La Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme (1948) ... 64

c. La Convention américaine relative aux droits de l’homme (1969) ... 65

2. L’approche africaine ... 66

3. L’approche arabo-islamique ... 67

C. La revendication européenne ... 68

1. Le Conseil de l’Europe ... 69

a. Le Statut du Conseil de l’Europe (1949) ... 69

b. La Convention européenne des droits de l’Homme (1950) ... 71

2. L’Union européenne ... 72

a. Le traité de Bruxelles (1948) ... 73

b. La Déclaration sur l’identité européenne (1973) ... 73

c. Le Rapport Tindemans (1975) ... 74

d. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000)... 75

Section 2. Les composantes de l’héritage ... 78

§1. L’hétérogénéité du patrimoine ... 78

A. Des composantes antagonistes ... 79

1. Une dimension positive ... 80

2. Une dimension négative ... 82

B. Des dimensions controversées ... 86

1. La place des valeurs au sein des héritages européens ... 86

2. Une délimitation problématique ... 87

§2. La complémentarité des modes de succession... 89

A. La captation ... 90

1. La reconnaissance d’une méta-constitution européenne ... 90

2. Les sources d’un héritage de ligne directe ... 91

B. La transmission ... 95

1. L’encadrement d’un legs conditionné ... 95

2. L’influence palpable des constitutions nationales ... 97

Chapitre II. La matérialisation « constitutionnelle » des valeurs ...99

Section 1. Le processus de juridicisation ... 100

§1. L’assimilation asymétrique des valeurs ... 100

A. Une revendication subsidiaire ... 100

1. Une affirmation accessoire mais précise... 101

a. L’expression d’une volonté politique ... 101

i. Un contexte historique foisonnant ... 101

ii. Une démarche d’émancipation ... 102

b. L’appel à « des valeurs et des principes communs » ... 104

2. La continuité des textes successifs... 105

a. La poursuite d’un mouvement ... 105

b. La récurrence de l’appel aux valeurs ... 107

B. L’amorce d’une inscription ... 109

1. Les références à une essence axiologique ... 109

a. L’essence du projet ... 109

b. La matérialisation du projet ... 111

2. Les tergiversations ... 112

a. L’expression d’une continuité ... 112

b. Des innovations réelles mais marginales ... 114

§2. La constitutionnalisation progressive des valeurs ... 115

A. L’énumération des principes de l’Union européenne ... 115

1. La révélation ... 115

a. Un rappel approfondi des motivations de l’intégration européenne ... 116

b. La quasi-constitutionnalisation des principes ... 117

2. L’organisation ... 118

a. Une Union « fondée » sur des principes... 119

(9)

B. La consécration des valeurs de l’Union européenne ... 123

1. La distinction ... 123

a. La place des valeurs dans la Charte ... 123

b. La formalisation des valeurs par la Charte ... 125

2. La consécration ... 126

a. L’aboutissement d’un processus d’affirmation ... 127

b. L’omniprésence de valeurs identifiées ... 129

Section 2. La proclamation d’un catalogue ... 133

§1. L’existence du catalogue ... 133

A. Les supports de l’inventaire ... 134

1. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ... 134

a. Une vocation naturellement axiologique ... 134

b. La cohérence du catalogue ... 137

2. Le traité sur l’Union européenne ... 137

a. La clarté de l’énonciation ... 138

b. Le prolongement logique d’un processus ... 139

B. La qualité de l’énonciation ... 141

1. Des principes aux valeurs, une éclaircie ... 141

a. Une distinction sémantique ... 142

b. Un message politique ... 143

2. Une obscurité pourtant persistante ... 144

§2. Le sens du catalogue ... 145

A. Des valeurs fondatrices ... 146

1. Les valeurs comme fondement ... 146

2. Les valeurs essentielles ... 147

a. Le respect de la dignité humaine ... 148

b. La liberté ... 149

c. L’égalité ... 150

3. Les valeurs structurelles ... 151

a. La démocratie ... 152

b. L’Etat de droit ... 154

c. Le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ... 156

B. Des valeurs contextualisées ... 157

1. Des valeurs vecteur d’affirmation identitaire ... 158

2. Des valeurs encadrées ... 160

3. Des choix subjectifs ... 161

Conclusion du Titre I ...165

Titre II. L’ordonnancement fonctionnel de l’Union européenne ...167

Chapitre I. Les valeurs, catalyseur de la configuration interne de l’Union ...171

Section 1. L’organisation nécessaire de la pluralité ... 172

§1. Une exigence de la spécificité de l’Union européenne ... 173

A. L’incomplétude de l’intégration européenne ... 173

1. Le dilemme originel du degré d’intégration ... 174

2. L’évolutivité caractéristique de l’ordre juridique de l’Union ... 176

B. Une nature juridique atypique ... 180

1. La remise en cause d’éléments ordinairement constitutifs des sujets classiques du droit international ... 181

a. Une appréhension singulière de la souveraineté ... 182

b. Un enchevêtrement complexe des pouvoirs ... 186

2. L’insuffisance des catégories juridiques traditionnelles ... 188

§2. Des vecteurs primordiaux de transition ... 194

A. L’intégration européenne à travers le prisme pluraliste ... 194

1. Les prémisses d’une conception pluraliste du droit de l’Union européenne ... 195

a. Une pluralité, facteur de complexité ... 195

b. Les conceptions variables de la notion de pluralisme ... 197

(10)

B. Les besoins du pluralisme européen ... 202

1. L’ordonnancement indispensable du pluralisme ... 202

2. La fonction essentielle du dialogue entre les juridictions ... 207

Section 2. L’agencement d’un pluralisme spécifique ... 210

§1. L’équilibrage progressif de la relation entre l’Union et ses Etats membres ... 212

A. L’acceptation raisonnée de la primauté ... 212

B. L’aménagement d’une culture juridique commune ... 217

§2. L’impératif du respect de l’identité des Etats membres ... 221

A. La constitutionnalisation progressive ... 222

B. L’expression prétorienne ... 224

§3. Le façonnement d’un ordre harmonieux ... 229

A. La mise en cohérence par des principes fonctionnels ... 229

1. Une présomption de respect des valeurs, condition de l’existence de la confiance mutuelle ... 230

2. Une exigence de garantie des valeurs, condition du maintien de la confiance mutuelle ... 235

B. La consécration d’un droit de retrait ... 238

1. La signification de la consécration ... 238

2. Les enseignements du Brexit ... 241

Chapitre II. Les valeurs, instrument de l’affirmation internationale de l’Union ...245

Section 1. L’outil d’aménagement d’un pluralisme externe ... 246

§1. L’articulation complexe des rapports avec le Conseil de l’Europe ... 247

A. La richesse de la relation ... 247

1. La multiplicité des interactions ... 248

2. L’évocation d’un socle de valeurs commun ... 256

B. L’adhésion problématique à la Convention européenne des droits de l’Homme ... 261

§2. La revendication d’une singularité dans l’ordre juridique international ... 273

A. La spécificité de l’appréhension jurisprudentielle ... 274

B. L’affirmation d’un modèle communautaire ... 279

1. Une assise constitutionnelle ... 279

2. L’absence d’immunité juridictionnelle des actes de l’Union ... 280

3. Une volonté de distinction ... 283

Section 2. Un agent d’orientation de l’action extérieure de l’Union ... 286

§1. Les valeurs au cœur d’une volonté d’affirmation de l’Union ... 288

A. Le corollaire de la spécificité de l’Union ... 288

1. Un noyau dur de valeurs occidentales communes ... 288

2. L’originalité de l’appréhension des valeurs, ferment d’une identité propre ... 291

B. Le fondement d’une démarche de projection externe ... 296

1. La volonté politique de démarcation ... 296

2. L’adaptation du cadre juridique de l’action extérieure ... 298

3. L’inconstance de la concrétisation ... 301

§2. Les valeurs, objet de promotion par l’Union ... 305

A. Une vocation universelle ... 306

B. Les instruments de la diffusion ... 309

Conclusion du Titre II ...314

Conclusion de la Première Partie ...316

SECONDE PARTIE. La préservation existentielle de l’Union par ses valeurs ....318

Titre I. La conditionnalisation de l’appartenance à l’Union européenne ...324

Chapitre I. La formation initiale autour des valeurs ...326

Section 1. La présomption d’une identité fondatrice ... 326

§1. Une communauté de membres fondateurs ... 327

(11)

B. La rationalité du silence textuel ... 331

1. La consécration d’une méthode fonctionnaliste ... 331

2. L’influence d’un contexte historique déterminant ... 334

§2. L’agrégation à des valeurs sous-jacentes ... 336

A. Un élargissement technique ... 337

B. Des valeurs en filigrane ... 338

Section 2. La clarification des conditions de l’appartenance ... 343

§1. Les interrogations inhérentes à l’idée d’Union européenne ... 344

A. L’indétermination de la notion d’Europe ... 345

1. La diversité des facteurs d’incertitude ... 345

a. L’élément géographique... 346

b. L’élément historique ... 348

c. L’élément culturel ... 351

2. Le recours à un mode de réflexion alternatif ... 353

B. L’incertitude du projet fondateur ... 356

1. L’imprécision problématique des traités ... 356

2. L’incontournable recours aux valeurs... 360

§2. L’étape du Conseil européen de Copenhague ... 362

A. Les conditions procédurales à l’adhésion ... 363

1. L’édification progressive d’un cadre juridique ... 363

2. Les exigences formelles de la procédure d’adhésion ... 367

B. La dimension substantielle de l’adhésion ... 369

1. La conditionnalité politique comme précurseur ... 370

2. L’exigence explicite de respect des valeurs ... 372

Chapitre II. La sélection ultérieure par les valeurs ...378

Section 1. L’invitation au respect par le mécanisme d’adhésion ... 379

§1. L’adhésion au nom des valeurs ... 380

A. L’expression symbolique d’un message politique ... 381

B. La promotion de la démocratie et des droits de l’homme ... 383

§2. L’adhésion conformément aux valeurs ... 387

A. La reconnaissance nationale d’une identité européenne ... 387

B. L’appréhension européenne consensuelle d’une identité commune ... 390

§3. L’adhésion en fonction des valeurs ... 393

A. L’ampleur du défi ... 393

B. La crainte d’une dilution ... 397

Section 2. L’instrumentalisation par crainte de désagrégation ... 402

§1. La mobilisation paradoxale des valeurs ... 403

A. L’ambiguïté de l’appel aux valeurs ... 404

B. La sélectivité contestable de l’appel aux valeurs ... 407

§2. Les valeurs, facteur potentiel d’exclusion ... 409

A. La complexité politique... 410

B. Les enjeux axiologiques... 413

Conclusion du Titre I ...422

Titre II. L’impératif de garantie des valeurs dans l’Union européenne...424

Chapitre I. L’institutionnalisation d’un dispositif de protection ...426

Section 1. La constitutionnalisation d’un mécanisme politique ... 427

§1. L’indispensable institution du mécanisme ... 427

A. La nécessité d’une protection effective des principes fondateurs de l’Union ... 428

B. Les modalités de l’article F du traité d’Amsterdam ... 432

§2. La mise en œuvre problématique des sanctions ... 436

A. Les balbutiements de « l’affaire autrichienne » ... 436

B. L’initiateur d’une prise de conscience fondamentale... 441

1. L’intégration européenne mise en question ... 441

(12)

Section 2. L’évolution du mécanisme politique ... 445

§1. La logique des modifications ... 445

A. L’institutionnalisation du « risque de violation grave » des valeurs de l’Union ... 445

B. L’instabilité de la notion de « risque clair de violation grave » ... 447

§2. La récurrence des difficultés de mise en œuvre ... 449

A. La « crise » hongroise ... 450

1. Des dérives nationales alarmantes ... 451

2. La fermeté apparente de la réaction juridique ... 453

3. L’ambiguïté de la réaction politique ... 461

a. L’intransigeance des Etats membres et du Conseil de l’Europe ... 461

b. L’indécision de la réaction communautaire ... 464

B. Un impératif de refonte du mécanisme de sanction ... 471

Section 3. L’instauration complémentaire d’un mécanisme administratif de suivi ... 474

§1. Le nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’Etat de droit ... 474

A. La « philosophie » du mécanisme ... 475

B. Le recours au mécanisme ... 478

§2. L’immédiateté de la mise en l’œuvre ... 480

A. La réplique de « l’affaire polonaise » ... 481

B. L’impasse de la situation hongroise ... 487

C. La mise à l’épreuve de la légitimité de l’Union ... 489

Chapitre II. La montée en puissance de la protection juridictionnelle ...496

Section 1. Le bien-fondé de la démarche ... 497

§1. La légitimité de l’intervention ... 497

A. Un interlocuteur incontournable... 498

B. La concrétisation d’une proclamation ... 500

§2. Les facettes complémentaires de la fonction ... 501

A. La protection des valeurs ... 502

B. L’interprétation du droit et des valeurs ... 505

Section 2. La réalité de la garantie ... 509

§1. Le volontarisme assumé des avocats généraux ... 510

A. L’engagement pour la défense des valeurs ... 510

B. L’appel stratégique aux valeurs ... 519

§2. L’implication progressive du juge ... 522

A. Le détour par les droits fondamentaux ... 523

B. La mention des valeurs de l’Union ... 525

1. Les valeurs sous-jacentes ... 525

2. Les valeurs assumées ... 527

Conclusion du Titre II ...531

Conclusion de la Seconde Partie ...533

Conclusion générale ...537

1. La confirmation d’un lien consubstantiel et irréversible ... 538

2. L’impératif de protection des valeurs, condition de la préservation de l’Union ... 539

3. Une « idée de droit » à l’épreuve ... 540

Bibliographie ...545

I. Ouvrages, manuels ... 545

A. Manuels et cours ... 545

B. Ouvrages généraux ... 545

C. Ouvrages juridiques ... 547

D. Dictionnaires, commentaires, répertoires ... 549

II. Mélanges ... 549

III. Colloques, ouvrages collectifs ... 550

IV. Thèses ... 553

(13)

VI. Textes officiels, documents et rapports ... 572

A. Union européenne ... 572

1. Discours officiels ... 572

2. Documents du Conseil européen ... 572

3. Conseil ... 573 4. Parlement européen ... 573 5. Commission ... 574 - Avis et déclarations ... 574 - Communications ... 575 - Rapports ... 576 B. Conseil de l’Europe ... 576

C. Assemblée nationale et Sénat ... 577

VII. Jurisprudence ... 577

A. Cour européenne des droits de l’Homme ... 577

B. CJUE ... 578

1. Avis ... 578

2. Arrêts ... 578

3. Conclusions affaires pendantes ... 582

C. Tribunal ... 582

D. Tribunal de la Fonction publique ... 582

E. Juridictions nationales ... 582

Conseil d’Etat ... 582

VIII. Traités ... 583

A. Droit international ... 583

B. Droit européen ... 583

C. Droit de l’Union européenne ... 583

IX. Webographie... 584

(14)
(15)

L

ISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

ADE Annuaire de droit européen

ADUE Annuaire de droit de l’Union européenne

AIDH Annuaire international des droits de l’Homme

AFDI Annuaire Français de Droit International

art. article

c. contre

Brexit « British Exit »

CDE Cahiers de droit européen

CEDH Convention européenne de sauvegarde des droits de

l’Homme et des libertés fondamentales

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

COM Document de travail de la Commission européenne

Comm. Commentaire

Cour EDH Cour européenne des droits de l’Homme

CPI Cour pénale internationale

CPJI Cour permanente de Justice internationale

Commission EDH Commission européenne des droits de l’homme

dir. sous la direction de

doc. document

éd. édition

ELSJ Espace de liberté, de sécurité et de justice

Europe Revue Europe

fasc. fascicule

gdr groupe de recherche

ibid. ibidem

id. idem

IVG Interruption volontaire de grossesse

JO Journal officiel

JOCE Journal officiel des Communautés européennes

JOUE Journal officiel de l’Union européenne

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

numéro

OMC Organisation mondiale du commerce

ONU Organisation des Nations Unies

op. cit. opere citato

p. page

pt. point

PED Politique européenne de développement

PESC Politique étrangère et de sécurité commune

PESD Politique européenne de sécurité et de défense

PUF Presses universitaires de France

QPC Question prioritaire de constitutionnalité

(16)

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit inter-national

req. requête

RGDIP Revue Générale de Droit International Public

RMCUE Revue du marché commun de l’Union européenne

(anciennement Revue du marché commun)

RMUE Revue du marché unique européen (devenue Revue

du droit de l’Union européenne)

RTD Eur Revue trimestrielle de droit européen

RTDH Revue trimestrielle des droits de l’Homme

RUDH Revue universelle des droits de l’Homme

s. suivant(s)

SFDI Société française pour le droit international

TFP Tribunal de la fonction publique

TPICE Tribunal de première instance des Communautés

européennes

Trib. UE Tribunal de l’Union européenne

TUE Traité sur l’Union européenne

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

ULB Université libre de Bruxelles

vol. volume

(17)

R

EMERCIEMENTS

Je souhaite d’abord exprimer ma profonde reconnaissance à mon directeur de thèse, le Professeur Rostane Mehdi. Sa confiance, sa bienveillance et son amitié ont été des soutiens irremplaçables et permanents. Je tiens également à associer pleinement son épouse Catherine à ces remerciements.

Je suis, de même, très reconnaissant au Professeur Olivier Delas d’avoir accepté de codiriger cette thèse. Son aide précieuse et la qualité de ses conseils m’ont permis de la mener à bien dans les meilleures conditions. Je remercie, par ailleurs, l’Université Laval d’avoir permis la mise en place de cette cotutelle.

Je souhaite également remercier très sincèrement les personnalités qui ont accepté de siéger dans le jury de cette thèse et de me faire l’honneur de l’évaluer.

Celle-ci doit beaucoup aux juges Jean-Claude Bonichot, Stéphane Gervasoni, Koen Lenaerts et Ezio Perillo, ainsi qu’aux Professeurs Stefan Braum, Dominik Hanf et Peter Leuprecht, et enfin à l’avocat général Yves Bot qui, par leurs conseils et leurs évaluations, ont orienté mon travail de manière décisive. Je suis également très reconnaissant aux membres du Cabinet de l’avocat général Yves Bot, ainsi qu’à ceux du Collège d’Europe de Bruges, de la gentillesse et de la qualité de leur accueil lors des séjours de recherche que j’ai eu le privilège d’y réaliser.

Je tiens par ailleurs à remercier mes proches. D’abord mes parents, mes sœurs Maylis et Lucille, ma cousine Diane, et évidemment Camélia, pour les longues heures de relecture de mon travail et surtout pour tout le reste. Ensuite Pit et Julian de leur aide fidèle et de leur amitié.

J’associe finalement toute l’équipe du CERIC à ces remerciements. Ses doctorants, actuels et anciens qui sont des amis, de même que l’ensemble de l’équipe pédagogique et administrative. J’exprime, enfin, toute ma reconnaissance à l’équipe du CDRE de Bayonne.

(18)
(19)

I

NTRODUCTION GENERALE

1. La chute de Rome fut l’effet naturel et inévitable de l’excès de sa grandeur. Sa prospérité mûrit, pour ainsi dire, les principes de décadence qu’elle renfermait dans son sein ; les causes de destruction se multiplièrent avec l’étendue de ses conquêtes ; et dès que le temps ou les événements eurent détruit les supports artificiels qui soutenaient ce prodigieux édifice, il succomba sous son propre poids1.

2. Près de deux millénaires ont désormais passé, sans que le vent de l’histoire efface l’intérêt que suscite encore le déclin de la Rome antique. Interpréter les événements contemporains à la lumière de cet épisode historique majeur nourrit parfois même la réflexion scientifique. La crise globale que traverse actuellement l’Union européenne a, par exemple, engendré un parallèle intéressant avec l’effondrement de la République romaine2. Il est ainsi permis d’avancer que

la crise que vit actuellement l’Union européenne n’est pas un événement nouveau dans l’histoire mondiale, mais ressemble dans ses particularités à la crise politique profonde traversée par la République romaine tardive. Tant à Rome qu’en Europe, la carence de facteurs identificatoires essentiels est l’un des éléments les plus poignants de la crise morale, humaine et matérielle que vivent ces deux sociétés3.

3. La situation de l’Union diffère toutefois en un élément essentiel du constat. Comme en témoignent l’article 2 TUE et les valeurs qu’il énonce4, les « facteurs identificatoires » précédemment mentionnés n’y représentent pas une « carence ». Ils constituent au contraire le cœur même du projet. Retenant les leçons du passé telles qu’enseignées par Edward Gibbon, les architectes successifs de l’édifice l’ont ainsi délibérément doté de supports qui ne sauraient être relégués au rang d’artifice. L’analyse rigoureuse du processus d’intégration européenne ne laisse d’ailleurs planer aucun doute

1 E. Gibbon, Histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain [1776], Tome 7, Nouvelle éd.

traduite par F. Guizot, Ledentu, Paris, 1828, p. 117.

2 Voir D. Engels, Le Déclin. La crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine.

Analogies historiques, Editions du Toucan, Paris, 2012.

3 D. Engels, Le Déclin. La crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine. Analogies

historiques, op. cit., Conclusion.

4 Article 2 TUE : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de

démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ».

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quant à la nature politique de ce projet. L’ordre juridique qui en est issu s’est agrégé autour d’un ferment identitaire dont les contours se sont progressivement révélés. Les valeurs qui le fondent et la préservation de leur intégrité composent, au regard de sa charte constitutionnelle, son identité et sa mission.

4. Après avoir mis en lumière la consistance du lien qui arrime les valeurs à l’Union européenne (Section 1), il conviendra de resituer plus précisément le contexte de la recherche (Section 2), avant d’en évoquer le cadre méthodologique (Section 3).

Section 1. Les valeurs de l’Union européenne, objet de l’étude

Section 2. La relation immanente entre l’Union européenne et ses valeurs Section 3. La thèse d’une Union européenne par les valeurs

S

ECTION

1.

L

ES VALEURS DE L

’U

NION EUROPEENNE

,

OBJET DE L

ETUDE

5. Jean-Paul Sartre le constatait justement : « pour que la valeur devienne l’objet d’une thèse, il faut que le pour-soi qu’elle hante comparaisse devant le regard de la réflexion »5. Avant de l’envisager en tant qu’« objet de thèse », définir une notion

largement caractérisée par sa nébulosité est indispensable. Loin de chercher à élaborer une théorie générale des valeurs, qui s’avérerait inutile à la poursuite de l’étude6, il convient d’abord de la décrire sommairement. Cette démarche suffira donc à en cerner les principales spécificités (§1.). Le cadre juridique de cette recherche impose ensuite évidemment de s’interroger quant à son rapport au droit (§2.), ce qui nécessite de la distinguer d’autres notions dont elle est particulièrement proche (§3.). Alors, il sera temps d’évoquer le lien qui réunit les valeurs et l’Union européenne (§4.). Ces quatre étapes franchies, les valeurs de l’Union pourront enfin être citées à comparaître devant « le regard de la réflexion » à l’œuvre dans le cadre de la présente recherche.

§1. La notion de valeur §2. Les valeurs et le droit

5 J.P. Sartre, L’être et le néant. Essai d’ontologie phénoménologie [1943], Gallimard, Paris, 2016, p. 131. 6 En ce sens, le Juge Jean-Claude Bonichot partage l’idée que si, historiquement, la Cour a bien réfléchi au

processus d’intégration européenne par rapport à une forme d’ « esprit du traité », elle n’a pas spécifi-quement réfléchi à ce qui constitue le concept de valeur lui-même (Entretien avec le Juge J.C. Bonichot, Luxembourg, 6 novembre 2014).

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§3. Les notions attenantes §4. Les valeurs dans l’Union

§1. La notion de valeur

6. L’omniprésence de la référence aux valeurs anime les sociétés contempo-raines avec une fréquence saisissante. Elle démontre un phénomène de systématisation généralisé aux champs les plus variés de la vie économique et professionnelle7, culturelle8 et sociale9 de chaque individu.

7. La place réservée au politique et au juridique dans l’organisation de ces sociétés les prédisposait à constituer un vecteur prépondérant de cette omniprésence. Dans le cadre national, dès son discours d’investiture, le Président de la République française définissait par exemple sa mission de la manière suivante : « faire vivre ensemble tous les Français sans distinction, autour des mêmes valeurs, celles de la République. Tel est mon impérieux devoir »10. Dans le contexte européen, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker estimait dans son Discours sur l’état de

l’Union du 14 septembre 2016 qu’une « partie intégrante de notre mode de vie européen

est constituée de nos valeurs. Les valeurs de liberté, de démocratie, l’état de droit. Les valeurs défendues des siècles durant sur les champs de bataille et sur des tribunes

7 Il est par exemple possible de recenser, au terme d’une recherche non exhaustive, une Charte des valeurs

dans les groupes AREVA, Eiffage, ou encore Panzani. Les groupes McDonald’s, L’Oréal, Samsung ont pour leur part dotés leurs sites internet d’une section dédiée aux valeurs que prétendent véhiculer et défendre ces entreprises.

8 La littérature, la poésie ou la chanson populaire l’illustrent, en langue française comme en langue anglaise,

de Victor Hugo à George Orwell, de Paul Eluard à Samuel Beckett, ou de Billie Holiday et Bob Dylan à Jean Ferrat et Maxime Le Forestier.

9 La récurrence de la mention des valeurs dans le domaine des organisations sportives y constitue par

exemple une véritable antienne. Le Comité International Olympique est ainsi doté d’un Programme

d’éducation aux valeurs olympiques

(https://www.olympic.org/fr/programme-valeurs-et-education-olympique). De la même manière, le Règlement de gouvernance de la Fédération Internationale de

Football indique que « l’objectif du Président doit être de s’assurer que les objectifs statutaires, la mission,

l’orientation stratégique, les politiques et les valeurs de la FIFA soient poursuivis de manière durable et soutenable » (http://resources.fifa.com/mm/document/affederation/administration/02/11/20/75/ forfrweb_french.pdf). Le jeu de rugby fournit enfin un dernier exemple intéressant, puisqu’il est doté, par l’organisme international World Rugby, d’une Charte du jeu énonçant « les valeurs fondamentales de World Rugby » (http://laws.worldrugby.org/downloads/World_Rugby_Laws_2016_FR.pdf).

10 F. Hollande, Discours de M. le président de la République - Cérémonie d’investiture, Paris, 15 mai 2012,

(http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-de-m-le-president-de-la-republique-ceremonie-d-investiture/).

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improvisées »11. A l’échelle planétaire, les rédacteurs et les signataires de la Déclaration

du Millénaire estimaient pour leur part que « certaines valeurs fondamen-tales doivent sous-tendre les relations internationales au XXIe siècle »12. Chacun de ces exemples, tiré d’une multitude inquantifiable, démontre la consistance du phénomène. Leur conjugaison témoigne également d’une forme d’instrumentalisation de la notion, facteur d’une dilution qui contribue à en obscurcir la signification.

8. Réfléchir au sens de la notion de « valeur » s’impose avec d’autant plus de nécessité que l’imprécision la caractérise. Ainsi, « le terme, couramment employé, n’est pas pour autant des plus définis ni des plus simples à définir. Plus précisément – et outre qu’il est rarement défini – le terme de valeur est susceptible d’une pluralité d’approches et de significations »13. La multiplicité avérée de ces usages se rejoint cependant en un carrefour. Celui représenté par la démarche subjective d’appréciation et d’évaluation inhérente à la notion elle-même. Qu’il s’agisse de déterminer la valeur marchande ou économique d’un bien ou d’identifier les valeurs d’un groupe social, le processus évaluatif dont ces valeurs sont issues représente le dénominateur commun à ces différents usages. Le second exemple mentionné retiendra évidemment l’attention dans le cadre de cette étude, laquelle privilégiera également une approche subjectiviste de la notion14.

Celle-ci renvoie aux valeurs perçues comme « l’expression d’une préférence personnelle en vue d’une fin digne d’efforts personnels »15.

9. La place tenue par l’individu dans la détermination des valeurs en constitue d’abord l’un des principaux marqueurs. En effet, « si la valeur ne peut faire l’objet de connaissance empirique, elle repose, pourtant, sur une expérience humaine élective et culturelle mais aussi sur la sensibilité et le vouloir, dans la mesure où elle est affirmée par

11 J.C. Juncker, Discours sur l’état de l’Union 2016 : Vers une Europe meilleure. Une Europe qui protège,

donne les moyens d’agir et défend, Strasbourg, 14 septembre 2016, SPEECH/16/3043.

12 ONU, AG, Déclaration du Millénaire, 8 septembre 2000, A/RES/55/2.

13 V. Constantinesco, « Les valeurs dans le Traité établissant une constitution pour l’Europe » in S. Besson,

F. Cheneval et N. Levrat (dir.), Des valeurs pour l’Europe ?, Academia Bruylant, Louvain la Neuve, 2008, p. 72.

14 Pour distinguer les différentes approches de la théorie des valeurs, voir notamment A. Ross, Introduction

à l’empirisme juridique, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 61-90 ; C. Grzegorczyk, La théorie générale des valeurs et le droit, LGDJ, Paris, 1982, p. 45 et s. ; C. Husson-Rochcongar, Droit international des droits de l’homme et valeurs. Le recours aux valeurs dans la jurisprudence des organes spécialisés, Bruylant,

Bruxelles, 2012, p. 7.

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le consentement et l’adhésion et qu’elle appelle une action extérieure qui ne cesse de l’attester »16. L’implication du sujet dans la détermination et le choix des valeurs implique

donc leur vocation nécessairement subjective. C’est le constat fameux que dressait Jean-Paul Sartre : « ma liberté est l’unique fondement des valeurs […] que rien, absolument rien, ne me justifie d’adopter telle ou telle échelle de valeurs. En tant qu’être par qui les valeurs existent je suis injustifiable. Et ma liberté s’angoisse d’être le fondement sans fondement des valeurs. […] C’est l’angoisse devant les valeurs qui est reconnaissance de l’idéalité des valeurs »17. Cette individualisation du choix des valeurs renvoie à ce que « l’ « épistémé » moderne dispose ainsi les choses que le monde des faits relève de démonstrations possédant une grande teneur cognitive, tandis que, à côté ou en arrière-plan, le monde des évaluations et des prescriptions relève de justifications affectées d’un coefficient de subjectivité. Les explications scientifiques, en effet, se réfèrent à la factualité de ce qui est, tandis que les justifications éthiques se réfèrent à l’idéalité de ce qui doit être. Cette idéalité est subjective en tant que visée »18.

10. L’expression du choix des valeurs emporte parallèlement des conséquences pratiques inhérentes à leur reconnaissance. Ainsi, « dès lors qu’elle existe en tant que valeur, la valeur implique […] automatiquement l’idée d’une effectuation, traduisant un passage du devoir-être à l’être, sans pour autant renvoyer à une rationalité qui lui serait extérieure. En ce sens, elle se présente comme une sorte de « référence », tirant sa validité de la reconnaissance subjective de ceux qui la reconnaissent en tant que valeur »19. Cette dimension normative intrinsèque à la définition de la notion de valeur laisse deviner certains aspects d’une approche plus juridique de la question.

16 W. Sabete, « De la complexité de détermination des valeurs fondatrices du droit ou suite humienne » in

M. Doat, J. Le Goff et P. Pédrot (dir.), Droit et complexité, pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2007, p. 387.

17 J.P. Sartre, L’être et le néant. Essai d’ontologie phénoménologique [1943], op. cit., p. 73.

18 J.M. Ferry, Valeurs et normes. La question de l’éthique, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles,

2002, p. 43-44.

19 C. Husson-Rochcongar, Droit international des droits de l’homme et valeurs. Le recours aux valeurs

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§2. Les valeurs et le droit

11. Une approche plus juridique des valeurs ne traduit pas, à première vue, de différence majeure avec la conception commune qui vient d’en être exposée. Selon le

Vocabulaire juridique, la valeur représente notamment « ce qui, de son point de vue, est

estimable, appréciable, désirable » ou, de manière plus générale, « ce qui […] est considéré comme bon, utile, digne d’estime »20. Aucune distinction notable ne ressort

donc de cette définition. Davantage qu’une conception particulière de la notion, c’est la nature de la relation entretenue par le droit et les valeurs qui en caractérise en réalité la spécificité. Leurs rapports tiennent de l’ordre du viscéral à différents égards. L’appréhension juridique de la notion permet même de résoudre une double contradiction tenant à la problématique de leur hiérarchisation (A.) et de leur collectivisation (B.).

A. La hiérarchisation des valeurs par le droit

12. Le recours à la notion de valeur dans un contexte juridique rencontre une première difficulté, liée à son sens profond. Celle-ci est « affectée de ce double caractère, que les moralistes ont fort incomplètement expliqué, d’être inconditionnel-lement et de n’être pas. En tant que valeur, en effet, la valeur a l’être ; mais cet existant normatif n’a précisément pas d’être en tant que réalité. Son être est d’être valeur, c’est-à-dire de ne pas être »21. Les systèmes juridiques contemporains s’attachent donc justement à réaliser une opération de formalisation des valeurs tout à fait essentielle. Celle-ci, au sens premier, ressort du for interne de l’être par qui les valeurs existent. Elle consiste à édicter les règles de conduite qui confèrent une portée concrète à ces valeurs au sein d’une société. Paradoxalement, et au terme de cette opération, les valeurs perdent leur caractère purement axiologique puisque leur fondement se trouve dans la norme juridique désormais consacrée.

13. L’opération est pourtant essentielle. En donnant une consistance à la valeur concernée, la norme juridique opère une distinction que la notion même de « valeur »

20 G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 8ème éd., Paris, 2007, p. 952.

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appelle. Expression d’un choix subjectif, celle-ci se détermine nécessairement par rapport à d’autres valeurs parfois antinomiques. Il apparaît, sous cet angle,

une nette différence entre le discours sur le réel et le discours sur des valeurs. En effet, ce qui s’oppose au vrai ne peut être que faux, et ce qui est vrai ou faux pour certains doit l’être pour tous : on n’a pas à choisir entre le vrai et le faux. Mais ce qui s’oppose à une valeur ne cesse pas d’être une valeur, même si l’importance qu’on lui accorde, l’attachement qu’on lui témoigne, n’empêchent pas, éventuellement, de la sacrifier pour sauvegarder la première. Rien ne garantit d’ailleurs que la hiérarchie des valeurs de l’un sera reconnue par un autre22.

La formalisation des valeurs exige donc une démarche parallèle de hiérarchisation. Elle se révèle d’autant plus indispensable que la concurrence entre des valeurs potentiellement antinomiques est susceptible de bousculer la cohérence du corps social23.

B. L’appropriation collective des valeurs par le droit

14. Au-delà de cette œuvre de hiérarchisation des valeurs, le droit permet de surmonter une autre contradiction, inhérente à leur appréhension dans une perspective sociétale. Jean-Paul Sartre résumait, de nouveau parfaitement, cette délicate équation dans les termes suivants :

j’émerge seul et dans l’angoisse en face du projet unique et premier qui constitue mon être, toutes les barrières, tous les garde-fous s’écroulent, néantisés par la conscience de ma liberté : je n’ai ni ne puis avoir recours à aucune valeur contre le fait que c’est moi qui maintiens à l’être les valeurs ; rien ne peut m’assurer contre moi-même, coupé du monde et de mon essence par ce néant que je suis, j’ai à réaliser le sens du monde et de mon essence : j’en décide, seul, injustifiable et sans excuse24.

15. La vocation structurante des valeurs semble, au regard de ces considérations et, compte tenu de la nature profondément personnelle dont leur détermination est issue, sujette à caution. La référence aux valeurs anime pourtant, ainsi que cela a déjà été

22 Charles Perelman, Logique juridique. Nouvelle réthorique, Dalloz, Paris, 1999, p. 101.

23 Cette opération revêt une importance telle, que certains estiment même que « les hiérarchies de valeurs

sont, sans doute, plus importantes au point de vue de la structure d’une argumentation que les valeurs elles-mêmes. En effet, la plupart de celles-ci sont communes à un grand nombre d’auditoires. Ce qui caractérise chaque auditoire, c’est moins les valeurs qu’il admet, que la manière dont il les hiérarchise » (Chaïm Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, Traité de l’argumentation, Editions de l’Université de Bruxelles, 6ème éd.,

Bruxelles, 2008, p. 109).

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précisé, les sociétés contemporaines avec une ampleur peu commune. Il est d’ailleurs avéré que « la valeur comprend nécessairement un aspect collectif, puisqu’il s’agit d’édicter un système de valeurs qui a vocation à déterminer le juste de l’injuste, et ainsi à permettre de poser un cadre éthique et moral pour une société donnée »25. Le rôle des systèmes juridiques est en réalité prépondérant en la matière. Ils représentent un vecteur essentiel de la collectivisation des valeurs par un processus de juridicisation. Soulevant alors le même paradoxe qu’en ce qui concerne leur opération de hiérarchisation, celles-ci échapperont en un sens à leur condition axiologique puisque leur fondement se trouvera désormais dans la norme juridique qui assure leur diffusion au sein d’une société donnée26.

16. Le Professeur Grzegorczyk a dénoncé cet écueil en soulignant que « les juristes, confrontés à la théorie des valeurs, ont l’habitude d’adopter l’une des deux attitudes générales. La première est d’essayer de contourner la difficulté, en enfermant les valeurs à l’intérieur du système normatif, à en faire des valeurs infra-juridiques dérivées des normes et subordonnées à celles-ci. La seconde est de faire appel à la Morale, pour donner aux normes une assise externe plus stable »27. Le caractère axiologique de la

valeur ainsi juridicisée apparaît alors, comme le rappelle le Professeur Grzegorczyk, objectivement contestable. Cet argument ne doit pourtant pas conduire à se désintéresser d’elle. La spécificité du contenu de la norme par laquelle est réalisée une telle opération est en effet susceptible de la parer d’une aura particulière, et de la distinguer d’autres normes plus ordinaires. Cette spécificité lui confère un caractère extraordinaire, justement lié à la relation particulière qui unit la norme avec les valeurs qu’elle proclame ou dont elle assure la diffusion au sein d’une société donnée. Il n’est donc pas artificiel de considérer que cette norme ne rompt pas tout à fait le lien avec le monde idéal des valeurs. Ce point de vue ne peut, par ailleurs, pas être négligé dans le cadre de cette étude. La première attitude décrite par le Professeur Grzegorczyk illustre en effet parfaitement

25 C. Blanc-Fily, Valeurs dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Essai

critique sur l’interprétation axiologique du juge européen, Bruylant, Bruxelles, 2016, p. 22.

26 A propos de la collectivisation des valeurs, le Professeur Raymond Polin souligne d’ailleurs qu’ « une

valeur est sociétale dès qu’elle n’exprime plus une invention personnelle et spontanée de transcendance, dès qu’elle vaut pour les autres, dans la mesure où elle leur est imposée, soit que les autres la réévaluent, et la choisissent, se l’imposent de façon autonome, soit qu’ils l’acceptent comme un donné transcendant nécessaire. Les valeurs sociales se confondent par conséquent avec des normes obligatoires » (R. Polin, La

création des valeurs, Librairie philosophique, 3ème éd., Paris, 1977, p. 227). 27 C. Grzegorczyk, La théorie générale des valeurs et le droit, op. cit., p. 27.

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la démarche communautaire de proclamation des valeurs, par l’article 2 TUE, dont il a déjà été question. Le biais théorique qu’elle impose ne saurait pour autant priver les valeurs qu’il consacre de leur caractère indéniablement axiologique.

17. Cette étude des valeurs dans l’Union européenne adoptera donc une approche

perelmanienne de la question, concevant les valeurs « à l’intérieur du système positif » et

procédant ainsi « à une sécularisation, à une intégration immanente de ce qui relevait auparavant d’une source transcendante »28.

§3. Les notions attenantes

18. L’indétermination caractérisant le recours à la notion de valeur dans le langage courant s’explique notamment par la proximité qu’elle entretient avec un certain nombre de notions périphériques. Le contexte juridique de l’étude impose de les distinguer rigoureusement car les valeurs sont destinées à produire des effets concrets au sein de l’Union européenne. Il ne s’agit évidemment pas de prétendre à l’exhaustivité. Il convient en revanche de différencier la notion de valeur d’autres notions qui, dans le contexte de l’Union, sont susceptibles d’entretenir une confusion préjudiciable à leur appréhension. Les distinctions en question relèvent cependant souvent de la nuance tant les notions s’interpénètrent et se substituent même, parfois, les unes aux autres dans le langage courant, y compris juridique. C’est ce que souligne Ronald Dworkin lorsqu’il plaide pour l’ « unité de la sphère axiologique » et souligne que « les valeurs éthiques et morales dépendent les unes des autres »29.

Les valeurs et l’éthique

19. Les valeurs doivent d’abord être dissociées de la notion d’éthique. Celle-ci représente une conception réfléchie d’un « art de la vie heureuse »30. Elle engage

l’individu à s’interroger, afin d’atteindre cet état idéal, sur la justification de son action. A ce titre, « elle peut – et même doit – admettre les cheminements divers vers la même

28 A. Lempereur, « Introduction. Perelman ou la vie rhétorique du droit » in Chaïm Perelman, Ethique et

droit, Editions de l’Université de Bruxelles, 2ème éd., Bruxelles, 2011, p. 16.

29 R. Dworkin, Justice pour les hérissons. La vérité des valeurs, Labor et Fides, Genève, 2015, p. 13. 30 C. Grzegorczyk, La théorie générale des valeurs et le droit, op. cit., p. 30.

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finalité qu’est la vie heureuse. Le jugement personnel est sa base même, il est irréductible et, par conséquent, il peut en contredire un autre, provenant d’un individu différent. La vérité éthique est une vérité individuelle, et le centre de la problématique est constitué par le concept de la controverse axiologique »31. Cette controverse rassemble donc l’éthique et les valeurs, de même que leur caractère réflexif.

20. Cependant, la réflexion relative à l’éthique implique nécessairement de raisonner dans le cadre d’un système et d’une conjugaison de facteurs. Celle relative aux valeurs peut en revanche être menée dans un cadre parfaitement singulier et individualisé. Alors qu’il est, par exemple, possible de concevoir indépendamment les valeurs de liberté, d’égalité ou de solidarité, la conception de l’éthique impose de les envisager en termes systémiques. Ainsi,

le monde éthique se structure comme un système de valeurs, lesquelles délimitent en même-temps les contours normatifs du monde commun. C’est-à-dire que les valeurs ont à la fois le statut de limites axiologico-sémantiques définissant une certaine compréhension du monde […] et la fonction de normes éthico-juridiques régulant les interactions sociales à l’intérieur de la communauté où cette compréhension est partagée32.

Les valeurs et la morale

21. La notion de morale participe elle aussi à la réflexion sur les valeurs, à tel point que, dans le droit du Conseil de l’Europe, « les termes de valeurs et de morale sont souvent utilisés de manière conjointe »33. Elles doivent pourtant être distinguées,

notamment au regard d’un élément de clivage majeur.

22. La morale se caractérise en effet par ses « sources transcendantes ». Elle ne supporte, de fait, « pas la contradiction […], une même action ne pouvant à la fois être bonne et mauvaise »34. Au contraire de la valeur qui se caractérise justement par le processus évaluatif qui la fonde, et par son éventuelle hiérarchisation face à des valeurs concurrentes, la morale socialement reconnue n’est pas sujette à argumentation. Elle

31 Ibid.

32 J.M. Ferry, Valeurs et normes. La question de l’éthique, op. cit., p. 46.

33 C. Blanc-Fily, Valeurs dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Essai

critique sur l’interprétation axiologique du juge européen, op. cit., p. 20-21.

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s’impose à l’individu sans forcément réclamer son adhésion. Ainsi, « la morale est une et indivisible, et seules les circonstances peuvent justifier la variabilité des solutions, car elle s’adresse à tous sans différences. Et peu importe d’ailleurs que cette morale soit issue du commandement divin ou de l’impératif de la raison commune à tous les individus (ou encore d’une nature humaine identique chez tous les sujets), l’essentiel est que le jugement moral individuel n’ait qu’une importance secondaire »35. Elle revêt donc un caractère dont l’essence contraignante la distingue de la valeur. L’immanence de la morale est étrangère à la notion de valeur.

Les valeurs et les normes

23. Les valeurs et les normes forment, pour leur part, « un monde ontologiquement différent du monde des faits »36. Elles partagent donc un univers apparemment commun. Pourtant, « bien qu’elles soient ontologiquement apparentées », elles « n’ont cependant pas la même nature logique »37. Contrairement à celle de la valeur, la validité de la norme est provisoire et étroitement liée au système ou à la société au sein de laquelle elle s’inscrit. Elle n’est en revanche pas conditionnée par son contenu qui devient, au terme de son processus d’adoption, tout à fait secondaire. Parallèlement, l’affirmation de la valeur ne résulte « ni d’une nécessité logique, ni d’une universalité expérimentale, la valeur n’est ni universelle ni nécessaire : elle est, logiquement et expérimentalement, arbitraire. C’est d’ailleurs parce qu’elle est arbitraire, donc précaire, que la valeur se distingue de la réalité. De même que la norme suppose la liberté, la valeur suppose un arbitraire »38. Enfin, et au-delà des questions de nature et de validité qui les séparent,

normes et valeurs diffèrent également au regard des effets qu’elles produisent. En effet, « les normes en vigueur obligent leurs destinataires, sans exception et de la même manière, à adopter une attitude satisfaisant à des attentes de comportement généralisées, tandis que les valeurs doivent s’entendre comme des préférences intersubjectivement partagées »39.

Les valeurs et les principes

35 Ibid.

36 J.M. Ferry, Valeurs et normes. La question de l’éthique, op. cit., p. 45. 37 Ibid., p. 47.

38 Chaïm. Perelman, Ethique et droit, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2011, p. 85. 39 J. Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, op. cit., p. 278.

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24. Une fois distinguée la notion de valeur de celles d’éthique, de morale, et de norme, il convient enfin de la différencier de celle de principe.

25. L’opération est sans doute plus complexe au regard de leur proximité qui s’illustre aussi bien dans la doctrine que dans la pratique juridique. A tel point que les deux notions sont bien souvent considérées à l’usage comme synonymes40. Elles partagent notamment une nature métajuridique qui les conduit tantôt à fonder la règle de droit, tantôt à la légitimer, sans être organiquement liées au système juridique au sein duquel s’applique cette règle. Leur intégration au droit positif est donc tributaire d’une opération similaire de juridicisation41.

26. Ces caractéristiques communes ne justifient pourtant pas l’assimilation des deux notions qui diffèrent sous certains aspects non négligeables.

27. En premier lieu, la valeur se démarque par son caractère davantage intellectualisé qui lui confère une autorité morale mieux affirmée. En revanche, l’indétermination relative mais consubstantielle de sa texture lui confère une détermi-nation moindre. A l’inverse, les principes nourrissent une vocation plus technique et opératoire. Ils structurent l’action et informent, de manière juridiquement sanctionnée, les comportements collectifs ou individuels. Ils constituent d’ailleurs, au sein des

40 Le Professeur Denys Simon le souligne notamment à propos du système juridique de l’Union européenne

au sein duquel « sont alternativement ou cumulativement employées les expressions de « principe généraux de/du droit », « principes généraux du droit communautaire », « principes fonda-mentaux du droit communautaire », « principe élémentaire du droit », « dispositions juridiques fondamentales de la Communauté », « exigence fondamentale », voire les formules plus laconiques de « principe général » ou seulement de « principe », sans que ce foisonnement sémantique n’ait de véritable signification juridique » (D. Simon, « Y a-t-il des principes généraux du droit communautaire ? », Droits, 1991, n° 14, p. 74).

Sur la question, voir aussi Le droit de l’Union européenne en principes. Liber amicorum en l’honneur de

Jean Raux, Apogée, Rennes, 2006 ; J.M. Pontier, « Considérations générales sur les principes et le droit » in J.M. Pontier, Les principes et le droit, Presses universitaires d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence, 2007,

p. 10-20.

41 Le Professeur Frank Moderne estimait ainsi que « des principes extrajuridiques puissent influer sur un

système de droit et s’y intégrer en tant que « principes généraux du droit » ne saurait faire oublier que leur origine doit être recherchée en dehors du droit lui-même et qu’ils se prêtent de ce fait à polémique quant à la nécessité ou à l’effectivité de leur « juridicisation », c’est-à-dire de leur insertion dans le droit positif » (F. Moderne, « Actualité des principes généraux du droit » in P. Avril et M. Verpeaux (dir.), Les règles et

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systèmes juridiques, un vecteur nécessaire de transition entre la valeur et la norme dans la mesure où ils sont opposables juridiquement. Ainsi,

si les valeurs se définissent comme des émotions et des préférences qui ne sont ni vraies ni fausses et ne font l’objet d’aucune connaissance objective, les principes gravent ces choix éthiques dans le marbre du droit positif au point de se présenter à la science du droit, par l’intermédiaire des énoncés qui en sont porteurs, comme un objet connaissable. Tandis que les valeurs [restent] métajuridiques, les principes qui en sont le reflet s’insèrent dans le droit positif42.

§4. Les valeurs dans l’Union

28. Les valeurs sont indissociables de l’Union européenne. La profondeur de la relation qu’elles entretiennent apparaît d’ailleurs à l’issue d’une observation rapide, tant les traités qui fondent l’Union leur ménagent une place particulière (A). Celle-ci s’explique par le caractère essentiel des valeurs dans le façonnement d’une identité propre à l’Union (B).

A. La manifestation des valeurs dans l’Union

29. L’Union européenne ne dément pas l’omniprésence des valeurs, qui caractérise les sociétés contemporaines. Bien au contraire, elle s’y réfère désormais ouvertement. Chercher à les identifier suscite pourtant en premier lieu « une réelle perplexité […] à raison de la difficulté que l’on éprouve à définir ce que l’on entend par valeur »43.

30. La définition sommaire de la notion, dont les contours abstraits viennent d’être esquissés, éclaire donc la démarche communautaire sous un jour intéressant. Elle aide à poser les jalons essentiels de l’identification des valeurs de l’Union, préalable nécessaire à l’amorce de l’étude. L’attitude de l’Union européenne vis-à-vis des valeurs qu’elle revendique comme fondatrices correspond en effet parfaitement à celle, déjà citée, qui

42 J. Andriantsimbazovina et al. (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, 1ère éd., PUF, Paris, 2008,

p. 972.

43 L. Dubouis, « Conclusions » in L. Potvin-Solis (dir.), Les valeurs commmunes dans l’Union européenne,

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consiste à enfermer « les valeurs à l’intérieur du système normatif, à en faire des valeurs infra-juridiques dérivées des normes et subordonnées à celles-ci »44.

31. Si les valeurs ont toujours imprégné les textes communautaires, dont se dégageait indéniablement une forme d’ « esprit » de l’intégration, elles n’ont été mises en avant clairement qu’au terme d’un processus progressif de juridicisation45 qui correspond à la démarche décrite par le Professeur Grzegorczyk. La Charte des droits fondamentaux comme le traité sur l’Union européenne identifient aujourd’hui précisément un noyau dur de valeurs fondatrices dont les deux textes précisent les effets juridiques potentiels. Cette dimension fondatrice est expressément et systématiquement revendiquée. Elle renvoie au caractère essentiel des valeurs énoncées, qui sont d’ailleurs appelées à jouer un rôle concret sur des aspects fondamentaux du fonctionnement de l’Union. La portée symbolique, juridique et politique des différents articles des traités qui les mentionnent en témoigne. La notion de valeur exerce notamment une influence sur des questions aussi essentielles que celles des objectifs de l’Union46, du prononcé d’éventuelles sanctions à l’encontre d’Etats membres qui menaceraient leur intégrité47, des relations que l’Union tisse avec son voisinage48, ou encore des modalités de la

possible adhésion d’un Etat tiers à l’Union européenne49.

B. Les valeurs et l’identité de l’Union

32. La place des valeurs dans l’Union souligne leur influence considérable sur la détermination d’une identité spécifique à cette Union. Ce processus de structuration et d’affirmation identitaire ne peut faire ici l’objet que d’une évocation cursive, compte tenu

44 C. Grzegorczyk, La théorie générale des valeurs et le droit, op. cit., p. 30. 45 Voir infra Première Partie, Titre I, Chapitre II.

46 Article 3§1 TUE : « L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses

peuples ».

47 Article 7§1 TUE : « Sur proposition motivée d’un tiers des États membres, du Parlement européen ou

de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu’il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l’article 2 […] ».

48 Article 8§1 TUE : « L’Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue

d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur les valeurs de l’Union et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération ».

49 Article 49 TUE : « Tout État européen qui respecte les valeurs visées à l’article 2 et s’engage à les

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